Language of document : ECLI:EU:T:2002:34

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 février 2002 (1)

«Responsabilité non contractuelle de la Communauté - Directive 92/12/CEE relative au régime général des produits soumis à accise - Préjudice causé par l'expiration du régime transitoire d'exonération fiscale des produits achetés par les voyageurs lors d'une traversée maritime entre deux États membres»

Dans l'affaire T-170/00,

Förde-Reederei GmbH, établie à Flensburg (Allemagne), représentée par Mes U. Schrömbges et L. Harings, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mme A.-M. Colaert et M. J.-P. Hix, en qualité d'agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa, R. Lyal et K. Gross, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande de réparation du préjudice prétendument subi à la suite de l'expiration du régime transitoire d'exonération fiscale prévu par l'article 28 de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise (JO L 76, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 27 novembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Avant l'adoption du régime fiscal en cause, la réglementation communautaire en matière de droits d'accises figurait, notamment, dans la directive 69/169/CEE du Conseil, du 28 mai 1969, concernant l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives aux franchises des taxes sur le chiffre d'affaires et des accises perçues à l'importation dans le trafic international de voyageurs (JO L 133, p. 6), et prévoyait, dans le cadre du trafic entre États membres, une franchise des accises applicables aux marchandises contenues dans les bagages personnels des voyageurs. Elle permettait aux comptoirs de vente installés à bord de transbordeurs ou dans des aéroports la vente de biens sans paiement des droits d'accises, lorsque ces biens étaient destinés à l'exportation vers d'autres États membres.

2.
    Par la suite, l'Acte unique européen a, par son article 13, complété le traité CEE en y insérant un article 8 A, devenu ultérieurement, dans le traité sur l'Union européenne, l'article 7 A du traité CE, puis, par le traité d'Amsterdam, devenu, après modification, article 14 CE, aux termes duquel:

«[L]a Communauté arrête les mesures destinées à établir progressivement le marché intérieur au cours d'une période expirant le 31 décembre 1992, conformément aux dispositions [...] [de l'article] 99 [...]. Le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée [...]»

3.
    En vertu de l'article 99 du traité CE (devenu article 93 CE) - également introduit par l'Acte unique européen -, le Conseil arrête les dispositions touchant à l'harmonisation des législations relatives, notamment, aux droits d'accises dans la mesure où cette harmonisation est nécessaire pour assurer l'établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

4.
    C'est sur la base de cette dernière disposition que la Commission, dans sa proposition de directive du Conseil relative au régime général, à la détention et à la circulation des produits soumis à accise (JO C 322, du 21 décembre 1990, p. 1), a estimé que - du fait de l'élimination des frontières fiscales entre les États membres - les taxations à l'importation et les exonérations à l'exportation devaient être réservées aux opérations effectuées avec les territoires extérieurs à la Communauté et que les franchises fiscales n'étaient plus justifiées dans le cadre du trafic intracommunautaire. Cette proposition de directive ne comportait pas de règles particulières ni de dérogations pour ce trafic. Au cours des travaux du Conseil, toutefois, des règles dérogatoires temporaires pour les livraisons de produits aux voyageurs lors des transports intracommunautaires ont été ajoutées à la proposition initiale de la Commission. Ces dérogations ont été reprises dans la directive 92/12/CEE relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise que le Conseil a finalement adoptée le 25 février 1992 (JO L 76, p. 1), modifiée, notamment, par la directive 92/108/CEE du Conseil, du 14 décembre 1992 (JO L 390, p. 124), et par la directive 94/74/CE du Conseil, du 22 décembre 1994 (JO L 365, p. 46) (ci-après, prise dans son ensemble, la «directive»).

5.
    Ainsi, l'article 28 de la directive dispose ce qui suit:

«Au cours d'une période s'achevant le 30 juin 1999, les dispositions suivantes s'appliquent.

1) Les États membres peuvent exonérer les produits livrés par des comptoirs de vente qui sont emportés dans les bagages personnels d'un voyageur se rendant dans un autre État membre par un vol ou une traversée maritime intracommunautaire.

