Language of document : ECLI:EU:T:2019:752

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

17 octobre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale AXICORP ALLIANCE – Marques verbale et figurative antérieures de l’Union européenne ALLIANCE – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de l’usage sérieux des marques antérieures – Article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Interprétation de la description des produits repris sur la liste alphabétique accompagnant la classification de Nice »

Dans l’affaire T‑279/18,

Alliance Pharmaceuticals Ltd, établie à Chippenham (Royaume-Uni), représentée par M. M. Edenborough, QC,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

AxiCorp GmbH, établie à Friedrichsdorf (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 7 février 2018 (affaire R 1473/2017–5), relative à une procédure d’opposition entre Alliance Pharmaceuticals et AxiCorp,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Hendrix, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2018,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 31 janvier 2019,

à la suite de l’audience du 28 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 janvier 2011, AxiCorp GmbH a obtenu, auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), l’enregistrement international désignant l’Union européenne no 1072913 de la marque verbale AXICORP ALLIANCE. Cet enregistrement a été notifié le 28 avril 2011 à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        Les produits et les services pour lesquels la protection a été demandée relèvent des classes 3, 5, 10 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires, médicaments ; produits hygiéniques pour la médecine ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour détruire la vermine ; fongicides, herbicides ; médicaments » ;

–        classe 10 : « Appareils et instruments chirurgicaux, médicaux, dentaires et vétérinaires, membres, yeux et dents artificiels ; articles orthopédiques ; matériel pour sutures ; applicateurs pour préparations pharmaceutiques ; seringues à usage médical ; inhalateurs » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; commerce de gros et de détail de produits pharmaceutiques, cosmétiques et produits médicaux ».

3        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2011/082, du 29 avril 2011.

4        Le 30 janvier 2012, la requérante, Alliance Pharmaceuticals Ltd, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 2 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque antérieure de l’Union européenne verbale ALLIANCE, déposée le 29 juillet 2002 et enregistrée le 11 août 2006 sous le numéro 2816098, désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Préparations pharmaceutiques mais à l’exception des aliments pour enfants et invalides et préparations chimiques à usage pharmaceutique » ;

–        la marque antérieure de l’Union européenne figurative, déposée le 29 juillet 2002 et enregistrée le 17 décembre 2003 sous le numéro 2816064, désignant les produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Préparations pharmaceutiques mais à l’exception des aliments pour enfants et invalides et préparations chimiques à usage pharmaceutique », représentée ci-après :

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–        la marque non enregistrée antérieure ALLIANCE, utilisée dans la vie des affaires pour des « substances et préparations pharmaceutiques », au Royaume-Uni.

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphes 4 et 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), paragraphes 4 et 5, du règlement 2017/1001].

7        À l’appui des motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement no 207/2009, la requérante a déposé un extrait du rapport annuel de 2009 de sa société mère, Alliance Pharma plc.

8        Sur requête d’AxiCorp, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage de ses marques antérieures, conformément à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), pour les produits sur lesquels l’opposition était fondée.

9        Le 22 juillet 2016, la requérante a fourni des éléments de preuve de l’usage de ses marques antérieures dans le délai imparti par l’EUIPO.

10      Le 11 mai 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité, faute de preuves de l’usage sérieux des marques antérieures de l’Union européenne, et faute de preuves de l’usage dans la vie des affaires de la marque non enregistrée antérieure.

11      Le 7 juillet 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 7 février 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement annulé la décision de la division d’opposition et a renvoyé l’affaire à la division d’opposition.

