Language of document : ECLI:EU:T:2004:219

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 juillet 2004 (*)

« Concurrence – Ententes – Marchés des tubes en acier sans soudure – Durée de l’infraction – Amendes »

Dans l’affaire T-48/00,

Corus UK Ltd, anciennement British Steel plc, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. J. Pheasant et M. Readings, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée, initialement, par MM. M. Erhart et B. Doherty, puis, par MM. Erhart et A. Whelan, en qualité d’agents, assistés de M. N. Khan, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 19, 20 et 21 mars 2003,

rend le présent

Arrêt

 Faits et procédure

1       La présente affaire concerne la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860‑B – Tubes d’acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1, ci‑après la « décision attaquée »).

2       La Commission a adressé la décision attaquée à huit entreprises productrices de tubes en acier au carbone sans soudure (ci-après les « entreprises destinataires de la décision attaquée »). Parmi ces entreprises figurent quatre sociétés européennes (ci-après les « producteurs européens » ou les « producteurs communautaires ») : Mannesmannröhren-Werke AG (ci‑après « Mannesmann »), Vallourec SA, Corus UK Ltd (anciennement British Steel plc, puis British Steel Limited, ci-après « Corus » ou la « requérante ») et Dalmine SpA. Les quatre autres destinataires de la décision attaquée sont des sociétés japonaises (ci-après les « producteurs japonais ») : NKK Corp., Nippon Steel Corp. (ci‑après « Nippon »), Kawasaki Steel Corp. (ci‑après « Kawasaki ») et Sumitomo Metal Industries Ltd (ci‑après « Sumitomo »).

 Procédure administrative

3       Par décision du 17 novembre 1994, l’Autorité de surveillance de l’association européenne de libre-échange (AELE), agissant au titre de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord sur l’Espace économique européen, approuvé par la décision 94/1/CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, relative à la conclusion de l’accord sur l’Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la République d’Autriche, la République de Finlande, la République d’Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège, le Royaume de Suède et la Confédération suisse (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après l’« accord EEE »), a autorisé son membre en charge des affaires de concurrence à demander à la Commission de procéder, sur le territoire de la Communauté, à une enquête ayant pour objet l’existence éventuelle de pratiques anticoncurrentielles concernant les tubes en acier au carbone utilisés pour des opérations de sondage et de transport par l’industrie pétrolière norvégienne.

4       Par décision non publiée du 25 novembre 1994 (Affaire IV/35.304), reprise à la page 3 du dossier administratif de la Commission et adoptée sur la double base juridique de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), et de la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, la Commission a décidé de procéder à une enquête. Cette enquête devait porter sur les pratiques mentionnées dans la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, dans la mesure où elles étaient susceptibles de violer non seulement l’article 53 de l’accord EEE, mais également l’article 81 CE. La Commission a adressé la décision du 25 novembre 1994 à huit sociétés dont Mannesmann, Corus, Vallourec et Sumitomo Deutschland GmbH, société du groupe Sumitomo. Les 1er et 2 décembre 1994, des fonctionnaires de la Commission et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés ont procédé à des vérifications auprès de ces entreprises, sur la base de ladite décision.

5       Par décision du 6 décembre 1995, l’Autorité de surveillance AELE a constaté que, le commerce entre États membres de la Communauté étant affecté de manière significative par l’affaire pendante devant elle, celle-ci relevait de la compétence de la Commission en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de l’accord EEE. L’Autorité de surveillance AELE a donc décidé de transmettre ce dossier à la Commission, en application de l’article 10, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE. À compter de cette date, la Commission a désigné l’affaire sous un nouveau numéro (IV/E‑1/35.860).

6       Entre le mois de septembre 1996 et le mois de décembre 1997, la Commission a procédé à des vérifications complémentaires, au titre de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, auprès de Vallourec, de Dalmine et de Mannesmann. En particulier, elle a effectué une vérification auprès de Vallourec le 17 septembre 1996, à l’occasion de laquelle le président de Vallourec Oil & Gas, M. Verluca, a fait la déclaration reprise à la page 6356 du dossier de la Commission (ci-après la « déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 »), sur laquelle la Commission se fonde dans la décision attaquée. Par la suite, la Commission a adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17, à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à certaines autres entreprises.

7       Dalmine ainsi que les sociétés argentines Siderca SAIC (ci-après « Siderca ») et Techint Group ayant refusé de communiquer certains des renseignements demandés, une décision de la Commission du 6 octobre 1997 [C(1997) 3036, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], adoptée au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, leur a été adressée. Siderca et Dalmine ont introduit des recours en annulation à l’encontre de cette décision devant le Tribunal. Le recours en annulation formé par Dalmine a été déclaré manifestement irrecevable par ordonnance du Tribunal du 24 juin 1998, Dalmine/Commission (T‑596/97, Rec. p. II‑2383), tandis que le recours en annulation formé par Siderca a été radié, à la suite du désistement de cette dernière, par ordonnance du Tribunal du 7 juin 1998, Siderca/Commission (T‑8/98, non publiée au Recueil).

8       Mannesmann a également refusé de fournir certains des renseignements demandés par la Commission. Malgré l’adoption à son égard par la Commission d’une décision le 15 mai 1998 [C(1998) 1204, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, Mannesmann a maintenu ce refus. Mannesmann a également introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision. Par arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T‑112/98, Rec. p. II‑729), le Tribunal a partiellement annulé la décision en cause et rejeté le recours pour le surplus.

9       En janvier 1999, la Commission a adopté deux communications des griefs, concernant, l’une, les tubes en acier au carbone soudés et, l’autre, les tubes en acier au carbone sans soudure. Elle a ainsi scindé l’affaire en deux, l’affaire IV/E‑1/35.860‑A concernant les tubes en acier au carbone soudés et l’affaire IV/E‑1/35.860‑B concernant les tubes en acier au carbone sans soudure.

10     Dans l’affaire relative aux tubes en acier au carbone sans soudure, la Commission a adressé sa communication des griefs (ci-après la « CG ») aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à Siderca et à la société mexicaine Tubos de Acero de México SA. Ces entreprises ont eu accès au dossier que la Commission a constitué dans cette affaire entre le 11 février et le 20 avril 1999. En outre, par lettres du 11 mai 1999, la Commission a envoyé copie des décisions de novembre 1994 relatives aux vérifications auprès des entreprises qui n’en étaient pas destinataires et qui, de ce fait, n’en avaient pas eu connaissance.

11     Après avoir présenté leurs observations écrites, les destinataires des deux communications des griefs ont été entendus par la Commission le 9 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone soudés et le 10 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone sans soudure. En juillet 1999, la Commission a informé les destinataires de la communication des griefs dans l’affaire IV/E‑1/35.860‑A, concernant les tubes en acier au carbone soudés, qu’elle avait abandonné l’affaire relative à ces produits. En revanche, elle a poursuivi l’affaire IV/E‑1/35.860‑B.

12     C’est dans ces circonstances que, le 8 décembre 1999, la Commission a adopté la décision attaquée.

 Produits en cause

13     Les produits en cause dans l’affaire IV/E‑1/35.860‑B sont les tubes en acier au carbone sans soudure utilisés par l’industrie pétrolière et gazière, parmi lesquels figurent deux grandes catégories de produits.

14     La première catégorie de produits comprend les tubes de sondage, communément dénommés « Oil Country Tubular Goods » ou « OCTG ». Ces tubes peuvent être vendus sans filetage (les « tubes lisses ») ou filetés. Le filetage est une opération destinée à permettre la jonction des tubes OCTG. Il peut être réalisé conformément aux standards édictés par l’American Petroleum Institute (API) (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci-après les « tubes OCTG standard ») ou selon des techniques spéciales, généralement brevetées. Dans ce dernier cas, on parle de filetage ou, le cas échéant, de « joints » « de première qualité » ou « premium » (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci-après les « tubes OCTG premium »).

15     La seconde catégorie de produits est constituée par les tuyaux de transport du pétrole et du gaz (« line pipe ») en acier au carbone sans soudure, parmi lesquels on distingue, d’une part, ceux qui sont fabriqués conformément à des normes standardisées et, d’autre part, ceux qui sont fabriqués sur mesure pour la réalisation de projets spécifiques (ci-après les « tuyaux de transport ‘projet’ »).

 Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée

16     Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, en premier lieu, que les huit entreprises destinataires de cette décision avaient conclu un accord ayant, entre autres éléments, pour objet le respect mutuel de leurs marchés nationaux (considérants 62 à 67 de la décision attaquée). Aux termes de cet accord, chaque entreprise s’interdisait de vendre des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet » sur le marché national d’une autre partie à l’accord. L’accord aurait été conclu dans le cadre de réunions entre producteurs communautaires et japonais connues sous le nom de « club Europe‑Japon ». Le principe du respect des marchés nationaux était désigné par l’expression « Règles fondamentales » (« Fundamentals »). À titre subsidiaire, la Commission a relevé que les Règles fondamentales avaient été effectivement respectées et, dès lors, que l’accord avait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché commun (considérant 68 de la décision attaquée).

17     La Commission a estimé que cet accord tombait sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 81, paragraphe 1, CE (considérant 109 de la décision attaquée). En conséquence, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision attaquée, l’existence d’une infraction à cette disposition et a imposé des amendes aux huit entreprises destinataires.

18     S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a considéré que, bien que le club Europe-Japon se soit réuni dès 1977 (considérant 55 de la décision attaquée), il convenait de retenir l’année 1990 comme point de départ de l’infraction aux fins de la fixation du montant des amendes, eu égard à l’existence, entre 1977 et 1990, d’accords d’autolimitation des exportations conclus entre la Communauté européenne et le Japon (ci-après les « accords d’autolimitation ») (considérant 108 de la décision attaquée). D’après la Commission, l’infraction a pris fin en 1995 (considérants 96 et 97 de la décision attaquée).

19     Aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée, la Commission a qualifié l’infraction de très grave au motif que l’accord en cause visait le respect des marchés nationaux et portait ainsi atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur (considérants 161 et 162 de la décision attaquée). En revanche, elle a relevé que les ventes de tubes en acier au carbone sans soudure par les entreprises destinataires, dans les quatre États membres concernés, ne s’élevaient qu’à environ 73 millions d’euros par an environ. En conséquence, la Commission a fixé le montant de l’amende au titre de la gravité de l’infraction à 10 millions d’euros pour chacune des huit entreprises destinataires de la décision attaquée. Celles-ci étant toutes de grande dimension, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants retenus (considérants 162, 163 et 165 de la décision attaquée).

20     Estimant que l’infraction était de moyenne durée, la Commission a appliqué une majoration de 10 % par année de participation à l’infraction par rapport au montant retenu au titre de la gravité, pour fixer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise en cause (considérant 166 de la décision attaquée). Cependant, compte tenu de ce que le secteur des tubes en acier a connu une situation de crise de longue durée et eu égard au fait que la situation de ce secteur s’est détériorée à partir de 1991, la Commission a minoré lesdits montants de base de 10 % au titre des circonstances atténuantes (considérants 168 et 169 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a appliqué une réduction de 40 % du montant de l’amende infligée à Vallourec, ainsi qu’une réduction de 20 % du montant de l’amende infligée à Dalmine, au titre du point D 2 de la communication 96/C 207/04 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), pour tenir compte du fait que ces deux entreprises avaient coopéré avec la Commission au stade de la procédure administrative (considérants 170 à 173 de la décision attaquée).

21     Le montant de l’amende infligée à chaque entreprise en cause, qui résulte du calcul exposé aux deux points précédents, est indiqué à l’article 4 de la décision attaquée (voir point 33 ci-après).

22     En second lieu, la Commission a estimé, à l’article 2 de la décision attaquée, que les contrats conclus entre les producteurs communautaires et concernant la vente de tubes lisses sur le marché britannique constituaient des comportements infractionnels (considérant 116 de la décision attaquée). Cependant, elle n’a pas imposé d’amende supplémentaire au titre de cette infraction au motif que lesdits contrats ne constituaient en définitive qu’un moyen de mise en oeuvre du principe du respect des marchés nationaux décidé dans le cadre du club Europe‑Japon (considérant 164 de la décision attaquée).

 Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée

23     Le club Europe-Japon s’est réuni à partir de 1977, au rythme d’environ deux fois par an, et ce jusqu’en 1994 (considérant 60 de la décision attaquée). En particulier, la Commission a relevé que, d’après la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, de telles réunions ont notamment eu lieu le 14 avril 1992 à Florence, le 23 octobre 1992 à Tokyo, le 19 mai 1993 à Paris, le 5 novembre 1993 à Tokyo et le 16 mars 1994 à Cannes. Par ailleurs, la Commission a fait valoir que la note de Vallourec intitulée « Quelques informations à l’occasion du club Europe‑Japon » du 4 novembre 1991, reprise à la page 4350 du dossier de la Commission, et celle du 24 juillet 1990, reprise à la page 15586 du dossier, intitulée « Réunion du 24.7.90 avec British Steel » (ci-après la « note Réunion du 24.7.90 »), précisent que des réunions du club Europe-Japon se sont également tenues en 1989 et en 1991.

24     L’accord convenu au sein du club Europe-Japon reposait sur trois volets, le premier étant les Règles fondamentales relatives au respect des marchés nationaux (évoquées au point 16 ci-dessus), lesquelles constituent l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, le deuxième étant la fixation des prix pour les appels d’offres et de prix minimaux pour les « marchés spéciaux » (« special markets ») et le troisième étant le partage des autres marchés mondiaux, à l’exclusion du Canada et des États‑Unis d’Amérique, au moyen de clés de répartition (les « sharing keys ») (considérant 61 de la décision attaquée). La Commission fonde sa conclusion quant à l’existence des Règles fondamentales sur un faisceau d’indices documentaires énumérés aux considérants 62 à 67 de la décision attaquée ainsi que sur le tableau figurant au considérant 68 de celle-ci. Il ressortirait de ce tableau que la part du producteur national dans les livraisons de tubes OCTG et de tuyaux de transport effectuées par les destinataires de la décision attaquée au Japon et sur le marché domestique de chacun des quatre producteurs communautaires était très élevée. La Commission en déduit que, dans l’ensemble, les marchés nationaux étaient effectivement respectés par les parties à l’accord. S’agissant des deux autres volets de l’accord en cause, la Commission décrit les éléments de preuve qui s’y rapportent aux considérants 70 à 77 de la décision attaquée.

25     Lorsque Corus a envisagé, en 1990, la cessation de ses activités de production de tubes lisses, les producteurs communautaires se seraient interrogés sur la pérennité du principe du respect des marchés nationaux dans le cadre des Règles fondamentales décrites ci-dessus en ce qui concerne le marché du Royaume-Uni. C’est dans ces circonstances que Vallourec et Corus auraient lancé l’idée de « Règles fondamentales améliorées » (« fundamentals improved »), lesquelles auraient visé à maintenir en l’état les restrictions à l’accès des producteurs japonais au marché britannique, en dépit du retrait de Corus. Au cours du mois de juillet 1990, à l’occasion de la reconduction du contrat de licence portant sur la technique de filetage VAM, Vallourec et Corus se seraient ainsi accordées pour réserver l’approvisionnement de cette dernière en tubes lisses à Vallourec, à Mannesmann et à Dalmine (considérant 78 de la décision attaquée).

26     En avril 1991, Corus a fermé son usine de Clydesdale (Royaume-Uni), qui assurait environ 90 % de sa production de tubes lisses. Corus a alors conclu des contrats d’approvisionnement en tubes lisses, d’une durée initiale de cinq ans et renouvelables tacitement sous réserve d’un préavis de douze mois, avec Vallourec (le 24 juillet 1991), Dalmine (le 4 décembre 1991) et Mannesmann (le 9 août 1993) (ci-après les « contrats d’approvisionnement »). Ces trois contrats, qui sont repris aux pages 12867, 12910 et 12948 du dossier de la Commission, allouent à chacune des entreprises bénéficiaires une quotité d’approvisionnement fixée, respectivement, à 40 %, à 30 % et à 30 % des besoins de Corus (considérants 79 à 82 de la décision attaquée), hormis pour les tubes de faible diamètre.

