Language of document : ECLI:EU:T:2012:142

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

21 mars 2012 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune — Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran dans le but d’empêcher la prolifération nucléaire — Gel des fonds — Recours en annulation — Obligation de motivation — Droits de la défense — Droit à une protection juridictionnelle effective — Erreur d’appréciation — Charge et degré de la preuve »

Dans les affaires jointes T‑439/10 et T‑440/10,

Fulmen, établie à Téhéran (Iran),

Fereydoun Mahmoudian, demeurant à Téhéran,

représentés par Me A. Kronshagen, avocat,

parties requérantes,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bishop et Mme R. Liudvinaviciute-Cordeiro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. Konstantinidis et Mme É. Cujo, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO L 195, p. 39), du règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 25), ainsi que de la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81), et du règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (CE) no 423/2007 (JO L 281, p. 1), pour autant que ces actes concernent les requérants, et, d’autre part, une demande de reconnaissance du préjudice subi par ces derniers du fait de l’adoption des actes susmentionnés,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová (rapporteur), président, K. Jürimäe et M. M. van der Woude, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante dans l’affaire T‑439/10, Fulmen, est une société iranienne, active notamment dans le secteur des équipements électriques.

2        Le requérant dans l’affaire T‑440/10, M. Fereydoun Mahmoudian, est actionnaire majoritaire et président du conseil d’administration de Fulmen.

 Mesures restrictives adoptées à l’encontre de la République islamique d’Iran

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives instaurées en vue de faire pression sur la République islamique d’Iran afin que cette dernière mette fin aux activités nucléaires présentant un risque de prolifération et à la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires (ci‑après la « prolifération nucléaire »).

4        Au sein de l’Union européenne, ont été adoptés la position commune 2007/140/PESC du Conseil, du 27 février 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 61, p. 49), et le règlement (CE) no 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 103, p. 1).

5        L’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140 prévoyait le gel de tous les fonds et de toutes les ressources économiques de certaines catégories de personnes et d’entités. La liste de ces personnes et entités figurait à l’annexe II de la position commune 2007/140.

6        Pour autant que les compétences de la Communauté européenne étaient concernées, l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 prévoyait le gel des fonds des personnes, des entités ou des organismes reconnus par le Conseil de l’Union européenne comme participant à la prolifération nucléaire selon l’article 5, paragraphe 1, sous b), de la position commune 2007/140. La liste de ces personnes, de ces entités et de ces organismes formait l’annexe V du règlement no 423/2007.

7        La position commune 2007/140 a été abrogée par la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 195, p. 39).

8        L’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit le gel des fonds de plusieurs catégories d’entités. Cette disposition concerne, notamment, les « personnes et entités […] qui participent, sont directement associées ou apportent un appui [à la prolifération nucléaire], ou les personnes ou entités agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, ou les entités qui sont leur propriété ou sont sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, […] telles qu’énumérées à l’annexe II ».

9        L’article 19, paragraphe 1, de la décision 2010/413 prévoit, par ailleurs, des restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres à l’égard des personnes énumérées à l’annexe II de la décision.

10      Selon l’article 24, paragraphes 2 à 4, de la décision 2010/413 :

« 2. Lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne ou une entité les mesures visées à l’article 19, paragraphe 1, [sous] b), et à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b), il modifie l’annexe II en conséquence.

3. Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité visée [au paragraphe] 2, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

4. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité. »

11      La liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 (JO L 281, p. 81).

12      Le règlement no 423/2007 a été abrogé par le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO L 281, p. 1).

13      Selon l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010 :

« Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes, [aux] entités et [aux] organismes énumérés à l’annexe VIII, de même que tous les fonds et ressources économiques que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent. L’annexe VIII comprend les personnes, physiques ou morales, les entités et les organismes […] qui ont été reconnus conformément à l’article 20, paragraphe 1, [sous] b), de la décision [2010/413] :

a) comme participant, étant directement associés ou apportant un appui [à la prolifération nucléaire], […] ou comme étant détenus par une telle personne ou entité ou par un tel organisme, ou se trouvant sous leur contrôle, y compris par des moyens illicites, ou agissant pour leur compte ou selon leurs instructions ;

[…]»

14      Selon l’article 36, paragraphes 2 à 4, du règlement no 961/2010 :

« 2. Lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures visées à l’article 16, paragraphe 2, il modifie l’annexe VIII en conséquence.

3. Le Conseil communique sa décision à la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme visé [au paragraphe 2], y compris les motifs de l’inscription sur la liste, soit directement, si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

4. Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme en conséquence. »

 Mesures restrictives visant les requérants

15      Dès l’adoption de la décision 2010/413, le 26 juillet 2010, les noms des requérants ont été inclus par le Conseil dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau I de l’annexe II de ladite décision.