13      D’une part, s’agissant des marques antérieures de l’Union européenne, la chambre de recours a considéré que l’opposition avait été rejetée à juste titre pour autant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001. À cet égard, elle a observé, premièrement, que la spécification desdites marques, visant les « préparations pharmaceutiques mais à l’exception des aliments pour enfants et invalides et préparations chimiques à usage pharmaceutique », n’était pas claire. Deuxièmement, elle a considéré qu’il ne serait ni déraisonnable ni contraire aux règles grammaticales d’interpréter la spécification comme couvrant des produits pharmaceutiques « à l’exception de ceux destinés à servir d’aliments pour les enfants et les invalides et utilisant des préparations pharmaceutiques chimiques ». Troisièmement, elle a estimé, que si la possibilité d’autres interprétations ne saurait être exclue, les produits et les services devaient être décrits dans le registre avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre de déterminer l’étendue de la protection demandée sur cette seule base. En outre, selon la chambre de recours, une spécification ambiguë ne saurait être interprétée d’une manière favorable pour le titulaire du droit. Par conséquent, elle a considéré que c’était à bon droit que la division d’opposition avait interprété la spécification d’une manière stricte, comme excluant les préparations chimiques à usage pharmaceutique. Par ailleurs, elle a observé que, même s’il devait être considéré que la spécification incluait certains produits pharmaceutiques d’origine végétale, la requérante n’avait pas démontré que la marque ALLIANCE avait été utilisée pour ces produits pharmaceutiques, étant donné que les preuves de l’usage présentées faisaient exclusivement référence à des composants synthétiques.

14      D’autre part, s’agissant de la marque non enregistrée antérieure et du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que la conclusion de la division d’opposition selon laquelle la requérante n’avait produit aucune preuve de l’usage de cette marque dans le délai imparti pour étayer l’opposition était manifestement erronée. Elle a estimé que l’affaire devait être renvoyée à la division d’opposition pour un réexamen complet du motif d’opposition susmentionné, en tenant compte de toutes les preuves de l’usage présentées par la requérante au cours de la procédure, y compris celles déposées le 22 juillet 2016.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réformer la décision attaquée en renvoyant l’opposition à la division d’opposition afin que celle-ci la reconsidère au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001, en plus de l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens relatifs à la présente procédure, ainsi que ceux exposés dans la procédure devant la chambre de recours et, à titre subsidiaire, si l’autre partie devant la chambre de recours intervient, condamner l’EUIPO et la partie intervenante solidairement et conjointement à payer ses dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la portée de la demande en annulation de la décision attaquée 

17      En réponse aux questions du Tribunal, posées à titre de mesures d’organisation de la procédure, les parties ont confirmé, à l’audience, ainsi qu’il a été pris acte au procès-verbal d’audience, que le recours formé par la requérante devait être compris comme tendant à l’annulation partielle de la décision attaquée en tant que la chambre de recours a rejeté le recours formé devant elle en ce qui concerne les motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001. En revanche, la requérante ne demande pas au Tribunal d’annuler la décision attaquée en tant que la chambre de recours a renvoyé l’affaire à la division d’opposition pour un réexamen complet du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 4, dudit règlement.

 Sur le fond

18      Au soutien du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de ce que la chambre de recours aurait mal interprété la spécification des marques antérieures de l’Union européenne pour en conclure que les preuves de l’usage présentées ne démontraient pas un usage sérieux de ces marques pour les produits inclus dans ladite spécification, ce qui constituerait une violation des formes substantielles, du règlement 2017/1001 ou d’une règle de droit relative à son application, au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001.

19      Plus particulièrement, la requérante conteste l’interprétation stricte de la spécification retenue par la division d’opposition et confirmée par la chambre de recours, selon laquelle les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » étaient exclues des « préparations pharmaceutiques ».

20      D’une part, la requérante fait valoir que l’interprétation stricte de la spécification retenue serait erronée en ce qu’elle serait contraire aux directives d’examen de l’EUIPO et, plus particulièrement, à la manière dont les exclusions doivent être formulées dans les spécifications. Si l’objectif est d’exclure des types de produits, la conjonction à utiliser serait la conjonction de disjonction « ou » et non la conjonction de coordination « et ». Par conséquent, en l’espèce, les mots « mais à l’exception des aliments pour enfants et invalides et préparations chimiques à usage pharmaceutique » devraient être interprétés comme excluant uniquement la première catégorie de produits, les aliments pour enfants et invalides, et comme incluant la seconde catégorie de produits, les préparations chimiques à usage pharmaceutique. Si cette interprétation avait été appliquée, les preuves présentées par la requérante pour démontrer l’usage sérieux des marques antérieures de l’Union européenne pour des « préparations chimiques à usage pharmaceutique » auraient été retenues. Partant, l’affaire devrait être renvoyée à la division d’opposition afin qu’elle examine également l’opposition sous l’angle des motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Par ailleurs, la requérante relève qu’AxiCorp n’a présenté aucun argument sur la portée de la spécification avant la décision de la division d’opposition.

