Language of document : ECLI:EU:F:2013:42

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

21 mars 2013 (*)

« Fonction publique – Rémunération – Adaptation annuelle des rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents – Articles 64, 65, et 65 bis du statut – Annexe XI du statut – Règlement (UE) no 1239/2010 – Coefficients correcteurs – Fonctionnaires affectés à Ispra »

Dans l’affaire F‑111/11,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Chris van der Aat, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Besozzo (Italie), et 533 autres fonctionnaires et agents de la Commission européenne dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis, É. Marchal, et D. Abreu Caldas, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme A. F. Jensen et M. J. Herrmann, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, R. Barents et K. Bradley, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 novembre 2012,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 24 octobre 2011, les requérants ont introduit le présent recours tendant, en substance, à l’annulation des décisions de la Commission européenne faisant application à leur égard du règlement (UE) n1239/2010 du Conseil, du 20 décembre 2010, adaptant, avec effet au 1er juillet 2010, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO L 338, p. 1), en ce qu’il fixe à 92,3 % le coefficient correcteur applicable à la rémunération du personnel affecté dans la province de Varèse (Italie, ci-après le « coefficient correcteur de Varèse »).

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 64 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« La rémunération du fonctionnaire exprimée en euros, après déduction des retenues obligatoires visées au présent statut ou aux règlements pris pour son application, est affectée d’un coefficient correcteur supérieur, inférieur ou égal à 100 %, selon les conditions de vie aux différents lieux d’affectation.

Ces coefficients sont fixés par le Conseil [de l’Union européenne] statuant, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, du traité sur l’Union européenne. Le coefficient correcteur applicable à la rémunération des fonctionnaires affectés aux sièges provisoires de l’Union est, à la date du 1er janvier 1962, égal à 100 %. »

3        L’article 65 du statut dispose :

« 1.      Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Cet examen aura lieu en septembre sur [la] base d’un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation, au 1er juillet et dans chaque pays de l’Union, d’un indice commun établi par l’Office statistique de l’Union européenne [(Eurostat)] en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.

Au cours de cet examen, le Conseil étudie s’il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale de l’Union, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.

2.      En cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d’adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif.

3.      Pour l’application du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, du traité sur l’Union européenne. »

4        En vertu de l’article 65 bis du statut, les modalités d’application des articles 64 et 65 du statut sont définies à l’annexe XI du statut.

5        Le chapitre 1 de l’annexe XI du statut est intitulé « E[xamen annuel du niveau des rémunérations prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut] ». Il comporte deux sections : la première est intitulée « Éléments des adaptations annuelles » et la seconde « Modalités de l’adaptation annuelle des rémunérations et pensions ».

6        L’article 1er de l’annexe XI du statut, qui figure sous la section 1 du chapitre 1 de cette annexe, dispose :

« 1.      Rapport de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat)

Aux fins de l’examen prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut, Eurostat établit chaque année avant la fin du mois d’octobre un rapport portant sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles [(Belgique)], sur les parités économiques entre Bruxelles et certains lieux d’affectation dans les États membres et sur l’évolution du pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales.

2.      Évolution du coût de la vie pour Bruxelles (indice international de Bruxelles)

Sur la base de données fournies par les autorités belges, Eurostat établit un indice permettant de mesurer l’évolution du coût de la vie supporté par les fonctionnaires de l’Union européenne en poste à Bruxelles. Cet indice (ci-après dénommé ‘indice international de Bruxelles’) prend en compte l’évolution constatée entre le mois de juin de l’année précédente et le mois de juin de l’année en cours ; il est calculé selon la méthode statistique définie par le ‘groupe article 64 du statut’ visé à l’article 13 [de la présente annexe].

3.      Évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et indices implicites)

a)      Eurostat calcule, en accord avec les instituts statistiques nationaux et autres autorités compétentes des États membres, les parités économiques qui établissent les équivalences de pouvoir d’achat :

i)      des rémunérations versées aux fonctionnaires de l’Union européenne en service dans les capitales des États membres, à l’exception des Pays-Bas, où l’indice de La Haye est utilisé plutôt que celui d’Amsterdam, et dans certains autres lieux d’affectation, par référence à Bruxelles,

ii)      des pensions des fonctionnaires versées dans les États membres, par référence à la Belgique.

b)      Les parités économiques se réfèrent au mois de juin de chaque année.

c)      Les parités économiques sont calculées de manière à ce que chaque position élémentaire puisse être actualisée deux fois par an et vérifiée par enquête directe au moins une fois tous les cinq ans. Aux fins de l’actualisation des parités économiques, Eurostat utilise les indices les plus appropriés, tels qu’ils sont définis par le ‘groupe article 64’ du statut, visé à l’article 13.

d)      L’évolution du coût de la vie à l’extérieur de la Belgique et du Luxembourg au cours de la période de référence est mesurée à l’aide des indices implicites. Ces indices correspondent au produit de l’indice international de Bruxelles et de la variation de la parité économique.