16      Par voie de conséquence, les noms des requérants ont été inscrits dans la liste de personnes, d’entités et d’organismes figurant dans le tableau I de l’annexe V du règlement no 423/2007 par le règlement d’exécution (UE) no 668/2010 du Conseil, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 423/2007 (JO L 195, p. 25). L’adoption du règlement d’exécution no 668/2010 a eu pour conséquence le gel des fonds et des ressources économiques des requérants.

17      Dans la décision 2010/413, le Conseil a retenu les motifs suivants s’agissant de Fulmen : « Fulmen a été impliquée dans l’installation d’équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo [Iran] à un moment où l’existence de ce site n’avait pas encore été révélée ». Dans le règlement d’exécution no 668/2010, la formulation suivante a été employée : « Fulmen a participé à l’installation d’équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo à un moment où l’existence de ce site n’avait pas encore été révélée ».

18      En ce qui concerne M. Mahmoudian, tant la décision 2010/413 que le règlement d’exécution no 668/2010 ont été motivés comme suit : « Directeur de Fulmen ».

19      Le Conseil a informé Fulmen de l’inclusion de son nom dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007 par lettre du 28 juillet 2010.

20      Par lettres respectives des 26 août et 14 septembre 2010, M. Mahmoudian et Fulmen ont demandé au Conseil de revenir sur leur inclusion dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et dans celle de l’annexe V du règlement no 423/2007. Ils ont également invité le Conseil à leur communiquer les éléments sur lesquels il s’était fondé pour adopter les mesures restrictives à leur égard.

21      L’inscription des noms des requérants dans la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 n’a pas été affectée par l’adoption de la décision 2010/644.

22      Le règlement no 423/2007 ayant été abrogé par le règlement no 961/2010, le nom de Fulmen a été inclus par le Conseil au point 13 du tableau B de l’annexe VIII de ce dernier règlement, tandis que celui de M. Mahmoudian a été inclus au point 14 du tableau A de la même annexe. Par conséquent, les fonds des requérants sont désormais gelés en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010.

23      S’agissant de l’inscription de Fulmen, le règlement no 961/2010 est motivé comme suit : « Fulmen a été impliquée dans l’installation d’équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo avant que l’existence de ce site ne soit révélée ». En ce qui concerne M. Mahmoudian, le motif suivant a été retenu : « Directeur de Fulmen ».

24      Par lettres du 28 octobre 2010, le Conseil a répondu aux lettres des requérants des 26 août et 14 septembre 2010 en indiquant que, après réexamen, il rejetait leur demande tendant à ce que leurs noms soient supprimés de la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 et de celle de l’annexe VIII du règlement no 961/2010 (ci-après les « listes litigieuses »). Il a précisé, à cet égard, que, dans la mesure où le dossier ne comportait pas d’éléments nouveaux justifiant un changement de sa position, les requérants devaient continuer à être soumis aux mesures restrictives prévues par lesdits textes. Le Conseil a indiqué, en outre, que sa décision quant au maintien des noms des requérants sur les listes litigieuses n’était pas fondée sur des éléments autres que ceux mentionnés dans la motivation de ces dernières.

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 24 septembre 2010, les requérants ont introduit les présents recours.

26      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011, la Commission européenne a demandé à intervenir dans les présentes procédures au soutien du Conseil. Par ordonnances du 8 mars 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

27      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 15 novembre 2011, les affaires T‑439/10 et T‑440/10 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 23 novembre 2011.

29      Dans leurs requêtes, les requérants ont conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010 pour autant que ces actes les concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

30      Dans leurs répliques, les requérants ont élargi leurs chefs de conclusions, en concluant à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision 2010/644 et le règlement no 961/2010 pour autant que ces actes les concernent ;

–        reconnaître le préjudice qu’ils ont subi du fait de l’adoption des actes attaqués.

31      Le Conseil et la Commission concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

32      Dans leurs requêtes, les requérants ont invoqué quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation, de leurs droits de la défense et de leur droit à une protection juridictionnelle effective. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit liée à l’absence de décision préalable d’une autorité nationale compétente. Le troisième moyen est tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication des requérants dans la prolifération nucléaire. Le quatrième moyen est tiré du préjudice financier et moral subi par les requérants du fait de l’adoption des actes attaqués.

33      Lors de l’audience, les requérants se sont désistés de leur deuxième moyen, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de ladite audience.