21      D’autre part, la requérante fait valoir que l’interprétation stricte de la spécification retenue serait erronée en ce qu’elle aboutirait à une spécification dénuée de sens commercial, ce qui serait contraire aux règles normales d’interprétation des textes juridiques. À titre subsidiaire, elle fait valoir que, si les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » étaient exclues, celles-ci devraient être interprétées de manière stricte, comme ne désignant que les précurseurs chimiques synthétiques à leur état pur qui peuvent être combinés à des fins pharmaceutiques, à savoir pour former les préparations pharmaceutiques finales elles-mêmes. Ainsi, les composants à l’état pur de la préparation pharmaceutique seraient exclus du champ de l’enregistrement, alors que la combinaison obtenue, constituant la préparation pharmaceutique finale elle-même, serait incluse. Partant, les preuves de l’usage présentées suffiraient à prouver l’usage sérieux des marques antérieures de l’Union européenne.

22      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. Premièrement, selon l’EUIPO, un exemple de rédaction d’une exclusion extrait des directives d’examen de l’EUIPO ne peut pas constituer la base d’une règle déterminant la conjonction qui devrait être utilisée lors de la rédaction d’une exclusion dans une spécification. Il incomberait au demandeur de marque de l’Union européenne de rédiger clairement et précisément la spécification des produits et des services pour lesquels la protection est demandée. Deuxièmement, selon l’EUIPO, la spécification est ambiguë. Or, la manière dont la division d’opposition et la chambre de recours ont interprété la spécification ne serait ni déraisonnable ni contraire aux règles grammaticales, même si d’autres interprétations ne pourraient être exclues. Troisièmement, l’EUIPO rappelle que l’étendue de la protection demandée doit pouvoir être déterminée sur la seule base du registre. Lorsque l’appellation des produits ou des services manque de clarté et de précision, le champ d’application de la marque devrait être interprété au sens strict, car le titulaire de la marque ne devrait pas tirer profit de la violation de son obligation d’établir avec clarté et précision la liste de produits et de services.

 Observations liminaires

23      Ainsi que la requérante l’a confirmé à l’audience, il y a lieu de considérer que la requérante fait, en substance, implicitement grief à la chambre de recours d’une violation de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

24      À cet égard, une fois soulevée par le demandeur de la marque, la question de l’usage sérieux de la marque antérieure doit être réglée avant qu’il ne soit statué sur l’opposition proprement dite [voir arrêt du 22 mars 2007, Saint-Gobain Pam/OHMI – Propamsa (PAM PLUVIAL), T‑364/05, EU:T:2007:96, point 37 et jurisprudence citée].

25      Ainsi, il incombait à la requérante, avant que l’EUIPO ne procède à l’examen des motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001, de rapporter la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures de l’Union européenne, de telle sorte que, si cette preuve faisait défaut, l’opposition devait être rejetée, conformément à l’article 47, paragraphe 2, de ce règlement. De plus, cet usage devait porter sur les produits pour lesquels les marques antérieures de l’Union européenne étaient enregistrées et sur lesquelles l’opposition était fondée, à savoir les produits relevant de la classe 5, visés au point 5 ci-dessus. Si les marques antérieures de l’Union européenne n’avaient été utilisées que pour une partie des produits pour lesquels elles étaient enregistrées, elles ne seraient réputées enregistrées, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits, conformément à l’article 47, paragraphe 2, dudit règlement.

26      Selon la jurisprudence développée dans le cadre de l’interprétation des termes composant l’intitulé des classes de produits et de services, la portée de la demande d’enregistrement doit être appréciée à la date de son dépôt [voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2018, Edison/EUIPO (EDISON), T‑471/17, non publié, sous pourvoi, EU:T:2018:887, point 34 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 octobre 2017, EUIPO/Cactus, C‑501/15 P, EU:C:2017:750, points 44 à 49].

27      En l’espèce, les demandes d’enregistrement relatives aux marques antérieures de l’Union européenne ont été déposées par la requérante et enregistrées à une époque où le règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) (remplacé par le règlement no 207/2009, lui-même remplacé par le règlement 2017/1001), était toujours d’application (voir point 5 ci-dessus). Le règlement no 40/94 ne contenait pas de dispositions aussi détaillées que celles visées à l’article 33, paragraphes 2 et 5, du règlement 2017/1001 en vigueur à la date de la décision attaquée.