27     En 1993, trois facteurs auraient conduit à un réexamen des principes de fonctionnement du club Europe-Japon. Il s’agirait, en premier lieu, de la restructuration de l’industrie sidérurgique européenne. Au Royaume-Uni, Corus a envisagé en effet de cesser ses dernières activités de production de tubes filetés sans soudure. En Belgique, la société New Tubemeuse (ci-après « NTM »), dont l’activité était principalement orientée vers l’exportation à destination du Moyen‑Orient et de l’Extrême-Orient, a été liquidée le 31 décembre 1993. Il s’agirait, en deuxième lieu, de l’accès des producteurs d’Amérique latine au marché communautaire, qui menaçait de remettre en cause les répartitions de marché convenues dans le cadre du club Europe-Japon. En troisième et dernier lieu, sur le marché mondial des tubes destinés aux activités d’extraction et d’exploitation pétrolière et gazière, les tubes soudés auraient bénéficié d’une croissance significative, bien que de fortes disparités régionales demeurent (considérants 83 et 84 de la décision attaquée).

28     Ce serait dans ce contexte que les membres du club Europe-Japon se sont rencontrés à Tokyo, le 5 novembre 1993, pour tenter d’arriver à un nouvel accord de répartition des marchés avec les producteurs d’Amérique latine. Le contenu de l’accord arrêté à cette occasion serait reflété dans un document remis à la Commission le 12 novembre 1997, par un informateur tiers à la procédure, repris à la page 7320 du dossier de la Commission, qui contient notamment une « clé de répartition » (« sharing key »). Aux dires de l’informateur, la source dudit document serait un agent commercial d’un des participants à ladite réunion. S’agissant notamment des conséquences de la restructuration de l’industrie européenne, la fermeture de NTM aurait permis aux producteurs communautaires d’obtenir des concessions de la part des producteurs japonais et latino-américains, principaux bénéficiaires du retrait de NTM des marchés d’exportation (considérants 85 à 89 de la décision attaquée).

29     De son côté, Corus a pris la décision définitive de mettre un terme à ses dernières activités de production de tubes sans soudure. Le 22 février 1994, Vallourec a pris le contrôle des sites de filetage et de production des tubes de Corus et créé, à cet effet, la société Tubular Industries Scotland Limited (ci-après « TISL »). Le 31 mars 1994, TISL a repris les contrats d’approvisionnement en tubes lisses que Corus avait conclus avec Dalmine et Mannesmann. Le 24 avril 1997, le contrat ainsi conclu avec Mannesmann était encore en vigueur. Le 30 mars 1999, Dalmine a résilié le contrat d’approvisionnement avec TISL (considérants 90 à 92 de la décision attaquée).

30     La Commission a estimé que, par ces contrats, les producteurs communautaires s’étaient attribué des quotités d’approvisionnement en tubes lisses pour le marché britannique, lequel représente plus de la moitié de la consommation communautaire de tubes OCTG. Elle a donc conclu qu’il s’agissait là d’une entente prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE (voir point 22 ci-dessus).

 Dispositif de la décision attaquée

31     Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les huit entreprises destinataires de celle-ci « […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en participant [...] à un accord prévoyant, entre autres, le respect de leur marché national respectif pour les tubes OCTG […] standard et les [tuyaux de transport ‘projet’] sans soudure ».

32     L’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose que l’infraction a duré de 1990 à 1995 pour Mannesmann, Vallourec, Dalmine, Sumitomo, Nippon, Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp. S’agissant de Corus, il est indiqué que l’infraction a duré de 1990 à février 1994.

33     Les autres dispositions pertinentes du dispositif de la décision attaquée sont rédigées comme suit :

« Article 2

1.      [Mannesmann], Vallourec […], [Corus] et Dalmine […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en concluant, dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article 1er, des contrats qui ont résulté en une répartition des fournitures de tubes OCTG lisses à [Corus] (Vallourec […] à partir de 1994).

2.      Pour [Corus], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 à février 1994. Pour Vallourec […], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 au 30 mars 1999. Pour Dalmine […], l’infraction a duré du 4 décembre 1991 au 30 mars 1999. Pour [Mannesmann], l’infraction a duré du 9 août 1993 au 24 avril 1997.

[...]

Article 4

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l’article premier, en raison de l’infraction constatée audit article :

(1)   [Mannesmann]          13 500 000 euros

(2)   Vallourec […]                   8 100 000 euros

(3)   [Corus]                   12 600 000 euros

(4)   Dalmine […]                   10 800 000 euros

(5)   Sumitomo […]          13 500 000 euros

(6)   Nippon […]                   13 500 000 euros

(7)   Kawasaki Steel Corp. […] 13 500 000 euros

(8)   NKK Corp. […]          13 500 000 euros

[...] »

 Procédure devant le Tribunal

34     Par sept requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 28 février et le 3 avril 2000, Mannesmann, Corus, Dalmine, NKK Corp., Nippon, Kawasaki et Sumitomo ont introduit un recours contre la décision attaquée.

35     Par ordonnance du 18 juin 2002, il a été décidé, les parties entendues, de joindre les sept affaires aux fins de la procédure orale, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal. À la suite de cette jonction, toutes les requérantes dans les sept affaires ont pu consulter l’ensemble des dossiers relatifs à la présente procédure au greffe du Tribunal. Des mesures d’organisation de la procédure ont également été adoptées.

36     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 19, 20 et 21 mars 2003.

 Conclusions des parties

37     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler l’article 2 de la décision attaquée ;

–       annuler l’article 1er de la décision attaquée ;

–       annuler l’amende qui lui a été infligée au titre de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée ;

–       à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée au titre de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée ;

–       enjoindre à la Commission de rembourser le montant de l’amende ou, subsidiairement, le montant à concurrence duquel elle est réduite, majoré des intérêts, ou, le cas échéant, sur tout montant à concurrence duquel elle est réduite, cela à compter de la date du paiement par Corus et jusqu’au jour du remboursement par la Commission ;

–       condamner la Commission aux frais et dépens exposés par la requérante au titre de la présente procédure ;

–       ordonner toute mesure nécessaire pour donner effet à l’arrêt du Tribunal.

38     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner la requérante aux dépens.

 Sur la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

 Sur le moyen tiré de l’inexistence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

 Arguments des parties

39     Corus conteste l’affirmation selon laquelle les contrats d’approvisionnement en tubes lisses qu’elle a conclus avec Vallourec, Mannesmann et Dalmine ont été constitutifs d’une infraction. En effet, elle les aurait conclus pour des motifs commerciaux légitimes et les aurait négociés de manière séparée et indépendante. La Commission n’aurait pas réussi à démontrer sa participation à une concertation.

40     La requérante soutient qu’elle a conservé la propriété de l’entreprise Imperial, qui réalisait la finition des tubes lisses OCTG filetés, jusqu’en mars 1994, dans l’intention de la vendre en tant qu’entreprise autonome. Après la fermeture de son usine de Clydesdale en avril 1991, elle n’aurait plus possédé de source d’approvisionnement interne en tubes lisses, nécessaires au maintien de l’activité d’Imperial. Pour préserver la valeur de cette entreprise et la rendre aussi attrayante que possible pour les acquéreurs éventuels, il aurait donc importé à Corus de conclure des accords avec des entreprises tierces, garantissant ainsi des livraisons fiables en tubes lisses de haute qualité pour répondre à long terme à la demande de tubes OCTG filetés émanant des entreprises pétrolières opérant sur le plateau continental britannique. La qualité des produits aurait été un élément essentiel, du fait des risques liés à l’utilisation du produit fini, compte tenu notamment des conditions climatiques et géologiques sur le plateau continental britannique de la mer du Nord.

41     À l’appui de cette argumentation, Corus produit un contrat qu’elle a conclu avec la société pétrolière Conoco en 1992 ainsi que le livret de spécifications annexé à celui-ci. Il en ressortirait que Corus était obligée de respecter les spécifications précisées par la société Conoco, notamment en ce qui concerne la qualité des tubes lisses utilisés dans la fabrication de ses tubes OCTG filetés. La procédure de contrôle des produits aurait même prévu une inspection indépendante des aciéries produisant les tubes lisses pour Corus.

42     Corus relève, en outre, que les trois contrats qu’elle a conclus avec Vallourec, Dalmine et Mannesmann, chacun pour une période initiale de cinq ans avec renouvellement tacite, prétendument constitutifs de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée, ne sauraient constituer un accord unique, dès lors qu’ils ont été signés à des dates différentes, soit, respectivement, le 24 juillet 1991, le 4 décembre 1991 et le 9 août 1993.

43     Selon Corus, il était logique pour elle de répartir son approvisionnement en tubes lisses entre trois fournisseurs différents. Un plus grand nombre de fournisseurs ne lui aurait pas permis de répondre aux préférences de ses clients. Ceux-ci tiendraient habituellement à limiter le nombre de fournisseurs intervenant dans la production des tubes qu’ils commandent, parce que les contrôles de qualité qu’ils réalisent sont très onéreux, compte tenu de l’importance primordiale de la sécurité des produits dans leur secteur d’activité en cause. En revanche, Corus aurait eu besoin d’avoir plusieurs fournisseurs pour se prémunir des conséquences financières négatives résultant d’éventuels grèves ou accidents de laminoir et pour tenir compte du fait que la demande de tubes OCTG est très instable.

44     Par ailleurs, les tubes OCTG seraient en principe des produits fabriqués sur mesure dans le cadre de contrats de fourniture à long terme. En l’espèce, la durée de cinq ans, avec renouvellement tacite, des contrats d’approvisionnement n’aurait donc rien d’anormal. En effet, chaque commande de tubes spécifierait de manière précise la qualité et les dimensions de ceux-ci, de sorte que les ventes effectuées directement sur les stocks seraient quasiment exclues. De plus, Corus soutient que les opérateurs du secteur pétrolier tiennent à ce que les tubes commandés soient disponibles dans les délais stricts correspondant à leurs besoins, compte tenu notamment de l’importance des coûts d’exploitation d’une plate-forme de forage.

45     À la lumière des exigences de qualité relevées ci-dessus, l’observation faite par la Commission au considérant 152 de la décision attaquée concernant la surcapacité structurelle du secteur des tubes en acier à l’époque de la passation des contrats d’approvisionnement, et notamment la possibilité de les importer de Hongrie, de Pologne, de Tchécoslovaquie et de Croatie, serait sans pertinence, dès lors que les tubes en provenance de ces pays n’étaient pas d’une qualité satisfaisante et que, de surcroît, ces États étaient politiquement peu stables à cette époque. Quant aux autres sources potentielles d’approvisionnement, les produits en provenance d’Amérique latine auraient présenté le même problème de qualité que ceux produits dans les pays d’Europe de l’Est, tandis que l’Amérique du Nord aurait été exclue parce que les producteurs de cette région n’avaient manifesté aucune intention d’exporter leurs produits. Quant aux produits japonais, les coûts de transport et les délais de livraison se seraient opposés à leur importation, compte tenu, notamment, du fait que les prix des tubes OCTG étaient relativement bas en Europe. Le choix de trois fournisseurs communautaires aurait donc été logique pour Corus du point de vue commercial.

46     Corus rejette l’argumentation de la Commission figurant au considérant 152 de la décision attaquée, selon laquelle le fait que les contrats d’approvisionnement fixaient un délai de livraison de cinq à six semaines et ne prévoyaient d’autre sanction en cas de défaut de livraison que d’inclure le tonnage non livré dans le calcul du tonnage annuel auquel le fournisseur avait droit implique que les délais de livraison ne revêtaient pas une grande importance pour Corus.

47     Selon Corus, il résulte de l’instabilité de la demande de tubes OCTG sur le plateau continental du Royaume-Uni que la fixation des quantités de tubes lisses à livrer par les trois fournisseurs en termes de pourcentage, et non en quantités fixes, était l’unique moyen pratique de couvrir tous ses besoins. En effet, ce système aurait été le seul qui permettait de tenir compte de l’abondance ou de la pénurie existant sur le marché auquel les tubes lisses étaient destinés.

48     Par ailleurs, l’adoption d’une formule liant les prix payés par Corus pour les tubes aux prix des tubes OCTG qu’elle vendait permettrait de tenir compte de la fluctuation importante des prix entraînée par cette instabilité de la demande. À cet égard, il aurait été extrêmement difficile, d’un point de vue commercial, de convenir d’un prix fixe avec les fournisseurs qui soit suffisamment bas pour que Corus puisse être certaine que ses ventes de tubes OCTG en aval ne se situent jamais au-dessous du seuil de rentabilité. Selon Corus, les informations relatives aux quantités de tubes qu’elle vendait et les prix payés par ses clients n’étaient pas divulgués à ses fournisseurs, malgré le fait que ces informations étaient prises en compte dans ladite formule. Seul le prix des tubes lisses résultant de cette formule aurait été communiqué aux fournisseurs, qui avaient, par ailleurs, le droit de faire vérifier l’application correcte de celle-ci par un auditeur indépendant.

49     Selon Corus, l’argumentation de la Commission selon laquelle chacun des contrats d’approvisionnement n’a aucun sens individuellement, parce qu’ils attribuent un pourcentage de ses besoins à chaque fournisseur, est sans pertinence. En effet, cette argumentation ne démontrerait nullement que les contrats d’approvisionnement résultaient d’une quelconque concertation entre les quatre producteurs européens sanctionnés dans la décision attaquée. En revanche, Corus aurait conclu chacun de ces contrats à la lumière de la stratégie d’approvisionnement globale qu’elle avait arrêtée de manière autonome.

50     Corus fait valoir que l’explication qu’elle a fournie sur la logique commerciale sous-jacente aux contrats d’approvisionnement en question donne une explication différente de son comportement, de sorte qu’il incombe à la Commission de prouver l’existence d’une concertation entre les quatre entreprises sanctionnées autrement qu’en se fondant sur lesdits contrats (conclusions de l’avocat général M. Darmon sous l’arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeytiö e.a./Commission, dit « Pâte de bois II », C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, I‑1445, point 195). Elle relève, à cet égard, qu’un parallélisme de comportements ne peut être considéré comme apportant la preuve d’une concertation que si la concertation en constitue la seule explication plausible (arrêt Pâte de bois II, précité, point 71).

51     Corus ajoute que, en toute hypothèse, l’argumentation avancée par la Commission dans son mémoire en défense, suivant laquelle les clauses des contrats d’approvisionnement analysées aux points précédents contiennent des restrictions de concurrence, ne démontre pas l’existence de l’infraction spécifique retenue à l’article 2 de la décision attaquée. En effet, à supposer même que lesdites clauses soient effectivement anticoncurrentielles, cette circonstance ne saurait prouver, à tout le moins à elle seule, l’existence d’une concertation entre les quatre producteurs européens aux fins d’exclure les producteurs japonais du marché britannique.

52     En outre, les preuves documentaires invoquées par la Commission à l’appui de son argumentation, notamment aux considérants 91 et 147 de la décision attaquée, n’étayeraient pas l’existence d’un accord entre Corus et d’autres producteurs européens de tubes. La Commission elle-même aurait hésité à s’appuyer pleinement sur lesdites preuves dans son mémoire en défense. Selon Corus, l’analyse des éléments de preuve effectuée par la Commission est incohérente dans la mesure où, notamment, elle n’explique pas de quelle manière et pour quelles raisons l’accord bilatéral conclu entre Corus et Vallourec prétendument attesté par les notes datant de l’année 1990 a été transformé en accord multilatéral conclu entre les quatre producteurs européens. Elle soutient, à cet égard, que la Commission a l’obligation de démontrer l’existence d’une concertation entre les quatre producteurs européens les ayant conduits à conclure les contrats d’approvisionnement en tubes lisses pour que l’article 2 de la décision attaquée échappe à l’annulation.