4.      Évolution du pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales (indicateurs spécifiques)

a)      Aux fins de mesurer en pourcentage l’évolution en hausse et en baisse du pouvoir d’achat des rémunérations dans les fonctions publiques nationales, Eurostat établit, sur la base de renseignements fournis avant la fin du mois de septembre par les autorités nationales concernées, des indicateurs spécifiques retraçant les évolutions des rémunérations réelles des fonctionnaires nationaux des administrations centrales entre le mois de juillet de l’année précédente et le mois de juillet de l’année en cours. Les deux rémunérations devraient inclure un douzième de l’ensemble des éléments à fréquence annuelle.

Les indicateurs spécifiques sont établis sous une double forme :

i)      un indicateur pour chacun des groupes de fonctions selon la définition donnée dans le statut,

ii)      un indicateur moyen pondéré sur la base des effectifs des fonctionnaires nationaux correspondant à chaque groupe de fonctions.

Chacun de ces indicateurs est établi en termes bruts et nets réels. Pour le passage du brut au net, il est tenu compte des retenues obligatoires ainsi que des éléments fiscaux généraux.

Pour l’établissement des indicateurs bruts et nets pour l’ensemble de l’Union européenne, Eurostat utilise un échantillon composé des États membres suivants : Belgique, Allemagne, Espagne, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni. Le Conseil, statuant sur proposition de la Commission selon la procédure prévue à l’article 65, paragraphe 3, du statut, peut adopter un nouvel échantillon qui représente au moins 75 % du [produit intérieur brut (PIB)] de l’Union européenne et qui s’applique à compter de l’année qui suit son adoption. Les résultats par État membre sont pondérés par la part du PIB national de l’État membre, mesurée en utilisant les parités de pouvoir d’achat, telle qu’indiquée dans les statistiques les plus récentes publiées selon les définitions des comptes nationaux figurant dans le système européen de comptes (SEC) en vigueur au moment considéré.

b)      À la demande d’Eurostat, les autorités nationales compétentes lui fournissent les renseignements complémentaires qu’il estime nécessaires, en vue d’établir un indicateur spécifique mesurant correctement l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires nationaux.

Si, après une nouvelle consultation des autorités nationales concernées, Eurostat constate des anomalies statistiques dans les renseignements obtenus ou l’impossibilité d’établir les indicateurs mesurant correctement du point de vue statistique l’évolution des revenus réels des fonctionnaires d’un État membre déterminé, il fait rapport à la Commission en lui fournissant tous les éléments d’appréciation nécessaires.

c)      Outre les indicateurs spécifiques, Eurostat calcule certains indicateurs de contrôle. L’un de ceux-ci revêt la forme de données concernant la masse salariale en termes réels par tête dans les administrations centrales, établies selon les définitions des comptes nationaux figurant dans le [SEC] en vigueur au moment considéré.

Eurostat assortit son rapport sur les indicateurs spécifiques d’observations sur les divergences entre ceux-ci et l’évolution des indicateurs de contrôle mentionnés ci-avant. »

7        L’article 3 de l’annexe XI du statut, qui figure sous la section 2 du chapitre 1 de cette annexe, dispose :

« 1.      Conformément à l’article 65, paragraphe 3, du statut, le Conseil décide avant la fin de chaque année de l’adaptation des rémunérations et pensions proposée par la Commission et fondée sur les éléments prévus à la section 1 de la présente annexe, avec effet au 1er juillet.

2.      La valeur de l’adaptation est égale au produit de l’indicateur spécifique par l’indice international de Bruxelles. L’adaptation est fixée en termes nets en pourcentage égal pour tous.

3.      La valeur de l’adaptation ainsi fixée est incorporée, selon la méthode indiquée ci-après, dans la grille des traitements de base figurant à l’article 66 du statut et à l’annexe XIII du statut, ainsi qu’aux articles 20, 63 et 90 du régime applicable aux autres agents :

a)      le montant de la rémunération et de la pension nettes sans coefficient correcteur est augmenté ou diminué de la valeur de l’adaptation annuelle visée ci-avant,

b)      le nouveau tableau des traitements de base est établi en déterminant le montant brut qui correspond, après déduction de l’impôt opérée compte tenu du paragraphe 4 et des retenues obligatoires au titre des régimes de sécurité sociale et de pensions, au montant de la rémunération nette,

c)      pour cette conversion des montants nets en montants bruts, il est tenu compte de la situation d’un fonctionnaire célibataire ne bénéficiant pas des indemnités et allocations prévues au statut.

[…]

5.      Aucun coefficient correcteur n’est applicable pour la Belgique et pour le Luxembourg. Les coefficients correcteurs applicables :

a)      aux rémunérations payées aux fonctionnaires de l’Union européenne en service dans les autres États membres et dans certains autres lieux d’affectation,

b)      par dérogation à l’article 82, paragraphe 1, du statut, aux pensions des fonctionnaires versées dans les autres États membres sur la part correspondant aux droits acquis avant le 1er mai 2004,

sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l’article 1er [de la présente annexe] et les taux de change prévus à l’article 63 du statut pour les pays correspondants.

Sont applicables les modalités prévues à l’article 8 de la présente annexe qui concernent la rétroactivité de l’effet des coefficients correcteurs applicables dans les lieux d’affectation qui subissent une forte inflation.