[...]

Sont assimilés à des produits livrés par des comptoirs de vente, les produits livrés à bord d'un avion ou d'un bateau au cours d'un transport intracommunautaire de voyageurs.

[...]»

6.
    À cet égard, le 23e considérant de la directive expose qu'une période devait être mise à profit afin de prendre les mesures nécessaires pour pallier à la fois les répercussions sociales dans les secteurs concernés et les difficultés régionales, notamment dans les régions frontalières, et que, à cet effet, il convenait d'autoriser les États membres à exonérer, pour une période s'achevant le 30 juin 1999, les produits livrés dans le cadre du trafic, par voie aérienne ou maritime, de voyageurs entre les États membres.

7.
    Depuis l'expiration de cette réglementation dérogatoire, à savoir depuis le 1er juillet 1999, les transactions visées par cette dernière sont soumises au régime général instauré par la directive.

8.
    Ce régime, destiné à garantir la libre circulation sur le marché intérieur des marchandises soumises aux droits d'accises (premier considérant de la directive), est caractérisé, d'une part, par le «principe du pays de destination», selon lequel les livraisons de marchandises à un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique qui ont lieu dans un État membre autre que celui de la mise à la consommation donnent lieu à exigibilité de l'accise dans cet autre État membre (cinquième considérant), et, d'autre part, par le «principe du pays de départ», selon lequel les produits soumis à accise qui sont acquis par les particuliers pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes doivent être taxés dans l'État membre où ces produits sont acquis (sixième considérant).

9.
    La directive établit des critères visant à déterminer si les produits soumis à accise sont détenus à des fins personnelles ou à des fins commerciales (septième considérant). En outre, il est prévu que le passage du territoire d'un État membre à un autre ne peut pas donner lieu à un contrôle susceptible d'entraver la libre circulation intracommunautaire, mais que les contraintes inhérentes à l'exigibilité imposent de connaître les mouvements des produits soumis à accise, de sorte qu'il convient de prévoir un document d'accompagnement pour ces produits (dixième considérant). Enfin, l'acquittement de l'accise dans l'État membre où a eu lieu la mise à la consommation doit pouvoir donner lieu au remboursement de l'accise lorsque les produits ne sont pas destinés à être consommés dans cet État membre (dix-huitième considérant).

10.
    Les dispositions de la directive constitutives du régime général en cause se lisent comme suit:

«Article 6

1. L'accise devient exigible lors de la mise à la consommation [...]

Est considérée comme mise à la consommation de produits soumis à accise:

[...];

b) toute fabrication [...]

c) toute importation [...] de ces produits [...]

[...]

Article 7

1. Dans le cas où des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre, les droits d'accises sont perçus dans l'État membre dans lequel ces produits sont détenus.

2. À cette fin, [...], lorsque les produits ayant déjà été mis à la consommation [...] dans un État membre sont livrés ou destinés à être livrés à l'intérieur d'un autre État membre ou affectés à l'intérieur d'un autre État membre aux besoins d'un opérateur accomplissant de manière indépendante une activité économique [...], l'accise devient exigible dans cet autre État membre.

3. L'accise est due, selon le cas, auprès de la personne qui effectue la livraison, qui détient les produits destinés à être livrés ou auprès de la personne où a lieu l'affectation des produits à l'intérieur d'un autre État membre que celui où les produits ont déjà été mis à la consommation, ou auprès de l'opérateur professionnel [...]

4. Les produits visés au paragraphe 1 circulent entre les territoires des différents États membres sous le couvert d'un document d'accompagnement [...]

5. La personne, l'opérateur ou l'organisme visé au paragraphe 3 doit se conformer aux prescriptions suivantes:

a) effectuer, préalablement à l'expédition des marchandises, une déclaration auprès des autorités fiscales de l'État membre de destination et garantir le paiement des droits d'accises;

b) acquitter les droits d'accises de l'État membre de destination selon les modalités prévues par cet État membre;

c) se prêter à tout contrôle permettant à l'administration de l'État membre de destination de s'assurer de la réception effective des marchandises et du paiement des droits d'accises dont elles sont passibles.

