Language of document : ECLI:EU:T:2004:197

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)
30 juin 2004 (1)

« Marque communautaire – Procédure d'opposition – Marques antérieures verbales DIESEL – Demande de marque communautaire figurative DIESELIT – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l'affaire T-186/02,

BMI Bertollo Srl, établie à Pianezze San Lorenzo (Italie), représentée par Mes F. Tedeschini, M. Pinnarò, P. Santer, V. Corbeddu et M. Bertuccelli, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. O. Montalto, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'OHMI du 19 mars 2002 (affaire R 525/2001-3), relative à une procédure d'opposition entre BMI Bertollo Srl et Diesel SpA,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),



composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juin 2002,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2002,

vu le mémoire en réponse de l'intervenant Diesel SpA déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2002,

à la suite de l'audience du 4 février 2004,

rend le présent



Arrêt




Antécédents du litige

1
Le 17 juillet 1998, BMI Bertollo Srl a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2
La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe reproduit ci-après, qui, selon la description des couleurs contenue dans la demande, est de couleur rouge.

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3
Les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 7, 11 et 21 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

classe 7 : « Fers à repasser » ;

classe 11 : « Chaudières de repassage (ni machines, ni parties de machines) » ;

classe 21 : « Planches à repasser ».

4
Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 55/99, du 12 juillet 1999.

5
Le 7 octobre 1999, la société Diesel SpA a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de cette marque communautaire. L’opposition était formée à l’encontre de tous les produits visés par la demande de marque. Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. L’opposition était fondée sur l’existence, d’une part, d’une marque nationale n° 686092, enregistrée en Italie le 23 août 1996 pour désigner tous les produits et les services des classes 1 à 42 de l’arrangement de Nice, précité, et, d’autre part, d’une marque communautaire n° 743401, enregistrée le 27 avril 1999, pour désigner tous les produits des classes 11, 19, 20 et 21 dudit arrangement. Ces deux marques antérieures (ci-après les « marques antérieures ») sont constituées du signe verbal DIESEL.

6
L’opposition était fondée sur une partie des produits et des services couverts par les marques antérieures, à savoir :

classe 7 : « Machines et machines-outils ; moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements et organes de transmission (à l’exception de ceux pour véhicules terrestres) ; instruments agricoles autres que ceux actionnés manuellement ; couveuses pour les œufs » ;

classe 11 : « Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires » ;

classe 21 : « Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine (ni en métaux précieux, ni en plaqué) ; peignes et éponges ; brosses (à l’exception des pinceaux) ; matériaux pour la brosserie ; matériel de nettoyage ; paille de fer ; verre brut ou mi-ouvré (à l’exception du verre de construction) ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes ».

7
Par décision du 28 février 2001, la division d’opposition a accueilli l’opposition et a, par conséquent, refusé l’enregistrement de la marque demandée, au motif qu’il existait un risque de confusion en Italie pour les produits appartenant aux classes 11 et 21 et que, étant donné la ressemblance accentuée entre les signes et le rapport entre les signes et les produits dans l’appréciation de la confusion, un risque de confusion existait également pour les « fers à repasser » de la requérante qui présentent une certaine similitude avec les produits de l’intervenante.

8
Le 8 mai 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre de l’article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

9
Par décision du 19 mars 2002 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours a rejeté le recours. En substance, la chambre a considéré que, en tenant compte de la nature intrinsèque des marques antérieures et de la forte similitude entre les marques, ainsi que de l’identité ou de la similitude entre les produits revendiqués, il existait, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion dans l’esprit du public de référence dans le territoire sur lequel les marques antérieures sont protégées.


Conclusions des parties

10
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

faire droit à la demande de marque communautaire.

11
L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

12
L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

confirmer la décision attaquée et rejeter la demande d’enregistrement de la marque DIESELIT ;

condamner la requérante aux dépens.

13
Lors de l’audience, la requérante a renoncé au deuxième chef de ses conclusions, visant à ce que soit ordonné l’enregistrement de la marque demandée, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.


En droit

14
La requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, respectivement, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’une violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du même règlement et, à titre subsidiaire, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

15
En premier lieu, la requérante fait valoir que les marques antérieures DIESEL n’ont pas de caractère distinctif élevé par rapport au type de produits concernés par ces marques, contrairement à ce que la chambre de recours a constaté.