34      Le Conseil et la Commission contestent le bien-fondé des moyens invoqués par les requérants.

35      Avant d’aborder les moyens soulevés par les requérants, il y a lieu d’examiner la recevabilité de certains de leurs chefs de conclusions, moyens et arguments.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010

36      Ainsi qu’il ressort des points 11 et 12 ci-dessus, depuis l’introduction des requêtes, la liste de l’annexe II de la décision 2010/413 a été remplacée par une nouvelle liste, arrêtée dans la décision 2010/644, et le règlement no 423/2007 a été abrogé et remplacé par le règlement no 961/2010. Les requérants ont demandé à pouvoir adapter leurs conclusions initiales de façon que leurs recours visent à l’annulation de ces quatre actes (ci-après, pris dans leur ensemble, les « actes attaqués »).

37      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsqu’une décision ou un règlement concernant directement et individuellement un particulier est, en cours de procédure, remplacé par un acte ayant le même objet, celui‑ci doit être considéré comme un élément nouveau permettant au requérant d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait, en effet, contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger le requérant à introduire un nouveau recours. Il serait, en outre, injuste que l’institution en cause puisse, pour faire face aux critiques contenues dans une requête présentée au juge de l’Union contre un acte, adapter l’acte attaqué ou lui en substituer un autre et se prévaloir, en cours d’instance, de cette modification ou de cette substitution pour priver l’autre partie de la possibilité d’étendre ses conclusions et ses moyens initiaux à l’acte ultérieur ou de présenter des conclusions et moyens supplémentaires contre celui-ci (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, Rec. p. II‑3019, point 46, et la jurisprudence citée).

38      Il convient donc, en l’espèce, conformément à cette jurisprudence, de faire droit aux demandes des requérants et de considérer que leurs recours tendent également, à la date de clôture de la procédure orale, à l’annulation de la décision 2010/644 et du règlement no 961/2010, pour autant que ces actes les concernent, et de permettre aux parties de reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière de cet élément nouveau, ce qui implique, pour elles, le droit de présenter des conclusions, moyens et arguments supplémentaires (voir, par analogie, arrêt People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, point 37 supra, point 47).

 Sur la recevabilité du second chef de conclusions des requérants et du quatrième moyen

39      Par leur second chef de conclusions, les requérants demandent au Tribunal de reconnaître le préjudice qu’ils ont subi du fait de l’adoption des actes attaqués.

40      Lors de l’audience, les requérants ont précisé que leur second chef de conclusions visait à un arrêt déclaratoire et que le quatrième moyen était invoqué pour l’étayer.

41      Or, le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, Infront WM/Commission, T‑33/01, Rec. p. II‑5897, point 171, et ordonnance du Tribunal du 3 septembre 2008, Cofra/Commission, T‑477/07, non publiée au Recueil, point 21). Partant, le second chef de conclusions et le quatrième moyen doivent être rejetés, le Tribunal étant manifestement incompétent pour en connaître.

 Sur la recevabilité, dans l’affaire T‑439/10, de l’argument selon lequel Fulmen ne serait pas intervenue sur le site de Qom/Fordoo

42      Dans l’affaire T-439/10, le Conseil et la Commission soutiennent que Fulmen n’a pas spécifiquement nié le fait d’être intervenue sur le site de Qom/Fordoo avant le stade de la réplique. Par conséquent, son argumentation sur ce point constituerait un moyen nouveau et serait donc irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

43      Il convient toutefois d’observer que, au point 3 de sa requête, Fulmen a fait valoir qu’elle « n’a[vait] jamais concouru de quelque façon que ce soit […] à des activités liées au programme nucléaire ou de missiles balistiques en Iran ». Cette formulation implique nécessairement que Fulmen a contesté son intervention sur le site de Qom/Fordoo, qui est le seul comportement qui lui est reproché par le Conseil au titre de son implication dans les activités concernées.

44      La même conclusion s’impose au vu des points 30 et 31 de la requête, dans lesquels Fulmen conteste la réalité et le caractère sérieux des raisons avancées par le Conseil pour adopter des mesures restrictives à son égard. En effet, la prétendue intervention de Fulmen sur le site de Qom/Fordoo est l’unique raison invoquée par cette institution pour l’avoir incluse dans les listes litigieuses.