6. Les droits d'accises acquittés dans le premier État membre, visé au paragraphe 1, sont remboursés conformément à l'article 22 paragraphe 3.

7. Si des produits soumis à accise ayant déjà été mis à la consommation dans un État membre sont livrés vers un autre lieu de destination dans ce même État membre via le territoire d'un autre État membre en utilisant un itinéraire approprié, le document d'accompagnement visé au paragraphe 4 doit être utilisé.

8. Dans les cas visés au paragraphe 7:

a) l'expéditeur doit effectuer, préalablement à l'expédition des marchandises, une déclaration auprès des autorités fiscales du lieu de départ chargées du contrôle en matière d'accise;

b) le destinataire doit certifier la réception des marchandises suivant les prescriptions prévues par les autorités fiscales du lieu de destination chargées du contrôle en matière d'accise;

c) [...]

9. Dans le cas où des produits soumis à accise circulent fréquemment et régulièrement dans les conditions visées au paragraphe 7, les États membres peuvent autoriser, au moyen de conventions bilatérales, une procédure simplifiée dérogeant aux paragraphes 7 et 8.

Article 8

Pour les produits acquis par les particuliers, pour leurs besoins propres et transportés par eux-mêmes, le principe régissant le marché intérieur dispose que les droits d'accises sont perçus dans l'État membre où les produits sont acquis.

Article 9

1. Sans préjudice des articles 6, 7 et 8, l'accise devient exigible lorsque les produits mis à la consommation dans un État membre sont détenus à des fins commerciales dans un autre État membre.

[...]

2. Pour établir que les produits visés à l'article 8 sont destinés à des fins commerciales, les États membres doivent, entre autres, tenir compte [...] [de] [...] la quantité de ces produits.

[...]»

11.
    Sur la base de l'article 7, paragraphe 4, de la directive, la Commission a adopté, le 17 décembre 1992, le règlement (CEE) n° 3649/92 relatif au document d'accompagnement simplifié pour la circulation intracommunautaire de produits soumis à accises, qui ont été mis à la consommation dans l'État membre de départ (JO L 369, p. 17, ci-après le «règlement»). Le document d'accompagnement simplifié a pour objectif, notamment, de garantir le respect des obligations de la personne redevable de l'accise.

Faits et procédure

12.
    La société Förde-Reederei, une compagnie allemande de transports maritimes, fait valoir, par le présent recours, un droit à indemnisation qui lui a été cédé par la société danoise Nordisk Faergefart (ci-après «NF») dont elle est l'une des associées principales. NF exploitait jusqu'au 30 juin 1999 des lignes de ferries entre Faaborg (Danemark) et Gelting (Allemagne), d'une part, et entre Langeland (Danemark) et Kiel (Allemagne), d'autre part. Ces lignes avaient pour activité le transport en ferries de personnes, de voitures, de camions et d'autobus. Il était proposé à bord un service de restauration, et des produits - à l'époque hors taxes - étaient vendus en kiosque.

13.
    La vente des titres de transport a rapporté, au cours de la période 1997-1998, environ 17 millions de couronnes danoises (DKK), alors que les frais d'exploitation des lignes se sont élevés à 69 millions de DKK.

14.
    Selon la requérante, seule la vente «hors taxes» de biens à bord permettait d'obtenir un résultat financier positif. Le régime «hors taxes» des ventes aux voyageurs ayant pris fin le 30 juin 1999, NF a cessé ses activités susmentionnées à la même date.

15.
    Par requêtes du 28 juin 1999, NF a introduit contre le Conseil:

-    un recours fondé sur l'article 230 CE, dans lequel elle demandait l'annulation de la directive, dans la mesure où elle limitait au 30 juin 1999 l'application de l'article 28 (affaire T-156/99),

-    une demande de sursis à l'exécution de la directive jusqu'à ce que le Tribunal ait statué au principal, dans la mesure où la directive limitait au 30 juin 1999 l'application de l'article 28 (affaire T-156/99 R).