16
En effet, selon la requérante, si un terme d’usage courant, comme le mot « diesel », ne présente pas nécessairement de lien lexical direct avec certains produits revendiqués, par exemple des vêtements, il peut, en revanche, suggérer un lien conceptuel ou lexical lorsqu’il se rapporte à des produits appartenant à d’autres classes également revendiquées pour le même signe, par exemple des types de machine, étant donné que le mot « diesel » désigne un type de moteur. Selon la requérante, la chambre de recours aurait dû évaluer la portée descriptive du signe DIESEL pour les produits contenus dans les classes 7, 11 et 21, parmi lesquels se trouvent, notamment, les « moteurs », « accouplements et organes de transmission », « instruments agricoles » et « appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de distribution d’eau », et aurait dû admettre qu’il existe un lien lexical ou une connotation descriptive pour ces produits.

17
Partant, selon la requérante, une marque constituée du mot « diesel », lorsqu’elle est associée à des ustensiles ou à des outils constitués de « machines », acquiert une connotation générique et purement descriptive, évoquant un lien parfaitement naturel et banal entre les produits et le signe. Une marque descriptive serait une marque faible se voyant reconnaître un caractère distinctif moindre et, partant, une moindre protection en cas de prétendue confusion avec une autre marque. En particulier, la marque faible ne se verrait pas reconnaître une protection exclusive et totale dans la mesure où au signe en question sont ajoutés des variantes ou modifications par rapport au terme d’usage courant, comme c’est le cas en l’espèce pour le signe DIESELIT. La requérante se réfère à la jurisprudence nationale selon laquelle les marques faibles sont des signes conceptuellement liés aux produits ou constitués de termes d’usage courant qui ne peuvent faire l’objet d’un droit d’appropriation exclusif et total. La requérante rappelle que le champ d’application plus large de la marque communautaire implique qu’il est encore plus strictement interdit d’enregistrer des noms et des signes génériques et descriptifs, appartenant au vocabulaire des divers États membres.

18
La requérante ajoute que, pour le public concerné, constitué, par exemple, de femmes au foyer généralement peu instruites en matière de moteurs de tous types, le signe DIESEL, associé à des ustensiles et à des machines pour la maison, pourra évoquer un lien purement descriptif.

19
Selon la requérante, pour qualifier une marque de forte, il ne doit pas exister, dans l’opinion des consommateurs, de relation entre cette marque et les termes désignant les produits auxquels elle s’applique. Pour obtenir une protection, une marque ne doit coïncider ni avec la description générique du produit visé ni avec la description d’un produit différent que les consommateurs pourraient cependant assimiler ou associer au premier.

20
Par conséquent, selon la requérante, l’affirmation selon laquelle les marques antérieures DIESEL constituent des marques fortes même lorsqu’elles se trouvent associées à des produits qui peuvent évoquer, pour le public de référence, un lien avec la signification du mot supposait une comparaison, produit par produit, à laquelle la chambre de recours a fait référence, mais à laquelle elle n’a pas procédé.

21
Or, l’énonciation d’un principe sans explication rendrait la décision attaquée illégale pour défaut de motivation. En effet, selon la requérante, il lui est impossible d’identifier les motifs pour lesquels le principe énoncé a été appliqué, de même qu’il est impossible de reconstituer le raisonnement ayant abouti à la décision attaquée.

22
En deuxième lieu, la requérante fait valoir qu’il n’y a pas de similitude phonétique ou visuelle entre la marque demandée et les marques antérieures.

23
Quant à la comparaison phonétique, le signe DIESELIT pourrait produire, surtout pour le public visé, un double résultat phonétique (« dieselit » ou « diselit »). Selon la requérante, étant donné que l’italien possède des accents aphones, indépendamment de la prononciation italienne ou anglo-saxonne du mot, la phonétique aboutirait, dans tous les cas de figure, à un résultat totalement différent du mot « diesel ». Si l’on voulait indiquer l’ensemble des accents aphones et non visibles que la langue italienne impose grammaticalement dans la prononciation du mot « diesel », il faudrait écrire « dìisel », alors que le mot « dieselit » devrait s’écrire « dièselit ».

24
S’agissant de la comparaison visuelle, la requérante fait observer que les marques antérieures se présentent en caractères d’imprimerie simples et ordinaires (Times New Roman), tandis que le signe DIESELIT se présente en caractères tout à fait différents.

25
En troisième lieu, la requérante conteste les appréciations faites dans la décision attaquée concernant la prétendue similitude des produits.

26
La requérante fait valoir à cet égard que la différence entre la « chaudière de repassage (ni machine, ni parties de machine) » et les « appareils de production de vapeur », la catégorie dans laquelle la chambre de recours a inclus le produit revendiqué par elle, est évidente, car la première ne produit pas de vapeur si elle n’est pas associée à une machine conçue à cet effet.