45      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que Fulmen a contesté la réalité de son intervention sur le site de Qom/Fordoo dans la requête, ce qui implique que son argumentation sur ce point ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

46      Il convient donc de rejeter la fin de non‑recevoir soulevée par le Conseil et par la Commission.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, des droits de la défense des requérants et de leur droit à une protection juridictionnelle effective

47      Les requérants soutiennent que les actes attaqués ne sont pas suffisamment motivés à leur égard, que leurs droits de la défense n’ont pas été respectés dans la procédure ayant abouti à leur adoption et que, en omettant de leur communiquer les éléments retenus à leur charge, le Conseil a également violé leur droit à une protection juridictionnelle effective. Dans l’affaire T‑440/10, M. Mahmoudian invoque également le fait que les premiers actes par lesquels ses fonds ont été gelés ne lui ont pas été notifiés individuellement.

–       Sur l’obligation de motivation

48      L’obligation de motiver un acte faisant grief, telle que prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE et, plus particulièrement en l’espèce, à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413, à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 et à l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 961/2010, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte. L’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit de l’Union auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses. Partant, la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que l’acte lui faisant grief, son absence ne pouvant être régularisée par le fait que l’intéressé prend connaissance des motifs de l’acte au cours de la procédure devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, Rec. p. II‑3967, point 80, et la jurisprudence citée).

49      Partant, à moins que des considérations impérieuses touchant à la sûreté de l’Union ou de ses États membres ou à la conduite de leurs relations internationales ne s’opposent à la communication de certains éléments, le Conseil est tenu, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 et de l’article 36, paragraphe 3, du règlement no 961/2010, de porter à la connaissance de l’entité visée par une mesure adoptée, selon les cas, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 ou de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 961/2010, les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles il considère que cette disposition lui est applicable. Il doit ainsi mentionner les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amené à la prendre (voir, en ce sens, arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 48 supra, point 81, et la jurisprudence citée).

50      Par ailleurs, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt Bank Melli Iran/Conseil, point 48 supra, point 82, et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, il ressort de la motivation des actes attaqués, d’une part, que Fulmen est visée par des mesures restrictives en raison du fait qu’elle aurait fourni des équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo et, d’autre part, que M. Mahmoudian est visé en tant que directeur de Fulmen.

52      Si cette motivation est brève, elle satisfait néanmoins aux règles jurisprudentielles exposées ci‑dessus. En effet, elle a permis aux requérants de comprendre quels actes étaient reprochés à Fulmen et de contester soit la réalité de ces actes soit leur pertinence. De même, la motivation fournie permet de comprendre que M. Mahmoudian est visé par des mesures restrictives en raison de l’influence qu’il est censé exercer au sein de Fulmen en sa qualité alléguée de directeur de cette société.

53      Le caractère suffisant de la motivation fournie est, par ailleurs, confirmé par le contenu des requêtes. En effet, l’argumentation des requérants, s’agissant du bien‑fondé de leur inscription sur les listes litigieuses, concerne, justement, la réalité de l’intervention de Fulmen sur le site de Qom/Fordoo et la position de M. Mahmoudian au sein de Fulmen.

54      Les requérants invoquent toutefois deux griefs supplémentaires.

55      D’une part, tant Fulmen que M. Mahmoudian allèguent que la motivation n’est pas étayée par des preuves, de sorte qu’elle ne leur a pas permis d’apprécier non seulement la portée des mesures adoptées à leur égard, mais également leur bien‑fondé.

56      Or, la question de la motivation des actes attaqués est distincte de celle de la preuve du comportement reproché aux requérants, à savoir les faits mentionnés dans ces actes et la qualification de ces faits comme constituant un appui à la prolifération nucléaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, C‑548/09 P, Rec. p. I-11381, point 88).

57      Partant, la question de savoir si la motivation des actes attaqués est étayée par des preuves est pertinente dans le cadre du troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication des requérants dans la prolifération nucléaire. En revanche, elle est inopérante dans le cadre du présent moyen.

58      D’autre part, M. Mahmoudian fait valoir que les détails portant sur sa personne, figurant dans la motivation des listes litigieuses, sont affectés de nombreuses erreurs ; en particulier, il ne serait plus le directeur de Fulmen.

59      À cet égard, il y a lieu de distinguer deux types de données concernant M. Mahmoudian.

60      Ainsi, d’une part, en ce qui concerne les données d’identification de M. Mahmoudian, à savoir celles concernant son passeport et sa naturalisation, le fait qu’il ait intenté un recours devant le Tribunal confirme qu’il a compris qu’il était visé par les actes attaqués. De même, M. Mahmoudian ne présente pas d’arguments tendant à établir que les imprécisions dont sont affectées les données concernées, qui ne sont d’ailleurs pas contestées par le Conseil, ont rendu plus difficile la compréhension des éléments retenus à son encontre par le Conseil. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de constater une violation de l’obligation de motivation concernant ces imprécisions.