28      Toutefois, l’article 26, paragraphe 1, sous c), du règlement no 40/94, tel qu’applicable à la date du dépôt des demandes de marques relatives aux marques antérieures de l’Union européenne, et à la date de leurs enregistrements, disposait que la demande de marque devait contenir une liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement était demandé. En outre, la règle 2, paragraphe 2, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) (reprise, en substance, à l’article 33, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), alors applicable, disposait que la liste des produits et des services devait être établie de manière notamment « à faire apparaître clairement leur nature ».

29      Il ressort des dispositions susmentionnées qu’il incombait à celui qui demandait l’enregistrement d’un signe en tant que marque, d’indiquer dans sa demande, la liste des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement était demandé et de fournir, pour chacun desdits produits ou services, une description faisant apparaître clairement sa nature [arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 23].

30      Selon la jurisprudence, si ces dispositions exigent que les produits pour lesquels la protection est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision, c’est afin de permettre à l’EUIPO et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l’étendue de la protection demandée [arrêt du 3 juin 2015, Lithomex/OHMI – Glaubrecht Stingel (LITHOFIX), T‑273/14, non publié, EU:T:2015:352, point 27 ; voir également, par analogie, arrêts du 12 décembre 2002, Sieckmann, C‑273/00, EU:C:2002:748, points 49 à 51, et du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 49].

31      Par ailleurs, il y a lieu de relever que, afin de pouvoir examiner l’identité ou la similitude des produits et des services en cause, les instances de l’EUIPO doivent toujours déterminer les produits et les services qui sont visés par les marques en conflit et, dans ce cadre, elles doivent procéder, le cas échéant, à une interprétation de la liste des produits et des services pour lesquels une marque est enregistrée [voir arrêt du 6 avril 2017, Nanu-Nana Joachim Hoepp/EUIPO – Fink (NANA FINK), T‑39/16, EU:T:2017:263, point 26 et jurisprudence citée].

32      C’est à la lumière des considérations ci-dessus qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a violé l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 en estimant que c’était à bon droit que la division d’opposition avait interprété la liste de produits couverts par les marques antérieures de l’Union européenne de manière stricte comme excluant les préparations chimiques à usage pharmaceutique, à savoir les produits pharmaceutiques utilisant des préparations pharmaceutiques chimiques (points 19 et 22 de la décision attaquée) et que l’opposition avait été rejetée à juste titre pour autant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001, faute de preuves de l’usage sérieux desdites marques (points 23 et 24 de la décision attaquée).

 Sur la pertinence des directives d’examen de l’EUIPO

33      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’argumentation par laquelle la requérante fait valoir que l’interprétation stricte de la spécification retenue par la chambre de recours serait erronée, en ce qu’elle serait contraire aux directives d’examen de l’EUIPO, pour démontrer la violation éventuelle des dispositions du règlement 2017/1001, doit être écartée comme inopérante.

34      En effet, les directives d’examen de l’EUIPO ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (arrêt du 19 décembre 2012, Leno Merken, C‑149/11, EU:C:2012:816, point 48). Les prévisions des directives d’examen de l’EUIPO ne peuvent, en tant que telles, ni prévaloir sur les dispositions du règlement 2017/1001 et du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), ni même infléchir l’interprétation de celles-ci par le juge de l’Union. Au contraire, elles ont vocation à être lues conformément aux dispositions de ces règlements [voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2012, Interkobo/OHMI – XXXLutz Marken (my baby), T‑523/10, EU:T:2012:326, point 29].

35      En tout état de cause, les directives d’examen de l’EUIPO invoquées par la requérante ne préconisaient pas, pour que les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » puissent être considérées comme incluses dans le champ de protection, la formule de la spécification utilisée en l’espèce, à savoir une catégorie de produits pour laquelle la protection est demandée, suivie d’une catégorie de produits exclue précédée de l’expression « mais à l’exception [de] », suivie – sans ponctuation – de la conjonction « et » et d’une catégorie de produits censée être incluse.

 Sur l’interprétation de la spécification des marques antérieures de l’Union européenne

36      En l’espèce, il y a lieu de constater que le libellé de la spécification en anglais, langue dans laquelle les demandes d’enregistrement des marques antérieures de l’Union européenne ont été introduites, peut donner lieu à deux interprétations littérales possibles.