16.
    Par ordonnance du 9 juillet 1999, le président du Tribunal a rejeté la demande de sursis à exécution. Par ordonnance du même jour, le Tribunal (première chambre) a rejeté, comme manifestement irrecevable, le recours en annulation. Aucune de ces ordonnances n'a fait l'objet d'un pourvoi devant la Cour.

17.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2000, la requérante a formé le présent recours, par lequel elle réclame la réparation du dommage subi par NF du fait de l'interdiction, depuis le 1er juillet 1999, de la vente de marchandises en franchise d'impôts lors de transports intracommunautaires, interdiction édictée par l'article 28 de la directive. Le dommage total allégué pour l'exercice 1999/2000 équivaut à environ 2 000 000 marks allemands (DEM), la requérante n'en réclamant, en l'espèce, qu'un montant partiel pour la période du 1er juillet au 31 décembre 1999.

18.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

19.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 27 novembre 2001.

Conclusions des parties

20.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    condamner solidairement le Conseil et la Commission à indemniser le dommage subi par elle en raison de l'expiration du «régime hors taxes» prévu par l'article 28 de la directive à la date du 30 juin 1999, le montant des dommages-intérêts réclamés étant estimé et limité par elle à 1 000 000 DEM, augmentés de 8 % d'intérêts par an à compter du jour de l'arrêt;

-    condamner les parties défenderesses aux dépens.

21.
    Le Conseil et la Commission concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

22.
    La requérante reproche au Conseil et à la Commission d'avoir créé, en laissant expirer à la date du 30 juin 1999 le régime dérogatoire prévu par l'article 28 de la directive, une situation juridique chaotique pour les opérateurs économiques concernés. Elle dénonce l'impossibilité pratique de mettre en oeuvre les dispositions du régime général de la directive et du règlement au regard du trafic intracommunautaire de voyageurs, ces dispositions n'étant pas appropriées pour régir valablement l'activité de vente à bord d'un bateau effectuant des traversées maritimes intracommunautaires. À cet égard, elle invoque, à l'origine du préjudice allégué, tant la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte illicite que celle du fait d'un acte licite.

Sur la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte illicite

Arguments des parties

- Quant au comportement prétendument illégal du Conseil et de la Commission

23.
    La requérante soutient que le régime général établi par la directive et par le règlement régit uniquement les entreprises et ne vise que les relations entre opérateurs économiques. Les ventes au détail dans le trafic maritime intracommunautaire de voyageurs ne seraient pas réglementées. Il résulterait de ce régime général que le transfert des marchandises concernées de l'État membre de départ dans un autre État membre rend l'accise exigible. Les formalités bureaucratiques imposées auraient pour effet l'exclusion du remboursement des droits d'accises déjà perçus dans l'État membre de départ de sorte que la directive entraînerait ainsi une double imposition des marchandises et créerait un obstacle au fonctionnement du marché intérieur.

24.
    La requérante précise que le certificat de réception, qui est la condition matérielle du remboursement, a un effet dissuasif en ce qu'il engage le voyageur dans un processus fiscal qui le dépasse et l'expose au risque de devoir acquitter l'impôt en cas d'irrégularités. À cause des formalités excessives à accomplir, les exploitants de ferries souffriraient gravement d'une discrimination dans le commerce de détail. La taxation liée au passage de la frontière fiscale aboutirait à des obligations - telles que le contrôle des stocks, les déclarations fiscales, les procédures d'exonération, le réaffichage des prix, etc. - qui paralyseraient toute vente à bord d'un bateau.

25.
    Dans la mesure où les parties défenderesses font valoir que l'exonération fiscale se fonde sur les notions d'«importation» et d'«exportation» et que, du fait de l'élimination des frontières fiscales entre les États membres, ces notions ne conviennent plus au marché intérieur et doivent donc être abolies, la requérante déclare que les frontières fiscales dans le marché intérieur sont loin d'être éliminées. L'objectif assigné par le Conseil d'arriver à des droits d'accises identiques dans tous les États membres ne serait pas en vue. Par conséquent, les parties défenderesses auraient sacrifié, au profit d'une philosophie irréaliste du marché intérieur, une branche économique fleurissante de vente «hors taxes».