53     Par ailleurs, l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée étant reprochée à Dalmine à partir de décembre 1991, Corus fait valoir que les éléments de preuve en date de 1993 sont sans pertinence en ce qui concerne la prétendue transformation des Règles fondamentales en Règles fondamentales améliorées. Corus relève, de plus, que la Commission avait considéré dans la CG que les notes datant de l’année 1990 attestaient de l’existence d’un accord entre les quatre producteurs européens, analyse abandonnée dans la décision attaquée.

54     Corus examine ensuite certaines des notes analysées aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée et invoquées ensuite à son considérant 147, à savoir la note du 23 mars 1990, reprise à la page 15622 dudit dossier, intitulée « Réflexions concernant le renouvellement du contrat VAM » (ci-après la « note Réflexions sur le contrat VAM »), la note du 2 mai 1990, reprise à la page 15610 du dossier, intitulée « Réflexions stratégiques concernant les relations de VLR » (ci-après la « note Réflexions stratégiques »), et la note Réunion du 24.7.90. À cet égard, elle ne commente pas expressément la note reprise à la page 15596 du dossier, non datée, intitulée « Entretien BSC », citée au considérant 62 de la décision attaquée ainsi qu’au point 56 de la CG. Corus relève que les notes Réflexions sur le contrat VAM et Réflexions stratégiques ont été rédigées par des employés de Vallourec et n’expriment que le point de vue personnel de leurs auteurs. Elles ne prouveraient donc nullement l’existence d’un accord entre Vallourec et Corus. La Commission se serait appuyée à tort sur la circonstance selon laquelle ces deux notes proposent, entre autres options, une solution qui correspond au prétendu accord qu’elle a retenu à l’article 2 de la décision attaquée. L’auteur de la note Réflexions sur le contrat VAM aurait explicitement rejeté cette solution au motif qu’elle était peu réalisable et aurait recommandé une autre solution qui permettait à Corus de choisir librement ses sources d’approvisionnement en tubes lisses.

55     En ce qui concerne la note Réunion du 24.7.90, Corus fait valoir que ceux de ses employés qui ont participé à la réunion en question ont tous pris leur retraite en août 1997, de sorte qu’elle ne peut que porter une appréciation limitée sur ce document. Selon elle, il ne ressort pas clairement de cette note quelles sont les observations rapportées qui reflètent la teneur de la réunion et quelles sont celles qui reflètent le point de vue personnel de l’auteur du compte-rendu. En outre, il serait impossible de déduire de cette note que Corus et Vallourec se sont accordées sur une manière d’agir particulière. Enfin, dans la mesure où ladite note est invoquée par la Commission pour établir l’existence d’un accord entre les quatre producteurs européens, Corus relève qu’il n’existe pas de preuves de discussions supplémentaires auxquelles Dalmine et Mannesmann auraient participé.

56     En ce qui concerne la télécopie de Corus à Vallourec intitulée « Accord de coopération BS » (« BS cooperation agreement », une lettre du 21 janvier 1993 et une note confidentielle de 13 pages y étant annexées), en date du 22 janvier 1993, reprise à la page 4626 du dossier de la Commission et analysée au considérant 91 de la décision attaquée, Corus fait valoir qu’elle n’atteste pas l’existence d’une quelconque concertation. Cette télécopie s’inscrirait dans le contexte des négociations entamées par Corus avec Vallourec, Dalmine et Mannesmann en vue d’examiner la possibilité d’un plan de rationalisation coordonné et ne constituerait nullement la preuve d’une collusion illégale. Elle souligne, en particulier, que la télécopie « Accord de coopération BS » prévoit la consultation des autorités de contrôle nationales avant qu’une quelconque transaction ne soit réalisée.

57     Par ailleurs, il ressortirait de la télécopie « Accord de coopération BS » que Corus cherchait à réduire sa présence sur les marchés des tubes sans soudure à un niveau marginal, de sorte que ce document ne saurait prouver l’existence d’un comportement infractionnel de sa part, comme le soutient la Commission. En effet, Corus n’aurait plus eu d’intérêt commercial dans les contrats d’approvisionnement en question après sa vente de l’entreprise Imperial à Vallourec en mars 1994.

58     Quant au document intitulé « Système pour les tubes en acier sans soudure en Europe et évolution du marché » (« Seamless Steel tube System in Europe and Market Evolution »), repris à la page 2051 du dossier de la Commission (ci-après le « document Système pour les tubes en acier ») et analysé au considérant 91 de la décision attaquée, Corus estime qu’il s’agit d’un document interne de Dalmine, qui ne prouve pas la participation de Corus à des discussions constitutives d’une collusion illicite.

59     La Commission fait valoir d’abord que le point 71 de l’arrêt Pâte de bois II, point 50 supra, sur lequel s’appuie Corus, n’est pertinent que dans des circonstances où la Commission se fonde exclusivement sur la démonstration d’un parallélisme de comportements pour prouver l’existence d’une pratique concertée. En l’espèce, en revanche, les termes des contrats d’approvisionnement eux-mêmes refléteraient explicitement l’intention des parties de s’assurer que Corus reste un producteur national au sens des Règles fondamentales. En outre, un faisceau de preuves écrites étayerait cette thèse.

60     Par ailleurs, l’argument selon lequel les trois contrats d’approvisionnement de tubes lisses ont été négociés de manière séparée et indépendante serait contredit par la circonstance selon laquelle chaque contrat alloue un pourcentage fixe des tubes achetés par Corus à chaque fournisseur.

61     De plus, l’argument de Corus selon lequel elle ne pouvait conclure des contrats d’approvisionnement qu’avec des producteurs communautaires serait peu plausible. De même, les arguments relatifs à l’importance des délais de livraison seraient contredits par les termes de ses propres contrats. Quant aux arguments relatifs à l’importance de la qualité des produits, ils seraient contredits par le fait qu’elle a elle-même proposé d’acheter des tubes lisses à des producteurs de pays tiers, comme le relève la décision attaquée (considérant 78).

62     La Commission ajoute que la décision attaquée fait état, au considérant 152, de surcapacités structurelles, y compris au sein de la Communauté, de sorte que les arguments de Corus relatifs à la qualité insuffisante des tubes offerts par les producteurs d’Europe de l’Est sont sans pertinence.

63     En toute hypothèse, les arguments de Corus visant à prouver qu’il était logique de traiter avec les trois producteurs communautaires seraient inopérants, dès lors que c’est le fait, pour Corus et ces producteurs, d’avoir accepté de traiter les activités de celle-ci comme un bien commun à répartir entre eux au moyen de contrats d’approvisionnement restrictifs qui constitue la collusion illicite.

64     La Commission fait valoir que, même si Corus pouvait démontrer que l’allocation d’un pourcentage de ses achats de tubes lisses à chacun des trois fournisseurs présentait des avantages commerciaux pour elle, la clause de chaque contrat la prévoyant n’en demeurerait pas moins une restriction de la concurrence comme cela est relevé au considérant 153 de la décision attaquée.

65     En tout état de cause, il ne serait pas exact que la répartition des achats de Corus selon des pourcentages était le seul moyen pour Corus de couvrir de manière certaine l’ensemble de ses besoins variables en tubes lisses. La Commission soutient que la conclusion de plusieurs contrats‑cadres fixant des prix unitaires avec des fournisseurs aurait permis d’atteindre le même objectif commercial.

66     En ce qui concerne la clause des contrats d’approvisionnement fixant le prix des tubes lisses en fonction du prix obtenu par Corus à la revente des tubes filetés, la Commission estime que tout fabricant qui achète un produit pour le revendre après finition supporte le risque d’une baisse des prix sur le marché des produits finis. Corus n’expliquerait pas pour quelles raisons il était, en l’occurrence, nécessaire de supprimer ce risque. Selon la Commission, Corus n’explique pas non plus pourquoi les fournisseurs de tubes lisses devaient accepter de partager ledit risque commercial.

67     Quant à la circonstance, exposée au considérant 153 de la décision attaquée, selon laquelle la formule de fixation du prix des tubes lisses impliquait un échange d’informations commerciales devant rester confidentielles selon la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission, T‑141/94, Rec. p. II‑347, point 403, et British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629), l’argumentation avancée par Corus pour défendre l’utilisation de cette formule ne serait pas convaincante. En ce qui concerne la quantité de tubes filetés vendue par Corus, la Commission note que les fournisseurs pouvaient très facilement calculer les ventes totales de ces produits par Corus, dès lors que chacun d’entre eux fournissait un pourcentage fixe de ses besoins.

68     Concernant les éléments de preuve datant de 1990 et de 1993, cités aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée, la Commission soutient d’abord qu’ils y sont invoqués non pour démontrer l’existence d’un accord ferme, mais pour révéler les intentions sous-jacentes à la conclusion des contrats d’approvisionnement sur lesquelles la Commission s’appuie directement pour prouver l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée.

69     En ce qui concerne les arguments de Corus selon lesquels la décision attaquée n’expose pas de manière claire comment l’accord entre Corus et Vallourec a été transformé ensuite en un accord conclu entre quatre parties, la Commission relève d’abord que c’est dans le cadre de l’accord plus large sur le respect des Règles fondamentales constaté à l’article 1er de cette décision attaquée, auquel les quatre producteurs européens en cause adhéraient depuis 1990, que ce second accord a été élaboré. En 1990, Corus et Vallourec auraient donc conclu l’accord décrit à l’article 2 de la décision attaquée et prévu, dès le départ, de faire participer Dalmine et Mannesmann à celui-ci. La Commission expose que Dalmine et Mannesmann ont dû adhérer à ce second accord avant de signer les contrats d’approvisionnement mais que, faute de preuves de la date précise de cette adhésion, elle a retenu cette infraction à leur égard uniquement à partir de la date de la signature desdits contrats. Il serait donc clair, en toute hypothèse, que Corus et au moins Vallourec ont été parties à l’accord à partir de 1990. Par ailleurs, les quatre parties à l’accord se seraient réunies en 1993, date à partir de laquelle elles y auraient toutes adhéré.

70     Quant à l’argument selon lequel les prétendues restrictions de concurrence contenues dans les clauses des contrats d’approvisionnement ne sont pas celles qui constituent l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée, la Commission relève que ces restrictions représentent uniquement la partie écrite de l’accord, l’autre partie de celui-ci n’étant pas reprise dans un document.

 Appréciation du Tribunal

71     Il y a lieu de rejeter tout d’abord l’argument de Corus tiré de ce qu’elle aurait fourni une explication sur la logique commerciale sous-jacente aux contrats d’approvisionnement visés par l’article 2 de la décision attaquée qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet, dès lors, de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles de concurrence communautaires (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16 ; arrêt Pâte de bois II, point 50 supra, points 126 et 127 ; arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschaapij e.a./Commission, dit « PVC II », T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II‑931, point 725). Ainsi, l’allégation selon laquelle il incomberait à la Commission, en l’espèce, de prouver l’existence d’une entente entre les entreprises visées à l’article 2 de la décision attaquée, autrement que par référence aux contrats d’approvisionnement, est dénuée de pertinence.

72     En effet, il y a lieu de constater que la jurisprudence sur laquelle se fonde Corus à cet égard se rapporte à la situation dans laquelle la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour déduire l’existence d’une infraction (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 71 supra, points 727 et 728). En particulier, la règle de preuve évoquée au point 71 de l’arrêt Pâte de bois II, point 50 supra, n’est pertinente que dans des circonstances où la Commission se fonde exclusivement sur l’existence d’un parallélisme de comportements pour prouver l’existence d’une pratique concertée. Tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque l’infraction retenue repose sur les termes des contrats d’approvisionnement eux-mêmes qui seraient constitutifs d’une infraction aux règles communautaires en matière de concurrence (voir considérants 110 et suivants de la décision attaquée) et que la Commission invoque, par ailleurs, un faisceau de preuves écrites complémentaires pour étayer sa thèse (voir considérants 78 et suivants de la décision attaquée).

73     Ainsi, à supposer même que Corus ait réussi à démontrer que la conclusion des trois contrats d’approvisionnement avec Vallourec, Dalmine et Mannesmann était objectivement conforme à son intérêt commercial, cette circonstance n’infirmerait nullement la thèse de la Commission suivant laquelle ces accords étaient illicites. En effet, les pratiques anticoncurrentielles sont très souvent dans l’intérêt commercial individuel des entreprises, du moins à court terme.

74     L’objet et l’effet des contrats d’approvisionnement sont décrits par la Commission au considérant 111 de la décision attaquée comme suit :

« L’objet de ces contrats était l’approvisionnement en tubes lisses du ‘leader’ du marché des OCTG dans la mer du Nord et leur but était de maintenir un producteur national au Royaume-Uni en vue d’obtenir un respect des ‘fundamentals’ dans le cadre du club Europe-Japon. Ces contrats ont eu pour objet et effet principal une répartition entre [Mannesmann], Vallourec et Dalmine de tous les besoins de leur concurrent [Corus] (Vallourec à partir de 1994). Ils faisaient dépendre les prix d’achat des tubes lisses des prix des tubes filetés par [Corus]. Ils comportaient aussi une limitation à la liberté d’approvisionnement de [Corus] (Vallourec à partir de février 1994) et obligeaient ce dernier à communiquer à ses concurrents les prix de vente pratiqués ainsi que les quantités vendues. Par ailleurs, [Mannesmann], Vallourec (jusqu’en février 1994) et Dalmine s’engageaient à livrer à un concurrent ([Corus], puis Vallourec à partir de mars 1994) des quantités inconnues à l’avance. »

75     Les termes des contrats d’approvisionnement produits devant le Tribunal confirment, en substance, les données factuelles invoquées au considérant 111 de la décision attaquée ainsi que dans ses considérants 78 à 82 et 153. Ils prévoient, notamment, la répartition des besoins de Corus en tubes lisses entre les trois autres producteurs européens (40 % pour Vallourec, 30 % pour Dalmine et 30 % pour Mannesmann) et la fixation du prix payé par Corus pour les tubes lisses en fonction d’une formule mathématique qui prend en compte le prix qu’elle obtenait pour ses tubes filetés.

76     À la lumière de ces constatations, il suffit de relever que l’objet et l’effet des contrats d’approvisionnement étaient de substituer une répartition négociée du bénéfice à tirer des ventes de tubes filetés pouvant être réalisées sur le marché britannique aux risques de la concurrence à tout le moins entre les quatre producteurs européens (voir, par analogie, en ce qui concerne les pratiques concertées, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment », T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, point 3150).

77     Par chacun des contrats d’approvisionnement, Corus a lié ses concurrents de manière telle que toute concurrence effective de leur part sur son marché domestique, ainsi que toute perspective d’une telle concurrence, a disparu.

78     En effet, Corus a renforcé sa position sur son marché domestique, au prix du sacrifice de sa liberté d’approvisionnement, parce que trois de ses concurrents potentiels sur le marché britannique des tubes filetés se sont liés à elle d’une manière telle qu’ils voyaient leurs ventes de tubes lisses diminuer si les ventes de tubes filetés réalisées par Corus devaient baisser. Par ailleurs, la marge bénéficiaire réalisée sur les ventes de tubes lisses que les trois fournisseurs se sont engagés à effectuer se réduisait également dans l’hypothèse d’une diminution du prix obtenu par Corus pour ses tubes filetés. Dans ces conditions, il était pratiquement inconcevable que ces trois producteurs cherchent à livrer une concurrence effective à Corus sur le marché britannique des tubes filetés, notamment en ce qui concerne les prix (voir considérant 153 de la décision attaquée).

