Language of document : ECLI:EU:T:2004:221

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
8 juillet 2004 (1)

« Ententes – Marché des tubes et tuyaux en acier sans soudure – AELE – Compétence de la Commission – Infraction – Amendes »

Dans les affaires jointes T-67/00, T-68/00, T-71/00 et T-78/00,

JFE Engineering Corp., anciennement NKK Corp., établie à Tokyo (Japon), représentée initialement par MM. M. Smith et C. Maguire, solicitors, puis par Mes A. Vandencasteele et V. Dehin, avocats, et Mme A.-L. Marmagioli, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-67/00,

Nippon Steel Corp., établie à Tokyo, représentée par Mes J.-F. Bellis et K. Van Hove, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-68/00,

JFE Steel Corp., anciennement Kawasaki Steel Corp., établie à Tokyo, représentée par Me A. Vandencasteele, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-71/00,

Sumitomo Metal Industries Ltd, établie à Tokyo, représentée par M. C. Vajda, QC, Mmes G. Sproul et F. Weitzman, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante dans l'affaire T-78/00,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. M. Erhart et A. Whelan, en qualité d'agents, assistés de M. N. Khan, barrister, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

Autorité de surveillance AELE, représentée par Mme D. Sif Tynes et M. P. Bjørgan, en qualité d'agents,

partie intervenante dans les affaires T-68/00, T-71/00 et T-78/00,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d'application de l'article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d'acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant des amendes infligées aux requérantes,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience des 19, 20 et 21 mars 2003,

rend le présent



Arrêt




Faits et procédure

1
La présente affaire concerne la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure) (JO 2003, L 140, p. 1, ci‑après la « décision attaquée »).

2
La Commission a adressé la décision attaquée à huit entreprises productrices de tubes en acier au carbone sans soudure (ci-après les « entreprises destinataires de la décision attaquée »). Parmi ces entreprises figurent quatre sociétés européennes (ci-après les « producteurs européens » ou les « producteurs communautaires ») : Mannesmannröhren-Werke AG (ci‑après « Mannesmann »), Vallourec SA, Corus UK Ltd (anciennement British Steel plc, puis British Steel Ltd, ci-après « Corus ») et Dalmine SpA. Les quatre autres destinataires de la décision attaquée sont des sociétés japonaises (ci-après les « producteurs japonais » ou les « requérantes japonaises ») : NKK Corp., Nippon Steel Corp. (ci‑après « Nippon »), Kawasaki Steel Corp. et Sumitomo Metal Industries Ltd (ci‑après « Sumitomo »).

A – Procédure administrative

3
Par décision du 17 novembre 1994, l’Autorité de surveillance de l’Association européenne de libre-échange (AELE), agissant au titre de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord sur l’Espace économique européen, approuvé par la décision 94/1/CECA, CE du Conseil et de la Commission, du 13 décembre 1993, relative à la conclusion de l’accord sur l’Espace économique européen entre les Communautés européennes, leurs États membres et la République d’Autriche, la République de Finlande, la République d’Islande, la Principauté de Liechtenstein, le Royaume de Norvège, le Royaume de Suède et la Confédération suisse (JO 1994, L 1, p. 1, ci-après l’« accord EEE »), a autorisé son membre en charge des affaires de concurrence à demander à la Commission de procéder, sur le territoire de la Communauté, à une enquête ayant pour objet l’existence éventuelle de pratiques anticoncurrentielles concernant les tubes en acier au carbone utilisés pour des opérations de sondage et de transport par l’industrie pétrolière norvégienne.

4
Par décision non publiée du 25 novembre 1994 (Affaire IV/35.304, ci‑après la « décision du 25 novembre 1994 »), reprise à la page 3 du dossier administratif de la Commission et adoptée sur la double base juridique de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), et de la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, la Commission a décidé de procéder à une enquête. Cette enquête devait porter sur les pratiques mentionnées dans la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994, dans la mesure où elles étaient susceptibles de violer non seulement l’article 53 de l’accord EEE (ci-après l’« article 53 EEE »), mais également l’article 81 CE. La Commission a adressé la décision du 25 novembre 1994 à huit sociétés dont Mannesmann, Corus, Vallourec et Sumitomo Deutschland GmbH, société du groupe Sumitomo. Les 1er et 2 décembre 1994, des fonctionnaires de la Commission et des représentants des autorités de la concurrence des États membres concernés ont procédé à des vérifications auprès de ces entreprises, sur la base de ladite décision.

5
Par décision du 6 décembre 1995, l’Autorité de surveillance AELE a constaté que, le commerce entre États membres de la Communauté étant affecté de manière significative par l’affaire pendante devant elle, celle-ci relevait de la compétence de la Commission en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous c), de l’accord EEE. L’Autorité de surveillance AELE a donc décidé de transmettre ce dossier à la Commission, en application de l’article 10, paragraphe 3, du protocole 23 de l’accord EEE. À compter de cette date, la Commission a désigné l’affaire sous un nouveau numéro (IV/E-1/35.860).

6
Entre le mois de septembre 1996 et le mois de décembre 1997, la Commission a procédé à des vérifications complémentaires, au titre de l’article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17, auprès de Vallourec, de Dalmine et de Mannesmann. En particulier, elle a effectué une vérification auprès de Vallourec le 17 septembre 1996, à l’occasion de laquelle le président de Vallourec Oil & Gas, M. Verluca, a fait la déclaration reprise à la page 6356 du dossier de la Commission (ci-après la « déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 »), sur laquelle la Commission se fonde dans la décision attaquée. Par la suite, la Commission a adressé des demandes de renseignements, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17, à toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à certaines autres entreprises.

7
Dalmine ainsi que les sociétés argentines Siderca SAIC (ci-après « Siderca ») et Techint Group ayant refusé de communiquer certains des renseignements demandés, une décision de la Commission du 6 octobre 1997 [C(1997) 3036, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], adoptée au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, leur a été adressée. Siderca et Dalmine ont introduit des recours en annulation à l’encontre de cette décision devant le Tribunal. Le recours en annulation partielle formé par Dalmine a été déclaré manifestement irrecevable par ordonnance du Tribunal du 24 juin 1998, Dalmine/Commission (T‑596/97, Rec. p. II-2383), tandis que le recours en annulation formé par Siderca a été radié, à la suite du désistement de cette dernière, par ordonnance du Tribunal du 7 juin 1998, Siderca/Commission (T‑8/98, non publiée au Recueil).

8
Mannesmann a également refusé de fournir certains des renseignements demandés par la Commission. Malgré l’adoption à son égard par la Commission d’une décision le 15 mai 1998 [C(1998) 1204, IV/35.860, tubes d’acier, non publiée], au titre de l’article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, Mannesmann a maintenu ce refus. Mannesmann a également introduit un recours devant le Tribunal contre cette décision. Par arrêt du 20 février 2001, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T‑112/98, Rec. p. II-729), le Tribunal a partiellement annulé la décision en cause et rejeté le recours pour le surplus.

9
En janvier 1999, la Commission a adopté deux communications des griefs, concernant, l’une, les tubes en acier au carbone soudés et, l’autre, les tubes en acier au carbone sans soudure. Elle a ainsi scindé l’affaire en deux, l’affaire IV/E‑1/35.860-A concernant les tubes en acier au carbone soudés et l’affaire IV/E-1/35.860-B concernant les tubes en acier au carbone sans soudure.

10
Dans l’affaire relative aux tubes en acier au carbone sans soudure, la Commission a adressé sa communication des griefs (ci-après la « CG ») aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée ainsi qu’à Siderca et à la société mexicaine Tubos de Acero de México SA. Ces entreprises ont eu accès au dossier que la Commission a constitué dans cette affaire entre le 11 février et le 20 avril 1999. En outre, par lettres du 11 mai 1999, la Commission a envoyé copie des décisions de novembre 1994 relatives aux vérifications aux entreprises qui n’en étaient pas destinataires et qui, de ce fait, n’en avaient pas eu connaissance.

11
Après avoir présenté leurs observations écrites, les destinataires des deux communications des griefs ont été entendus par la Commission le 9 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone soudés et le 10 juin 1999 dans l’affaire des tubes en acier au carbone sans soudure. En juillet 1999, la Commission a informé les destinataires de la communication des griefs dans l’affaire IV/E‑1/35.860-A, concernant les tubes en acier au carbone soudés, qu’elle avait abandonné l’affaire relative à ces produits. En revanche, elle a poursuivi l’affaire IV/E-1/35.860-B.

12
C’est dans ces circonstances que, le 8 décembre 1999, la Commission a adopté la décision attaquée.

B – Produits en cause

13
Les produits en cause dans l’affaire IV/E-1/35.860-B sont les tubes en acier au carbone sans soudure utilisés par l’industrie pétrolière et gazière, parmi lesquels figurent deux grandes catégories de produits.

14
La première catégorie de produits comprend les tubes de sondage, communément dénommés « Oil Country Tubular Goods » ou « OCTG ». Ces tubes peuvent être vendus sans filetage (les « tubes lisses ») ou filetés. Le filetage est une opération destinée à permettre la jonction des tubes OCTG. Il peut être réalisé conformément aux standards édictés par l’American Petroleum Institute (API) (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci‑après les « tubes OCTG standard ») ou selon des techniques spéciales, généralement brevetées. Dans ce dernier cas, on parle de filetage ou, le cas échéant, de « joints » « de première qualité » ou « premium » (les tubes filetés selon cette méthode sont dénommés ci‑après les « tubes OCTG premium »).

15
La seconde catégorie de produits est constituée par les tuyaux de transport du pétrole et du gaz (« line pipe ») en acier au carbone sans soudure, parmi lesquels on distingue, d’une part, ceux qui sont fabriqués conformément à des normes standardisées et, d’autre part, ceux qui sont fabriqués sur mesure pour la réalisation de projets spécifiques (ci-après les « tuyaux de transport ‘projet’ »).

C – Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée

16
Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, en premier lieu, que les huit entreprises destinataires de cette décision avaient conclu un accord ayant, entre autres éléments, pour objet le respect mutuel de leurs marchés nationaux (considérants 62 à 67 de la décision attaquée). Aux termes de cet accord, chaque entreprise s’interdisait de vendre des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet » sur le marché national d’une autre partie à l’accord. L’accord aurait été conclu dans le cadre de réunions entre producteurs communautaires et japonais connues sous le nom de « club Europe‑Japon ». Le principe du respect des marchés nationaux était désigné par l’expression « Règles fondamentales » (« Fundamentals »). À titre subsidiaire, la Commission a relevé que les Règles fondamentales avaient été effectivement respectées et, dès lors, que l’accord avait eu des effets anticoncurrentiels sur le marché commun (considérant 68 de la décision attaquée).

17
La Commission a estimé que cet accord tombait sous le coup de l’interdiction énoncée par l’article 81, paragraphe 1, CE (considérant 109 de la décision attaquée). En conséquence, la Commission a constaté, à l’article 1er de la décision attaquée, l’existence d’une infraction à cette disposition et a imposé des amendes aux huit entreprises destinataires.

18
S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a considéré que, bien que le club Europe-Japon se soit réuni dès 1977 (considérant 55 de la décision attaquée), il convenait de retenir l’année 1990 comme point de départ de l’infraction aux fins de la fixation du montant des amendes, eu égard à l’existence, entre 1977 et 1990, d’accords d’autolimitation des exportations conclus entre la Communauté européenne et le Japon (ci-après les « accords d’autolimitation ») (considérant 108 de la décision attaquée). D’après la Commission, l’infraction a pris fin en 1995 (considérants 96 et 97 de la décision attaquée).

19
Aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux huit entreprises destinataires de la décision attaquée, la Commission a qualifié l’infraction de très grave au motif que l’accord en cause visait le respect des marchés nationaux et portait ainsi atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur (considérants 161 et 162 de la décision attaquée). En revanche, elle a relevé que les ventes de tubes en acier au carbone sans soudure par les entreprises destinataires, dans les quatre États membres concernés, ne s’élevaient qu’à environ 73 millions d’euros par an. En conséquence, la Commission a fixé le montant de l’amende au titre de la gravité de l’infraction à 10 millions d’euros pour chacune des huit entreprises destinataires de la décision attaquée. Celles-ci étant toutes de grande dimension, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants retenus (considérants 162, 163 et 165 de la décision attaquée).

20
Estimant que l’infraction était de moyenne durée, la Commission a appliqué une majoration de 10 % par année de participation à l’infraction par rapport au montant retenu au titre de la gravité, pour fixer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise en cause (considérant 166 de la décision attaquée). Cependant, compte tenu de ce que le secteur des tubes en acier a connu une situation de crise de longue durée et eu égard au fait que la situation de ce secteur s’est détériorée à partir de 1991, la Commission a minoré lesdits montants de base de 10 % au titre des circonstances atténuantes (considérants 168 et 169 de la décision attaquée). Enfin, la Commission a appliqué une réduction de 40 % du montant de l’amende infligée à Vallourec, ainsi qu’une réduction de 20 % du montant de l’amende infligée à Dalmine, au titre du point D 2 de la communication 96/C 207/04 de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication sur la coopération »), pour tenir compte du fait que ces deux entreprises avaient coopéré avec la Commission au stade de la procédure administrative (considérants 170 à 173 de la décision attaquée).

21
Le montant de l’amende infligée à chaque entreprise en cause, qui résulte du calcul exposé aux deux points précédents, est indiqué à l’article 4 de la décision attaquée (voir point 33 ci-après).

22
En second lieu, la Commission a estimé, à l’article 2 de la décision attaquée, que les contrats conclus entre les producteurs communautaires et concernant la vente de tubes lisses sur le marché britannique constituaient des comportements infractionnels (considérant 116 de la décision attaquée). Cependant, elle n’a pas imposé d’amende supplémentaire au titre de cette infraction au motif que lesdits contrats ne constituaient en définitive qu’un moyen de mise en oeuvre du principe du respect des marchés nationaux décidé dans le cadre du club Europe‑Japon (considérant 164 de la décision attaquée).

D – Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée

23
Le club Europe-Japon s’est réuni à partir de 1977, au rythme d’environ deux fois par an, et ce jusqu’en 1994 (considérant 60 de la décision attaquée). En particulier, la Commission a relevé que, d’après la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, de telles réunions ont notamment eu lieu le 14 avril 1992 à Florence, le 23 octobre 1992 à Tokyo, le 19 mai 1993 à Paris, le 5 novembre 1993 à Tokyo et le 16 mars 1994 à Cannes. Par ailleurs, la Commission a fait valoir que la note de Vallourec intitulée « Quelques informations à l’occasion du club Europe‑Japon » du 4 novembre 1991, reprise à la page 4350 du dossier de la Commission (ci-après la « note Quelques informations ») et celle du 24 juillet 1990, reprise à la page 15586 du dossier, intitulée « Réunion du 24.7.90 avec British Steel » (ci-après la « note Réunion du 24.7.90 »), précisent que des réunions du club Europe-Japon se sont également tenues en 1989 et en 1991.

24
L’accord convenu au sein du club Europe-Japon reposait sur trois volets, le premier étant les Règles fondamentales relatives au respect des marchés nationaux (évoquées au point 16 ci-dessus), lesquelles constituent l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, le deuxième étant la fixation des prix pour les appels d’offres et de prix minimaux pour les « marchés spéciaux » (« special markets ») et le troisième étant le partage des autres marchés mondiaux, à l’exclusion du Canada et des États-Unis d’Amérique, au moyen de clés de répartition (les « sharing keys ») (considérant 61 de la décision attaquée). La Commission fonde sa conclusion quant à l’existence des Règles fondamentales sur un faisceau d’indices documentaires énumérés aux considérants 62 à 67 de la décision attaquée ainsi que sur le tableau figurant au considérant 68 de celle-ci. Il ressortirait de ce tableau que la part du producteur national dans les livraisons de tubes OCTG et de tuyaux de transport effectuées par les destinataires de la décision attaquée au Japon et sur le marché domestique de chacun des quatre producteurs communautaires était très élevée. La Commission en déduit que, dans l’ensemble, les marchés nationaux étaient effectivement respectés par les parties à l’accord. S’agissant des deux autres volets de l’accord en cause, la Commission décrit les éléments de preuve qui s’y rapportent aux considérants 70 à 77 de la décision attaquée.

25
Lorsque Corus a envisagé, en 1990, la cessation de ses activités de production de tubes lisses, les producteurs communautaires se seraient interrogés sur la pérennité du principe du respect des marchés nationaux dans le cadre des Règles fondamentales décrites ci-dessus en ce qui concerne le marché du Royaume-Uni. C’est dans ces circonstances que Vallourec et Corus auraient lancé l’idée de « Règles fondamentales améliorées » (« fundamentals improved »), lesquelles auraient visé à maintenir en l’état les restrictions à l’accès des producteurs japonais au marché britannique, en dépit du retrait de Corus. Au cours du mois de juillet 1990, à l’occasion de la reconduction du contrat de licence portant sur la technique de filetage VAM, Vallourec et Corus se seraient ainsi accordées pour réserver l’approvisionnement de cette dernière en tubes lisses à Vallourec, à Mannesmann et à Dalmine (considérant 78 de la décision attaquée).

26
En avril 1991, Corus a fermé son usine de Clydesdale (Royaume-Uni), qui assurait environ 90 % de sa production de tubes lisses. Corus a alors conclu des contrats d’approvisionnement en tubes lisses, d’une durée initiale de cinq ans et renouvelables tacitement sous réserve d’un préavis de douze mois, avec Vallourec (le 24 juillet 1991), Dalmine (le 4 décembre 1991) et Mannesmann (le 9 août 1993) (ci-après les « contrats d’approvisionnement »). Ces trois contrats, qui sont repris aux pages 12867, 12910 et 12948 du dossier de la Commission, allouent à chacune des entreprises bénéficiaires une quotité d’approvisionnement fixée, respectivement, à 40 %, à 30 % et à 30 % des besoins de Corus (considérants 79 à 82 de la décision attaquée), hormis pour les tubes de faible diamètre.

27
En 1993, trois facteurs auraient conduit à un réexamen des principes de fonctionnement du club Europe-Japon. Il s’agirait, en premier lieu, de la restructuration de l’industrie sidérurgique européenne. Au Royaume-Uni, Corus a envisagé en effet de cesser ses dernières activités de production de tubes filetés sans soudure. En Belgique, la société New Tubemeuse (ci-après « NTM »), dont l’activité était principalement orientée vers l’exportation à destination du Moyen‑Orient et de l’Extrême‑Orient, a été liquidée le 31 décembre 1993. Il s’agirait, en deuxième lieu, de l’accès des producteurs d’Amérique latine au marché communautaire, qui menaçait de remettre en cause les répartitions de marché convenues dans le cadre du club Europe-Japon. En troisième et dernier lieu, sur le marché mondial des tubes destinés aux activités d’extraction et d’exploitation pétrolière et gazière, les tubes soudés auraient bénéficié d’une croissance significative, bien que de fortes disparités régionales demeurent (considérants 83 et 84 de la décision attaquée).

28
Ce serait dans ce contexte que les membres du club Europe-Japon se sont rencontrés à Tokyo, le 5 novembre 1993, pour tenter d’arriver à un nouvel accord de répartition des marchés avec les producteurs d’Amérique latine. Le contenu de l’accord arrêté à cette occasion serait reflété dans un document remis à la Commission le 12 novembre 1997, par un informateur tiers à la procédure, et repris à la page 7320 du dossier de la Commission, qui contient notamment une « clé de répartition » (« sharing key ») (ci-après le « document Clé de répartition »). Aux dires de l’informateur, la source dudit document serait un agent commercial d’un des participants à ladite réunion. S’agissant notamment des conséquences de la restructuration de l’industrie européenne, la fermeture de NTM aurait permis aux producteurs communautaires d’obtenir des concessions de la part des producteurs japonais et latino-américains, principaux bénéficiaires du retrait de NTM des marchés d’exportation (considérants 85 à 89 de la décision attaquée).

29
De son côté, Corus a pris la décision définitive de mettre un terme à ses dernières activités de production de tubes sans soudure. Le 22 février 1994, Vallourec a pris le contrôle des sites de filetage et de production des tubes de Corus et créé, à cet effet, la société Tubular Industries Scotland Ltd (ci-après « TISL »). Le 31 mars 1994, TISL a repris les contrats d’approvisionnement en tubes lisses que Corus avait conclus avec Dalmine et Mannesmann. Le 24 avril 1997, le contrat ainsi conclu avec Mannesmann était encore en vigueur. Le 30 mars 1999, Dalmine a résilié le contrat d’approvisionnement avec TISL (considérants 90 à 92 de la décision attaquée).

30
La Commission a estimé que, par ces contrats, les producteurs communautaires s’étaient attribué des quotités d’approvisionnement en tubes lisses pour le marché britannique, lequel représente plus de la moitié de la consommation communautaire de tubes OCTG. Elle a donc conclu qu’il s’agissait là d’une entente prohibée par l’article 81, paragraphe 1, CE (voir point 22 ci-dessus).

E – Dispositif de la décision attaquée

31
Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les huit entreprises destinataires de celle-ci « […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en participant [...] à un accord prévoyant, entre autres, le respect de leur marché national respectif pour les tubes OCTG […] standard et les [tuyaux de transport ‘projet’] sans soudure ».

32
L’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée dispose que l’infraction a duré de 1990 à 1995 pour Mannesmann, Vallourec, Dalmine, Sumitomo, Nippon, Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp. S’agissant de Corus, il est indiqué que l’infraction a duré de 1990 à février 1994.

33
Les autres dispositions pertinentes du dispositif de la décision attaquée sont rédigées comme suit :

« Article 2

1.
[Mannesmann], Vallourec […], [Corus] et Dalmine […] ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, du traité CE, en concluant, dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article 1er, des contrats qui ont résulté en une répartition des fournitures de tubes OCTG lisses à [Corus] (Vallourec […] à partir de 1994).

2.
Pour [Corus], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 à février 1994. Pour Vallourec […], l’infraction a duré du 24 juillet 1991 au 30 mars 1999. Pour Dalmine […], l’infraction a duré du 4 décembre 1991 au 30 mars 1999. Pour [Mannesmann], l’infraction a duré du 9 août 1993 au 24 avril 1997.

[...]

Article 4

Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises énumérées à l’article premier, en raison de l’infraction constatée audit article :

(1) [Mannesmann] 13 500 000 euros

(2) Vallourec […] 8 100 000 euros

(3) [Corus] 12 600 000 euros

(4) Dalmine […] 10 800 000 euros

(5) Sumitomo […] 13 500 000 euros

(6) Nippon […] 13 500 000 euros

(7) Kawasaki Steel Corp. […] 13 500 000 euros

(8) NKK Corp. […] 13 500 000 euros

[...] »

F – Procédure devant le Tribunal

34
Par sept requêtes déposées au greffe du Tribunal entre le 28 février et le 3 avril 2000, Mannesmann, Corus, Dalmine, NKK Corp., Nippon, Kawasaki et Sumitomo ont introduit un recours contre la décision attaquée.

35
Par trois ordonnances du 23 avril 2002, l’Autorité de surveillance AELE a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission conformément à l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal dans les affaires T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00.

36
Par ordonnance du 18 juin 2002, il a été décidé, les parties entendues, de joindre les sept affaires aux fins de la procédure orale et de joindre également les quatre affaires dans lesquelles les requérantes sont des sociétés japonaises (T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00) aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure. À la suite de ces jonctions, toutes les requérantes dans les sept affaires ont pu consulter l’ensemble des dossiers relatifs à la présente procédure au greffe du Tribunal. Des mesures d’organisation de la procédure ont également été adoptées.

37
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties, y compris l’Autorité de surveillance AELE en qualité de partie intervenante dans les affaires T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 19, 20 et 21 mars 2003.


Conclusions des parties

38
Dans l’affaire T‑67/00, NKK Corp. conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle la concerne ;

annuler l’amende qui lui a été infligée ;

à titre subsidiaire, au cas où la décision attaquée serait maintenue en tout ou en partie, réduire le montant de son amende ;

condamner la Commission à payer ses dépens exposés dans la présente procédure ;

accorder toute autre mesure qui peut se révéler nécessaire pour donner effet à l’arrêt du Tribunal.

39
Dans l’affaire T‑68/00, Nippon conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée en ce qui la concerne ;

annuler ou du moins réduire le montant de son amende ;

condamner la Commission aux dépens.

40
Dans l’affaire T‑71/00, Kawasaki Steel Corp. conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

à titre subsidiaire, réduire le montant de son amende ;

condamner la Commission aux frais et dépens de la procédure.

41
Dans l’affaire T‑78/00, Sumitomo conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les articles 1er à 5 de la décision attaquée, dans la mesure où ils la concernent ;

à titre subsidiaire, annuler l’article 4 de la décision attaquée, dans la mesure où il lui inflige une amende de 13,5 millions d’euros, et fixer une amende d’un montant substantiellement inférieur ;

condamner la Commission aux dépens.

42
Dans chacune des quatre affaires, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.


Sur l’incidence de la concentration entre Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp.

43
Par lettres séparées du 9 mai 2003, NKK Corp. et Kawasaki Steel Corp. ont informé le Tribunal que, dans le cadre d’une opération de concentration affectant les deux groupes dont elles relevaient, elles ont changé de nom et s’appellent désormais JFE Steel Corp. À la lumière des documents annexés à leurs lettres pour attester ce changement de nom, le greffe du Tribunal a demandé à ces deux requérantes ainsi qu’à la Commission de clarifier la situation résultant de ladite opération de concentration. Des réponses ont été données par lettres de chacune des requérantes en date du 11 septembre 2003 et de la Commission en date du 22 septembre 2003.

44
Il découle de ces documents et réponses que Kawasaki Steel Corp. a changé de nom et est devenue JFE Steel Corp. En revanche, il convient de constater que NKK Corp. a changé de nom pour devenir JFE Engineering Corp. Toutefois, dans leurs lettres respectives du 11 septembre 2003, ces deux requérantes ont affirmé que les droits et obligations relatifs à l’entreprise sidérurgique de NKK Corp. ont été transférés à JFE Steel Corp.

45
Il y a lieu de relever, d’abord, que les juridictions communautaires peuvent certes prendre acte d’un changement de nom d’une partie à la procédure.

46
En outre, la jurisprudence reconnaît qu’une action en annulation engagée par le destinataire d’un acte peut être poursuivie par l’ayant cause à titre universel de celle-ci, notamment dans le cas du décès d’une personne physique ou dans le cas où une personne morale cesse d’exister alors que l’ensemble des ses droits et obligations sont transférés à un nouveau titulaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 20 octobre 1983, Gutmann/Commission, 92/82, Rec. p. 3127, point 2, et du 23 avril 1986, Les Verts/Parlement, 294/83, Rec. p. 1339, points 13 à 18). Il y a lieu de constater que, dans une telle situation, l’ayant cause à titre universel est nécessairement substitué de plein droit à son prédécesseur en tant que destinataire de l’acte attaqué.

47
En revanche, le juge communautaire n’est compétent ni dans le contexte d’un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, ni même dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction au titre de l’article 229 CE en ce qui concerne les sanctions pour réformer la décision d’une institution communautaire en substituant au destinataire de celle-ci une autre personne physique ou morale alors que ledit destinataire existe encore. Cette compétence appartient a priori à la seule institution qui a adopté la décision en cause. Ainsi, une fois que l’institution compétente a adopté une décision et, partant, déterminé l’identité de la personne à qui il y a lieu d’adresser celle-ci, il n’appartient pas au Tribunal de substituer une autre personne à cette dernière.

48
Il convient de considérer ensuite que le recours introduit par une personne en qualité de destinataire d’un acte pour faire valoir ses droits dans le contexte d’une demande en annulation conformément à l’article 230 CE et/ou d’une demande de réformation conformément à l’article 229 CE ne peut pas être transféré à une tierce personne qui n’est pas le destinataire de celui-ci. En effet, si un tel transfert devait être admis, il y aurait une discordance entre la qualité au titre de laquelle le recours a été introduit et la qualité au titre de laquelle il serait prétendument poursuivi. De plus, un tel transfert donnerait lieu à une discordance entre l’identité du destinataire de l’acte et celle de la personne agissant en justice en qualité de destinataire.

49
Il convient de relever à cet égard qu’une décision telle que la décision attaquée, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infraction(s) retenue(s) à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Cette règle ressort d’une lecture d’ensemble de l’arrêt du Tribunal du 10 juillet 1997, AssiDomän Kraft Products e.a./Commission (T‑227/95, Rec. p. II-1185, point 56), et de l’arrêt de la Cour, rendu sur pourvoi, du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a. (C‑310/97 P, Rec. p. I-5363, point 49). Ainsi, en l’espèce, NKK Corp. était et demeure l’unique destinataire de la décision qui lui a été adressée, Kawasaki Steel Corp. étant le destinataire d’une décision juridiquement distincte contenue dans le même acte.

50
Enfin, il est exact que la personne sous la responsabilité de laquelle l’exploitation d’une entreprise est désormais placée peut, au stade de la procédure administrative devant la Commission, assumer, par une déclaration en ce sens, la responsabilité des faits reprochés au responsable réel, même si, en principe, il incombe à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise en cause au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci (voir en ce sens, bien que sous pourvoi, arrêt du Tribunal du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, Rec. p. II-3757, points 57 et 62). Toutefois, il résulte des considérations reprises aux points 46 à 49 ci-dessus qu’une telle déclaration ne saurait avoir pour effet de modifier l’identité du destinataire d’une décision de la Commission une fois que celle-ci a été adoptée, ni celle de la requérante dans un recours en annulation contre une telle décision une fois que celui-ci a été introduit.

51
Dans ces conditions, il convient de prendre acte du changement de nom de Kawasaki Steel Corp. en JFE Steel Corp. ainsi que du fait que NKK Corp. s’appelle désormais JFE Engineering Corp. Toutefois, il n’y a pas lieu de procéder à la substitution de JFE Engineering Corp. par JFE Steel Corp. dans l’affaire T‑67/00, quels que soient les effets en droit japonais de l’accord de fusion conclu par ces deux sociétés. Dès lors, JFE Steel Corp. (ci-après « JFE-Kawasaki ») demeure la requérante dans l’affaire T-71/00, et JFE Engineering Corp. (ci-après « JFE‑NKK ») demeure la requérante dans l’affaire T-67/00.


En droit

A – Sur les demandes d’annulation de la décision attaquée, en particulier de son article 1er

52
Les requérantes japonaises soulèvent treize moyens d’annulation distincts dont certains sont communs à toutes ou à plusieurs d’entre elles.

1. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée

53
Le présent moyen est soulevé par les quatre requérantes japonaises.

a)     Arguments des parties

54
À titre liminaire, les requérantes japonaises font des observations sur l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE. S’agissant du fond, le moyen s’articule en trois branches.

55
En premier lieu, les requérantes japonaises font valoir, d’une part, que l’absence d’importations japonaises dans les marchés européens « terrestres » (ci‑après les « marchés onshore ») s’explique par des considérations commerciales objectives et, d’autre part, que l’existence de l’accord allégué est incompatible avec les livraisons significatives des produits concernés qu’elles ont effectuées sur le marché de la zone du plateau continental de la mer du Nord exploitée par le Royaume-Uni (ci-après le « marché offshore du Royaume-Uni » ou « marché offshore britannique »), de sorte que l’infraction reprochée aux requérantes japonaises n’a pu produire des effets anticoncurrentiels en toute hypothèse. En deuxième lieu, les éléments de preuve réunis par la Commission n’établiraient ni l’existence de l’accord allégué ni, à supposer celle-ci avérée, la participation de chacune des requérantes japonaises audit accord. En troisième lieu, l’analyse, par la Commission, des objectifs des contrats de fourniture de tubes lisses conclus par les producteurs européens, lesquels constituent l’infraction incriminée à l’article 2 de la décision attaquée, serait incohérente. Cette analyse confirmerait aussi le caractère non fondé de la thèse de la Commission quant à la participation des requérantes japonaises à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

Observations liminaires

56
Sumitomo et JFE‑NKK font valoir, d’une part, que la charge de la preuve de tous les éléments constitutifs d’une infraction pèse sur la Commission (conclusions de l’avocat général Sir Gordon Slynn sous l’arrêt de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, 1914 ; arrêts de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I-8417, point 58, et du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I-4125, point 86). Dès lors, l’existence d’un doute bénéficierait aux entreprises accusées d’avoir participé à une infraction (arrêts de la Cour du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, points 203, 304, 359 et 363, et du 14 février 1978, United Brands/Commission, 27/76, Rec. p. 207, point 265 ; conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991, Rhône-Poulenc/Commission, T‑1/89, Rec. p. II-867, II-869, II-954). En conséquence, il incomberait à la Commission d’établir l’existence des circonstances qu’elle avance au-delà de tout doute raisonnable (conclusions de l’avocat général M. Darmon sous l’arrêt de la Cour du 31 mars 1993, Ahlström Osakeytiö e.a./Commission, dit « Pâte de bois II », C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I-1307, I‑1445, point 195). Inversement, il suffirait pour une partie requérante de démontrer qu’il subsiste une incertitude quant au bien-fondé de la décision constatant l’infraction pour obtenir l’annulation de celle-ci (conclusions de l’avocat général Sir Gordon Slynn sous l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, précitées, p. 1931).

57
D’autre part, pour que l’existence d’une infraction soit démontrée, il serait nécessaire, selon les requérantes japonaises, que la Commission apporte des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que celle-ci a été commise (arrêts de la Cour du 28 mars 1984, CRAM et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 20, et Pâte de bois II, point 56 supra, point 127 ; arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, SIV e.a./Commission, T‑68/89, T‑77/89 et T‑78/89, Rec. p. II-1403, notamment les points 193 à 195, 198 à 202, 205 à 210, 220 à 232, 249 à 250 et 322 à 328, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, Rec. p. II-2707, points 43 et 72). Ces preuves devraient notamment permettre d’établir que les infractions alléguées constituent des restrictions de concurrence sensibles au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il ne serait pas satisfait à cette exigence, en particulier, lorsqu’il est possible d’avancer une explication plausible excluant une violation des règles de la concurrence communautaires (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, précité, points 16 et suivants ; arrêts du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II-93, point 47, et Volkswagen/Commission, précité).

58
En outre, les preuves apportées devraient remplir les critères de précision et de concordance susmentionnés en ce qui concerne chaque élément de l’infraction retenue, notamment l’identité des parties et leur participation à l’infraction (arrêts Pâte de bois II, point 56 supra, point 69, et Commission/Anic Partecipazioni, point 56 supra, point 87 ; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Buchmann/Commission, T‑295/94, Rec. p. II-813, point 121), les produits ou services concernés (arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, points 301 à 304, et arrêt SIV e.a./Commission, point 57 supra, points 175 à 194 et 324), les restrictions convenues entre les parties (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso-Gutzeit/Commission, T‑337/94, Rec. p. II-1571, points 102 à 150) et la durée de l’infraction (arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II-441, point 79, et Volkswagen/Commission, point 57 supra, point 188). Plus spécifiquement, en ce qui concerne la durée de l’infraction, il serait nécessaire d’apporter soit des preuves directes, soit des preuves suffisamment proches dans le temps, c’est-à-dire des preuves contemporaines.

59
JFE‑NKK fait valoir en particulier que, aux termes de l’arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Enso Española/Commission (T‑348/94, Rec. p. II-1875, points 160 à 171), la Commission doit se fonder sur des preuves concrètes et non se contenter de simples affirmations relatives au contenu et à l’objet des réunions auxquelles des parties à un accord allégué auraient participé.

60
La Commission soutient, à titre liminaire, que la circonstance selon laquelle les requérantes japonaises avancent des arguments plaçant les faits qu’elle a établis sous un éclairage différent ne saurait leur permettre d’obtenir l’annulation de la décision attaquée. L’argumentation avancée par JFE‑NKK à cet égard, fondée notamment sur les arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 57 supra, et Pâte de bois II, point 56 supra (points 126 et 127), ne serait applicable que lorsqu’une décision de la Commission repose uniquement sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction d’une concertation entre entreprises. Or, tel ne serait pas le cas en l’espèce.

61
En ce qui concerne l’argumentation selon laquelle il incombe à la Commission de démontrer l’existence de l’infraction qu’elle retient au-delà de tout doute raisonnable, la Commission relève qu’elle n’est pas fondée. Il conviendrait de noter, en particulier, que, dans l’arrêt Pâte de bois II, point 56 supra, l’interprétation en ce sens de la notion de preuves suffisamment précises et concordantes, proposée par l’avocat général M. Darmon dans ses conclusions sous cet arrêt, point 56 supra, n’a pas été retenue par la Cour. De même, dans son arrêt du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschaapij e.a./Commission, dit « PVC II » (T‑305/94 à T‑307/94, T‑313/94 à T‑316/94, T‑318/94, T‑325/94, T‑328/94, T‑329/94 et T‑335/94, Rec. p. II-931), le Tribunal aurait préféré déterminer globalement si les preuves invoquées dans cette affaire étaient suffisantes pour établir l’existence de l’infraction en cause. S’agissant plus particulièrement de la durée de l’infraction, la précision et la concordance des preuves ne seraient pas exigées aux fins de l’établissement de l’existence de l’infraction, mais serviraient uniquement à déterminer dans quelle mesure le montant de l’amende doit être adapté à cette durée. En toute hypothèse, la date précise du commencement de l’infraction serait sans pertinence dans le cas d’espèce, pour autant qu’elle soit intervenue avant 1990, dès lors que la Commission n’a tenu compte de l’infraction qu’à partir de cette date aux fins de la fixation du montant de l’amende.

Sur la première branche, tirée de la prétendue incompatibilité entre l’existence de l’accord allégué et la situation existant sur le marché offshore britannique et sur les autres marchés européens

62
Les requérantes japonaises prétendent en substance que l’existence de barrières au commerce constitue une explication alternative crédible de l’absence de ventes japonaises sur les marchés européens en ce qui concerne les produits visés à l’article 1er de la décision attaquée. Or, le raisonnement de la Commission étant fondé sur la supposition que cette absence ne peut être expliquée autrement que par une concertation entre les parties à l’accord incriminé, il y aurait lieu d’annuler l’article 1er de la décision attaquée, conformément à l’approche retenue dans les arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 57 supra (point 16), Pâte de bois II, point 56 supra (points 126 et 127), et PVC II, point 61 supra (point 725).

63
Selon les requérantes, il existe une contradiction essentielle entre l’allégation selon laquelle les producteurs japonais étaient parties à un accord par lequel ils s’engageaient à s’abstenir d’approvisionner les marchés européens et leur comportement effectif sur ces marchés. En effet, contrairement à ce que prétend la Commission, un examen des courants d’échanges entre le Japon et l’Europe révélerait que les producteurs japonais livraient vigoureusement concurrence aux producteurs européens sur les marchés offshore, en particulier ceux du Royaume‑Uni et de la Norvège, lesquels formeraient, ensemble, le seul marché revêtant de l’importance du point de vue des producteurs japonais, et ce pour des raisons objectives d’ordre commercial. Par ailleurs, la demande sur le marché offshore britannique concernerait essentiellement les tubes OCTG premium et non les tubes OCTG standard visés par la décision attaquée. À tout le moins, la Commission aurait commis une erreur d’appréciation et de qualification des faits en retenant l’existence d’une infraction aussi bien sur les marchés européens offshore que sur les marchés onshore européens à l’article 1er de la décision attaquée.

64
À cet égard, Nippon se demande s’il est concevable que les producteurs japonais aient adhéré à un accord avec les producteurs européens qui leur interdisait d’écouler leurs produits sur les marchés européens, compte tenu des circonstances décrites au point précédent. JFE‑Kawasaki et Sumitomo relèvent que, selon le tableau reproduit au considérant 68 de la décision attaquée, la part de marché de chaque producteur national pour les tubes OCTG et les tuyaux de transport sur son marché domestique n’était en aucun cas de 100 %. Sur le marché du Royaume‑Uni, en particulier, les importations de ces produits se seraient situées entre 16 et 22 %. En réponse à l’argumentation de la Commission suivant laquelle cette circonstance s’explique par le statut particulier du marché du Royaume-Uni, considéré comme semi‑protégé (bénéficiant d’une protection restreinte) par les Règles fondamentales, JFE‑NKK réplique que le marché français, qui n’avait pas un tel statut, a bénéficié d’une protection moins efficace en 1991 et équivalente en 1994, comme il ressort du tableau susmentionné. Les producteurs japonais n’ayant pas du tout vendu les produits visés dans la décision attaquée sur certains marchés européens au cours de certaines années de la période d’infraction retenue par la Commission, JFE‑NKK considère que cette circonstance peut s’expliquer, notamment, par les fluctuations des ventes de ces produits, la consommation de ceux-ci étant fortement dépendante de l’activité dans les secteurs du pétrole et du gaz.

65
Sumitomo reconnaît expressément que les arguments qu’elle avance quant aux effets de l’accord en cause ne sont pertinents dans le cadre du présent moyen que si le Tribunal considère que la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction à suffisance de droit sur la base des preuves littérales invoquées dans la décision attaquée. Elle relève, à cet égard, que la Commission s’est appuyée à titre principal sur l’objet de l’accord et, à titre subsidiaire seulement, sur ses effets.

66
Quant à l’argument de la Commission, fondé sur le point 1088 de l’arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, dit « Ciment » (T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491), selon lequel une infraction est particulièrement grave si elle consiste en un accord visant à éliminer la concurrence sur un marché où celle‑ci est déjà très réduite, JFE‑Kawasaki relève que les circonstances de l’espèce sont très différentes des faits à l’origine de cet arrêt. Dans la présente affaire, il aurait existé une vive concurrence à l’intérieur de l’Europe, du moins sur le plan structurel, du fait de l’existence de quatre grands producteurs communautaires, ce qui impliquait que toute concurrence japonaise potentielle était négligeable. Au contraire, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Ciment, précité, il aurait existé une série de monopoles géographiques fermés.

67
JFE‑Kawasaki fait valoir que, selon les termes des considérants 61 à 77 de la décision attaquée elle-même, les Règles fondamentales ne concernaient pas le marché offshore du Royaume-Uni, voire les autres marchés offshore communautaires. En particulier, il découlerait du considérant 62 de la décision attaquée que les Règles fondamentales régissaient la situation existant sur les marchés domestiques, le marché offshore du Royaume‑Uni bénéficiant, quant à lui, d’un statut particulier dit de « semi-protection » ou de « protection restreinte ». L’affirmation faite au considérant 102 de la décision attaquée, selon laquelle les parties à l’accord devaient s’abstenir de livrer les tubes en cause sur les marchés nationaux, serait incompatible avec le statut hybride attribué au marché offshore du Royaume-Uni par le considérant 62.

68
Les livraisons de tubes en acier au carbone sans soudure en provenance du Japon et à destination du marché offshore du Royaume-Uni seraient caractérisées par leur durée et leur importance. À cet égard, Nippon s’appuie notamment sur le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée, dont il ressortirait que les requérantes japonaises ont écoulé des quantités importantes de tubes en acier sans soudure sur le marché du Royaume-Uni. La circonstance selon laquelle ces chiffres concernent tous les tubes en acier, et non pas seulement ceux visés par la décision attaquée, n’affecterait pas leur pertinence et résulterait du fait que ces producteurs ont approvisionné le plateau continental du Royaume-Uni en plusieurs sortes de tubes, à savoir les tubes OCTG standard, les tuyaux de transport et les tubes OCTG premium. Nippon se prévaut également de niveaux d’exportation chiffrés par les autorités douanières japonaises pour les années 1988 à 1996 et de statistiques émanant de l’association japonaise des exportateurs sidérurgiques pour les années 1977 à 1987, qui confirment l’existence d’une telle concurrence. Sumitomo soutient également que ses ventes de tubes sur les marchés de la Communauté européenne, notamment sur celui du plateau continental du Royaume-Uni, ont été importantes et avance des preuves à l’appui de cette prétention. Elle conteste, en particulier, l’utilisation du chiffre de 230 000 tonnes, avancé par la Commission, pour les ventes annuelles moyennes de tuyaux de transport par les membres du club Europe-Japon sur les marchés communautaires visés. Les ventes réalisées par l’ensemble des membres de ce club s’élèveraient à 71 000 tonnes de tuyaux de transport par an. JFE‑NKK renvoie, quant à elle, aux chiffres détaillés qu’elle a fournis à la Commission, en réponse à une demande de renseignements de celle-ci, et dont il ressortirait qu’elle ne s’est nullement abstenue de vendre ses tubes sur les marchés européens pendant la période retenue pour l’infraction. JFE‑Kawasaki fait valoir que, si ses ventes sur tous les marchés européens sont restées minimes, elle avait pourtant fait d’importants efforts pour en réaliser, notamment sur le marché offshore du Royaume-Uni.

69
Par ailleurs, l’existence d’une concurrence vigoureuse de la part des producteurs japonais, notamment sur le marché du Royaume-Uni, serait établie expressément par les éléments de preuve documentaires recueillis par la Commission au cours de son enquête auprès des producteurs européens. En particulier, le document, repris à la page 4902 du dossier de la Commission, intitulé « Note pour les présidents » (« Paper for Presidents »), fait état de l’« agressivité actuelle des [Japonais] sur les [tubes] OCTG » et les cinq notes de Vallourec – à savoir celle du 23 mars 1990, reprise à la page 15622 dudit dossier, intitulée « Réflexions concernant le renouvellement du contrat VAM » (ci-après la « note Réflexions sur le contrat VAM »), celle du 2 mai 1990, reprise à la page 15610 du dossier, intitulée « Réflexions stratégiques concernant les relations de VLR » (ci-après la « note Réflexions stratégiques »), celle du 1er juin 1990, reprise à la page 15591 du dossier, intitulée « Renouvellement du contrat VAM BSC », la note Réunion du 24.7.90 et, enfin, la note reprise à la page 15596 du dossier, non datée, intitulée « Entretien BSC » – confirmeraient toutes que Vallourec considérait que les ventes des producteurs japonais sur le marché offshore du Royaume-Uni étaient très préoccupantes. De même, une télécopie de Mannesmann du 16 août 1993, reprise à la page 2493 du dossier de la Commission, ferait état d’une concurrence japonaise par les prix qui rendait inintéressant pour Mannesmann le fait de soumissionner à certains appels d’offres.

70
En outre, il ressortirait, d’une part, de la lettre du 6 juin 1994, adressée par le comité de liaison de l’industrie du tube d’acier de la Communauté européenne à la Commission, reprise à la page 5243 du dossier de la Commission (ci-après la « lettre du comité de liaison du 6 juin 1994 »), et, d’autre part, du compte rendu du 24 août 1994 de la réunion dudit comité de liaison, repris à la page 5103 du dossier de la Commission, que les producteurs européens considéraient que les entreprises japonaises constituaient des concurrents agressifs et que l’importance de leurs ventes constituait une menace pour leur position sur les marchés offshore des États membres de la Communauté. Le compte rendu de la réunion du comité de liaison du 24 août 1994 établirait aussi que les parts de marché des producteurs japonais se sont élevées à 25 % sur les marchés offshore de la Communauté et des îles Féroé pour les produits OCTG, tous aciers confondus, et à 34 % sur les marchés offshore de la Communauté et de la Norvège pour les produits OCTG en acier au carbone. Sumitomo invoque encore, au soutien de sa prétention quant à l’importance des importations d’origine japonaise, une télécopie de l’Association européenne du tube en acier (anciennement le Comité de liaison de l’industrie du tube d’acier de la Communauté européenne) du 5 octobre 1994, reprise à la page 4723, ainsi qu’un projet de lettre non daté adressé à M. Large, agent de la Commission, repris à la page 4725 du dossier de la Commission. De même, les déclarations des producteurs européens – notamment les réponses de Dalmine, du 29 mai 1997, aux questions posées par la Commission au titre de l’article 11 du règlement n° 17, reprises à la page 15162 du dossier de la Commission (ci-après les « réponses de Dalmine du 29 mai 1997 ») et celles de Corus, du 13 août 1997, reprises à la page 11916 du dossier (ci-après les « réponses de Corus ») – confirmeraient cette thèse. Les réponses de Corus témoigneraient notamment du fait que les producteurs japonais visaient le marché offshore du Royaume-Uni. Nippon souligne que, selon le document « g) Japonais » [« g) Japanese » document], repris à la page 4909 du dossier de la Commission et rédigé par une des entreprises européennes, « Nippon […] en particulier [devenait] toujours plus agressive sur le plateau continental du Royaume-Uni ».

