Language of document : ECLI:EU:T:2014:1003

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 novembre 2014 (*)

« Recours en annulation – Concurrence – Ententes – Marché européen de l’acier de précontrainte – Fixation des prix, partage du marché et échange d’informations commerciales sensibles – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE – Décision modifiant la décision initiale sans incidence sur le montant de l’amende infligée à la requérante – Défaut d’intérêt à agir – Irrecevabilité manifeste partielle »

Dans les affaires jointes T‑427/10 et T‑576/10 et dans l’affaire T‑439/12,

Trefilerías Quijano, SA, établie à Los Corrales de Buelna (Espagne), représentée, dans les affaires T-427/10 et T-576/10, par Mes F. González Díaz et A. Tresandi Blanco, et, dans l’affaire T-439/12, initialement par Mes González Díaz et P. Herrero Prieto, puis par Mes González Díaz et Tresandi Blanco, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre et V. Bottka ainsi que, dans l’affaire T-439/12, par M. C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents, assistés de Me L. Ortiz Blanco, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes d’annulation et de réformation de la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte), par la décision C (2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010 et par la décision C (2011) 2269 final de la Commission, du 4 avril 2011, ainsi que de la lettre COMP/G2/DVE/nvz/79465 du directeur général de la concurrence de la Commission, du 25 juillet 2012,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. M. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        En adoptant sa décision C (2010) 4387 final, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte ; ci-après la « décision initiale »), sanctionnant une entente entre des fournisseurs d’acier de précontrainte qui ont pris part à des opérations de fixation de quotas, de partage de clientèle, de fixation des prix et d’échange d’informations commerciales sensibles portant sur les prix, les volumes et les clients sur les plans européen, régional et national, la Commission européenne a, notamment, considéré que la requérante, Trefilerías Quijano, SA, avait enfreint l’article 101 TFUE et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, du 15 décembre 1992 au 19 septembre 2002, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées dans le secteur de l’acier de précontrainte dans le marché intérieur et, à partir du 1er janvier 1994, au sein de l’EEE [article 1er, point 3, sous b), de la décision initiale].

2        En conséquence, la Commission a infligé à la requérante, solidairement avec Global Steel Wire SA, Trenzas y Cables de Acero PSC, SL et Moreda-Riviere Trefilerías, SA, une amende d’un montant de 4 190 000 euros [article 2, point 3, sous a), de la décision initiale].

3        Le 30 septembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 6676 final amendant la décision initiale (ci-après la « première décision modificative »). La première décision modificative a eu pour effet de diminuer le montant des amendes imposées à certaines sociétés destinataires de la décision initiale. Le montant de l’amende infligée à la requérante ainsi que l’étendue de la solidarité de cette dernière avec les autres sociétés condamnées au paiement de ladite amende sont, en revanche, demeurés inchangés.

4        Enfin, le 25 juillet 2012, le directeur général de la direction générale (DG) de la concurrence de la Commission a adressé à la requérante la lettre COMP/G2/DVE/nvz/79465 (ci-après la « lettre du 25 juillet 2012 »), dans laquelle il a rejeté la demande de la requérante tendant à la réappréciation de sa capacité contributive au sens du paragraphe 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2).

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2010, la requérante a introduit un premier recours, dirigé contre la décision initiale (affaire T‑427/10).

6        Par mémoire enregistré au greffe du Tribunal le 14 décembre 2010 dans l’affaire T‑427/10, la requérante a demandé à être autorisée à adapter ses moyens et ses conclusions à la suite de l’adoption de la première décision modificative.

7        Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit un deuxième recours, dirigé contre la première décision modificative (affaire T‑576/10).

8        Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 3 mars 2011, les affaires T‑427/10 et T‑576/10 ont été jointes aux fins de la procédure écrite, de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

9        Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 5 octobre 2012, la requérante a introduit un troisième recours, dirigé contre la lettre du 25 juillet 2012 (affaire T‑439/12).

10      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 19 mars 2014, les affaires jointes T‑427/10 et T‑576/10 et l’affaire T‑439/12 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure.

11      Dans l’affaire T‑427/10, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision initiale ;

–        à titre subsidiaire, annuler ou réduire le montant de l’amende infligée dans la décision initiale ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      Dans le mémoire comportant la demande d’adaptation des moyens et des conclusions présentés dans l’affaire T‑427/10, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision initiale ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la première décision modificative.