37      Ainsi, en l’absence de ponctuation, en particulier de point-virgule séparant les « aliments pour enfants et invalides » des « préparations chimiques à usage pharmaceutique » ou de précisions supplémentaires, une possible signification littérale de la spécification invite à considérer que tant les « aliments pour enfants et invalides » que les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » sont couverts par la restriction « mais à l’exception [de] ». C’est cette interprétation qui a été retenue par la division d’opposition et la chambre de recours.

38      Toutefois, une autre interprétation littérale possible, suggérée par la requérante, n’exclut pas les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » de la spécification.

39      À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que cette possibilité a été admise par l’EUIPO à l’audience. Par ailleurs, la chambre de recours a reconnu, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, que des interprétations autres que celle retenue par elle étaient possibles.

40      Deuxièmement, le Tribunal relève, à l’instar de la requérante, qu’il ressort du dossier de l’EUIPO, et notamment des observations d’AxiCorp des 16 mars et 20 octobre 2016 ainsi que du 10 novembre 2017, que ce n’est qu’au stade du recours devant la chambre de recours qu’AxiCorp a soutenu que la spécification ne couvrait pas les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » et que la requérante n’aurait pas fourni la preuve de l’usage sérieux de ses marques pour des préparations pharmaceutiques ou chimiques en tant que telles.

41      Or, ainsi qu’il est rappelé au point 30 ci-dessus, le registre a pour objet, notamment, d’informer les opérateurs économiques, y compris les concurrents actuels ou potentiels de titulaires ou de demandeurs de marque sur les droits des tiers.

42      Il est donc significatif qu’AxiCorp n’ait pas interprété la spécification d’une manière restrictive devant la division d’opposition. Dans la mesure où AxiCorp n’a pas émis de doutes sur l’interprétation à donner à la spécification, sur la portée des catégories de produits couverts par les marques antérieures de l’Union européenne ou sur les prétendues défaillances des preuves de l’usage à cet égard devant cette division, il est permis de considérer, d’une part, qu’il n’y avait aucune évidence à ce que la spécification fût interprétée de la manière finalement retenue par la division d’opposition et confirmée par la suite par la chambre de recours et, d’autre part, que l’exigence de clarté et de précision rappelée au point 30 ci-dessus était respectée.

43      Troisièmement, il convient de relever que, si l’interprétation de la spécification donnée par la chambre de recours selon laquelle les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » sont exclues est possible au vu de son libellé, cette interprétation n’a pas dûment pris en considération d’autres éléments essentiels pour saisir la portée de ladite spécification, à savoir la volonté effective du titulaire des marques concernées et le souci de donner une portée utile à ce libellé, excluant une lecture aboutissant à un résultat absurde pour le titulaire.

44      Ainsi, tout d’abord, le Tribunal observe que la volonté effective du demandeur d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne n’est pas, selon la jurisprudence, dénuée de pertinence. En effet, et bien que cette observation ait été faite dans le cadre de l’analyse de l’étendue de la protection d’une marque nationale résultant de l’utilisation de toutes les indications générales de l’intitulé d’une classe, la Cour a observé que la situation dans laquelle l’étendue de la protection conférée par une marque dépendrait de l’approche interprétative adoptée par l’autorité compétente et non de la volonté effective du demandeur risquerait de porter préjudice à la sécurité juridique tant pour ledit demandeur que pour les tiers opérateurs économiques (arrêt du 19 juin 2012, Chartered Institute of Patent Attorneys, C‑307/10, EU:C:2012:361, point 60).

45      Or, si l’approche retenue par la chambre de recours était correcte, et que les enregistrements des marques antérieures de l’Union européenne couvraient des produits pharmaceutiques à l’exception de ceux « utilisant des préparations pharmaceutiques chimiques », c’est-à-dire qu’ils ne couvraient que des préparations dites « naturelles » ou « d’origine végétale » ne contenant pas de substances chimiques ou de composants synthétiques, lesdits enregistrements ne couvriraient que des produits qui n’auraient pas été envisagés par la requérante et qui n’auraient pas été expressément mentionnés dans la spécification desdites marques. Ainsi qu’il ressort du point 44 ci-dessus, une telle hypothèse est incompatible avec les exigences de prévisibilité et de sécurité juridique.