71
Selon les producteurs japonais, la circonstance selon laquelle ils ont vendu, sur le marché offshore du Royaume-Uni, des quantités importantes de tubes en acier, notamment de tubes OCTG premium et de tuyaux de transport « projet », sans pour autant vendre des quantités significatives de ces produits sur les marchés onshore des États membres de la Communauté, était parfaitement logique et compatible avec l’inexistence de l’accord allégué, contrairement à ce que soutient la Commission. En particulier, ces produits, lorsqu’ils sont destinés à des utilisations offshore, seraient de haute qualité et très coûteux. En outre, il serait plus facile pour des producteurs étrangers, d’une manière générale, de concourir avec des producteurs locaux pour des produits différenciés, tels les tubes OCTG premium, qu’en ce qui concerne des produits standard, tels les tubes OCTG filetés standard.

72
En outre, le plateau continental de la mer du Nord, notamment le marché offshore du Royaume-Uni, constituerait la plus grande partie du marché européen pour les tubes en acier, comme en témoigne le document « g) Japonais ». Il s’ensuivrait que les marchés communautaires onshore pour ces produits seraient relativement restreints. Partant, ils n’apparaîtraient pas très rentables. Par ailleurs, les conditions de concurrence existant sur le marché offshore britannique seraient très différentes de celles existant sur les marchés onshore de la Communauté. En effet, les ventes japonaises sur ces derniers marchés auraient été désavantagées par l’effet cumulé d’un certain nombre d’obstacles commerciaux dont la plupart n’existaient pas sur le marché offshore britannique. La Commission n’en aurait pas tenu compte, en omettant de distinguer, dans la décision attaquée, entre les marchés offshore et les marchés onshore. Or, Nippon fait valoir que les marchés onshore étaient pratiquement fermés aux producteurs japonais du fait de ces obstacles, à tout le moins lorsqu’ils sont considérés dans leur ensemble. Cette circonstance serait confirmée, selon Sumitomo, en ce qui concerne les tubes OCTG standard, par la lettre d’une société achetant ce type de produits qui a affirmé que des producteurs japonais avaient offert de lui en vendre, mais que le prix proposé n’était pas intéressant et que les délais de livraison étaient plus longs que ceux impartis aux producteurs européens. Selon Sumitomo, la référence à des fournisseurs japonais sur le site internet de cette même société, invoquée par la Commission, concernait des tubes OCTG premium et non des tubes OCTG standard.

73
En ce qui concerne les barrières aux importations dans la Communauté européenne de tubes japonais, les requérantes japonaises considèrent, premièrement, que la politique commerciale traditionnelle de la Communauté, qui aurait visé à protéger les marchés européens au moyen, notamment, d’accords d’autolimitation conclus entre la Commission et le gouvernement japonais, constitue un tel obstacle. Le but essentiel de cette politique aurait été de maintenir les courants d’échanges existants. En l’occurrence, les requérantes japonaises relèvent qu’elles n’exportaient pas de tubes sans soudure vers les marchés onshore de la Communauté à l’époque où ces accords d’autolimitation étaient en vigueur, ou qu’elles ne le faisaient qu’en très petites quantités, et qu’en conséquence cette politique les dissuadait d’exporter leurs produits vers ces marchés.

74
En pratique, le premier accord d’autolimitation portant sur les tubes en acier aurait été pris en mars 1978. Le dernier accord renouvelant les obligations d’autolimitation, daté de décembre 1989, serait resté en vigueur jusqu’à la fin de l’année 1990. La Commission elle-même aurait affirmé, au considérant 134 de la décision attaquée, que ces accords avaient dissuadé les producteurs japonais d’exporter leurs tubes en acier en Europe avant 1990. De ce fait, la possibilité même d’un concours de volontés suffisant au sens des arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, Thyssen Stahl/Commission (T‑141/94, Rec. p. II-347, point 262), et Ciment, point 66 supra (point 917), était exclue, en ce qui concerne les requérantes japonaises, pendant la période où les accords d’autolimitation étaient en vigueur. JFE‑NKK ajoute que c’est la Commission elle-même qui a encouragé les producteurs japonais à adopter la politique commerciale qu’elle leur reproche à présent, alors même qu’elle n’a pas apporté la preuve de la date à laquelle les accords d’autolimitation ont pris fin. Plus largement, les requérantes japonaises se prévalent de la prorogation des accords d’autolimitation pour fonder leurs demandes de réduction des amendes (voir points 136 et suivants et 511 à 513 ci‑après).

75
Deuxièmement, les producteurs japonais de tubes en acier auraient été dissuadés d’exporter vers les marchés onshore de la Communauté des tubes en acier au carbone sans soudure, car ils étaient confrontés à d’importants droits de douane, en vertu du tarif douanier commun. Entre 1977 et 1994, les droits de douane imposés pour l’importation des tubes en acier sans soudure sur les marchés onshore de la Communauté n’auraient jamais été inférieurs à 9 %. L’affirmation faite au considérant 138 de la décision attaquée, selon laquelle la Commission a tenu compte de ce facteur, ne permettrait en aucune façon de comprendre la raison pour laquelle, selon la Commission, cette circonstance ne pouvait être considérée comme une entrave aux ventes japonaises. Sumitomo soutient, à cet égard, que les producteurs d’Amérique latine étaient soumis à des droits de douane inférieurs, dans le cadre du système de préférences généralisées. De même, au cours de la période d’infraction retenue par la Commission, plusieurs accords de libre‑échange conclus avec les pays d’Europe centrale et orientale auraient supprimé les droits de douane imposés sur les produits sidérurgiques en provenance de ces pays. Il s’ensuivrait que les importations en provenance de tous ces pays tiers étaient privilégiées par rapport aux importations japonaises.

76
Troisièmement, les coûts de transport et, s’agissant des tubes destinés aux applications onshore, les coûts afférents aux opérations de chargement, de déchargement dans le port d’arrivée dans la Communauté ainsi que de livraison maritime ou terrestre à la destination finale auraient aggravé le désavantage concurrentiel des producteurs japonais de tubes en acier, notamment sur les marchés onshore de la Communauté, par rapport aux producteurs européens. En outre, les quantités de tubes commandées sur les marchés onshore européens étant faibles, les frais de transport par tonne livrée seraient d’autant plus importants. Par ailleurs, les frais de transport seraient particulièrement élevés, en termes de pourcentage du prix facturé, pour les produits OCTG standard visés par la décision attaquée, du fait de la valeur relativement faible de ceux-ci. Les producteurs japonais font état, à cet égard, de divers chiffres prétendument établis à partir des prix réels obtenus pour la livraison de tubes en acier sans soudure en Europe. Les déclarations de la Commission, aux termes desquelles les chargements peuvent être groupés afin de réduire les coûts de transport, n’infirmeraient pas cette thèse, puisqu’il conviendrait de reconnaître que le niveau des frais restait dissuasif malgré cette possibilité. L’importance des coûts de transport pour les producteurs japonais aurait été confirmée également par la lettre du comité de liaison du 6 juin 1994, et ce malgré le fait que l’objectif visé dans ce document était d’attirer l’attention de la Commission sur l’importance de la menace que représentaient les importations japonaises de tubes. De manière indirecte, cette circonstance serait également attestée par la pratique décisionnelle de la Commission, notamment la décision 93/247/CEE, du 12 novembre 1992, déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (Affaire IV/M.222 – Mannesmann/Hoesch) (JO 1993, L 114, p. 34, considérant 102). De même, il ressortirait de la décision de la Commission du 26 février 1998 déclarant la compatibilité avec le marché commun d’une concentration (Affaire IV/M.1014 – British Steel/Europipe) (JO C 181, p. 3) que la distance constitue un désavantage significatif pour les producteurs non communautaires en ce qui concerne les ventes en petites quantités de produits à faible spécification.

77
Sur ce point, JFE‑Kawasaki ajoute que les producteurs japonais étaient désavantagés non seulement par rapport aux producteurs européens, mais aussi par rapport à d’autres producteurs de pays tiers. Par exemple, le fret du Japon à destination de l’Italie ou du Royaume-Uni serait plus élevé de 40 à 50 % que le fret à partir de l’Argentine. Quant à l’argument de la Commission selon lequel il ressort de l’annexe 5 de la décision attaquée que le marché italien a été protégé des importations japonaises mais pas des importations d’autres pays tiers, Sumitomo relève que cette annexe concerne l’ensemble des tubes OCTG et tuyaux de transport, de sorte qu’elle est dépourvue de pertinence pour apprécier la situation spécifique des produits visés à l’article 1er de la décision attaquée.

78
JFE‑Kawasaki et JFE‑NKK rejettent l’appréciation retenue par la Commission au considérant 137 de la décision, selon laquelle toutes les ventes à un prix supérieur au coût variable étaient justifiées du point de vue de l’offre dès lors que le marché des tubes en acier se trouvait dans une situation de surcapacité structurelle et que de telles ventes leur permettaient, dès lors, de couvrir leurs coûts fixes. D’une part, les coûts de transport seraient particulièrement élevés pour les tubes en acier par rapport aux autres produits sidérurgiques, du fait du caractère volumineux desdits tubes. D’autre part, l’appréciation de la Commission omettrait de tenir compte du fait que les producteurs japonais ont une capacité de production d’acier limitée, et qu’ils ont, de ce fait, intérêt à maximiser leurs bénéfices en vendant autant que possible les produits sidérurgiques sur lesquels ils réalisent la marge bénéficiaire la plus élevée. Le fait qu’il soit possible de couvrir les coûts variables sur les ventes d’un produit particulier ne suffirait donc pas pour conclure qu’il est dans l’intérêt commercial des producteurs japonais de réaliser de telles ventes.

79
Quant à l’appréciation de la Commission selon laquelle les capacités de production des produits en acier sont spécialisées, de sorte qu’il n’est pas possible de les affecter au produit sur lequel la marge est la plus élevée, Kawasaki réplique que la première étape du processus de production est commune à l’ensemble des produits en acier. Or, c’est par rapport à cette étape que ses capacités de production sont limitées. Sumitomo avance, en outre, que la surcapacité de production affectait les producteurs européens tout autant que les producteurs japonais. En conséquence, cette circonstance était neutre et le désavantage résultant des autres facteurs invoqués demeurait, à supposer même que les producteurs japonais aient eu un intérêt à réaliser des ventes à des prix tout juste inférieurs à leurs coûts variables.

80
Quatrièmement, les producteurs japonais seraient désavantagés vis-à-vis de leurs concurrents européens en ce qui concerne les délais de livraison. Il faudrait en effet quatre à six semaines pour acheminer les tubes en acier fabriqués au Japon jusqu’en Europe. Si la Commission relève, au considérant 137 de la décision attaquée, que les entreprises en cause considèrent que les délais de livraison ne font pas obstacle aux importations japonaises de tubes OCTG premium, lesquels sont utilisés notamment sur le plateau continental du Royaume-Uni dans des projets précis, cette constatation ne vaudrait pas pour les tubes OCTG standard. En effet, il serait coûteux pour un utilisateur de tubes OCTG premium de changer de joint premium une fois qu’il a opté pour l’un ou l’autre des joints de ce type proposés par les divers producteurs, de sorte que l’impact des délais de livraison serait moindre sur ce marché. Sur le marché des tubes OCTG standard, en revanche, le fait de pouvoir livrer des tubes dans un délai plus court serait un avantage significatif. En ce qui concerne les tuyaux de transport « projet », le traitement particulier qui leur est nécessaire contraindrait le fournisseur à opérer dans des délais très courts, de sorte que les délais de livraison revêtiraient une importance encore plus significative à leur égard. Enfin, les produits OCTG et les tuyaux de transport « projet » étant vendus directement aux utilisateurs, il serait impossible de contourner cette entrave en procédant à des ventes indirectes par l’intermédiaire de grossistes.

81
Cinquièmement, le marché domestique de chacun des quatre États membres de la Communauté dans lesquels les ventes onshore les plus importantes pouvaient être réalisées – à savoir l’Allemagne, la France, l’Italie et le Royaume-Uni – aurait été dominé par un producteur national. Cette situation ne serait pas nécessairement la conséquence d’un accord de partage des marchés dès lors que certains facteurs objectifs, notamment économiques, favorisaient les producteurs nationaux. La position de ces producteurs nationaux aurait notamment été renforcée par la politique d’achat de leurs principaux clients sur ce marché, à savoir les entreprises nationales de transport et de distribution du gaz, lesquelles étaient souvent des entreprises publiques. La Commission aurait admis l’existence d’une telle situation dans sa décision 93/247.

82
À titre d’exemple, Corus (anciennement British Steel) aurait eu des relations privilégiées à l’époque des faits en cause avec les sociétés British Gas et BP (anciennement British Petroleum), ce dont témoignerait, en ce qui concerne cette dernière, le document intitulé « Compte rendu de la réunion de liaison technique de BP engineering/British Steel » (« Minutes of technical liaison meeting by BP engineering/British Steel »), repris à la page 681 du dossier de la Commission. De même, les dépositions faites par des membres du personnel de Dalmine, reprises à la page 8220 ter 4 du dossier de la Commission (ci-après les « dépositions des employés de Dalmine »), attesteraient, d’une part, que ceux-ci proposaient des pots-de-vin aux employés d’Agip, qui était la plus importante des entreprises pétrolières et gazières d’Italie, afin de veiller à ce que les commandes de tubes en acier sans soudure de cette entreprise ne soient pas passées auprès d’autres fabricants et, d’autre part, qu’Agip cherchait, d’une manière générale, à donner la préférence aux fabricants italiens. De la même manière, le document intitulé « Rencontre avec Distrigaz », repris à la page 2298 du dossier de la Commission, confirmerait l’existence de la volonté de la société Distrigaz de ne pas passer commande auprès de fournisseurs non communautaires. Plus généralement, la directive 90/531/CEE du Conseil, du 17 septembre 1990, relative aux procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des télécommunications (JO L 297, p. 1), confirmerait, dans ses onzième et douzième considérants, que les marchés publics dans les secteurs de l’extraction, du transport et de la distribution du gaz et du pétrole étaient fermés avant son entrée en vigueur. Par ailleurs, son article 29, qui règle la situation des producteurs de pays tiers pour l’avenir, n’accorderait pas à ceux-ci un accès égal aux marchés publics européens, contrairement à ce que semble indiquer la décision attaquée. Selon JFE‑NKK, les producteurs japonais n’ont pas pleinement bénéficié des règles prévues par la directive 90/531 parce que l’accord relatif aux marchés publics (annexe à la décision 80/271/CEE du Conseil, du 10 décembre 1979, concernant la conclusion des accords multilatéraux résultant des négociations commerciales de 1973-1979, JO 1980, L 71, p. 1) ne s’applique pas aux secteurs de l’exploration, de l’extraction ou du transport du pétrole et/ou du gaz.

83
Sixièmement, les entreprises européennes auraient déposé des plaintes antidumping auprès de la Commission dans le but d’exclure les producteurs non communautaires des marchés communautaires. Ainsi, de 1977 à 1998, sept procédures auraient été engagées contre des producteurs non communautaires de tubes en acier sans soudure, dont une seule aurait été close sans qu’un engagement soit pris ou qu’un droit soit imposé. S’il est exact qu’aucune des procédures antidumping en cause ne concernait les importations en provenance du Japon, cette circonstance n’aurait rien d’anormal en ce qui concerne le marché offshore du Royaume-Uni, puisque les plateaux continentaux des États membres se situaient en dehors du champ d’application territorial de la réglementation antidumping communautaire applicable à l’époque des faits. En revanche, la possibilité d’engager une telle procédure aurait exercé un effet dissuasif important sur les exportateurs japonais en ce qui concerne les marchés onshore, contrairement à ce que soutient la Commission au considérant 137 de la décision attaquée. En effet, la simple ouverture d’une procédure antidumping aurait impliqué une charge de travail onéreuse pour les producteurs japonais, du fait des mesures d’investigation qu’aurait adoptées la Commission. Le bien-fondé de cet argument serait confirmé par le fait qu’il ressort de la Note pour les présidents que les entreprises européennes envisageaient de menacer les entreprises japonaises d’introduire des plaintes antidumping. Les producteurs européens auraient également exercé des pressions sur la Commission dans le but de faire étendre le territoire douanier communautaire aux marchés offshore des États membres, ce dont témoigne notamment la lettre du comité de liaison du 6 juin 1994.

84
Septièmement, le coût afférant au respect permanent des différentes normes nationales des États membres de la Communauté et des conditions de délivrance de licences, qui étaient d’une grande diversité, aurait constitué un autre obstacle significatif aux échanges. En substance, la norme standard « API » ne constituerait qu’une norme de base et il serait, de ce fait, nécessaire de respecter également les normes nationales, voire des normes supplémentaires imposées par certains clients spécifiques. En Allemagne, par exemple, un certificat serait nécessaire, selon Nippon, pour garantir la qualité aussi bien de la technique de production que du contrôle du produit et de la qualification des salariés. La procédure de délivrance de ces certificats supposerait la présentation de dossiers volumineux en langue allemande et le versement d’une redevance susceptible d’atteindre 45 000 marks allemands tous les deux ou trois ans. Dans sa décision 93/247, la Commission aurait reconnu que l’existence de telles normes nationales constituait un obstacle important aux échanges intracommunautaires de tubes en acier. Cette constatation vaudrait tout particulièrement pour les importations d’origine japonaise. Cette appréciation objective, retenue dans la décision 93/247, ne saurait être écartée en l’espèce au motif, invoqué par la Commission, qu’elle ignorait l’existence de l’infraction au moment où elle a pris cette décision. S’agissant des exigences propres à certaines sociétés pétrolières, JFE‑Kawasaki relève que la société française Total et la société italienne Agip exigent une inspection « off-line » de tous les tubes en acier qui leur sont livrés. Le respect de cette obligation d’inspection engendrerait des coûts supérieurs à 100 dollars des États-Unis pour mille tonnes.

85
Huitièmement, JFE‑NKK, Nippon et JFE‑Kawasaki font valoir, dans leurs mémoires en réplique, que Corus a bénéficié de la politique du gouvernement du Royaume-Uni visant à promouvoir les ventes de fournisseurs britanniques sur le plateau continental de cet État. Le gouvernement britannique aurait mis en oeuvre cette politique en créant un Bureau pour l’approvisionnement du marché offshore (Offshore Supplies Office, ci-après l’« OSO »). En exerçant une pression sur les opérateurs économiques actifs sur le plateau continental du Royaume-Uni, l’OSO serait parvenu à augmenter les parts de marché des fournisseurs britanniques de 25 à 30 % en 1972 (selon un rapport publié en 1997 par le ministère du Commerce et de l’Industrie britannique, dénommé DTI, et figurant à l’annexe 4 de la réplique dans l’affaire T‑67/00, ci-après le « rapport du DTI »), à 75 % en 1984 et à 87 % en 1987 (selon le Bulletin des Communautés européennesSupplément n° 6/1988, point 115). Dans ces conditions, il aurait été inutile pour Corus de conclure un accord avec les producteurs japonais lui assurant une protection relative sur le marché offshore, dès lors qu’elle bénéficiait déjà d’une protection forte du fait des interventions de l’OSO. Ainsi, le concept même des Règles fondamentales, en particulier celui des Règles fondamentales améliorées, concernerait la position privilégiée de Corus sur le marché offshore du Royaume-Uni du fait de cette politique de préférence nationale, laquelle position aurait également profité aux autres producteurs européens, dans la mesure où ceux-ci ont fourni des tubes lisses à Corus à la suite de la fermeture de son usine de Clydesdale. En toute hypothèse, la décision attaquée serait, sur ce point, entachée d’une erreur manifeste dans la mesure où la Commission aurait omis de tenir compte du rôle joué par l’OSO sur le marché offshore du Royaume-Uni. Ce système de préférence britannique aurait été appliqué jusqu’en juillet 1993, moment où il aurait été remplacé par le système de préférence communautaire prévu par la directive 90/531. JFE‑NKK soutient qu’elle n’a eu connaissance de ces circonstances et qu’elle n’a obtenu les documents annexés à sa réplique, qui les attestent, qu’après le dépôt de sa requête dans l’affaire T‑67/00.

86
Ces trois requérantes considèrent également que certains éléments de preuve invoqués par la Commission font allusion à la politique mise en oeuvre par l’OSO, confirmant ainsi leurs allégations sur ce point. Elles précisent, d’une part, que la note Renouvellement du contrat VAM BSC contient l’affirmation selon laquelle « il ne faut pas ouvrir la porte aux [Japonais] en les favorisant d’un british content », et que l’auteur de la note Réunion du 24.7.90 déclare ce qui suit : « Il ne peut pas être exclu qu’en [19]93, OSO accordera aux producteurs européens les 3 % préférentiels qu’il accorde pour le moment aux producteurs britanniques. » Les références faites dans la note Réunion du 24.7.90 au renforcement de la Communauté européenne et à l’extension éventuelle de la préférence des 3 % aux producteurs européens se rapporteraient à l’entrée en vigueur de la directive 90/531, laquelle prévoit une préférence communautaire dans la mesure où les prix des producteurs communautaires ne dépassent pas ceux des producteurs de pays tiers de plus de 3 %.

87
La circonstance selon laquelle pratiquement aucun des producteurs européens n’a livré de tubes en acier sans soudure au Japon, dont atteste le tableau figurant au considérant 68 de la décision attaquée, s’expliquerait également par des raisons de politique commerciale. Il s’ensuivrait que tout accord de partage portant sur ce marché aurait été dépourvu de justification commerciale.

88
D’autre part, il ressortirait notamment de la lettre du comité de liaison du 6 juin 1994 que les marchés publics japonais dans le secteur des tubes en acier restaient complètement fermés aux producteurs européens, que le marché des tubes japonais était dominé par de grands consortiums étroitement liés aux producteurs de tubes, que les coûts de transport et les frais de vente au Japon étaient très élevés pour les producteurs européens et que les activités de prospection et de production du pétrole et du gaz ainsi que, partant, le secteur des tubes OCTG étaient, en toute hypothèse, très restreints. En outre, selon la télécopie du 16 novembre 1994, envoyée par l’association européenne du tube d’acier à la Commission, les producteurs étrangers de tubes en acier souhaitant vendre leur produit au Japon étaient obligés de remplir un formulaire très détaillé pour se conformer aux normes japonaises.

89
La Commission considère, en premier lieu, que la décision attaquée se fonde essentiellement sur l’objet restrictif de concurrence de l’accord. Dès lors, il ne lui aurait pas été nécessaire de démontrer également l’existence d’effets concrets sur les marchés communautaires pour établir l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée. En effet, à supposer même que les obstacles aux échanges énumérés par les requérantes japonaises puissent expliquer pourquoi celles-ci ne vendaient pas les produits visés par la décision attaquée sur ces marchés communautaires, il n’en demeurerait pas moins que la Commission aurait rapporté la preuve de l’existence d’un accord dont l’objet était de restreindre la concurrence. En tout état de cause, pour autant que les circonstances invoquées par les requérantes sont opérantes, elles auraient pour effet de renforcer la gravité de l’accord et non de la diminuer, comme les requérantes semblent le prétendre. La Commission invoque, à cet égard, l’arrêt Ciment, point 66 supra, dans lequel il aurait été jugé qu’une analyse économique tendant à démontrer l’existence d’entraves objectives au commerce ne saurait effacer la réalité incontournable de preuves documentaires. Le Tribunal aurait précisé, en outre, que, si l’analyse économique proposée par les parties requérantes devait s’avérer exacte, cette conclusion aurait, en définitive, pour effet de souligner la gravité de l’infraction commise, dès lors que, par la conclusion de l’accord en question, les entreprises auraient tenté d’éliminer le peu de concurrence effective qui subsistait sur le marché en cause (points 1087 et 1088 de l’arrêt).

90
S’agissant de l’argument de JFE‑Kawasaki selon lequel les termes de la décision attaquée excluent le marché offshore du Royaume-Uni de l’accord de partage de marchés, la Commission rétorque que le considérant 62 de la décision attaquée indique très clairement que ce marché était concerné par l’accord dans la mesure où il était « semi-protégé ».

91
En deuxième lieu, la Commission estime avoir, en toute hypothèse, démontré à suffisance de droit que l’accord décrit à l’article 1er de la décision attaquée a eu des effets concrets sur les marchés de la Communauté. En particulier, le tableau figurant au considérant 68 de cette décision confirmerait que l’accord était, dans une très large mesure, effectivement appliqué sur les marchés européens. L’existence d’une certaine concurrence de la part des producteurs japonais sur le marché offshore du Royaume-Uni ne saurait conduire à écarter le chef d’infraction établi dans la décision attaquée, dès lors que ce marché n’était que semi-protégé.

92
S’agissant de l’argument selon lequel il ressort de certains documents utilisés par la Commission, notamment de la Note pour les présidents et de la note Entretien BSC, que les producteurs européens craignaient la concurrence japonaise sur le marché offshore du Royaume-Uni, la Commission estime que cette crainte résultait du fait que le statut semi-protégé de ce marché en faisait une source de tension particulière dans le cadre de l’accord. En conséquence, cet argument ne remettrait pas en cause l’existence de l’accord.

93
La Commission considère également que l’argument tiré de l’existence d’un système de préférence britannique pour les produits utilisés dans l’industrie pétrolière sur les marchés du plateau continental du Royaume-Uni, avancé pour la première fois par JFE‑NKK, Nippon et JFE‑Kawasaki dans leurs mémoires en réplique, constitue un moyen nouveau. Celui-ci serait irrecevable, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. À titre subsidiaire, cet argument se fonderait sur des éléments de preuve annexés au mémoire en réplique, qui seraient inadmissibles en vertu de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, dès lors que Nippon et JFE‑Kawasaki n’ont pas tenté de justifier le retard apporté à la présentation de ces offres de preuve. En ce qui concerne JFE‑NKK, qui se bornerait à affirmer qu’elle n’avait pas connaissance de ces éléments de preuve au moment du dépôt de sa requête, la Commission relève que cet argument est invraisemblable.

94
En ce qui concerne JFE‑NKK, la Commission soutient, en outre, que ce moyen nouveau est irrecevable en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

95
En toute hypothèse, l’argumentation nouvelle susmentionnée ne serait pas fondée.

96
Par ailleurs, la Commission considère que les barrières au commerce invoquées par les requérantes japonaises n’ont jamais constitué une entrave absolue à l’importation de tubes japonais dans la Communauté. À cet égard, la Commission relève qu’aucun des prétendus obstacles aux échanges invoqués par les requérantes japonaises n’a empêché d’autres producteurs de pays tiers, notamment ceux d’Amérique latine, d’exporter les produits visés par la décision attaquée vers les marchés onshore communautaires.

97
Enfin, la prétendue absence de livraisons de tubes en acier sans soudure effectuées par des producteurs de la Communauté au Japon ne constituerait pas un élément essentiel de la décision attaquée, celle-ci ne portant pas directement sur les restrictions aux échanges vers le Japon. La Commission précise que la lettre du comité de liaison du 6 juin 1994 et la télécopie de l’association européenne du tube d’acier du 16 novembre 1994, invoquées par les requérantes japonaises au soutien de leur démonstration du caractère fermé du marché japonais, concernent une époque au cours de laquelle elle ignorait l’existence de l’accord illicite. La Commission en déduit que les explications avancées dans ces documents par les producteurs européens servaient essentiellement à dissimuler l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée. En toute hypothèse, les raisons pour lesquelles les parties ont conclu l’accord ne seraient pas pertinentes pour établir son existence.

Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence de force probante des éléments de preuve

98
Selon les requérantes japonaises, les documents invoqués par la Commission ne démontrent pas l’existence d’un concours de volontés susceptible de constituer l’accord illicite sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée et, en toute hypothèse, n’établissent pas la participation des producteurs japonais à cette infraction. À cet égard, les requérantes japonaises relèvent que pratiquement aucun desdits documents ne les nomme, de sorte que ceux-ci ne sauraient être invoqués à leur charge par la Commission. L’article 1er de la décision attaquée devrait donc être annulé au motif qu’il repose sur une analyse qui n’est pas étayée à suffisance de droit et qu’il viole, de ce fait, l’article 81, paragraphe 1, CE. JFE‑NKK et Nippon font état, à cet égard, d’une erreur manifeste d’appréciation.

99
Selon les requérantes japonaises, leurs concurrents européens se sont bornés, dans les documents invoqués par la Commission, à se référer à la situation qui résultait de ce que les obstacles aux échanges empêchaient les producteurs japonais d’exporter leurs produits vers le marché européen. Par ailleurs, les requérantes japonaises relèvent que les preuves concernant les tuyaux de transport « projet » sont particulièrement limitées et que l’annulation de la décision attaquée s’impose, à tout le moins, en ce qui concerne ces produits. JFE‑NKK relève, en outre, que la réorganisation du prétendu club Europe-Japon, laquelle aurait pris la forme de Règles fondamentales améliorées à la suite d’une réunion tenue à Tokyo le 5 novembre 1993 (considérants 83 à 94 de la décision attaquée), n’est pas mentionnée par les divers documents invoqués par la Commission. Elle se réfère notamment à la Note pour les présidents, au document « g) Japonais » et au document Clé de répartition.

100
JFE‑NKK fait valoir qu’en toute hypothèse la Commission a analysé de manière erronée les documents qui font référence aux Règles fondamentales et aux Règles fondamentales améliorées, notamment ceux émanant de Dalmine. En effet, les éléments de preuve contenus dans le dossier de la Commission pourraient suggérer que ces règles sont en rapport avec la nécessaire rationalisation de l’industrie communautaire et non avec un quelconque accord illicite. À cet égard, JFE‑NKK invoque, en particulier, le document de Dalmine de mai-août 1993, intitulé « Système pour les tubes en acier sans soudure en Europe et évolution du marché » (« Seamless Steel tube System in Europe and Market Evolution ») et repris à la page 2051 du dossier de la Commission (ci-après le « document Système pour les tubes en acier »), qui précise : « Une solution utile du problème de [Corus] pour tout le monde ne peut se trouver que dans un cadre européen, ce qui implique des acquisitions et des fermetures d’usines conformément à un plan de rationalisation. Nous voyons ce processus se développer suivant des étapes fondamentales [...] » Contrairement à ce qui ressort des arguments de la Commission, la réunion qui a eu lieu le 6 octobre 1992 aurait porté, comme l’atteste le compte rendu de celle-ci, repris à la page 15178 du dossier de la Commission, non seulement sur les marchés d’Europe centrale et orientale, mais aussi, en partie, sur la rationalisation de l’industrie communautaire. Par ailleurs, cette politique de rationalisation aurait été soutenue par la Commission. JFE‑NKK fait donc valoir qu’il est déraisonnable que la Commission reproche à présent ce comportement à des entreprises qui l’ont adopté pour suivre ses propres conseils. De plus, JFE‑NKK soutient qu’aucun des documents invoqués par la Commission n’établit un quelconque lien entre la fermeture de la société belge NTM, évoquée, notamment, aux considérants 88 et 89 de la décision attaquée, et la situation des producteurs japonais.

101
Par ailleurs, JFE‑NKK soutient que les éléments de preuve invoqués par la Commission n’attestent pas la définition du marché retenue pour établir l’infraction relevée à l’article 1er de la décision attaquée. La définition adéquate du marché en cause étant une condition essentielle de tout jugement porté sur les effets anticoncurrentiels d’un accord donné (voir, notamment, arrêt SIV e.a./Commission, point 57 supra), cette absence de preuves suffirait à justifier l’annulation de la décision attaquée.

102
Selon les requérantes japonaises, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 est très vague et n’établit aucunement l’existence de l’accord retenu par la Commission. En effet, cette déclaration, qui est extrêmement succincte, indiquerait en substance que les marchés domestiques bénéficiaient d’une protection, sans préciser la nature et la portée précise de celle-ci. Contrairement à ce qu’avance la Commission dans la décision attaquée, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 ne confirmerait pas que l’expression « Règles fondamentales » visait le respect des marchés nationaux dans le sens d’une interdiction faite à chacun des producteurs de vendre des tubes en acier sur les marchés nationaux de leurs concurrents qui étaient parties à l’accord. JFE‑Kawasaki soutient, à cet égard, que M. Verluca se bornait à commenter un seul document dans cette déclaration, en l’occurrence la note Quelques informations, qui ne fournit pas d’éclaircissements sur le fonctionnement de l’accord.

103
Par ailleurs, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 ne confirmerait pas que le Royaume-Uni était un des marchés nationaux où l’offre était limitée par l’abstention des autres producteurs parties à l’accord de livrer des tubes sur ces marchés. En effet, cette déclaration qualifierait le marché du Royaume-Uni de semi-protégé, en ce sens qu’un concurrent devait prendre contact avec le producteur local de tuyaux et de tubes avant de présenter une offre, et préciserait que cette règle a été plus ou moins respectée. Nippon nie expressément avoir pris contact avec Corus avant de présenter une offre sur le marché en question et fait valoir que la Commission n’a pas avancé d’éléments susceptibles de démontrer le contraire. En tout état de cause, les requérantes japonaises soutiennent que l’argumentation de la Commission, selon laquelle le statut semi-protégé du marché offshore britannique est compatible avec l’existence de ventes japonaises sur ce marché, ne permet pas de comprendre avec suffisamment de précision quels engagements avaient été pris, selon elle, par les producteurs japonais à l’égard de ce marché.

104
Quant à l’appréciation de la Commission selon laquelle la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 serait particulièrement probante et pourrait, au besoin, suffire à elle seule pour constater l’existence de l’infraction, Sumitomo et JFE‑NKK relèvent que le point 1838 de l’arrêt Ciment, point 66 supra, invoqué par la Commission, se rapporte uniquement aux éléments de preuve contemporains. De plus, il ressortirait de l’arrêt Enso-Gutzeit/Commission, point 58 supra, premièrement, qu’un aveu fait par une entreprise ne saurait constituer une preuve pouvant être utilisée à l’encontre d’une autre entreprise, à moins qu’il ne soit étayé par d’autres éléments de preuve (point 91), et, deuxièmement, que dans des circonstances où un tel aveu repose sur la conviction de celui qui fait la déclaration, il est impératif que cette personne expose le fondement de cette conviction, sous peine pour la Commission de ne pouvoir utiliser la déclaration à l’encontre d’un tiers (point 131). Enfin, l’argument de la Commission selon lequel il n’est pas approprié d’examiner chaque élément de preuve séparément serait incompatible avec l’approche suivie par le Tribunal dans l’arrêt Enso-Gutzeit/Commission, point 58 supra, en particulier aux points 102 et 151 à 153.

105
En outre, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 ne serait pas corroborée par les autres éléments de preuve mentionnés dans la décision attaquée, notamment en ce qui concerne la gamme des produits visés à l’article 1er de celle-ci, le sens et la portée des Règles fondamentales et la durée de l’infraction.

106
Les produits visés par la décision attaquée et par la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, à savoir exclusivement les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet », ne coïncideraient pas avec ceux visés dans d’autres documents invoqués par la Commission pour corroborer cette déclaration, notamment ceux émanant de Vallourec, la société employant M. Verluca à l’époque des faits. Dans ces conditions, ces autres documents seraient dépourvus de valeur probante par rapport à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

107
En particulier, les notes Réflexions sur le contrat VAM, Réflexions stratégiques, Renouvellement du contrat VAM BSC, Réunion du 24.7.90 et Entretien BSC concerneraient toutes les tubes filetés au moyen du joint premium dénommé « VAM » et non les tubes OCTG standard.

108
Par ailleurs, la circonstance selon laquelle la note Réflexions stratégiques fait référence au « Marché P », à savoir le marché des tubes OCTG premium, ainsi que le fait que M. Verluca y précise expressément que son analyse ne porte pas sur le filetage des joints standard, dénommés Buttress (page 15619 du dossier de la Commission), confirmeraient la thèse des requérantes japonaises. De même, les références dans la note Entretien BSC à la société Hunting et aux autres joints se rapporteraient aux tubes OCTG premium, et non aux tubes OCTG standard, comme le prétend la Commission. En effet, l’auteur de cette note évoquerait la nécessité de « neutraliser Fox », qui est un joint premium breveté par JFE‑Kawasaki. La note Réflexions sur le contrat VAM ferait référence aux tubes lisses et aux tubes OCTG premium filetés localement, notamment les tubes avec des joints Fox. La note Réunion du 24.7.90 concernerait également les produits en acier inoxydable qui seraient expressément exclus du champ d’application de la décision attaquée, aux termes de son considérant 28, quel que soit leur mode de filetage.

109
En définitive, aucune de ces notes ne concernerait les tuyaux de transport. En toute hypothèse, ces notes contiendraient de simples réflexions et spéculations personnelles d’employés de Vallourec et feraient référence aux Règles fondamentales sans pourtant les expliciter. Ces éléments n’établiraient donc nullement l’existence d’une unité de vues entre les destinataires de la décision attaquée et ne seraient pas non plus des éléments concordants par rapport à la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996.

110
La Commission invoque également une note interne de Vallourec du 27 janvier 1994, reprise à la page 4822 du dossier de la Commission, intitulée « Compte rendu de l’entretien avec JF à Bruxelles le 25/1 » (ci-après le « Compte rendu de l’entretien avec JF »). Ce document serait dépourvu de pertinence, puisqu’il vise uniquement les « filetages trapézoïdaux et les tuyaux VLR + filetage NTM », et non les produits visés par la décision attaquée.

111
De plus, la Commission aurait utilisé la Note pour les présidents et le document « g) Japonais » alors qu’il est impossible de délimiter la gamme exacte de produits visée par ceux-ci. En effet, ces éléments de preuve contiendraient tant des références à des produits autres que ceux visés par la décision attaquée et par la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, tels que les tubes OCTG inoxydables et les tubes soudés, que des références impliquant une gamme de produits dont certains y sont visés et d’autres ne le sont pas. Il ressortirait clairement de ces documents que l’analyse qu’ils contiennent concernait essentiellement le marché des tubes OCTG premium et non celui des produits en cause en l’espèce. L’argument de la Commission, exposé au point 10 de son mémoire en défense dans l’affaire T‑68/00, consistant à faire valoir que la Note pour les présidents repose sur la prémisse suivant laquelle seuls les tubes OCTG standard, et non les tubes OCTG premium, étaient concernés par les accords existant à la date où ce document a été rédigé confirmerait que l’agression japonaise, dont ce document fait état, concernait nécessairement les tubes OCTG standard.

112
Quant au document Clé de répartition, il porterait sur une gamme de produits sensiblement plus restreinte que celle qui est visée par la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996. En effet, ce document contiendrait notamment la mention « appels d’offres généraux pour tubes sans soudure API » (« SMLS API OPEN TENDER »). Il serait donc question, dans ce document, uniquement du marché des tubes OCTG standard faisant l’objet d’appels d’offres généraux. Les requérantes japonaises relèvent à cet égard que, selon la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, il n’y avait pas d’appels d’offres importants (« pas de gros Tenders ») en Europe pour les produits qu’elle visait. Le marché qui est visé par le document Clé de répartition serait donc inexistant. Les requérantes japonaises confirment que cette affirmation correspond aux conditions existant sur le marché européen à l’époque et en déduisent que la clé de répartition proposée n’avait aucun sens en ce qui concerne l’Europe, dès lors qu’elle porte sur un marché inexistant. Sumitomo suppute que l’auteur du document Clé de répartition a dû commettre une erreur, ce document n’étant susceptible d’aucune explication cohérente et rationnelle. En outre, il n’y aurait jamais eu d’appel d’offres public pour les tubes OCTG au Japon pendant la période d’infraction retenue dans la décision attaquée.

113
Contrairement à ce qu’affirme la Commission, il serait clair que le document Clé de répartition ne concerne nullement les tuyaux de transport. En effet, la Commission aurait indiqué au considérant 27 de la décision attaquée que l’abréviation « API » se rapportait aux tubes OCTG standard et elle ne saurait modifier son interprétation de la portée de cette mention au stade de la procédure contentieuse. De plus, les sigles C/S et T/B figurant dans le document Clé de répartition lui-même confirmeraient cette thèse. Enfin, il existerait, en réalité, des normes API pour l’ensemble des tubes OCTG et des tuyaux de transport, de sorte qu’il faudrait déduire, de l’argument de la Commission, que ce document concerne également des produits qui ne sont pas visés par la décision attaquée.

114
S’agissant de la valeur probante des éléments de preuve documentaire par rapport à l’existence même d’une infraction, les requérantes japonaises relèvent d’abord que, dans la note Réflexions stratégiques, M. Verluca a préconisé une solution consistant à donner la priorité au groupe VAM, selon laquelle les producteurs japonais continueraient à faire librement concurrence aux tubes VAM sur le marché du Royaume-Uni. En outre, cette note remonterait à une époque où les accords d’autolimitation étaient en vigueur et au cours de laquelle l’existence d’un système de partage des marchés n’était pas illicite. Il s’ensuivrait, selon Sumitomo, que si le Tribunal devait accueillir l’argumentation des requérantes japonaises quant à la durée des accords d’autolimitation (voir points 139 et suivants ci-après), cette circonstance réduirait la valeur probante de tous les documents datant de l’année 1990, notamment des diverses notes de Vallourec. En effet, ces éléments ne pourraient plus être considérés que comme des documents préparatoires d’un accord, et non pas comme des preuves d’un accord existant au moment de leur rédaction. Par ailleurs, la référence au « système actuel » dans la note Entretien BSC viserait explicitement l’Extrême-Orient, l’Amérique du Sud et le Moyen-Orient et la référence dans ce même document à une politique de prix fixes pour les « affaires de la mer du Nord » (« aff North Sea ») que les producteurs japonais acceptaient de respecter alors, au cas par cas, serait en contradiction avec le principe d’une interdiction faite aux producteurs japonais de vendre les produits en question décrite dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996. JFE‑NKK relève, à cet égard, que M. Verluca est l’auteur de la note Entretien BSC.

115
Par ailleurs, la note Réflexions sur le contrat VAM ferait état de la possibilité d’obtenir « des Japonais qu’ils n’interviennent pas sur le marché UK et que le problème se règle entre Européens », de sorte qu’il n’existerait manifestement pas d’accord concernant le marché du Royaume-Uni en mars 1990. De même, la note Réunion du 24.7.90 utilisant le mode conditionnel pour évoquer la possibilité d’adopter des Règles fondamentales améliorées qui « interdiraient aux Japonais l’accès du UK », il s’en déduirait que l’accord n’existait pas encore en juillet 1990.

116
Quant au document « g) Japonais » et à la Note pour les présidents, il s’agirait exclusivement de documents préparatoires, rédigés vraisemblablement par un employé de Corus en vue d’une réunion entre producteurs européens qui devait avoir lieu avant celle du club Europe-Japon à Tokyo le 5 novembre 1993. Ainsi, ces documents n’auraient aucune valeur probante par rapport à l’attitude des producteurs japonais et encore moins par rapport à leur prétendue participation à l’accord retenu par la Commission à l’article 1er de la décision attaquée. Bien au contraire, il ressortirait de ces documents que les producteurs japonais étaient des concurrents agressifs sur le marché offshore du Royaume-Uni et que les producteurs communautaires ont tenté, tout au plus, d’arriver à un accord, dont le contenu n’est pas exposé clairement, avec les producteurs japonais. Nippon souligne que le document « g) Japonais » fait expressément référence à son agressivité sur le marché offshore du Royaume-Uni.

117
Par ailleurs, le système de limitation des ventes japonaises prétendument prévu dans la Note pour les présidents et dans le document « g) Japonais » serait incompatible avec l’interprétation des Règles fondamentales figurant dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, selon laquelle les producteurs japonais avaient l’obligation de contacter Corus avant d’écouler leurs produits sur le marché du Royaume-Uni. JFE‑NKK relève que la description des Règles fondamentales figurant dans la décision attaquée ne cadre ni avec les éléments de preuve avancés par la Commission, ni avec son interprétation de celles-ci présentée dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑67/00. Une telle contradiction devrait nécessairement entraîner l’annulation de la décision attaquée, conformément à la jurisprudence (voir, notamment, arrêt SIV e.a./Commission, point 57 supra).

118
De surcroît, la Note pour les présidents ferait état d’une obligation pour les producteurs japonais de limiter « certaines de leurs livraisons » (« some of their deliveries ») sur le plateau continental du Royaume-Uni, alors que les points 101 et 102 de la décision attaquée feraient état d’un partage des marchés sans nuance. Là encore, cette contradiction suffit à elle seule, selon JFE‑NKK, à entraîner l’annulation de la décision attaquée. Quant au document « g) Japonais », il en ressortirait que les producteurs japonais considéraient, en toute hypothèse, que les ventes relevant de contrats étaient exclues de tout accord, ce qui réduirait, par ailleurs, la valeur probante du document Clé de répartition, qui se rapporte uniquement au secteur contractuel, en ce qui concerne les marchés européens. En outre, l’argument de la Commission, consistant à soutenir que ces documents partent de la prémisse selon laquelle il existait déjà un accord obligeant les producteurs japonais à ne pas vendre les produits visés par la décision attaquée sur les marchés territoriaux de la Communauté, ne saurait démontrer l’existence d’un tel accord, du moins avec le degré de précision et de certitude exigé par la jurisprudence.

119
Quant à la note intitulée « Licence VAM à Siderca », du 20 juin 1994, reprise à la page 15809 du dossier de la Commission, dont il ressortirait, notamment, que Mannesmann devait globalement respecter le marché du Royaume-Uni, elle ne confirme nullement, selon les requérantes japonaises, qu’elles ont accepté de ne pas vendre leurs tubes sur les marchés européens.

120
En ce qui concerne le document Clé de répartition, JFE‑Kawasaki fait valoir qu’il est inadmissible en tant qu’élément de preuve, dès lors qu’il n’est pas daté et que la Commission n’a divulgué ni l’identité de son auteur ni celle de la personne qui le lui a communiqué, ce dont il s’ensuit qu’il est impossible pour les requérantes de connaître le contexte dans lequel il a été élaboré et les raisons pour lesquelles il a été communiqué à la Commission. Ce serait la première fois que la Commission a retenu l’existence d’une infraction à l’encontre d’entreprises sur la base d’un document non identifié. L’argument avancé par la Commission aux considérants 121 et 122 de la décision attaquée, selon lequel le document Clé de répartition est un élément admissible et fiable parce qu’il est corroboré par d’autres éléments de preuve, ne serait pas fondé, dès lors que ce document est contredit, en réalité, par les autres éléments de preuve figurant au dossier, notamment sur des points de fait essentiels, comme le relève la Commission elle-même au considérant 86 de la décision attaquée en ce qui concerne le rôle des producteurs d’Amérique latine. JFE‑Kawasaki invoque, à cet égard, l’arrêt Volkswagen/Commission, point 57 supra (point 72), selon lequel la Commission doit établir l’existence d’un accord ou d’une pratique concertée d’une manière suffisamment précise et concordante.