13      Dans l’affaire T‑576/10, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la première décision modificative ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la première décision modificative ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      Dans l’affaire T‑439/12, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la lettre du 25 juillet 2012 ;

–        ordonner à la Commission de produire certains documents ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Dans les affaires T‑427/10, T‑576/10 et T‑439/12, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application de cet article, de statuer sans poursuivre la procédure.

17      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé ; il doit également perdurer jusqu’au moment de la décision juridictionnelle (voir arrêts du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée, et du 11 mars 2009, TF1/Commission, T‑354/05, Rec, EU:T:2009:66, point 84 et jurisprudence citée ; ordonnance du 26 mars 2014, Adorisio e.a./Commission, T‑321/13, EU:T:2014:175, point 20).

18      Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques ou, en d’autres termes, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec, EU:T:2004:275, point 44 et jurisprudence citée ; ordonnance Adorisio e.a./Commission, point 17 supra, EU:T:2014:175, point 21).

19      Il convient de constater d’emblée que l’adoption de la première décision modificative par la Commission n’a entraîné aucune conséquence sur le montant de l’amendes infligée dans la décision initiale à la requérante ou sur l’étendue de la responsabilité des sociétés condamnées solidairement avec la requérante au paiement de ladite amende.

20      Or, les moyens invoqués par la requérante à l’encontre de la première décision modificative sont relatifs à la compétence de la Commission pour adopter une telle décision, à la régularité de la procédure d’adoption, à la violation du principe d’égalité constituée, selon la requérante, par le nouveau délai de paiement dont ont bénéficié les sociétés dont les amendes ont été modifiées dans la première décision modificative ainsi qu’à la motivation de cette dernière décision. La requérante ne soutient pas, en revanche, à l’appui de sa demande d’annulation totale, ou, subsidiairement, partielle, de la première décision modificative, que celle-ci comporte par elle-même des erreurs relatives au montant des amendes, que cette décision a laissé inchangé, et que ce montant aurait dû être réduit par rapport à celui qui résulte de la décision initiale telle que modifiée par la première décision modificative.

21      Il s’ensuit que, à supposer même qu’il soit fait droit à l’un ou à l’autre des moyens présentés à l’appui des conclusions dirigées contre la première décision modificative et que le Tribunal constate l’illégalité de celle-ci, l’annulation de cette décision n’entraînerait aucune conséquence sur le montant des amendes infligées à la requérante ni sur le délai de paiement dont ces amendes ont été assorties, lequel résulte de la décision initiale. Par suite, la requérante ne retirerait aucun bénéfice de l’annulation de la première décision modificative. Au demeurant, force est de constater que, en dépit de la contestation de son intérêt par la Commission dans le mémoire en défense, la requérante est restée en défaut d’indiquer les raisons pour lesquelles elle serait susceptible de retirer le moindre bénéfice de l’annulation de la première décision modificative.

22      Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas d’intérêt à agir à l’encontre de la première décision modificative et que tant les moyens et les conclusions présentés dans l’affaire T‑427/10 en ce qui concerne ladite décision que le recours dans l’affaire T‑576/10 doivent être rejetés comme manifestement irrecevables, sans qu’il soit besoin de statuer sur l’exception de litispendance opposée par la Commission.

23      Le surplus des conclusions et des moyens présentés dans l’affaire T‑427/10 ainsi que les conclusions et les moyens présentés dans l’affaire T‑439/12 sont réservés.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ce qui concerne ses conclusions dirigées contre la première décision modificative dans les affaires T‑427/10 et T‑576/10, il y a lieu de la condamner aux dépens qui y sont afférents, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Dans l’affaire T‑427/10, les conclusions tendant à l’annulation partielle de la décision C (2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010, amendant la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte), sont rejetées comme manifestement irrecevables.

2)      Dans l’affaire T‑576/10, le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

3)      Le surplus des moyens et des conclusions est réservé.

4)      Trefilerías Quijano, SA est condamnée aux dépens afférents aux moyens et aux conclusions dirigés contre la décision C (2010) 6676 final de la Commission, du 30 septembre 2010, amendant la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) (affaire COMP/38344 – Acier de précontrainte) présentés dans l’affaire T‑427/10 ainsi qu’aux dépens de l’affaire T‑576/10.

Fait à Luxembourg, le 25 novembre 2014.

Le greffier

 

      Le président

E.  Coulon

 

      S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : l’espagnol.