[…] »

8        Par ailleurs, aux termes du point 1.1 de l’annexe I, intitulée « M[éthodologie] », du règlement (CE) no 1445/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2007, établissant des règles communes pour la fourniture d’informations de base sur les parités de pouvoir d’achat et pour leur calcul et leur diffusion (JO L 336, p. 1) prévoit :

« La Commission (Eurostat) élabore un manuel méthodologique en concertation avec les États membres, décrivant les méthodes utilisées lors des différentes phases de calcul des [parités de pouvoir d’achat], y compris les méthodes permettant d’estimer les informations de base manquantes et les parités manquantes. Le manuel méthodologique est révisé chaque fois que la méthodologie est sensiblement modifiée. Il est susceptible d’introduire des nouvelles méthodes visant à améliorer la qualité des données, à réduire les coûts ou à alléger la charge pesant sur les fournisseurs de données. »

 Faits à l’origine du litige

9        Les requérants sont affectés au Centre commun de recherche de la Commission (JRC), situé à Ispra, province de Varèse (Italie). Le coefficient correcteur applicable à la rémunération des requérants est le coefficient correcteur de Varèse, coefficient correcteur distinct du coefficient correcteur pour l’Italie.

10      Par le règlement no 1239/2010, le Conseil a adapté, avec effet au 1er juillet 2010, les rémunérations des fonctionnaires et agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations, notamment en vertu de l’article 64 du statut.

11      Le coefficient correcteur de Varèse, qui avait été fixé à 97,1 % pour la période allant du 1er juillet 2009 au 30 juin 2010, a été fixé, par l’article 3 du règlement no 1239/2010, à 92,3 % à compter du 1er juillet 2010. Ce nouveau coefficient a été appliqué pour la première fois aux requérants à l’occasion de l’établissement de leur fiche de rémunération de février 2011.

12      Entre mars et mai 2011, les requérants ont introduit des réclamations à l’encontre des décisions de la Commission portant établissement de leurs fiches de rémunération pour autant qu’elles font application à leur égard du nouveau coefficient correcteur de Varèse.

13      Par décision unique du 12 juillet 2011, la Commission a rejeté les réclamations des requérants.

 Conclusions des parties

14      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer que l’article 1er de l’annexe XI du statut et le manuel méthodologique visé à l’annexe I du règlement no 1445/2007 sont illégaux ;

–        déclarer que l’article 3 du règlement no 1239/2010 fixant à 92,3 % le coefficient correcteur de Varèse est illégal ;

–        annuler la décision de la Commission du 12 juillet 2011 rejetant leurs réclamations ;

–        annuler les décisions portant établissement des fiches de rémunération des requérants pour autant qu’elles font application du coefficient correcteur de Varèse tel que fixé par le règlement no 1239/2010 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

16      Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours.

 En droit

 Sur les conclusions en déclaration d’illégalité

17      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au Tribunal, dans le cadre de son contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, de faire des déclarations en droit et qu’en conséquence, de telles conclusions, qui visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation, sont irrecevables (arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Barbin/Parlement, F‑44/07, point 67, et la jurisprudence citée). Par suite, les conclusions tendant à ce que le Tribunal déclare illégaux l’article 1er de l’annexe XI du statut, le manuel méthodologique visé à l’annexe I du règlement no 1445/2007 et l’article 3 du règlement no 1239/2010 fixant à 92,3 % le coefficient correcteur de Varèse, lesquelles visent en réalité à faire reconnaître par le Tribunal le bien-fondé de certains des moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation, sont irrecevables.

 Sur les conclusions aux fins d’annulation

18      En vertu d’une jurisprudence constante, le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond le recours sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (arrêt du Tribunal du 20 novembre 2012, Soukup/Commission, F‑1/11, point 29, et la jurisprudence citée). Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner les moyens de fond que les requérants invoquent au soutien de leurs conclusions aux fins d’annulation sans statuer préalablement sur l’ensemble des exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission, les conclusions en annulation étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvues de fondement.

19      Au soutien de leurs conclusions aux fins d’annulation les requérants invoquent deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, le second, de l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement.

20      En outre, les requérants, même s’ils ne l’indiquent pas de manière expresse dans la requête, entendent, dans le cadre des arguments qu’ils développent au soutien de leur premier moyen, invoquer également le moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents.

21      Il convient d’examiner successivement le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, celui tiré de la violation du droit d’accès aux documents et celui tiré de l’erreur manifeste d’appréciation ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

22      Les requérants invoquent le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, non à l’égard des décisions de la Commission leur faisant application du règlement no 1239/2010, mais à l’égard du règlement no 1239/2010 lui-même. Ils soulèvent ainsi, par voie d’exception, une insuffisance de motivation entachant, selon eux, la légalité du règlement no 1239/2010 sur lequel sont fondées les décisions individuelles qu’ils attaquent.