121
En tout état de cause, JFE‑Kawasaki s’accorde avec les autres requérantes japonaises pour affirmer que, à supposer même qu’il soit admissible, le document Clé de répartition n’est pas un élément à charge fiable, en raison du fait qu’il n’a pas été identifié de manière adéquate. La circonstance selon laquelle ce document n’est pas le seul indice sur lequel la Commission s’appuie pour conclure à l’existence de l’infraction ne la dispenserait pas d’établir la crédibilité de cet élément. En outre, le document Clé de répartition contredit l’affirmation de M. Verluca contenue dans le document intitulé « Vérification auprès de Vallourec » (du 18 décembre 1997, repris à la page 7317 du dossier de la Commission, au point 1.3) quant à la question de savoir si les producteurs d’Amérique latine ont répondu favorablement aux approches des producteurs européens en fin d’année 1993, ce qui remettrait en cause la fiabilité de ces deux éléments de preuve. De plus, selon la réponse fournie par le dirigeant de Mannesmann, M. Becher, datée du 22 avril 1997 et reprise à la page 10989A du dossier de la Commission, à une question relative à la nature des Règles fondamentales au cours d’une enquête effectuée sur place le 21 avril 1997 (ci‑après la « réponse de M. Becher »), la notion de clé de répartition ne concernerait que les marchés des pays tiers. Cette dernière circonstance serait confirmée par la décision attaquée aux considérants 101 et 103.

122
Par ailleurs, le document Clé de répartition ne refléterait pas un accord ferme, dès lors que Vallourec aurait indiqué dans le document Vérification auprès de Vallourec qu’il s’agissait d’une simple tentative de modifier les clés de répartition et que le document lui-même prévoyait une nouvelle réunion entre producteurs européens pour examiner les modalités d’application de la clé de répartition qui y était proposée.

123
En outre, il ressortirait du document Clé de répartition que les producteurs japonais avaient émis une réserve sur cette proposition, considérant que le champ d’application de la clé devait être élargi pour couvrir les tubes ERW OCTG, qui seraient des tubes d’acier soudés. À la lumière du document Clé de répartition, la Commission aurait donc dû traiter les producteurs japonais de la même manière que les producteurs d’Amérique latine, vis-à-vis desquels elle a retiré ses griefs au motif qu’ils avaient également émis une réserve par rapport à la clé proposée, dans la mesure où celle-ci concernait le marché européen, et qu’ils avaient réalisé des ventes de tubes en acier en Europe. La Commission ne saurait affirmer que la différence de traitement entre les producteurs japonais et ceux d’Amérique latine s’explique par l’importance des ventes réalisées par ces derniers sur les marchés européens, dès lors qu’elle n’a pas produit, à l’appui de cette affirmation, de chiffres permettant d’effectuer une comparaison valable des ventes en question. Il s’agirait donc d’une inégalité de traitement injustifiée, le retrait des griefs dans le cas des producteurs d’Amérique latine infirmant, dès lors, la prétention de la Commission quant à l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée en ce qui concerne les requérantes japonaises.

124
La circonstance selon laquelle les producteurs japonais ont vendu des tubes sur certains marchés européens devrait suffire à plus forte raison pour démontrer que le document Clé de répartition ne reflète pas l’existence d’un accord auquel ils ont souscrit. En effet, en vertu de ce document, ceux-ci ne devaient pas vendre de tubes sur le marché européen, sans que la portée de cette interdiction soit circonscrite par une quelconque réserve. De plus, la réserve émise par les producteurs d’Amérique latine aurait privé la clé proposée de toute valeur économique du point de vue des producteurs européens et son adoption ultérieure dans ces conditions aurait donc été irrationnelle et, partant, invraisemblable.

125
En ce qui concerne la déclaration de M. Verluca du 14 octobre 1996, reprise à la page 6354 du dossier de la Commission (ci-après la « déclaration de M. Verluca du 14 octobre 1996 »), les requérantes japonaises font valoir qu’elle ne constitue pas la preuve de leur participation à l’accord invoqué par la Commission. En effet, la partie pertinente de cette déclaration confirmerait tout simplement que les requérantes japonaises participaient régulièrement aux réunions organisées dans le cadre du club Europe-Japon, lesquelles portaient d’ailleurs, selon la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, sur des marchés autres que les marchés domestiques des producteurs européens et japonais. Les requérantes japonaises rappellent que, selon elles, les réunions du club Europe-Japon ne concernaient que des ventes sur les marchés de pays tiers, tels que la Chine et la Russie. Il n’existerait aucun élément de preuve de ce que ces réunions auraient débouché sur la conclusion de l’accord illégal invoqué par la Commission. Dans sa réplique, Sumitomo fait valoir que le document Vérification auprès de Vallourec, qui contient une déclaration faite par M. Verluca le 18 décembre 1997, ainsi que la déclaration de M. Jachia, employé de Dalmine, faite au procureur de Bergame, du 5 juin 1995, reprise à la page 8220 ter 6 du dossier de la Commission (ci-après la « déclaration de M. Jachia »), excluent les tuyaux de transport « projet » de l’accord, puisqu’il font référence aux produits standard. Il y aurait donc une contradiction entre la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 et ses affirmations contenues dans le document Vérification auprès de Vallourec quant aux produits visés par les Règles fondamentales.

126
En outre, JFE‑Kawasaki relève que, dans le document Vérification auprès de Vallourec, M. Verluca a déclaré que, « [e]n règle générale, les autres marchés offshore, à part celui du Royaume-Uni, n’étaient pas considérés comme des marchés domestiques ». Ainsi, l’existence de l’infraction en ce qui concerne ces marchés offshore ne serait pas établie.

127
La déclaration faite par M. Biasizzo, ancien employé de Dalmine, au procureur de Bergame le 1er juin 1995, reprise à la page 8220 ter 10 du dossier de la Commission (ci-après la « déclaration de M. Biasizzo »), n’impliquerait pas non plus que les requérantes japonaises ont conclu l’accord retenu par la Commission à l’article 1er de la décision attaquée. Si M. Biasizzo a fait état dans cette déclaration d’un accord non contraignant (gentleman’s agreement) selon lequel les producteurs étrangers devaient, lors des appels d’offres, proposer des prix plus élevés, de 8 à 10 %, que ceux proposés par le producteur national, il aurait exposé, dans une déposition ultérieure intitulée « Commento alle mie deposizioni » (ci‑après le « document Commentaires sur mes dépositions »), reprise à la page 8220 ter 14 du dossier de la Commission, tous les avantages économiques objectifs dont bénéficiait un producteur local de tubes d’acier sur son marché national vis-à-vis des producteurs étrangers et il n’aurait plus fait allusion à un accord international (annexe 15 de la CG, p. 8220 ter 16). Par ailleurs, cette référence aux appels d’offres serait incompatible avec l’affirmation figurant dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 selon laquelle il n’y avait pas d’appels d’offres importants sur les marchés européens.

128
Il y aurait donc une importante contradiction entre la déclaration de M. Biasizzo et le document Commentaires sur mes dépositions. En toute hypothèse, ces deux documents ne préciseraient pas quels étaient les produits concernés par l’accord auquel ils font référence, ni la durée de celui-ci. Il serait d’autant moins vraisemblable que la déclaration de M. Biasizzo et le document Commentaires sur mes dépositions se rapportent aux produits visés par la décision attaquée que le marché italien des tubes en acier concernait principalement, à l’époque des faits, d’autres produits, à savoir les tubes OCTG premium et les tuyaux de transport négoce (trade). Par ailleurs, les observations de M. Biasizzo quant au respect des parts de marché historiques concerneraient des marchés de pays tiers, non visés par la décision attaquée. En tout état de cause, la déclaration et les commentaires de M. Biasizzo ne seraient pas dignes de foi. En effet, ils auraient été effectués sous la contrainte, dans un contexte dans lequel leur auteur avait intérêt à expliquer pour quels motifs, autres que les pratiques malhonnêtes qui faisaient l’objet de l’enquête ouverte à son égard, Dalmine remportait tous les marchés publics d’Agip. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, M. Biasizzo aurait été uniquement responsable de la vente des tubes OCTG et non de la vente des tuyaux de transport au cours de la période allant du début de l’année 1992 à la fin du premier semestre de l’année 1993.

129
En tout état de cause, Nippon et JFE‑Kawasaki considèrent que la définition des Règles fondamentales retenue dans la décision attaquée, notamment aux considérants 61 et 101, selon laquelle il était formellement interdit aux parties à l’accord de vendre leurs produits sur les marchés de leurs concurrents, est incompatible avec celle qui ressort de la déclaration de M. Biasizzo selon laquelle les parties pouvaient offrir leurs produits à des prix plus élevés que ceux du producteur national.

130
Quant à la réponse fournie par Dalmine, le 4 avril 1997, à une question posée par des fonctionnaires de la Commission au cours d’une vérification sur place, reprise à la page 15099 du dossier de la Commission (ci-après la « réponse de Dalmine du 4 avril 1997 »), si celle-ci fait état de contacts noués avec l’industrie japonaise, ces contacts auraient concerné les marchés extérieurs à la Communauté européenne, tels que celui de la Russie. Par ailleurs, ce document affirme que la notion de Règles fondamentales peut refléter la position du secteur communautaire des tubes en acier sans soudure à partir des années 1986/1987 et fait état d’importations incontrôlées de tubes en provenance d’autres zones géographiques à la même époque. En toute hypothèse, il ressortirait de ce document que les personnes qui dirigeaient Dalmine à la date de cette déclaration n’avaient pas connaissance des événements antérieurs à février 1996 et que cette société n’a relevé aucun élément attestant de l’existence de réunions avec les producteurs japonais et européens dans ses dossiers. Ces circonstances auraient été confirmées par Dalmine dans sa réponse, du 29 mai 1997, à une lettre que la Commission lui avait adressée au titre de l’article 11 du règlement n° 17, reprise à la page 15162 du dossier de la Commission (ci-après la « réponse de Dalmine du 29 mai 1997 »). Par ailleurs, la réponse de Dalmine du 29 mai 1997 serait en contradiction avec la déclaration de M. Biasizzo et le document Commentaires sur mes dépositions, dans la mesure où il ressort de ces derniers, d’une part, que seuls les marchés non communautaires faisaient l’objet des discussions tenues dans le cadre du club Europe-Japon et, d’autre part, que les exportations de tubes vers la Communauté européenne étaient limitées, mais non interdites. Sumitomo relève, à cet égard, que la réponse de Dalmine du 29 mai 1997 repose sur les souvenirs de M. R. qui fournit la source précise de ses souvenirs, à savoir les conversations qu’il a eues avec M. Biasizzo, qui avait assisté aux réunions en question.

131
Les requérantes japonaises font valoir que, selon le document Système pour les tubes en acier, qui figure dans le dossier de la Commission mais qui n’est pas mentionné dans la décision attaquée, les Règles fondamentales régissaient les relations entre producteurs européens. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, ce document ne se bornerait pas à examiner les conséquences du retrait de Corus du marché des tubes sans soudure.

132
Quant à la réponse de M. Becher, les requérantes japonaises relèvent que celui-ci n’avait pas personnellement connaissance, selon sa propre déclaration, des circonstances qu’il commentait, ce que la Commission a omis de mentionner, fautivement, lorsqu’elle a cité cette déclaration au considérant 63 de la décision attaquée. Son témoignage ne serait donc pas d’une grande valeur probante et serait même irrecevable selon JFE‑NKK (arrêt Rhône-Poulenc/Commission, point 56 supra, et conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous ledit arrêt, point 56 supra, p. 955 à 957). En outre, la Commission ne pourrait pas considérer cette réponse comme un élément de preuve fiable en ce qu’elle confirme l’existence d’un accord entre les producteurs européens et japonais, alors qu’elle ne s’y fie pas en ce qu’elle écarte l’existence d’un accord visant au respect du marché domestique de chaque producteur européen par les autres producteurs européens. Dans la mesure où la réponse de M. Becher nie l’existence d’un accord de partage de marchés entre les producteurs européens, elle serait contredite par le document Système pour les tubes en acier, que M. Becher qualifie d’erroné. De même, elle serait incompatible à cet égard avec la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 et avec la réponse de Dalmine du 29 mai 1997.

133
En ce qui concerne la réponse fournie par Corus, le 31 octobre 1997, à une demande d’informations émanant de la Commission, reprise à la page 11932 du dossier de la Commission (ci-après la « réponse de Corus »), selon laquelle les marchés domestiques étaient réservés aux producteurs locaux, les requérantes japonaises avancent que, dans une lettre du 30 mars 1999 à la Commission (annexe C.5 à la requête dans l’affaire T‑68/00, ci-après la « lettre du 30 mars 1999 »), Corus a clairement indiqué qu’aucune de ses déclarations ne devait être interprétée en ce sens qu’elle impliquait l’existence d’un accord entre producteurs européens et japonais. En réponse à l’argument de la Commission selon lequel il est question, dans la lettre du 30 mars 1999, de la procédure concernant les tubes soudés, les requérantes japonaises relèvent que la déclaration qui y est clarifiée avait été formulée par Corus dans des termes identiques dans le cadre de la procédure relative aux tubes sans soudure. Quant à l’argument de la Commission selon lequel la position de Corus est paradoxale, Nippon fait valoir que, au contraire, c’est la Commission qui essaie de s’appuyer sur une interprétation des affirmations de Corus que celle-ci a écartée. JFE‑Kawasaki et Sumitomo relèvent que, en toute hypothèse, le prétendu aveu de Corus est vague et ambigu. Sumitomo souligne, en outre, que les seuls produits mentionnés dans la réponse de Corus sont les tubes OCTG. Elle fait valoir, ainsi que le fait JFE‑NKK, que seuls les marchés de pays tiers étaient concernés par cette réponse.

134
Selon les requérantes japonaises, les producteurs européens avaient un intérêt évident à « limiter les dégâts », notamment en admettant l’existence d’un accord avec les producteurs japonais dans le but de détourner l’attention de la Commission de la véritable signification des Règles fondamentales, qui visaient un partage des marchés européens entre producteurs européens, infraction beaucoup plus grave que celle retenue à l’article 1er de la décision attaquée et dont l’existence avérée aurait entraîné des amendes plus lourdes pour ces producteurs européens. Cette thèse serait attestée par le fait que la stratégie adoptée par Vallourec, consistant à informer la Commission de l’existence d’un accord avec les producteurs japonais, lui a permis de bénéficier d’une réduction de 40 % du montant de l’amende qui lui aurait été imposée en l’absence de cette coopération et d’éviter que la Commission ne lui inflige une amende supplémentaire par rapport à l’infraction concernant les tubes lisses retenue à l’article 2 de la décision attaquée. De même, Dalmine aurait bénéficié d’une réduction de 20 % de son amende. C’est à la lumière de ce contexte qu’il conviendrait d’évaluer les éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée, notamment les déclarations de M. Verluca. Il y aurait lieu de tenir compte également de la circonstance selon laquelle Vallourec n’a pas introduit de recours contre la décision attaquée et que Dalmine n’a pas contesté les faits sur lesquels elle est basée. Par ailleurs, Sumitomo relève que toutes les déclarations invoquées, notamment celles de MM. Verluca, Becher et Biasizzo, ont été faites après l’époque des faits et ajoute qu’il conviendrait de donner la préférence, en cas de contradiction, aux preuves contenues dans les documents contemporains à l’infraction, notamment le document Clé de répartition, par rapport à celles contenues dans lesdites déclarations.

135
Nippon soutient que, contrairement à ce qui est indiqué au considérant 131 de la décision attaquée, elle a répondu expressément, tant dans sa réponse écrite à la CG que lors de l’audition devant la Commission, à l’allégation suivant laquelle les documents cités aux considérants 62 à 67 et 100 sont révélateurs de l’existence et du contenu de l’accord retenu à l’article 1er de la décision attaquée, en mettant en cause la valeur probante de chacun de ces éléments. En outre, Nippon conteste l’affirmation, figurant au considérant 131 de la décision attaquée, selon laquelle les entreprises japonaises ont reconnu ne pas pouvoir fournir de précisions quant aux réunions du club Europe-Japon, dès lors qu’elle a précisé dans une réponse à une question posée lors de l’audition qu’il y avait eu des réunions entre producteurs européens et japonais mais que leur objectif avait été de coordonner les ventes sur les marchés russe et chinois.

136
En ce qui concerne la durée de l’infraction, les dates indiquées dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 seraient incertaines. La Commission n’aurait donc pas prouvé la durée de l’infraction à suffisance de droit.

137
Quant à la date de 1977 à partir de laquelle les échanges auraient commencé selon M. Verluca, les requérantes japonaises soulèvent deux objections principales.

138
En premier lieu, elles relèvent que le terme français « échanges » est très vague et qu’il a été traduit en anglais dans la note en bas de page n° 10 de la décision attaquée par le terme « trade », ce qui est incompatible avec l’appréciation avancée par la Commission au considérant 108 de cette décision, selon laquelle il s’agissait de réunions entre les parties à un accord illicite.

139
En second lieu, les requérantes japonaises font valoir que, pour ce qui est de la période antérieure à 1990, la Commission reconnaît que les accords d’autolimitation faisaient obstacle à ce que les producteurs japonais vendent leurs produits sur les marchés de la Communauté européenne. Cependant, il ne ressortirait nullement de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 qu’un accord illicite entre producteurs japonais et européens a remplacé les accords d’autolimitation conclus au niveau gouvernemental en 1990 ou en 1991. Les requérantes japonaises en déduisent que la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 ne corrobore pas l’affirmation de la Commission quant à la date à laquelle l’infraction a commencé. Partant, la Commission ne se serait pas acquittée de son obligation d’apporter des éléments de preuve suffisamment précis et concordants quant à la durée de l’infraction (arrêt CRAM et Rheinzink/Commission, point 57 supra, point 20).

140
Par ailleurs, à supposer même que la réalité des échanges entre producteurs, prétendument constitutifs de l’infraction, à partir de 1977, soit établie à suffisance de droit, la Commission aurait commis une erreur en calculant la durée de l’infraction, les accords d’autolimitation CE-Japon ayant expiré le 31 décembre 1990 et non le 31 décembre 1989. Cette circonstance serait attestée par les éléments de preuve annexés aux requêtes des requérantes japonaises, notamment par un extrait du livre blanc sur le commerce international publié par le ministère du Commerce et de l’Industrie japonais (ci-après le « MITI ») le 25 juin 1991, dont il ressort, selon elles, que les accords d’autolimitation sont restés en vigueur pendant l’année 1990. La législation japonaise aurait conféré au MITI des pouvoirs lui permettant de contraindre les producteurs de tubes en acier japonais à respecter les termes des accords d’autolimitation. Dans l’exercice de ces pouvoirs, le MITI aurait invité six sociétés japonaises, dont les requérantes japonaises, à conclure des accords d’autolimitation des exportations, entérinés ensuite par le MITI. Les requérantes japonaises ont produit, à l’appui de leur position, la documentation élaborée du côté japonais et relative à la prorogation de cet accord afin qu’il couvre l’année 1990, à savoir l’accord de prorogation, approuvé par le MITI le 28 décembre 1989, et la lettre de notification au MITI expliquant les raisons pour lesquelles cette prorogation devait être effectuée. En outre, Nippon a produit une proposition de résolution émanant de son comité de direction ainsi que l’acte par lequel ledit comité a approuvé la prorogation de l’accord entre les producteurs japonais jusqu’au 31 décembre 1990.

141
Dans leurs mémoires en réplique, Nippon et JFE‑Kawasaki s’étonnent de ce que la Commission n’a pas indiqué clairement, dans son mémoire en défense, la date à laquelle les accords d’autolimitation ont cessé d’être en vigueur, alors qu’elle était elle-même partie à l’accord intergouvernemental qui en était la base. Dans ces circonstances, il ne serait pas crédible que la Commission n’ait pas eu connaissance de l’accord conclu entre les producteurs japonais. Nippon invite le Tribunal à demander à la Commission de préciser la date d’expiration définitive des accords d’autolimitation. En outre, les deux requérantes susmentionnées et JFE‑NKK font valoir qu’un changement tel que l’expiration des accords d’autolimitation avec le Japon aurait été mentionné par la Commission dans son XXIVe rapport général sur les activités des Communautés européennes pour 1990 s’il était réellement intervenu cette année-là. Ce rapport indiquerait, au contraire, que le régime d’importation des produits sidérurgiques était resté inchangé par rapport à l’année 1989 (paragraphe 840 du rapport).

142
Dans ces conditions, il serait manifeste que la Commission n’aurait pas retenu l’existence de l’infraction pour l’année 1990 si elle n’avait pas commis l’erreur de fait invoquée par les requérantes.

143
En ce qui concerne la date de cessation de l’infraction, les requérantes japonaises relèvent que la référence faite par la Commission à l’année 1995 est fondée exclusivement sur une affirmation imprécise contenue dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, selon laquelle « les échanges s’étaient achevés il y [avait] un peu plus d’un an ». À cet égard, le document Clé de répartition viserait une période qui venait à expiration en mars 1994 et il n’y aurait pas de preuves de réunions du club Europe-Japon après cette date. Il faudrait donc considérer que l’infraction n’a, en tout état de cause, pas duré au-delà du premier semestre de l’année 1994. Sumitomo et Nippon soutiennent, à cet égard, que le document Clé de répartition ne peut établir qu’une infraction d’une durée d’une année, de 1993 à mars 1994. La référence au fait que l’accord a existé avant le 1er avril 1995 figurant dans la déclaration de M. Becher, document invoqué par la Commission pour établir la durée de l’infraction au considérant 97 de la décision attaquée, serait sans pertinence à cet égard, car cette date serait tout simplement celle à laquelle l’auteur de cette déclaration est devenu directeur général de Mannesmann. Dans la mesure où il ressort de l’article 1er de la décision attaquée que l’infraction qui y est relevée s’est poursuivie pendant l’année 1995, cela serait incompatible avec les éléments de preuve invoqués. Il serait donc nécessaire, à tout le moins, d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle retient l’existence d’une infraction pour des périodes pour lesquelles les preuves apportées sont insuffisantes.

144
La Commission fait valoir d’abord que la tactique des requérantes japonaises, consistant à dissocier chaque élément de preuve de son contexte et à le soumettre à une analyse juridique complexe, est inopérante aux fins de l’examen d’ensemble des éléments matériels qui, analysés dans leur contexte effectif, établissent l’existence de l’infraction (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Sarrió/Commission, T‑334/94, Rec. p. II-1439, point 103). La Commission rappelle que, dans l’arrêt Ciment, point 66 supra, le Tribunal a jugé que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut, d’une part, vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue, en tenant compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et, d’autre part, se demander si, eu égard à son contenu, il paraît sensé et fiable (point 1838 de l’arrêt).

145
En l’espèce, l’argument selon lequel les Règles fondamentales, auxquelles les différents éléments de preuve font référence, décrivent un état des choses plutôt qu’un accord de partage de marchés serait invraisemblable. Ces documents ne conforteraient pas non plus l’argument selon lequel les Règles fondamentales régissaient les seules relations entre producteurs européens. La Commission précise, en outre, qu’elle n’a pas négligé l’aspect intracommunautaire de l’accord dans la décision attaquée et que la description de l’infraction figurant dans les motifs de celle-ci et à son article 1er signifie non seulement que les producteurs japonais n’avaient pas le droit de vendre leurs produits en Europe, mais aussi qu’aucun des producteurs européens n’avait le droit de vendre ses produits sur les marchés domestiques des autres producteurs européens.

146
En particulier, la Commission conteste l’argument de JFE‑NKK selon lequel les notions de Règles fondamentales et de Règles fondamentales améliorées se rapporteraient à la nécessaire rationalisation de l’industrie communautaire, et non à un quelconque accord illicite. Le document Système pour les tubes en acier et, en particulier, la réunion du 6 octobre 1992 qui est y mentionnée concerneraient un processus de rationalisation financé par des aides étatiques que la Commission a approuvées au titre de l’article 87 CE.

147
En ce qui concerne la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, la Commission considère qu’il convient d’y attacher une importance particulière, étant donné que son auteur était président de la société Vallourec Oil & Gas et avait une connaissance directe des activités du club Europe-Japon. En effet, il aurait participé à plusieurs des réunions biannuelles dudit club, ce dont ses déclarations font état (voir point 23 ci-dessus). La Commission invoque le principe selon lequel, en matière d’administration de la preuve, les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déposant doivent être considérées comme probantes. Elle fait valoir que, en l’espèce, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 allait à l’encontre des intérêts de Vallourec, qu’il représentait, étant donné que la Commission avait ouvert une enquête à l’encontre de cette dernière société.

148
Quant à l’argument selon lequel la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 n’est corroborée par aucun élément de preuve en ce qui concerne l’ensemble des aspects spécifiques de l’infraction, notamment par rapport à la définition des Règles fondamentales, la Commission relève que, selon l’arrêt Ciment, point 66 supra (point 1838), aucun principe de droit communautaire ne s’oppose à ce que la Commission se fonde, pour conclure à l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, sur une seule pièce.

149
En tout hypothèse, la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 serait corroborée par les autres éléments de preuve figurant dans le dossier, tout particulièrement par les documents cités dans la décision attaquée (voir points 161 et suivants ci-après). Si la plupart de ces éléments de preuve documentaires ne définissent pas les Règles fondamentales en tant que telles et ne précisent pas leur portée, ce serait parce que le sens à donner à ces règles était clairement connu aussi bien par les auteurs de ces documents que par leurs destinataires.

150
Plus particulièrement, la Commission conteste l’argument selon lequel le terme « échanges », figurant dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, ne fait pas référence à des réunions et fait valoir que la traduction de ce terme figurant à la note en bas de page n° 10 de la version anglaise de la décision attaquée est erronée.

151
En ce qui concerne la recevabilité du document Clé de répartition en tant qu’élément de preuve, la Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, la notion d’irrecevabilité des preuves est d’application très limitée en droit communautaire. Ainsi que le juge M. Vesterdorf l’aurait relevé dans ses conclusions sous l’arrêt Rhône-Poulenc/Commission, point 56 supra, le principe qui prévaut est celui de la libre administration des preuves.

152
Quant à la portée du document Clé de répartition, il conviendrait de rappeler, en particulier, que la mention « API » peut se rapporter aussi bien aux tubes OCTG standard qu’aux tubes de transport, dès lors que des standards API existent pour chacun de ces deux produits (voir annexe au mémoire en défense dans l’affaire T‑78/00). En réponse à l’argument tiré du fait que, selon la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, le marché visé par le document Clé de répartition était inexistant, la Commission fait valoir que, si tel était le cas, il n’y avait aucune raison d’inclure l’Europe dans la clé de répartition proposée, ce qui a pourtant été fait.

153
En ce qui concerne la Note pour les présidents, la Commission fait valoir, en particulier, qu’elle a été rédigée par Corus mais que Mannesmann devait la présenter aux présidents, comme l’atteste la référence manuscrite à sa première page selon laquelle elle serait reprise dans la présentation de « HN » (Hans Nolte de Mannesmann), et que Vallourec a approuvé son contenu, de sorte que ce document exprime le point de vue collectif de ces trois producteurs européens.

154
En réponse à l’argument tiré du traitement plus favorable réservé aux producteurs d’Amérique latine, la Commission relève qu’il existe des preuves directes de la participation des producteurs japonais à l’infraction, autres que le document Clé de répartition, provenant, notamment, des déclarations de M. Verluca du 17 septembre 1996 et du 14 octobre 1996, ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne les producteurs d’Amérique latine.

155
En ce qui concerne la déclaration de M. Biasizzo, la Commission conteste la thèse des requérantes japonaises, selon laquelle celui-ci est revenu sur ses affirmations quant à l’existence d’un accord international de partage de marchés dans ses Commentaires sur mes dépositions, et cite, notamment, des passages de ce dernier document dans lesquels M. Biasizzo a fait état de la nécessité d’agir en liaison étroite avec tous les autres producteurs et de trouver de nouvelles règles et de nouveaux modes de comportement.

156
La Commission considère que la réponse de Dalmine du 4 avril 1997 contient certaines révélations sur l’accord en cause, mais que, pour le surplus, il s’agit d’une tentative d’en limiter les conséquences et que, dans ces conditions, elle ne saurait infirmer les déclarations claires et explicites des anciens employés de cette société. Quant au document Système pour les tubes en acier, la circonstance selon laquelle ce document fait référence uniquement aux marchés européens, à la différence d’autres éléments de preuve, notamment des déclarations de MM. Verluca et Biasizzo, s’expliquerait par le fait que, ainsi que son titre l’indique, il n’est censé décrire que la situation des producteurs européens.

157
Enfin, en ce qui concerne les indications contenues dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 quant à la durée de l’accord, la Commission fait valoir que la durée précise de celui-ci n’est pertinente que dans la mesure où elle influence le montant de l’amende. Pour ce qui est de la période allant de 1977 au début de 1990, elle rappelle qu’elle n’a pas tenu compte de cette période aux fins de la fixation de l’amende, mais qu’il ressort clairement de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 que l’accord a été appliqué pendant toute cette période.

158
En ce qui concerne la date de commencement de l’infraction retenue par la décision attaquée, la Commission précise qu’elle n’a pas reconnu l’absence d’une infraction entre 1977 et 1989 du fait de l’existence des accords d’autolimitation. Elle aurait simplement déclaré que l’infraction commise entre 1977 et la fin de 1989 ne serait pas prise en considération.

159
En réponse à l’argument tiré de la circonstance selon laquelle, selon le XXIVe rapport général sur les activités des Communautés européennes pour 1990, le régime d’importation des produits sidérurgiques était resté inchangé par rapport à l’année 1989, la Commission relève, notamment, que, bien que le XXVe rapport pour 1991 soit rédigé dans les mêmes termes sur ce point, les requérantes n’ont pas prétendu que les accords d’autolimitation sont restés en vigueur pendant l’année 1991.

160
En outre, les requêtes et la documentation qui y est annexée indiqueraient seulement que les requérantes avaient conclu avec les autorités japonaises un accord de limitation de leurs exportations jusqu’à la fin de l’année 1990. Les requérantes japonaises n’auraient nullement démontré que cet accord reflétait une prorogation des accords d’autolimitation conclus par la Commission européenne et le gouvernement japonais au niveau international. La Commission aurait, quant à elle, cherché dans ses archives, mais n’aurait trouvé aucune trace du prétendu renouvellement des accords d’autolimitation jusque dans le courant de l’année 1990.

161
En tout état de cause, les arguments des requérantes japonaises relatifs à la date de commencement de l’infraction reposeraient sur la prémisse selon laquelle les accords d’autolimitation leur interdisaient d’exporter leurs tubes vers la Communauté. La Commission conteste la justesse de cette prémisse, dès lors que cet accord prévoyait une série de quotas au profit des producteurs japonais.

162
Quant à la date à laquelle l’infraction a pris fin, la Commission rappelle que, selon la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, l’accord avait pris fin un peu plus d’un an auparavant. La Commission relève que l’affirmation contenue dans la déclaration de M. Becher, selon laquelle l’accord existait avant le 1er avril 1995, concorde avec les dires de M. Verluca. La partie de l’amende correspondant à la durée de l’accord ayant été calculée sur la base de la constatation que celui-ci avait été en vigueur de 1990 à 1994 inclus, l’indication donnée par M. Verluca serait largement suffisante pour établir la durée de l’infraction retenue. Le fait que le document Clé de répartition ne permette d’établir la tenue de réunions du club Europe-Japon que jusqu’en mars 1994 ne prouverait nullement que l’accord ait effectivement pris fin à cette date.

Sur la troisième branche du premier moyen, tirée du caractère erroné de l’appréciation de la portée de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

163
Selon les requérantes japonaises, la thèse exposée par la Commission au considérant 164 de la décision attaquée pour considérer que l’infraction retenue à l’article 2 avait pour objet de préserver le statut protégé dévolu au marché britannique par les Règles fondamentales, au moyen de Règles fondamentales améliorées, est intrinsèquement invraisemblable. Elles font valoir que Corus n’allait pas se retirer du marché britannique des tubes OCTG filetés standard et des tuyaux de transport « projet » du fait de la cessation de sa production de tubes lisses à Clydesdale. Celle-ci aurait donc continué son activité sur ce marché sur lequel elle vendait encore des produits, même si elle n’avait pas conclu de contrats d’approvisionnement de tubes lisses avec Vallourec, Dalmine et Mannesmann. En tout état de cause, les requérantes japonaises renvoient à leurs arguments selon lesquels la présence de Corus sur le marché britannique des tubes OCTG filetés et des tuyaux de transport n’a jamais fait obstacle à ce qu’elles exercent une concurrence vigoureuse sur la partie offshore de ce marché. JFE‑NKK soutient à cet égard que, selon la thèse de la Commission, il aurait fallu trouver un producteur britannique qui fabrique ses propres tubes lisses et qui les filète ensuite lui-même pour remplacer Corus sur le marché du Royaume-Uni, ce qui n’a pas été le cas. Ainsi, l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée n’aurait pu exister après 1990, dès lors que Corus avait cessé sa production de tubes lisses au cours de cette année-là.

164
Sumitomo fait valoir, en outre, qu’il serait illégitime de considérer que la deuxième infraction, retenue à l’article 2 de la décision attaquée, constituait un simple moyen de mise en oeuvre de celle retenue à son article 1er, à laquelle les producteurs japonais avaient prétendument participé, à moins que la perpétration de cette deuxième infraction ne soit la conséquence inévitable et nécessaire de la première. Les éléments de preuve avancés par la Commission ne justifieraient nullement cette conclusion et ne démontreraient même pas que les producteurs japonais avaient connaissance de cet accord autonome. Contrairement à ce qu’affirme la Commission au considérant 94 de la décision attaquée, le document Clé de répartition n’aurait aucune valeur probante en ce qui concerne la restructuration de l’industrie européenne. Par ailleurs, puisqu’il ressortirait des notes de Vallourec, analysées ci-dessus, notamment de sa note Réflexions stratégiques, que les accords entre les producteurs européens concernant les tubes lisses ont été conçus par Vallourec dans le contexte de sa technologie de filetage premium, dénommée VAM, la Commission ne saurait prétendre que ces accords se rapportaient aux tubes OCTG standard et aux tuyaux de transport « projet ».

165
Dans leurs mémoires en réplique, Nippon, JFE‑Kawasaki et JFE‑NKK allèguent que la référence dans la note Réunion du 24.7.90 au « renforcement de la CEE », qui devait aboutir à des Règles fondamentales améliorées, se rapportait à l’entrée en vigueur en 1990 de la directive 90/531. Dans le cas du marché britannique, cette directive devait avoir pour effet de remplacer le système de préférence nationale mis en oeuvre par l’OSO par un système de préférence communautaire permettant aux producteurs communautaires de remporter les marchés à condition que leurs prix ne dépassent pas ceux des producteurs non communautaires de plus de 3 %, d’où l’allusion dans la note Réunion du 24.7.90 à la possibilité qu’« en [19]93 l’OSO accorde aux producteurs européens la préférence de 3 % qu’elle accord[ait] [alors] aux producteurs UK ». À la suite de la fermeture de l’usine de Clydesdale, Corus avait donc besoin de s’approvisionner en tubes lisses auprès des producteurs européens pour continuer de bénéficier de la préférence, depuis lors communautaire. Cette circonstance suffirait pour expliquer pourquoi elle a choisi cette source d’approvisionnement en tubes lisses. De même, Vallourec, qui aurait organisé ce nouveau système d’approvisionnement de Corus, aurait eu tout intérêt à maintenir la position de Corus sur le marché offshore du Royaume-Uni des tubes OCTG premium, dont Vallourec bénéficiait, en sa qualité de titulaire d’une licence de technologie VAM utilisée par Corus.

166
À cet égard, il ressortirait de la note Réflexions stratégiques que Vallourec aurait envisagé de menacer Corus d’un retrait de cette licence VAM, pour éviter que cette société achète des tubes lisses à Nippon et à JFE‑Kawasaki. Les contrats bilatéraux de fourniture de tubes lisses conclus entre Vallourec et les autres producteurs de tubes lisses, d’une part, et Corus, d’autre part, découleraient donc de l’intérêt commercial des producteurs européens à augmenter leurs propres ventes de tubes lisses. Selon les requérantes japonaises, il n’y aurait aucune raison de supposer que ce partage du marché des tubes lisses entre européens avait besoin d’être renforcé par un accord avec les producteurs japonais.

167
En toute hypothèse, il serait difficile de concevoir les contrats de fourniture de tubes lisses conclus par Corus avec chacun des trois autres producteurs européens, lesquels ont pris fin entre 1997 et 1999, comme des éléments de mise en oeuvre de l’infraction visée à l’article 1er de la décision attaquée, puisque cette infraction n’a existé que jusqu’en 1995 au plus tard.

168
Serait également pertinent, à cet égard, l’argument des requérantes japonaises, repris ci-dessus, selon lequel la Commission a analysé de manière erronée les documents faisant référence aux Règles fondamentales et, notamment, dans le présent contexte, aux Règles fondamentales améliorées.

169
Enfin, les requérantes japonaises auraient bien un intérêt juridique à remettre en cause l’approche de la Commission exposée au considérant 164 de la décision attaquée, parce que cette approche aurait pour conséquence que la Commission a infligé la même amende aux producteurs européens et japonais, en dépit du fait que les uns ont participé à deux infractions, et les autres à une seule.

170
Selon la Commission, il ressort clairement de la note Réunion du 24.7.90 que les producteurs européens croyaient devoir prendre des mesures pour éviter que la fermeture de l’usine de Corus à Clydesdale n’emporte la conséquence que le marché britannique cesse d’être un marché domestique protégé au sens des Règles fondamentales. Le raisonnement de la Commission, exposé au considérant 164 de la décision attaquée, serait donc que l’infraction visée à l’article 2 de celle-ci a été commise pour faire en sorte que Corus demeure un producteur « domestique » au sens de l’accord, tel que décrit au considérant 102 de la décision attaquée.

171
La Commission estime que les requérantes japonaises n’ont aucun intérêt juridique à contester les constatations relatives à l’infraction imputée à d’autres entreprises par l’article 2. De plus, il ne serait pas nécessaire qu’elles aient été parties à l’infraction qui y est retenue pour que celle-ci ait servi à renforcer, de la manière décrite au considérant 164 de la décision attaquée, l’infraction retenue à leur égard à son article 1er. Il est donc indifférent que Sumitomo ait pu ne pas connaître l’existence des accords visés à l’article 2 de la décision attaquée, comme elle l’allègue, et que cette infraction ait pu prendre fin plus tard que celle retenue à l’article 1er.

172
Enfin, à supposer même que les requérantes japonaises puissent, à bon droit, écarter l’affirmation de la Commission en ce qui concerne le passage des Règles fondamentales aux Règles fondamentales améliorées, ce point ne remettrait nullement en cause la constatation principale de la Commission quant à l’existence des Règles fondamentales. L’argument selon lequel les références aux Règles fondamentales améliorées se rapportent à l’entrée en vigueur de la directive 90/531 serait invraisemblable à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve documentaires invoqués dans la décision attaquée, en particulier la note Réunion du 24.7.90.

b)     Appréciation du Tribunal

Observations liminaires

173
À titre liminaire, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il convient de rappeler que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts Baustahlgewebe/Commission, point 56 supra, point 58, et Commission/Anic Partecipazioni, point 56 supra, point 86).

174
De plus, dans le cadre d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 230 CE, il n’appartient au juge communautaire que de contrôler la légalité de l’acte attaqué.

175
Ainsi, le rôle du juge saisi d’un recours en annulation dirigé contre une décision de la Commission constatant l’existence d’une infraction aux règles de concurrence et infligeant des amendes aux destinataires consiste à apprécier si les preuves et autres éléments invoqués par la Commission dans sa décision sont suffisants pour établir l’existence de l’infraction reprochée (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 61 supra, point 891).

176
Il s’ensuit que la Commission ne saurait avancer, à l’appui de la décision attaquée, de nouveaux éléments de preuve à charge non retenus dans celle-ci. Néanmoins, dans la mesure où les parties requérantes cherchent à établir, sur la base d’autres documents qu’elles ont déposés devant le Tribunal, que la thèse de la Commission est erronée en fait, la Commission est en droit de répondre à leurs arguments par référence aux documents en cause.

177
En outre, l’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction (voir, en ce sens, arrêt United Brands/Commission, point 56 supra, point 265). Le juge ne saurait donc conclure que la Commission a établi l’existence de l’infraction en cause à suffisance de droit si un doute subsiste encore dans son esprit sur cette question, notamment dans le cadre d’un recours tendant à l’annulation d’une décision infligeant une amende.

178
En effet, dans cette dernière situation, il est nécessaire de tenir compte du principe de la présomption d’innocence, tel qu’il résulte notamment de l’article 6, paragraphe 2, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH), lequel fait partie des droits fondamentaux qui, selon la jurisprudence de la Cour, par ailleurs réaffirmée par le préambule de l’Acte unique européen et par l’article 6, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO C 364, p. 1), sont protégés dans l’ordre juridique communautaire. Eu égard à la nature des infractions en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des sanctions qui s’y rattachent, le principe de la présomption d’innocence s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à la prononciation d’amendes ou d’astreintes (voir, en ce sens, notamment, Cour eur. D. H., arrêts Öztürk du 21 février 1984, série A n° 73, et Lutz du 25 août 1987, série A n° 123-A ; arrêts de la Cour du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I-4287, points 149 et 150, et Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176).

179
Ainsi, comme le rappellent à juste titre les requérantes japonaises, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir, en ce sens, arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 57 supra, point 20, et Pâte de bois II, point 56 supra, point 127 ; arrêts SIV e.a./Commission, point 57 supra, points 193 à 195, 198 à 202, 205 à 210, 220 à 232, 249 à 250 et 322 à 328, et Volkswagen/Commission, point 57 supra, points 43 et 72).

180
Toutefois, il importe de souligner que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 61 supra, points 768 à 778, en particulier, le point 777, confirmé sur le point pertinent par la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I-8375, points 513 à 523).

181
Il y a lieu de rappeler, par ailleurs, que, selon une jurisprudence constante, il découle du texte même de l’article 81, paragraphe 1, CE que les accords entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel (voir, notamment, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 56 supra, point 123). Or, en l’espèce, la Commission s’est fondée à titre principal sur l’objet restrictif de concurrence de l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée. Par ailleurs, elle a fait état, notamment aux considérants 62 à 67 de celle-ci, de nombreux éléments de preuve documentaires établissant, selon elle, tant l’existence de cet accord que son objet restrictif.

182
Cette circonstance emporte potentiellement des conséquences importantes par rapport à la première branche du présent moyen, tirée en substance de l’absence d’effets anticoncurrentiels résultant de l’infraction sanctionnée à l’article 1er de la décision attaquée (voir point 55, première phrase, ci-dessus).

183
Premièrement, force est de constater que l’argumentation des requérantes japonaises tenant à l’inexistence des effets de l’accord en cause, à la supposer fondée, ne saurait en principe entraîner, à elle seule, l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 janvier 1990, Sandoz Prodotti Farmaceutici/Commission, C‑277/87, Rec. p. I-45, et arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T‑143/89, Rec. p. II-917, points 30).

184
En ce qui concerne le cas spécifique des accords qui, comme celui retenu par la Commission en l’espèce, visent le respect des marchés domestiques, le Tribunal a, dans son arrêt Ciment, point 66 supra (points 1085 à 1088), jugé, d’une part, qu’ils ont un objet restrictif de la concurrence en eux-mêmes et relèvent d’une catégorie d’accords expressément interdite par l’article 81, paragraphe 1, CE et, d’autre part, que cet objet, dont la réalité était, dans l’affaire en cause, établie de manière incontestable par des preuves documentaires, ne peut être justifié au moyen d’une analyse du contexte économique dans lequel le comportement anticoncurrentiel en cause s’inscrit.

185
Il y a lieu de relever, à cet égard, qu’il serait indifférent, en ce qui concerne l’existence de l’infraction, que la conclusion de l’accord à but anticoncurrentiel retenu par la Commission à l’article 1er de la décision attaquée ait été ou non dans l’intérêt commercial des requérantes japonaises s’il est établi, sur la base des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, qu’elles ont effectivement conclu ledit accord.

186
Deuxièmement, force est de relever que l’argumentation tirée de ce que les requérantes japonaises auraient démontré l’existence de circonstances qui donnent un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permettent ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une violation des règles de la concurrence communautaires (arrêts CRAM et Rheinzink/Commission, point 57 supra, point 16 ; Pâte de bois II, point 56 supra, points 126 et 127, et PVC II, point 61 supra, point 725) est dénuée de pertinence en l’espèce. En effet, il y a lieu de constater que la jurisprudence sur laquelle se fonde cette argumentation se rapporte à la situation dans laquelle la Commission s’appuie uniquement sur la conduite des entreprises en cause sur le marché pour conclure à l’existence d’une infraction (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 61 supra, points 727 et 728).

187
Or, comme cela vient d’être relevé, la Commission a invoqué des éléments de preuve documentaires à l’appui de sa constatation de l’existence d’un accord anticoncurrentiel. Il s’ensuit que la jurisprudence invoquée par les requérantes japonaises ne saurait être pertinente en l’espèce que dans l’hypothèse où la Commission n’aurait pas réussi à établir l’existence de l’infraction sur la base des preuves documentaires qu’elle invoque. Dans ces conditions, il incombe aux requérantes demandant au Tribunal d’annuler l’article 1er de la décision attaquée non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt PVC II, point 61 supra, point 728).

188
À la lumière de ce qui précède, il convient d’examiner ensemble les deux premières branches du présent moyen, la première branche étant subsidiaire à la deuxième branche relative à la force probante des preuves documentaires. La troisième branche du moyen, ensuite, sera traitée de manière autonome.

Sur la deuxième branche du moyen, tirée de l’absence de force probante des éléments de preuve et, subsidiairement, sur la première branche, tirée de la prétendue incompatibilité entre l’existence de l’accord allégué et la situation existant sur le marché offshore britannique et sur les autres marchés

–     Déclarations de M. Verluca

189
Il y a lieu de relever d’abord que la Commission s’appuie dans une très large mesure, aussi bien dans la décision attaquée (voir, en particulier, considérant 131) que dans ses mémoires dans les présentes affaires, sur la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, telle que complétée par sa déclaration du 14 octobre 1996 et par le document intitulé « Vérification auprès de Vallourec » (ci‑après, pris ensemble, les « déclarations de M. Verluca »). En effet, l’importance des déclarations de M. Verluca résiderait dans le fait qu’elles sont les seuls éléments de preuve qui établissent tous les aspects de l’infraction, notamment sa durée et les produits concernés.

190
Il ressort de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 que les marchés domestiques des participants à l’accord, désigné par le terme « Fundamentals », « bénéficiaient d’une protection », à l’exception du marché offshore du Royaume-Uni qui était « semi-protégé », dans la mesure où « un concurrent devait contacter le producteur local de tubes pour le pétrole [Corus] avant de présenter [son] offre » (voir considérants 53 et 62 de la décision attaquée). Les produits concernés par cet accord étaient, selon sa déclaration du 17 septembre 1996, « les tubes filetés standard (les tubes filetés Premium n’étaient pas inclus) et [les tuyaux de transport ‘projet’] » (voir considérant 56 de la décision attaquée). La durée de l’accord y est également précisée, dans la mesure où M. Verluca affirme que « [c]es échanges ont commencé après la chute du marché de 1977 » (considérant 55 de la décision attaquée) et qu’ils « se sont achevés il y a un peu plus d’un an » (considérant 96 de la décision attaquée). Quant aux modalités pratiques de l’accord, M. Verluca décrit un système de réunions tenues en principe deux fois par an (considérant 60 de la décision attaquée).