79     À l’inverse, en acceptant de conclure de tels contrats, chacun des concurrents communautaires de Corus s’est assuré une participation indirecte sur le marché domestique de cette dernière ainsi qu’une part des bénéfices qui en découlaient. Pour obtenir ces avantages, ils ont renoncé, de fait, à la possibilité de vendre des tubes filetés sur le marché britannique et, surtout à partir de la signature du troisième contrat, le 9 août 1993, allouant les 30 % restants à Mannesmann, à celle de fournir une proportion plus importante de tubes lisses à Corus que celle qui a été allouée à chacun d’eux à l’avance. De plus, ils ont accepté l’obligation onéreuse, et partant commercialement anormale, de fournir à leur concurrent, Corus, des quantités de tubes qui n’étaient définies à l’avance que par référence aux ventes de tubes filetés réalisées par cette dernière.

80     Force est de constater que si les contrats d’approvisionnement n’avaient pas existé, les trois producteurs européens autres que Corus auraient normalement eu, abstraction faite des Règles fondamentales, un intérêt commercial réel ou à tout le moins potentiel à concurrencer celle-ci sur le marché britannique des tubes filetés ainsi qu’à se concurrencer entre eux pour approvisionner Corus en tubes lisses.

81     Il convient de relever, en outre, que chacun des contrats d’approvisionnement a été conclu pour une durée initiale de cinq ans, durée relativement longue qui confirme et renforce le caractère anticoncurrentiel de ces contrats.

82     Par ailleurs, comme le relève la Commission, la formule de fixation du prix des tubes lisses, prévue dans chacun des trois contrats d’approvisionnement, impliquait un échange illicite d’informations commerciales (voir considérant 153 de la décision attaquée ; voir également son considérant 111) qui doivent rester confidentielles sous peine de compromettre l’autonomie de la politique commerciale des entreprises concurrentes (voir, en ce sens, arrêts Thyssen Stahl/Commission, point 67 supra, point 403, et British Steel/Commission, point 67 supra, points 383 et suivants).

83     L’argumentation de Corus, selon laquelle les informations relatives aux quantités de tubes qu’elle vendait et aux prix payés par ses clients n’étaient pas divulguées à ses fournisseurs, ne saurait la disculper dans les circonstances du cas d’espèce.

84     En ce qui concerne les quantités de tubes filetés vendues par Corus, il y a lieu de constater que les fournisseurs pouvaient facilement les calculer, dès lors que chacun d’entre eux fournissait, en principe, un pourcentage fixe de ses besoins.

85     En ce qui concerne les prix, il est exact que Corus ne communiquait pas les prix qu’elle obtenait pour ses tubes filetés à ses cocontractants en tant que tels. Par conséquent, l’affirmation figurant au considérant 111 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats d’approvisionnement « obligeaient [Corus] à communiquer à ses concurrents les prix de vente pratiqués », exagère la portée des obligations contractuelles à cet égard. Toutefois, la Commission a relevé, à juste titre, au considérant 153 de la décision attaquée et devant le Tribunal, que les prix des tubes filetés étaient en rapport mathématique avec les prix payés pour les tubes lisses, de sorte que les trois fournisseurs concernés recevaient des indications précises sur le sens, le moment et l’ampleur de toute fluctuation des prix des tubes filetés vendus par Corus.

86     Force est de constater non seulement que la communication de ces informations à des concurrents viole l’article 81, paragraphe 1, CE, mais que, de plus, la nature de cette violation est en substance la même, que ce soient les prix des tubes filetés eux-mêmes ou uniquement des informations concernant leur fluctuation qui ont fait l’objet de cette communication. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’inexactitude relevée au point précédent est insignifiante dans le contexte plus large de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée et que, par conséquent, elle n’a aucune incidence sur la constatation de l’existence de celle-ci.

87     Quant à l’argumentation plus générale de Corus suivant laquelle les restrictions de concurrence relevées aux points précédents ne sont pas celles qui constituent l’infraction spécifique retenue par la Commission à l’article 2 de la décision attaquée, il convient de rappeler que ces restrictions sont clairement exposées dans les considérants de la décision attaquée décrivant cette infraction, en particulier au considérant 111 cité in extenso au point 74 ci-dessus. Si l’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée indique que les contrats d’approvisionnement ont été conclus « dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article premier », il en ressort clairement que c’est le fait d’avoir conclu ces contrats anticoncurrentiels qui constitue en lui-même l’infraction constatée à l’article 2.

88     En toute hypothèse, le bien-fondé de cette analyse est confirmé par le fait que, à l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission fait dépendre la durée de l’infraction retenue pour chacun des producteurs européens de la période de maintien en vigueur du ou des contrats auxquels ils étaient respectivement parties.

89     De plus, ces constatations suffisent pour écarter également l’argument de Corus selon lequel la Commission n’a pas démontré que les producteurs européens se sont concertés à quatre de la manière exposée dans la décision attaquée. Quel que soit le véritable degré de concertation ayant existé entre les quatre producteurs européens, force est de constater que chacun d’eux a signé un des contrats d’approvisionnement, à l’exception de Corus qui en a signé trois, restreignant la concurrence et s’inscrivant dans le cadre de l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE retenue à l’article 2 de la décision attaquée.

90     Dans ces conditions, c’est à titre surabondant que la Commission s’est appuyée sur un faisceau d’indices extérieurs aux contrats d’approvisionnement pour démontrer l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner en l’espèce tous les arguments soulevés par la requérante à cet égard pour traiter le présent moyen.

91     Toutefois, dans le cadre du présent moyen et dans la mesure où le degré de concertation ayant existé entre les quatre producteurs communautaires en ce qui concerne l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est pertinent pour l’examen de certains des autres moyens, il y a lieu d’analyser certains des documents du dossier de la Commission dans la présente affaire pour apprécier l’argument de Corus tiré de ce que les trois contrats d’approvisionnement en cause ont été conclus à des dates différentes, de sorte que la Commission ne pouvait en déduire l’existence d’une infraction unique impliquant les quatre producteurs européens.

92     À cet égard, le document Réflexions sur le contrat VAM, daté du 23 mars 1990, est particulièrement pertinent. Sous l’intitulé « Scénario II », M. Verluca y prévoit la possibilité d’« obtenir des Japonais qu’ils n’interviennent pas sur [le] marché [du Royaume‑Uni] et que le problème se règle entre Européens ». Il poursuit : « [d]ans ce cas, on partagerait effectivement les tubes lisses entre [Mannesmann], [Vallourec] et Dalmine ». Au paragraphe suivant, il relève qu’« on aurait probablement intérêt à lier les ventes de [Vallourec] à la fois au prix et au volume du VAM vendu par [Corus] ». Étant donné que cette dernière proposition reflète avec précision les termes essentiels du contrat conclu entre Vallourec et Corus seize mois plus tard, il apparaît clairement que cette stratégie a effectivement été retenue par Vallourec et que ledit contrat a été signé pour la mettre en oeuvre.

93     Il y a lieu de rejeter également l’argument de Corus tiré de ce que le renforcement du volet des Règles fondamentales concernant le respect des marchés domestiques européens par les producteurs japonais n’est pas celle des trois solutions envisagées dans les notes Réflexions stratégiques et Réflexions sur le contrat VAM que M. Verluca a retenue en conclusion de celles-ci. En effet, il se déduit clairement du libellé de ces deux notes que leur auteur préférait cette solution et ne l’a rejetée qu’à contrecoeur, au motif qu’elle n’était pas réalisable. En particulier, selon la note Réflexions stratégiques, « la solution la plus avantageuse pour [Vallourec] » reposait sur l’hypothèse dans laquelle « [l]es Européens obtiend[raient] des Japonais qu’ils respectent le UK en Buttress et en Premium ». M. Verluca ne rejette cette solution dans ladite note qu’au motif qu’il « ne croi[t] malheureusement pas que cette solution […] puisse fonctionner ». Ainsi, étant donné que cette solution a été mise en œuvre à partir de 1991, le rejet provisoire de ce stratagème dans ces notes est sans importance.

94     De plus, la circonstance selon laquelle un contrat pratiquement identique ait ensuite été signé entre Corus, d’une part, et Vallourec puis Dalmine, et, enfin, Mannesmann, d’autre part, de sorte que les besoins de Corus en tubes lisses étaient effectivement répartis entre ces trois sociétés à partir de 1993 comme M. Verluca l’avait envisagé, confirme que ces trois contrats ont dû être conclus dans le but de poursuivre une stratégie européenne commune. Comme le relève la Commission, Vallourec a d’abord conçu cette stratégie et conclu un contrat d’approvisionnement avec Corus dans un premier temps. Ensuite, Dalmine et Mannesmann se sont jointes à elles, ce dont atteste la conclusion par chacune de ces deux sociétés d’un contrat d’approvisionnement avec Corus.

95     À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a considéré à juste titre, dans la décision attaquée, que les contrats d’approvisionnement constituaient l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée et établissaient donc son existence à suffisance de droit. Il convient de relever également, à toutes fins utiles, que les éléments de preuve complémentaires retenus par la Commission confirment la justesse de sa thèse suivant laquelle ces contrats s’inscrivaient dans une politique commune plus large.

96     Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée en ce qui concerne l’analyse des preuves invoquées pour établir l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

 Arguments des parties

97     Selon Corus, l’analyse des notes de 1990, citées aux considérants 78 à 81 de la décision attaquée, effectuée dans la CG est différente de celle figurant dans la décision attaquée, notamment dans la mesure où la Commission ne prétend plus, au considérant 147 de cette dernière, que ces éléments de preuve attestent l’existence d’un accord concernant les tubes lisses entre les quatre producteurs européens.

98     Par ailleurs, la Commission aurait invoqué les documents de 1993, cités au considérant 91 de la décision attaquée (à savoir la télécopie de Corus à Vallourec, intitulée « Accord de coopération BS », et le document Système pour les tubes en acier), pour la première fois dans la décision attaquée afin d’établir l’existence d’un accord illicite constitué par les contrats d’approvisionnement. Corus n’ayant donc pas eu l’occasion de faire des observations au cours de la procédure administrative sur l’analyse retenue dans la décision attaquée à cet égard, ses droits de la défense auraient été violés.

99     La Commission réplique que la décision finale ne doit pas nécessairement être en tous points identique à la communication des griefs. En l’espèce, la CG et la décision attaquée contiendraient toutes deux la conclusion selon laquelle Corus a participé à l’accord constitutif de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée avec au moins une autre entreprise à partir de 1990, et avec ses trois fournisseurs européens à partir de 1993. À supposer même qu’il existe une différence entre la CG et la décision attaquée, elle serait sans incidence sur les droits de la défense de Corus. Aussi, une telle différence ne justifierait l’annulation d’une décision finale que s’il existait une possibilité qu’en l’absence de cette prétendue irrégularité la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent (arrêt de la Cour du 10 juillet 1980, Distillers/Commission, 30/78, Rec. p. 2229, point 26). Pour établir une violation des droits de la défense, Corus devrait donc démontrer que la décision attaquée aurait pu être différente si elle avait eu l’occasion de contester l’existence d’un accord auquel ont participé trois autres entreprises plutôt qu’une seule. Corus contestant l’existence de tout accord, la Commission considère que cette attitude reste valable, quel que soit le nombre d’entreprises ayant participé avec elle à l’infraction en cause, et que Corus a eu l’occasion de se défendre de manière adéquate.

 Appréciation du Tribunal

100   Il convient de relever d’abord que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’ait pas été exposé dans celle-là d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 76 supra, points 852 à 860).

101   De plus, l’appréciation figurant dans une communication des griefs est souvent plus succincte que celle contenue dans la décision finale adoptée, dès lors qu’elle n’est qu’une prise de position provisoire de la Commission. Les différences de formulation entre une communication des griefs et une décision finale, découlant de la différence entre les finalités respectives de ces deux documents, ne sont pas de nature, en principe, à violer les droits de la défense. Ainsi, en l’espèce, la circonstance selon laquelle la CG ne contient pas de point équivalent au considérant 147 de la décision attaquée, dans lequel la Commission tire explicitement des conclusions des éléments de preuve examinés aux considérants 78 à 81 et 91 de celle-ci, est tout à fait naturelle. Au contraire, un tel point de conclusion aurait éventuellement pu être considéré comme prématuré au stade de la CG.

102   La Commission a relevé, au considérant 78 de la décision attaquée, que « Vallourec et [Corus] ont […] introduit le concept de ‘fundamentals improved’ » alors qu’elle avait considéré, au point 63 de la CG, que « [l]es Européens » l’avaient fait. Ainsi, elle ne prétend plus, dans la décision attaquée, que les notes de Vallourec attestent de l’existence d’un accord dès 1990 entre l’ensemble des quatre producteurs européens concernant les tubes lisses commercialisés sur le marché britannique.

103   Il y a lieu de constater que, par ce changement d’appréciation, la Commission s’est bornée, dans la décision attaquée, à retenir les faits dont elle considérait avoir une preuve adéquate, notamment à la suite des réponses à la CG des destinataires de celle-ci. Les notes en question concernant uniquement Vallourec et Corus, la Commission a décidé de rédiger le considérant 78 de la décision attaquée de manière plus prudente, à cet égard, que le point 63 de la CG.

104   En tout état de cause, force est de constater que cette différence de rédaction, loin d’être contraire aux intérêts des destinataires de la CG, reflète la nature plus limitée de la valeur probante accordée par la Commission, dans la décision attaquée, aux notes de Vallourec à titre d’éléments à charge pour attester l’existence de l’infraction constatée à son article 2, par rapport à la CG. Dès lors, il ne saurait être question d’une violation des droits de la défense du fait de cette différence.

105   Quant aux arguments relatifs à la télécopie de Corus à Vallourec intitulée « Accord de coopération BS » et au document Système pour les tubes en acier, il suffit de constater que le point 118 de la CG est rédigé dans exactement les mêmes termes que le considérant 91 de la décision attaquée et fait donc référence à ces deux éléments de preuve de la même manière et dans le même contexte que celle-ci. De plus, contrairement à ce que prétend Corus, tant la CG que la décision attaquée relèvent que la télécopie « Accord de coopération BS » fait référence aux contrats sanctionnés à l’article 2 de cette dernière : « [u]ne des propositions consistait à transférer à Vallourec les activités OCTG tout en maintenant les contrats d’approvisionnement en tubes lisses en vigueur entre [Corus] et Vallourec, [Mannesmann] et Dalmine, en gardant les mêmes proportions » (point 118 de la CG et considérant 91 de la décision attaquée).

106   Il s’ensuit que le présent moyen n’est pas fondé et que, dès lors, la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée doit être rejetée.

 Sur la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée

 Sur le moyen tiré des conséquences, pour la constatation de l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, de l’inexistence de l’infraction retenue à son article 2

 Arguments des parties

107   Selon la requérante, si l’article 2 de la décision attaquée devait être annulé, il n’existerait pas de preuves suffisantes pour établir qu’elle a participé, à partir de l’année 1991, à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

108   Elle considère d’abord que l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est décrite au considérant 164 de celle-ci comme un moyen de mise en oeuvre du principe de respect des marchés nationaux s’inscrivant dans le cadre du club Europe-Japon. Si l’article 2 de la décision attaquée devait être annulé, la preuve de la participation de Corus à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée se limiterait à sa participation aux réunions dudit club.

109   Or, Corus estime que sa participation à ces réunions s’inscrivait dans sa stratégie de retrait du marché des tubes sans soudure, arrêtée dès 1987 et mise en oeuvre par la fermeture de son usine de Clydesdale, qui produisait des tubes lisses, en avril 1991. Le document, repris à la page 4902 du dossier de la Commission, intitulé « Note pour les présidents » (« Paper for Presidents ») et invoqué par la Commission pour prouver la participation de Corus auxdites réunions, attesterait que l’éventuelle restructuration de l’industrie sidérurgique européenne a été examinée lors de ces réunions. C’est dans le contexte de cette restructuration que Corus aurait cherché à négocier la réduction de ses dernières activités sur le marché des tubes lisses. Il n’y aurait aucune preuve documentaire de ce que la participation de Corus auxdites réunions a donné lieu à la collusion illégale retenue par la Commission à l’article 1er de la décision attaquée.