23      À cet égard, il convient de rappeler que la motivation d’un règlement portant fixation des coefficients correcteurs dont sont affectées les rémunérations des fonctionnaires peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre et qu’elle ne doit pas porter sur les aspects techniques des modalités de calcul (voir, s’agissant de règlements d’application des articles 64 et 65 du statut, arrêt du Tribunal de première instance du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, point 89 ; voir également, s’agissant d’un règlement portant fixation des coefficients correcteurs applicables aux rémunérations des fonctionnaires affectés dans un pays tiers, arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2000, Bareyt e.a./Commission, T‑175/97, point 75). En l’espèce, la motivation du règlement no 1239/2010, bien que succincte, est suffisante au regard de ces considérations.

24      En particulier, le règlement no 1239/2010 vise les articles 64 et 65 du statut, ainsi que son annexe XI, dispositions qui précisent les conditions dans lesquelles les coefficients correcteurs sont adaptées chaque année, c’est-à-dire, pour les fonctionnaires dont la rémunération est exprimée en euros, selon l’évolution respective du coût de la vie à Bruxelles et dans les autres lieux d’affectation auxquels un coefficient correcteur est attribué. Ainsi, il est clair que la modification du coefficient correcteur de Varèse est motivée par une évolution divergente du coût de la vie à Bruxelles et à Varèse.

25      En tout état de cause, les requérants eux-mêmes font référence au rapport d’Eurostat, du 18 novembre 2010, relatif à l’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions [SEC(2010)1406 final], établi en application des articles 64 et 65 du statut et de l’annexe XI du statut (ci-après le « rapport Eurostat »), joint à la proposition [COM(2010)678] qui a conduit à l’adoption du règlement no 1239/2010, et qui explique de façon suffisamment détaillée la situation d’ensemble mais également certains aspects techniques des modalités de calcul des coefficients correcteurs.

26      À supposer même que les requérants puissent être regardés comme invoquant une insuffisance de motivation entachant la légalité des décisions individuelles leur faisant application du règlement no 1239/2010, ce grief devrait également être écarté.

27      En effet, il est de jurisprudence constante que la motivation d’une décision faisant grief a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de cette décision et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de ladite décision. S’agissant d’une décision par laquelle l’administration fait application d’un acte de portée générale à la situation individuelle d’un fonctionnaire, sans disposer d’aucun pouvoir d’appréciation à cet égard, la motivation peut se borner à une référence à l’acte normatif et à l’indication, dans la mesure de ce qui est nécessaire dans les circonstances du cas d’espèce, des raisons pour lesquelles l’administration estime que les conditions d’application dudit acte à ce fonctionnaire sont remplies. En revanche, l’administration n’est pas tenue d’expliquer les raisons ayant motivé l’adoption de l’acte normatif par le législateur de l’Union (arrêt Bareyt e.a./Commission, précité, points 76 et 77).

28      En l’espèce, la décision du 12 juillet 2011 rejetant les réclamations des requérants indique clairement que les décisions individuelles dont les requérants demandent l’annulation ont été établies en application du règlement no 1239/2010. Compte tenu de ce que l’application de ce règlement aux rémunérations des requérants s’imposait à l’administration, cette motivation doit être considérée comme suffisante (arrêt Bareyt e.a./Commission, précité, point 78).

29      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation.

 Sur le moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents

30      Sous le moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents, les requérants critiquent tout d’abord le refus qui aurait été opposé par la Commission à la demande des représentants du personnel, présentée dans le cadre des travaux du « Groupe technique sur les rémunérations » (ci-après le «GTR»), visant à obtenir des renseignements complémentaires censés permettre aux fonctionnaires et à leurs représentants au sein du GTR de « vérifier le bien-fondé de la décision de fixer à 92,3 % le coefficient correcteur applicable à leur rémunération ». À ce titre, ils invoquent, en réponse à l’argumentation défendue par la Commission, notamment, les dispositions du règlement no 1445/2007, les dispositions du manuel méthodologique prévu au point 1.1 de l’annexe I dudit règlement, les dispositions du règlement (CE) no 223/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2009, relatif aux statistiques européennes et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n1101/2008 relatif à la transmission à l’Office statistique des Communautés européennes d’informations statistiques couvertes par le secret, le règlement (CE) n322/97 du Conseil relatif à la statistique communautaire et la décision 89/382/CEE, Euratom du Conseil instituant un comité du programme statistique des Communautés européennes (JO L 87, p. 164), les dispositions de l’article 11 de l’annexe XI du statut, lesquelles prévoient notamment qu’« Eurostat a pour rôle de veiller à la qualité des données de base et des méthodes statistiques mises en œuvre en vue d’élaborer les éléments pris en compte lors des adaptations des rémunérations », le principe de bonne administration, le principe de transparence et, enfin, « l’interdiction de principe de tout procédé arbitraire ».

31      Cependant, les requérants n’établissent pas que la transmission d’informations au GTR ou sa convocation par l’administration constitue un acte préparatoire à l’adoption du règlement no 1239/2010 ou à celle des décisions individuelles leur en faisant application. En particulier, s’ils ont invoqué lors de l’audience un vice de procédure qui aurait, selon eux, entaché l’adoption du règlement no 1239/2010 tenant à ce que la Commission aurait refusé à tort de transmettre des données aux membres du GTR, dont le rôle serait précisément la mise en œuvre d’une concertation avec les représentants du personnel avant l’adoption des règlements relatifs aux coefficients correcteurs, ils n’établissent pas qu’une des dispositions ou qu’un des principes dont ils se prévalent, notamment ceux qui sont mentionnés au point 30 du présent arrêt, imposaient, aux fins de l’adoption du règlement no 1239/2010, la transmission d’informations au GTR. Par suite, aucun vice de procédure ne saurait être retenu par le Tribunal.