61      D’autre part, en contestant qu’il soit le directeur de Fulmen, M. Mahmoudian met en cause la matérialité des faits retenus à son encontre par le Conseil. Or, à l’instar de ce qui été constaté au point 56 ci‑dessus, la question du caractère prétendument insuffisant de la motivation des actes attaqués est distincte de celle du bien‑fondé de cette même motivation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 novembre 1997, Cipeke/Commission, T‑84/96, Rec. p. II‑2081, point 47), de sorte que l’argument tiré de ce que M. Mahmoudian n’est plus directeur de Fulmen est inopérant dans le cadre du présent moyen.

62      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation comme étant pour partie non fondé et pour partie inopérant.

–       Sur l’absence de communication individuelle de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 à M. Mahmoudian

63      M. Mahmoudian soutient que les premiers actes par lesquels ses fonds ont été gelés, à savoir la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, ne lui ont pas été notifiés individuellement, mais ont été uniquement publiés au Journal officiel de l’Union européenne.

64      À cet égard, l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007, en vigueur au moment de l’adoption du règlement d’exécution no 668/2010, imposait au Conseil d’indiquer les raisons individuelles et spécifiques fondant les décisions prises conformément à l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement et de les porter à la connaissance des personnes, des entités et des organismes concernés. Une disposition analogue figure à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413.

65      Si, en principe, le Conseil était tenu de s’acquitter de l’obligation prévue à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 par une communication individuelle, ladite disposition ne prévoyait aucune forme précise, dès lors qu’elle ne mentionnait d’autre obligation que celle de « porter à la connaissance » de l’intéressé les raisons de son inscription sur les listes litigieuses (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, point 56 supra, points 52 et 56). De manière analogue, l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 se borne à prévoir que le Conseil « communique sa décision ».

66      Dans ces circonstances, il importe qu’un effet utile ait été donné aux dispositions concernées (voir, par analogie, arrêt du 16 novembre 2011, Bank Melli Iran/Conseil, point 56 supra, point 56).

67      En l’espèce, il n’est pas contesté qu’une communication individuelle de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 à M. Mahmoudian n’a pas eu lieu. Les parties sont néanmoins en désaccord quant à la question de savoir si le Conseil connaissait l’adresse de M. Mahmoudian et, le cas échéant, s’il était tenu de la rechercher d’office.

68      Or, il convient d’observer que, nonobstant l’absence de communication individuelle, M. Mahmoudian a été en mesure de communiquer ses observations concernant l’adoption des mesures restrictives à son égard au Conseil, par lettre du 26 août 2010, c’est-à-dire dans le délai fixé à cet effet. Il a également formé devant le Tribunal, dans les délais prévus, un recours visant à l’annulation de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010. En outre, il n’invoque pas d’arguments concrets tendant à démontrer que l’absence de communication individuelle des actes concernés aurait rendu plus difficile sa défense vis-à-vis du Conseil, dans le cadre de la procédure administrative ou devant le Tribunal.

69      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, indépendamment de la question de savoir si le Conseil connaissait l’adresse de M. Mahmoudian ou était tenu de la rechercher, le non-respect de l’obligation prévue à l’article 24, paragraphe 3, de la décision 2010/413 et à l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 n’a pas empêché ce dernier de connaître les raisons individuelles et spécifiques de l’adoption des mesures restrictives à son égard. Par conséquent, l’absence de communication individuelle de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 à M. Mahmoudian n’est pas susceptible, en l’espèce, de justifier l’annulation de ces actes.

70      Partant, il convient de rejeter l’argumentation de M. Mahmoudian sur ce point comme inopérante.

–       Sur le principe du respect des droits de la défense

71      Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une entité et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle‑ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 48 supra, point 91).

72      Le principe du respect des droits de la défense exige, d’une part, que les éléments retenus à la charge de l’entité intéressée pour fonder l’acte lui faisant grief lui soient communiqués. D’autre part, elle doit être mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue au sujet de ces éléments (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, Rec. p. II‑4665, ci‑après l’« arrêt OMPI », point 93).

73      À titre liminaire, le Conseil et la Commission contestent l’applicabilité du principe du respect des droits de la défense au cas d’espèce. En se référant à l’arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, Tay Za/Conseil (T‑181/08, Rec. p. II‑1965, points 121 à 123), ils font valoir que les requérants n’ont pas été visés par des mesures restrictives en raison de leurs activités propres, mais en raison de leur appartenance à une catégorie générale de personnes et d’entités. Par conséquent, la procédure d’adoption des mesures restrictives n’aurait pas été ouverte à l’encontre des requérants au sens de la jurisprudence citée au point 71 ci‑dessus et ils ne pourraient, dès lors, pas se prévaloir des droits de la défense ou ne pourraient s’en prévaloir que dans une mesure restreinte.