191
La Commission fait observer, au considérant 57 de la décision attaquée, que M. Verluca a précisé, dans sa déclaration du 14 octobre 1996, que les « participants habituels » aux réunions étaient « pour l’Europe : [Corus] (jusqu’à la cessation de son activité OCTG), Dalmine, Mannesmann et Vallourec ; pour le Japon : [JFE‑NKK], [JFE]‑Kawasaki, [Nippon] et [Sumitomo] ». Par ailleurs, comme le relève la Commission au considérant 60 de la décision attaquée, M. Verluca a fourni, non pas dans sa déclaration du 17 septembre 1996, comme l’affirme la Commission, mais à l’annexe 2 à sa déclaration du 14 octobre 1996, une liste de cinq réunions du club Europe-Japon, le 14 avril 1992 à Florence, le 23 octobre 1992 à Tokyo, le 19 mai 1993 à Paris, le 5 novembre 1993 à Tokyo et le 16 mars 1994 à Cannes.

192
À cet égard, aucune disposition ni aucun principe général du droit communautaire n’interdit à la Commission de se prévaloir à l’encontre d’une entreprise des déclarations d’autres entreprises incriminées (arrêt PVC II, point 61 supra, points 109 et 512). Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (arrêt PVC II, point 61 supra, point 512).

193
En l’espèce, il y a lieu de clarifier d’emblée le sens du terme « échanges » utilisé dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996. Comme le relève la Commission, il est manifeste que la traduction de ce terme par le mot anglais « trade » à la note en bas de page n° 10 de la version anglaise de la décision attaquée est erronée et que ce terme indique en réalité qu’il y a eu des contacts entre les producteurs japonais et européens de tubes en acier. Ainsi, c’est à bon escient que la Commission a invoqué la phrase dans laquelle s’insère ce terme, citée au point 190 ci-dessus, dans le cadre de sa description de l’accord reproché aux producteurs japonais et européens.

194
Il convient de constater ensuite que les requérantes japonaises ne nient pas que des réunions ont eu lieu entre des représentants des producteurs japonais et européens de tubes en acier sans soudure (voir considérant 131 de la décision attaquée). En outre, JFE‑NKK, JFE‑Kawasaki et Sumitomo ne nient pas avoir participé à ces réunions, mais affirment que les seules informations dont elles disposent par rapport à celles-ci proviennent des souvenirs de leurs employés, lesquels souvenirs sont peu fiables compte tenu du temps écoulé depuis ces réunions.

195
Quant à Nippon, elle affirme que, pour autant qu’elle sache, aucun de ses employés actuels n’a assisté à de telles réunions, mais elle précise qu’elle ne peut exclure que certains de ses anciens employés y ont assisté. Toutefois, un détail fourni dans la réponse de Nippon du 4 décembre 1997 aux questions supplémentaires posées par la Commission, soit la circonstance selon laquelle M. [X], responsable des exportations de tubes en acier, s’est rendu à Cannes pour une mission, du 14 au 17 mars 1994, étaye la thèse de la Commission quant à la participation de Nippon aux réunions en question, dès lors que l’une des réunions du club Europe-Japon dont M. Verluca a fait état a eu lieu à Cannes le 16 mars 1994 (considérant 60 de la décision attaquée). Dans cette même réponse, Nippon affirme qu’elle n’est pas en mesure d’expliquer le but de cette mission ni celui d’autres missions de ses employés à Florence, dès lors qu’elle n’avait pas de clients dans ces deux villes.

196
Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a conclu que les requérantes japonaises nommées par M. Verluca dans sa déclaration du 14 octobre 1996 (voir le point 191 ci-dessus), y compris Nippon, ont effectivement participé aux réunions du club Europe-Japon décrites par celui-ci.

197
Cependant, les quatre requérantes japonaises nient qu’un accord de partage des marchés japonais et européens ait été conclu à l’occasion de ces réunions. En particulier, JFE‑NKK, JFE‑Kawasaki et Sumitomo prétendent que lesdites réunions portaient essentiellement sur des questions d’ordre général ou relatives aux marchés de pays tiers tels que la Russie et la Chine.

198
À ce stade, le différend entre la Commission et les requérantes japonaises concerne la question de savoir si un accord illicite de respect mutuel des marchés domestiques en ce qui concerne les deux produits mentionnés à l’article 1er de la décision attaquée, à savoir les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet », a été conclu par les producteurs japonais et européens à l’occasion de ces réunions.

199
À cet égard, les requérantes japonaises font valoir que les déclarations de M. Verluca sont trop vagues pour constituer des éléments de preuve, même faibles, de l’existence de l’accord de partage des marchés retenu par la Commission. En particulier, elles relèvent que la description fournie par M. Verluca du système de protection partielle du marché offshore du Royaume‑Uni, aux termes de laquelle « [l]e UK (off-shore) était considéré comme semi‑protégé, c’est-à-dire qu’un concurrent devait contacter le producteur local de tubes pour le pétrole avant de présenter son offre [et que c]ette règle était plus ou moins respectée », manque de précision et ne correspond pas à la réalité, celle-ci n’étant corroborée par aucun des autres documents invoqués par la Commission. En outre, selon les requérantes japonaises, il existe une contradiction entre la position retenue par la Commission au considérant 62 de la décision attaquée, sur la base de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, suivant laquelle le marché offshore du Royaume-Uni n’était que semi-protégé, et les considérants 101 et 102 de la décision attaquée qui décrivent un système de partage des marchés sans nuances.

200
Il suffit de constater, s’agissant de ce dernier grief, que lesdits considérants 101 et 102 décrivent l’objet anticoncurrentiel des Règles fondamentales d’une manière générale, dans le cadre de l’appréciation juridique faite par la Commission de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, et doivent être lus à la lumière du considérant 62, qui, dans le contexte d’une description détaillée du fonctionnement des Règles fondamentales à la lumière des preuves documentaires recueillies, avait déjà exposé le fait que le marché offshore du Royaume-Uni avait un statut particulier. Dès lors, l’argument des requérantes japonaises à cet égard doit être rejeté.

201
Quant à l’argument selon lequel les réunions du club Europe-Japon n’ont jamais porté sur les marchés de la Communauté, il convient de relever que, si, selon M. Verluca, les « grands événements affectant le marché des produits pétroliers (VRA américain, bouleversements politiques en URSS, évolution de la Chine...) » étaient discutés au cours de ces réunions, il n’empêche que l’« application des règles fondamentales citées ci-dessus » y était également « constat[ée] ». Ainsi, il ressort de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 que l’application des Règles fondamentales, impliquant notamment le respect des quatre marchés domestiques des producteurs communautaires par les requérantes japonaises, est un des sujets qui a été discuté à l’occasion de ces réunions.

202
Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission a pour mission de sanctionner les infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE et que les accords consistant à « répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement » sont expressément mentionnés à l’article 81, paragraphe 1, sous c), CE comme étant interdits au titre de cette disposition. Il suffit donc pour la Commission d’établir qu’un accord entre entreprises susceptibles d’affecter le commerce entre États membres a eu pour objet ou pour effet de répartir les marchés communautaires d’un ou de plusieurs produits entre elles pour que cet accord soit constitutif d’une infraction.

203
Il convient de relever également que, en pratique, la Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas coopéré de manière active avec celle-ci. S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de partage des marchés a été conclu (voir points 177 et 178 ci-dessus), il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Gruber + Weber/Commission, T‑310/94, Rec. p. II-1043, point 214). En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées par rapport au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission.

204
Par ailleurs, la Commission invoque l’arrêt Ciment, point 66 supra (point 1838), pour faire valoir qu’elle peut, au besoin, s’appuyer sur une seule pièce pour établir l’existence d’une infraction, pourvu que la valeur probante de celle-ci ne fasse aucun doute et qu’elle atteste de manière certaine l’existence de l’infraction. Selon elle, il serait possible d’appliquer cette règle aux déclarations de M. Verluca dans les circonstances du cas d’espèce.

205
À cet égard, il convient de considérer que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes japonaises, les déclarations de M. Verluca sont non seulement fiables, mais sont d’une valeur probante particulièrement élevée dès lors qu’elles ont été faites au nom de Vallourec. Or, les réponses données au nom d’une entreprise en tant que telle sont revêtues d’une crédibilité surpassant celle que pourrait avoir la réponse donnée par un membre de son personnel quelle que soit l’expérience ou l’opinion personnelles de ce dernier (voir, bien que sous pourvoi, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II-1705, point 45).

206
De même, le caractère délibéré et sérieux des déclarations de M. Verluca est renforcé par la circonstance selon laquelle il avait, en tant que président de Vallourec Oil & Gas, l’obligation professionnelle d’agir dans l’intérêt de cette société. Il ne pouvait, dès lors, avouer l’existence d’une infraction à la légère sans peser les conséquences de cette démarche, et rien dans le dossier ne permet de supposer qu’il a manqué à son obligation à cet égard.

207
En toute hypothèse, M. Verluca a été un témoin direct des circonstances qu’il a exposées. En effet, la Commission a affirmé, notamment au point 28 de son mémoire en défense dans l’affaire T‑67/00, sans être contredite à cet égard, que M. Verluca, en sa qualité de président de Vallourec Oil & Gas, avait participé lui‑même à des réunions du club Europe-Japon.

208
De surcroît, il y a lieu de relever que M. Verluca a répondu par une déclaration écrite aux questions orales des agents de la Commission lors de la vérification du 17 septembre 1996, lesquels lui avaient demandé de commenter des documents rédigés pour la plupart par lui-même et saisis par la Commission préalablement, à savoir lors de la vérification effectuée les 1er et 2 décembre 1994. M. Verluca a ensuite confirmé et complété les informations déjà fournies dans sa déclaration du 14 octobre 1996 ainsi que, de nouveau par écrit, à l’occasion d’une nouvelle vérification effectuée le 18 décembre 1997. Sa déclaration du 14 octobre 1996 a été fournie en réponse à une demande de renseignements qu’il affirme avoir reçue le 30 septembre 1996, et elle a été envoyée à la Commission avec copie à un avocat, M. Winckler du cabinet Cleary, Gottlieb, Steen & Hamilton.

209
De plus, M. Verluca savait depuis plus de 18 mois, au moment de la vérification du 17 septembre 1996, que la Commission avait en sa possession des documents qu’il avait rédigés relatifs à des contacts avec des concurrents, notamment avec Corus. Il avait donc eu l’occasion de réfléchir à la réponse qu’il fournirait au cas où la Commission lui poserait des questions au sujet de ces éléments. Quant à sa déclaration du 14 octobre 1996, M. Verluca a bénéficié d’un délai de deux semaines pour la préparer.

210
Il ressort de l’ensemble de ces circonstances que M. Verluca a fait ses déclarations de manière délibérée et après mûre réflexion. Force est de relever que celles-ci sont d’autant plus dignes de foi.

211
Par ailleurs, la Commission relève à juste titre que les déclarations allant à l’encontre des intérêts du déclarant doivent, en principe, être considérées comme des éléments de preuve particulièrement fiables. Or, en l’espèce, les déclarations de M. Verluca allaient clairement à l’encontre des intérêts de Vallourec, qu’il représentait, étant donné que la Commission avait ouvert une enquête à l’égard de cette dernière.

212
En particulier, il y a lieu de considérer que le fait pour une personne à qui l’on demande de commenter des documents, comme l’ont fait les agents de la Commission à M. Verluca, d’avouer qu’elle a commis une infraction et d’admettre ainsi l’existence de faits qui dépassent ceux dont l’existence pouvait être déduite de manière directe des documents en question implique a priori, en l’absence de circonstances particulières de nature à indiquer le contraire, que cette personne a pris la résolution de dire la vérité.

213
Les requérantes japonaises contestent cette logique en prétendant, en particulier, que, dans le cas d’espèce, les employés des producteurs européens ayant fait des déclarations en leur qualité de représentants de ceux-ci avaient tout intérêt à « limiter les dégâts », notamment en admettant l’existence d’un accord avec les producteurs japonais dans le but de détourner l’attention de la Commission de la véritable signification des Règles fondamentales, qui visaient un partage des marchés européens entre producteurs européens, infraction beaucoup plus grave.

214
Cependant, le fait pour les producteurs européens d’avoir admis l’existence d’un accord de partage des marchés avec les producteurs japonais ne servait pas nécessairement à cacher l’existence d’un accord de partage des marchés européens entre eux. Par ailleurs, il n’est pas vraisemblable que Vallourec ait, par le biais de M. Verluca, admis l’existence d’une infraction, tout en dissimulant l’existence d’une infraction similaire, fondée d’ailleurs sur certains des faits qu’elle a avoués, mais différente sur le plan géographique de celle qui avait été admise. En effet, force est de constater qu’une personne qui agirait ainsi s’exposerait au risque grave, dans l’hypothèse où la Commission établirait les faits réels, d’avoir aidé celle-ci à établir l’existence d’une infraction dans son propre chef sans toutefois bénéficier d’une réduction substantielle de son amende au titre de la coopération.

215
Par conséquent, la thèse avancée, à cet égard, par les requérantes japonaises n’est pas convaincante et ne saurait ébranler la fiabilité des déclarations de M. Verluca. Quant à l’argument de JFE‑Kawasaki tiré de ce que M. Verluca se serait borné à commenter un seul document dans sa déclaration du 17 septembre 1996, soit la note Quelques informations, il suffit de constater que cette déclaration, qui ne fait d’ailleurs pas mention de ladite note, se réfère explicitement à l’existence d’un accord généralisé de partage des marchés pour deux types de produits spécifiques. Dans ces conditions, il n’y a aucune raison de considérer que M. Verluca s’est borné dans sa déclaration à commenter ce seul document et, ainsi, de relativiser la portée de celle-ci.

216
En ce qui concerne le document Vérification auprès de Vallourec, JFE‑Kawasaki fait valoir que M. Verluca y a affirmé que les autres marchés offshore visés par la décision attaquée, à savoir les marchés autres que celui du Royaume-Uni, n’étaient pas considérés comme des marchés domestiques au sens des Règles fondamentales. Il suffit de relever à cet égard que M. Verluca a fait l’affirmation en cause en réponse à la question suivante, posée par la Commission : « Quel était le statut des différents marchés offshore (Hollande, Danemark, UK, Norvège, Chine) [?] » Dans ces conditions, il est manifeste que cette affirmation signifie uniquement que les marchés néerlandais, danois, norvégien et chinois n’étaient pas des marchés domestiques et qu’elle est totalement dénuée de pertinence en ce qui concerne le statut des marchés offshore allemand, français et italien.

217
Quant à l’argumentation de Sumitomo tirée de la référence, dans le document Vérification auprès de Vallourec, au fait que la clef de répartition s’appliquait aux « seuls produits standard », de sorte que les tuyaux de transport, produits non standard, n’en étaient pas affectés, il importe de relever que, en faisant cette affirmation, M. Verluca répondait spécifiquement à une question qui portait sur le Compte rendu de l’entretien avec JF. Or, il ressort d’une lecture de ce compte rendu qu’il porte exclusivement sur les tubes OCTG et non sur les tuyaux de transport, ce qui laisse supposer que les explications de M. Verluca concernent uniquement les tubes OCTG.

218
En toute hypothèse, à supposer même que cette affirmation de M. Verluca concerne non seulement les tubes OCTG, pour lesquels il avait déjà précisé dans sa déclaration du 17 septembre 1996 que seuls les produits standard étaient concernés par l’infraction, mais aussi les tuyaux de transport, il ressort des termes de ladite déclaration que le respect des marchés domestiques des producteurs membres du club Europe-Japon et le système de clé de répartition applicable aux marchés de pays tiers étaient deux volets distincts des Règles fondamentales. En conséquence, cette précision, qui concerne exclusivement les marchés de pays tiers, n’infirme pas la thèse essentielle de la Commission selon laquelle non seulement les tubes OCTG standard mais aussi les tuyaux de transport « projet » faisaient l’objet de la répartition des marchés domestiques des membres du club Europe-Japon. De plus, il importe de souligner que M. Verluca n’est jamais revenu sur son affirmation selon laquelle les tuyaux de transport étaient concernés par l’accord illicite.

219
En outre, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence du Tribunal, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt Enso-Gutzeit/Commission, point 58 supra, point 91). Ainsi, il y a lieu de conclure que, malgré leur caractère fiable, les déclarations de M. Verluca doivent être corroborées par d’autres éléments de preuve pour établir l’existence de l’infraction sanctionnée à l’article 1er de la décision attaquée.

220
Néanmoins, il y a lieu de considérer que le degré de corroboration requis en l’espèce est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité, du fait de la fiabilité des déclarations de M. Verluca, qu’il ne le serait si ces dernières n’étaient pas particulièrement crédibles. Ainsi, il y a lieu de considérer que, s’il devait être jugé qu’un faisceau d’indices concordants permettait de corroborer l’existence et certains aspects spécifiques de l’accord de partage des marchés évoqué par M. Verluca et visé à l’article 1er de la décision attaquée, les déclarations de ce dernier pourraient suffire à elles seules, dans cette hypothèse, pour attester d’autres aspects de la décision attaquée, conformément à la règle tirée de l’arrêt Ciment, point 66 supra (point 1838), et invoquée par la Commission (voir point 204 ci-dessus). En outre, pour autant qu’une pièce ne soit pas en contradiction manifeste avec les déclarations de M. Verluca sur l’existence ou le contenu essentiel de l’accord de partage des marchés, il suffit qu’elle atteste des éléments significatifs de l’accord qu’il a décrit pour avoir une certaine valeur à titre d’élément de corroboration dans le cadre du faisceau de preuves retenus à charge (voir point 180 ci-dessus et la jurisprudence citée).

221
À la lumière de ce qui précède, il convient d’évaluer successivement les autres éléments de preuve invoqués par la Commission dans la décision attaquée, notamment aux considérants 62 à 67 et 100 de celle-ci, ainsi que certains autres documents figurant dans le dossier de la Commission dans la mesure où ils ont été commentés par les parties devant le Tribunal dans le cadre de leurs observations sur la fiabilité des éléments invoqués expressément dans la décision attaquée.

–     Notes de Vallourec

222
Au considérant 67 de la décision attaquée, la Commission invoque la note Entretien BSC, qui n’est pas datée mais qui remonterait à juin 1990, et fait référence à deux autres notes, à savoir la note Réunion du 24.7.90 signée par M. Verluca et celle du 1er juin 1990, intitulée « Renouvellement du contrat VAM BSC ». La Commission cite, au considérant 67 de la décision attaquée, le passage suivant de la note Entretien BSC :

« L’analyse de [Vallourec] est qu’il ne faut pas ouvrir la porte aux Jap[onai]s en les favorisant d’un british content. Il faut jouer les fondamentals à fond, la première démarche étant d’écrire via le pt du Club aux pt Jap pour signaler les implantations des [Japonais] en UK. Il paraît ambitieux d’imaginer que [Corus] puisse organiser un sharing key en PJ japonais alors que SMI se casse les dents sur ce point depuis de longs mois. »

223
Le passage suivant de la note Réunion du 24.7.90 figure au considérant 78 de la décision attaquée, consacré à l’infraction retenue à son article 2 :

« [Mannesmann] est le seul producteur européen qui fasse peur aux Japonais et qui puisse donc imposer un respect des ‘fundamentals improved’. [Mannesmann] aurait un intérêt à la défense des ‘fundamentals’ sur le UK puisqu’il fournirait une partie des [tubes lisses] après l’arrêt de Clydesdale. »

224
Selon un autre passage de la même note, cité au même considérant :

« [Corus] et [Vallourec] s’accordent pour dire que ce renforcement de la CEE est jouable et doit aboutir à des ‘fundamentals improved’ qui interdiraient aux Japonais l’accès du UK même après que Clydesdale aurait été fermé. [Philip Varley de Corus] ajoute qu’un respect à 100 % des ‘fundamentals’ en UK est impossible mais que si les exceptions ne dépassent pas 15 000 tonnes par an, la situation sera supportable. [Corus] évoque toutefois la possibilité d’acheter des [tubes lisses] à UTM, SIDERCA et TAMSA [producteurs d’Amérique latine] pour éviter leur concurrence sauvage. »

225
Dans les motifs de la décision attaquée qui portent sur l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée (considérant 80), la Commission a également cité le passage suivant de la note Réflexions sur le contrat VAM :

« [...] si [...] on peut obtenir des Japonais qu’ils n’interviennent pas sur le marché UK, et que le problème se règle entre Européens. Dans ce cas on partagerait effectivement les tubes lisses entre [Mannesmann], [Vallourec] et Dalmine. Dans ce scénario II, on aurait probablement intérêt à lier les ventes de [Vallourec] à la fois au prix et au volume du VAM vendu par [Corus]. »

226
Dans le même considérant, la Commission cite également une phrase tirée de la note Réflexions stratégiques, qui reprend les conditions envisagées dans le cadre du scénario visé dans la citation précédente :

« [Mannesmann]/DALMINE/[Vallourec] obtiennent que [Corus] achète ses tubes lisses en priorité aux Européens qui se répartissent cette fourniture selon une règle stricte. »

227
Par ailleurs, aux termes d’un autre passage de la note Réflexions stratégiques, cité par la Commission dans la partie de la décision attaquée consacrée aux aspects des Règles fondamentales affectant les marchés de pays tiers (considérant 73), « [p]our obtenir que les Japonais ne touchent pas au UK, il est à craindre que les Européens aient à donner quelque chose en échange (FAR EAST, MIDDLE EAST, révision du pourcentage mondial ...) ».

228
Ces passages des notes de Vallourec corroborent de manière nette et univoque l’affirmation contenue dans les déclarations de M. Verluca quant à l’existence des Règles fondamentales (« fundamentals »). Comme le relève la Commission dans ses mémoires, il ressort clairement de ces notes que ces règles étaient bien établies, celles-ci pouvant être comprises par les employés de Vallourec, qui en étaient les auteurs, et par les destinataires, sans de plus amples descriptions.

229
De surcroît, si les notes de Vallourec ne décrivent pas de manière explicite la nature des Règles fondamentales, il en résulte clairement que les producteurs japonais devaient « respecter » ces règles et que la « peur » inspirée par Mannesmann était un moyen qui aurait pu servir à assurer ce « respect », en particulier « sur le UK ». Cette constatation est confirmée par le fait que, selon la note Réunion du 24.7.90, la nouvelle version des Règles fondamentales envisagées par Vallourec et Corus, dénommée « Règles fondamentales améliorées » (« Fundamentals improved »), « interdir[ait] aux Japonais l’accès du UK même après que [l’usine de Corus à] Clydesdale a été fermé[e] ».

230
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que ces notes corroborent la description des Règles fondamentales, contenue dans les déclarations de M. Verluca, selon laquelle ces règles impliquaient, en principe, la protection, vis-à-vis des producteurs japonais, des marchés domestiques des quatre producteurs européens en cause. Elles étayent, par ailleurs, les déclarations de M. Verluca quant au fait que le marché offshore du Royaume-Uni était concerné par ces règles de protection mais que celui-ci avait un statut particulier. Il découle en effet de ces notes que les producteurs européens tenaient au maintien de cette protection du marché offshore du Royaume-Uni en la renforçant au maximum, malgré le fait que Corus, producteur domestique sur ce marché, n’allait plus produire de tubes lisses, se bornant à fileter des tubes achetés à d’autres producteurs.

231
Les requérantes japonaises relèvent à juste titre que les notes de Vallourec ne font état que des réflexions internes à cette société et, pour certaines d’entre elles, des observations relatives aux discussions tenues entre cette société et Corus. Si cette circonstance amène inévitablement à relativiser la valeur probante de ces notes vis-à-vis des requérantes japonaises, elle ne saurait empêcher la Commission de les invoquer à titre d’éléments à charge pour corroborer les déclarations explicites de M. Verluca, surtout dans le cadre d’un faisceau plus large d’éléments de preuve concordants. En effet, le fait que les employés de Vallourec croyaient à l’efficacité des Règles fondamentales pour protéger les marchés domestiques européens contre les producteurs japonais constitue en lui-même un indice de ce que cette protection existait réellement.

232
Les requérantes japonaises avancent un argument spécifique à l’égard des notes Réflexions stratégiques et Réflexions sur le contrat VAM. Elles relèvent que le renforcement du volet des Règles fondamentales concernant le respect des marchés domestiques européens par les producteurs japonais n’est pas celui des trois scénarios considérés que M. Verluca, qui était l’auteur des deux notes, a retenu comme proposition en conclusion de celles-ci.

233
Toutefois, il se déduit clairement du libellé de ces deux notes que leur auteur préférait cette solution et ne l’a rejetée qu’à contrecoeur, au motif qu’elle n’était pas réalisable. En particulier, selon la note Réflexions stratégiques, la « solution la plus avantageuse pour [Vallourec] » reposait sur l’hypothèse dans laquelle « [l]es Européens obtiend[raient] des Japonais qu’ils respectent le UK en Buttress et en Premium ». M. Verluca ne rejette cette solution dans ladite note qu’au motif qu’il « ne croi[t] malheureusement pas que cette solution […] puisse fonctionner ». Ainsi, étant donné que cette solution, qui consistait à maintenir en vigueur les Règles fondamentales et éventuellement à les renforcer, a été mise en oeuvre, le rejet provisoire de celle-ci par M. Verluca dans ces notes est bien moins significatif que le fait qu’il l’a préféré aux autres solutions envisagées.

234
L’exactitude de cette analyse est encore confirmée par le fait que la répartition entre Vallourec, Mannesmann et Dalmine des fournitures de tubes lisses à Corus prévue par M. Verluca dans ces deux notes, dans le cadre du scénario en question (voir point 226 ci-dessus), a été réalisée ultérieurement, du moins à partir du 9 août 1993, du fait de la signature successive des trois contrats de fourniture mentionnés au considérant 79 de la décision attaquée (voir point 26 ci-dessus). En outre, la proposition faite par M. Verluca (voir point 225 ci-dessus et considérant 80 de la décision attaquée) consistant à lier les ventes de tubes lisses à Corus par Vallourec au prix et au volume des tubes OCTG premium, filetés par la méthode VAM, vendus par Corus, correspond effectivement aux termes des contrats conclus ultérieurement, produits devant le Tribunal, notamment dans l’affaire T‑44/00, et sur lesquels les requérantes japonaises ont dès lors pu se prononcer lors de l’audience commune (voir également considérants 79, 81 et 111 de la décision attaquée).

235
Selon les requérantes japonaises, l’ensemble des réflexions contenues dans les notes de Vallourec citées par la Commission porte quasi exclusivement sur la situation existant sur le marché offshore du Royaume-Uni des tubes OCTG premium. Or, les produits concernés par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée sont les tubes OCTG standard (« API ») et les tuyaux de transport « projet » et non les tubes OCTG premium. De même la note Réunion du 24.7.90 fait référence à des produits en acier inoxydable.

236
En ce qui concerne les tubes OCTG standard, il est constant que ces tubes sont parfois dénommés « Buttress » dans les industries sidérurgique et pétrolière. Il y a donc lieu de relever que la référence, dans la note Réflexions stratégiques, au respect par les producteurs japonais du marché offshore du Royaume-Uni par rapport au « Buttress » se rapporte nécessairement à ces produits (voir point 233 ci-dessus). De plus, la note Réflexions contrat VAM BSC se réfère au fait que Corus « gardera mieux sa part en VAM qu’en Buttress ».

237
La circonstance, relevée par les requérantes japonaises, selon laquelle les notes de Vallourec comportent également de nombreuses références aux tubes OCTG premium n’infirme pas l’analyse effectuée en l’espèce par la Commission en ce qui concerne les tubes OCTG standard. Premièrement, les références aux tubes OCTG premium ne permettent nullement de conclure que les contacts entre Vallourec et Corus portaient exclusivement sur les tubes OCTG premium. Deuxièmement, le fait pour la Commission de retenir une infraction par rapport à deux produits spécifiques ne saurait être critiqué au motif que certaines des preuves qu’elle a en sa possession indiquent que d’autres produits étaient également concernés par l’accord sanctionné.

238
En toute hypothèse, si l’absence de définition précise et concordante des produits concernés par les Règles fondamentales dans les notes de Vallourec réduit nécessairement leur valeur probante, il ne saurait être exclu que, dans la mesure où elles renforcent certaines des affirmations essentielles de M. Verluca, la Commission était en droit de les invoquer pour corroborer les déclarations de celui-ci. En effet, la circonstance selon laquelle un document ne se réfère qu’à certains des faits évoqués dans d’autres éléments de preuve ne suffit pas à obliger la Commission à écarter ce document du faisceau d’indices retenus à charge (voir points 180 et 220 ci-dessus).

239
Les requérantes japonaises relèvent, en outre, que les marchés communautaires autres que le marché offshore du Royaume-Uni ne sont nullement abordés dans les notes de Vallourec. À cet égard, il convient de constater que les notes en question se focalisent sur les problèmes pouvant être occasionnés sur le marché britannique par la cessation de production de tubes lisses par le producteur britannique Corus, ce qui explique l’absence de références spécifiques à d’autres marchés qui n’étaient pas directement affectés par cet événement anticipé.

240
En outre, les requérantes japonaises font valoir que, d’après les notes Réflexions sur le contrat VAM et Réunion du 24.7.90, l’exclusion des producteurs japonais du marché britannique était une mesure proposée pour l’avenir, ce dont il découlerait qu’aucun accord avec les producteurs japonais n’existait au moment de leur rédaction, soit en 1990 (voir point 115 ci-dessus). Toutefois, il ressort des notes de Vallourec, lues dans leur ensemble, notamment du passage de la note Entretien BSC cité au considérant 67 de la décision attaquée, que les Règles fondamentales avaient un sens déjà compris par les employés de Vallourec en 1990 et que le « problème » évoqué dans la note Réflexions sur le contrat VAM qui devait être réglé « entre Européens » était celui du maintien du statut domestique du marché du Royaume-Uni dans le cadre des Règles fondamentales à la suite de la cessation de la production de tubes lisses par Corus (voir point 283 ci-après). Ainsi, dans cette hypothèse, une version améliorée des Règles fondamentales « interdir[ait] aux Japonais l’accès du UK », comme le relève la note Réunion du 24.7.90, à l’avenir comme par le passé (voir points 223 et 229 ci‑dessus).

241
Enfin, quant au mode de fonctionnement du système de protection du marché offshore du Royaume-Uni, les requérantes japonaises font valoir que la description fournie à cet égard par M. Verluca dans sa déclaration du 17 septembre 1996, selon laquelle un concurrent devait contacter Corus avant d’offrir les produits concernés par les Règles fondamentales sur ce marché, ne cadre ni avec les éléments de preuve avancés par la Commission dans la décision attaquée ni avec la réalité. En revanche, la Commission fait valoir, au considérant 62 de la décision attaquée, que la note Entretien BSC confirme la justesse de cette description.

242
Il y a lieu de relever à cet égard que, dans la note Entretien BSC, il est affirmé par un employé de Vallourec, vraisemblablement M. Verluca, ce qui suit : « [N]os amis de BSC [Corus] […] s’appuient sur les discussions de Kyoto et Marbella et considèrent que si les [Japonais] sont prêts aujourd’hui à respecter une politique des prix pour les [affaires de la mer du Nord] au cas par cas, demain lorsque [l’usine de] Clydesdale sera arrêtée ils se déchaîneront. » Force est de reconnaître que cette citation ne corrobore pas la description faite par M. Verluca, dès lors qu’elle ne confirme pas l’existence de contacts entre Corus et les autres membres du club Europe-Japon au sujet de livraisons spécifiques sur le marché offshore du Royaume-Uni. Toutefois, cette citation atteste de manière univoque que, au moment de la rédaction de ladite note en 1990, les producteurs japonais avaient accepté des restrictions de la concurrence sur le marché offshore du Royaume‑Uni. Par ailleurs, les termes « au cas par cas » pourraient être interprétés en ce sens que de tels contacts ont effectivement eu lieu par rapport à des affaires spécifiques, de sorte que la note Entretien BSC n’est certainement pas en contradiction avec la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996.

243
En tout état de cause, il convient de rappeler qu’il suffit que la Commission établisse qu’un accord à but anticoncurrentiel a été conclu par des entreprises pour qu’elle puisse conclure à l’existence d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (voir point 203 ci-dessus). En conséquence, la circonstance selon laquelle les éléments de preuve avancés en l’espèce se complètent pour démontrer l’existence d’arrangements restreignant la concurrence livrée par les producteurs japonais sur le marché offshore du Royaume-Uni suffit à étayer la thèse de la Commission en ce qui concerne ce marché, même si ces documents ne permettent pas de comprendre avec certitude et précision le mode de fonctionnement de cet aspect des Règles fondamentales.

244
Ainsi, il convient de conclure que les notes de Vallourec, prises dans leur ensemble, permettent de corroborer les déclarations de M. Verluca et, dès lors, de confirmer la véracité de celles-ci.

–     Documents en anglais de 1993

245
La Commission fait également référence, au considérant 84 de la décision attaquée, à deux documents qui datent de l’année 1993, à savoir la Note pour les présidents et le document « g) Japonais » (ci-après, pris ensemble, les « documents en anglais de 1993 »). La Commission ne cite pas de passages de ces documents audit considérant de la décision attaquée, mais leur contenu est résumé brièvement au considérant 83, en ce qui concerne certains facteurs qui auraient perturbé le fonctionnement des Règles fondamentales, et au considérant 84, en ce qui concerne les solutions proposées pour y remédier. La Commission s’appuie donc sur ces documents, dans la décision attaquée, pour confirmer l’existence et la portée des Règles fondamentales et, en particulier, afin d’expliquer l’évolution de ces règles, en 1993, vers des « Règles fondamentales améliorées » au moment où Corus préparait son retrait définitif du marché des tubes OCTG filetés.

246
Les requérantes japonaises contestent la pertinence de ces documents. Elles relèvent, en particulier, que ces documents font référence à une agression japonaise et Nippon souligne que le document « g) Japonais » fait référence, à cet égard, à elle en particulier. Cette agression ainsi que la description au début de la Note pour les présidents d’une obligation de portée relative dans le chef des producteurs japonais de limiter « certaines de leurs ventes » seraient incompatibles avec le système de respect des marchés domestiques décrit aux considérants 101 et 102 de la décision attaquée.

247
Il convient de relever d’abord, aux termes de la Note pour les présidents, ce qui suit :

« Les accords actuels sont insatisfaisants en ce qui concerne les zones extraterritoriales de la CE parce que, si les Japonais ont accepté de limiter certaines de leurs livraisons vers ces zones (à des niveaux qui n’ont jamais été satisfaisants du point de vue des Européens et qui ne couvrent que la moitié des clients), leur agression actuelle sur les OCTG (sans soudure et soudés) et les tuyaux de transport soudés implique des prix moins élevés et une part de marché réduite pour les Européens. » (« The current agreements are unsatisfactory for the EC offshore areas because, although the Japanese have agreed to limit some of their deliveries to these areas (at levels which have never been satisfactory to the Europeans and which only cover half of the customers) their current aggression on OCTG (seamless and welded) and welded linepipe means lower prices and reduced share for the Europeans. »)

248
En outre, selon ce même document :

« Si les Japonais ont accepté de ne pas demander de modifications de nos accords au cas où l’industrie européenne des tubes sans soudure procéderait à sa restructuration, il n’existe pas de garantie qu’ils respecteraient ce principe dans l’hypothèse où [Corus] se retirerait de la fabrication ou de la finition des tubes au Royaume-Uni. »

(« Although the Japanese have agreed not to request changes in our agreements if the EC seamless industry were to restructure, there is no guarantee that they would follow this precept if [Corus] were to exit tubemaking or finishing in the UK. »)

249
Par ailleurs, selon le document « g) Japonais », « la position fondamentale sur le plateau continental du Royaume-Uni n’est pas ‘ferme’ » (« the fundamental position on the UKCS is not ‘firm’ ») et son auteur, un employé de Corus, s’interroge sur les tactiques les plus adaptées pour « attaquer les Japonais » (« attack the Japanese »), probablement sur le marché chinois, « avec l’objectif principal de les forcer à quitter l’Europe » (« with the prime objective of forcing them out of Europe »).

250
Ces deux documents, notamment les passages de ceux-ci cités ci-dessus, étayent plusieurs affirmations essentielles faites par M. Verluca dans ses déclarations et permettent donc de considérer, en principe, que c’est à juste titre que la Commission les a invoqués pour confirmer l’existence des Règles fondamentales et des Règles fondamentales améliorées.

251
En particulier, il résulte de ces deux documents que des accords désignés par le terme « fundamental[s] », conclus entre les producteurs européens et japonais, existaient déjà en 1993 et que ces accords étaient insatisfaisants du point de vue des producteurs européens par rapport au secteur offshore du Royaume-Uni, en particulier dans la mesure où ils ne servaient qu’à limiter certaines ventes japonaises sur ce marché. Il est, en outre, possible d’inférer de ces documents que les accords auxquels il est fait référence étaient ceux constitués par les Règles fondamentales décrites par M. Verluca dans ses déclarations et que les producteurs européens en étaient plus satisfaits par rapport aux secteurs onshore que par rapport au secteur offshore du Royaume-Uni. Ainsi, il découle indirectement de ces documents que les secteurs onshore des marchés européens concernés ont dû être protégés d’une manière adéquate.

252
De plus, dans la mesure où l’auteur de ces documents se plaint de l’existence de ventes japonaises significatives sur le marché offshore du Royaume-Uni et propose des solutions visant à limiter ces ventes à l’avenir, ces éléments de preuve concordent avec la présentation des Règles fondamentales figurant dans les déclarations de M. Verluca. En effet, ils confirment non seulement que le but des Règles fondamentales était de répartir les marchés concernés, mais aussi que le secteur offshore du Royaume-Uni était protégé d’une manière moins efficace que les autres secteurs concernés par cette répartition.

253
Toutefois, étant donné que les requérantes japonaises avancent un certain nombre de griefs en vue de remettre en cause la valeur probante de ces deux documents et en tirent même des éléments à décharge, il convient d’examiner ces griefs pour apprécier s’ils réduisent réellement la valeur probante de ces documents.

254
À cet égard, il y a d’abord lieu de rejeter les arguments des requérantes japonaises tirés des références à leur « agression » ainsi qu’à la nature limitée de leurs obligations sur le marché offshore du Royaume-Uni. En effet, ces références s’inscrivent dans un contexte dans lequel l’auteur des deux documents se plaignait des ventes japonaises, notamment celles réalisées sur le marché offshore du Royaume-Uni, et décrivait le caractère insuffisant des limitations applicables aux ventes japonaises sur ce même marché. Ainsi, il y a lieu de considérer que, dans l’économie générale de ces documents, les références à l’« agression » des producteurs japonais établissent plutôt le dépassement, en pratique, de limites convenues entre les membres du club Europe-Japon pour le marché offshore du Royaume-Uni, qui n’était que partiellement protégé, plutôt qu’une concurrence libre et vigoureuse livrée par les producteurs japonais sur ledit marché. Ces références n’infirment donc nullement la thèse de la Commission quant à l’existence de l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée.

255
Ensuite, les requérantes japonaises font valoir que la Note pour les présidents et le document « g) Japonais » ne sauraient établir l’existence d’une infraction les concernant, dès lors qu’ils ne contiennent que les réflexions internes d’employés de Corus. Toutefois, force est de relever que, dans la mesure où l’auteur de ces documents, employé de Corus, décrit la situation des marchés européens ainsi que l’évolution probable de ceux-ci, il n’y a aucune raison de supposer que son analyse ne reflète pas la réalité telle qu’il l’a perçue à l’époque des faits. Il découle du caractère détaillé et de la teneur de ces documents que leur auteur était nécessairement impliqué dans l’élaboration d’une stratégie commerciale pour les tubes en acier au sein de Corus.

256
Ainsi, la description figurant dans ces deux documents, analysée ci-dessus, d’un accord conclu entre les producteurs européens et japonais en vue de limiter les ventes de ces derniers sur les marchés européens est fiable, nonobstant le caractère interne de ces documents.

257
Il convient de relever, de plus, que, devant le Tribunal, la Commission a fait valoir, sans être contredite par les requérantes japonaises et européennes, que la Note pour les présidents a été rédigée par Corus, mais que Mannesmann devait la présenter aux présidents des producteurs européens comme l’atteste l’indication manuscrite figurant sur sa première page selon laquelle elle serait reprise dans la présentation de « HN » (Hans Nolte de Mannesmann). Il résulte effectivement de cette circonstance que ce document exprime l’analyse collective d’au moins deux des producteurs européens plutôt que d’un seul, ce qui en fait un élément de preuve particulièrement probant.

258
Enfin, selon les requérantes japonaises, il est impossible de délimiter les produits exactement visés par les documents en anglais de 1993.

259
Il est exact que les passages du document « g) Japonais » qui font référence aux tubes à « 13 % [de] chrome » et « inoxydable » (« stainless »), de même que ceux des notes Entretien BSC et Réunion du 24.7.90 qui utilisent ces termes, ne sont pas pertinents en l’espèce, dès lors que la décision attaquée porte exclusivement sur les tubes et tuyaux en acier au carbone (considérant 28 de la décision attaquée). Toutefois, il y a lieu de relever que ces passages ne définissent pas de manière exclusive le champ d’application de l’accord de partage de marchés et ne sont dès lors pas incompatibles avec l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

260
Par ailleurs, la Note pour les présidents et le document « g) Japonais » contiennent plusieurs références aux tubes OCTG en général et il est logique de considérer que ces références comprennent aussi bien les tubes OCTG standard, visés par la décision attaquée, que les tubes OCTG premium. En effet, la Note pour les présidents propose des limitations pour les livraisons d’« OCTG et de tuyaux de transport sans soudure et soudés » (« seamless and welded OCTG and linepipe ») et le document « g) Japonais » se réfère au fait que « sur les tubes OCTG en général les J[aponais] ont accepté de limiter leurs ventes sur le [marché offshore du Royaume-Uni] à 15 % des affaires non contractuelles » (« [o]n OCTG in general J’s have agreed to limit their sales to the UKCS to 15 % of the non contract business ». De plus, la référence, dans la Note pour les présidents, à l’agression japonaise en ce qui concerne les « OCTG [sans soudure et soudés] et les tuyaux de transport soudés » (« OCTG [seamless and welded] and welded linepipe ») (voir point 247 ci-dessus) se rapporte nécessairement aux tubes OCTG standard, et non aux tubes OCTG premium, dès lors que, dans la phrase qui suit, l’auteur regrette l’absence de contrôle, notamment, des quantités de tubes OCTG premium livrées.

261
Dans la mesure où certains passages de ces documents, comme certaines des notes de Vallourec (voir point 237 ci-dessus ainsi que la référence à la note Entretien BSC au point 259 ci-dessus), impliquent que l’accord de partage des marchés sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée touchait, ou était susceptible de toucher, une gamme de produits plus large comprenant les tubes OCTG premium, cette circonstance ne les empêche nullement d’étayer l’existence de l’infraction plus limitée sanctionnée. Le fait que le statut des tubes OCTG premium au regard des Règles fondamentales ne ressort pas de manière claire et univoque desdits documents est sans pertinence, dès lors que ces produits ne sont pas concernés par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

262
En ce qui concerne les tuyaux de transport sans soudure, en revanche, les documents en anglais de 1993 sont plus ambigus. En effet, le premier passage, qui vise les livraisons d’« OCTG et de tuyaux de transport sans soudure et soudés », implique que les tuyaux de transport sans soudure devaient être couverts par les Règles fondamentales, alors que l’autre citation figurant au même point, qui vise les « OCTG [sans soudure et soudés] et les tuyaux de transport soudés », pourrait éventuellement être interprétée en ce sens que ces produits étaient exclus des accords illicites. Il y a lieu de conclure que ces deux documents sont ambigus et donc neutres par rapport à la question de savoir si les tuyaux de transport « projet » sans soudure étaient couverts par les Règles fondamentales. Les documents en anglais de 1993 ne sauraient dès lors corroborer les déclarations de M. Verluca par rapport à cet aspect spécifique de l’infraction, mais ne constituent pas non plus des éléments à décharge en ce qui concerne ces produits.

263
Dès lors, si le manque de clarté des deux documents en cause concernant les produits visés par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée réduit incontestablement leur force comme éléments de preuve, il n’y a pas lieu pour autant de les écarter entièrement. Il convient de rappeler, de nouveau, comme pour les notes de Vallourec (voir point 238 ci-dessus), que le fait qu’un document ne se réfère qu’à certains des faits évoqués dans d’autres éléments de preuve n’emporte pas la conséquence que la Commission ne peut l’invoquer pour corroborer d’autres preuves.

264
Il résulte de ce qui précède que les documents en anglais de 1993 corroborent les déclarations de M. Verluca à plusieurs égards et font partie à juste titre du faisceau d’indices concordants invoqué par la Commission dans la décision attaquée.

–     Document Système pour les tubes en acier

265
Ce document n’a pas été explicitement invoqué par la Commission dans la décision attaquée, mais, dans la mesure où les requérantes japonaises l’invoquent à décharge, il y a lieu de répondre à leurs arguments.

266
Il convient, tout d’abord, de relever que l’idée selon laquelle l’industrie européenne productrice de tubes en acier sans soudure était, à l’époque des faits, en cours de restructuration et que les producteurs européens se concertaient dans le but de contrôler cette restructuration n’est nullement incompatible avec la thèse de la Commission. En effet, les considérants 87 à 94 de la décision attaquée indiquent que la Commission a effectivement pris en compte l’incidence de la restructuration de l’industrie sidérurgique européenne.

267
Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée ainsi que des notes de Vallourec, examinées ci-dessus, que les producteurs européens ont examiné la restructuration de l’industrie européenne dans le contexte spécifique des Règles fondamentales, notamment dans l’optique des répercussions que cette restructuration était susceptible d’avoir sur leurs relations avec les producteurs japonais. En particulier, les producteurs européens craignaient que le marché du Royaume-Uni, notamment son important secteur offshore, ne soit plus respecté en tant que marché domestique par les producteurs japonais à la suite de la fermeture de l’usine de Corus à Clydesdale (voir points 170, 223 et 242 ci-dessus). En outre, dans la Note pour les présidents et dans le document « g) Japonais », il a été proposé que les producteurs européens tiennent compte de la possible fermeture de NTM dans le cadre de leurs négociations avec les producteurs japonais.

268
Dans ces conditions, la circonstance selon laquelle le document Système pour les tubes en acier utilise le terme anglais « fundamentals » dans le contexte d’une discussion portant sur la rationalisation de l’industrie communautaire ne signifie nullement que le concept des Règles fondamentales concernait ce processus et non l’accord de partage des marchés sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée. De même, il ne découle pas de ce document – qui expose que les relations entre les producteurs européens sont régies par les Règles fondamentales, sans faire mention des producteurs japonais – que les Règles fondamentales ne concernaient que l’Europe. En effet, cette omission s’explique par le fait que le document en question, lu dans son ensemble, a clairement pour objectif d’examiner les relations entre les producteurs communautaires. Il ne saurait dès lors en être déduit que, contrairement à ce qu’a affirmé M. Verluca dans la déclaration du 17 septembre 1996, telle que corroborée par d’autres éléments, les Règles fondamentales ne faisaient l’objet que de discussions intra-européennes.

269
À la lumière de ce qui précède, le document Système pour les tubes en acier ne saurait être considéré comme un élément à décharge en ce qui concerne l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE reprochée aux requérantes japonaises.