46      Ensuite, s’il est vrai que l’interprétation littérale d’une spécification d’une marque est celle à privilégier, ce principe ne présente guère d’utilité dans un cas où deux interprétations littérales sont tout aussi possibles.

47      Dans un tel cas, il convient de privilégier, parmi plusieurs interprétations possibles des textes de droit de l’Union, celle n’aboutissant pas à un résultat absurde. En effet, l’interprétation des dispositions du droit de l’Union repose certes d’abord et avant tout sur leur lettre, cette approche reflétant les principes essentiels de prévisibilité et de sécurité juridique. Toutefois, lorsque le texte est empreint d’ambiguïté ou que son interprétation littérale conduit à un résultat absurde, cette signification peut faire l’objet d’une révision après avoir été replacée dans son contexte et interprétée à la lumière de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union, de ses finalités, et de l’état de son évolution à la date à laquelle l’application de la disposition en cause doit être faite (conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire European Federation for Cosmetic Ingredients, C‑592/14, EU:C:2016:179, points 36 et 37 ; voir, également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Mayras dans l’affaire Fellinger, 67/79, EU:C:1980:23, p. 550).

48      Ainsi, la Cour a déjà eu l’occasion d’exclure des interprétations de dispositions du droit de l’Union qui conduiraient à un résultat absurde (voir, en ce sens, dans le domaine de la libre circulation des travailleurs, arrêt du 10 décembre 2009, Peśla, C‑345/08, EU:C:2009:771, points 46 et 48, et, dans le domaine de dessins et modèles, arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 96).

49      Le Tribunal estime qu’il y a lieu de transposer, par analogie, les considérations des points 46 à 48 ci-dessus à un cas comme celui de l’espèce, relatif à l’interprétation de la spécification d’une marque de l’Union européenne antérieure.

50      En effet, la division d’opposition et, le cas échéant, la chambre de recours doivent interpréter la liste des produits et des services pour lesquels une marque antérieure de l’Union européenne est enregistrée et dont la preuve de l’usage sérieux a été demandée, afin de déterminer l’étendue de la protection de ladite marque et de régler la question de son usage sérieux, avant qu’il ne soit statué sur l’opposition proprement dite. Toutefois, ce faisant, il leur incombe d’interpréter le libellé de la liste des produits et des services couverts de la manière la plus cohérente qui soit, compte tenu non seulement de sa signification littérale et de sa construction grammaticale, mais également, en cas de risque de résultat absurde, de son contexte et de la volonté effective du titulaire de cette marque quant à sa portée.

51      Le Tribunal considère ainsi, que, dans le cadre de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et de la détermination de l’étendue de la protection d’une marque antérieure de l’Union européenne et de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux de ladite marque, s’il existe deux interprétations littérales possibles de la spécification de cette marque, mais que l’une d’entre elles conduirait à un résultat absurde quant à l’étendue de la protection de la marque, la chambre de recours doit résoudre la difficulté en optant pour l’interprétation la plus plausible et prévisible de ladite spécification. Le Tribunal constate qu’il serait absurde d’adopter une interprétation de la spécification qui aurait pour effet d’exclure tous les produits de la requérante en ne lui laissant, comme produits protégés par les marques antérieures de l’Union européenne, que des produits pour lesquels elle n’aurait pas sollicité la protection de ses marques.

52      Or, en l’espèce, la chambre de recours a, en substance, assimilé les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » à des préparations pharmaceutiques chimiques ou synthétiques finales. Par voie de conséquence, toutes les preuves de l’usage des marques antérieures de l’Union européenne ont été écartées, et ce en dépit des circonstances selon lesquelles l’activité principale de la requérante était la commercialisation de préparations pharmaceutiques et selon lesquelles lesdites marques étaient pourtant enregistrées pour les « préparations pharmaceutiques ». Ainsi que le fait valoir la requérante, il serait absurde de supposer que cette dernière aurait entendu solliciter l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne pour une catégorie de produits qu’elle aurait ensuite restreinte par une catégorie de produits largement équivalents.