74      Cette argumentation ne saurait être retenue.

75      En effet, d’une part, il ressort de la motivation des actes attaqués que l’adoption des mesures restrictives à l’égard des requérants est justifiée par la prétendue intervention de Fulmen sur le site de Qom/Fordoo et par l’influence qu’exercerait M. Mahmoudian au sein de Fulmen. Ainsi, à la différence de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Tay Za/Conseil, point 73 supra, les requérants sont visés par des mesures restrictives parce qu’ils sont supposés être impliqués eux‑mêmes dans la prolifération nucléaire, et non pas en raison de leur appartenance à la catégorie générale de personnes et d’entités liées à la République islamique d’Iran.

76      Par conséquent, les points 121 à 123 de l’arrêt Tay Za/Conseil, point 73 supra, ne sont pas transposables au cas d’espèce.

77      D’autre part, en tout état de cause, l’article 24, paragraphes 3 et 4, de la décision 2010/413, l’article 15, paragraphe 3, du règlement no 423/2007 et l’article 36, paragraphes 3 et 4, du règlement no 961/2010 prévoient des dispositions garantissant les droits de la défense des entités visées par des mesures restrictives adoptées en vertu de ces textes. Le respect de ces droits fait l’objet du contrôle du juge de l’Union (arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 48 supra, point 37).

78      Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que le principe du respect des droits de la défense peut être invoqué par les requérants en l’espèce.

79      À cet égard, les requérants font valoir que, dans le cadre de l’adoption de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010, le Conseil ne leur a pas communiqué les éléments à charge et ne leur a pas donné l’occasion de faire valoir leur point de vue utilement.

80      Selon la jurisprudence, s’agissant d’un premier acte par lequel les fonds d’une entité sont gelés, la communication des éléments à charge doit avoir lieu soit concomitamment à l’adoption de l’acte concerné, soit aussitôt que possible après ladite adoption. Sur demande de l’entité concernée, cette dernière a également le droit de faire valoir son point de vue au sujet de ces éléments une fois l’acte adopté (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, Rec. p. I‑6351, point 342, et arrêt OMPI, point 72 supra, point 137).

81      En l’espèce, l’adoption des premiers actes par lesquels les fonds des requérants ont été gelés, à savoir la décision 2010/413 et le règlement d’exécution no 668/2010, a été communiquée individuellement à Fulmen le 28 juillet 2010. S’agissant de M. Mahmoudian, il ressort des points 67 à 69 ci‑dessus que l’absence de communication individuelle des actes concernés ne l’a pas empêché de connaître les raisons individuelles et spécifiques de l’adoption des mesures restrictives à son égard, ce qui implique que cette circonstance n’a pas affecté ses droits de la défense.

82      Quant au contenu de la communication des éléments à charge, les requérants indiquent que, nonobstant les demandes formulées dans leurs lettres des 26 août et 14 septembre 2010, le Conseil ne leur a pas communiqué les éléments, en particulier les documents, sur lesquels il s’était fondé pour adopter les mesures restrictives à leur encontre.

83      À cet égard, le Conseil a indiqué, dans ses réponses aux lettres susmentionnées, que son dossier ne comportait pas d’éléments autres que ceux exposés dans les actes attaqués.

84      Contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette indication n’est pas constitutive d’une violation de leurs droits de la défense. En effet, le Conseil n’a pas rendu plus difficile la défense des requérants en occultant l’existence ou le contenu d’éléments sur lesquels étaient fondées ses allégations. Au contraire, en admettant qu’aucun élément pertinent supplémentaire n’existait dans son dossier, il a permis aux requérants d’invoquer cette circonstance, ainsi qu’ils l’ont fait dans le cadre du troisième moyen.

85      En ce qui concerne le droit des requérants de faire valoir utilement leur point de vue, il y a lieu de constater que, à la suite de l’adoption des premiers actes par lesquels les fonds des requérants ont été gelés, le 26 juillet 2010, ils ont adressé au Conseil les lettres des 26 août et 14 septembre 2010, dans lesquelles ils ont exposé leur argumentation et demandé que les mesures restrictives adoptées à leur égard soient supprimées. Le Conseil a répondu à ces lettres le 28 octobre 2010. Par conséquent, il n’y a pas lieu de constater une violation du droit des requérants à faire valoir utilement leur point de vue.

86      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter comme non fondé le grief tiré d’une violation des droits de la défense des requérants.