–     Document Clé de répartition (« sharing key »)

270
La Commission s’appuie, aux considérants 85 et 86 de la décision attaquée, sur un document, qui lui a été remis le 12 novembre 1997 par une personne tierce à la procédure, notamment pour étayer sa description de l’évolution des relations au sein du club Europe-Japon à partir de la fin de l’année 1993. La source dudit document serait, d’après l’informateur, un agent commercial de l’un des participants à ce club. Selon la Commission, ce document atteste que les contacts noués avec les producteurs d’Amérique latine ont été partiellement couronnés de succès et le tableau qui y figure indique la répartition des marchés mentionnés entre les producteurs européens, japonais et latino-américains. En particulier, ce document prévoit une part de marché de 100 % pour les producteurs européens en Europe et une part de marché de 100 % pour les producteurs japonais au Japon. En ce qui concerne les autres marchés, les producteurs européens auraient, notamment, une part de 0 % en Extrême-Orient, de 20 % au Moyen-Orient et de 0 % en Amérique latine.

271
JFE‑Kawasaki prétend que ce document est un élément de preuve irrecevable, dès lors qu’il n’est pas daté et que la Commission n’a divulgué ni l’identité de son auteur ni celle de la personne qui le lui a communiqué, de sorte qu’il est impossible pour les requérantes de connaître le contexte dans lequel il a été élaboré et les raisons pour lesquelles il a été communiqué à la Commission. Ce serait la première fois que la Commission aurait retenu l’existence d’une infraction à l’encontre d’entreprises sur la base d’un document non identifié.

272
Cet argument doit être rejeté.

273
Le principe qui prévaut en droit communautaire est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (conclusions du juge M. Vesterdorf faisant fonction d’avocat général sous l’arrêt Rhône‑Poulenc/Commission, point 56 supra. Par ailleurs, il peut être nécessaire pour la Commission de protéger l’anonymat des informateurs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, Rec. p. 3539, point 34) et cette circonstance ne saurait suffire à obliger la Commission à écarter une preuve en sa possession. Dès lors, si les arguments de JFE‑Kawasaki sont pertinents pour apprécier la crédibilité du document Clé de répartition, il n’y a pas lieu de considérer que celui-ci est une preuve irrecevable.

274
À cet égard, JFE‑Kawasaki s’accorde avec les autres requérantes japonaises pour affirmer que, à supposer même qu’il soit admissible en tant qu’élément de preuve, le document Clé de répartition n’est pas un élément à charge fiable, dès lors qu’il n’a pas été identifié de manière adéquate. Force est de constater, en effet, que la crédibilité de ce document est indéniablement réduite par le fait que le contexte entourant sa rédaction est largement inconnu et que les affirmations de la Commission à cet égard ne peuvent être vérifiées (voir point 270 ci-dessus).

275
Toutefois, dans la mesure où le document Clé de répartition contient des informations spécifiques qui correspondent à celles contenues dans d’autres documents, il y a lieu de considérer que ces éléments peuvent se renforcer mutuellement.

276
Il convient de relever, à cet égard, que la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 fait état d’une clé de répartition « initiale » applicable aux « appels d’offres internationaux » et visant les contrats conclus entre les producteurs japonais et européens, de sorte que l’existence d’une telle répartition dans le cadre du club Europe-Japon est établie de manière suffisante. De plus, il ressort du Compte rendu de l’entretien avec JF que Vallourec devait, pour rester « dans le cadre du système […] s’interdire le Far East, l’Amérique du Sud, se limiter au Moyen-Orient au point de partager 20 % du marché à 3 ». Lorsque la Commission a demandé à M. Verluca de commenter ces deux documents, ce dernier a indiqué qu’ils se rapportaient à une tentative de modifier, en 1993, les clés de répartition applicables pour tenir compte des ventes des producteurs d’Amérique latine ainsi que des « positions acquises » sur les différents marchés.

277
Les requérantes japonaises avancent plusieurs arguments supplémentaires à l’encontre de l’utilisation par la Commission du document Clé de répartition. D’abord, il porterait sur une gamme de produits sensiblement plus restreinte que celle visée par la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996. Il serait question, dans ce document, uniquement de la partie du marché des tubes OCTG sans soudure standard faisant l’objet d’appels d’offres généraux. Les requérantes japonaises relèvent, à cet égard, que la portée de la clé de répartition reprise dans ce document est limitée par la mention « appels d’offres généraux pour tubes sans soudure API » (« SMLS API OPEN TENDER »), alors que, selon la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, il n’y avait pas d’appels d’offres importants (« pas de gros Tenders ») en Europe pour les produits qu’elle visait. Le marché visé par cette clé de répartition serait donc inexistant selon M. Verluca.

278
À cet égard, il convient de relever d’abord que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, le document Clé de répartition se rapporte aux seuls tubes OCTG sans soudure et non aux tuyaux de transport. En effet, comme l’ont relevé les requérantes japonaises à l’audience, sans être contredites à cet égard par la Commission, les abréviations « C/S » et « T/B » utilisées deux fois dans ce document, qui visent, respectivement, les tubes constituant la colonne de cuvelage (« casing ») et les tubes constituant la colonne de production (« tubing »), se rapportent à deux éléments essentiels d’un tube OCTG, conformément à la description de ce produit figurant au considérant 29 de la décision attaquée, et se réfèrent donc nécessairement et exclusivement à ce produit.

279
Quant à la mention « appels d’offres généraux pour tubes sans soudure API » (« SMLS API OPEN TENDER ») dans le document Clé de répartition, il y a lieu de relever que l’affirmation, dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, suivant laquelle il n’y avait pas d’appels d’offres importants en Europe apparaît sous la section « 1.4 Autres marchés », alors que les marchés domestiques des membres du club Europe-Japon sont couverts par la section « 1.1 Marchés ‘domestiques’ », le « UK (offshore) » y étant expressément mentionné. Cette circonstance implique a priori que le terme « Europe » figurant sous la dite section 1.4 se rapporte à des marchés européens autres que les quatre marchés domestiques couverts par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, soit les marchés allemand, français, italien et britannique.

280
Toutefois, il y a lieu de reconnaître que cette référence à l’Europe est vague et dès lors ambiguë et que, si elle devait couvrir ces quatre marchés, contrairement à l’interprétation exposée au point précédent, il serait nécessaire de conclure que le document Clé de répartition ne peut étayer directement la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 par rapport à la situation existant sur ces quatre marchés. En effet, si ces marchés n’étaient pas concernés par des appels d’offres ouverts, force est de conclure que le document Clé de répartition ne saurait se rapporter à eux, dès lors qu’il vise les tubes sans soudure API faisant l’objet de tels appels d’offres. Par conséquent, cette ambiguïté, qu’il n’est pas possible de lever eu égard aux éléments du dossier et aux arguments des requérantes à ce sujet, réduit la valeur probante du document Clé de répartition aux fins de corroborer les déclarations de M. Verluca.

281
Par ailleurs, selon les requérantes japonaises, le document Clé de répartition contredit l’affirmation de M. Verluca, reprise dans le document Vérification auprès de Vallourec (au point 1.3), quant à la question de savoir si les producteurs d’Amérique latine ont répondu favorablement aux approches des producteurs européens à la fin de l’année 1993, ce qui remettrait en cause la fiabilité de ces deux éléments de preuve. En effet, la Commission a affirmé au considérant 86 de la décision attaquée, sur la base du document Clé de répartition, que « les contacts noués avec les latino‑américains ont été partiellement couronnés de succès » et reconnaît elle-même que cette affirmation est en contradiction avec l’affirmation de M. Verluca, reprise dans le document Vérification auprès de Vallourec, selon laquelle :

« Le club Europe-Japon n’incluait pas les producteurs sud-américains […] des contacts exploratoires ont eu lieu à la fin de 1993 avec ceux-ci dans le but d’aboutir à un équilibre reflétant les positions acquises (environ 20 % au Moyen‑Orient pour les Européens). Il est devenu, très rapidement, manifeste que ces essais ne pouvaient aboutir. »

282
Il convient de relever cependant que, d’après le document Clé de répartition, les producteurs latino-américains ont accepté la clé de répartition proposée « sauf pour le marché européen », sur lequel les marchés devraient être examinés « au cas par cas » dans un esprit de coopération. La Commission a donc conclu, au considérant 94 de la décision attaquée, que les producteurs d’Amérique latine n’avaient pas accepté que le marché européen soit réservé aux producteurs européens.

283
Il ressort des diverses notes de Vallourec ainsi que de la Note pour les présidents et du document « g) Japonais », examinés ci-dessus, que, du point de vue des producteurs européens, l’objectif essentiel de leurs contacts avec les producteurs japonais était la protection de leurs marchés domestiques, notamment le maintien du statut domestique du marché du Royaume-Uni après la fermeture par Corus de son usine à Clydesdale. Si la contradiction relevée au point 281 ci-dessus affaiblit certainement la valeur probante du document Clé de répartition ainsi que, dans une certaine mesure, celle des déclarations de M. Verluca, sa signification est fortement relativisée par la circonstance relevée au début du présent point. En effet, à supposer même que les producteurs d’Amérique latine aient accepté d’appliquer une clé de répartition sur d’autres marchés que le marché européen, force est de relever que les négociations avec ces producteurs ont substantiellement échoué du point de vue européen, de sorte que l’appréciation négative de M. Verluca quant à leur issue correspond effectivement au document Clé de répartition sur ce point crucial.

284
Il y a lieu de conclure que la contradiction entre les affirmations de M. Verluca dans une de ces déclarations et le document Clé de répartition, relevée par la Commission elle-même au considérant 86 de la décision attaquée, ne réduit pas substantiellement la crédibilité de ces deux éléments de preuve.

285
Enfin, les producteurs japonais font valoir que, dans le document Clé de répartition, ils ont émis une réserve par rapport à cette proposition, considérant que le champ d’application de la clé devait être élargi pour couvrir les tubes « ERW OCTG », qui seraient des tubes en acier soudés. La Commission aurait donc dû traiter les producteurs japonais de la même manière que les producteurs d’Amérique latine, vis-à-vis desquels elle a retiré ses griefs au motif qu’ils avaient également émis une réserve par rapport à la clé proposée, dans la mesure où celle‑ci concernait le marché européen, et qu’ils avaient réalisé des ventes importantes de tubes en acier en Europe. Il s’agirait donc d’une inégalité de traitement injustifiée et le retrait des griefs à l’égard des producteurs d’Amérique latine infirmerait donc la thèse de la Commission quant à l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée en ce qui concerne les requérantes japonaises.

286
Il suffit de rappeler à cet égard que, dans le document Vérification auprès de Vallourec, M. Verluca a affirmé que le « club Europe-Japon n’incluait pas les producteurs sud-américains ». La Commission s’étant principalement appuyée sur les déclarations de M. Verluca dans la décision attaquée pour établir la participation des producteurs japonais à une infraction, elle n’avait d’autre choix que d’exclure les producteurs d’Amérique latine du champ d’application de l’article 1er de celle-ci à la lumière de cette affirmation catégorique. En effet, il résulte de cette circonstance que les producteurs japonais et latino-américains n’étaient nullement dans une situation comparable en ce qui concerne les preuves existant à leur charge.

287
En toute hypothèse, il y lieu de relever que la « réserve » émise par les producteurs japonais selon le document Clé de répartition n’est pas de la même nature que celle émise par les producteurs d’Amérique latine. En effet, selon le document Clé de répartition, ces derniers ont refusé l’application automatique de la clé de répartition au marché européen, tandis que les producteurs japonais ont proposé d’inclure les tubes « ERW », soit des tubes soudés, dans la clé de répartition retenue dans le but de rendre l’accord plus clair (« to avoid gray area »). Force est de constater que, si la réserve des producteurs d’Amérique latine prive le document Clé de répartition d’une grande partie de sa force probante à leur charge concernant l’existence d’une infraction sur le marché communautaire, il n’en est nullement de même s’agissant des producteurs japonais. Ainsi, la situation des producteurs japonais était objectivement différente de celle des producteurs d’Amérique latine.

288
À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le document Clé de répartition conserve une certaine valeur probante pour corroborer, dans le cadre d’un faisceau d’indices concordants retenu par la Commission, certaines des affirmations essentielles figurant dans les déclarations de M. Verluca par rapport à l’existence d’un accord de partage des marchés affectant les tubes OCTG sans soudure. En effet, il ressort de cet élément de preuve que les producteurs japonais, d’une part, et les producteurs européens, d’autre part, ont accepté le principe selon lequel ils ne devaient pas vendre certains tubes en acier sans soudure sur le marché domestique des autres producteurs dans le cadre d’appels d’offres « ouverts ». Ce document confirme également l’existence d’une clef de répartition des marchés dans différentes régions du monde et renforce dès lors la crédibilité des déclarations de M. Verluca dans la mesure où celles-ci font également référence à cette notion.

–     Réponses des producteurs européens

289
La Commission invoque à charge également, dans la décision attaquée, les réponses à ses demandes de renseignements fournies par Mannesmann, Dalmine et Corus, respectivement, aux considérants 63, 65 et 66 de celle-ci.

290
En particulier, selon la réponse du 22 avril 1997 de M. Becher, employé de Mannesmann, les Règles fondamentales concernaient les tubes OCTG et tuyaux de transport « projet » et signifiaient que « les producteurs japonais dans ces secteurs ne pouvaient pas pénétrer sur des marchés européens [in europäische Märkte], les producteurs européens ne devant, quant à eux, pas livrer leurs produits au Japon ». Corus a indiqué dans sa réponse du 31 octobre 1997, reprise à la page 11932 du dossier de la Commission, à propos du club Europe-Japon, que des producteurs japonais et européens de tubes OCTG sans soudure en étaient membres et que, « [d]ans la pratique, les marchés nationaux étaient réservés en priorité aux producteurs locaux ». Dans sa réponse du 4 avril 1997, Dalmine a admis qu’il y avait eu des contacts entre les producteurs européens et japonais en affirmant que ceux-ci « portaient sur les exportations de tubes (notamment ceux destinés à l’industrie pétrolière) dans des zones autres que la CE (Russie et Chine) et ils étaient également destinés à limiter les exportations de tubes vers la CE après la fermeture des usines de [Corus] et, par conséquent, à protéger l’industrie communautaire des tubes sans soudure ».

291
Il convient de relever, en outre, que la réponse de Mannesmann du 22 avril 1997 est également citée au considérant 74 de la décision attaquée dans le cadre de la description des marchés des pays tiers. Le passage pertinent est libellé comme suit :

« Pour les autres marchés faisant l’objet d’appels d’offres mondiaux, les livraisons respectives des Japonais et des Européens étaient déterminées à l’avance. À l’époque, ce procédé était qualifié par les termes ‘clé de répartition’ (sharing key). Apparemment, il s’agissait de maintenir les parts de marché historiques des différents producteurs. »

292
Selon les requérantes japonaises, les producteurs européens avaient un intérêt évident à « limiter les dégâts » face à l’enquête de la Commission, notamment en admettant l’existence d’un accord avec les producteurs japonais dans le but de détourner l’attention de la Commission de la véritable signification des Règles fondamentales, qui visaient un partage des marchés européens entre producteurs européens, infraction beaucoup plus grave que celle retenue à l’article 1er de la décision attaquée et dont l’existence avérée aurait entraîné des amendes plus lourdes pour elles. Ainsi, dans la mesure où certaines de leurs réponses aux questions de la Commission font état d’une participation japonaise à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, elles ne seraient pas dignes de foi.

293
À cet égard, il convient de rappeler que le fait pour les producteurs européens d’avoir admis l’existence d’un accord de partage des marchés avec les producteurs japonais ne servait pas nécessairement à dissimuler l’existence d’un accord de partage des marchés européens entre eux (voir point 214 ci-dessus). Il est invraisemblable que les producteurs européens aient inventé des accords illicites avec les producteurs japonais afin de dissimuler l’existence d’un cartel intra-européen, pour les raisons exposées au point 214 ci-dessus. En toute hypothèse, il y a lieu de relever à cet égard que, dans sa réponse du 29 mai 1997, reprise à la page 15162 du dossier de la Commission, qui complète les informations fournies dans sa réponse du 4 avril 1997, Dalmine fait état aussi bien de contacts avec les producteurs japonais que de réunions entre les seuls producteurs européens. Pour sa part, Corus n’a pas limité son affirmation quant à la protection des marchés aux seules relations entre les producteurs japonais et européens (voir point 290 ci‑dessus).

294
En ce qui concerne la réponse fournie par Mannesmann, les requérantes japonaises relèvent que son auteur, M. Becher, n’avait pas personnellement connaissance, selon sa propre déclaration, des circonstances qu’il commentait, dès lors qu’il n’est devenu dirigeant de Mannesmann qu’en avril 1995. Son témoignage ne serait donc pas d’une grande valeur probante et serait même irrecevable selon JFE‑NKK.

295
À cet égard, il y a lieu tout d’abord de relever sur le plan factuel que, si M. Becher n’est devenu dirigeant de Mannesmann qu’en avril 1995, le représentant de cette société a affirmé, à l’audience, qu’avant cette date il avait occupé d’autres fonctions au sein de ladite société.

296
Il y a lieu de rappeler ensuite la jurisprudence citée au point 205 ci-dessus, suivant laquelle les réponses données au nom d’une entreprise en tant que telle sont revêtues d’une crédibilité surpassant celle que pourrait avoir la réponse donnée par un membre de son personnel, quelle que soit l’expérience ou l’opinion personnelles de ce dernier (arrêt LR AF 1998/Commission, point 205 supra, point 45). Il ressort de manière explicite du point 45 de l’arrêt LR AF 1998/Commission, précité, que la valeur probante en tant qu’élément à charge de la réponse en cause dans cette espèce, à l’encontre d’une société tierce, n’était aucunement affectée par le fait que la personne qui l’avait signée au nom de la société concernée n’avait pas été présente à la réunion dont il était question, ni même membre de son personnel à ce moment-là.

297
En effet, lorsque, comme dans le cas d’espèce en ce qui concerne Mannesmann, une personne n’ayant pas de connaissance directe des circonstances pertinentes fait une déclaration en tant que représentant d’une société, par laquelle elle reconnaît l’existence d’une infraction dans le chef de celle-ci ainsi que dans celui d’autres entreprises, elle s’appuie nécessairement sur des informations fournies par sa société et, en particulier, par des employés de celle-ci ayant une connaissance directe des pratiques en question. Ainsi que cela a été relevé au point 211 ci-dessus, les déclarations allant à l’encontre des propres intérêts de son auteur doivent, en principe, être considérées comme probantes et il convient dès lors d’attribuer un poids considérable à la déclaration de M. Becher en l’espèce.

298
L’argumentation tirée par JFE‑NKK de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Rhône-Poulenc/Commission et, plus particulièrement, des conclusions du juge M. Vesterdorf, faisant fonction d’avocat général, sous celui-ci, point 56 supra, doit être rejetée. Dans ces conclusions, le juge M. Vesterdorf a relevé que les témoignages de personnes ayant une connaissance des faits sont, en principe, d’une valeur probante particulièrement élevée (Rec. p. II‑956 et II‑957).

299
Il n’y a pas lieu d’en déduire que la déclaration faite au nom d’une société par son dirigeant, à la charge de celle-ci ainsi qu’à celle d’autres entreprises, est d’une valeur probante limitée du fait qu’il n’a pas une connaissance directe des faits. A fortiori, il n’y a aucune raison de rejeter un tel élément de preuve comme irrecevable.

300
En l’espèce, ainsi que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt LR AF 1998/Commission, point 205 supra, la déclaration en question constitue effectivement la reconnaissance d’une infraction dans le chef de la société que l’auteur représente.

301
En outre, les requérantes japonaises soutiennent que la Commission ne peut considérer la réponse de Mannesmann comme un élément de preuve fiable dans la mesure où elle confirme l’existence d’un accord entre les producteurs européens et japonais, alors qu’elle ne s’y fie pas dans la mesure où la même réponse nie l’existence d’un accord visant au respect du marché national de chaque producteur européen par les autres producteurs européens.

302
Il est vrai que la circonstance selon laquelle M. Becher a nié l’existence d’un volet intra-européen des Règles fondamentales au sens d’une obligation de respect mutuel des marchés domestiques entre les producteurs européens affaiblit sa déclaration, dans une certaine mesure, en tant qu’élément de preuve permettant de corroborer les déclarations de M. Verluca. Toutefois, il y a lieu de relever que M. Becher a confirmé l’existence d’un accord de partage des marchés entre les producteurs européens et japonais pour les tubes OCTG et tuyaux de transport « projet » de manière univoque (voir point 290 ci-dessus). Ainsi, sa déclaration corrobore celles de M. Verluca en ce qui concerne cet aspect de l’infraction et, partant, en ce qui concerne le fait que les requérantes japonaises ont été parties à un accord de partage des marchés aux termes duquel elles acceptaient de ne pas commercialiser les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet » sur les marchés communautaires. La circonstance selon laquelle la déclaration de Mannesmann n’exclut pas de l’accord qu’il décrit les tubes OCTG premium est sans pertinence pour les raisons exposées au point 261 ci-dessus. Enfin, la valeur probante de la déclaration de Mannesmann est, en l’espèce, encore renforcée par le fait qu’elle corrobore également celles de M. Verluca quant à l’existence d’une clé de répartition concernant l’attribution d’appels d’offres internationaux sur des marchés de pays tiers (voir point 291 ci-dessus).

303
Les requérantes relèvent que Dalmine, dans ses réponses à la Commission du 4 avril 1997 et du 29 mai 1997, a souligné que ses discussions avec les producteurs japonais avaient porté essentiellement sur des marchés de pays tiers, tels que les marchés russe et chinois. Il convient d’observer d’emblée que, selon les termes du passage de la réponse du 4 avril 1997 cité ci-dessus, ces discussions ont porté également sur la protection des marchés communautaires (voir point 290 ci‑dessus). En toute hypothèse, il y a lieu de considérer que les affirmations invoquées à cet égard par les requérantes japonaises ont un poids très limité précisément pour la raison avancée par les requérantes japonaises elles-mêmes (voir point 292 ci-dessus), à savoir que Dalmine voulait « limiter les dégâts ». Considérant qu’elle était dans l’impossibilité de nier le fait qu’elle avait eu des contacts avec les producteurs japonais ainsi qu’avec les autres producteurs européens, Dalmine a cherché à présenter ces contacts d’une manière qui ôtait ou minimisait, autant que possible, leur caractère infractionnel au regard du droit communautaire.

304
Ainsi, les deux réponses de Dalmine, notamment le passage de celle du 4 avril 1997 cité au considérant 65 de la décision attaquée (voir point 290 ci-dessus), corroborent les déclarations de M. Verluca quant à la réalité de contacts entre les producteurs européens et japonais visant à répartir certains marchés géographiques entre eux, notamment à interdire les ventes japonaises de tubes sur les marchés communautaires.

305
Quant à la réponse fournie par Corus le 31 octobre 1997, les requérantes japonaises relèvent que, dans une lettre du 30 mars 1999, Corus a clairement indiqué qu’aucune de ses déclarations ne devait être interprétée en ce sens qu’elle impliquait l’existence d’un accord entre producteurs européens et japonais. En réponse à l’argument de la Commission selon lequel il est question, dans la lettre du 30 mars 1999, de la procédure concernant les tubes soudés, les requérantes japonaises relèvent que la déclaration ainsi clarifiée avait été formulée par Corus dans les mêmes termes exactement que celle fournie dans le cadre de la procédure concernant les tubes sans soudure.

306
Il est exact que l’absence, dans le cadre de la procédure relative aux tubes sans soudure (Affaire IV/E-1/35.860-B), d’une lettre analogue à celle envoyée dans le cadre de la procédure relative aux tubes soudés (Affaire IV/E-1/35.860-A) est bizarre, ce qui pourrait porter à croire qu’il s’agit d’une omission plutôt que d’une prise de position volontairement différente dans une affaire par rapport à l’autre.

307
Cependant, les affirmations contenues dans la lettre du 30 mars 1999, selon lesquelles la réponse du 31 octobre 1997 ne fait pas référence à l’existence d’un accord et n’est pas censée pouvoir être interprétée comme un aveu à cet égard, sont insuffisantes, en toute hypothèse, pour expliquer le sens de cette réponse. En l’absence d’une explication très convaincante du sens qu’il convient de donner aux termes « en pratique, les marchés domestiques étaient réservés au producteur national en premier lieu » et compte tenu du fait que ces termes sont insérés dans un paragraphe qui porte sur l’objet des réunions du club Europe-Japon, cette affirmation constitue un élément de preuve très pertinent.

308
Ainsi, le fait, à le supposer exact, que Corus ait voulu, dans une lettre envoyée à la Commission plus d’un an après, limiter la portée de son affirmation relative au partage des marchés ne réduit guère la valeur probante de celle-ci. Il y a donc lieu de considérer que la réponse de Corus corrobore également les déclarations de M. Verluca quant à l’existence d’un accord de partage des marchés pour les tubes OCTG dans le cadre du club Europe-Japon.

–     Déposition de M. Biasizzo

309
La Commission invoque également, au considérant 64 de la décision attaquée, une déposition du 1er juin 1995 faite par un ancien employé de Dalmine, M. Biasizzo, devant le procureur de la République de Bergame (Italie), dans le cadre d’une enquête en matière de corruption. Il ressort de cette déposition qu’il existait des « clubs de producteurs (cartels) » qui se réunissaient deux fois par an : une fois en Europe, une fois au Japon. Selon M. Biasizzo, chaque producteur avait le droit de remporter tous les appels d’offres sur son marché domestique et il aurait été convenu que les autres producteurs proposaient toujours des prix plus élevés que ceux du producteur national, de 8 à 10 %, règle qui était rigoureusement appliquée.

310
Selon les requérantes japonaises, cette déposition de M. Biasizzo n’est pas digne de foi, ayant été faite sous la contrainte, dans un contexte dans lequel son auteur avait un intérêt à expliquer pourquoi Dalmine emportait tous les marchés publics d’Agip autrement que par référence aux pratiques malhonnêtes qui faisaient l’objet de l’enquête ouverte à son égard.

311
Il y a lieu de relever que, dans sa déposition, M. Biasizzo a affirmé que c’était lui‑même qui avait proposé la pratique consistant à étendre les paiements indus aux employés d’Agip. Par ailleurs le rôle de ces paiements, selon M. Biasizzo, était de faciliter les phases ultérieures de l’exécution du marché, une fois que Dalmine avait déjà remporté celui-ci, conformément à l’accord illicite. Dans ces conditions, force est de constater que le contenu de la déposition de M. Biasizzo est incompatible avec l’explication selon laquelle celui-ci cherchait à dissimuler sa participation à des pratiques illicites en attribuant le pouvoir de Dalmine sur le marché italien à un accord inexistant. L’argumentation des requérantes japonaises à cet égard doit, dès lors, être rejetée.

312
De plus, la circonstance selon laquelle ces dépositions ont été faites devant le procureur de la République de Bergame dans le cadre d’une enquête judiciaire renforce, plutôt qu’elle ne réduit, leur valeur probante, contrairement à ce qu’affirment les requérantes japonaises. En effet, si une déposition faite devant un procureur n’a certes pas la même valeur qu’un témoignage fait sous serment devant une juridiction, il convient de considérer que la contrainte, résultant des pouvoirs d’enquête dont dispose un procureur, et les conséquences négatives pouvant découler sur le plan pénal pour un déposant qui aurait menti dans le cadre d’une enquête sont des circonstances qui rendent une telle déposition plus fiable qu’une simple déclaration.

313
Selon les requérantes japonaises, la référence faite aux appels d’offres sur le marché italien, dans la déposition de M. Biasizzo, est incompatible avec l’affirmation contenue dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, selon laquelle il n’y avait pas d’appels d’offres importants sur les marchés européens.

314
À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’affirmation, dans la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, suivant laquelle il n’y avait pas d’appels d’offres importants en Europe apparaît sous la section 1.4 de celle-ci intitulée « Autres marchés » (« OPEN TENDERS ») et sous la mention « appels d’offres généraux pour tubes sans soudure API », alors que les marchés domestiques des membres du club Europe-Japon sont couverts par la section 1.1. intitulée « Marchés domestiques », ce qui implique a priori que le terme « Europe » repris dans ladite section 1.4 se rapporte à des marchés européens autres que les quatre marchés domestiques couverts par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée (voir points 279 et 280 ci-dessus).

315
De plus, M. Biasizzo décrivait la situation existant sur le seul marché italien et il est donc possible de distinguer entre les appels d’offres internationaux importants (les « gros tenders »), qui ne concernaient pas les marchés européens selon M. Verluca, y compris, le cas échéant, les marchés domestiques des quatre producteurs européens, et ceux organisés par Agip sur le marché italien. La première phrase de la section 1.4 de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, aux termes de laquelle « [l]es grosses affaires faisant l’objet d’appels d’offres internationaux (« OPEN TENDERS ») étaient partagées sur la base d’une clef de répartition », conforte également cette thèse dans la mesure où elle souligne la taille importante et le caractère international des appels d’offres en cause dans cette section de la déclaration.

316
Certes, la référence aux appels d’offres sur le marché italien réduit dans une certaine mesure la valeur probante de la déposition de M. Biasizzo aux fins de corroborer les déclarations de M. Verluca. Force est de constater que, au mieux, la description de M. Biasizzo du mode de répartition des contrats sur le marché italien ne trouve aucun écho dans lesdites déclarations et que, au pire, elle les contredit.

317
Toutefois, il a lieu de rappeler, de nouveau, que la Commission n’était pas tenue de prouver par quel mécanisme spécifique un partage des marchés devait être réalisé pour autant que le but anticoncurrentiel de l’accord illicite ait été établi de manière suffisante (voir point 203 ci-dessus). Ainsi, en l’espèce, l’absence de concordance totale entre les déclarations de M. Verluca et la déposition de M. Biasizzo par rapport au mode d’application des Règles fondamentales sur les marchés domestiques des membres du club Europe-Japon ne fait que réduire, dans une mesure limitée, la valeur probante de ces éléments, dès lors que la déposition de M. Biasizzo corrobore les déclarations de M. Verluca en ce qui concerne d’autres aspects significatifs de l’accord reproché (voir également point 334 ci‑après).

318
En outre, les requérantes japonaises relèvent que, dans une déposition ultérieure intitulée « Commentaires sur mes dépositions », M. Biasizzo a énuméré tous les avantages économiques objectifs dont bénéficiait un producteur local de tubes en acier sur son marché national vis-à-vis des producteurs étrangers et il n’aurait plus fait allusion à un accord international.

319
Il y a lieu de relever à cet égard que, selon une jurisprudence constante, il découle du texte même de l’article 81, paragraphe 1, CE que les accords entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel (voir point 181 ci-dessus et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que le fait pour M. Biasizzo d’avoir énuméré les avantages économiques objectifs dont bénéficiait un producteur local de tubes d’acier sur son marché national ne constitue pas un élément à décharge dans les circonstances du cas d’espèce et ne relativise donc pas la valeur probante de sa déposition initiale.

320
Quant à la prétendue absence d’une nouvelle référence explicite, dans le document Commentaires sur mes dépositions, à l’existence d’un accord international, il convient de relever que cette circonstance est également sans pertinence dès lors que M. Biasizzo n’est nullement revenu sur ce qu’il avait dit à ce sujet dans sa déposition initiale. Au contraire, M. Biasizzo a fait allusion de nouveau à l’existence d’un tel accord dans le document Commentaires sur mes dépositions, dès lors qu’il a confirmé que la position forte de Dalmine sur le marché italien résultait, entre autres facteurs, de l’« influence exercée par chaque producteur, sur ses propres marchés, sur les autres producteurs » (« l’influenza che ogni produttore ha, per le sue aree di mercato, nei confronti degli altri produttori »). M. Biasizzo a même renvoyé, à cet égard, à la description faite dans sa déposition initiale, en relevant que « [l]e système dans son ensemble se bas[ait] sur le respect d’un équilibre fondé sur les parts de marché historiques [...] comme [il] l’[avait] déjà dit plusieurs fois dans [sa déclaration] » (« Tutto il sistema è basato sul rispetto di equilibri consolidati da quote storiche […] come già ho detto più volte nel corso del mio memoriale »).

321
Par ailleurs, étant donné que les requérantes japonaises ont mis en cause la fiabilité de la déposition de M. Biasizzo, il convient de relever que celle-ci est corroborée par d’autres dépositions faites par les collègues de M. Biasizzo, figurant au dossier de la Commission et invoquées par celle-ci devant le Tribunal, mais qui ne sont pas citées dans la décision attaquée. En particulier, il ressort de la déposition de M. Jachia du 5 juin 1995, reprise à la page 8220 ter 6 du dossier de la Commission, qu’il existait un accord « pour respecter les zones appartenant aux différents opérateurs » et de celle de M. Ciocca du 8 juin 1995, reprise à la page 8220 ter 3 du dossier de la Commission, qu’une « entente de fabricants de tubes opère à l’échelle mondiale ». De même, il ressort de la réponse de Dalmine du 29 mai 1997 que M. Biasizzo a assisté au moins une fois à une réunion avec les producteurs japonais au Japon, de sorte qu’il avait une connaissance directe de l’existence et des termes de l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée.

322
Enfin, selon les requérantes japonaises, les deux déclarations de M. Biasizzo ne précisent pas quels étaient les produits concernés par l’accord auquel celui-ci fait référence.

323
Il convient de rappeler de nouveau, à cet égard, que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre avec précision et concordance aux déclarations de M. Verluca par rapport à chaque élément de l’infraction (voir point 180 ci-dessus). En effet, il suffit qu’une pièce atteste des éléments significatifs de l’accord décrit par M. Verluca pour avoir une certaine valeur à titre d’élément de corroboration dans le cadre du faisceau de preuves à charge (voir point 220 ci-dessus). En toute hypothèse, sans qu’il soit besoin de résoudre le différend entre les parties quant à la période précise pendant laquelle M. Biasizzo a été responsable des ventes des deux types de produits visés dans la décision attaquée, il est constant en l’espèce qu’il a été responsable des ventes réalisées par Dalmine des tubes OCTG pendant une partie importante de la période d’infraction retenue, ainsi que des ventes des tuyaux de transport pendant au moins plusieurs mois au cours de cette période, de sorte qu’il avait une connaissance directe des faits qu’il décrivait.

324
Il y a lieu de conclure, à cet égard, que la déposition de M. Biasizzo corrobore les déclarations de M. Verluca par rapport à l’existence de l’accord de partage des marchés domestiques décrit par ce dernier. Plus spécifiquement, cet élément de preuve confirme que les marchés domestiques de chaque producteur devaient être respectés par les autres membres du club et que ce principe a été établi à l’occasion des réunions qui avaient lieu deux fois par an, une fois en Europe et une fois au Japon, auxquelles les requérantes japonaises ont envoyé des représentants (voir points 192 à 196 ci-dessus).

325
Il convient de relever, en outre, que, dans sa réponse du 7 novembre 1997 à une demande de renseignements, reprise à la page 14451 du dossier de la Commission, mentionnée à la note en bas de page n° 41 de la décision attaquée, JFE‑NKK reconnaît que les producteurs européens lui ont demandé de respecter leurs marchés domestiques à l’occasion des réunions du club Europe-Japon (« We recall that other (European) mills requested that JFE respect their home markets »). Toutefois, JFE‑NKK nie avoir répondu favorablement à cette demande (« However we were neither bound by nor did we respect such requests »).

326
Force est de constater, d’abord, que cette réponse de JFE‑NKK confirme que les discussions tenues lors des réunions du club Europe-Japon ont non seulement porté sur des marchés de pays tiers, mais aussi sur les marchés communautaires, conformément à la description de celles-ci figurant dans les déclarations de M. Verluca.

327
Il convient de rappeler, par ailleurs, que, selon une jurisprudence bien établie, dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré qu’elle participe à l’entente en question (voir arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II-1711, point 232 ; du 10 mars 1992, Solvay/Commission, T‑12/89, Rec. p. II-907, point 98 ; du 6 avril 1995, Tréfileurope/Commission, T‑141/89, Rec. p. II-791, points 85 et 86, et Ciment, point 66 supra, point 1353).

328
La jurisprudence mentionnée au point 327 ci-dessus n’est pas directement applicable à la situation de JFE‑NKK, dès lors que, dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts cités, l’existence de l’infraction dans le chef d’autres entreprises avait été établie et la seule question subsistant encore était celle de la participation de l’entreprise passive à cette infraction.

329
Toutefois, le principe selon lequel une entreprise qui participe à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel donne à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente qui en résulte et qu’elle s’y conformera, dès lors qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, et participe de ce fait à une infraction, est susceptible de s’appliquer en l’espèce. La participation de JFE‑NKK auxdites réunions est d’autant plus avérée en l’espèce qu’elle reconnaît qu’une demande spécifique visant au respect des marchés communautaires lui a été adressée dans le cadre de ces réunions. Ainsi, la réponse de JFE‑NKK constitue un élément de preuve particulièrement probant permettant de corroborer les déclarations de M. Verluca quant au fait que cette société a participé à une entente avec les quatre producteurs européens.

330
Il y a lieu de relever, en outre, que les trois autres producteurs japonais ont participé aux mêmes réunions du club Europe-Japon que JFE‑NKK. Or, il est inconcevable, vu le mode de fonctionnement et les objectifs du club Europe-Japon, ainsi que l’attestent les documents examinés ci‑dessus, que les producteurs européens se soient bornés à demander à JFE‑NKK, et non aux autres producteurs japonais qui étaient membres du club, qu’elle respecte leurs marchés domestiques. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la réponse de JFE‑NKK confirme également la participation des trois autres producteurs japonais à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

331
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le faisceau d’indices invoqué par la Commission suffit largement à corroborer les déclarations de M. Verluca par rapport au fait que les producteurs japonais et européens ont effectivement conclu, dans le cadre du club Europe-Japon décrit par celui-ci, un accord de partage des marchés concernant certains tubes en acier sans soudure, aux termes duquel chaque producteur devait notamment s’abstenir de vendre les produits concernés sur le marché domestique de chacun des autres membres du club.

332
Il ne ressort pas clairement de la plupart des éléments constituant ledit faisceau d’indices quels étaient les tubes en acier sans soudure qui étaient visés par ce partage, mais il en ressort de manière univoque que, parmi les produits visés, figuraient les tubes OCTG standard. En effet, les références spécifiques à ces produits dans les notes Réflexions stratégiques et Réflexions sur le contrat VAM, dans le document Clé de répartition et dans la réponse de Mannesmann, ainsi que celles aux tubes OCTG en général, sans autre précision, dans d’autres documents invoqués par la Commission corroborent de manière adéquate et claire les déclarations de M. Verluca par rapport au fait que les Règles fondamentales concernaient ces produits.

333
En ce qui concerne les tuyaux de transport « projet », un seul élément de preuve, la réponse de Mannesmann faite par M. Becher, conforte de manière univoque l’affirmation de M. Verluca selon laquelle l’accord illicite concernait également les tuyaux de transport « projet ». Toutefois, étant donné le caractère particulièrement probant de cette réponse, circonstance relevée aux points 294 à 302 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’elle suffit à corroborer les déclarations de M. Verluca, déjà très fiables en elles-mêmes (voir points 205 à 207 ci-dessus) par rapport à ces produits.

334
En toute hypothèse, il a déjà été jugé que, si le faisceau d’indices concordants, invoqué par la Commission, permet d’établir l’existence et certains aspects spécifiques de l’accord de partage des marchés évoqué par M. Verluca et retenu à l’article 1er de la décision attaquée, les déclarations de ce dernier pourraient suffire à elles seules, dans cette hypothèse, pour attester d’autres aspects de la décision attaquée, conformément à la règle tirée de l’arrêt Ciment, point 66 supra (point 1838), et invoquée par la Commission (voir points 204 et 220 ci-dessus). Or, il a déjà été constaté, aux points 330 et 332 ci-dessus, que le faisceau d’indices invoqué par la Commission suffit à corroborer les déclarations de M. Verluca à plusieurs égards, et notamment en ce qui concerne les tubes OCTG standard.

335
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que M. Verluca a clairement dit la vérité dans ses déclarations et, partant, que ces déclarations suffisent, en tant qu’éléments de preuve, à établir que l’accord de partage des marchés domestiques des membres du club Europe-Japon a couvert non seulement les tubes OCTG standard, ainsi que l’attestent plusieurs autres éléments de preuve, mais également les tuyaux de transport « projet ». En effet, il n’y a aucune raison de supposer que M. Verluca, qui avait une connaissance directe des faits, ait fait des affirmations inexactes par rapport aux tuyaux de transport, alors que d’autres éléments de preuve corroborent ses affirmations concernant l’existence de l’accord et son application aux tubes OCTG standard.

336
Enfin, à supposer même que les requérantes japonaises aient pu faire naître un doute quant aux produits spécifiques couverts par l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée, ce qui n’a pas été démontré, il y a lieu de relever que si celle-ci, prise dans son ensemble, fait apparaître que l’infraction retenue a porté sur un type particulier de produits et mentionne les éléments de preuve au soutien d’une telle conclusion, le fait que cette décision ne contient pas une énonciation précise et exhaustive de tous les types de produits couverts par l’infraction ne saurait suffire, à lui seul, pour justifier son annulation (voir, par analogie, dans le contexte d’un moyen tiré d’un défaut de motivation, arrêt Gruber + Weber/Commission, point 203 supra, point 214). Si tel n’était pas le cas, une entreprise pourrait échapper à toute sanction malgré le fait que la Commission avait établi avec certitude qu’elle avait commis une infraction dans des circonstances où l’identité des produits spécifiques, visés parmi une gamme de produits similaires commercialisés par l’entreprise en cause, n’aurait pas été établie.

337
À cet égard, la jurisprudence relative à la définition adéquate du marché, invoquée par JFE‑NKK (voir point 101 ci-dessus et arrêt SIV e.a./Commission, point 57 supra), est sans pertinence, dès lors qu’elle se rapporte à la situation dans laquelle la Commission retient une infraction sur la base des effets anticoncurrentiels du comportement des entreprises en cause, alors qu’en l’espèce l’objet anticoncurrentiel de l’accord illicite est établi sur la base de preuves documentaires.

–     Durée de l’infraction

338
En ce qui concerne la durée de l’infraction, il y a lieu de relever d’abord que la Commission a constaté, au considérant 108 de la décision attaquée, qu’elle aurait pu retenir l’existence de l’infraction à partir de 1977, mais qu’elle a choisi de ne pas le faire en raison de l’existence des accords d’autolimitation. Ainsi, à l’article 1er de la décision attaquée, elle n’a retenu l’existence de l’infraction qu’à partir de 1990.

339
Il s’ensuit que les requérantes japonaises se méprennent lorsqu’elles soutiennent que la Commission a retenu l’existence d’une infraction uniquement à partir de 1990 dans la décision attaquée au motif qu’elle considérait que l’existence des accords d’autolimitation s’opposait à ce que les requérantes japonaises exportent leurs tubes en acier vers la Communauté. Toutefois, la position de la Commission dans la présente affaire, selon laquelle elle a retenu l’existence de l’infraction à partir de 1977 tout en n’en tenant compte aux fins de la fixation de l’amende qu’à partir de 1990, ne correspond pas non plus aux termes de ladite décision, et notamment à l’article 1er de celle-ci.

340
Il y a lieu de relever, à cet égard, que, dans les présentes affaires, la Commission n’a pas invité le Tribunal à retenir l’existence d’une infraction avant 1990. De plus, si la Commission relève dans ses mémoires que le fait qu’elle n’a pas retenu l’existence d’une infraction pour la période pendant laquelle les accords d’autolimitation étaient en vigueur constitue une concession envers les destinataires de la décision attaquée qu’elle n’était pas obligée de faire, elle ne soutient pas devant le Tribunal qu’il y a lieu de remettre en cause cette concession dans le cadre de la présente procédure.

341
Il s’ensuit que l’examen du Tribunal ne doit pas porter sur la légalité ou l’opportunité de ladite concession, mais uniquement sur la question de savoir si la Commission, l’ayant faite de manière expresse dans les motifs de la décision attaquée, l’a correctement appliquée en l’espèce. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que la Commission doit apporter des preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise, dès lors que la charge de la preuve quant à l’existence de l’infraction, et, partant, à sa durée, lui incombe (voir points 177 à 179 ci-dessus et la jurisprudence citée).

342
Ainsi, étant donné qu’il s’agit d’accords conclus sur le plan international, entre le gouvernement japonais, représenté par le ministère de l’Industrie et du Commerce extérieur, et la Communauté, représentée par la Commission, il y a lieu de constater que cette dernière aurait dû conserver la documentation confirmant la date à laquelle lesdits accords ont pris fin, conformément au principe de bonne administration. Partant, elle aurait dû être en mesure de produire cette documentation devant le Tribunal. Toutefois, la Commission a affirmé devant le Tribunal qu’elle avait cherché dans ses archives, mais qu’elle ne pouvait produire des documents attestant de la date de cessation de ces accords.

343
Si, d’une manière générale, une partie requérante ne peut transférer la charge de la preuve à la partie défenderesse en se prévalant de circonstances qu’elle n’est pas en mesure d’établir, la notion de charge de la preuve ne saurait être appliquée au bénéfice de la Commission en l’espèce en ce qui concerne la date de cessation des accords internationaux qu’elle a conclus. L’incapacité inexplicable de la Commission à produire des éléments de preuve relatifs à une circonstance qui la concerne directement prive le Tribunal de la possibilité de statuer en connaissance de cause en ce qui concerne la date de cessation desdits accords. Il serait contraire au principe de bonne administration de la justice de faire supporter les conséquences de cette incapacité de la Commission aux entreprises destinataires de la décision attaquée, qui, à la différence de l’institution défenderesse, n’étaient pas en mesure d’apporter la preuve qui fait défaut.

344
Dans ces conditions, il y a lieu de considérer, à titre exceptionnel, qu’il incombait à la Commission d’apporter la preuve de cette cessation. Or, force est de constater que la Commission n’a pas apporté la preuve de la date à laquelle les accords d’autolimitation ont pris fin, que ce soit dans la décision attaquée ou devant le Tribunal.

345
En toute hypothèse, si les requérantes japonaises n’ont pas apporté la preuve que les accords d’autolimitation ont continué d’exister sur le plan international, elles ont toutes produit des éléments de preuve très pertinents par rapport à la perception japonaise du statut des accords d’autolimitation pendant l’année 1990. Parmi ces éléments, figure notamment une demande formulée le 22 décembre 1989 par six producteurs japonais de tubes en acier, dont les quatre requérantes japonaises, visant à obtenir l’autorisation de proroger, jusqu’au 31 décembre 1990, l’accord interne limitant leurs exportations vers la Communauté européenne et, enfin, la décision du MITI, du 28 décembre 1989, approuvant cette prorogation. Ces documents permettent de conclure avec certitude que les requérantes japonaises, ainsi que les autorités japonaises compétentes, considéraient que l’accord international d’autolimitation conclu avec les Communautés européennes restait applicable pendant l’année 1990.

346
Dans ces conditions, il convient de considérer, aux fins de la présente procédure, sur la base des éléments produits devant le Tribunal et compte tenu de la charge de la preuve incombant à la Commission quant à l’existence d’une infraction, que les accords d’autolimitation conclus entre la Commission et les autorités japonaises sont restés en vigueur pendant l’année 1990. Au vu de cette constatation de fait et eu égard à la concession faite par la Commission elle-même dans la décision attaquée, la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée doit être réduite d’une année.