110   La Commission fait valoir que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée repose sur des preuves distinctes de celles invoquées pour établir l’infraction retenue à son article 2. Elle relève, en outre, que Corus n’a pas contesté ces preuves ni l’existence des Règles fondamentales de partage des marchés.

 Appréciation du Tribunal

111   Il y a lieu de relever d’abord que, la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée ayant été rejetée pour les raisons exposées ci-dessus, le présent moyen est, en principe, inopérant.

112   En effet, le présent moyen ne pourrait être fondé que si la Commission s’était appuyée à tort sur l’existence de l’infraction relevée à l’article 2 de la décision attaquée pour établir la participation de Corus à celle retenue à son article 1er. Tel serait le cas, premièrement, si l’existence de l’infraction concernant les tubes lisses constatée à l’article 2 de la décision attaquée n’avait pas été établie à suffisance de droit, ou encore, deuxièmement, s’il n’avait pas été établi que cette infraction a consisté dans une concertation illicite entre les quatre producteurs européens dans le cadre de l’infraction commise dans le contexte du club Europe‑Japon avec les producteurs japonais concernant le marché en aval des tubes filetés et constatée à l’article 1er.

113   Or, il a été jugé aux points 71 à 96 ci-dessus que l’existence de l’infraction relevée à l’article 2 de la décision attaquée a été établie à suffisance de droit. En outre, il a été jugé aux points 91 à 96 ci-dessus que les contrats constitutifs de cette infraction ont effectivement été signés dans le cadre d’une concertation entre les quatre producteurs européens destinataires de la décision attaquée ayant notamment pour objectif le renforcement de l’accord illicite conclu dans le cadre du club Europe-Japon.

114   En toute hypothèse, il y a lieu de constater que, à l’article 1er de la décision attaquée, la Commission, loin de se borner à considérer que Corus avait participé à l’infraction qui y est retenue du seul fait de son comportement anticoncurrentiel sur le marché en amont des tubes lisses constituant l’infraction retenue à son article 2, a relevé que cette entreprise avait directement participé, en outre, à l’accord de partage des marchés des tubes filetés avec les autres producteurs européens et les producteurs japonais.

115   Si l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée conforte l’appréciation portée par la Commission sur l’infraction retenue à son article 1er, cette dernière et la participation de Corus à celle-ci reposent essentiellement sur des preuves distinctes de celles retenues pour établir l’existence de l’infraction retenue à son article 2 et, en particulier, sur les témoignages de M. Verluca (voir, notamment, considérants 62 à 67 de la décision attaquée). Or, Corus n’a pas contesté la pertinence de ces preuves pour établir l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée. Ainsi, à supposer même qu’il y ait lieu d’annuler l’article 2 de la décision attaquée, malgré ce qui a été jugé ci‑dessus, cette annulation ne saurait entraîner l’annulation de son article 1er.

116   Quant à l’argumentation de la requérante fondée sur les raisons pour lesquelles elle a participé aux réunions du club Europe-Japon, il résulte d’une jurisprudence bien établie que, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions (voir, en particulier, arrêt du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II-1711, point 232).

117   En l’espèce, Corus n’a pas nié sa participation aux réunions du club Europe-Japon et, comme il a déjà été relevé ci-dessus, n’avance pas d’arguments pour remettre en cause la véracité et la force probante des éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée par rapport à l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de celle-ci.

118   Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée

 Arguments des parties

119   Corus soulève également un moyen tiré d’une prétendue erreur dans la décision attaquée quant à la durée de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée. Ce moyen devrait aboutir à l’annulation partielle dudit article 1er ainsi qu’à la réduction du montant de l’amende infligée à Corus.

120   Corus avance que la Commission déclare avoir retenu l’existence de l’infraction décrite à l’article 1er de la décision attaquée à partir de 1990 en raison de l’existence des accords d’autolimitation en vigueur avant cette date (considérant 108 de la décision attaquée). Selon Corus, lesdits accords ont été prorogés jusqu’au début de l’année 1991, de sorte qu’il n’a pas pu y avoir d’infraction avant 1991, suivant le raisonnement exposé par la Commission. Corus ajoute qu’un autre destinataire de la décision attaquée apportera la preuve de cette prorogation. Ayant demandé dans sa requête au Tribunal d’ordonner une instruction préalable au cas où celle-ci serait nécessaire, Corus demande au Tribunal, dans sa réplique, d’ordonner à la Commission ou à toute tierce partie de produire tout document pertinent aux fins de la présente affaire, notamment tout document rapportant la preuve d’une prorogation des accords d’autolimitation.

121   La Commission constate que Corus n’a apporté aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel les accords d’autolimitation conclus avec le gouvernement japonais n’ont pris fin qu’en 1991. Le fait d’exprimer l’espoir qu’une autre partie apportera cette preuve ne pouvant tenir lieu de preuve effective, la Commission considère qu’il n’est pas nécessaire pour elle de répondre à cet argument. En toute hypothèse, le fait de ne pas infliger une amende pendant la durée de validité des accords d’autolimitation aurait déjà constitué une concession à la lumière de l’avis de la Commission relatif à l’importation de produits japonais dans la Communauté (JO 1972, C 111, p. 13).

 Appréciation du Tribunal

122   Il y a lieu de relever d’abord que la Commission a constaté, au considérant 108 de la décision attaquée, qu’elle aurait pu retenir l’existence de l’infraction à partir de 1977, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire en raison de l’existence des accords d’autolimitation. Ainsi, à l’article 1er de la décision attaquée, elle n’a retenu l’existence de l’infraction qu’à partir de 1990. Force est de constater que cette démarche constitue une concession faite par la Commission aux destinataires de la décision attaquée.

123   Il importe de relever qu’aucune des parties n’a soutenu devant le Tribunal qu’il y avait lieu de remettre en cause cette concession dans la présente affaire. En conséquence, l’examen du Tribunal dans le cadre de la présente procédure ne doit pas porter sur la légalité ou l’opportunité de ladite concession, mais uniquement sur la question de savoir si la Commission, l’ayant faite de manière expresse dans les motifs de la décision attaquée, l’a correctement appliquée en l’espèce. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission doit apporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, dès lors que la charge de la preuve quant à l’existence de l’infraction, et, partant, à sa durée, lui incombe (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 71 supra, point 20, et Pâte de bois II, point 50 supra, point 127 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II-1403, points 193 à 195, 198 à 202, 205 à 210, 220 à 232, 249, 250 et 322 à 328, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II-2707, points 43 et 72).

124   Ainsi, la concession décrite ci-dessus fait de la prétendue cessation des accords d’autolimitation le critère déterminant pour apprécier si l’existence de l’infraction devait être retenue pour l’année 1990. Étant donné qu’il s’agit d’accords conclus, sur le plan international, entre le gouvernement japonais, représenté par le ministère de l’Industrie et du Commerce extérieur, et la Communauté, représentée par la Commission, il y a lieu de constater que cette dernière aurait dû conserver la documentation confirmant la date à laquelle lesdits accords ont pris fin, conformément au principe de bonne administration. Partant, elle aurait dû être en mesure de produire cette documentation devant le Tribunal. Toutefois, la Commission a affirmé, devant le Tribunal, qu’elle avait cherché dans ses archives mais qu’elle n’était pas en mesure de produire des documents attestant de la date de cessation de ces accords.

125   Si, d’une manière générale, une partie requérante ne peut transférer la charge de la preuve à la partie défenderesse en se prévalant de circonstances qu’elle n’est pas en mesure d’établir, la notion de charge de la preuve ne saurait être appliquée au bénéfice de la Commission en l’espèce en ce qui concerne la date de cessation des accords internationaux qu’elle a conclus. L’incapacité inexplicable de la Commission à produire des éléments de preuve relatifs à une circonstance qui la concerne si directement prive le Tribunal de la possibilité de statuer en connaissance de cause en ce qui concerne la date de cessation desdits accords. Il serait contraire au principe de bonne administration de la justice de faire supporter les conséquences de cette incapacité de la Commission aux entreprises destinataires de la décision attaquée, qui, à la différence de l’institution défenderesse, n’étaient pas en mesure d’apporter la preuve qui fait défaut.

126   Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à titre exceptionnel, qu’il incombait à la Commission d’apporter la preuve de la date de cessation des accords d’autolimitation. Or, force est de constater que la Commission n’a pas apporté la preuve de cette circonstance, que ce soit dans la décision attaquée ou devant le Tribunal.

127   Par ailleurs, ni Corus ni, a fortiori, la Commission n’ont prétendu que les accords d’autolimitation étaient encore en vigueur en 1991.

128   Dans ces conditions, il convient de considérer, aux fins de la présente procédure, que les accords d’autolimitation, conclus entre la Commission et les autorités japonaises, sont restés en vigueur jusqu’à la fin de l’année 1990.

129   En toute hypothèse, les requérantes japonaises ont apporté des éléments de preuve qui attestent de la reconduction des accords d’autolimitation jusqu’au 31 décembre 1990, à tout le moins au niveau japonais, ce qui conforte la thèse de Corus dans la présente procédure (voir arrêt du Tribunal de ce jour, JFE Engineering e.a./Commission, T-67/00, T-68/00, T‑71/00 et T-78/00, non encore publié au Recueil, point 345). Il y a lieu de considérer que le Tribunal peut, dans des affaires jointes où toutes les parties ont eu l’occasion de consulter l’ensemble des dossiers, tenir compte d’office des éléments de preuve contenus dans les dossiers des affaires parallèles (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 décembre 1990, Nefarma et Bond van Groothandelaren in het Farmaceutische Bedrijf/Commission, T‑113/89, Rec. p. II-797, point 1, et Prodifarma e.a./Commission, T‑116/89, Rec. p. II-843, point 1). Or, en l’espèce, le Tribunal est amené à se prononcer dans le cadre d’affaires jointes aux fins de la procédure orale ayant pour objet une même décision et dans lesquelles toutes les parties requérantes ont conclu à ce que soit réformé le montant des amendes qu’elles ont été condamnées à payer.

130   Ainsi, le Tribunal a formellement connaissance, dans la présente affaire, des éléments de preuve produits par les quatre requérantes japonaises et il n’est pas nécessaire de statuer sur la demande de Corus visant à ce qu’il soit ordonné à la Commission de produire ces documents dans la présente procédure.

131   Il y a lieu de relever par ailleurs que Corus demande au Tribunal non seulement d’annuler la décision attaquée en ce qui concerne la date de commencement de l’infraction retenue à son article 1er et, dans cette mesure, la durée de cette infraction, mais, en outre, de réduire, dans l’exercice de la compétence de pleine juridiction attribuée au Tribunal, conformément à l’article 229 CE, par l’article 17 du règlement nº 17, le montant de son amende pour tenir compte de cette réduction de durée. Cette compétence de pleine juridiction a pour conséquence que le Tribunal, lorsqu’il réforme l’acte attaqué en modifiant le montant des amendes infligées par la Commission, doit tenir compte de toutes les circonstances de fait pertinentes (arrêt de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, point 692). Dans ces conditions et dès lors que toutes les requérantes ont contesté le fait que la Commission a retenu l’infraction à partir du 1er janvier 1990, il ne serait pas approprié que le Tribunal apprécie isolément la situation de chacune des parties requérantes dans les circonstances du cas d’espèce en se limitant aux seuls éléments de fait dont elles ont choisi de faire état pour plaider leur cause et en omettant de tenir compte de ceux que d’autres parties requérantes ou la Commission ont pu invoquer.

132   De plus, il résulte de l’ensemble de ces considérations que l’argument de la Commission selon lequel Corus n’a pas soulevé le présent moyen de manière effective est dénué de pertinence dans les circonstances du cas d’espèce.

133   Il résulte de ce qui précède que, à la lumière de la concession faite par la Commission dans la décision attaquée, la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée doit être réduite d’une année. Ainsi, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il retient l’existence de l’infraction qu’il reproche à Corus avant le 1er janvier 1991.

134   La demande visant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée doit être rejetée pour le surplus.

 Sur la demande d’annulation de l’amende

 Arguments des parties

135   Dans le cadre de cette demande, Corus soulève un moyen unique tiré d’une violation des droits de la défense. Elle considère qu’il résulte de la jurisprudence que la communication des griefs doit énoncer de manière claire l’ensemble des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde, afin de donner à ses destinataires les indications nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation d’infraction, mais aussi, le cas échéant, contre l’imposition d’amendes. La Commission aurait donc l’obligation, pour respecter les droits de la défense des destinataires, de donner, sur la base des éléments à sa disposition, une indication suffisante, au stade de la communication des griefs, sur la durée de l’infraction alléguée, sur sa gravité et sur la question de savoir si l’infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence (arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 14, 15 et 21 ; du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 20, et du 16 mars 2000, Compagnie Maritime Belge Transports e.a./Commission, C-395/96 P et C-396/96 P, Rec. p. I-1365, point 142).

136   En ce qui concerne la durée de l’infraction, Corus ajoute que la Cour a explicitement précisé que la Commission devait indiquer la durée d’infraction retenue provisoirement au stade de la communication des griefs, sur la base des informations dont elle disposait, et non simplement se borner à préciser qu’il sera tenu compte de la durée de l’infraction aux fins de la fixation de l’amende, comme le prétend la Commission (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 135 supra, point 15). Selon Corus, l’obligation relative à l’indication de la gravité et au caractère négligent ou délibéré de l’infraction doit être analogue, afin que les destinataires d’une communication des griefs puissent exercer utilement leurs droits de la défense par rapport à ces éléments. Le Tribunal aurait confirmé cette interprétation dans l’arrêt Ciment, point 76 supra (points 483 et 484). Dans le cas contraire, cette obligation serait vidée de sa substance, car elle impliquerait que la communication des griefs doit simplement exposer les critères pertinents, qui résultent en tout état de cause de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

137   En l’espèce, la Commission aurait manqué à cette obligation en ce qui concerne tant la gravité de l’infraction que la question de savoir si celle-ci a été commise de propos délibéré ou par négligence, dès lors que les points 153 et 154 de la CG ne comportent aucune indication sur ces deux éléments. Corus précise qu’elle a attiré l’attention de la Commission sur cette lacune au point 6.7 de sa réponse à la CG (annexe 11 de la requête) et que la Commission ne lui a pas envoyé d’informations complémentaires sur ce point.

138   Corus soutient que, dans ces conditions, elle n’a pas eu l’occasion de s’exprimer sur l’appréciation portée par la Commission sur ces questions avant que celle-ci ne rende la décision attaquée, dans laquelle il est conclu que l’infraction prétendument commise par Corus était très grave et que cette dernière avait été consciente de l’illicéité de ses agissements (considérant 161 de la décision attaquée). Les droits de la défense de Corus auraient donc été violés, de sorte que l’amende qui lui a été infligée devrait être annulée.

139   Selon la Commission, Corus fait une mauvaise interprétation de l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 135 supra (point 21), dans la mesure où elle déduit de cet arrêt que la Commission doit exposer, dans la communication des griefs, son appréciation provisoire des éléments qu’elle entend prendre en considération aux fins de la fixation du montant de l’amende. En réalité, la Cour aurait simplement exigé que la Commission précise quels critères de fixation dudit montant seraient appliqués. En effet, l’interprétation de l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précité, avancée par Corus serait incompatible avec celle adoptée dans l’arrêt Michelin/Commission, point 135 supra (point 19), aux termes duquel le fait pour la Commission de donner des indications concernant les niveaux des amendes envisagées, avant que l’entreprise faisant l’objet de l’enquête n’ait eu l’occasion de faire ses observations sur les griefs retenus contre elle, reviendrait à anticiper de façon inappropriée sa décision définitive.