–       Sur le droit à une protection juridictionnelle effective

87      Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union, qui découle des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qui a été consacré par les articles 6 et 13 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, ainsi que par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2007, C 303, p. 1). L’efficacité du contrôle juridictionnel implique que l’autorité de l’Union en cause est tenue de communiquer les motifs d’une mesure restrictive à l’entité concernée, dans toute la mesure du possible, soit au moment où ladite mesure est adoptée, soit, à tout le moins, aussi rapidement que possible après qu’elle l’a été, afin de permettre à l’entité concernée l’exercice, dans les délais, de son droit de recours. Le respect de cette obligation de communiquer lesdits motifs est en effet nécessaire, tant pour permettre aux destinataires des mesures restrictives de défendre leurs droits dans les meilleures conditions possibles et de décider en pleine connaissance de cause s’il est utile de saisir le juge de l’Union, que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de l’acte en cause qui lui incombe (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, point 80 supra, points 335 à 337, et la jurisprudence citée).

88      En l’espèce, il ressort, d’abord, des points 51 à 62 ci‑dessus que les actes attaqués étaient assortis d’informations suffisamment précises quant aux motifs de l’adoption des mesures restrictives à l’égard des requérants.

89      Ensuite, ces mêmes motifs ont été communiqués individuellement à Fulmen. S’agissant de M. Mahmoudian, il ressort des points 67 à 69 que l’absence de communication individuelle de la décision 2010/413 et du règlement d’exécution no 668/2010 n’a pas affecté ses droits procéduraux, dont le droit à une protection juridictionnelle effective.

90      Enfin, le Tribunal est en mesure d’exercer pleinement son contrôle de la légalité des actes attaqués.

91      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter comme non fondé le grief tiré d’une violation du droit des requérants à une protection juridictionnelle effective.

92      Au vu de tout ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation s’agissant de l’implication des requérants dans la prolifération nucléaire

93      Par leur troisième moyen, les requérants font valoir que le Conseil a commis une erreur d’appréciation lorsqu’il a conclu qu’ils avaient apporté un appui à la prolifération nucléaire.

94      Les requérants présentent deux arguments pour étayer leur position. Par le premier argument, invoqué dans les deux affaires, ils contestent que Fulmen soit intervenue sur le site de Qom/Fordoo et soutiennent que le Conseil n’a pas apporté la preuve de ses allégations sur ce point.

95      Le Conseil soutient que Fulmen a été impliquée dans l’installation des équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo. Lors de l’audience, le Conseil a ajouté qu’il ne pouvait être exigé de sa part qu’il apporte la preuve de cette allégation. En effet, selon le Conseil, le contrôle du juge de l’Union doit être limité à la vérification de ce que les motifs invoqués pour justifier l’adoption des mesures restrictives soient « vraisemblables ». Tel serait le cas en l’espèce, compte tenu de ce que Fulmen est une société active depuis longtemps sur le marché iranien des équipements électriques et disposant d’effectifs considérables.

96      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le contrôle juridictionnel de la légalité d’un acte par lequel des mesures restrictives ont été adoptées à l’égard d’une entité s’étend à l’appréciation des faits et des circonstances invoqués comme le justifiant, de même qu’à la vérification des éléments de preuve et d’information sur lesquels est fondée cette appréciation. En cas de contestation, il appartient au Conseil de présenter ces éléments en vue de leur vérification par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, point 48 supra, points 37 et 107).

97      Ainsi, contrairement à ce que prétend le Conseil, le contrôle de légalité qui doit être exercé en l’espèce n’est pas limité à la vérification de la « vraisemblance » abstraite des motifs invoqués, mais doit inclure la question de savoir si ces derniers sont étayés, à suffisance de droit, par des éléments de preuve et d’information concrets.

98      Le Conseil ne saurait non plus prétendre qu’il n’est pas tenu de produire de tels éléments.

99      À cet égard, premièrement, le Conseil soutient que les mesures restrictives à l’égard des requérants ont été adoptées sur proposition d’un État membre, conformément à la procédure prévue à l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413. Or, cette circonstance n’ôte rien au fait que les actes attaqués sont des actes du Conseil, qui doit, partant, s’assurer que leur adoption est justifiée, le cas échéant en demandant à l’État membre concerné de lui présenter les éléments de preuve et d’information nécessaires à cette fin.