347
Quant à la date à laquelle l’infraction a pris fin, la Commission s’appuie, aux considérants 96 et 108 de la décision attaquée, sur la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, aux termes de laquelle les échanges s’étaient achevés « il y [avait] un peu plus d’un an », pour considérer que l’infraction a duré jusqu’en 1995. Toutefois, il ressort du considérant 166 de la décision attaquée, relatif au calcul du montant des amendes, que l’infraction n’a été retenue que pour une période de cinq années pour les quatre requérantes japonaises, de sorte qu’elle a dû prendre fin le 1er janvier 1995. La Commission a confirmé à l’audience que telle est l’interprétation de la décision attaquée qu’il y a lieu de retenir.

348
Les requérantes japonaises relèvent que le seul des autres documents invoqués par la Commission qui contient des éléments relatifs à la durée de l’infraction, soit le document Clé de répartition, vise une période qui venait à expiration en mars 1994. En outre, elles relèvent qu’il n’y a pas de preuves de réunions du club Europe-Japon après cette date.

349
Il convient de relever d’abord que, si les déclarations de M. Verluca sont particulièrement fiables, la phrase sur laquelle la Commission s’appuie pour conclure que l’infraction a duré jusqu’au début de l’année 1995 est très vague. Dans ces conditions, il convient de considérer que les éléments de preuve corroborant les déclarations de M. Verluca sur d’autres points ne suffisent pas pour que la Commission puisse se fonder exclusivement sur celle-ci dans le présent contexte. En effet, si la véracité de ce qu’a affirmé M. Verluca par rapport à la durée de l’infraction ne fait pas de doute, il résulte du caractère vague de son indication relative à la fin de celle-ci que sa déclaration ne suffit pas à elle seule pour établir cette dernière date à suffisance de droit.

350
Par ailleurs, selon la description des réunions du club Europe-Japon contenue dans les déclarations de M. Verluca, celles-ci avaient lieu « deux fois par an, une fois en Europe, une fois au Japon (généralement en mars ou avril en Europe et en octobre ou novembre au Japon) » (voir la déclaration de M. Verluca du 14 octobre 1996). Il s’ensuit que si l’infraction avait duré jusqu’au début de l’année 1995, comme le suppose la Commission, une nouvelle réunion du club aurait du avoir normalement lieu en automne 1994. Or, si la réunion de mars 1994 est attestée par plusieurs éléments de preuve, notamment par le document Clé de répartition, il n’existe aucune trace dans le dossier d’une réunion en automne 1994. Dans ces conditions, il n’est pas possible de conclure avec un degré de certitude suffisant que l’infraction a duré au-delà du premier semestre de l’année 1994.

351
En conséquence, il y a lieu de considérer que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée a pris fin le 1er juillet 1994 et, dès lors, de réduire la durée de l’infraction de six mois en ce qui concerne les quatre requérantes japonaises, en plus de la réduction indiquée au point 346 ci-dessus.

352
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a établi l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée à l’encontre des requérantes japonaises sur la base des éléments de preuve invoqués dans les motifs de celle-ci, conformément aux règles relatives à l’administration de la preuve exposées aux points 173 à 180 ci-dessus, mais uniquement pour une période de trois ans et demi, soit du 1er janvier 1991 au 1er juillet 1994. Ainsi, la deuxième branche du premier moyen doit être rejetée pour le surplus, sauf en ce qui concerne cette réduction de la durée de l’infraction. Dès lors que l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée a été établie à suffisance de droit, force est de constater que les arguments spécifiques avancés par les requérantes et non rejetés expressément par le Tribunal sont inopérants.

353
Par ailleurs, le rejet de la deuxième branche du moyen, au motif qu’il est établi que les requérantes japonaises ont effectivement conclu l’accord à but anticoncurrentiel sanctionné, emporte la conséquence que sa première branche doit également être rejetée. En effet, ni l’éventuelle existence de barrières s’opposant aux importations japonaises ni l’éventuelle existence de ventes japonaises des produits concernés par ledit accord sur le marché offshore du Royaume-Uni ne saurait infirmer la conclusion, fondée sur des preuves documentaires, selon laquelle ledit accord a existé, et ce pour les raisons exposées aux points 181 à 186 ci-dessus.

Sur la troisième branche, tirée du caractère erroné de la thèse de la Commission quant à la signification de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

354
Selon les requérantes japonaises, la thèse exposée par la Commission au considérant 164 de la décision attaquée, pour considérer que l’infraction retenue à l’article 2 avait pour objet de préserver le statut de « marché national » du marché britannique au regard des Règles fondamentales, au moyen de Règles fondamentales améliorées, est intrinsèquement invraisemblable. Elles font valoir, en particulier, que Corus ne se serait pas retirée du marché britannique des tubes OCTG filetés standard et des tuyaux de transport « projet » du seul fait de la cessation de sa production de tubes lisses à Clydesdale, mais aurait continué à fabriquer et à vendre ces produits sur son marché domestique, même si elle n’avait pas conclu de contrats d’approvisionnement en tubes lisses avec Vallourec, Dalmine et Mannesmann.

355
Dans le cadre de la présente branche du premier moyen, il appartient uniquement au Tribunal d’examiner la question de savoir si la Commission était autorisée à s’appuyer sur l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée pour renforcer sa thèse quant à l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

356
Il convient de relever d’abord que, dès lors que l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est établie sur la base des preuves documentaires retenues par la Commission dans la décision attaquée, il n’est pas strictement nécessaire d’analyser l’incidence de la constatation de la deuxième infraction sur cette question. Toutefois, il y a lieu, en l’espèce, d’examiner cette argumentation des requérantes japonaises à titre surabondant, dès lors que les arguments soulevés par elles à cet égard ont une incidence sur d’autres de leurs moyens, notamment sur celui tiré d’une prétendue inégalité de traitement dans le cadre de leurs demandes de réduction du montant des amendes.

357
Il ressort des éléments de preuve retenus par la Commission dans la décision attaquée que les producteurs européens craignaient que le maintien par Corus d’une activité de filetage de tubes ne soit pas suffisant pour que les producteurs japonais continuent de respecter le caractère domestique du marché britannique, au sens des Règles fondamentales. En particulier, il convient de souligner que la Note pour les présidents contient l’appréciation suivante, citée au considérant 90 de la décision attaquée :

« Bien que les Japonais aient accepté de ne pas demander de modifications de nos accords si le secteur communautaire des tubes sans soudure devait être restructuré, rien ne garantit qu’ils se conformeraient à cet engagement si [Corus] devait se retirer du marché de la production ou de la finition de tubes au Royaume-Uni. »

(« Although the Japanese have agreed not to request changes in our agreements if the EC seamless industry were to restructure, there is no guarantee that they would follow this precept if [Corus] were to exit tubemaking or finishing in the UK. »)

358
Cette affirmation est corroborée par les notes de Vallourec, notamment par les notes Réunion du 24.7.90 et Réflexions contrat VAM BSC, citées aux considérants 78 et 80 de la décision attaquée, ainsi que par la note Entretien BSC, qui font état du risque que les producteurs japonais cherchent à accroître leur part de marché de manière significative à la suite de la fermeture par Corus de son usine à Clydesdale et qui concluent à la nécessité de protéger le marché britannique. La logique qui sous-tend l’analyse de la Commission consiste à considérer que les producteurs japonais n’accepteraient plus nécessairement de traiter le marché britannique comme un marché domestique au sens des Règles fondamentales si Corus arrêtait sa production de tubes lisses et achetait ses tubes lisses pour le filetage à des producteurs établis dans des pays tiers, possibilité explicitement évoquée par Vallourec dans les notes Réflexions stratégiques et Renouvellement du contrat VAM BSC. En revanche, les auteurs des notes de Vallourec étaient plus optimistes quant à la possibilité de faire respecter les Règles fondamentales par les producteurs japonais dans l’hypothèse où Corus accepterait de s’approvisionner exclusivement en tubes lisses d’origine communautaire, surtout si Mannesmann, considérée comme le « seul producteur européen qui [fît] peur aux japonais », selon la note Réunion du 24.7.90, figurait au nombre des producteurs signataires des contrats de fourniture.

359
Il convient de relever à cet égard que la Commission n’était pas tenue de prouver que la thèse exposée dans les notes de Vallourec et dans la Note pour les présidents était juste, en ce sens qu’elle reflétait une interprétation des Règles fondamentales qui était acceptée par les producteurs japonais. Il lui suffisait logiquement, dans le présent contexte, de démontrer que les producteurs européens croyaient à l’efficacité de cette stratégie pour maintenir les Règles fondamentales, de sorte qu’ils ont effectivement réparti les fournitures de tubes lisses à Corus entre Vallourec, Mannesmann et Dalmine pour atteindre cet objectif. En effet, l’existence d’une telle stratégie n’a un sens que si un accord de partage des marchés entre les producteurs européens et japonais existait déjà réellement et il s’ensuit que la preuve de cette première circonstance confirme également l’existence de cet accord.

360
Quant aux arguments avancés par les requérantes japonaises concernant la politique de préférence de l’OSO et la directive 90/531, en particulier la signification des références à la préférence de 3 %, ils ne sauraient suffire pour effacer la valeur des preuves littérales. Si ces considérations permettent effectivement de mieux comprendre lesdites références et d’apprécier l’existence d’une raison supplémentaire favorisant l’approvisionnement de Corus en tubes lisses à partir de sources intra-communautaires, soit le fait que la préférence britannique était sur le point d’être remplacée par une préférence communautaire, il découle clairement des documents examinés aux points 357 et 358 ci-dessus que, nonobstant l’existence de telles préférences, les producteurs européens craignaient que leurs homologues japonais commencent à vendre des tubes sur le marché britannique.

361
Sont à rejeter également les arguments des requérantes japonaises tirés de la différence de date de signature figurant sur chacun des contrats d’approvisionnement. En effet, le raisonnement exposé aux points 356 à 359 ci‑dessus reste valable, quelle que soit la date précise à laquelle chacun des producteurs européens a adhéré à l’accord constitutif de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée. En effet, ce qui importe en ce qui concerne cette infraction est le fait, relevé ci-dessus, que son existence, que ce soit à partir de 1991 ou de 1993, confirme celle de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

362
Néanmoins, il y a lieu de relever que les arguments des requérantes japonaises ont une certaine valeur, dans la mesure où il ressort des considérants 110 à 116 de la décision attaquée elle-même, en particulier de son considérant 111, que la deuxième infraction avait notamment pour objet et pour effet une répartition stricte entre Vallourec, Mannesmann et Dalmine des fournitures de tubes lisses à Corus. Dès lors, s’il ressort clairement des preuves documentaires examinées ci-dessus, notamment aux points 357 et 358, qu’un des objectifs de la deuxième infraction était effectivement la sauvegarde du marché britannique, force est de constater que, selon la décision attaquée elle-même, ledit accord avait en outre un objet et des effets anticoncurrentiels en ce qui concerne le marché britannique des tubes lisses.

363
De plus, dans la mesure où les contrats de fourniture en tubes lisses ont été renouvelés après la fin du premier semestre de l’année 1994, date à partir de laquelle l’existence du club Europe-Japon n’est plus établie, il est difficile de les concevoir, ainsi reconduits, comme un moyen de mise en oeuvre d’une infraction qui avait déjà pris fin. Chacun des contrats a été conclu pour une période initiale de cinq ans, chaque partie ayant le droit d’y mettre fin à l’issue de ce terme à condition de donner un préavis de douze mois à son cocontractant. En particulier, dans la mesure où Vallourec et Dalmine ont maintenu le contrat du 4 décembre 1991 en vigueur (Vallourec ayant succédé aux droits de Corus par le biais de TISL en 1994, voir considérant 92 de la décision attaquée) après le 4 décembre 1996 et jusqu’au 30 mars 1999, il n’est pas possible d’établir un lien entre ce comportement commercial et l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée. En toute hypothèse, les parties aux contrats d’approvisionnement auraient pu mettre un terme à ceux-ci d’un commun accord à tout moment après la cessation de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée. Il y a tout lieu de supposer qu’elles l’auraient fait au plus tard en 1995 si le seul intérêt commercial que présentaient ces accords avait été celui invoqué par la Commission au considérant 164 de la décision attaquée.

364
À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de relever que l’affirmation de la Commission, figurant à la première phrase du considérant 164 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats d’approvisionnement, qui sont constitutifs de l’infraction retenue à son article 2, n’étaient qu’un moyen de mise en œuvre de celle retenue à son article 1er est excessive, dès lors que cette mise en oeuvre était un objectif de la deuxième infraction parmi plusieurs objectifs et effets anticoncurrentiels liés mais distincts. L’éventuelle incidence de cette circonstance sur le calcul du montant des amendes infligées aux requérantes japonaises sera examinée aux points 567 à 574 ci-après.

365
Toutefois, il est clair que la Commission était fondée à considérer que la deuxième infraction avait entre autres objets celui de renforcer ou, selon l’expression utilisée au considérant 164 de la décision attaquée, de mettre en oeuvre l’accord de partage des marchés sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée, et c’est à bon escient que la Commission s’est appuyée sur l’existence de cette deuxième infraction pour étayer l’existence de celle retenue à l’article 1er (voir point 359 ci‑dessus). Cette circonstance suffit pour que la présente branche du premier moyen soit rejetée.

366
Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’infraction retenue à l’article 1er devait, en réalité, être analysée comme constituant deux infractions autonomes

a)     Arguments des parties

367
JFE‑Kawasaki et Sumitomo font valoir, à titre subsidiaire, que, à supposer même que les producteurs japonais aient participé à un accord qui leur interdisait de vendre les tubes en acier visés par la décision attaquée sur les marchés communautaires, cette circonstance n’autoriserait pas la Commission à considérer qu’ils ont, de ce fait, participé à un quelconque accord avec les producteurs européens, aux termes duquel chacun de ces derniers aurait renoncé à vendre ses tubes, non seulement sur le marché japonais, mais aussi sur le marché national des autres producteurs européens. En effet, dès lors qu’elle n’a pas démontré que la participation des producteurs japonais était nécessaire pour que les producteurs européens concluent un accord entre eux, la Commission aurait dû analyser ces deux aspects des Règles fondamentales comme deux infractions autonomes. Il conviendrait de rappeler, à cet égard, que le tableau figurant dans le document Clé de répartition se borne à prévoir que les producteurs japonais doivent respecter les marchés européens. Les autres éléments de preuve feraient allusion, tout au plus, à une prétendue obligation pour les producteurs japonais de ne pas vendre leurs produits en Europe.

368
En outre, JFE‑Kawasaki relève que, dans la mesure où l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée est considérée comme un simple moyen de mise en oeuvre de l’infraction retenue à l’article 1er de celle-ci, il serait absurde de considérer que les producteurs japonais ont participé à ce volet autonome de cette dernière infraction.

369
La Commission soutient que l’accord de partage des marchés doit être apprécié comme un ensemble de règles et qu’il serait donc artificiel de le scinder en deux volets. Selon elle, l’efficacité de l’entente reposait sur la participation du plus grand nombre possible de producteurs, comme en témoignent les efforts déployés pour persuader les producteurs d’Amérique latine d’y adhérer. Si les producteurs japonais n’avaient pas adhéré à l’accord, il ne saurait être présumé que les producteurs européens l’ont nécessairement conclu entre eux.

b)     Appréciation du Tribunal

370
Il convient d’abord de rappeler que, comme le relève la Commission à juste titre, une entreprise peut être tenue pour responsable d’une entente globale même s’il est établi qu’elle n’a participé directement qu’à un ou plusieurs des éléments constitutifs de celle-ci, dès lors, d’une part, qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir, que la collusion à laquelle elle participait, en particulier au travers de réunions régulières organisées pendant plusieurs années, s’inscrivait dans un dispositif d’ensemble destiné à fausser le jeu normal de la concurrence, et, d’autre part, que ce dispositif recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente (arrêt PVC II, point 61 supra, point 773). De même, le fait que différentes entreprises aient joué des rôles différents dans la poursuite d’un objectif commun n’élimine pas l’identité d’objet anticoncurrentiel et, partant, d’infraction, à condition que chaque entreprise ait contribué, à son propre niveau, à la poursuite de l’objectif commun (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 66 supra, point 4123).

371
En l’espèce, il ressort clairement des éléments de preuve examinés ci-dessus, notamment de la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, qu’un des principes essentiels des Règles fondamentales était le respect mutuel des marchés domestiques des membres du club Europe-Japon. Ainsi, l’accord de respect des marchés décrit par la Commission concernait, au niveau communautaire, uniquement les marchés domestiques des quatre producteurs européens et non les autres marchés communautaires. Si l’exclusion des producteurs européens du marché japonais constituait logiquement l’aspect de ce volet des Règles fondamentales qui intéressait les producteurs japonais, ces derniers savaient, ou devaient nécessairement comprendre, que ce principe était applicable aussi bien au niveau intra-communautaire qu’au niveau intercontinental.

372
Il convient également de rappeler que les producteurs européens étaient convaincus que la cessation de la production de tubes lisses par Corus à Clydesdale risquait d’entraîner une remise en cause du statut domestique du marché britannique par les producteurs japonais (voir points 354 à 365 ci-dessus). Il découle nécessairement de cette circonstance que la présence d’un producteur national membre du club Europe-Japon fabriquant et commercialisant des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport « projet » sur le marché national d’un État était perçue comme la condition du respect d’un marché par les autres membres du club.

373
De plus, l’argument des requérantes japonaises selon lequel les marchés communautaires ont été traités comme un marché unique dans le cadre du club Europe-Japon est infirmé par le fait que le marché offshore britannique avait un statut particulier, « semi-protégé », dans le cadre de l’accord de partage des marchés. En effet, les requérantes japonaises affirment elles-mêmes qu’elles ont vendu des tubes en acier sans soudure sur ce marché sans pourtant en vendre sur les autres marchés communautaires.

374
Il résulte de ce qui précède qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, pour la Commission de traiter l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée comme deux infractions autonomes, la première portant sur les relations entre les producteurs européens et japonais et la seconde sur les relations intracommunautaires. En conséquence, le présent moyen doit être rejeté.

3. Sur le troisième moyen, tiré de ce que l’accord ne devait pas être considéré comme ayant eu une incidence appréciable sur la concurrence

a)     Arguments des parties

375
JFE‑Kawasaki et JFE‑NKK invoquent l’existence d’obstacles aux échanges, mentionnés aux points 73 à 88 ci-dessus, qui s’opposaient à ce que les producteurs japonais exportent leurs tubes en acier vers les marchés européens, notamment vers les marchés onshore des États membres de la Communauté, pour faire valoir que l’accord entre les producteurs japonais et européens, retenu dans la décision attaquée, n’a pas nécessairement eu pour effet de restreindre l’offre de ces produits sur ces marchés d’une manière sensible.

376
Ainsi, en l’espèce, les producteurs japonais n’auraient eu aucun intérêt économique à vendre des tubes en acier sur les marchés nationaux des producteurs européens. Ils ne l’auraient donc pas fait en toute hypothèse, que l’accord qui leur est reproché ait existé ou non. La Commission n’aurait donc pas démontré, dans la décision attaquée, que la condition tenant à l’existence d’une incidence appréciable sur la concurrence était remplie en ce qui concerne les producteurs de tubes japonais.

377
JFE‑Kawasaki invoque, à l’appui de cette argumentation, l’arrêt de la Cour du 25 novembre 1971, Béguelin Import (22/71, Rec. p. 949, point 16), et fait valoir qu’il découle de celui-ci que la règle de minimis trouve à s’appliquer quelle que soit la nature de l’accord en cause. À cet égard, les points 1087 et 1088 de l’arrêt Ciment, point 66 supra, n’auraient pas pour effet d’écarter la règle de minimis dans certaines hypothèses.

378
JFE‑NKK considère que la Commission a l’obligation de démontrer que les requérantes japonaises se seraient comportées de manière différente en l’absence des accords incriminés, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce, et invoque, à cet égard, l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, point 196.

379
Sumitomo se borne à relever que la Commission n’a pas démontré que les producteurs japonais auraient vendu des tubes en acier sur les marchés européens en l’absence de l’infraction reprochée sans soulever explicitement le présent moyen.

380
La Commission fait valoir que, en vertu de sa communication concernant les accords d’importance mineure qui ne sont pas visés par les dispositions de l’article [81], paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne (JO 1997, C 372, p. 13), l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE ne peut être exclue dans le cas d’accords horizontaux ayant pour objet, notamment, de répartir les marchés ou les sources d’approvisionnement, alors même que la part de marché détenue par les entreprises concernées est minime. En effet, la réduction au minimum de la part de marché de certaines de celles-ci serait précisément le but d’un tel accord.

381
La Commission soutient, à titre principal, que l’existence des obstacles au commerce invoqués par les requérantes japonaises est dénuée de pertinence à cet égard, à supposer même qu’elle soit démontrée, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

b)     Appréciation du Tribunal

382
Il convient de rappeler que la Commission n’est pas tenue de démontrer l’existence d’un effet préjudiciable sur la concurrence pour établir une violation de l’article 81 CE, dès lors qu’elle a établi l’existence d’un accord, ou d’une pratique concertée, ayant pour objet de restreindre la concurrence (voir arrêts Ferriere Nord/Commission, point 183 supra, points 30 et suivants, et Thyssen Stahl/Commission, point 74 supra, point 277 ; voir, également, point 181 ci‑dessus).

383
Or, dans la décision attaquée, la Commission s’est appuyée, à titre principal, sur l’objet anticoncurrentiel de l’accord conclu au sein du club Europe-Japon et le Tribunal a jugé que la décision attaquée est fondée à cet égard (voir points 189 et suivants ci-dessus). Dans ces conditions, la prétendue absence d’effets anticoncurrentiels résultant de l’accord illicite invoquée par les requérantes japonaises, à supposer même qu’elle soit établie, est sans pertinence en ce qui concerne l’existence de l’infraction.

384
Il y a lieu d’ajouter que des entreprises qui concluent un accord ayant pour but de restreindre la concurrence ne sauraient, en principe, s’exonérer en prétendant que leur accord ne devait pas avoir d’incidence appréciable sur la concurrence. En l’espèce, l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée ayant eu pour but un partage des marchés entre les membres du club Europe-Japon, il est manifeste que son objet était de restreindre la concurrence d’une manière appréciable.

385
En conséquence, le présent moyen doit être rejeté.

4. Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’accord n’aurait pas eu d’incidence sur le commerce entre États membres

a)     Arguments des parties

386
JFE‑Kawasaki et JFE‑NKK soutiennent que l’accord entre producteurs japonais et producteurs européens, retenu dans la décision attaquée, ne saurait être considéré comme ayant eu un effet sur le commerce entre États membres, du moins un effet sensible, conformément aux exigences de la jurisprudence (arrêt de la Cour du 20 juin 1978, Tepea/Commission, 28/77, Rec. p. 1391, point 47). À cet égard, JFE‑NKK relève, de nouveau, qu’il incombe à la Commission de démontrer que les requérantes japonaises se seraient comportées de manière différente en l’absence d’accords. Elle se réfère, sur ce point, à l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission (point 56 supra, point 196). Selon JFE‑Kawasaki et JFE‑NKK, les producteurs japonais vendent les tubes visés par la décision attaquée, qui sont tous des produits finis, exclusivement aux consommateurs finals, c’est-à-dire à des sociétés pétrolières. Ces produits ne seraient donc jamais revendus à l’intérieur du marché commun. JFE‑NKK fait valoir que ces ventes sont effectuées le plus souvent par l’intermédiaire d’une maison de commerce japonaise, dans le cadre d’un contrat de fourniture à long terme ou d’un contrat-cadre. En particulier, les tuyaux de transport « projet » ne sont pas des produits standardisés, mais sont fabriqués sur commande, selon les spécifications particulières fournies par le client, comme l’a relevé la Commission au considérant 34 de la décision attaquée. Ils ne se prêtent donc pas, par nature, à la revente. Par ailleurs, la prétendue infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée n’aurait eu aucun effet sur le commerce entre États membres tant que les accords d’autolimitation étaient en vigueur.

387
JFE‑Kawasaki estime que l’absence de possibilité de revente distingue la présente affaire de toutes celles invoquées par la Commission, dans la décision attaquée à la note en bas de page n° 35, pour justifier la conclusion selon laquelle l’accord retenu à l’article 1er a affecté le commerce entre États membres, à savoir celle ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 15 juin 1976, EMI Records (51/75 Rec. p. 811), et celles ayant donné lieu aux décisions de la Commission 74/634/CEE, du 29 novembre 1974, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CE (IV/27.095 – Entente franco-japonaise concernant les roulements à billes) (JO L 343, p. 19), 75/77/CEE, du 8 janvier 1975, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CE (IV/27.039 – Conserves de champignons) (JO L 29, p. 26), et 75/497/CEE, du 15 juillet 1975, relative à une procédure au titre de l’article [81] du traité CE (IV/27.000 – règles IFTRA pour les producteurs d’aluminium brut) (JO L 228, p. 3). En effet, il y aurait eu, dans toutes ces affaires, une possibilité que les produits, dont l’importation en provenance d’un pays tiers était interdite par un accord illicite, soient revendus au sein de la Communauté. La décision 73/109/CEE de la Commission, du 2 janvier 1973, relative à une procédure d’application des articles [81] et [82] du traité CE (IV/26.918 – Industrie européenne du sucre) (JO L 140, p. 17), invoquée à la note en bas de page n° 36 de la décision attaquée, concernerait une pratique concertée plutôt qu’un accord illicite et serait donc, elle aussi, sans pertinence en l’espèce.

388
En réponse à l’argument de la Commission selon lequel l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est constituée par un accord global unique affectant les échanges entre États membres, JFE‑Kawasaki renvoie à son argument tiré de ce que cette infraction se compose en réalité de deux accords autonomes, régissant, d’une part, les relations entre producteurs japonais, d’un côté, et producteurs européens de l’autre, et, d’autre part, les relations entre producteurs européens. À supposer même que la Commission ait considéré à bon droit qu’il existait un accord unique, elle aurait dû examiner séparément les deux volets autonomes susmentionnés pour apprécier la légalité du comportement des entreprises incriminées au regard du droit communautaire de la concurrence.

389
JFE‑Kawasaki relève, à cet égard, que, au considérant 103 de la décision attaquée, la Commission a écarté deux volets de l’accord dont elle soupçonnait l’existence, relatifs au partage des marchés de pays tiers et à la fixation concertée des prix pour ces marchés, faute d’éléments à charge suffisants sur ces aspects de l’accord, tout en retenant l’existence d’autres volets du même accord. Ainsi, la Commission ne saurait prétendre qu’il n’est pas possible d’analyser chaque aspect de l’accord de manière autonome.

390
La Commission renvoie d’abord à son argumentation selon laquelle il n’est pas logique d’apprécier l’impact de la participation des producteurs japonais à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée de manière isolée par rapport à l’impact de la participation des producteurs européens à celle-ci. Cependant, à supposer même que le Tribunal considère qu’il convient d’apprécier séparément l’effet sur le commerce entre États membres du comportement de chacune des entreprises sanctionnées, la Commission relève, à titre d’exemple, que, dans le cadre de l’accord multilatéral, JFE‑Kawasaki était convenue notamment avec Vallourec que ni l’une ni l’autre n’exporterait ses tubes vers le marché allemand, ce qui a, incontestablement, éliminé une source de commerce entre États membres. Selon la Commission, le fait que les tubes soient normalement vendus directement aux utilisateurs finals serait sans importance dès lors que l’accord influençait le comportement de tous les fournisseurs qui étaient parties à l’accord sur tous les marchés autres que leur marché domestique.

391
La Commission rappelle que, selon la jurisprudence, il suffit que l’accord puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges intracommunautaires pour que la condition posée à l’article 81, paragraphe 1, CE, relative à l’affectation du commerce entre États membres, soit remplie (arrêt Ciment, point 66 supra, point 1986). Dans l’arrêt de la Cour du 28 avril 1998, Javico (C‑306/96, Rec. p. I-1983, point 17), il aurait été jugé qu’un accord prévoyant une protection territoriale absolue peut échapper à l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE, lorsqu’il n’affecte le marché que d’une manière insignifiante. En l’espèce, toutefois, il serait manifeste que tel n’est pas le cas. Enfin, l’arrêt Tepea/Commission, point 386 supra, devrait être compris dans son contexte et ne serait pas pertinent en l’espèce.

b)     Appréciation du Tribunal

392
Selon une jurisprudence constante, pour être susceptibles d’affecter le commerce entre États membres, une décision, un accord ou une pratique concertée doivent, sur la base d’un ensemble d’éléments de fait et de droit, permettre d’envisager avec un degré de probabilité suffisant qu’ils puissent exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d’échanges entre États membres (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 28 février 2002, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑395/94, Rec. p. II-875, points 79 et 90). Il s’ensuit que la Commission n’est pas tenue de démontrer l’existence réelle d’une telle affectation du commerce, une influence potentielle étant suffisante (voir, en ce sens, arrêt Atlantic Container Line e.a./Commission, précité, point 90). Toutefois, comme le relèvent les requérantes à juste titre, il importe que cette influence actuelle ou potentielle ne soit pas insignifiante (arrêt de la Cour du 25 octobre 2001, Ambulanz Glöckner, C‑475/99, Rec. p. I-8089, point 48).

393
En l’espèce, il a déjà été jugé au point 374 ci-dessus qu’il n’y avait pas lieu, en l’espèce, pour la Commission de traiter l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée comme deux infractions autonomes. Ainsi, cette infraction devant être traitée comme une infraction unique, il est manifeste que le volet intracommunautaire de l’accord illicite sanctionné entravait, à tout le moins potentiellement, le commerce entre États membres, de sorte que la condition relative à l’incidence de l’accord sur le commerce entre États membres est satisfaite en l’espèce.

394
En toute hypothèse, la circonstance, relevée ci-dessus (voir notamment points 357 à 359 et 372), selon laquelle les producteurs européens étaient convaincus que la cessation de la production de tubes lisses par Corus à Clydesdale risquait d’entraîner une remise en cause du statut domestique du marché britannique par les producteurs japonais, suffit à établir l’existence d’une affectation potentielle du commerce intracommunautaire du fait du comportement des producteurs japonais dans le cadre de l’accord Europe-Japon. En effet, il découle de cette constatation que le respect mutuel des marchés domestiques au sein de la Communauté, tel qu’illustré par la défense du statut domestique du marché britannique, faisait partie des Règles fondamentales et constitue une entrave au commerce intracommunautaire.

395
À la lumière de ce qui précède, le présent moyen doit être rejeté.

5. Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne la thèse de la Commission quant à la signification de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée

a)     Arguments des parties

396
Sumitomo et JFE‑NKK font valoir que la Commission n’a pas motivé, en violation de l’article 253 CE, sa conclusion, sous-tendant l’article 2 de la décision attaquée, selon laquelle les contrats constitutifs de l’infraction visée par cet article ont été conclus dans le cadre de l’infraction mentionnée à l’article 1er de cette décision, et ce pour les raisons exposées aux points 163 et suivants ci-dessus. L’annulation de cette partie de l’article 2 de la décision attaquée s’imposerait donc en toute hypothèse.

397
La Commission soutient qu’elle a exposé de manière suffisante, aux considérants 90 à 94, les raisons pour lesquelles elle considère que l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée s’inscrit dans le cadre de celle retenue à son article 1er. Il ressortirait, en effet, que le but des accords entre les producteurs communautaires régissant les achats de tubes lisses par Corus était le maintien de celle-ci comme producteur national au Royaume-Uni aux fins d’assurer le respect des Règles fondamentales sur le marché des tubes OCTG et tuyaux de transport de cet État membre.

b)     Appréciation du Tribunal

398
Conformément à une jurisprudence constante, la motivation d’une décision faisant grief doit permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité et à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée (voir arrêt Buchmann/Commission, point 58 supra, point 44, et la jurisprudence citée).

399
Il s’ensuit que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêt Buchmann/Commission, point 58 supra, point 45).

400
En l’espèce, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été jugé au point 364 ci-dessus, que le raisonnement exposé aux considérants 90 à 94 de la décision attaquée ne permet pas valablement à la Commission d’estimer, au considérant 164 de celle‑ci, que les contrats d’approvisionnement n’étaient en fait qu’un moyen de mise en oeuvre de l’accord Europe-Japon. En effet, la Commission elle-même a ultérieurement estimé, dans la partie des motifs exposant son appréciation juridique des contrats d’approvisionnement, qu’il y avait lieu de qualifier ces contrats, au vu de leurs caractéristiques propres, d’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE (considérants 110 et suivants de la décision attaquée).

401
Toutefois, la circonstance selon laquelle la conclusion à laquelle la Commission est arrivée au considérant 164 de la décision attaquée est erronée en droit, si elle est susceptible d’entacher la décision attaquée d’un vice au fond, ne constitue pas un défaut de motivation.

402
En effet, les considérants 90 à 94 de la décision attaquée, lus à la lumière notamment du considérant 110 et de la première phrase du considérant 111, selon laquelle « [l]’objet de ces contrats était l’approvisionnement en tubes lisses du ‘leader’ du marché des OCTG dans la mer du Nord et leur but était de maintenir un producteur national au Royaume-Uni en vue d’obtenir un respect des ‘fundamentals’ dans le cadre du club Europe-Japon », permettent de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission est arrivée à la conclusion figurant au considérant 164. En effet, il découle de la décision attaquée, lue dans son ensemble, que la Commission, ayant considéré que le premier objectif des contrats d’approvisionnement était la mise en oeuvre de l’accord Europe-Japon, en a déduit qu’en réalité ceux-ci étaient exclusivement un moyen de mise en œuvre de ce dernier.

403
Ainsi, dans les circonstances du cas d’espèce, les motifs de la décision ont permis au juge communautaire d’exercer son contrôle de légalité et à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise, afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée.

404
Dès lors le présent moyen doit être rejeté.

6. Sur le sixième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne le statut des marchés offshore de la Communauté, en particulier celui du Royaume-Uni

a)     Arguments des parties

405
JFE‑Kawasaki fait valoir que la Commission n’a pas analysé, dans la décision attaquée, le système de semi-protection qui, selon elle, régissait le marché offshore du Royaume-Uni pour les produits qu’elle visait. Elle n’aurait pas non plus motivé sa conclusion quant à l’existence de l’infraction en ce qui concerne les marchés offshore d’Allemagne, de France et d’Italie.

406
Selon la Commission, le considérant 62 de la décision attaquée indique clairement que le marché offshore britannique était couvert par l’accord illicite dans la mesure où il était semi-protégé. Elle expose dans son mémoire en défense que cette semi-protection du marché offshore britannique par Corus reposait sur un système d’instructions sur les prix, dont les producteurs européens craignaient de perdre le contrôle après la fermeture de l’usine de Clydesdale.

b)     Appréciation du Tribunal

407
À cet égard, force est de constater qu’il ressort du considérant 62 de la décision attaquée que la Commission a estimé, sur la base de deux éléments de preuve, à savoir la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996 et la note Entretien BSC, que le marché offshore du Royaume-Uni était visé par l’accord sanctionné, mais qu’il bénéficiait d’une forme de protection restreinte imposant, au concurrent désireux de présenter une offre sur ce marché, une obligation de consultation de Corus.

408
Ces indications suffisent en l’espèce pour faire apparaître d’une façon claire et univoque le raisonnement de la Commission à l’égard de ce marché. Dès lors, cette motivation permet au juge communautaire d’exercer son contrôle et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise, conformément aux exigences de la jurisprudence (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T‑266/97, Rec. p. II-2329, point 143).

409
Quant au secteur offshore des autres marchés communautaires concernés par l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée, il suffit de constater que la Commission n’a jamais fait de distinction entre les secteurs offshore et onshore de ces marchés, que ce soit dans la décision attaquée ou devant le Tribunal. Dans ces conditions, l’absence d’une motivation spécifique relative à ce secteur desdits marchés dans la décision attaquée n’est nullement constitutive d’un défaut de motivation.

410
Dès lors, il convient de rejeter le présent moyen.

7. Sur les septième et huitième moyens, tirés d’un défaut de motivation en ce qui concerne le choix de la Commission de sanctionner les producteurs japonais et non les producteurs d’Amérique latine, et d’une inégalité de traitement à cet égard

a)     Arguments des parties

411
Selon JFE‑Kawasaki, la Commission aurait dû exposer les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas sanctionner les producteurs d’Amérique latine, à la différence des producteurs japonais, alors qu’il existait des preuves, contenues notamment dans le document Clé de répartition, que ceux-ci s’étaient également engagés à respecter un régime de protection partielle en ce qui concerne l’Europe. JFE‑Kawasaki invoque, à cet égard, l’arrêt du Tribunal du 17 février 2000, Stork Amsterdam/Commission (T‑241/97, Rec. p. II-309), selon lequel une responsabilité particulière incombe à la Commission en matière de motivation de ses décisions, dans les cas où elle décide, sur la base des mêmes faits, d’adopter une seconde décision différente.

412
Selon la Commission, la différence de traitement relevée par les requérantes japonaises est justifiée, notamment, par les différences considérables entre les éléments de preuve dont elle disposait à l’égard des producteurs japonais et ceux dont elle disposait à l’égard des producteurs d’Amérique latine. En effet, la Commission fait valoir que les documents qu’elle a obtenus au cours de l’enquête contiennent peu d’informations sur la participation des seconds à un accord illicite, alors qu’il existe de nombreux indices de l’existence d’un accord illicite conclus par les premiers.

b)     Appréciation du Tribunal

413
Il convient de relever d’abord qu’une décision telle que la décision attaquée, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infraction(s) retenue(s) à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Cette règle ressort d’une lecture d’ensemble des arrêts du Tribunal du 10 juillet 1997, AssiDomän Kraft Products e.a./Commission, T‑227/95, Rec. p. II-1185, point 56, et de la Cour, sur pourvoi, dans son arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I-5363, point 49).

414
Dès lors, il suffit de constater que la Commission n’avait aucune obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles les producteurs d’Amérique latine n’étaient pas destinataires de celle-ci. En effet, l’obligation de motivation d’un acte ne saurait englober une obligation pour l’institution qui en est l’auteur de motiver le fait de ne pas avoir adopté d’autres actes similaires adressés à des parties tierces.

415
À supposer que l’argumentation avancée dans le cadre des présents moyens doive être comprise comme étant également tirée d’une inégalité de traitement au détriment des requérantes japonaises, force est de constater qu’elle doive être rejetée. En effet, si certaines des preuves figurant dans le dossier de la Commission impliquent que les producteurs d’Amérique latine ont peut-être également participé à une infraction, force est de constater que ce dossier contient des preuves nettement plus solides en ce qui concerne la participation des producteurs japonais à une infraction. En particulier, les témoignages de M. Verluca font uniquement état d’une tentative d’arriver à un accord avec les producteurs d’Amérique latine, laquelle aurait, selon lui, échoué. De plus, comme le relève la Commission au considérant 86 de la décision attaquée, il ressort du document Clé de répartition que les producteurs latino-américains, s’ils semblent avoir accepté certaines restrictions de la concurrence, ont formulé une réserve expresse concernant le respect du marché européen.

416
Dans ces conditions, les septième et huitième moyens doivent être rejetés.

8. Sur le neuvième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne l’argument de la Commission par rapport aux ventes à un prix supérieur au coût variable

a)     Arguments des parties

417
Selon JFE‑NKK, le raisonnement avancé par la Commission au considérant 137 de la décision attaquée, aux termes duquel toute vente à un prix supérieur au coût variable serait justifiée du point de vue des producteurs japonais, n’est pas motivé à suffisance de droit. En particulier, JFE‑NKK relève que la Commission a omis de réunir des informations adéquates à cet égard.

418
La Commission n’a pas répondu expressément à ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

419
Il convient de relever que l’argumentation avancée dans le cadre du présent moyen ne se rapporte pas à un défaut de motivation. En effet, l’affirmation critiquée par JFE‑NKK pose un postulat d’ordre économique compréhensible en lui-même. À supposer que celui-ci ne soit pas juste, que ce soit d’une manière générale ou à la lumière des circonstances du cas d’espèce, il y aurait lieu de conclure que la Commission a commis une erreur d’appréciation et non qu’elle a insuffisamment motivé sa décision.

420
Il convient de rappeler également à cet égard que l’allégation selon laquelle la Commission a manqué de s’entourer d’informations adéquates ne saurait constituer un défaut de motivation et relève plutôt du fond (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, point 72).

421
Quant à la justesse de l’affirmation en question sur le fond, il convient de relever que, en tout état de cause, cette question se rapporte à l’une des barrières aux importations japonaises alléguées par les requérantes japonaises. Or, l’argumentation tirée de la prétendue existence de ces barrières sur le commerce a déjà été rejetée sur le fond au point 353 ci-dessus, au motif qu’elle se rapporte uniquement aux effets anticoncurrentiels de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée que la Commission a pris en compte à titre subsidiaire dans la décision attaquée. L’existence de l’infraction à objet anticoncurrentiel retenue à l’article 1er de la décision attaquée étant établie sur la base des éléments de preuve documentaires invoqués dans la décision attaquée, la prétendue inexistence d’effets anticoncurrentiels est sans pertinence pour constater l’existence de l’infraction.

422
Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté.

9. Sur le dixième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant au marché géographique visé à l’article 1er de cette dernière

a)     Arguments des parties

423
JFE‑NKK et JFE‑Kawasaki, dans leur réplique, font valoir que la Commission a violé leurs droits de la défense dans la mesure où la CG, à la différence de la décision attaquée, ne visait pas les marchés offshore européens, du moins de manière suffisamment explicite, contrairement à ce qu’exige en particulier l’arrêt Ciment, point 66 supra (point 504). JFE‑Kawasaki relève, notamment, qu’elle a précisé dans sa réponse à la CG que, d’après sa lecture de ce document, la Commission avait exclu tous les marchés offshore autres que celui du Royaume‑Uni du champ de l’enquête et que la Commission ne lui a jamais signalé qu’elle était en désaccord avec cette interprétation.

424
La Commission réplique que le présent grief a été soulevé pour la première fois par JFE‑Kawasaki dans son mémoire en réplique et que, dès lors qu’il constitue un moyen nouveau et non un simple argument, il est irrecevable, en ce qui concerne cette requérante, en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. En tout état de cause, le point 56 de la CG serait identique, sur le fond, au considérant 62 de la décision attaquée. En particulier, l’un et l’autre indiqueraient clairement que le marché offshore britannique était effectivement concerné par l’accord illicite.

b)     Appréciation du Tribunal

425
En ce qui concerne la recevabilité du présent moyen dans l’affaire T‑71/00, il convient de rappeler qu’une violation des droits de la défense, étant une illégalité subjective par sa nature, ne relève pas de la violation des formes substantielles, et, partant, ne doit pas être soulevée d’office (voir, en ce sens, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, point 30 ; arrêt de la Cour du 25 octobre 1983, AEG/Commission, 107/82, Rec. p. 3151, point 30 ; arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mo och Domsjö/Commission, T‑352/94, Rec. p. II‑1989, point 74). En conséquence, ce moyen doit être rejeté comme irrecevable, au titre de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, et ne peut être examiné dans l’affaire T‑71/00, dès lors que JFE‑Kawasaki l’a soulevé pour la première fois dans sa réplique.

426
Dans le cadre de l’affaire T-67/00, le présent moyen doit être rejeté sur le fond. En effet, comme le relève la Commission à juste titre, le point 56 de la CG est substantiellement identique, en ce qui concerne la définition des marchés visés, au considérant 62 de la décision attaquée et il ne saurait dès lors y avoir de violation des droits de la défense à cet égard. Quant à l’absence de références explicites au secteur offshore des marchés communautaires autres que celui du Royaume-Uni, elle s’explique par le fait que la Commission n’a jamais établi de distinction entre les secteurs onshore et offshore en ce qui concerne ces marchés (voir point 409 ci‑dessus).

10. Sur le onzième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant aux produits visés

a)     Arguments des parties

427
JFE‑NKK avance que le marché retenu par la Commission dans sa CG est plus large que celui retenu à l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où la CG visait tous les produits OCTG (ainsi que les tuyaux de transport « projet »), alors que la décision attaquée vise uniquement les tubes OCTG filetés standard. JFE‑NKK estime que cette modification a faussé la définition du marché des produits dans la décision attaquée et constitue une violation de ses droits de la défense et, partant, une violation de l’article 2, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l’audition dans certaines procédures fondées sur les articles [81] et [82] du traité CE (JO L 354, p. 18). Les différences caractérisant les deux définitions du marché des produits en cause seraient substantielles, altérant ainsi la portée des infractions prétendument commises par JFE‑NKK. Cette dernière soutient, en outre, que, dans l’arrêt Ciment, point 66 supra (points 2212 à 2225), la circonstance selon laquelle la définition du champ matériel, en termes de produits, de l’accord allégué était plus large dans la CG que dans la décision finale a suffi à entraîner l’annulation de cette dernière.

428
La Commission relève que les points de l’arrêt Ciment, point 66 supra, invoqués par JFE‑NKK, concernent la question de savoir si les accords retenus dans cette affaire s’étendaient ou non à une certaine région géographique. Or, cette question serait sans pertinence dans le cadre du présent moyen. En revanche, il découlerait des points 852 à 860 du même arrêt que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la CG et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’ait pas été exposé dans celle-là d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre. JFE‑NKK n’ayant fait état d’aucune allégation en ce sens par rapport à la détermination des produits visés dans la décision attaquée, le présent moyen devrait être rejeté. Si, comme cela découle de la CG, la Commission avait en sa possession des preuves suffisantes concernant un marché plus étendu que celui finalement retenu dans la décision attaquée, elle aurait, a fortiori, possédé des preuves suffisantes en ce qui concerne les produits visés dans cette dernière.

b)     Appréciation du Tribunal

429
Il convient de relever d’abord que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une discordance entre la communication des griefs et la décision finale qu’à condition qu’un grief retenu dans celle-ci n’ait pas été exposé dans celle-là d’une manière suffisante pour permettre aux destinataires de se défendre (voir, en ce sens, arrêt Ciment, point 66 supra, points 852 à 860).

430
En principe, il ne saurait être reproché à la Commission de limiter la portée d’une décision finale par rapport à la communication des griefs qui la précède, dès lors que la Commission doit entendre les destinataires de celle-ci et, le cas échéant, tenir compte de leurs observations visant à répondre aux griefs retenus, précisément pour respecter leurs droits de la défense.

431
Il convient de constater qu’en l’espèce la démarche de la Commission consistant à retenir l’existence d’une infraction plus limitée que celle esquissée initialement dans la CG était logique, voire nécessaire, dans les circonstances du cas d’espèce, compte tenu, notamment, du fait que les déclarations de M. Verluca ne se rapportent qu’aux seuls tubes OCTG standard ainsi qu’aux tuyaux de transport « projet ». Il n’y a aucune raison, en l’espèce, de supposer que la circonstance selon laquelle la Commission a limité le champ d’application de la décision attaquée à deux des produits visés par la CG a empêché JFE‑NKK de se défendre utilement au stade de la procédure administrative en ce qui concerne ces deux produits. En outre, JFE‑NKK n’a pas exposé devant le Tribunal en quoi la présentation de ses arguments aux fins de se disculper aurait pu être différente si le champ d’application de la CG avait été plus limité.