53      Cette conclusion n’est en rien infirmée par la jurisprudence mentionnée au point 21 de la décision attaquée ainsi que par l’EUIPO au point 27 du mémoire en défense et à l’audience, à l’appui, d’une part, du rejet d’une interprétation de la spécification favorable à la requérante et, d’autre part, de la nécessité d’appliquer une interprétation stricte à ladite spécification, à savoir le point 67 de l’ordonnance du 6 février 2014, El Corte Inglés/OHMI (C‑301/13 P, non publiée, EU:C:2014:235), le point 31 de l’arrêt du 11 novembre 2009, Frag Comercio Internacional/OHMI – Tinkerbell Modas (GREEN by missako) (T‑162/08, non publié, EU:T:2009:432), le point 62 de l’arrêt du 6 avril 2017, NANA FINK (T‑39/16, EU:T:2017:263), et le point 62 de l’arrêt du 18 octobre 2018, Next design+produktion/EUIPO – Nanu-Nana Joachim Hoepp (nuuna) (T‑533/17, non publié, EU:T:2018:698).

54      À cet égard, il est vrai, d’une part, en ce qui concerne la jurisprudence mentionnée au point 21 de la décision attaquée, que le juge de l’Union a reconnu, dans le cadre de procédures d’opposition et de la comparaison des produits et des services, qu’il était possible que la description des produits et des services visés par une marque antérieure ne permît pas de les comparer à ceux désignés par une marque demandée (voir, en ce sens, ordonnance du 6 février 2014, El Corte Inglés/OHMI, C‑301/13 P, non publiée, EU:C:2014:235, point 67, et arrêt du 11 novembre 2009, GREEN by missako, T‑162/08, non publié, EU:T:2009:432, point 31). Il est vrai, d’autre part, en ce qui concerne la jurisprudence mentionnée par l’EUIPO au point 27 du mémoire en défense et à l’audience, que le Tribunal a observé que le titulaire d’une marque de l’Union européenne ne saurait tirer profit d’une violation de son obligation d’indiquer des produits ou des services de manière claire et précise (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 2017, NANA FINK, T‑39/16, EU:T:2017:263, point 48, et du 18 octobre 2018, nuuna, T‑533/17, non publié, EU:T:2018:698, point 62).

55      Toutefois, le cadre factuel et le stade de la procédure des affaires susmentionnées diffèrent de ceux du cas d’espèce.

56      Premièrement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 6 février 2014, El Corte Inglés/OHMI (C‑301/13 P, non publiée, EU:C:2014:235), d’une part, ni le libellé de la description des services désignés par la marque antérieure en cause dans ladite affaire, ni les éléments que la partie requérante avait fait valoir dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO ne faisaient apparaître que la protection de ladite marque s’étendait à d’autres produits ou services que ceux relevant de la classe 35 au sens de l’arrangement de Nice. D’autre part, les arguments et les preuves sur les spécificités du droit national qui auraient prétendument permis de préciser le sens de la description des services désignés par la marque antérieure en cause dans ladite affaire ne pouvaient pas être pris en considération, car ils avaient été présentés pour la première fois devant le Tribunal. C’est donc dans ces circonstances particulières que la Cour a jugé que le Tribunal avait, à bon droit, décidé que la description des services désignés par la marque antérieure en cause dans ladite affaire ne permettait pas de les comparer aux produits désignés par la marque dont l’enregistrement avait été demandé.

57      Deuxièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 novembre 2009, GREEN by missako (T‑162/08, non publié, EU:T:2009:432), si les services visés par la marque antérieure en cause dans ladite affaire étaient trop vagues pour permettre une véritable comparaison avec ceux de la marque demandée en cause, les différences entre les signes en cause constituaient un motif suffisant pour écarter un risque de confusion malgré l’identité et la similitude de certains produits visés par les marques en cause.

58      Troisièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 avril 2017, NANA FINK (T‑39/16, EU:T:2017:263), si la description de certains produits couverts par la marque antérieure en cause dans ladite affaire pouvait être comprise de deux façons différentes (soit comme comprenant uniquement les produits finis en cuir et en imitations du cuir, soit comme comprenant également les « imitations du cuir »), les deux interprétations étaient tout aussi plausibles et n’aboutissaient pas à une spécification absurde.