32      Ainsi, à supposer même que les représentants du personnel participant aux travaux du GTR n’aient pas été suffisamment informés par la Commission et qu’il soit, en particulier, établi que cette dernière ait refusé de faire droit à une demande émanant desdits représentants visant à obtenir des renseignements, cette circonstance serait sans incidence sur la légalité du règlement no 1239/2010 ou des décisions individuelles en faisant application.

33      Le grief tiré de l’illégalité du refus de faire droit à une demande de renseignements complémentaires doit donc être écarté comme étant inopérant.

34      En tout état de cause, s’agissant du droit d’accès aux documents des requérants eux-mêmes, il leur appartenait d’introduire, au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), une demande d’accès aux documents dont ils souhaitaient obtenir la communication. À la suite de l’introduction d’une telle demande, et dans le cas d’un refus opposé par l’administration, ils auraient pu alors contester ce refus devant le juge de l’Union et, le cas échéant, sur la base des éléments d’information ainsi recueillis, en invoquant si nécessaire l’existence d’un fait nouveau substantiel, introduire un recours en annulation dirigé contre leurs bulletins de rémunération. Dans ces conditions, le grief soulevé par les requérants, au cours de l’audience, d’une atteinte à la protection juridictionnelle effective ne saurait prospérer.

35      Les considérations qui précèdent ne sauraient être mises en cause par les autres griefs invoqués par les requérants dans le cadre du moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents.

36      En premier lieu, les requérants invoquent, par voie d’exception, l’illégalité de l’article 1er de l’annexe XI du statut, ainsi que du manuel méthodologique prévu au point 1.1 de l’annexe I du règlement no 1445/2007, en tant que la méthode que ces textes prévoiraient ne permettrait pas, « sous couvert de confidentialité des données », de vérifier la légalité des « décisions » fixant ou appliquant les coefficients correcteurs. Or, ce grief est trop peu développé pour que le Tribunal soit à même d’en apprécier le bien-fondé.

37      À cet égard, le Tribunal rappelle que, en vertu de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’exposé des moyens et des arguments de fait et de droit invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 1er février 2012, Bancale et Buccheri/Commission, F‑123/10, point 38).

38      Dans la mesure où les éléments essentiels de fait sur lesquels se fonde l’exception d’illégalité de l’article 1er de l’annexe XI du statut, ainsi que du manuel méthodologique prévu au point 1.1 de l’annexe I du règlement no 1445/2007 ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête, ce grief doit être déclaré irrecevable.

39      À titre surabondant, s’il fallait comprendre l’exception d’illégalité mentionnée au point précédent en ce sens que les requérants invoqueraient, en substance, une motivation insuffisante du règlement no 1239/2010 et des décisions individuelles leur en faisant application, il suffirait de rappeler, ainsi qu’il a été dit plus haut, que les requérants ont été mis à même de connaître les motifs sur la base desquels le règlement no 1239/2010 a été adopté ainsi que les motifs sur la base desquels les décisions d’application à leur égard de ce règlement ont été adoptées.

40      En second lieu, les requérants invoquent le grief tiré de la méconnaissance, par le règlement no 1239/2010 ou par les décisions individuelles d’application les concernant, des dispositions de l’article 11 de l’annexe XI du statut. Or, ces dernières dispositions, qui précisent qu’Eurostat veille à la qualité des données et des méthodes statistiques, sont sans rapport avec la motivation des décisions individuelles contestées. Par contre, dans la mesure où l’argumentation des requérants vise à démontrer que les données ou méthodes utilisées par Eurostat ne seraient pas fiables, le grief sera examiné par la suite, dans le cadre du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation.

41      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents doit être écarté comme non fondé

 Sur le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et de la violation du principe de l’égalité de traitement

42      À titre liminaire, il convient de rappeler que le principe d’équivalence de pouvoir d’achat entre les fonctionnaires – lequel résulte, notamment, des dispositions de l’article 64 du statut – implique que les droits pécuniaires des fonctionnaires et agents procurent, à situations professionnelle et familiale équivalentes, un pouvoir d’achat identique quel que soit le lieu d’affectation. Ce principe est mis en œuvre par l’application à la rémunération de coefficients correcteurs exprimant le rapport entre le coût de la vie à Bruxelles, ville de référence, et celui des différents lieux d’affectation (arrêt du Tribunal de première instance du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, point 45).

43      En matière d’établissement ou de révision des coefficients correcteurs, l’annexe XI du statut confie à Eurostat la charge de calculer, en accord avec les services statistiques des États membres, les parités économiques et de vérifier si les rapports entre coefficients correcteurs établissent correctement les équivalences de pouvoir d’achat (arrêts Abello e.a./Commission, précité, point 55, et Ajour e.a./Commission, précité, point 46).