432
Dans ces conditions, le présent moyen doit être rejeté.

11. Sur le douzième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de l’absence d’analyse suffisante des effets des accords d’autolimitation dans la CG ainsi que de discordances entre la CG et la décision attaquée quant à la portée de ces accords

a)     Arguments des parties

433
JFE‑NKK fait valoir que la Commission s’est écartée radicalement, dans la décision attaquée, de la position adoptée par rapport aux accords d’autolimitation pendant la procédure administrative. Il appartenait à la Commission, selon JFE‑NKK, de présenter, au stade de la CG, une analyse de l’impact desdits accords sur son appréciation provisoire de l’infraction alléguée, ce qu’elle n’a pas fait. En l’absence d’une telle analyse, les destinataires de la CG n’auraient pas eu la possibilité de faire connaître leur point de vue sur cet aspect dès avant l’adoption, par la Commission, de la position définitive énoncée aux points 108 et 166 de la décision attaquée (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, point 14). Par conséquent, JFE‑NKK n’aurait pas été mise en mesure, au moment du dépôt de sa réponse à la CG, de rapporter la preuve de la prorogation des accords d’autolimitation, de sorte que ses droits de la défense auraient été violés.

434
La Commission n’a pas répondu expressément à ce moyen.

b)     Appréciation du Tribunal

435
Il convient de rappeler que la Commission a tenu compte de l’existence des accords d’autolimitation dans la décision attaquée uniquement dans le but de considérer qu’il n’était pas opportun de prendre en considération, notamment aux fins de la fixation du montant des amendes, l’existence d’une infraction pour la période pendant laquelle ces accords étaient en vigueur (considérants 108 et 164 de la décision attaquée). Ainsi, la différence entre la CG et la décision attaquée par JFE‑NKK est favorable à cette dernière et ne saurait dès lors, en principe, nuire à ses intérêts.

436
Toutefois, il a été jugé aux points 342 à 346 ci-dessus, conformément à l’argumentation en ce sens des quatre requérantes japonaises, que la Commission a appliqué de manière erronée, dans la décision attaquée, sa propre approche consistant à ne retenir l’existence de l’infraction qu’à partir de l’époque où les accords d’autolimitation n’étaient plus en vigueur.

437
Il s’ensuit que, si les requérantes japonaises avaient été informées, avant l’adoption de la décision attaquée, que la Commission envisageait de suivre cette approche quant à la durée de l’infraction, elles auraient peut-être apporté la preuve au stade de la procédure administrative de ce que les accords d’autolimitation étaient restés en vigueur jusqu’au 31 décembre 1990.

438
Néanmoins, force est de constater que JFE‑NKK a eu l’occasion de communiquer ses observations sur la CG, y compris sur les indications relatives à la durée de l’infraction. Il convient de relever plus spécifiquement que, selon la CG, l’infraction avait commencé en 1977. Dans ces conditions, JFE‑NKK aurait pu se rendre compte de la pertinence à cet égard des accords d’autolimitation et signaler à la Commission que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée n’avait dès lors commencé, ou ne devait être prise en compte, qu’après l’expiration des accords d’autolimitation à la fin de 1990 au plus tôt. En fait, JFE‑NKK n’a pas invoqué l’existence des accords d’autolimitation dans sa réponse à la CG, ni fourni à la Commission les éléments de preuve produits ultérieurement devant le Tribunal (voir point 345 ci-dessus).

439
Il convient de rappeler en outre que, selon la Commission, son approche par rapport à cette question constitue déjà une concession aux producteurs japonais (voir points 338 et suivants ci-dessus).

440
Ainsi, en l’espèce, il serait contraire à la logique inhérente à la notion des droits de la défense de considérer que la Commission était tenue, avant d’appliquer ce qu’elle considérait comme une concession pour limiter la durée de l’infraction dans la décision attaquée, de demander aux destinataires de la CG de prendre position de nouveau par rapport à la pertinence et à la portée de cette concession.

441
En effet, que la qualification de la prise en compte de cette circonstance de concession soit exacte ou non, force est de relever que l’incidence des accords d’autolimitation ne constitue nullement un grief supplémentaire et n’a nullement porté atteinte aux intérêts des requérantes japonaises, ayant justifié, au contraire, une réduction de la durée de l’infraction.

442
Si l’erreur commise par la Commission justifie certes une réduction de la durée de l’infraction dans le contexte de la présente procédure, il n’y a pas lieu de conclure que la Commission a violé les droits de la défense de JFE‑NKK à cet égard.

443
Enfin, il convient de relever que le Tribunal a tiré les conséquences, en ce qui concerne le montant des amendes, de l’erreur relevée ci-dessus concernant la question de la durée de l’infraction qui sous-tend le présent moyen (voir points 574, 588 et 590 ci-après).

444
À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

12. Sur le treizième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant à la portée attribuée à l’infraction retenue à l’article 2 de cette dernière

a)     Arguments des parties

445
Le présent moyen est avancé par JFE‑NKK et Sumitomo. À titre liminaire, JFE‑NKK relève que le respect des droits de la défense est un droit fondamental s’inscrivant dans le droit plus large à un procès équitable, lequel est consacré par l’article 6 de la CEDH et fait partie, à ce titre, des principes généraux du droit dont le juge communautaire assure le respect (arrêt de la Cour du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125).

446
Or, dans la CG, la Commission se serait bornée à affirmer, au point 63, que l’accord visant à partager les ventes de tubes lisses destinées à Corus entre Vallourec, Dalmine et Mannesmann avait pour finalité de maintenir un producteur national au Royaume-Uni, en vue de faire respecter les Règles fondamentales sur le marché de cet État en maintenant le statut national de ce marché au regard desdites règles. Selon Sumitomo et JFE‑NKK, aucun élément, dans l’exposé de la Commission sur ce point, ne permettait de supposer que celle-ci l’analysait comme un simple moyen de mise en oeuvre du principe de respect des marchés nationaux s’inscrivant dans le cadre du partage des marchés japonais et européens des tubes OCTG standard et des tuyaux de transport (considérant 164 de la décision attaquée).

447
Sumitomo soutient que, si la CG avait contenu une telle allégation, elle y aurait répondu expressément et qu’elle a, en conséquence, été privée de l’occasion de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des circonstances alléguées, en violation des articles 2 et 3 du règlement n° 2842/98 et du principe fondamental de droit communautaire du droit à un procès équitable.

448
Au soutien de cette analyse, Sumitomo et JFE‑NKK avancent qu’il est de jurisprudence constante que la Commission doit exposer son argumentation d’une manière adéquate, de façon à mettre le destinataire d’une communication des griefs en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués au stade de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15 ; conclusions de l’avocat général M. Warner sous l’arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185, 1212 et 1261 ; arrêts de la Cour du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, Rec. p. 849, points 24 à 30, et du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I-3187, points 15 à 17 ; arrêts Mo och Domsjö/Commission, point 425 supra, point 63, et Ciment, point 66 supra, points 106 et 476). Il serait également de jurisprudence bien établie que la communication des griefs doit énoncer les conclusions que la Commission a l’intention de tirer des faits, documents et arguments juridiques en cause, ce que la Commission aurait omis de faire de manière adéquate en l’espèce (arrêt de la Cour du 3 juillet 1991, AKZO/Commission, C‑62/86, Rec. p. I-3359, point 29, et arrêt Mo och Domsjö, point 425 supra, point 63 ; arrêt du Tribunal du 10 mars 1992, Hüls/Commission, T‑9/89, Rec. p. II-499, point 39). Enfin, le respect des droits de la défense interdirait à la Commission de s’écarter des faits rapportés dans la communication des griefs au moment de l’élaboration de sa décision (arrêt de la Cour du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec. p. 461, point 11).

449
La Commission rétorque d’abord que le considérant 164 de la décision attaquée expose les raisons pour lesquelles elle a décidé de ne pas infliger d’amende supplémentaire aux producteurs communautaires au titre de l’infraction retenue à l’article 2 de celle-ci. Ainsi, la Commission rappelle que les requérantes japonaises n’ont aucun intérêt juridique à contester ledit considérant, dès lors que l’amende qui leur a été infligée reflète l’infraction à l’article 81 CE décrite à l’article 1er de la décision attaquée.

450
En toute hypothèse, l’analyse juridique contenue dans la CG exposerait de manière claire le lien existant entre les deux infractions, en relevant que le but des accords entre producteurs communautaires qui régissaient les achats de tubes lisses par Corus était le maintien de celle-ci comme producteur national au Royaume-Uni, aux fins d’assurer le respect des Règles fondamentales sur les marchés de produits finis de cet État membre (voir notamment point 144 de la CG). Le considérant 164 de la décision s’analyserait comme une simple synthèse des éléments exposés dans la CG. Il n’en résulterait aucune atteinte aux droits de la défense des requérantes, dans la mesure où Sumitomo et JFE‑NKK auraient eu l’occasion de formuler, en connaissance de cause, les observations qu’elles souhaitaient faire au sujet des accords entre producteurs européens concernant les tubes lisses.

b)     Appréciation du Tribunal

451
À titre liminaire, en ce qui concerne le grief tiré de l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission aux termes duquel les requérantes japonaises n’ont pas d’intérêt juridique à mettre en cause l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 164 de la décision attaquée, quant à la relation existant entre les deux infractions retenues dans celle-ci. Si ces requérantes ne sont pas directement affectées par la constatation de la deuxième infraction, elles sont néanmoins en droit de soutenir, comme elles l’ont fait dans le cadre de leur demande de réduction du montant de l’amende, que, dans la mesure où aucune amende n’a été infligée aux producteurs européens au titre de la deuxième infraction, une inégalité de traitement a été commise à leur détriment. Le fait que la Commission ait considéré que les contrats d’approvisionnement, qui constituent la deuxième infraction, étaient un simple moyen de mise en oeuvre de l’infraction retenue notamment à l’encontre des requérantes japonaises implique que celles-ci ont un intérêt à mettre en cause l’établissement de ce lien, dès lors qu’il fait de la deuxième infraction le support de la première, laquelle leur est reprochée.

452
Il convient, toutefois, de rejeter le présent moyen.

453
L’obligation de la Commission au stade de la communication des griefs se limite à exposer les griefs avancés et à énoncer, de manière claire, les faits sur lesquels elle se fonde ainsi que la qualification qui leur est donnée, afin que ses destinataires puissent se défendre utilement (voir, en ce sens, arrêts cités par les requérantes, AKZO/Commission, point 448 supra, point 29, et Mo och Domsjö/Commission, point 425 supra, point 63). La Commission n’est pas obligée d’exposer les conclusions qu’elle tire des faits, documents et arguments juridiques.

454
Il convient de relever, en outre, que l’arrêt Hüls/Commission, point 448 supra, spécialement invoqué par les requérantes (point 39, in fine), se rapporte à la question de savoir dans quelles circonstances la Commission peut s’appuyer, dans sa décision finale, sur des documents qui, bien qu’étant annexés à la communication des griefs, n’ont pas été mentionnés expressément dans celle-ci.

455
En l’espèce, la seule différence pertinente entre le point en cause de la CG, soit le point 144, et le considérant 164 de la décision attaquée consiste dans le fait que, dans cette dernière, la Commission a considéré que les contrats constituant la deuxième infraction « ne constituaient en fait qu’un moyen de mise en œuvre » de la première, alors que dans la CG elle s’était bornée à faire valoir que le « but » des contrats d’approvisionnement était de maintenir le statut domestique du marché du Royaume-Uni au regard des Règles fondamentales.

456
Il a été jugé au point 364 ci-dessus que la thèse de la Commission dans la décision attaquée est erronée dans la mesure où les contrats constitutifs de la deuxième infraction avaient plus d’un seul objectif. Toutefois, à supposer même qu’il soit possible de discerner une différence d’analyse entre la CG et la décision attaquée à cet égard, il est manifeste que les destinataires de la CG ont eu l’occasion de présenter leurs observations sur la notion clé qui sous-tend l’approche de la Commission, à savoir l’idée selon laquelle les producteurs européens ont conclu les contrats constitutifs de la deuxième infraction pour renforcer l’application des Règles fondamentales sur le marché offshore du Royaume-Uni.

457
Dans ces conditions, il n’y a pas eu de violation des droits de la défense à cet égard.

458
Enfin, il convient de relever que le Tribunal a tiré les conséquences, en ce qui concerne le montant des amendes, de l’erreur d’analyse qui sous-tend le présent moyen dans le cadre de celui tiré d’une inégalité de traitement (voir points 574, 588 et 590 ci-après).

13. Sur le quatorzième moyen, tiré de l’illégalité de la décision de la Commission du 25 novembre 1994 d’autoriser les vérifications des 1er et 2 décembre 1994

a)     Arguments des parties

459
Selon les quatre requérantes japonaises, la décision du 25 novembre 1994, sur laquelle la Commission s’est fondée pour procéder aux vérifications des 1er et 2 décembre 1994, est entachée d’illégalité parce qu’elle a habilité des fonctionnaires de la Commission à procéder à une enquête pour la Communauté européenne au titre de l’article 81 CE, tout en reconnaissant que l’Autorité de surveillance AELE était exclusivement compétente à cet égard, conformément à l’article 56 de l’accord EEE (ci-après l’« article 56 EEE »). L’adoption de la décision du 25 novembre 1994 sur cette double base juridique aurait été illégale.

460
La décision de la Commission du 25 novembre 1994 aurait été adoptée à la suite d’une demande, adressée à cette institution par le membre de l’Autorité de surveillance AELE chargé des affaires de concurrence, aux fins d’effectuer des vérifications sur le territoire de la Communauté européenne, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23 à l’accord EEE (ci-après le « protocole 23 »), dans le cadre d’une enquête que menait l’Autorité de surveillance AELE. L’Autorité de surveillance AELE aurait autorisé cette démarche par sa décision du 17 novembre 1994. Au point 1 de la CG, la Commission aurait expressément reconnu qu’elle avait agi en tant qu’agent de l’Autorité de surveillance AELE en procédant aux vérifications des 1er et 2 décembre 1994. Cette analyse serait confirmée par le libellé de l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23, qui permet à l’autorité de surveillance compétente, telle que définie à l’article 56 EEE, de demander à l’autre autorité de surveillance de procéder à des vérifications sur son territoire. Les requérantes japonaises relèvent, en outre, que, selon l’article 8, paragraphe 5, du même protocole, chacune des deux autorités a l’obligation, lorsqu’elle agit pour le compte de l’autre autorité, de transmettre à celle-ci toutes les informations ainsi obtenues immédiatement après l’accomplissement desdites vérifications.

461
Les requérantes relèvent que l’article 56 EEE, auquel renvoie explicitement l’article 8, paragraphe 3, du protocole 23, prévoit un partage strict des compétences entre les deux autorités de surveillance pour le traitement des affaires de concurrence particulières. Selon elles, l’article 56 EEE met en place un système de guichet unique par lequel le traitement de toutes les affaires particulières qui pourraient entrer dans le champ d’application de l’article 53 EEE est réparti entre la Commission et l’Autorité de surveillance AELE conformément à des critères précis qui excluent toute possibilité de compétence partagée ou parallèle dans une seule et même affaire. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, l’avis de la Cour 1/92, du 10 avril 1992 (Rec. p. I-2821), aurait indiqué que ce partage strict de compétences ne dénature pas les compétences de la Communauté et qu’il est donc compatible avec le traité CE.

462
Il s’ensuivrait que, en adoptant sa décision du 25 novembre 1994, par laquelle elle a donné suite à la demande d’assistance administrative sur le territoire de la Communauté, présentée au nom de l’Autorité de surveillance AELE, la Commission a nécessairement reconnu que celle-ci était exclusivement compétente à l’époque pour instruire l’affaire en question. Les requérantes japonaises font valoir que, selon les termes de l’article 56 EEE, les infractions qui affectent les échanges entre États membres de la Communauté européenne et qui violent donc l’article 81 CE relèvent de la compétence exclusive de la Commission. Si la Commission avait considéré, à l’époque où elle a arrêté sa décision du 25 novembre 1994, qu’elle avait compétence pour instruire l’affaire au titre de l’article 81 CE, elle aurait dû contester la demande d’assistance de l’Autorité de surveillance AELE, en lui demandant de clore son dossier et en ouvrant sa propre enquête. À cet égard, Nippon relève que la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994 confirme, tant dans ses considérants que dans son dispositif, qu’elle ne vise que des pratiques sur le marché offshore norvégien. Il serait donc clair que l’Autorité de surveillance AELE et la Commission considéraient toutes deux, à ce stade, que l’Autorité de surveillance AELE était l’autorité compétente pour enquêter sur les pratiques en question.

463
En décidant, le 25 novembre 1994, de procéder simultanément à sa propre enquête en vue d’établir si l’article 81 CE et/ou l’article 53 EEE avaient été violés, alors que l’Autorité de surveillance AELE était compétente à ce stade pour enquêter sur l’affaire en question, la Commission aurait donc violé l’article 56, paragraphe 1, EEE. En effet, comme l’a relevé la Commission dans la CG, ce n’est que le 6 décembre 1995 que l’Autorité de surveillance AELE a transmis son dossier à la Commission, au motif que les échanges intracommunautaires étaient affectés par les comportements qui faisaient l’objet de son enquête, démarche qui n’aurait eu aucun sens si la Commission avait déjà été compétente pour mener une enquête. En effet, la Commission aurait ouvert une nouvelle procédure d’enquête à la suite de ce transfert.

464
L’argument de la Commission, selon lequel l’article 56 EEE concerne uniquement la compétence pour adopter des décisions constatant l’existence d’une infraction, serait infirmé par l’article 55 de l’accord EEE qui dispose que « [l]’autorité de surveillance compétente en vertu de l’article 56 instruit [...] les cas d’infraction présumée ». De même, l’article 109 de l’accord EEE (ci-après l’« article 109 EEE ») que la Cour a considéré pertinent pour apprécier la compatibilité de l’article 56 EEE avec le traité CE dans son avis 1/92, cité au point 461 ci-dessus, confirmerait que l’exclusivité de la compétence vaut également au stade de l’instruction. En effet, l’article 109, paragraphe 4, EEE prévoit que la Commission et l’Autorité de surveillance AELE doivent chacune instruire les plaintes relevant de leur compétence et, le cas échéant, renvoyer les plaintes qui relèvent de la compétence de l’autre autorité à cette dernière. Aux termes de l’article 109, paragraphe 5, EEE, chacune de ces autorités aurait la possibilité de saisir le Comité mixte EEE en cas de désaccord sur la suite à donner à la plainte ou sur le résultat de l’instruction. Il serait absurde de considérer que le strict partage des compétences est applicable à la phase d’enquête dans les affaires où une plainte a été déposée, mais inapplicable à celle-ci dès lors que l’enquête a été ouverte d’office.

465
Compte tenu de tous ces éléments, il conviendrait d’interpréter le protocole 23, et notamment son article 10, paragraphe 3, invoqué par la Commission, à la lumière de l’article 109 EEE. En conséquence, les informations recueillies dans le cadre d’une enquête effectuée par ou pour le compte de l’Autorité de surveillance AELE et figurant dans un dossier transféré à la Commission par cette autorité au titre de l’article 10, paragraphe 3, du protocole 23 ne pourraient être utilisées par la Commission que dans le cadre de l’application des dispositions de l’accord EEE. Cette interprétation ne priverait pas l’article 10, paragraphe 3, de ce protocole de tout effet utile, contrairement à ce qu’affirme la Commission. En toute hypothèse, les termes et l’économie de l’article 10 du protocole 23 confirmeraient qu’une seule autorité peut être compétente pour instruire une affaire à un moment donné.

466
La décision du 25 novembre 1994, en vertu de laquelle la Commission a mené les vérifications sur place des 1er et 2 décembre 1994, étant illégale, il faudrait, à tout le moins, selon les requérantes japonaises, retirer du dossier toutes les preuves littérales obtenues au cours desdites enquêtes, conformément à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (ordonnance du président de la Cour du 26 mars 1987, Hoechst/Commission, 46/87 R, Rec. p. 1549, point 34, et arrêt PVC II, point 61 supra, point 395). La Commission aurait dû redemander les renseignements aux entreprises concernées, comme elle l’a fait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt PVC II, point 61 supra (points 474 à 476).

467
Les éléments de preuve recueillis par la Commission pour le compte de l’Autorité de surveillance AELE devraient être retirés du dossier de la procédure visée en l’espèce, non seulement parce que la décision de la Commission, du 25 novembre 1994, était illégale, mais également pour une seconde raison, tenant à ce que l’objectif de cette procédure diffère de celui de l’enquête de l’Autorité de surveillance AELE.

468
L’article 9, paragraphe 1, du protocole 23 dispose que les informations recueillies en application du protocole ne peuvent être utilisées qu’aux fins des procédures prévues aux articles 53 et 54 de l’accord EEE, de même que l’article 20 du règlement n° 17 limite l’utilisation des informations au seul but pour lequel celles‑ci ont été recueillies. S’agissant de l’application de cette dernière disposition, il serait de jurisprudence constante que le droit au secret professionnel et les droits de la défense d’une entreprise seraient violés si la Commission ou, le cas échéant, une autorité nationale invoque, à la charge de cette entreprise, des éléments de preuve obtenus au cours d’une enquête ayant un objet différent de celui de ladite affaire (arrêts de la Cour du 17 octobre 1989, Dow Benelux/Commission, 85/87, Rec. p. 3137, point 18 ; du 16 juillet 1992, Asociación Española de Banca Privada e.a., dit « Banques espagnoles », C‑67/91, Rec. p. I-4785, points 35 et suivants ; du 10 novembre 1993, Otto, C‑60/92, Rec. p. I-5683, point 20 ; arrêt PVC II, point 61 supra, point 472).

469
En particulier, la Cour aurait jugé, dans son arrêt Banques espagnoles, point 468 supra, que les éléments recueillis par la Commission au cours d’une enquête menée au titre de l’article 81 CE ne pouvaient être utilisés par les autorités nationales de la concurrence, y compris dans les hypothèses où celles-ci avaient pour mission d’appliquer la même disposition de droit communautaire (point 32 de l’arrêt). De la même manière, dans son arrêt Otto, point 468 supra, la Cour aurait considéré que les informations recueillies au cours d’une procédure nationale ne pouvaient être utilisées par la Commission pour établir l’existence d’une violation des règles communautaires de la concurrence (point 20 de l’arrêt). Enfin, JFE‑Kawasaki rappelle que, dans son arrêt PVC II, point 61 supra, le Tribunal s’est appuyé sur la circonstance selon laquelle la Commission avait redemandé la production des documents qu’elle avait déjà obtenus dans le cadre d’une enquête ayant un objet différent pour considérer que les droits de la défense avaient été respectés dans cette affaire (voir point 466 ci-dessus in fine).

470
Selon les requérantes japonaises, les documents qui ont pour origine les vérifications effectuées dans le cadre de l’enquête de l’Autorité de surveillance AELE devraient, en l’espèce, également être retirés du dossier, pour les mêmes motifs. L’objectif de cette enquête initiale aurait été sensiblement différent de celui de l’enquête ouverte ultérieurement par la Commission. En effet, la Commission aurait émis une CG portant sur un prétendu accord régi exclusivement par l’article 81 CE, alors qu’il ressortirait de la décision de l’Autorité de surveillance AELE, du 17 novembre 1994, que celle-ci examinait, au titre de l’article 53 EEE, uniquement des pratiques concernant le marché offshore norvégien.

471
Les deux enquêtes relèvent donc, selon les requérantes, d’ordres juridiques différents. Ainsi, il conviendrait de considérer, par analogie avec les arrêts Banques espagnoles et Otto, point 468 supra, et compte tenu du libellé de l’article 9, paragraphe 1, du protocole 23, que la valeur probante des éléments communiqués dans le contexte d’une enquête de l’Autorité de surveillance AELE est régie exclusivement par le droit de l’accord EEE et que ces éléments ne peuvent être invoqués que dans le cadre d’une procédure régie par les règles internes de cette autorité, soit le protocole 4 de l’accord entre les États de l’AELE relatif à l’institution d’une autorité de surveillance et d’une Cour de justice.

472
À la lumière du vice de procédure décrit ci-dessus, il serait nécessaire de retirer du dossier, en particulier, la note Quelques informations, la note de Vallourec dénommée « RB à M. Patrier », jointe à une lettre du 15 mai 1991, la télécopie de Mannesmann du 16 janvier 1991, intitulée « Liste Vancouver », reprise à la page 4782 du dossier de la Commission, la télécopie de Sumitomo du 19 février 1991, intitulée « Liste de prix » (« Price List »), reprise à la page 4789 du dossier de la Commission, la Note pour les présidents, le document « g) Japonais », la note Réunion du 24.7.90, le document de Mannesmann du 27 janvier 1986, intitulé « Marché des tubes d’acier 1970-1985 » (« Stahlröhrmarkt 1970-1985 »), repris à la page 2128 du dossier de la Commission, et le document Système pour les tubes en acier.

473
Le Tribunal ne devrait pas davantage tenir compte des déclarations effectuées par les entreprises faisant l’objet de l’enquête en réponse aux demandes de renseignements et aux questions de la Commission relatives à, ou fondées sur, les documents qui auraient dû être retirés du dossier pour les raisons exposées ci‑dessus. En effet, l’utilisation de ces déclarations serait entachée d’illégalité dans la même mesure que l’utilisation des pièces elles-mêmes, parce que la Commission, en l’absence desdites pièces, n’aurait pas été en mesure de soulever les questions concrètes qu’elles a posées et, partant, d’obtenir les éléments d’informations supplémentaires contenus dans ces déclarations. Il faudrait donc exclure du dossier dans la présente procédure la déclaration de M. Verluca du 17 septembre 1996, la déclaration de M. Verluca du 14 octobre 1996, la réponse de M. Becher, les réponses de Corus, les réponses de Nippon des 17 novembre et 4 décembre 1997, reprises aux pages 13544 et 14157 du dossier de la Commission, les réponses de Sumitomo des 31 octobre et 16 décembre 1997, reprises aux pages 14168 et 14430 du dossier de la Commission, les réponses de JFE‑NKK des 7 novembre et 15 décembre 1997, reprises aux pages 14451 et 14491 du dossier de la Commission, les réponses de JFE‑Kawasaki des 3 novembre et 18 décembre 1997, reprises aux pages 14519 et 14615 du dossier de la Commission et, probablement, le document Vérification auprès de Vallourec.

474
Selon Nippon, il faudrait encore retirer du dossier d’autres documents, au motif qu’ils remontent à une période antérieure aux vérifications des 1er et 2 décembre 1994, à savoir la télécopie de Sumitomo à Vallourec du 9 octobre 1987, reprise à la page 4283 du dossier de la Commission, le Compte rendu de l’entretien avec JF, le document du 19 septembre 1991 intitulé « Parts de marché premium estimés par SMI », repris à la page 4848 du dossier de la Commission, le document intitulé « Exportations japonaises de tubes sans soudure (jan-sep 95) » (« Japan’s Exports of Seamless Pipe (jan-sep 95) »), repris à la page 8514 du dossier de la Commission, le document intitulé « Rapport concernant les ventes de tubes sans soudure OCTG 1993 (jan-sept) » [« OCTG Seamless pipe supply record 1993 (jan-sept) »], repris à la page 8692 du dossier de la Commission, la note Renouvellement du contrat VAM BSC, la note Entretien BSC, la note Réflexions stratégiques, la note Réflexions sur le contrat VAM, la note de Vallourec intitulée « Relations avec JFE‑Kawasaki » du 29 août 1991, reprise à la page 15802 du dossier de la Commission, et la note de Vallourec intitulée « Licence VAM à Siderca », du 20 juin 1994, reprise à la page 15809 du dossier de la Commission.

475
Il résulterait du fait que les éléments de preuve documentaires et les déclarations susmentionnés ont été obtenus d’une manière illicite que la décision attaquée elle-même est entachée d’illégalité, notamment dans la mesure où les droits de la défense des entreprises destinataires ont été violés. Selon JFE‑Kawasaki, cette circonstance suffirait à elle seule à annuler la décision attaquée. En tout état de cause, les requérantes japonaises s’accordent pour dire que le retrait de tout élément de preuve obtenu sur la base d’une décision illicite s’impose, sous peine de l’annulation de la décision attaquée, dans la mesure où elle est fondée sur de tels moyens de preuve (ordonnance Hoechst/Commission, point 466 supra, point 34).

476
La Commission précise qu’elle n’a pas violé l’article 53 EEE en autorisant ses fonctionnaires et agents à enquêter sur des infractions à l’article 81 CE, notamment par sa décision du 25 novembre 1994, tout en les autorisant à enquêter simultanément, par rapport aux mêmes circonstances factuelles, sur la possible existence d’une infraction à l’article 53 EEE pour le compte de l’Autorité de surveillance AELE, conformément à la demande en ce sens de celle-ci. En effet, l’Autorité de surveillance AELE n’aurait pas été exclusivement compétente pour mener une enquête au moment où cette décision a été prise. Selon la Commission, l’article 53 EEE ne contient aucune disposition de nature à rendre l’article 81 CE inapplicable dans une situation où les conditions d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 EEE sont cumulativement remplies. Cette interprétation de l’article 53 EEE serait confirmée par l’avis de la Cour 1/91, du 14 décembre 1991 (Rec. p. I‑6079), et par l’avis 1/92, point 461 supra.

477
Ainsi, selon la Commission, une telle enquête par l’Autorité de surveillance AELE ne pouvait empiéter sur les pouvoirs dévolus à la Communauté dans son domaine de compétence. La Commission serait restée libre d’enquêter sur des infractions à l’article 81 CE. En effet, elle aurait été l’autorité de surveillance compétente pour ce faire au sens de l’article 55 de l’accord EEE.

478
La Commission fait observer que, en toute hypothèse, elle a dû conserver le droit de mener une enquête, à tout le moins aux fins de déterminer si elle était ou non l’autorité compétente en l’espèce, du fait de l’existence d’effets sur le commerce entre États membres.

479
En réponse aux arguments des requérantes japonaises tirés de la jurisprudence, la Commission relève que l’existence, dans le système créé par l’accord EEE, d’un mécanisme permettant le transfert d’une affaire d’une autorité à l’autre différencie le cas d’espèce de celui ayant donné lieu à l’arrêt Banques espagnoles, point 468 supra, dès lors qu’il n’existe pas, dans le système communautaire, un mécanisme analogue prévoyant des transferts de cas entre la Commission et les autorités nationales de la concurrence. De plus, l’arrêt PVC II, point 61 supra, serait sans pertinence en l’espèce, dans la mesure où les deux procédures en cause dans cet arrêt dans lesquelles les mêmes informations ont été réunies auraient un objet distinct.

480
En outre, les preuves réunies par la Commission ne l’auraient pas été uniquement aux fins d’une procédure autre que celle qui fait l’objet de la décision attaquée, mais en vertu de décisions d’enquêter qui faisaient expressément mention d’éventuelles infractions à l’article 81 CE et qui étaient fondées sur une double base juridique. Du fait de cette double base juridique, la décision du 25 novembre 1994 serait licite en toute hypothèse.

481
À l’audience, l’Autorité de surveillance AELE n’a présenté d’observations que sur le présent moyen. À cet égard, elle s’est ralliée, en substance, aux arguments avancés par la Commission.

b)     Appréciation du Tribunal

482
Il y a lieu de rappeler d’abord que, dans son avis 1/92, point 461 supra, la Cour a déclaré que les dispositions de l’accord EEE qui lui avaient été soumises, notamment son article 56 sur la répartition des compétences en matière de concurrence entre l’Autorité de surveillance AELE et la Commission, étaient compatibles avec le traité CE.

483
Pour arriver à cette conclusion en ce qui concerne ledit article, la Cour a relevé, en particulier, aux points 40 et 41 dudit avis que la compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux dans le domaine de la concurrence comporte nécessairement la possibilité, pour la Communauté, d’accepter des règles conventionnelles sur la répartition des compétences respectives des parties contractantes dans le domaine de la concurrence, pour autant que ces règles ne dénaturent pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu’elles sont conçues dans le traité.

484
Il découle donc de l’avis 1/92 que l’article 56 EEE ne dénature pas les compétences de la Communauté prévues par le traité CE dans le domaine de la concurrence.

485
À cet égard, il ressort aussi bien d’une lecture de l’article 56 EEE lui-même que de la description détaillée de cette disposition figurant dans la partie introductive de l’avis 1/92, sous la partie « Résumé de la demande de la Commission », que toutes les affaires relevant de la compétence communautaire en matière de concurrence avant l’entrée en vigueur de l’accord EEE restent soumises à la compétence exclusive de la Commission après son entrée en vigueur. En effet, toutes les affaires dans lesquelles le commerce entre les États membres de la Communauté européenne est affecté continuent de relever de la compétence de la Commission, qu’il y ait ou non, en outre, affectation du commerce entre la Communauté et les États AELE et/ou entre les États AELE eux-mêmes.

486
À la lumière de ce qui précède, force est de constater que les dispositions de l’accord EEE ne sauraient être interprétées d’une manière qui priverait la Commission, même de façon temporaire, de sa compétence pour appliquer l’article 81 CE à un accord anticoncurrentiel affectant le commerce entre États membres communautaires.

487
Or, il y a lieu de constater en l’espèce que la Commission, dans sa décision du 25 novembre 1994 ouvrant une enquête dans le secteur des tubes en acier, a invoqué, notamment, l’article 81 CE et le règlement n° 17 comme base légale. Dans le cadre de cette enquête, elle a exercé les pouvoirs qui lui sont attribués par le règlement n° 17 pour recueillir les preuves invoquées dans la décision attaquée et, enfin, elle a sanctionné les accords infractionnels exclusivement au titre de l’article 81 CE aux articles 1er et 2 de ladite décision.

488
Par ailleurs, il convient de répondre expressément à l’argumentation spécifique des requérantes japonaises relative au caractère illicite de la double base juridique utilisée par la Commission dans sa décision du 25 novembre 1994, à savoir non seulement l’article 81 CE et le règlement n° 17, mais également l’article 53 EEE et la décision de l’Autorité de surveillance AELE du 17 novembre 1994 autorisant l’envoi d’une demande d’assistance à la Commission.

489
Force est de constater que, en l’espèce, la Commission ne pouvait raisonnablement savoir avec certitude au moment de l’adoption de sa décision du 25 novembre 1994 quelle était la base juridique correcte, dès lors que la réponse à cette question dépendait de la portée géographique d’une éventuelle infraction et, plus spécifiquement, de la question de savoir si celle-ci affectait le commerce entre États membres de la Communauté. Les requérantes japonaises relèvent à juste titre que l’accord EEE, notamment ses articles 56 et 109, établissent un système de « guichet unique » pour l’application des règles de concurrence, applicable dès le stade de l’instruction, de sorte que chacune des deux autorités a l’obligation de se dessaisir et de transférer son dossier à l’autre autorité si elle constate que l’autre autorité est compétente.

490
Toutefois, cette notion de « guichet unique » ne saurait s’appliquer dès le début de l’enquête s’il n’est pas possible à ce stade de déterminer quelle autorité est compétente, sous peine de violer, dans l’hypothèse où l’Autorité de surveillance AELE serait saisie mais où la Commission serait finalement compétente, le principe, exposé ci-dessus, selon lequel les dispositions de l’accord EEE ne sauraient priver la Commission de sa compétence pour enquêter sur les comportements anticoncurrentiels affectant le commerce entre États membres de la Communauté.

491
Il y a lieu de relever en outre à cet égard que le simple fait pour une institution communautaire de s’appuyer dans un acte aussi bien sur une base juridique correcte que sur une ou plusieurs autres bases juridiques qui s’avèrent finalement avoir été inappropriées ne saurait emporter à lui seul la conséquence que ledit acte est entaché d’un vice (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, points 79 à 103, notamment point 94).

492
Il résulte de ce qui précède que la Commission a été compétente, à tout moment, pour enquêter sur les accords anticoncurrentiels finalement sanctionnés dans la décision attaquée malgré le fait que l’Autorité de surveillance AELE avait déjà lancé une enquête relative à des pratiques éventuelles de nature similaire sur le marché norvégien. En conséquence, les autres arguments avancés par les requérantes japonaises, notamment celui tiré de la jurisprudence issue de l’arrêt Banques espagnoles (voir points 468 et 469 ci-dessus), sont sans pertinence en l’espèce.

493
Dans ces conditions, le présent moyen doit être rejeté.

B – Sur les demandes de réduction du montant des amendes

1. Sur les premier et deuxième moyens, tirés d’un défaut de motivation quant à la non-application en faveur de JFE‑NKK de la communication sur la coopération et d’une erreur à cet égard

a)     Arguments des parties

494
Selon JFE‑NKK, la Commission n’a pas motivé son refus d’appliquer la communication sur la coopération en sa faveur de manière suffisante au considérant 175 de la décision attaquée.

495
JFE‑NKK soutient, à cet égard, qu’elle a répondu de manière détaillée aux quatre demandes de renseignements que lui a adressées la Commission, ce qui justifierait une réduction de 10 % du montant de l’amende qui lui a été imposée, conformément à l’arrêt de la Cour du 14 juillet 1972, ICI/Commission (48/69, Rec. p. 619). En outre, elle fait valoir qu’elle est le seul producteur qui ait fourni à la Commission les dates, les noms des participants et les lieux exacts des réunions tenues entre les producteurs européens et japonais, ce qui devrait lui donner droit à une réduction du montant de l’amende de 20 % selon cette même jurisprudence.

496
Selon la Commission, l’argumentation de JFE‑NKK quant au défaut de motivation est dénuée de tout fondement, dès lors que le considérant 175 de la décision attaquée expose qu’il n’y a eu aucune coopération effective dans son cas. Aux termes de la communication sur la coopération, il faudrait à tout le moins que l’entreprise en cause informe la Commission qu’elle ne conteste pas la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs, ce que JFE‑NKK n’a pas fait.

b)     Appréciation du Tribunal

497
Il suffit de constater que le considérant 175 de la décision attaquée expose qu’il n’y a eu « aucune coopération effective » de JFE‑NKK dans le cadre de l’enquête menée en l’espèce. Or, que cette constatation soit exacte ou non, force est de constater qu’elle constitue une motivation suffisante du refus de la Commission d’accorder une réduction du montant de l’amende infligée à JFE‑NKK au titre de la coopération.

498
À supposer même que les présents moyens puissent être considérés comme étant tirés d’une erreur dans l’application de la communication sur la coopération, ils doivent être rejetés.

499
En effet, il y a lieu de rappeler que, pour justifier la réduction du montant d’une amende au titre de la coopération, le comportement d’une entreprise doit faciliter la tâche de la Commission consistant en la constatation et la répression des infractions aux règles communautaires de la concurrence (voir arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Mayr-Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec. p. II-1751, point 309, et la jurisprudence citée).

500
En l’espèce, il convient de relever que, si les réponses aux questions fournies par JFE‑NKK, notamment les indications contenues dans sa réponse du 7 novembre 1997 concernant les dates et les lieux de plusieurs réunions du club Europe-Japon, ont été d’une certaine utilité pour la Commission, elles ne font que confirmer certaines des informations déjà fournies par M. Verluca dans ses déclarations, faites au nom de Vallourec en 1996. Dès lors, il n’est pas exact que JFE‑NKK est la seule entreprise qui ait fourni de telles informations.

501
Certes, pour autant que des entreprises fournissent à la Commission, au même stade de la procédure administrative et dans des circonstances analogues, des informations semblables concernant les faits qui leur sont reprochés, les degrés de la coopération fournie par elles doivent être considérés comme comparables (voir, par analogie, arrêt Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, point 50 supra, points 243 à 245).

502
Toutefois, en l’espèce, Vallourec a, par le biais des déclarations de M. Verluca, reconnu explicitement que les réunions en question ont eu lieu dans le cadre d’un accord de partage des marchés concernant notamment les marchés nationaux des quatre producteurs européens. En effet, M. Verluca a relevé que chaque membre du club Europe-Japon était tenu de respecter le marché national de chacun des autres membres de ce club, en précisant que le marché offshore du Royaume-Uni avait un statut particulier, celui-ci étant « semi-protégé ». Il a également précisé la durée ainsi que le mode de fonctionnement de l’accord de partage des marchés. En revanche, JFE‑NKK a soutenu, dans sa réponse du 7 novembre 1997, que si les producteurs européens lui ont demandé de respecter leurs marchés nationaux elle n’a jamais répondu favorablement à ces demandes.

503
Force est de constater que M. Verluca ne s’est pas contenté de répondre aux questions posées par la Commission, lors de la première vérification effectuée auprès de Vallourec en septembre 1996. En effet, il ressort des déclarations de M. Verluca, appréciées dans leur ensemble, une véritable volonté de reconnaître l’existence d’une infraction et de coopérer de manière effective dans le cadre de l’enquête menée par la Commission. JFE‑NKK s’est en revanche bornée à fournir les informations factuelles que la Commission lui avait demandées tout en refusant toute interprétation de celles-ci susceptible d’établir l’existence d’une infraction dans son chef.

504
Il y a lieu de considérer que l’utilité des informations fournies par JFE‑NKK repose exclusivement sur le fait qu’elles corroborent, dans une certaine mesure, les déclarations de M. Verluca dont la Commission disposait déjà. Par conséquent, la communication de ces informations n’a pas facilité la tache de la Commission de manière significative et, partant, suffisante pour justifier une réduction du montant de l’amende infligée au titre de la coopération.

505
Pour le surplus, la Commission constate à juste titre que JFE‑NKK ne l’a informée à aucun moment qu’elle reconnaissait la matérialité des faits durant la procédure administrative. Elle a par ailleurs continué de les contester devant le Tribunal.

506
Dans ces conditions, force est de constater que l’argumentation de JFE‑NKK ne justifie pas l’application de la communication sur la coopération en vue de réduire le montant de l’amende infligée à cette entreprise.

2. Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne le mode de calcul du montant des amendes

a)     Arguments des parties

507
Selon JFE‑NKK, la Commission n’a pas exposé le mode de calcul du montant des amendes de manière suffisamment détaillée pour se conformer aux exigences de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II-1063, point 142). Elle n’aurait notamment pas examiné le chiffre d’affaires ainsi que la participation effective à l’infraction de chaque destinataire de la décision attaquée aux fins de la fixation du montant des amendes. Selon JFE‑NKK, cette omission est constitutive d’un défaut de motivation.

508
La Commission relève qu’elle a exposé le mode de calcul des amendes de manière adéquate dans la décision attaquée, notamment à son considérant 162.

b)     Appréciation du Tribunal

509
Il suffit de constater, à cet égard, que la Commission a exposé de manière claire et cohérente, aux considérants 156 à 175 de la décision attaquée, les éléments dont elle a tenu compte pour fixer le montant des amendes. L’arrêt Tréfilunion/Commission, point 507 supra, n’est d’aucun secours à JFE‑NKK, dès lors qu’il se borne à indiquer à cet égard que la Commission doit exposer le mode de calcul des amendes. La question distincte de savoir si la Commission a commis des erreurs d’appréciation en ce qui concerne le calcul du montant des amendes sera examinée aux points 515 et suivants ci-après.

510
En conséquence, le présent moyen doit être rejeté.

3. Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction

a)     Arguments des parties

511
Aux points 136 et suivants ci-dessus sont résumés les arguments des requérantes japonaises par lesquels elles font valoir que la Commission aurait dû, à tout le moins, retenir une infraction d’une durée moindre que celle qu’elle a constatée à l’article 1er de la décision attaquée.

512
La Commission ayant appliqué une augmentation de 10 % par an du montant de l’amende fixée en fonction de la gravité et l’infraction n’ayant duré, tout au plus, que quatre années complètes (de 1991 à 1994) plutôt que cinq années, il y aurait lieu de ramener l’augmentation globale de 50 %, retenue dans la décision attaquée pour toutes les requérantes japonaises au titre de la durée, à 40 % au maximum. Dans son mémoire en réplique, Nippon relève que l’argument avancé par la Commission, selon lequel les accords d’autolimitation n’avaient pas fait obstacle à ce que les producteurs japonais vendent des tubes sans soudure dans la Communauté, est incompatible avec la position qu’elle a prise dans la décision attaquée par rapport à la période allant de 1977 à 1989. Sumitomo soutient à cet égard que les agents de la Commission ne sauraient se substituer aux membres de cette institution en avançant l’argument selon lequel il était justifié d’imposer une amende pour l’année 1990, à supposer même que les accords d’autolimitation aient été appliqués cette année-là.

513
Les arguments de la Commission sur la durée de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée sont résumés aux points 157 et suivants ci-dessus. En substance, la durée de l’infraction ayant été établie à suffisance de droit, il n’y a pas lieu, selon la Commission, de réduire le montant des amendes.

b)     Appréciation du Tribunal

514
Les arguments des parties relatifs à la durée de l’infraction ayant été examinés aux points 338 à 352 ci-dessus, il suffit, dans le cadre du présent moyen, de rappeler que cette durée doit être réduite, en ce qui concerne chacune des requérantes japonaises, de cinq années à trois années et six mois, soit une période allant du 1er janvier 1991 au 1er juillet 1994. Cette nouvelle durée sera prise en compte ci-après aux points 588 et 590 au titre de la fixation du montant des amendes infligées aux requérantes japonaises.

4. Sur le cinquième moyen, tiré d’une appréciation erronée des documents soutenant la démonstration de l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée

a)     Arguments des parties

515
Les requérantes japonaises rappellent les arguments qu’elles ont avancés pour demander l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée, qui reposent sur l’absence de concordance entre les produits visés par les diverses preuves littérales invoquées par la Commission dans la décision attaquée et ceux finalement visés par l’infraction reprochée (voir points 105 et suivants ci-dessus). Si le Tribunal devait rejeter certaines des preuves littérales invoquées par la Commission, tout en entérinant la décision attaquée pour le surplus, le montant des amendes devrait être réduit de manière à correspondre à la définition des produits et à la durée de l’infraction découlant des documents probatoires qu’il ne rejetterait pas. Il conviendrait de tenir compte, dans ce contexte, du fait que certains éléments de preuve, notamment le document Clé de répartition, se rapportent à des marchés de produits plus limités.

516
JFE‑Kawasaki et Sumitomo font encore valoir que la Commission aurait dû, à tout le moins, tenir compte d’un marché plus limité aux fins de déterminer le degré de gravité de l’infraction et, partant, fixer le montant de l’amende à infliger aux destinataires de la décision attaquée à un niveau moindre. En particulier, sur le plan géographique, la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit que l’infraction retenue affectait le marché offshore britannique.

517
La Commission réplique que, pour autant que les preuves documentaires révèlent une variation du champ d’application de l’accord, celles-ci tendent à indiquer que ce champ d’application pourrait être plus large que celui constaté dans la décision attaquée. En ce qui concerne l’allégation suivant laquelle elle aurait mal identifié le marché géographique, la Commission rétorque qu’elle a apprécié la gravité de l’infraction en tenant compte du marché correctement défini aux considérants 160 et 161 de la décision attaquée sur la base des éléments de preuve recueillis au cours de son enquête (voir également points 144 et suivants ci-dessus).

b)     Appréciation du Tribunal

518
Il suffit, aux fins de rejeter le présent moyen, de rappeler que, ainsi qu’il a été jugé au point 352 ci-dessus, l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est établie à suffisance de droit, et ce à tous égards, sauf en ce qui concerne sa durée, dont l’incidence sur le montant des amendes a été relevée au point 514 ci-dessus.