27
La requérante conteste également l’association de la « planche à repasser » aux « ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ». De même, elle conteste le caractère prétendument complémentaire d’un « fer à repasser » et d’une « planche à repasser » ; cette complémentarité n’existerait pas au moment de leur acquisition, mais seulement au moment de leur utilisation.

28
Enfin, la requérante conteste l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle le mot « dieselit » pourrait être interprété par le consommateur comme constituant la version italienne de la marque DIESEL ou sa « version web ». En effet, le consommateur de fers à repasser ou d’ustensiles pour la maison ne serait pas précisément concerné par le marché de l’informatique. De plus, comme la notoriété des marques DIESEL concernerait des secteurs distincts de celui examiné dans le cas d’espèce, à savoir l’habillement sportif et des jeunes, elle concernerait, dès lors, une catégorie de consommateurs qui ne coïnciderait en aucun cas avec la partie du public intéressée par les ustensiles pour la maison.

29
L’OHMI soutient que la chambre de recours était fondée à considérer que, en tenant compte de la nature intrinsèque des marques antérieures et de leur forte similitude, ainsi que de l’identité ou de la similitude des produits revendiqués, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public de référence dans le territoire sur lequel les marques antérieures sont protégées.

30
L’OHMI considère que les signes en conflit, DIESEL et DIESELIT, n’ont aucun caractère descriptif par rapport aux produits en question, qui sont identiques ou tout au moins fortement similaires. Par conséquent, les marques antérieures DIESEL pourraient être reconnues comme des marques fortes pour les produits en cause.

31
L’intervenante rappelle, tout d’abord, que ses marques ont acquis au cours des années une notoriété mondiale considérable pour les tenues vestimentaires décontractées (dites « casual »). Celles-ci auraient, par la suite, été étendues à de nombreuses autres catégories de produits, l’intervenante ayant augmenté et diversifié sa production. Cependant, elle rappelle que son opposition se fondait sur la préexistence de deux enregistrements et non pas sur la notoriété, qu’elle a mentionnée seulement dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

32
En ce qui concerne la détermination du public concerné, selon l’intervenante, il peut s’agir de personnes différentes, peut-être majoritairement de sexe féminin, mais pas pour autant uniquement des femmes au foyer ou des personnes ignorantes en matière de moteurs. Il serait donc exclu que le consommateur moyen, en achetant un fer à repasser, une chaudière de repassage ou une planche à repasser, puisse penser que ces produits sont équipés d’un moteur diesel ou fonctionnent avec du combustible. En outre, étant donné l’étendue d’Internet, ainsi que la notoriété des marques DIESEL, le suffixe « it » dans le signe DIESELIT pourrait être interprété par la majorité des personnes comme la version Internet de DIESEL.

Appréciation du Tribunal

33
Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement « lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée » ; il est également précisé que « le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ». Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement n° 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires et les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

34
Selon la jurisprudence de la Cour relative à l’interprétation de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), et du Tribunal concernant le règlement n° 40/94, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement [arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, point 25].

35
Le risque de confusion dans l’esprit du public doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22 ; arrêts Canon, point 34 supra, point 16, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 34 supra, point 18 ; arrêt de la Cour du 22 juin 2000, Marca Mode, C‑425/98, Rec. p. I‑4861, point 40 ; arrêt Fifties, point 34 supra, point 26).

36
Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, point 34 supra, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 34 supra, point 19). L’interdépendance entre ces facteurs trouve son expression au septième considérant du règlement n° 40/94, selon lequel il y a lieu d’interpréter la notion de similitude en relation avec le risque de confusion, dont l’appréciation dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance de la marque sur le marché, de l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, du degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou services désignés (arrêt Fifties, point 34 supra, point 27).

37
Il résulte, en outre, de la jurisprudence que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêts SABEL, point 35 supra, point 24, et Canon, point 34 supra, point 18), celui-ci devant être constaté soit au regard des qualités intrinsèques de la marque, soit en raison de la notoriété qui lui est attachée [arrêt Canon, point 34 supra, point 18 ; arrêts du Tribunal du 15 janvier 2003, Mystery Drinks/OHMI – Karlsberg Brauerei (MYSTERY), T‑99/01, Rec. p. II‑43, point 34, et du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (Starix), T‑311/01, non encore publié au Recueil, point 42].