59      Quatrièmement, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 18 octobre 2018, nuuna (T‑533/17, non publié, EU:T:2018:698), le Tribunal a relevé que les produits couverts par les marques antérieures en cause avaient fait l’objet d’une certaine précision, ignorée par la chambre de recours, et le Tribunal a pu les comparer aux produits couverts par la marque demandée dans cette affaire. Ladite affaire ne concernait dès lors ni un manquement à l’obligation de clarté et de précision, ni une éventuelle absurdité de la spécification des produits en question.

60      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que ce n’est que lorsque les deux interprétations littérales possibles de la liste des produits et des services désignés par une marque antérieure de l’Union européenne sont tout aussi plausibles et prévisibles l’une comme l’autre que, dans la détermination de l’étendue de la protection de ladite marque et de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux rapportées, il y a lieu de faire application du principe tiré du point 48 de l’arrêt du 6 avril 2017, NANA FINK (T‑39/16, EU:T:2017:263), selon lequel le titulaire d’une marque de l’Union européenne ne saurait tirer profit d’une violation de son obligation d’indiquer les produits et les services de manière claire et précise.

61      Cette conclusion n’est pas davantage infirmée par l’argument de l’EUIPO selon lequel il resterait encore dans la spécification tout un éventail de produits une fois les produits chimiques synthétiques exclus, tels que des remèdes aux herbes. En effet, une telle approche présente les mêmes difficultés que celles évoquées au point 45 ci-dessus, à savoir que les enregistrements des marques antérieures de l’Union européenne ne couvriraient, dès lors, que des produits qui n’auraient pas été envisagés par la requérante et qui n’auraient pas été expressément mentionnés dans la spécification, ce qui serait incompatible avec les exigences de prévisibilité et de sécurité juridique.

62      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la chambre de recours, en estimant que la spécification devait être interprétée en ce sens que les « préparations chimiques à usage pharmaceutique » étaient exclues et que les marques antérieures de l’Union européenne couvraient ainsi des produits pharmaceutiques à l’exception de ceux « utilisant des préparations pharmaceutiques chimiques », a retenu une interprétation erronée de ladite spécification. Cette dernière pouvait en effet être interprétée comme incluant, d’une part, les « préparations pharmaceutiques » et, d’autre part, les « préparations chimiques à usage pharmaceutique », à savoir les précurseurs chimiques synthétiques à leur état pur qui peuvent être combinés à des fins pharmaceutiques, à savoir pour former les préparations pharmaceutiques finales elles-mêmes.

63      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le moyen unique, tiré de la violation de l’article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, et d’annuler la décision attaquée pour autant que la chambre de recours a rejeté le recours formé devant elle en ce qui concerne les motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

64      S’agissant du deuxième chef des conclusions de la requérante, formulé à titre subsidiaire, par lequel la requérante demande, en substance, au Tribunal d’exercer le pouvoir de réformation dont il est investi en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il y a lieu de rappeler que ledit pouvoir n’a pas pour effet de conférer au Tribunal le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

65      Or, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a, à tort, pas examiné l’ensemble des preuves présentées pour établir l’usage sérieux des marques antérieures.

66      Il n’appartient pas au Tribunal de procéder à l’examen des preuves susmentionnées, pour la première fois, dans le cadre de l’examen de la demande de réformation de la décision attaquée présentée, en substance, par la requérante dans le cadre de son deuxième chef de conclusions.

67      Il reviendra donc à la chambre de recours de se prononcer à cet égard, aux fins de la décision qu’il lui incombe de rendre sur le recours dont elle demeure saisie [voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, CEDC International/OHMI – Underberg (Forme d’un brin d’herbe dans une bouteille), T‑235/12, EU:T:2014:1058, points 101 et 102 et jurisprudence citée].

68      Le Tribunal ne pouvant exercer son pouvoir de réformation de la décision attaquée, il convient de rejeter ce deuxième chef de conclusions.

 Sur les dépens

69      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

70      En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, il y a également lieu de condamner l’EUIPO aux dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 février 2018 (affaire R 1473/2017–5), relative à une procédure d’opposition entre Alliance Pharmaceuticals Ltd et AxiCorp GmbH, est annulée pour autant que la chambre de recours a rejeté le recours formé devant elle en ce qui concerne les motifs d’opposition visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO est condamné aux dépens, y compris aux dépens indispensables exposés par Alliance Pharmaceuticals aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

Gervasoni

Kowalik-Bańczyk

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 octobre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.