26.
    La requérante reproche au Conseil d'avoir ainsi violé le principe de l'État de droit, l'interdiction des restrictions quantitatives entre les États membres (articles 28 CE et 29 CE), les obligations découlant de l'article 93 CE, le principe de proportionnalité, le principe de protection de la confiance légitime ainsi que les droits fondamentaux au libre exercice de sa profession, à la propriété et à la libertédu commerce et de l'économie. En outre, le Conseil aurait enfreint l'article 208 CE en s'abstenant de demander à la Commission de lui soumettre une proposition de directive appropriée et conforme aux dispositions et principes susmentionnés.

27.
    La Commission, quant à elle, aurait méconnu, de manière manifeste et grave, les limites de son pouvoir d'appréciation en ne tenant pas compte de l'impossibilité de mettre en oeuvre le régime général de la directive et en s'abstenant de présenter au Conseil des propositions appropriées de mesures d'accompagnement.

28.
    Selon le Conseil et la Commission, en revanche, les dispositions dénoncées par la requérante sont appropriées à la vente à bord d'un bateau effectuant des traversées maritimes intracommunautaires.

29.
    Les institutions défenderesses soulignent, notamment, que la thèse de la requérante est contredite par les faits. En effet, d'autres entreprises de transbordeurs exploitant des liaisons maritimes entre l'Allemagne et le Danemark auraient continué à vendre des produits soumis à accises après le 30 juin 1999. Dans ce contexte, elles se réfèrent à une attestation du ministère des Finances danois selon laquelle la compagnie Scandlines poursuit cette activité sur deux routes de ferries entre le sud du Danemark et l'Allemagne alors que les ventes à bord de vin, de bière, d'alcool et de tabac incluent des taxes danoises ou allemandes. Elles précisent que les ventes aux voyageurs s'effectuent en réalité dans le territoire de l'État membre qui prévoit les droits d'accises les moins élevés, les points de vente restant fermés pendant le trajet sur le territoire de l'autre État membre. Ainsi, il n'y aurait pas de formalités administratives ou de contraintes financières supplémentaires.

30.
    La Commission ajoute qu'il n'existe pas d'obligation légale pesant sur elle d'agir dans le sens voulu par la requérante, de sorte qu'il ne peut pas lui être reproché d'avoir omis de présenter au Conseil des propositions en la matière. Elle ne pourrait être contrainte de soumettre au Conseil une proposition législative spécifique que si sa marge d'appréciation était réduite à néant, ce qui ne serait manifestement pas le cas en l'espèce.

- Quant au préjudice subi par la requérante

31.
    La requérante demande l'indemnisation du manque à gagner que NF a subi du fait de l'abandon de son activité commerciale à la suite de l'expiration, illégale, de l'exonération des ventes «hors taxes». Ce dommage serait fondé sur des prévisions de gains probables dans l'hypothèse où l'article 28 de la directive serait resté en vigueur et où NF aurait pu continuer de vendre des produits «hors taxes». Elle prétend que, dans cette hypothèse, NF aurait pu atteindre le même chiffre d'affaires que dans le passé.

32.
    Le Conseil et la Commission considèrent que la détermination du régime fiscal applicable aux transports intracommunautaires relève du pouvoir législatif. Lelégislateur ayant décidé de mettre un terme au régime dérogatoire applicable aux comptoirs de vente à la date du 30 juin 1999, il y aurait une immixtion illégale dans les compétences du législateur si le Tribunal jugeait que le régime dérogatoire doit rester applicable tant que le régime général s'avère impraticable. Par conséquent, le dommage de la requérante devrait, en tout état de cause, être limité à la somme correspondant au chiffre d'affaires que NF aurait pu réaliser en continuant son activité de transbordeur après l'extinction du régime dérogatoire. Or, le chiffre d'affaires réalisable par NF à partir du 1er juillet 1999 aurait été sensiblement inférieur à celui qu'elle a réalisé sur ses ventes antérieures. En effet, jusqu'au 1er juillet 1999, NF jouissait, selon les parties défenderesses, d'un régime fiscal extrêmement favorable. Les institutions défenderesses estiment, au vu de ces éléments, que la requérante n'a pas suffisamment précisé son préjudice.