38
Par ailleurs, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts SABEL, point 35 supra, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 34 supra, point 25). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 34 supra, point 26).

39
En l’espèce, le signe DIESEL est, d’une part, enregistré en Italie en tant que marque nationale, pour tous les produits et services des classes 1 à 42, et, d’autre part, enregistré à l’OHMI en tant que marque communautaire pour tous les produits relevant des classes 11, 19, 20 et 21. Les produits visés par la demande de marque communautaire relèvent des classes 7, 11 et 21. Dès lors, le territoire pertinent pour l’analyse du risque de confusion est constitué par l’ensemble de la Communauté, en ce qui concerne les produits relevant des classes 11 et 21, et par l’Italie, en ce qui concerne les produits relevant de la classe 7. Par ailleurs, étant donné que les produits en cause sont des produits de consommation courante, le public ciblé est le consommateur moyen, qui est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

40
À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de procéder à la comparaison, d’une part, des produits concernés et, d’autre part, des signes en conflit.

    Sur la comparaison des produits

41
S’agissant de la comparaison des produits concernés, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent leur rapport. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, point 34 supra, point 23).

42
Force est de constater que, l’intervenante s’étant référée, dans sa demande de marque en Italie, aux intitulés de toutes les classes, son enregistrement national couvre tous les produits pouvant relever de ces classes. De même, son enregistrement communautaire couvre tous les produits pouvant relever des classes revendiquées au niveau communautaire, à savoir les classes 11, 19, 20 et 21, étant donné qu’elle a fait référence aux intitulés de ces classes dans sa demande. Partant, les produits en question doivent être considérés comme étant identiques aux fins d’apprécier le risque de confusion.

43
Dès lors, il convient de conclure, tout comme la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, que les produits visés par la marque demandée et ceux couverts par les marques antérieures sont identiques ou similaires.

    Sur la comparaison des signes

44
En ce qui concerne la comparaison des signes, il ressort de la jurisprudence que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêts SABEL, point 35 supra, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 34 supra, point 25).

45
Il convient donc d’examiner si le degré de similitude entre les signes en cause est suffisamment élevé pour pouvoir considérer qu’il existe un risque de confusion entre celles-ci. À cet effet, il convient de reproduire les deux signes ci-après :

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46
En ce qui concerne la comparaison visuelle, il y a lieu de constater que le signe DIESEL est entièrement inclus dans la marque demandée DIESELIT. Cette dernière contient un élément verbal supplémentaire par rapport aux marques antérieures, à savoir le suffixe « it ». Or, le seul fait d’ajouter le suffixe « it » aux marques antérieures ne suffit pas pour faire disparaître la similitude visuelle qui existe entre ces deux signes.

47
En outre, et comme l’ont constaté la chambre de recours et l’intervenante, l’élément figuratif de la marque demandée est marginal. En effet, une représentation graphique qui consiste en la reproduction en caractères d’imprimerie, plutôt banals et ordinaires, en couleur rouge de la mention « dieselit » ne permettra pas au consommateur de détourner son attention sur des éléments figuratifs de la marque demandée autres que les lettres qui la constituent.

48
Dès lors, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les signes en conflit sont similaires du point de vue visuel.

49
Quant à la comparaison phonétique, la chambre de recours a affirmé (point 23 de la décision attaquée) :

« […] le suffixe ‘it’ de la marque communautaire ne modifie pas le type idéologique de la marque DIESEL qui reste toujours identifiable comme étant le coeur de la marque de la requérante. Peu importe la prononciation du mot ‘diesel’ par le consommateur italien (‘die’ ou ‘di’) ; ce mot est présent dans les deux signes et, partant, le résultat phonétique, quelle que soit la prononciation, sera de toute façon le même. »

50
Il convient de constater que l’affirmation de la chambre de recours est correcte. En effet, les deux signes ont en commun les six premières lettres (c’est-à-dire le signe DIESEL dans sa totalité) et ces six premières lettres seront prononcées de la même façon, aussi bien en Italie (pour la classe 7) qu’ailleurs dans la Communauté. Dès lors, l’ajout du suffixe « it » au signe de la requérante n’est pas déterminant dans la comparaison du point de vue phonétique.

51
Dès lors, il y a lieu de constater que les signes en conflit sont similaires du point de vue phonétique.

52
S’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, il convient de noter que la chambre de recours n’a pas procédé, proprement dit, à une telle comparaison, mais s’est limitée à évaluer le contenu sémantique du terme « diesel ». À cet égard, elle a constaté que les marques antérieures DIESEL, appliquées aux produits en question, sont des marques intrinsèquement fortes en ce qu’elles ne présentent aucune relation conceptuelle avec les produits qu’elles distinguent (point 21 de la décision attaquée).