100    Deuxièmement, le Conseil ne saurait se prévaloir de ce que les éléments concernés proviennent de sources confidentielles et ne peuvent, par conséquent, être divulgués. En effet, si cette circonstance pourrait, éventuellement, justifier des restrictions s’agissant de la communication de ces éléments aux requérants ou à leurs avocats, il n’en demeure pas moins que, compte tenu du rôle essentiel du contrôle juridictionnel dans le contexte de l’adoption des mesures restrictives, le juge de l’Union doit pouvoir contrôler la légalité et le bien-fondé de telles mesures, sans que puissent lui être opposés le secret ou la confidentialité des éléments de preuve et d’information utilisés par le Conseil (voir, par analogie, arrêt OMPI, point 72 supra, point 155). Par ailleurs, le Conseil n’est pas en droit de fonder un acte adoptant des mesures restrictives sur des informations ou sur des éléments de dossier communiqués par un État membre, si cet État membre n’est pas disposé à en autoriser la communication à la juridiction de l’Union investie du contrôle de la légalité de cette décision (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, Rec. p. II‑3487, point 73).

101    Troisièmement, c’est à tort que le Conseil prétend que la preuve de l’implication d’une entité dans la prolifération nucléaire ne peut être exigée de lui, compte tenu de la nature clandestine des comportements concernés. D’une part, le seul fait que l’adoption des mesures restrictives soit proposée en vertu de l’article 23, paragraphe 2, de la décision 2010/413 présuppose que l’État membre concerné ou le haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, selon les cas, dispose de preuves ou d’éléments d’information démontrant, à son avis, que l’entité concernée est impliquée dans la prolifération nucléaire. D’autre part, les difficultés éventuellement rencontrées par le Conseil lorsqu’il tente de prouver cette implication peuvent, le cas échéant, avoir un impact sur le niveau de preuve exigé de lui. En revanche, elles ne sauraient avoir pour conséquence de l’exonérer totalement de la charge de la preuve qui lui incombe.

102    Quant à l’appréciation du cas d’espèce, le Conseil n’a produit aucun élément d’information ou de preuve au soutien du motif invoqué dans les actes attaqués. Ainsi qu’il l’admet, en substance, lui‑même, il s’est fondé sur de simples allégations non étayées selon lesquelles Fulmen aurait installé des équipements électriques sur le site de Qom/Fordoo avant que l’existence de ce site ne soit découverte.

103    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le Conseil n’a pas apporté la preuve que Fulmen était intervenue sur le site de Qom/Fordoo et, partant, d’accueillir le troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire de s’exprimer sur le second argument, avancé par M. Mahmoudian dans l’affaire T‑440/10, concernant sa position au sein de Fulmen.

104    Dans la mesure où le Conseil n’a pas invoqué, dans les actes attaqués, d’autres circonstances justifiant l’adoption de mesures restrictives à l’égard de Fulmen et de M. Mahmoudian, il y a lieu d’annuler lesdits actes pour autant qu’ils concernent les requérants.

105    En ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués, il y a lieu de remarquer, d’abord, que le règlement d’exécution no 668/2010, qui a modifié la liste de l’annexe V du règlement no 423/2007, ne produit plus d’effets juridiques à la suite de l’abrogation de ce dernier règlement, opérée par le règlement no 961/2010.

106    Ensuite, quant au règlement no 961/2010, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci. Le Conseil dispose donc d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt, pour remédier à la violation constatée en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard des requérants. En l’espèce, le risque d’une atteinte sérieuse et irréversible à l’efficacité des mesures restrictives qu’impose le règlement no 961/2010 n’apparaît pas suffisamment élevé, compte tenu de l’importante incidence de ces mesures sur les droits et les libertés des requérants, pour justifier le maintien des effets dudit règlement à l’égard de ces derniers pendant une période allant au-delà de celle prévue à l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2011, Kadio Morokro/Conseil, T‑316/11, non publié au Recueil, point 38).

107    Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement no 961/2010 et celle de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant aux requérants des mesures identiques. Les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, doivent donc être maintenus en ce qui concerne les requérants jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 961/2010 (voir, par analogie, arrêt Kadio Morokro/Conseil, point 106 supra, point 39).

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions des requérants.

109    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, de ce même règlement, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Sont annulés, pour autant qu’ils concernent Fulmen et M. Fereydoun Mahmoudian :

–        la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC ;

–        le règlement d’exécution (UE) du Conseil no 668/2010, du 26 juillet 2010, mettant en œuvre l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CE) no 423/2007 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran,

–        la décision 2010/644/PESC du Conseil, du 25 octobre 2010, modifiant la décision 2010/413 ;

–        le règlement (UE) no 961/2010 du Conseil, du 25 octobre 2010, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement no 423/2007.

2)      Les effets de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2010/644, sont maintenus en ce qui concerne Fulmen et M. Mahmoudian jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement no 961/2010.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Fulmen et par M. Mahmoudian.

5)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le français.