44      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le libellé des dispositions des articles 64 et 65 du statut et de l’annexe XI du statut ainsi que le degré de complexité de la matière impliquent une large marge d’appréciation quant aux facteurs et éléments à prendre en considération lors de l’établissement ou de la révision des coefficients correcteurs (arrêts Abello e.a./Commission, précité, point 53, et Ajour e.a./Commission, précité, point 47).

45      Dès lors, l’appréciation du juge de l’Union, en ce qui concerne la définition et le choix des données de base et des méthodes statistiques utilisées par Eurostat pour l’établissement des propositions de coefficients correcteurs, doit se limiter au contrôle du respect des principes énoncés par les dispositions du statut, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits à la base de la fixation des coefficients correcteurs et de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts Abello e.a./Commission, précité, point 56, et Ajour e.a./Commission, précité, point 48).

46      Il convient de souligner, en outre, qu’il incombe aux parties qui veulent mettre en cause les éléments et la méthode utilisés afin de fixer les coefficients correcteurs de fournir des éléments susceptibles de démontrer qu’une erreur manifeste a été commise (arrêts Abello e.a./Commission, précité, point 79, et Ajour e.a./Commission, précité, point 49).

47      Au soutien de leurs allégations les requérants produisent, en premier lieu, des graphiques comparant l’évolution de l’indice des prix à la consommation en Belgique et à Varèse, censés établir une distorsion, pour la période allant de juillet 2009 à juin 2010, entre, d’une part, les variations respectives de l’indice des prix à Bruxelles et de l’indice des prix à Varèse et, d’autre part, la variation des coefficients correcteurs dans ces deux lieux d’affectation. Selon les requérants, ces graphiques permettraient de démontrer que le coefficient correcteur de Varèse aurait été minoré de façon disproportionnée par rapport à l’évolution du différentiel d’inflation entre Bruxelles et Varèse.

48      Il est vrai qu’il y a eu une diminution de 4,8 % du coefficient correcteur de Varèse, celui-ci passant, en juillet 2010, de 97,1 % à 92,3 %.

49      Selon les requérants, il s’agit d’une variation sensible qui devrait normalement s’expliquer par un écart tout aussi sensible entre l’évolution globale des prix à Bruxelles et l’évolution globale des prix à Varèse.

50      Or, il ressort des données produites par les requérants eux-mêmes qu’entre juin 2009 et juin 2010 l’augmentation globale des prix a été plus forte en Belgique qu’à Varèse.

51      Ainsi, en première analyse, une diminution du coefficient correcteur de Varèse apparaît justifiée.

52      Toutefois les requérants contestent l’ampleur de cette diminution, laquelle serait disproportionnée par comparaison avec l’écart entre l’augmentation des prix à Bruxelles et l’augmentation des prix à Varèse.

53      En l’espèce, l’examen du tableau figurant au point 77 de la requête conduit à constater, pour la période allant de juin 2009 à juin 2010, l’existence d’un différentiel d’inflation entre la Belgique et Varèse de 1,2 %, alors que le coefficient correcteur de Varèse a diminué de 4,8 %.

54      Cependant, il y a lieu de préciser que les chiffres relatifs à l’augmentation des prix ne résultent pas de la collecte exhaustive de l’ensemble des transactions réalisées au cours d’une période donnée, mais visent, sur la base d’enquêtes, à donner une simple estimation représentative de tendances. Ainsi, dans un domaine où il ne peut être procédé que par approximation, le constat d’un simple écart entre, d’une part, le différentiel d’évolution des prix à Bruxelles et dans un autre lieu d’affectation et, d’autre part, l’évolution du coefficient correcteur appliqué à ce lieu d’affectation, ne saurait être suffisant pour conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation. Pour que tel soit le cas, l’écart en cause doit être particulièrement important.

55      Dans ces conditions, à supposer même que les chiffres produits par les requérants et traduits dans le tableau figurant au point 77 de la requête soient suffisamment fiables, l’écart relevé entre, d’une part, l’évolution comparative des prix en Belgique et à Varèse et, d’autre part, l’évolution du coefficient correcteur de Varèse, ne permet pas de conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

56      De plus, les chiffres produits par les requérants n’apportent pas d’information sur l’évolution des prix à Bruxelles mais sur l’évolution des prix en Belgique, alors qu’il est constant que le calcul du coefficient correcteur est effectué sur la base d’une comparaison entre Bruxelles et le lieu d’affectation.

57      Or, il n’est pas exclu que l’augmentation globale des prix ait été plus forte à Bruxelles que dans le reste de la Belgique.

58      En tout état de cause, pour tenter d’établir que l’ampleur de la diminution du coefficient correcteur serait disproportionnée par comparaison avec l’écart entre l’augmentation des prix à Bruxelles et l’augmentation des prix à Varèse, les requérants fondent leur raisonnement sur l’existence supposée d’un rapport de proportionnalité entre les écarts de variations des prix et le coefficient correcteur.