140   Par ailleurs, l’argument de Corus tiré des points 483 et 484 de l’arrêt Ciment, point 76 supra, serait dénué de pertinence, dès lors que ces points portaient sur la question de savoir si la Commission avait indiqué, dans sa communication des griefs, son intention d’infliger une amende à certaines entreprises. En l’espèce, en revanche, il serait constant que le considérant 154 de la CG indiquait clairement l’intention de la Commission d’infliger une amende à Corus.

141   Or, il découlerait de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 que, pour ce faire, la Commission devait nécessairement tenir compte de la gravité et de la durée de l’infraction reprochée. Corus devait donc nécessairement se rendre compte de la pertinence de ces paramètres à cet égard. Par ailleurs, le caractère intentionnel ou négligent de l’infraction commise étant une condition pour l’imposition d’une amende au titre de cette disposition, ledit avertissement aurait suffi pour informer Corus de la position de la Commission sur ces éléments. La publication des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes ») étant antérieure à l’envoi de la CG aux destinataires de celle-ci, Corus aurait dû en déduire que l’accord de répartition des marchés qui lui était reproché constituait une violation très grave de l’article 81, paragraphe 1, CE.

142   Dans la mesure où le Tribunal aurait jugé, dans l’arrêt Ciment, point 76 supra, que la communication des griefs doit contenir des détails sur le caractère délibéré ou négligent de l’infraction et sur sa gravité, la Commission considère que ces détails peuvent être exposés dans le texte même de la communication des griefs et non nécessairement dans la partie de celle-ci qui renvoie à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. À cet égard, la Commission relève que Corus a considéré que les informations contenues dans la CG quant à la durée de l’infraction étaient suffisantes. Ces informations étant contenues dans des passages de la CG autres que ceux consacrés à l’imposition d’une amende, la Commission fait valoir que Corus a accepté le principe selon lequel il est nécessaire de tenir compte de l’ensemble de la CG à cet égard. Or, la CG contiendrait une description détaillée de l’infraction dont il ressort que la Commission la considérait importante (voir, en particulier, point 147 de la CG). En ce qui concerne le caractère délibéré d’une infraction, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, elle ne doit pas établir l’existence d’une intention subjective à cet égard, mais uniquement que les parties auraient dû savoir que leur comportement impliquait une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt de la Cour du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 299). Cela étant, il suffirait d’indiquer, dans la communication des griefs, que le comportement des parties était de nature à être considéré objectivement comme ayant eu un caractère délibéré ou négligent.

143   En toute hypothèse, Corus aurait expressément avancé des arguments, aux points 1.6, 3.14 et 3.15 de sa réponse à la CG, visant à minimiser la gravité de l’infraction et aurait expressément fait référence à ce facteur aux points 6.3, 6.4 et 6.7 de celle-ci. Aux points 3.12, 3.15 et 4.5 à 4.9 de cette même réponse, Corus aurait exposé les raisons justifiant son comportement avant de conclure aux points 6.1 et 6.2 de ladite réponse, sous la rubrique « Questions relatives aux amendes », qu’il n’y avait pas eu de violation de l’article 81, paragraphe 1, CE de sa part, de sorte qu’elle a nié avoir commis une infraction et, à plus forte raison, une infraction de propos délibéré. La Commission déduit de ces circonstances que Corus a eu, et a mis à profit, l’occasion de faire connaître son point de vue sur l’ensemble des questions relatives aux amendes et que ses droits de la défense n’ont donc pas été violés. Ainsi, la prétendue violation des droits de la défense de Corus n’ayant eu aucune incidence négative sur ses possibilités de se défendre en pratique, il n’y aurait pas lieu, en tout état de cause, d’annuler la décision attaquée pour ce motif (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 71 supra, point 1020).

 Appréciation du Tribunal

144   Il convient de relever d’abord que la communication des griefs doit énoncer de manière claire l’ensemble des éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde, afin de donner à ses destinataires les indications nécessaires pour se défendre non seulement contre la constatation d’une infraction, mais aussi, le cas échéant, contre l’imposition d’amendes. La Commission a dès lors l’obligation, pour respecter les droits de la défense des destinataires, de donner, sur la base des éléments à sa disposition, une indication suffisante, au stade de la communication des griefs, sur la durée de l’infraction alléguée, sur sa gravité et sur la question de savoir si l’infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence (arrêts Musique diffusion française e.a./Commission, point 135 supra, points 14, 15 et 21 ; Michelin/Commission, point 135 supra, point 20, et Compagnie Maritime Belge Transports e.a./Commission, point 135 supra, point 142).

145   À cet égard, l’obligation de donner une indication sur la gravité et sur le caractère délibéré ou négligent de l’infraction serait vidée de sa substance si une simple paraphrase de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 suffisait à elle seule pour la satisfaire (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 76 supra, points 483 et 484). En effet, une simple obligation pour la Commission d’informer les destinataires d’une communication des griefs des dispositions du règlement n° 17, qu’ils sont censés connaître en toute hypothèse, sous peine de l’annulation de la décision d’infraction adoptée, n’aurait aucun sens.

146   À la lumière de ce qui précède, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, celle-ci est tenue d’exposer, dans la communication des griefs, une brève appréciation provisoire quant à la durée de l’infraction alléguée, sa gravité et quant à la question de savoir si l’infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence dans les circonstances du cas d’espèce. Cependant, le caractère adéquat de cette appréciation provisoire destinée à mettre les destinataires d’une communication des griefs en mesure de se défendre doit être évalué au regard non seulement du libellé de l’acte en cause, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II‑2405, points 89 et suivants).

147   En l’espèce, s’agissant du caractère délibéré ou négligent de l’infraction, il y a lieu de considérer que les informations fournies dans la CG suffisent pour satisfaire aux exigences de la jurisprudence.

148   En effet, la Commission a précisé plusieurs fois dans la CG (notamment points 129 et 137) que l’accord conclu dans le cadre du club Europe-Japon avait pour objet de partager les marchés des tubes filetés et, ainsi, de restreindre la concurrence. Or, il suffit pour la Commission d’établir, dans une décision constatant une infraction aux règles de concurrence, qu’un comportement, dont le caractère est objectivement infractionnel, a été commis de propos délibéré ou par négligence pour que l’imposition d’une amende soit autorisée au regard de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Il est manifeste que le fait de conclure un accord de partage des marchés, tel que celui constaté à l’article 1er de la décision attaquée, présente nécessairement un caractère délibéré, puisqu’une entreprise ne saurait conclure un tel accord par mégarde.

149   Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la CG n’a laissé subsister aucun doute en l’espèce quant au fait que la Commission a considéré, à ce stade de la procédure, que l’infraction constatée ensuite à l’article 1er de la décision attaquée avait été commise de propos délibéré.

150   En revanche, les arguments avancés par la Commission quant à son appréciation provisoire de la gravité de l’infraction sont peu convaincants.

151   Dans la CG, la Commission s’est bornée, aux points 153 et 154 de celle-ci, à affirmer qu’elle avait l’intention d’imposer une amende en rappelant les termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17. Certes, elle a exposé dans la CG, au point 147, qu’il s’agissait d’un accord de partage des marchés qui impliquait une restriction significative (« appreciable ») de la concurrence. Cependant, force est de constater que cette affirmation ne permet pas de comprendre s’il s’agissait selon la Commission d’une infraction « grave » ou « très grave » au sens des lignes directrices pour le calcul des amendes.

152   De même, l’argument de la Commission fondé sur la publication desdites lignes directrices n’emporte pas la conviction. Là encore, si le Tribunal devait considérer que cette publication suffit à elle seule pour permettre aux destinataires d’une communication des griefs de déduire de la description de la nature de l’infraction dans quelle catégorie la Commission classe celle-ci, l’obligation, découlant de la jurisprudence, de donner des indications concernant la gravité de l’infraction n’aurait aucun sens pratique (point 145 ci-dessus).

153   Ainsi, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, la CG est entachée d’un vice en ce que la Commission n’a pas indiqué, dans la CG, sa qualification provisoire de la gravité de l’infraction commise.

154   Toutefois, cette constatation ne saurait en elle-même conduire à l’annulation de la décision attaquée. En effet, l’obligation relative à l’inclusion dans la communication des griefs d’une brève appréciation provisoire concernant la durée de l’infraction alléguée, sa gravité et la question de savoir si l’infraction a été commise de propos délibéré ou par négligence n’est pas une fin en soi, mais vise à mettre le destinataire d’une communication des griefs en mesure de se défendre utilement (voir point 146 ci-dessus ainsi que, par analogie, arrêt Ciment, point 76 supra, point 156).

155   Ainsi, cette obligation est inséparable du principe des droits de la défense et conditionnée par lui (voir, par analogie, arrêt Ciment, point 76 supra, point 156, et la jurisprudence citée). Il n’y a pas lieu pour le juge communautaire d’annuler les mesures communautaires sur la base d’omissions dans un document préparatoire tel qu’une communication des griefs qui n’ont pas eu de conséquences pour la défense des entreprises en cause. Il convient donc d’examiner si la défense de Corus a été affectée par le vice relevé au point 153 ci-dessus.

156   Or, en l’espèce, Corus a expressément avancé des arguments dans sa réponse à la CG, notamment à la section 6 de celle-ci, visant à minimiser la gravité de l’infraction commise. En particulier, Corus a fait valoir qu’il ressort du contexte entourant l’accord de partage des marchés en cause qu’une éventuelle infraction commise par elle ne serait pas d’une gravité suffisante pour justifier l’imposition d’une amende (voir point 6.3 de la réponse à la CG), qu’elle était en train de se retirer des marchés des tubes OCTG et des tuyaux de transport sans soudure et donc de diminuer son rôle sur ceux-ci au moment où l’infraction a prétendument été commise (voir point 6.4, paragraphe 3, de la réponse à la CG) et, enfin, que la portée géographique de sa participation et la catégorie de produits concernés par l’infraction étaient limitées (voir, respectivement, point 6.4, paragraphe 2, et point 6.5 de la réponse à la CG). Il convient de constater, en outre, que Corus a exposé des arguments détaillés de nature factuelle relatifs à ces éléments à la section 3 de sa réponse à la CG.

157   En conséquence, Corus n’a pas démontré de quelle manière le déroulement de la procédure administrative et le contenu de la décision attaquée auraient pu être différents en ce qui concerne la gravité de l’infraction et, partant, le montant de l’amende, si la Commission avait précisé, dans la CG, dans quelle catégorie de gravité elle classait l’infraction résultant de l’accord de partage des marchés dans le cadre du club Europe-Japon (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 71 supra, point 1021, et la jurisprudence citée). La simple affirmation faite par Corus au point 6.7 de ladite réponse, aux termes de laquelle elle présume qu’elle aura une nouvelle occasion de se prononcer sur les critères mentionnés dans les lignes directrices pour le calcul des amendes, ne saurait modifier sa position juridique à cet égard.

158   Enfin, il y a lieu de relever, à titre surabondant, que cette conclusion est confortée par le fait que Corus a avancé, devant le Tribunal, très substantiellement les mêmes arguments (voir points 161 et suivants ci-après) que ceux figurant dans la section 6 de sa réponse à la CG (voir point 156 ci-dessus), afin de mettre en cause spécifiquement l’appréciation de la gravité de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, figurant aux considérants 159 à 165 de celle-ci. Or, le juge communautaire dispose d’un pouvoir de pleine juridiction pour réapprécier le montant des amendes infligées en vertu de l’article 17 du règlement n° 17. Il s’ensuit que, si une partie considère qu’un des facteurs relatifs à cette question a été apprécié de manière erronée par la Commission, elle a la possibilité d’avancer tous les arguments susceptibles d’étayer cette thèse devant le Tribunal.

159   Dans ces conditions, même si la Commission avait exposé son appréciation provisoire dans la CG quant à la gravité de l’infraction, il n’y a aucune raison de supposer que Corus aurait présenté, dans sa réponse à la CG, des arguments sensiblement différents par rapport à ceux figurant effectivement à la section 6 de ladite réponse.

160   À la lumière de ce qui précède, le présent moyen ainsi que, partant, la demande d’annulation de l’amende doivent être rejetés.

 Sur la demande de réduction du montant de l’amende

 Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la gravité de l’infraction

 Arguments des parties

161   Corus fait valoir que, à supposer qu’elle ait participé à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, la circonstance selon laquelle elle était en train de se retirer du marché des tubes sans soudure avait pour conséquence que sa position commerciale était très différente de celle des autres producteurs sanctionnés. La Commission aurait donc dû considérer que l’infraction était moins grave en ce qui la concernait et, partant, fixer le montant de base de l’amende qui lui a été infligée à un niveau moins élevé que dans le cas des autres participants à l’infraction.

162   Par ailleurs, Corus souligne que ses activités étaient traditionnellement orientées vers le marché du Royaume-Uni, lequel n’était que « semi protégé » selon la Commission (considérant 62 de la décision attaquée) et sur lequel les producteurs japonais étaient des concurrents importants. En outre, les ventes de tubes sans soudure OCTG réalisées par Corus sur ce marché auraient concerné essentiellement des tubes filetés premium et non les tubes filetés standard visés par l’article 1er de la décision attaquée. Selon Corus, la Commission aurait donc dû tenir compte de ces facteurs également aux fins d’apprécier la gravité de l’infraction commise par elle.

163   Corus rappelle, en outre, que l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est considérée par la Commission comme étant accessoire à l’infraction retenue à son article 1er. Ainsi, l’éventuelle annulation dudit article 2 devrait nécessairement avoir une incidence sur la gravité de la prétendue participation de Corus à l’infraction principale, visée par l’article 1er.

164   La Commission relève qu’elle a expressément tenu compte, aux considérants 106 et 162 de la décision attaquée, du fait que l’infraction retenue à son article 1er n’avait eu que des effets limités, et qu’elle a minoré le montant de l’amende en conséquence. L’argumentation de Corus selon laquelle sa participation à l’infraction a eu un impact limité serait donc sans pertinence dans le cadre de la présente procédure.

165   En outre, l’éventuelle annulation de l’article 2 de la décision attaquée n’aurait aucune incidence sur le montant de l’amende dès lors que, comme Corus le rappelle, aucune amende distincte n’a été imposée au titre de cette disposition.

 Appréciation du Tribunal

166   Il convient de relever, à titre liminaire, que, si la Commission n’a pas expressément invoqué les lignes directrices dans la décision attaquée, elle a néanmoins déterminé le montant des amendes en faisant application de la méthode de calcul qu’elle s’y est imposée (voir, à cet égard, arrêt Hercules Chemicals/Commission, point 116 supra, point 53, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I‑4235, et la jurisprudence citée).

167   Or, d’après le point 1 A des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [l]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné ». Au considérant 159 de la décision attaquée, la Commission relève qu’elle prend justement en compte ces trois critères pour déterminer la gravité de l’infraction.

168   Toutefois, la Commission s’est appuyée, au considérant 161 de la décision attaquée, essentiellement sur la nature du comportement infractionnel de toutes les entreprises pour fonder sa conclusion selon laquelle l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est « très grave ». À cet égard, elle a invoqué la nature gravement anticoncurrentielle et nuisible au bon fonctionnement du marché intérieur de l’accord de partage des marchés sanctionné, le caractère délibéré de l’illégalité commise ainsi que la nature secrète et institutionnalisée du système mis en place pour restreindre la concurrence. La Commission a pris également en compte, dans ce même considérant 161, le fait que « les quatre États membres en cause représentent la majorité de la consommation des [tubes] OCTG et des [tuyaux de transport] sans soudure dans la Communauté et dès lors un marché géographique étendu ».