53
Dès lors, la chambre de recours a retenu que les marques antérieures ont un caractère distinctif plutôt élevé. Il convient de rappeler que le caractère distinctif élevé d’une marque doit être constaté soit au regard des qualités intrinsèques de la marque, soit en raison de la notoriété qui lui est attachée. Dans le cas d’espèce, la chambre de recours a constaté le caractère distinctif élevé au regard des qualités intrinsèques des marques DIESEL, par rapport aux produits en question dans le présent litige.

54
S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû évaluer la portée descriptive du signe DIESEL pour les produits contenus dans les classes 7, 11 et 21, parmi lesquels se trouvent, notamment, les « moteurs », « accouplements et organes de transmission », « instruments agricoles » et « appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de distribution d’eau », il convient de constater, tout comme l’OHMI et l’intervenante, que l’évaluation du degré de caractère distinctif du signe DIESEL doit être faite en relation avec les produits sur lesquels l’opposition est fondée.

55
Il y a lieu de rappeler que les produits revendiqués par la requérante sont entièrement inclus dans les produits couverts par les marques antérieures. Dès lors, il suffit d’évaluer le caractère distinctif seulement en relation avec les « fers à repasser », les « chaudières de repassage » et les « planches à repasser », revendiqués par la requérante, et il n’y a pas lieu de tenir également compte des autres produits revendiqués par l’intervenante et appartenant à ces classes, comme les « machines » et « moteurs (à l’exception des moteurs pour véhicules terrestres) ».

56
Il convient de constater que le terme « diesel », qui signifie combustible ou type de moteur, n’est aucunement descriptif pour les « fers à repasser », les « chaudières de repassage » et les « planches à repasser ». À cet égard, il y a lieu de partager l’analyse de la chambre de recours selon laquelle les marques DIESEL, appliquées à ces produits, sont des marques intrinsèquement fortes et que, dès lors, il existe un risque de confusion même en présence de variantes et de modifications qui laissent exister l’identité substantielle de ces marques.

57
Or, il convient de constater que le signe DIESELIT peut être considéré comme une variante du signe DIESEL. En effet, l’attention du consommateur sera attirée sur le terme reconnaissable dans le signe DIESELIT, à savoir le terme « diesel », et, dès lors, le consommateur donnera à ce signe la même signification conceptuelle qu’aux marques antérieures. Cette appréciation vaut aussi bien pour l’Italie que pour tout le territoire de la Communauté. L’ajout du suffixe « it » n’est pas suffisant pour faire disparaître la similitude du point de vue conceptuel, étant donné que le mot « diesel » est dominant dans le signe DIESELIT. Par ailleurs, et comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre au point 24 de la décision attaquée, l’ajout du suffixe « it » au signe de la requérante pourra éventuellement suggérer dans l’esprit du consommateur l’idée qu’il existe un lien entre les deux signes, le signe DIESELIT pouvant être perçu comme étant la version italienne du signe DIESEL.

58
Par conséquent, il convient de constater qu’il existe également une similitude conceptuelle entre les signes en conflit.

59
Au vu de tous ces éléments, il y a lieu de constater que le degré de similitude entre les marques en cause est suffisamment élevé pour que le public ciblé puisse croire que les produits en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Dès lors, il existe un risque de confusion entre ces marques.

60
En ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours n’a pas motivé son affirmation d’après laquelle les marques antérieures DIESEL ont un caractère distinctif élevé, il suffit de constater qu’il ressort clairement du point 21 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les marques antérieures, appliquées aux produits en question dans le présent litige, sont des marques intrinsèquement fortes en ce qu’elles ne présentent aucune relation conceptuelle, directe ou indirecte, avec les produits qu’elles distinguent, ce qui constitue une motivation suffisante à cet égard.

61
Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a tenu compte, à tort, de la notoriété ou de la renommée des marques DIESEL, il convient de relever qu’il ressort du point 12 de la décision attaquée que :

« […] les affirmations de l’[intervenante] en ce qui concerne la renommée mondiale du signe et qui ont trait à son usage effectif n’ont pas d’importance étant donné qu’aucune preuve d’usage n’a été fournie et n’a été exigée par la demanderesse conformément à l’article 43 paragraphe 2 du [règlement n° 40/94] ni produite spontanément par l’[intervenante] elle-même. L’appréciation du risque de confusion ne peut, par conséquent, avoir pour objet que, d’un côté, la marque telle qu’elle est présentée dans la demande de marque communautaire et, de l’autre, la marque antérieure portée en opposition. »

62
Il ressort clairement de ces constatations que la chambre de recours n’a tenu compte ni de la renommée ni de la notoriété des marques antérieures DIESEL. Dès lors, l’argument de la requérante manque en fait.