59      Cependant, un tel rapport de proportionnalité ne ressort pas nécessairement des données que les requérants produisent. Par exemple, le coefficient correcteur applicable à compter de juillet 2008 est resté inchangé, alors qu’il ressort du tableau figurant au point 74 de la requête qu’il existait une augmentation globale des prix proportionnellement plus forte en Belgique qu’à Varèse.

60      Surtout, il résulte du rapport d’Eurostat, auquel les requérants se réfèrent dans leurs écrits, que le calcul des coefficients correcteurs n’est pas réductible à une mesure de la différence d’évolution de l’indice des prix à la consommation à Bruxelles et dans les autres lieux d’affectation.

61      En effet, les coefficients correcteurs sont calculés sur la base d’un certain nombre de groupes de dépenses. Un ratio de prix entre Bruxelles et chaque lieu d’affectation est établi pour chacun de ces groupes de dépenses. Ce ratio de prix est ensuite pondéré en fonction de l’importance relative du groupe de dépenses dans le panier de consommation du « fonctionnaire international moyen » à Bruxelles, ainsi que dans le panier de consommation du « fonctionnaire international moyen » dans le lieu d’affectation.

62      Du fait de cette pondération spécifique liée à la structure des dépenses du « fonctionnaire international moyen », il n’y a pas de rapport direct de proportionnalité entre, d’une part, le différentiel d’évolution globale des prix entre Bruxelles et un autre lieu d’affectation et, d’autre part, la modification du coefficient correcteur applicable à ce lieu d’affectation.

63      À cet égard, la Commission avait d’ailleurs indiqué dans le rejet de la réclamation ce qui suit :

« La nouvelle structure des dépenses pour Bruxelles donne un plus grand poids aux loyers et à d’autres composantes qui sont relativement plus chères à Bruxelles qu’à Varèse, et un moindre poids aux éléments qui sont relativement moins chers à Bruxelles. En conséquence, le niveau relatif des prix de Bruxelles a augmenté par rapport à celui de Varèse, ce qui signifie que, pour maintenir le même pouvoir d’achat, la rémunération d’un fonctionnaire affecté à Varèse doit diminuer par rapport à celle d’un fonctionnaire affecté à Bruxelles. »

64      Ainsi, l’argumentation des requérants concernant les rapports entres les variations de l’indice des prix et celles des coefficients correcteurs pour Bruxelles et pour Varèse doit-elle être écartée.

65      En deuxième lieu, les requérants allèguent que, contrairement à ce qu’indiquent les données sur la base desquelles le coefficient correcteur de Varèse a été calculé – données qui apparaissent dans le rapport d’Eurostat auquel les requérants se réfèrent dans leurs écrits – les prix de l’électricité, du gaz domestique et du fioul domestique sont plus élevés à Varèse qu’à Bruxelles.

66      Cependant, les éléments dont se prévalent les requérants ne peuvent être regardés comme étant suffisamment fiables ou pertinents pour qu’il soit conclu à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

67      En effet, les requérants se fondent pour partie sur des échantillons trop limités de factures (huit factures à Bruxelles et sept à Varèse en matière d’électricité ; six factures à Bruxelles et huit à Varèse en matière de gaz domestique) et ce, alors que la Commission a indiqué, dans le rejet de la réclamation, qu’Eurostat utilise des estimations obtenues directement auprès des fournisseurs d’énergie.

68      Les requérants se fondent également sur des données qui auraient été fournies par une organisation commerciale ayant pour vocation de recueillir et de publier des données relatives à l’énergie. Or, les requérants n’établissent pas en quoi la fiabilité de ces données sur lesquelles ils se fondent serait supérieure à celle des données sur lesquelles se base Eurostat. De plus, ces données ne portent pas sur Bruxelles et Varèse, mais sur la Belgique et l’Italie, ce qui limite fortement leur pertinence.

69      Par suite, il doit être conclu que les requérants ne sont pas parvenus à établir que les données relatives au rapport entre les prix de l’électricité, du gaz domestique et du fioul domestique appliqués à Bruxelles et ceux appliqués à Varèse, sur la base desquelles le coefficient correcteur de Varèse a été calculé, seraient manifestement erronées.

70      En troisième lieu, les requérants allèguent que le ratio établi entre les prix des prestations de santé à Bruxelles et à Varèse devrait être beaucoup plus élevé que ce qu’indiquent les données sur la base desquelles le coefficient correcteur a été calculé – données qui apparaissent dans le rapport d’Eurostat.

71      Les requérants se fondent sur les coefficients d’égalité mis en œuvre, sur la base de l’article 20, paragraphe 5, de la réglementation commune relative à la couverture des risques de maladie des fonctionnaires de l’Union européenne, adoptée en application de l’article 72 du statut, en vue de garantir que, pour un certain nombre de prestations dont le remboursement est plafonné, le taux effectif de remboursement dans chacun des États membres soit identique à celui observé en Belgique.

72      En effet, selon les requérants, un certain nombre de coefficients d’égalité font apparaître des prestations de santé qui sont plus chères en Italie qu’en Belgique.

73      Tout d’abord, il y a lieu de constater que les requérants ne produisent pas les pièces sur la base desquelles ils ont établi le tableau et les graphiques qui figurent aux points 133 et 134 de la requête, mais se bornent à mentionner l’adresse web à partir de laquelle ils ont pu collecter ces données. Or, en vertu de l’article 34, paragraphe 4, du règlement de procédure, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher sur internet des documents non annexés aux actes de procédure.