5. Sur les cinquième et sixième moyens, tirés d’une violation du principe de proportionnalité et des lignes directrices pour le calcul des amendes et d’un défaut de motivation

a)     Arguments des parties

519
Selon les requérantes japonaises, il aurait dû être tenu compte, aux fins du calcul du montant des amendes qui leur ont été imposées, de l’absence d’effets de l’infraction sur le marché européen (arrêt de la Cour du 6 mars 1974, Istituto chemioterapico italiano et Commercial Solvents/Commission, 6/73 et 7/73, Rec. p. 223, points 51 et suivants ; arrêts Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra, points 614 et suivants, et Thyssen Stahl/Commission, point 74 supra, point 672). Nippon et Sumitomo renvoient sur ce point à leurs arguments relatifs aux obstacles aux échanges dont l’existence empêchait les producteurs japonais de vendre leurs produits sur les marchés communautaires, de sorte que les effets de l’infraction sur le marché commun auraient, en tout état de cause, été pratiquement inexistants. JFE‑NKK invoque, dans ce contexte, le point 3 des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices pour le calcul des amendes »), aux termes duquel la non‑application effective des accords ou pratiques infractionnelles constitue une circonstance atténuante. JFE‑Kawasaki fait valoir, à cet égard, que les amendes, y compris celles infligées aux requérantes japonaises, semblent englober le comportement infractionnel retenu à l’article 2 de la décision attaquée, ce qui serait illégal dès lors que cette seconde infraction concerne seulement les producteurs communautaires.

520
Par ailleurs, les produits retenus à l’article 1er de la décision attaquée seraient moins nombreux que ceux visés par la CG. En substance, le nombre de produits en cause serait tellement restreint que les amendes, d’un montant total de 99 millions d’euros, seraient disproportionnées par rapport au chiffre d’affaires cumulé moyen de tous les destinataires de la décision attaquée pour ces produits, lequel s’élèverait à 73 millions d’euros par an (considérant 162 de la décision attaquée). À cet égard, Sumitomo invoque les arrêts du Tribunal du 14 juillet 1994, Parker Pen/Commission (T‑77/92, Rec. p. II-549, point 580), et du 14 mai 1998, Fiskeby Board/Commission (T‑319/94, Rec. p. II-1331, point 40). Dans sa pratique décisionnelle antérieure, la Commission n’aurait jamais infligé une amende d’un montant approchant le chiffre d’affaires annuel réalisé sur le marché visé dans une décision constatant l’existence d’une infraction. JFE‑Kawasaki relève, en outre, que ce chiffre de 73 millions d’euros semble englober les ventes réalisées sur les marchés offshore de la Communauté, alors qu’il conviendrait de ne pas les prendre en compte, conformément à son argumentation résumée au point 405 ci-dessus.

521
Nippon relève à cet égard que, selon l’arrêt PVC II, point 61 supra, la Commission doit tenir compte de toutes les circonstances de l’infraction pour infliger une amende d’un montant proportionné. Parmi ces éléments figureraient notamment le volume et la valeur des marchandises faisant l’objet de l’infraction (arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, point 120). Par ailleurs, aux termes des lignes directrices pour le calcul des amendes, l’impact concret d’une infraction sur le marché devrait être pris en considération et il conviendrait de pondérer, dans certains cas, le montant de l’amende en fonction du poids spécifique, donc de l’impact réel, et, partant, de la gravité du comportement infractionnel de chaque entreprise (voir, aussi, arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, C‑51/92 P, Rec. p. I-4235, point 110, et arrêt Ciment, point 66 supra, point 4949). JFE‑Kawasaki ajoute, à cet égard, qu’elle est le plus petit des quatre producteurs japonais sanctionnés par la décision attaquée, en termes de chiffre d’affaires global. JFE‑NKK fait valoir que ses ventes de tubes OCTG et tuyaux de transport « projet » sans soudure sont inférieures à celles des quatre autres producteurs japonais. JFE‑NKK soutient, en outre, que la Commission aurait dû tenir compte du fait que les requérantes japonaises n’ont pas respecté l’accord illicite, dans la mesure où elles ont continué à commercialiser les produits en cause sur le seul marché qui les intéressait, à savoir le marché offshore du Royaume-Uni (arrêt Buchmann/Commission, point 58 supra, point 121). À cet égard, l’affirmation faite par la Commission au considérant 161 de la décision attaquée, selon laquelle les quatre États d’origine des producteurs européens visés par la décision attaquée constituent un marché géographique étendu, est incompatible, notamment, avec les observations figurant aux considérants 106 et 145 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission fait état de l’existence de quatre marchés nationaux.

522
L’argument de la Commission tiré de la jurisprudence relative à l’existence d’une marge d’appréciation pour fixer le montant de l’amende serait sans pertinence, dès lors que la Commission reste tenue de respecter l’article 15 du règlement n° 17. Par ailleurs, son argument tiré du fait que les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoient, en principe, un montant de base de 20 millions d’euros pour les infractions qualifiées de très graves ne saurait prévaloir sur le respect du principe de proportionnalité dans la fixation du montant des amendes.

523
Sumitomo considère que l’existence des accords d’autolimitation antérieurement à 1991 est une circonstance atténuante dont la Commission aurait dû tenir compte pour la période ultérieure, malgré le fait que la mise en oeuvre de l’article 81 CE n’était plus interdite du moment que ledit accord avait expiré. Sumitomo invite le Tribunal à appliquer par analogie l’arrêt Suiker Unie e.a./Commission, point 56 supra (points 619 et 620). Dans la mesure où la Commission prétend, dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑78/00, que l’existence desdits accords avant 1991 constituait une circonstance aggravante plutôt qu’une circonstance atténuante, cette argumentation serait incompatible avec l’approche retenue dans la décision attaquée et, partant, violerait l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE.

524
La Commission conteste que le montant de l’amende soit disproportionné et soutient que la position des requérantes japonaises repose sur la thèse erronée suivant laquelle ce montant doit être fixé en fonction de la taille du marché. Selon la Commission, le montant de l’amende doit être proportionné à la gravité de l’infraction appréciée dans son ensemble, et non au seul chiffre d’affaires des destinataires de la décision attaquée. Au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission aurait constaté que l’accord de partage des marchés constituait une infraction très grave à l’article 81 CE, au motif qu’il avait pour objet de cloisonner des marchés nationaux représentant la plus grande partie de la consommation communautaire des produits visés par la décision attaquée. Il serait donc manifeste que cette infraction a affecté le fonctionnement du marché commun ainsi que la concurrence au sein de celui-ci.

525
L’approche retenue au considérant 162 de la décision attaquée serait conforme aux lignes directrices pour le calcul des amendes qui exposent que, dans la limite d’un plafond de 10 % du chiffre d’affaires, le montant des amendes est calculé en prenant comme point de départ un montant au titre de la gravité. À cet égard, le chiffre d’affaires des destinataires d’une décision constatant l’existence d’une infraction serait uniquement pertinent par rapport à cette limite de 10 % (arrêt Ciment, point 66 supra, points 5005 à 5025). Les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoiraient un montant de départ de 20 millions d’euros pour les infractions très graves et, la Commission ayant déjà réduit ce montant à dix millions d’euros en raison de la taille du marché (considérant 163 de la décision attaquée), il n’y aurait pas lieu de le réduire davantage. La Commission relève, en outre, que, selon les lignes directrices pour le calcul des amendes, l’impact d’une infraction sur le marché n’est un facteur à prendre en considération que lorsqu’il est mesurable et qu’il convient de prendre en compte le chiffre d’affaires de chaque entreprise uniquement dans des cas où il existe une différence considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

526
L’approche retenue dans la décision attaquée serait conforme à la jurisprudence, laquelle a reconnu à la Commission un pouvoir d’appréciation pour fixer le montant de l’amende (arrêt Mo och Domsjö, point 425 supra, point 268). Au point 358 de cet arrêt, confirmé par la Cour sur pourvoi dans son arrêt du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission (C‑283/98 P, Rec. p. I-9855, point 62), le Tribunal aurait jugé que, s’agissant des infractions dont l’objet est très grave, l’impact sur le marché doit être présumé ou, en toute hypothèse, est dénué de pertinence dans le cadre de l’appréciation de la gravité.

527
En réponse à l’argumentation de JFE‑Kawasaki selon laquelle l’amende infligée aux producteurs japonais englobe celle qui devait être infligée au titre de l’infraction retenue à l’article 2, la Commission soutient que cette analyse est erronée dès lors qu’aucune amende ni aucune augmentation de celle-ci n’a été imposée, au titre de cette infraction.

528
La Commission fait valoir que le fait qu’elle a décidé de ne pas infliger une amende pour la période d’application des accords d’autolimitation constitue déjà une concession faite aux producteurs japonais, à la lumière notamment de l’avis de la Commission relatif à l’importation de produits japonais dans la Communauté (JO 1972, C 111, p. 13), dont il ressort que l’existence des accords d’autolimitation n’était d’aucun secours pour les producteurs japonais dans le cadre de l’application du droit de la concurrence. Ainsi, l’existence des accords d’autolimitation avant 1990 ne serait nullement une circonstance atténuante aux fins de la fixation du montant de l’amende à partir de 1990, contrairement à l’argumentation en ce sens de Sumitomo.

529
En réponse à l’argument de Sumitomo aux termes duquel la Commission n’est pas en droit de s’appuyer pour la première fois devant le Tribunal sur le caractère prétendument aggravant des accords d’autolimitation avant 1990, la Commission précise que Sumitomo demande au Tribunal, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, de réduire le montant de l’amende. Dans ce contexte, la Commission estime opportun d’attirer l’attention du Tribunal sur tous les éléments relatifs à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire.

530
À cet égard, il conviendrait de relever que Sumitomo cherche à avancer un moyen nouveau dans le cadre de sa demande en réduction du montant de l’amende, en soulevant la question de la motivation au stade de la réplique, alors que la requête ne contient aucun moyen tiré de d’une insuffisance de la motivation en ce qui concerne la fixation de ce montant. Ce moyen serait irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

b)     Appréciation du Tribunal

531
Il importe de relever tout d’abord que, aux termes de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, la Commission peut infliger des amendes de mille euros au moins et d’un million d’euros au plus, ce dernier montant pouvant être porté à 10 % du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction. Pour déterminer le montant de l’amende à l’intérieur de ces limites, ladite disposition prescrit la prise en considération de la gravité et de la durée de l’infraction.

532
Or, ni le règlement n° 17, ni la jurisprudence, ni les lignes directrices pour le calcul des amendes ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres. En effet, conformément au règlement n° 17, tel qu’interprété par la jurisprudence, le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 1994, Tetra Pak/Commission, T‑83/91, Rec. p. II-755, point 240, et, par analogie, arrêt du Tribunal du 21 octobre 1997, Deutsche Bahn/Commission, T‑229/94, Rec. p. II-1689, point 127). Comme la Cour l’a affirmé au point 120 de son arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, il est nécessaire de tenir compte, pour apprécier la gravité d’une infraction, d’un grand nombre d’éléments dont le caractère et l’importance varient selon le type d’infraction en cause et les circonstances particulières de celle-ci (voir, aussi, par analogie, arrêt Deutsche Bahn/Commission, précité, point 127).

533
Il convient de relever également, à cet égard, que la seule référence expresse au chiffre d’affaires de l’entreprise en cause, soit la limite de 10 % du chiffre d’affaires retenu aux fins de la fixation des amendes à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, vise le chiffre d’affaires global de l’entreprise réalisé dans le monde entier (voir, en ce sens, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, point 119) et non le chiffre d’affaires réalisé par elle sur le marché affecté par le comportement anticoncurrentiel sanctionné. Il ressort du même point de cet arrêt, en effet, que cette limite vise à éviter que les amendes soient disproportionnées par rapport à l’importance de l’entreprise dans son ensemble.

534
Toutefois, il importe de souligner que ladite référence au chiffre d’affaires mondial est exclusivement pertinente pour le calcul de la limite supérieure de l’amende pouvant être infligée par la Commission (voir point 1 des lignes directrices pour le calcul des amendes) et ne signifie nullement qu’il doit exister une relation strictement proportionnelle entre la taille de chaque entreprise et le montant de l’amende qui lui est infligée.

535
Dans la mesure où il n’est pas allégué en l’espèce que le montant des amendes dépasse 10 % du chiffre d’affaires global des requérantes japonaises, ces amendes ne sauraient être critiquées du seul fait que, cumulées à celles infligées aux producteurs européens, elles dépassent le chiffre d’affaires réalisé sur le marché concerné, soit 73 millions d’euros. Il convient, certes, d’observer que la Cour, dans l’arrêt du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission (C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 61), a souligné, de manière incidente, que « l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 [...] vise à garantir que la sanction soit proportionnée à l’importance de l’entreprise sur le marché des produits faisant l’objet de l’infraction ». Cependant, outre le fait que, dans le point 61 de l’arrêt susvisé, la Cour vise expressément, à titre de référence, le point 119 de l’arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 56 supra, il y a lieu de souligner que la formulation en cause, non reprise dans la jurisprudence ultérieure, s’inscrit dans le contexte particulier de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt KNP BT/Commission, précité. Dans cette affaire, la requérante reprochait, en effet, à la Commission d’avoir tenu compte de la valeur des ventes internes au groupe aux fins de la détermination de ses parts de marché, ce qui a néanmoins été jugé valable par la Cour pour le motif précité. Il ne saurait, dès lors, en être déduit que les sanctions infligées aux requérantes japonaises en l’espèce sont disproportionnées.

536
Par ailleurs, il convient de relever que, si la Commission n’a pas expressément invoqué les lignes directrices pour le calcul des amendes dans la décision attaquée, elle a néanmoins déterminé le montant des amendes imposées aux requérantes japonaises en faisant application de la méthode de calcul qu’elle s’y est imposée.

537
Or, si la Commission jouit d’une marge d’appréciation pour fixer le montant des amendes (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II-1165 point 59, et, par analogie, Deutsche Bahn/Commission, point 532 supra, point 127), il y a lieu de constater que la Commission ne peut se départir des règles qu’elle s’est imposées (voir arrêt Hercules Chemicals/Commission, point 327 supra, point 53, confirmé sur pourvoi par arrêt du 8 juillet 1999, Hercules Chemicals/Commission, point 521 supra, et la jurisprudence citée). Ainsi, la Commission doit effectivement tenir compte des termes des lignes directrices pour le calcul des amendes en fixant le montant des amendes, notamment des éléments qui y sont retenus de manière impérative.

538
Cependant, la marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent pas en tout état de cause de l’exercice, par le juge communautaire, de sa compétence de pleine juridiction.

539
Il convient de relever que, d’après le point 1 A des lignes directrices pour le calcul des amendes, « [l]’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné ». Or, au considérant 159 de la décision attaquée, la Commission relève qu’elle a pris en compte ces trois mêmes critères pour déterminer la gravité de l’infraction.

540
Toutefois, la Commission s’est appuyée, au considérant 161 de la décision attaquée, essentiellement sur la nature du comportement infractionnel de toutes les entreprises pour fonder sa conclusion selon laquelle l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est « très grave ». À cet égard, elle a invoqué la nature gravement anticoncurrentielle et nuisible au bon fonctionnement du marché intérieur de l’accord de partage des marchés sanctionné, le caractère délibéré de l’illégalité et la nature secrète et institutionnalisée du système mis en place pour restreindre la concurrence. La Commission a pris en compte également dans ce même considérant 161 le fait que « les quatre États membres en cause représentent la majorité de la consommation des [tubes] OCTG et des [tuyaux de transport] sans soudure dans la Communauté et dès lors un marché géographique étendu ».

541
En revanche, la Commission a constaté au considérant 160 de la décision attaquée que « l’impact concret de l’infraction sur le marché a été limité », parce que les deux produits spécifiques couverts par celle-ci, à savoir les tubes OCTG standard et les tuyaux de transport « projet », ne représentent que 19 % de la consommation communautaire des tubes OCTG et tuyaux de transport sans soudure et que les tubes soudés peuvent désormais couvrir une partie de la demande pour les tubes sans soudure du fait des progrès technologiques.

542
Ainsi, au considérant 162 de la décision attaquée, la Commission, après avoir qualifié cette infraction de « très grave » sur la base des facteurs énumérés au considérant 161, a tenu compte de la quantité relativement réduite des ventes des produits en question par les destinataires de la décision attaquée dans les quatre États membres concernés (73 millions d’euros par an). Cette référence à la taille du marché affecté correspond à l’appréciation de l’impact limité de l’infraction sur le marché au considérant 160 de la décision attaquée. La Commission a donc décidé de fixer le montant qui est fonction de la gravité de l’infraction à 10 millions d’euros. Or, les lignes directrices pour le calcul des amendes prévoient, en principe, un montant d’amende « au-delà de 20 millions [d’euros] » pour une infraction relevant de la catégorie des infractions très graves.

543
Il convient de considérer que cette réduction du montant fixé en fonction de la gravité à 50 % de la somme minimale retenue habituellement dans le cas d’une infraction « très grave » tient compte de manière adéquate de l’impact limité de l’infraction sur le marché en l’espèce. À cet égard, il y a lieu de rappeler également que les amendes ont pour vocation de remplir une fonction de dissuasion en matière de concurrence (voir, à cet égard, point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes). Ainsi, compte tenu de la grande dimension des entreprises destinataires de la décision attaquée, relevée au considérant 165 de la décision attaquée (voir également point 552 ci-après), une réduction substantiellement plus importante du montant fixé en fonction de la gravité aurait pu priver les amendes de leur effet dissuasif.

544
Quant aux arguments tirés de l’existence d’entraves aux exportations vers les marchés onshore communautaires, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas tenu compte de ces éléments dans la décision attaquée aux fins de la fixation du montant des amendes, dès lors qu’elle les conteste sur le plan factuel. Étant donné que la qualification de l’infraction de « très grave » en l’espèce repose sur la nature de cette infraction et sur son objet, plutôt que sur ses effets, ces arguments des requérantes japonaises n’ont aucune incidence sur cette analyse en tant que telle.

545
De plus, il convient de rappeler encore une fois à cet égard que la Commission a appliqué une réduction très significative, par rapport au montant retenu habituellement pour une infraction de cette gravité, afin de tenir compte du caractère limité des effets économiques de l’accord.

546
En outre, il échet de constater que, l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée ayant été établie sur la base de preuves documentaires, la participation des requérantes japonaises à l’accord à but anticoncurrentiel, ainsi sanctionné, est une des raisons principales pour lesquelles la Commission n’avait pas à apprécier en toute hypothèse la réalité et l’importance des obstacles au commerce invoqués par les requérantes japonaises. En effet, une entreprise qui accepterait, dans le cadre d’un accord plus large, de s’abstenir de vendre un produit particulier sur un marché donné alors qu’elle n’avait pas l’intention de le faire en tout état de cause rend pratiquement impossible, par sa propre attitude, de déterminer quel aurait été son comportement par rapport à la vente dudit produit sur le marché en question en l’absence dudit accord.

547
Or, le point 1 des lignes directrices pour le calcul des amendes précise que l’impact sur le marché d’une infraction doit être pris en compte « lorsqu’il est mesurable » (voir point 539 ci-dessus). Force est de constater que, dans les circonstances du cas d’espèce, c’est précisément le comportement infractionnel des requérantes japonaises elles-mêmes qui a rendu quasi impossible la mesure de l’importance des prétendus obstacles au commerce et, dès lors, la prise en compte desdits obstacles dans le cadre de l’appréciation de l’impact de l’infraction sur le marché.

548
Dans ces conditions, à supposer même que les allégations des requérantes quant à l’existence et la portée des barrières au commerce soient fondées, le Tribunal estime, dans le cadre de son pouvoir de pleine juridiction, que la Commission n’a, dans la fixation du montant des amendes en fonction de la gravité, nullement violé en l’espèce le principe de proportionnalité et qu’il ne serait pas justifié, dès lors, de réduire davantage ce montant au titre de ces circonstances. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de statuer sur l’éventuel bien-fondé de cet argument en l’espèce.

549
De même, il y a lieu de rejeter les arguments des requérantes japonaises relatifs à leur prétendu non-respect de l’accord sanctionné quant au marché offshore du Royaume-Uni sur lequel elles affirment avoir vendu des quantités importantes des produits visés à l’article 1er de la décision attaquée. Comme les arguments examinés aux points précédents, cette argumentation ne sert, à la supposer fondée, qu’à relativiser les effets pratiques de l’accord sanctionné à l’article 1er de la décision attaquée. Or, la Commission a déjà constaté et pris correctement en compte le fait que l’infraction avait eu un impact limité sur les marchés concernés (voir points 542 et 543 ci-dessus).

550
En tout état de cause, l’incidence de ce « non respect » de l’accord quant au marché offshore du Royaume-Uni est limitée par le fait que ce marché n’était que « semi-protégé », selon les termes de la décision attaquée, de sorte que la Commission avait déjà conscience de ce facteur au moment où elle a fixé le montant des amendes (voir considérant 62 de la décision attaquée).

551
Les requérantes japonaises relèvent que le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes prévoit la possibilité de « pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories [d’infractions] afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence ». Selon cet alinéa, cette approche est appropriée « notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature ».

552
En l’espèce, la Commission a constaté, au considérant 165 de la décision attaquée, que toutes les entreprises destinataires de la décision attaquée étaient de grande dimension, de sorte qu’il n’y avait pas lieu de procéder, à ce titre, à une différenciation entre les montants d’amendes retenus. À cet égard, aucune des requérantes japonaises n’a contesté sa qualification d’entreprise de grande dimension en tant que telle, leurs arguments à cet égard étant de nature purement comparative.

553
De plus, il résulte de l’utilisation de l’expression « dans certains cas » et du terme « notamment » dans les lignes directrices pour le calcul des amendes qu’une pondération en fonction de la taille individuelle des entreprises n’est pas une étape de calcul systématique que la Commission s’est imposée, mais une faculté de souplesse qu’elle s’est donnée dans les affaires qui le nécessitent. Il convient de rappeler dans ce contexte la jurisprudence selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains d’éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54, et arrêts de la Cour du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I-4411, points 32 et 33, et Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 180 supra, point 465 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, KNP BT/Commission, T‑309/94, Rec. p. II-1007, point 68). Compte tenu des termes du point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes, relevés ci-dessus, il y a lieu de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation par rapport à l’opportunité d’effectuer une pondération des amendes en fonction de la taille de chaque entreprise.

554
La Commission ayant constaté dans la décision attaquée que toutes les requérantes japonaises étaient de grande dimension (voir point 552 ci-dessus) et ayant tenu compte de l’impact relativement réduit de l’infraction sur les marchés de manière globale (voir points 542 et 543 ci-dessus), l’argumentation des requérantes japonaises ne suffit pas à démontrer que la Commission a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation en l’espèce du fait qu’elle n’a pas fait application du point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes.

555
Par ailleurs, Sumitomo fait valoir que l’existence des accords d’autolimitation avant 1991 est une circonstance atténuante dont la Commission aurait dû tenir compte pour la période postérieure à ces accords. Il suffit de constater à cet égard que, si le statut des accords d’autolimitation a fait l’objet d’un différend entre les requérantes japonaises et la Commission dans le cadre de la présente procédure, il est constant que ces accords n’étaient plus en vigueur, que ce soit au niveau national ou international, à partir du 1er janvier 1991. Force est de constater que, à compter du moment où les accords d’autolimitation n’étaient plus en vigueur, ils ne devaient plus affecter le comportement commercial des producteurs japonais et ne sauraient dès lors être invoqués comme circonstance atténuante dans le présent contexte.

556
À cet égard, les accords d’autolimitation n’ayant pas été considérés comme une circonstance aggravante dans la décision attaquée, il ne saurait y avoir de défaut de motivation sur cette qualification.

557
Enfin, quant à l’argument de JFE‑Kawasaki relatif à la prise en compte de l’infraction relevée à l’article 2 de la décision attaquée, il ressort du considérant 164 de la décision attaquée et de l’absence de références aux contrats d’approvisionnement constitutifs de cette deuxième infraction à ses considérants 159 à 163 et 165 à 175 que la Commission a décidé de pas tenir compte de celle-ci aux fins de la fixation du montant des amendes. Cette circonstance suffit pour priver cet argument de JFE‑Kawasaki de toute pertinence dans le cadre du présent moyen.

558
Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

6. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

a)     Arguments des parties

559
Selon Nippon, JFE‑Kawasaki et Sumitomo, le montant de l’amende infligée aux producteurs japonais, au motif qu’ils ont prétendument accepté de s’abstenir de vendre les produits visés à l’article 1er de la décision attaquée en Europe, serait disproportionné par rapport aux montants des amendes infligées aux producteurs européens. En effet, ces derniers auraient commis deux infractions ayant pour objet le cloisonnement du marché commun, aspect intracommunautaire qui serait absent de l’infraction prétendument commise par les producteurs japonais. La Commission aurait donc violé le principe de non-discrimination qui s’oppose notamment à ce que des situations différentes soient traitées de la même manière en l’absence de justification objective (arrêt de la Cour du 13 février 1996, Gillespie e.a., C‑342/93, Rec. p. I-475, point 16, et lignes directrices pour le calcul des amendes). Sumitomo relève qu’il n’est pas justifié de tirer des conséquences de la circonstance selon laquelle l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée s’inscrit, prétendument, dans le cadre de celle retenue à son article 1er, dès lors que la Commission n’allègue pas que l’accord entre les producteurs européens et japonais exigeait que les producteurs européens commettent cette infraction supplémentaire. Il s’ensuivrait, en outre, que les requérantes japonaises avaient bien un intérêt juridique à contester le raisonnement retenu par la Commission au considérant 164 de la décision attaquée, selon lequel aucune amende supplémentaire ne devait être infligée aux producteurs européens.

560
JFE‑Kawasaki réitère à cet égard son argumentation selon laquelle les relations entre les producteurs européens et japonais et les relations entre les producteurs européens eux-mêmes devaient être traitées comme deux infractions distinctes. Sumitomo soutient que, en tout état de cause, si une infraction qui a pour objet la répartition des marchés communautaires parmi les producteurs européens peut être qualifiée de très grave, du fait qu’elle est susceptible de cloisonner les marchés des États membres, tel n’est pas le cas en ce qui concerne l’engagement de producteurs d’un pays tiers de ne pas vendre leurs produits sur le marché communautaire.

561
Selon Sumitomo, la Commission a également violé le principe de non-discrimination en ne tenant pas compte de la durée plus longue de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées aux producteurs européens. Sumitomo rappelle, en outre, que l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée ne concerne pas les mêmes produits que ceux visés à l’article 1er, la seconde infraction ne concernant que les tubes lisses en acier.

562
Nippon soutient aussi que les accords d’autolimitation ne devaient pas être pris en considération, aux fins du calcul du montant de l’amende infligée aux producteurs européens, parce qu’ils n’avaient aucune incidence sur cet aspect intracommunautaire des infractions. En outre, l’amende infligée au titre de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée engloberait, selon JFE‑Kawasaki, celle qui devait être infligée au titre de l’infraction retenue à l’article 2, à laquelle les producteurs japonais seraient totalement étrangers. À la lumière de tous ces arguments, il y aurait lieu de réduire le montant de l’amende imposée aux producteurs japonais pour rétablir l’équilibre entre ceux-ci et les producteurs européens.

563
À cet égard, JFE‑NKK soutient que, en décidant que chaque producteur était responsable de la mise en oeuvre de la prétendue entente dans son ensemble, la Commission a appliqué le principe de la responsabilité collective et a violé, ce faisant, le principe général selon lequel les sanctions doivent trouver leur fondement dans la responsabilité individuelle.

564
Selon la Commission, les requérantes japonaises n’ont pas été traitées de manière discriminatoire, la même amende ayant été imposée au titre de la gravité à chacun des producteurs européens et japonais participants à l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée.

565
Les requérantes japonaises n’auraient aucun intérêt juridique à contester la conclusion figurant au considérant 164 de la décision attaquée, parce que le choix fait par la Commission de ne pas imposer d’amende supplémentaire pour tenir compte de la deuxième infraction ne les léserait pas. La circonstance selon laquelle l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée a duré plus longtemps que l’infraction principale qu’elle contribuait à mettre en oeuvre et le fait qu’elle concernait le marché des tubes lisses seraient sans incidence sur le niveau des amendes infligées au titre de l’article 1er de ladite décision.

b)     Appréciation du Tribunal

566
En ce qui concerne l’argumentation tirée de ce que l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée est composée en réalité de deux infractions, soit une infraction intracommunautaire et une infraction intercontinentale, il suffit de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 370 à 374 ci-dessus, cette infraction constitue une infraction unique. Ainsi, le fait de considérer que toutes les parties y ont participé dans la même mesure ne méconnaît nullement, à cet égard, le principe général d’égalité de traitement, ni d’ailleurs le principe de proportionnalité.

567
Quant au grief tiré de l’existence de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée dans le chef des producteurs européens, il a été constaté au point 557 ci‑dessus que la Commission n’a pas tenu compte de celle-ci aux fins du calcul du montant des amendes dans la décision attaquée.

568
Cependant, il a été jugé également, au point 451 ci-dessus, que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, les requérantes japonaises ont bien un intérêt juridique à mettre en cause l’appréciation de la Commission, exposée au considérant 164 de la décision attaquée, concernant la relation existant entre les deux infractions retenues dans celle-ci.

569
Il convient de rappeler que la Commission elle-même a considéré au considérant 111 de la décision attaquée que, après avoir examiné leurs caractéristiques propres, les contrats d’approvisionnement constituaient en eux-mêmes une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE et que leurs objets et effets restrictifs de concurrence allaient au-delà de leur seule contribution à la pérennité de l’accord Europe-Japon (voir points 362 à 364 ci-dessus). En particulier, la Commission a estimé que cette infraction avait produit des effets non seulement sur le marché en aval des tubes OCTG standard, mais aussi, de manière plus directe et évidente, sur le marché en amont des tubes lisses.

570
Force est de constater que la Commission devait tirer les conséquences de ces constatations de fait et qualifications juridiques aux fins de la fixation du montant des amendes et qu’elle ne l’a pas fait.

571
En effet, ainsi qu’il a été jugé au point 364 ci-dessus, la première phrase du considérant 164 de la décision attaquée est entachée d’erreurs d’appréciation en ce que la Commission a considéré que les contrats constituant la deuxième infraction n’étaient qu’un « moyen de mise en œuvre » de la première infraction. Par conséquent, la seconde phrase du considérant 164, par laquelle la Commission énonce son intention de ne pas imposer d’amende supplémentaire au titre de la deuxième infraction, est privée de son soutien logique.

572
La Commission dispose d’une certaine marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes et, pour autant que ses lignes directrices pour le calcul des amendes ne l’obligent pas à tenir compte systématiquement d’une circonstance donnée (voir points 537 et 553 ci-dessus, ainsi que la jurisprudence citée), elle peut déterminer quels facteurs il y lieu de prendre en compte à cette fin, ce qui lui permet d’adapter son appréciation in concreto. Son appréciation doit toutefois être effectuée dans le respect du droit communautaire, lequel inclut non seulement les dispositions du traité mais aussi les principes généraux du droit (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I-6677, point 38).

573
En omettant ainsi de prendre en considération l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée pour fixer le montant de l’amende infligée aux producteurs européens, la Commission a traité de manière indifférenciée des situations différentes sans pour autant se prévaloir de motifs objectifs susceptibles de justifier cette attitude. Il s’ensuit qu’elle a méconnu le principe général de droit communautaire d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II-1129, point 309, et la jurisprudence citée).

574
Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le présent moyen tiré d’une méconnaissance du principe d’égalité de traitement. Dès lors, il y a lieu que le Tribunal fasse usage de la compétence de pleine juridiction, qui résulte de l’article 229 CE et de l’article 17 du règlement n° 17, pour réformer le montant des amendes infligées par l’article 4 de la décision attaquée.

575
À cet égard, la Commission a relevé, à l’audience, que l’éventuelle existence de l’inégalité de traitement relevée ci-dessus devrait logiquement aboutir à la majoration du montant des amendes infligées aux producteurs européens, plutôt qu’à la réduction du montant des amendes infligées aux producteurs japonais. Il convient de relever, dans ce contexte, que, contrairement à ce qu’a avancé JFE‑Kawasaki en l’espèce dans le cadre d’un autre moyen (voir point 512 ci‑dessus), les agents de la Commission peuvent, sous réserve d’éventuelles instructions expresses contraires de leurs supérieurs hiérarchiques, légalement conclure à ce que le juge communautaire exerce son pouvoir de pleine juridiction pour majorer le montant d’une amende fixé par les membres de la Commission. En effet, le simple fait pour un agent de la Commission de demander au juge communautaire d’exercer un pouvoir dont dispose ce dernier et d’avancer des arguments qui pourraient, le cas échéant, justifier cette démarche ne saurait signifier que l’agent se substitue aux membres de la Commission.

576
Il y a lieu de considérer que, dans les circonstances du cas d’espèce, la solution la plus appropriée pour rétablir un juste équilibre entre les destinataires de la décision attaquée serait de majorer le montant de l’amende imposée à chacun des producteurs européens ayant formé un recours pour demander au Tribunal de réformer le montant de son amende et donc de procéder à la réappréciation du montant de celle-ci, plutôt que de réduire le montant des amendes infligées aux requérantes japonaises. En effet, l’inégalité de traitement susmentionnée ne tient pas à la sanction proportionnellement trop sévère imposée aux producteurs japonais, le mode de calcul retenu par la Commission pour fixer le montant de leurs amendes ayant été jugé parfaitement licite en lui-même (voir points 531 à 558 ci-dessus), mais, au contraire, au fait que la gravité du comportement infractionnel des producteurs européens, évaluée dans son ensemble, a été sous-évaluée par rapport à la gravité du comportement infractionnel des producteurs japonais.

577
De plus, chacune des requérantes dans les affaires T‑44/00, T‑48/00, et T‑50/00, à savoir Mannesmann, Corus et Dalmine, a demandé, dans son recours, que le Tribunal exerce, à son égard, sa compétence de pleine juridiction pour réformer le montant de l’amende imposée. Il faut reconnaître que, lorsque l’exercice de cette compétence est sollicité par une requérante, y compris dans le contexte d’une demande de réduction du montant d’une amende, le Tribunal est dès lors habilité à réformer l’acte attaqué, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier le montant de l’amende infligée (voir, en ce sens, arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 180 supra, point 692). De plus, la compétence de pleine juridiction, attribuée au juge communautaire à l’article 17 du règlement n° 17 conformément à l’article 229 CE, inclut expressément le pouvoir de majorer l’amende infligée, le cas échéant.

578
Toutefois, la Commission n’a pas conclu dans ses mémoires en défense dans les affaires T-44/00, T-48/00 et T-50/00, qui ont été jointes aux présentes affaires aux fins de l’audience (voir arrêts prononcés ce jour, Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 38, Corus/Commission, point 38, et Dalmine/Commission, points 38, 245 à 247), ni même tardivement lors de celle‑ci, même si elle a évoqué cette éventualité, à ce que le Tribunal révise à la hausse le montant des amendes infligées aux requérantes dans ces affaires. À cet égard, le Tribunal n’a pas invité ces requérantes à faire des observations à ce sujet. Dès lors, les requérantes dans les trois affaires susmentionnées n’ont pas eu l’occasion de prendre position sur l’opportunité d’une majoration de leurs amendes, ni sur les facteurs pouvant influer, le cas échéant, sur le montant de celles-ci. Dans ces conditions, les amendes infligées aux requérantes dans les trois affaires susmentionnées n’ont pas été augmentées (voir dispositif des arrêts Mannesmannröhren-Werke/Commission, Corus/Commission et Dalmine/Commission précités).

579
Il résulte de ce qui précède que le moyen le plus apte de remédier à l’inégalité de traitement relevée en l’espèce est de réduire, aux fins de la fixation du montant de l’amende infligée à chacune des requérantes japonaises, le montant retenu par la Commission au titre de la gravité de l’infraction, au considérant 163 de la décision attaquée. Dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, le Tribunal estime, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, qu’il y a lieu de réduire ledit montant de dix millions d’euros à neuf millions pour chacune des requérantes japonaises.

580
Ce nouveau montant est pris en compte aux points 588 et 590 ci-après pour fixer le montant des amendes infligées aux requérantes japonaises.

581
Enfin, quant à l’argumentation de Nippon relative au fait que les accords d’autolimitation ne devaient pas être pris en considération aux fins du calcul de l’amende infligée aux producteurs européens parce qu’ils n’avaient aucune incidence sur l’aspect intracommunautaire des infractions, il convient tout d’abord de relever qu’il a déjà été jugé qu’il n’y avait pas lieu en l’espèce de traiter l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée comme deux infractions autonomes, la première portant sur les relations entre les producteurs européens et japonais et la seconde sur les relations intracommunautaires (voir point 584 ci‑après).

582
Il y a lieu de relever ensuite que le choix fait par la Commission de ne pas retenir l’existence d’une infraction avant 1990 en raison de l’existence des accords d’autolimitation constitue nécessairement une concession, faite par la Commission aussi bien aux producteurs japonais qu’aux producteurs européens pour des raisons tenant à la politique commerciale suivie dans le secteur sidérurgique. En effet, d’après l’avis de la Commission relatif à l’importation de produits japonais dans la Communauté, l’existence des accords d’autolimitation n’aurait dû être d’aucun secours pour les producteurs japonais dans le cadre de l’application du droit de la concurrence.

583
À cet égard, il ressort du considérant 27 de la décision attaquée que les accords d’autolimitation ont été conclus à partir des années 70 « dans le cadre des mesures commerciales anticrise » adoptées par la Commission pour faire face à la situation difficile de l’industrie sidérurgique communautaire. Les requérantes japonaises n’ont pas contesté cette affirmation dans la présente procédure, et il convient de rappeler, à cet égard, que la Commission a accordé une réduction du montant des amendes infligées à tous les destinataires de la décision attaquée au titre de circonstances atténuantes pour tenir compte du fait « que le secteur des tubes d’acier a connu une situation de crise de longue durée inutile » (considérant 168 de la décision attaquée).

584
Compte tenu de ces circonstances, il y a lieu de considérer que les raisons de politique commerciale, sous-tendant la concession énoncée au considérant 108 de la décision attaquée pour la période correspondant à l’existence des accords d’autolimitation, tiennent non seulement aux relations entre les autorités communautaires et japonaises, mais aussi à l’existence de la crise affectant aussi bien les producteurs de tubes en acier japonais que leurs homologues communautaires pendant cette même période.

585
Par ailleurs, la Commission a relevé au considérant 27 de la décision attaquée et devant le Tribunal, sans être contredite à cet égard par les requérantes japonaises, que les accords d’autolimitation étaient simplement des accords de quotas et limitaient plutôt qu’ils n’interdisaient la commercialisation de tubes en acier d’origine japonaise dans la Communauté européenne. La différence de situation invoquée par Nippon est dès lors relative et non pas absolue. Ces accords ne suffisent donc pas à expliquer la passivité des requérantes japonaises sur les marchés communautaires.

586
Dans ces conditions, le Tribunal considère que l’inégalité de traitement alléguée par Nippon n’existe pas.

587
En outre, compte tenu du contexte exposé aux points 583 à 585 ci-dessus, notamment de la nature politique de la concession faite par la Commission, dont la légalité n’a pas été contestée, il n’y aurait pas lieu en toute hypothèse pour le juge communautaire de modifier le montant des amendes infligées aux requérantes japonaises, dès lors qu’il ressort de la décision attaquée que, pour la Commission, ladite concession était justifiée sur le plan politique.

7. Calcul du montant des amendes

588
Il résulte de ce qui précède que le montant de l’amende imposée à chacune des requérantes japonaises doit être minoré pour tenir compte, premièrement, de la réduction du montant au titre de la gravité de dix à neuf millions d’euros et, deuxièmement, de ce que la durée de l’infraction sanctionnée est fixée, dans les présentes affaires, à trois années et demie plutôt qu’à cinq années.

589
La méthode de calcul du montant des amendes retenue dans les lignes directrices pour le calcul des amendes et employée par la Commission en l’espèce n’ayant pas été critiquée en elle-même, il convient pour le Tribunal, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, d’appliquer cette méthode au vu de la conclusion effectuée au point précédent.

590
Ainsi, le montant de base pour chaque producteur japonais est fixé à 9 millions d’euros, majoré de 10 % pour chaque année de sa durée, soit de 35 % au total, ce qui aboutit à un chiffre de 12,15 millions d’euros. Ce montant doit ensuite être minoré de 10 % au titre des circonstances atténuantes conformément aux considérants 168 et 169 de la décision attaquée, pour arriver à un montant définitif pour chacune des requérantes japonaises de 10,935 millions d’euros au lieu de 13,5 millions.


Sur les dépens

591
Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs de conclusions. Chaque partie ayant effectivement succombé sur un ou plusieurs chefs en l’espèce, il y a lieu de décider que chacune des requérantes japonaises et la Commission supporteront leurs propres dépens.

592
Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement de procédure, l’Autorité de surveillance AELE supporte ses propres dépens lorsqu’elle est intervenue au litige.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)
L’article 1er, paragraphe 2, de la décision 2003/382/CE de la Commission, du 8 décembre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire IV/E-1/35.860-B – Tubes d’acier sans soudure), est annulé en ce qu’il retient l’existence de l’infraction reprochée par cet article aux quatre requérantes dans les affaires T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00 avant le 1er janvier 1991 et au-delà du 30 juin 1994.

2)
Le montant de l’amende infligée à chacune des quatre requérantes par l’article 4 de la décision 2003/382 est fixé à 10 935 000 euros.

3)
Les quatre recours sont rejetés pour le surplus.

4)
Les quatre parties requérantes et la Commission supporteront leurs propres dépens.

5)
L’Autorité de surveillance AELE supportera ses propres dépens.

Forwood

Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung

Table des matières

Faits et procédure II – 3

    A –  Procédure administrative II – 3

    B –  Produits en cause II – 5

    C –  Infractions retenues par la Commission dans la décision attaquée II – 6

    D –  Faits essentiels retenus par la Commission dans la décision attaquée II – 7

    E –  Dispositif de la décision attaquée II – 10

    F –  Procédure devant le Tribunal II – 11

Conclusions des parties II – 11

Sur l’incidence de la concentration entre Kawasaki Steel Corp. et NKK Corp. II – 13

En droit II – 15

    A –  Sur les demandes d’annulation de la décision attaquée, en particulier de son article 1er II – 15

        1.  Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission n’aurait pas établi à suffisance de droit l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée II – 15

            a)  Arguments des parties II – 15

                Observations liminaires II – 15

                Sur la première branche, tirée de la prétendue incompatibilité entre l’existence de l’accord allégué et la situation existant sur le marché offshore britannique et sur les autres marchés européens II – 18

                Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’absence de force probante des éléments de preuve II – 30

                Sur la troisième branche du premier moyen, tirée du caractère erroné de l’appréciation de la portée de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée II – 48

            b)  Appréciation du Tribunal II – 51

                Observations liminaires II – 51

                Sur la deuxième branche du moyen, tirée de l’absence de force probante des éléments de preuve et, subsidiairement, sur la première branche, tirée de la prétendue incompatibilité entre l’existence de l’accord allégué et la situation existant sur le marché offshore britannique et sur les autres marchés II – 54

                    –  Déclarations de M. Verluca II – 54

                    –  Notes de Vallourec II – 61

                    –  Documents en anglais de 1993 II – 66

                    –  Document Système pour les tubes en acier II – 71

                    –  Document Clé de répartition (« sharing key ») II – 72

                    –  Réponses des producteurs européens II – 76

                    –  Déposition de M. Biasizzo II – 81

                    –  Durée de l’infraction II – 87

                Sur la troisième branche, tirée du caractère erroné de la thèse de la Commission quant à la signification de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée II – 90

        2.  Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’infraction retenue à l’article 1er devait, en réalité, être analysée comme constituant deux infractions autonomes II – 94

            a)  Arguments des parties II – 94

            b)  Appréciation du Tribunal II – 95

        3.  Sur le troisième moyen, tiré de ce que l’accord ne devait pas être considéré comme ayant eu une incidence appréciable sur la concurrence II – 96

            a)  Arguments des parties II – 96

            b)  Appréciation du Tribunal II – 97

        4.  Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’accord n’aurait pas eu d’incidence sur le commerce entre États membres II – 98

            a)  Arguments des parties II – 98

            b)  Appréciation du Tribunal II – 100

        5.  Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne la thèse de la Commission quant à la signification de l’infraction retenue à l’article 2 de la décision attaquée II – 101

            a)  Arguments des parties II – 101

            b)  Appréciation du Tribunal II – 101

        6.  Sur le sixième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne le statut des marchés offshore de la Communauté, en particulier celui du Royaume-Uni II – 102

            a)  Arguments des parties II – 102

            b)  Appréciation du Tribunal II – 103

        7.  Sur les septième et huitième moyens, tirés d’un défaut de motivation en ce qui concerne le choix de la Commission de sanctionner les producteurs japonais et non les producteurs d’Amérique latine, et d’une inégalité de traitement à cet égard II – 103

            a)  Arguments des parties II – 103

            b)  Appréciation du Tribunal II – 104

        8.  Sur le neuvième moyen, tiré d’une erreur en ce qui concerne l’argument de la Commission par rapport aux ventes à un prix supérieur au coût variable II – 105

            a)  Arguments des parties II – 105

            b)  Appréciation du Tribunal II – 105

        9.  Sur le dixième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant au marché géographique visé à l’article 1er de cette dernière II – 106

            a)  Arguments des parties II – 106

            b)  Appréciation du Tribunal II – 106

        10.  Sur le onzième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant aux produits visés II – 107

            a)  Arguments des parties II – 107

            b)  Appréciation du Tribunal II – 107

        11.  Sur le douzième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de l’absence d’analyse suffisante des effets des accords d’autolimitation dans la CG ainsi que de discordances entre la CG et la décision attaquée quant à la portée de ces accords II – 108

            a)  Arguments des parties II – 108

            b)  Appréciation du Tribunal II – 109

        12.  Sur le treizième moyen, tiré d’une prétendue violation des droits de la défense résultant de discordances entre la CG et la décision attaquée quant à la portée attribuée à l’infraction retenue à l’article 2 de cette dernière II – 110

            a)  Arguments des parties II – 110

            b)  Appréciation du Tribunal II – 112

        13.  Sur le quatorzième moyen, tiré de l’illégalité de la décision de la Commission du 25 novembre 1994 d’autoriser les vérifications des 1er et 2 décembre 1994 II – 113

            a)  Arguments des parties II – 113

            b)  Appréciation du Tribunal II – 119

    B –  Sur les demandes de réduction du montant des amendes II – 121

        1.  Sur les premier et deuxième moyens, tirés d’un défaut de motivation quant à la non-application en faveur de JFE‑NKK de la communication sur la coopération et d’une erreur à cet égard II – 121

            a)  Arguments des parties II – 121

            b)  Appréciation du Tribunal II – 122

        2.  Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne le mode de calcul du montant des amendes II – 123

            a)  Arguments des parties II – 123

            b)  Appréciation du Tribunal II – 124

        3.  Sur le quatrième moyen, tiré d’une appréciation erronée de la durée de l’infraction II – 124

            a)  Arguments des parties II – 124

            b)  Appréciation du Tribunal II – 125

        4.  Sur le cinquième moyen, tiré d’une appréciation erronée des documents soutenant la démonstration de l’existence de l’infraction retenue à l’article 1er de la décision attaquée II – 125

            a)  Arguments des parties II – 125

            b)  Appréciation du Tribunal II – 126

        5.  Sur les cinquième et sixième moyens, tirés d’une violation du principe de proportionnalité et des lignes directrices pour le calcul des amendes et d’un défaut de motivation II – 126

            a)  Arguments des parties II – 126

            b)  Appréciation du Tribunal II – 129

        6.  Sur le sixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement II – 135

            a)  Arguments des parties II – 135

            b)  Appréciation du Tribunal II – 137

        7.  Calcul du montant des amendes II – 141

Sur les dépens II – 142



1
Langue de procédure : l'anglais.