63
Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le premier moyen de la requérante.

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94

Arguments des parties

64
La requérante fait valoir que la partie intervenante n’a fourni aucune preuve de l’usage sérieux des marques antérieures pour les produits des classes en question et que, de ce fait, l’opposition devait être rejetée d’emblée. En effet, la notoriété de la marque se limiterait au secteur de l’habillement.

65
L’OHMI rappelle que, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, le titulaire d’une marque antérieure communautaire ou nationale apporte la preuve de l’usage sur requête du demandeur. L’OHMI serait tenu, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, en vertu de l’article 74 du règlement n° 40/94, de limiter l’examen aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. Or, la requérante aurait omis de présenter ladite demande. Selon la jurisprudence, le Tribunal ne pourrait prendre en considération une demande qui n’a pas été présentée ni discutée devant la chambre de recours. Lors de l’audience, l’OHMI a rappelé que, étant donné que le délai de cinq ans prévu par l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 concernant l’enregistrement de la marque antérieure n’est pas encore parvenu à expiration, la preuve de l’usage sérieux n’a pas encore pu être demandée.

66
L’intervenante rappelle que les preuves de l’usage, lorsqu’elles ne sont pas fournies de manière spontanée, ne doivent être présentées qu’à la suite d’une demande de la partie adverse, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. En ce qui concerne l’enregistrement communautaire de la marque DIESEL, accordé le 27 avril 1999, le délai de cinq ans susmentionné n’ayant pas encore expiré, la requérante n’aurait, en tout état de cause, pu demander aucune preuve.

Appréciation du Tribunal

67
Il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. En vertu du paragraphe 3 de ce même article, le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures, étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

68
Dans le cas d’espèce, la marque communautaire antérieure a été enregistrée le 27 avril 1999 et la marque nationale antérieure le 23 août 1996, tandis que la demande d’enregistrement du signe DIESELIT en tant que marque communautaire a été publiée le 12 juillet 1999. Il convient donc de constater que le délai de cinq ans n’était expiré à cette date ni pour la marque communautaire antérieure ni pour la marque nationale antérieure. Il s’ensuit que la preuve de l’usage sérieux ne pouvait pas encore être exigée et que les marques antérieures devaient être réputées avoir été utilisées.

69
Par conséquent, il convient de rejeter le deuxième moyen de la requérante.

Sur le troisième moyen, présenté à titre subsidiaire, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement nº 40/94

70
La requérante soutient, à titre subsidiaire, que l’existence d’un motif absolu de refus s’opposait à un enregistrement valide du signe DIESEL pour les classes 11 et 21 en tant que marque communautaire et pour la classe 7 en tant que marque nationale.

71
Il convient de relever que la requérante ne saurait, dans le cadre d’une procédure d’opposition, invoquer un motif absolu de refus s’opposant à l’enregistrement valide d’un signe par un office national ou par l’OHMI. En effet, il y a lieu de rappeler que les motifs absolus de refus visés à l’article 7 du règlement n° 40/94 n’ont pas à être examinés dans le cadre d’une procédure d’opposition et que cet article ne figure pas parmi les dispositions par rapport auxquelles la légalité de la décision attaquée doit être appréciée [arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Durferrit/OHMI – Kolene (NU‑TRIDE), T‑224/01, Rec. p. II‑1589, points 72 et 75]. Si la requérante considère que la marque DIESEL a été enregistrée contrairement aux dispositions de l’article 7 du règlement n° 40/94, elle aurait dû présenter une demande de nullité en vertu de l’article 51 de ce règlement en ce qui concerne la marque antérieure communautaire. En outre, la validité de l’enregistrement d’un signe en tant que marque nationale ne peut pas être mise en cause dans le cadre d’une procédure d’enregistrement d’une marque communautaire, mais uniquement dans le cadre d’une procédure d’annulation entamée dans l’État membre concerné [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 55].

72
Dès lors, il convient de rejeter le troisième moyen de la requérante.

73
Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.


Sur les dépens

74
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
La requérante est condamnée aux dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

H. Legal


1
Langue de procédure : l'italien.