74      Ensuite, les coefficients d’égalité ne prennent en compte que les dépenses pour lesquelles un remboursement par le régime commun d’assurance maladie (ci-après le « RCAM ») est possible, ce qui exclut certains frais non remboursés qui sont pourtant liés à la santé.

75      De plus, dans le rejet de la réclamation, la Commission a indiqué, sans être contestée sur ce point, que les coefficients d’égalité ne s’appliquent qu’à certaines des dépenses remboursées par le RCAM.

76      Ainsi, au regard de la fiabilité limitée des données sur lesquelles les requérants fondent leur argumentation et des limites de la méthode consistant à prendre en compte les coefficients d’égalité, il doit être conclu que les requérants ne sont pas parvenus à établir que le ratio, apparaissant dans le rapport d’Eurostat, entre les prix des prestations de santé appliqués à Bruxelles et ceux appliqués à Varèse serait manifestement erroné.

77      En tout état de cause, à supposer même que ces critiques soient fondées et que les requérants parviennent à établir ainsi l’existence d’erreurs entachant ce ratio, encore faudrait-il qu’ils établissent également que, eu égard à l’importance des effets cumulés de ces erreurs, le coefficient correcteur de Varèse, dans son ensemble, est manifestement erroné (voir, en ce sens, arrêt Ajour e.a./Commission, précité, point 49).

78      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les dépenses de santé ne représentent, au regard des données qui apparaissent dans le rapport d’Eurostat, que 2,39 % du poids des dépenses dans le panier de consommation du « fonctionnaire international moyen » à Varèse et 1,92 % du poids des dépenses dans le panier de consommation du « fonctionnaire international moyen » à Bruxelles.

79      En quatrième lieu, les requérants allèguent que le coefficient correcteur ne rend pas compte de manière suffisante de l’augmentation réelle des prix des loyers à Varèse.

80      Cependant, les requérants ne fondent pas leur grief sur une critique du coefficient correcteur de Varèse ou de l’une de ses composantes, mais sur la critique d’un ensemble de données qu’ils produisent eux-mêmes et s’agissant desquelles ils se bornent à indiquer, sans plus d’explication, qu’il s’agirait de l’« évolution du prix du loyer pour ‘Detached House’ communiquée par Eurostat ». Ainsi, les requérants n’établissent pas l’existence d’un lien entre les chiffres qu’ils critiquent et le calcul du coefficient correcteur de Varèse. Par suite, à supposer même que la critique des requérants soit fondée, cela ne permettrait pas de conclure à une erreur – ni, a fortiori, à une erreur manifeste – quant à la détermination du coefficient correcteur de Varèse.

81      Au surplus, s’agissant cette fois des chiffres dont se prévalent les requérants pour donner une estimation censée être réaliste de l’augmentation des prix des loyers à Varèse, les requérants ne produisent aucune pièce établissant que ces chiffres auraient été constitués sur la base de sources susceptibles de rendre compte de manière suffisamment fiable de l’évolution desdits prix.

82      Par suite, il doit être conclu que les requérants ne sont pas parvenus à établir que le ratio, apparaissant dans le rapport d’Eurostat, entre les prix des loyers appliqués à Bruxelles et ceux appliqués à Varèse serait manifestement erroné.

83      Au final, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté, de même que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’article 1er de l’annexe XI du statut et du manuel méthodologique prévu au point 1.1 de l’annexe I du règlement no 1445/2007, en tant que la méthode que ces textes prévoiraient aurait pour conséquence que le coefficient correcteur de Varèse ne correspondrait manifestement pas au coût de la vie dans cette province, tel qu’estimé par les requérants.

84      Les requérants invoquent également les dispositions de l’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut, lequel prévoit que, « [d]ès lors qu’une personne relevant du présent statut, qui s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement […], établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à l’institution de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement ».

85      Il suffit à cet égard de constater que, au regard des considérations qui ont été développées plus haut dans le cadre de l’examen du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, les requérants n’ont pas établi la présence de faits permettant de présumer l’existence même d’une discrimination directe ou indirecte à leur égard.

86      Par suite, les requérants ne sont pas fondés à invoquer les dispositions de l’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut pour soutenir qu’il incomberait à la Commission d’établir l’absence de méconnaissance du principe de l’égalité de traitement.

87      Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d’annulation du recours doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, le Tribunal s’étant estimé en mesure de se prononcer sur la seule base des éléments figurant au dossier, les demandes de mesures d’organisation de la procédure formulées par les requérants.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

89      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, la Commission a, dans ses conclusions, expressément demandé que les requérants soient condamnés aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, les requérants doivent supporter leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission.

90      Conformément à l’article 89, paragraphe 4, du règlement de procédure, l’intervenant supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les requérants supportent leurs propres dépens et sont condamnés à supporter les dépens exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne, partie intervenante, supporte ses propres dépens.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 2013.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

ANNEXE

Compte tenu du nombre élevé de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.


* Langue de procédure : le français.