169   En revanche, la Commission a constaté, au considérant 160 de la décision attaquée, que « l’impact concret de l’infraction sur le marché a été limité », étant donné que les deux produits spécifiques couverts par celle-ci, à savoir les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet », ne représentaient que 19 % de la consommation communautaire des tubes OCTG et des tuyaux de transport sans soudure et que les tubes soudés pouvaient couvrir une partie de la demande des tubes sans soudure du fait des progrès technologiques.

170   Ainsi, au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission, après avoir classé cette infraction dans la catégorie des infractions « très graves » sur la base des facteurs énumérés au considérant 161, a pris en compte la quantité relativement réduite des ventes des produits en question par les destinataires de la décision attaquée dans les quatre États membres concernés (73 millions d’euros par an). Cette référence à la taille du marché affecté correspond, en substance, à l’appréciation susmentionnée relative à l’impact limité de l’infraction sur le marché au considérant 160 de la décision attaquée. La Commission a donc décidé de fixer le montant en fonction de la gravité à dix millions d’euros seulement. Or, les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoient, en principe, un montant « au-delà de 20 millions [d’euros] » pour une infraction relevant de cette catégorie. Il convient de considérer que cette réduction du montant fixé en fonction de la gravité à 50 % de la somme minimale retenue habituellement dans le cas d’une infraction « très grave » tient compte de manière adéquate de l’impact limité de l’infraction sur le marché en l’espèce.

171   Enfin, la Commission a constaté, au considérant 165 de la décision attaquée, que toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée étaient de grande dimension, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants d’amendes retenus selon les participants à l’infraction.

172   Il convient de relever, à cet égard, que la Commission s’est basée en grande partie dans cette appréciation sur la nature de l’infraction pour considérer que celle-ci était de nature très grave. Or, il ressort des notes de Vallourec, invoquées notamment aux considérants 62, 67, 78 et 80 de la décision attaquée, que la collaboration entre Corus et Vallourec a été particulièrement étroite.

173   En ce qui concerne l’argument de Corus tiré du fait qu’elle était en train de se retirer des marchés des tubes OCTG et des tuyaux de transport et qu’elle était, dès lors, dans une situation commerciale différente de tous les autres destinataires de la décision attaquée, il convient de relever d’abord que les motifs subjectifs pour lesquels une entreprise commet une infraction ne sont pas pertinents dans le cadre de l’appréciation de la gravité objective de celle-ci. Tant que Corus ne s’est pas retirée des marchés en cause et a continué à participer activement à l’infraction reprochée, le caractère temporaire de sa présence sur lesdits marchés est sans pertinence.

174   Il y a lieu de relever, en revanche, que la Commission a constaté, au considérant 92 de la décision attaquée, que Corus avait vendu ses activités de filetage à Vallourec le 22 février 1994 et que, dans son cas, l’infraction n’a été commise que de 1990 à février 1994, ainsi que cela est indiqué à l’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision. Il ressort du considérant 166 de la décision attaquée que l’infraction reprochée à Corus n’a été prise en compte que pour une période de quatre ans, de 1990 à 1994, ce qui est confirmé par le fait que le montant de base a été fixé à quatorze millions d’euros pour Corus au considérant 167. À la lumière d’une lecture d’ensemble de la décision attaquée, il y a lieu de conclure que l’année 1990 a été incluse et l’année 1994 exclue aux fins de ce calcul.

175   Ainsi, il n’y a aucune raison de considérer en l’espèce, compte tenu en particulier de la coopération étroite entre Corus et Vallourec susmentionnée, que le comportement infractionnel de Corus était moins grave, par sa nature, que celui des autres entreprises ayant participé à l’infraction. La prise en compte de la durée moindre, décrite au point précédent, de l’infraction constatée à l’article 1er de la décision attaquée dans le cas de Corus suffit pour refléter le fait que celle-ci s’est retirée des marchés des tubes filetés en février 1994.

176   Ensuite, il y a lieu de rappeler qu’une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale, même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d’une part, qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s’inscrivait dans un dispositif d’ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d’autre part, que ce dispositif recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (arrêt PVC II, point 71 supra, point 773). Or, à la lumière de la coopération particulièrement étroite entre Corus et Vallourec, relevée ci-dessus (voir également considérants 62, 67, 78 et 80 de la décision attaquée), il est manifeste que Corus était directement impliquée dans l’élaboration d’une stratégie commune arrêtée dans le cadre du club Europe-Japon et qu’elle connaissait tous les détails de l’accord de partage des marchés constitutif de l’infraction sanctionnée. Ainsi, en l’espèce, il n’y a aucune raison de considérer que Corus n’était pas responsable de l’entente dans son ensemble.

177   Quant à la circonstance selon laquelle le marché offshore du Royaume-Uni, secteur important du marché domestique de Corus, n’était que partiellement protégé, il ressort des notes de Vallourec (voir considérants 62, 67, 78 et 80 de la décision attaquée) et des documents « Note pour les présidents » et « g) Japonais » [« g) Japanese » document, repris à la page 4909 du dossier de la Commission] (voir considérant 84), rédigés par des employés de Corus, que celle-ci cherchait à limiter autant que possible les ventes japonaises sur ce marché. Dans ces conditions, Corus ne saurait se prévaloir de cette protection limitée pour prétendre que l’infraction qu’elle a commise n’était pas de nature « très grave ». Par ailleurs, le caractère limité de la protection du marché offshore du Royaume-Uni n’infirme nullement la constatation de la Commission, figurant au considérant 161 de la décision attaquée, selon laquelle le marché géographique affecté était un marché étendu.

178   En ce qui concerne les arguments de Corus tenant à l’impact limité de sa participation à l’infraction sur les marchés en cause, du fait notamment de l’existence d’une concurrence japonaise sur son marché domestique et du fait qu’elle vendait essentiellement des tubes OCTG premium plutôt que des tubes OCTG standard, il y a lieu de rappeler de nouveau dans ce contexte que la Commission a tenu compte de l’impact limité de l’infraction sur les marchés en fixant un montant en fonction de la gravité à 50 % de la somme minimale retenue habituellement dans le cas d’une infraction « très grave » (point 170 ci-dessus).

179   Certes, le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit la possibilité de « pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories [d’infractions] afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence ». Selon cet alinéa, cette approche est appropriée « notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ».

180   Toutefois, il résulte de l’utilisation de l’expression « dans certains cas » et du terme « notamment » dans les lignes directrices pour le calcul des amendes qu’une pondération en fonction de la taille individuelle des entreprises n’est pas une étape de calcul systématique que la Commission s’est imposée, mais une faculté de souplesse qu’elle s’est donnée dans les affaires qui le nécessitent. Il convient de rappeler, dans ce contexte, la jurisprudence selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C-137/95 P, Rec. p. I‑1611, point 54, et arrêts de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, points 32 et 33, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 131 supra, point 465 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T‑309/94, Rec. p. II‑1007, point 68). Compte tenu des termes du point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes relevés ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation par rapport à l’opportunité d’une pondération des amendes en fonction de la taille de chaque entreprise.

181   À cet égard, il y a lieu de rappeler également que les amendes ont pour vocation de remplir une fonction de dissuasion en matière de concurrence (voir, à cet égard, point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes). Ainsi, compte tenu de la grande dimension des entreprises destinataires de la décision attaquée, relevée au considérant 165 de la décision attaquée, une réduction substantiellement plus importante du montant fixé en fonction de la gravité aurait pu priver les amendes de leur effet dissuasif.

182   Dès lors, il y a lieu de considérer que la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation, constaté au point 180 ci-dessus, en n’appliquant pas le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes en l’espèce.

183   Quant à l’argumentation de Corus, selon laquelle l’éventuelle annulation de l’article 2 de la décision attaquée devrait avoir une incidence sur le montant de l’amende infligée pour sanctionner l’infraction constatée à son article 1er, il suffit de relever qu’aucune amende n’a été imposée au titre de l’infraction visée par l’article 2 de la décision attaquée et que la Commission n’en a nullement tenu compte en fixant le montant de celle qui a effectivement été infligée à Corus (considérant 164 de la décision attaquée). En conséquence, cette argumentation est sans pertinence.

184   Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime

 Arguments des parties

185   Corus fait valoir que, en ne lui accordant aucune réduction du montant de l’amende, la Commission a violé la confiance qu’elle pouvait légitimement tirer du point D 2 de la communication sur la coopération. Aux termes de cette disposition, une entreprise qui ne conteste pas la matérialité des faits allégués dans la communication des griefs devrait bénéficier d’une réduction de 10 à 50 % du montant de l’amende qui lui aurait été infligée en l’absence de coopération. Corus souligne également que la Commission elle-même reconnaît expressément, dans la communication sur la coopération, que celle-ci est susceptible de créer des attentes légitimes dans le chef des entreprises. Elle invoque enfin, par analogie, l’arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals, point 116 supra.

186   Quant à l’argument de la Commission selon lequel la communication sur la coopération n’a créé aucune attente légitime dans le chef de Corus, dès lors que cette communication n’a été publiée qu’en 1996, il suffirait de relever que la CG n’a été adressée à celle-ci qu’en 1999. Par ailleurs, la Commission se serait fondée expressément sur la communication sur la coopération dans la décision attaquée pour réduire le montant des amendes infligées à Vallourec et à Dalmine.

187   Corus relève, en outre, qu’il résulte de la jurisprudence que l’idée sous-jacente à la réduction du montant des amendes infligées aux entreprises déclarant qu’elles ne contestent pas les faits sur lesquels la Commission fonde ses accusations est que cette admission des allégations de fait peut être invoquée comme élément de preuve du bien-fondé de ces allégations, contribuant ainsi à faciliter la tâche de la Commission lorsque celle-ci constate et réprime des infractions aux règles de concurrence (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Cascades/Commission, T‑308/94, Rec. p. II-925, point 256).

188   En l’espèce, Corus aurait affirmé, au point 1.5 de sa réponse à la CG, qu’elle ne contestait pas, en substance, la matérialité des faits relatifs à l’infraction retenue ensuite à l’article 1er de la décision attaquée, tout en contestant l’existence de cette infraction. Corus relève qu’il convient d’établir une distinction entre les faits allégués et la qualification juridique de ceux-ci. Elle en conclut que la circonstance selon laquelle une entreprise conteste ladite qualification juridique ne réduit pas l’étendue et l’utilité de la coopération dont elle a fait preuve en reconnaissant les faits eux-mêmes. Elle fait valoir que, dans d’autres décisions en matière d’ententes illicites, la Commission a accordé des réductions d’amendes à des entreprises, alors même que celles-ci avaient contesté l’existence de la concertation constitutive de l’infraction ou avaient prétendu qu’elles n’avaient pas été parties à cette concertation [voir décision 98/247/CECA de la Commission, du 21 janvier 1998, relative à une procédure d’application de l’article 65 du traité CECA (affaire IV/35.814 – Extra d’alliage) (JO L 100, p. 55), considérants 98 à 100, et décision 1999/60/CE de la Commission, du 21 octobre 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CE (affaire IV/35.691/E-4 – Conduites précalorifugées) (JO L 24, p. 1), considérant 180]. De la même manière, Corus estime qu’elle aurait dû bénéficier d’une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

189   S’agissant des arguments de Corus fondés sur sa prétendue coopération, la Commission soutient d’abord que la communication sur la coopération n’a été publiée qu’en 1996. Corus ayant mis fin aux infractions retenues dans la décision attaquée en février 1994, cette communication n’aurait joué aucun rôle dans ce cadre.

190   En outre, Corus aurait, dans sa réponse à la CG, notamment au point 3.15 de celle‑ci, concernant l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, contesté non seulement l’appréciation des faits, mais aussi l’existence même d’un accord illicite. Ce faisant, elle aurait mis la Commission dans l’obligation de prouver les faits incriminés dans la CG. L’attitude de Corus n’aurait donc pas facilité la tâche de la Commission. Dès lors, elle ne pourrait être considérée comme une coopération susceptible de justifier une réduction du montant de son amende (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II‑1751, point 309, et la jurisprudence citée, et point 332). À cet égard, le Tribunal aurait expressément jugé qu’une entreprise qui conteste sa participation à une infraction quelconque à l’article 81, paragraphe 1, CE n’est pas en droit d’obtenir une réduction du montant de son amende au titre de la coopération (arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 59, et Finnboard/Commission, T‑338/94, Rec. p. II‑1617, points 262 et 363).

191   La Commission conclut de ce qui précède que Corus continue à contester les faits retenus dans la décision attaquée devant le Tribunal. Dès lors, à supposer que Corus ait dû bénéficier d’une réduction du montant de son amende au titre de la coopération, la Commission estime qu’il conviendrait de demander au Tribunal de retirer le bénéfice de cette réduction et, partant, d’augmenter le montant de l’amende en cause. En effet, dans cette hypothèse, on serait en présence d’une entreprise qui, ayant bénéficié d’une réduction de son amende au titre de la coopération, contesterait la matérialité des faits dans sa requête, situation dans laquelle une telle demande serait justifiée conformément à la dernière phrase de la communication sur la coopération. Corus devrait donc être contrainte de choisir, dans le cadre de la présente procédure, entre les moyens et arguments par lesquels elle met en cause l’existence de l’infraction, et l’argument qu’elle tire de la communication sur la coopération, dès lors que ces deux aspects de sa requête sont incompatibles.

 Appréciation du Tribunal

192   Il convient de relever d’abord que la communication sur la coopération, ayant été publiée en 1996, a pu inciter Corus à affirmer, dans sa réponse à la CG du 20 avril 1999, qu’elle ne contestait pas « en substance » (« substantially ») les faits en ce qui concerne le club Europe-Japon. Ainsi, aucune considération d’ordre temporel ne s’oppose à ce que la communication sur la coopération ait pu faire naître des attentes légitimes dans le chef de cette société.

193   Sur la question de savoir si une réduction de l’amende infligée à Corus était justifiée en l’espèce au regard de la communication sur la coopération, de sorte que le principe de confiance légitime aurait été violé, il convient d’abord de relever que le comportement de l’entreprise en cause doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt Mayr-Melnhof/Commission, point 190 supra, point 309, et la jurisprudence citée, et point 332). Ainsi, il ne suffit pas qu’une entreprise affirme d’une manière générale qu’elle ne conteste pas les faits allégués, conformément à cette communication, si, dans les circonstances du cas d’espèce, cette affirmation ne présente pas la moindre utilité pour la Commission.

194   En l’espèce, la Commission a notamment allégué dans la CG que les membres du club Europe-Japon ont conclu un accord anticoncurrentiel ayant pour objet et pour effet un partage des marchés. Corus, tout en affirmant qu’elle ne contestait pas les faits à cet égard, a affirmé au point 1.7 de sa réponse à la CG, et de nouveau au point 3.15, deuxième paragraphe, de celle-ci, que les effets anticoncurrentiels d’un tel accord, à supposer qu’il ait existé, auraient été négligeables, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur la raison d’être commerciale de l’accord et, partant, sur son existence. Elle relève devant le Tribunal qu’il est nécessaire de faire une distinction entre les faits en tant que tels, qu’elle n’a pas contestés, et la qualification juridique de ceux-ci, qu’elle conteste.

195   Toutefois, force est de constater que, dans le cas spécifique d’un accord ayant, indépendamment de ses éventuels effets, pour objectif de partager des marchés, la reconnaissance de la véracité des faits suffit, en principe, à établir deux des éléments essentiels d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, soit l’existence d’un accord et l’objet anticoncurrentiel de celui-ci.

196   De plus, il convient de relever que, en l’espèce, la Commission a invoqué pour l’essentiel les mêmes éléments de preuve dans la CG et dans la décision attaquée et qu’un nombre important de ceux-ci, en particulier les déclarations de M. Verluca et les différentes notes de Vallourec, portent sur le contenu de discussions stratégiques d’ordre collusoire entre les membres du club Europe‑Japon et concernant notamment des marchés communautaires (voir, notamment, points 56, 60, 63 et 65 de la CG, et considérants 62, 67, 73 et 78 de la décision attaquée).

197   Dès lors, force est de constater que Corus ne pouvait, dans sa réponse à la CG, remettre en cause sa participation à l’accord et à l’objet anticoncurrentiel constitutif de l’infraction constatée par la suite à l’article 1er de la décision attaquée sans contester les faits relatifs aux discussions en question et à leur contenu.

198   Il résulte de ce qui précède que le fait pour Corus de s’interroger, dans sa réponse à la CG, sur l’existence de l’accord a créé, au vu des circonstances de l’espèce, un doute quant à la valeur de son affirmation, dans cette même réponse, relative à la non-contestation des faits, de sorte que la portée de celle-ci est ambiguë. Cette ambiguïté est renforcée par la circonstance selon laquelle Corus a relativisé son affirmation, aux termes de laquelle elle ne contestait pas les faits, par l’utilisation du terme « substantially » (« en substance »), sans expliquer quels étaient les faits spécifiques concernés par cette réserve.

199   Dans ces conditions, il était impossible pour la Commission au stade de la procédure administrative, comme il est impossible pour le Tribunal dans le cadre de la présente procédure, d’identifier les faits précis que Corus a admis et en vertu desquels sa coopération a pu faciliter la tâche de la Commission. Il s’ensuit que, en l’espèce, la reconnaissance des faits allégués dans la communication des griefs par Corus n’est pas susceptible de justifier une minoration du montant de son amende au regard de la communication sur la coopération, telle qu’interprétée par la jurisprudence.

200   À la lumière de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

201   Corus relève d’abord que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts de la Cour du 13 décembre 1984, Sermide, 106/83, Rec. p. 4209, point 28, et du 28 juin 1990, Hoche, C‑174/89, Rec. p. I‑2681, point 25 ; dans le même sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50). Elle ajoute qu’il est fréquemment fait application de ce principe en relation avec l’imposition d’amendes (arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, point 116 supra, point 295 ; du 6 avril 1995, Trefileurope/Commission, T‑141/89, Rec. p. II-791, point 185 ; Boël/Commission, T-142/89, Rec. p. II-867, points 128 à 135 ; Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II‑917, points 54 à 56 ; Martinelli/Commission, T-150/89, Rec. p. II‑1165, points 57 à 61 ; du 11 décembre 1996, Van Megen Sports/Commission, T‑49/95, Rec. p. II‑1799, point 56 ; Finnboard/Commission, point 190 supra, et Mayr‑Melnhof/Commission, point 190 supra, points 334 à 336 et 352 à 354).

202   Corus considère que Vallourec, qui a bénéficié d’une réduction du montant de son amende de 40 %, s’est bornée à répondre aux questions qui lui étaient posées lors d’une vérification sur place effectuée par des fonctionnaires de la Commission, conformément à ses obligations légales, ce que Corus a également fait. Elle relève, à cet égard, que les déclarations de M. Verluca ont été faites en réponse à des questions que la Commission n’a posées qu’à Vallourec.

203   De plus, Dalmine, qui a bénéficié d’une réduction de 20 % du montant de son amende, aurait simplement informé la Commission qu’elle ne contestait pas la matérialité des faits, sans pour autant reconnaître qu’elle avait participé à une infraction. L’étendue de sa coopération ne dépasserait donc pas celle de Corus. L’inégalité de traitement subie par Corus, que la Commission ne justifie pas dans son mémoire en défense, serait donc manifeste. Dalmine aurait même été moins coopérative que Corus, notamment dans la mesure où elle a initialement refusé de communiquer à la Commission certains renseignements sollicités par celle-ci et qu’elle a ensuite invoqué le droit de ne pas témoigner contre soi-même, pour justifier son refus de répondre à certaines questions, aussi bien dans sa réponse à la CG que dans le cadre du recours, rejeté comme manifestement irrecevable, qu’elle a formé contre la décision adoptée par la Commission à son encontre au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17. En outre, Dalmine aurait contesté la légalité des décisions sur la base desquelles la Commission a procédé à des vérifications en décembre 1994 et, partant, la possibilité pour la Commission d’utiliser les documents obtenus lors de celles-ci (considérant 118 de la décision attaquée).

204   Corus estime, par ailleurs, qu’il ressort de la décision attaquée (considérant 174) que les requérantes japonaises n’ont apporté aucune coopération effective à la Commission et qu’elles ont contesté l’existence de l’accord au cours de la procédure administrative, ce qui différencie leur situation de celle de Corus. À l’instar de Dalmine, les producteurs japonais auraient contesté tant la légalité des décisions sur la base desquelles la Commission a procédé à des vérifications en décembre 1994 que l’utilisation par la Commission des documents obtenus au cours de celles-ci. Quant à Mannesmann, il ressortirait également de la décision attaquée (considérant 174) qu’elle n’a jamais indiqué clairement si elle contestait les faits et qu’elle a refusé de fournir certains des renseignements que la Commission avait demandés par voie de décision prise en vertu de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17. La Commission aurait donc violé le principe d’égalité de traitement en refusant de réduire l’amende qu’elle lui a infligée et, dès lors, en traitant Corus de la même manière que Mannesmann et que les quatre producteurs japonais.

205   La Commission rétorque d’abord qu’elle dispose d’un pouvoir d’appréciation dans la fixation du montant des amendes, la notion d’égalité de traitement devant, en matière d’amendes, s’interpréter à la lumière de cette règle (arrêt Martinelli/Commission, point 201 supra, point 59). En toute hypothèse, ledit principe ne s’appliquerait que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente (arrêt du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, point 116 supra, point 295).

206   Or, en l’espèce, il y aurait des différences objectives entre la situation de Corus et celle des autres destinataires de la décision attaquée. En premier lieu, Vallourec aurait, d’une part, remis à la Commission une déclaration écrite d’une grande utilité (la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 ; voir, notamment, considérants 53 et 170 de la décision attaquée) et, d’autre part, n’aurait pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé la CG. En second lieu, Dalmine n’aurait pas contesté les faits sur lesquels la Commission avait fondé sa décision (considérant 172 de la décision attaquée), et ce sans ambiguïté, tandis que Corus aurait mis en doute l’existence même d’un accord. En toute hypothèse, à supposer même que la Commission ait commis une erreur en réduisant les amendes infligées à Vallourec et à Dalmine, cet argument serait inopérant dans le cadre de la demande de réduction du montant de l’amende formulée par Corus. Enfin, il serait indifférent que les motifs pour lesquels Corus n’a pas pu obtenir une réduction du montant de son amende soient différents de ceux qui ont empêché Mannesmann et les producteurs japonais de bénéficier d’une réduction, dès lors que Corus ne remplit pas les conditions posées à cet égard dans la communication sur la coopération, quelle que soit la situation de ces autres entreprises.

 Appréciation du Tribunal

207   Selon une jurisprudence bien établie, la Commission ne saurait, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par des entreprises, méconnaître le principe de l’égalité de traitement, principe général du droit communautaire, qui, selon une jurisprudence constante, est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II-3757, point 237, et la jurisprudence citée).

208   Il y a lieu de rappeler également que, pour justifier la réduction du montant d’une amende, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et en la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (arrêt Mayr-Melnhof/Commission, point 190 supra, point 309, et la jurisprudence citée, point 332, et point 193 supra).

209   Force est de constater que, en l’espèce, des différences objectives et significatives existent, au regard de ce dernier critère, entre la situation de Corus et celle de Vallourec et de Dalmine.

210   Premièrement, Vallourec n’a non seulement pas contesté la matérialité des faits sur lesquels la Commission avait fondé la CG, mais a fourni en outre, à la différence de Corus, des déclarations écrites d’une grande utilité pour la Commission, en particulier celles de M. Verluca des 17 septembre et 14 octobre 1996 (voir, en particulier, considérants 60, 62, 72 et 108 de la décision attaquée).

211   Aucun représentant de Corus n’a jamais fourni de déclaration d’une valeur probante et d’une portée comparables à celles de M. Verluca. En effet, la réponse de Corus du 31 octobre 1997, invoquée au considérant 66 de la décision attaquée, est d’une portée et d’une valeur probante limitées, d’autant plus qu’il n’apparaît pas clairement si Corus entendait, ou non, la retirer en ce qui concerne la procédure relative aux tubes sans soudure par une lettre du 30 mars 1999 adressée à la Commission (voir, à cet égard, arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 129 supra, points 305 à 308).

212   Quant à la circonstance, relevée par Corus, que les déclarations de M. Verluca ont été faites en réponse à des questions que la Commission n’a posées qu’à Vallourec, il suffit de constater que la Commission n’est nullement obligée de poser les mêmes questions, au stade de son enquête, à toutes les entreprises qu’elle soupçonne d’avoir participé à une infraction. En effet, force est de constater que l’existence d’une telle obligation serait de nature à nuire à la liberté d’action de la Commission dans le cadre de ses enquêtes en matière de concurrence et, partant, à l’efficacité de celles-ci.

213   Certes, pour autant que des entreprises fournissent à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables concernant les faits qui leur sont reprochés, les degrés de la coopération fournie par elles doivent être considérés comme comparables (arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 207 supra, points 243 à 246).

214   Toutefois, il est manifeste que tel n’a pas été le cas en l’espèce (voir point 211 ci‑dessus). Dès lors, cette jurisprudence est inapplicable.

215   Quant à Dalmine, il est constant, aussi bien dans la présente affaire que dans l’affaire T-50/00, Dalmine/Commission, qui a été jointe à celle-ci aux fins de l’audience, que cette société n’a pas contesté les faits sur lesquels la Commission a fondé la décision attaquée, conformément à la constatation en ce sens figurant à son considérant 172. Si Corus a déclaré, dans sa réponse à la CG, qu’elle ne contestait pas les faits allégués par la Commission en ce qui concerne l’infraction retenue ensuite à l’article 1er de la décision attaquée, il a été relevé aux points 192 à 199 ci-dessus que cette affirmation ne suffit pas à justifier une réduction de l’amende infligée à Corus en raison de son caractère vague et ambiguë.

216   Il suffit de constater, dès lors, qu’aucune ambiguïté de nature similaire n’a été reprochée à Dalmine, en ce qui concerne sa reconnaissance des faits, pour conclure que la Commission n’a commis aucune inégalité de traitement à cet égard. Quant aux autres circonstances invoquées par Corus pour soutenir que Dalmine a même été moins coopérative qu’elle-même, il y a lieu de relever que ces circonstances se rapportent au refus de Dalmine, intervenu initialement avant l’envoi de la CG, de répondre à des demandes de renseignements et qu’aucune coopération de la part de Dalmine n’a été retenue par la Commission par rapport à cet aspect de l’enquête.

217   Il s’ensuit que la Commission a pu considérer à bon droit que ces circonstances n’avaient aucune incidence sur la reconnaissance des faits par Dalmine dans sa réponse à la CG ni, partant, sur la réduction de 20 % du montant de l’amende accordée à Dalmine à ce titre par la Commission, conformément à la communication sur la coopération.

218   Enfin, comme le relève la Commission, il est indifférent que les raisons pour lesquelles Corus n’a pas pu obtenir une réduction de l’amende diffèrent de celles qui ont empêché Mannesmann et les producteurs japonais de bénéficier d’une réduction, dès lors qu’il a été jugé ci-dessus qu’elle ne remplit pas les conditions posées à cet égard dans la communication sur la coopération, quelle que soit la situation de ces autres entreprises.

 Sur le calcul du montant de l’amende

219   Il résulte de ce qui précède que le montant de l’amende imposée à Corus doit être minoré pour tenir compte de ce que la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est fixée, dans la présente affaire, à trois années plutôt qu’à quatre années.

220   La méthode de calcul du montant des amendes retenue dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et employée par la Commission en l’espèce n’ayant pas été critiquée en elle-même, le Tribunal estime, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, qu’il y a lieu d’appliquer cette méthode au vu de la conclusion effectuée au point précédent.

221   Ainsi, le montant de base de l’amende est fixé à dix millions d’euros, majoré de 10 % pour chaque année d’infraction, soit de 30 % au total, ce qui aboutit à un chiffre de treize millions d’euros. Ce montant doit ensuite être minoré de 10 % au titre des circonstances atténuantes, conformément aux considérants 168 et 169 de la décision attaquée, pour arriver à un montant définitif pour Corus de 11,7 millions d’euros au lieu de 12,6 millions d’euros.

 Sur la demande d’injonction à la Commission de rembourser le montant de l’amende ou, subsidiairement, le montant à concurrence duquel il est réduit, majoré des intérêts

222   Il a été jugé à de nombreuses reprises que, à la suite d’un arrêt d’annulation, laquelle opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique (arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 30 ; conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt de la Cour du 6 juin 1996, Ecroyd, C-127/94, Rec. p. I-2731, I‑2735, point 74 ; arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec. p. II-2967, point 50), l’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, peut comporter une remise du requérant dans la situation dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte (arrêts de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 60 ; du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, et du 17 février 1987, Samara/Commission, 21/86, Rec. p. 795, point 7 ; arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T‑483/93, Rec. p. II-2305, points 59 et 60, et Corus UK/Commission, précité, point 50).

223   Au premier rang des mesures visées à l’article 233 CE figure ainsi, dans le cas d’un arrêt annulant ou réduisant le montant de l’amende imposée à une entreprise pour une infraction aux règles de concurrence du traité, l’obligation pour la Commission de restituer tout ou partie de l’amende payée par l’entreprise en cause, dans la mesure où ce paiement doit être qualifié d’indu à la suite de la décision d’annulation. Cette obligation vise non seulement le montant principal de l’amende indûment payée, mais aussi les intérêts moratoires produits par ce montant (arrêt Corus UK/Commission, point 222 supra, points 52 et 53).

224   En l’occurrence, il ne saurait être présumé que la Commission manquera aux obligations découlant pour elle de l’effet combiné du présent arrêt et de l’article 233 CE.

225   Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer sur la présente demande dans le cadre de la présente procédure.

226   De même, force est de constater que, pour la même raison, il n’y a pas lieu non plus de statuer sur la demande de Corus visant à ce que le Tribunal ordonne toute mesure nécessaire pour donner effet au présent arrêt.

 Sur les dépens

227   Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions. Chaque partie ayant effectivement succombé sur un ou plusieurs chefs de conclusions en l’espèce, il y a lieu de décider que la requérante et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL  (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure), est annulé dans la mesure où il retient l’existence de l’infraction reprochée par cette disposition à la requérante avant le 1er janvier 1991.

2)      Le montant de l’amende infligée à la requérante à l’article 4 de la décision 2003/382 est fixé à 11 700 000 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Forwood

Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2004.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. Pirrung

Table des matières

Faits et procédure

Procédure administrative

Produits en cause

Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée

Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée

Dispositif de la décision attaquée

Procédure devant le Tribunal

Conclusions des parties

Sur la demande d’annulation de l’article 2 de la décision attaquée

Sur le moyen tiré de l’inexistence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée en ce qui concerne l’analyse des preuves invoquées pour établir l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande d’annulation de l’article 1er de la décision attaquée

Sur le moyen tiré des conséquences, pour la constatation de l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, de l’inexistence de l’infraction retenue à son article 2

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande d’annulation de l’amende

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la demande de réduction du montant de l’amende

Sur le moyen tiré d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne la gravité de l’infraction

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du principe de confiance légitime

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le calcul du montant de l’amende

Sur la demande d’injonction à la Commission de rembourser le montant de l’amende ou, subsidiairement, le montant à concurrence duquel il est réduit, majoré des intérêts

Sur les dépens


* Langue de procédure : l'anglais.