- Quant au lien de causalité

33.
    Pour la requérante, le lien de causalité entre son dommage et le comportement reproché au Conseil et à la Commission est évident. En effet, le manque à gagner invoqué serait imputable à la seule expiration illégale du régime de l'article 28 de la directive. NF n'aurait pas pu éviter ce dommage, étant donné qu'il n'aurait pas été économiquement raisonnable pour elle de procéder à des adaptations structurelles de son activité.

34.
    Les parties défenderesses soulignent que les directives n'ont pas vocation à créer des obligations liant directement les justiciables et ne peuvent, dès lors, normalement pas causer de préjudice à ces derniers. Elles rappellent que la vente de produits soumis à accises est encore possible lors de transports maritimes entre le Danemark et l'Allemagne depuis le 30 juin 1999. Les réglementations nationales pertinentes auraient permis à NF de continuer à vendre de tels produits à bord de ses transbordeurs si elle l'avait voulu. Ce serait donc volontairement que NF a arrêté son activité, de sorte qu'il n'existe aucun lien de causalité entre le préjudice allégué et le comportement reproché aux institutions communautaires.

Appréciation du Tribunal

35.
    Il y a lieu de rappeler que l'action en indemnité fondée sur l'article 288, deuxième alinéa, CE est une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d'exercice conçues en vue de son objet spécifique (arrêts de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 3, du 26 février 1986, Krohn/Commission, 175/84, Rec. p. 753, point 26, et du 17 mai 1990, Sonito e.a./Commission, C-87/89, Rec. p. I-1981, point 14). Elle se différencie, notamment, du recours en annulation en ce qu'elle tend non pas à la suppression d'une mesure déterminée, mais à la réparation du préjudice causé par une institution (arrêts Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, précité, point 3, Krohn/Commission, précité, point 32, et Sonito e.a./Commission, précité, point 14).

36.
    La requérante ne saurait donc faire censurer, au moyen de son présent recours en indemnité, toutes les violations du droit communautaire dont la directive en cause pourrait objectivement être entachée, mais ne peut que soulever les griefs qui présentent un rapport concret avec le préjudice dont la réparation est demandée.

37.
    En effet, selon une jurisprudence constante, l'engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose que la partie requérante prouve l'illégalité du comportement reproché à l'institution concernée, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T-175/94, Rec. p. II-729, point 44, du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T-336/94, Rec. p. II-1343, point 30, du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-267/94, Rec. p. II-1239, point 20, et du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T-113/96, Rec. p. II-125, ci-après l'«arrêt Dubois», point 54). Dès lors que l'une de ces conditions n'est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, point 19).

38.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il importe de déterminer le comportement précis dont l'illégalité est dénoncée par la requérante et d'examiner dans quelle mesure ce comportement a pu lui causer le préjudice allégué.

39.
    Quant à ce préjudice, la requérante fait valoir que NF a été contrainte, en raison du caractère impraticable des dispositions pertinentes de la directive, de cesser son activité commerciale à la date du 30 juin 1999, que NF aurait probablement poursuivi une activité commerciale de même ampleur au cours du second semestre de 1999 si la possibilité juridique ne lui en avait pas été retirée par la directive, et que son préjudice s'élève, pour ce second semestre, à 1 million de DEM (requête n° 85).

40.
    La requérante ajoute expressément que «l'expiration du régime 'hors taxes' le 30 juin 1999 a contraint [NF] [...] à cesser l'exploitation des ferries et, par conséquent, son activité commerciale», et que «toute l'activité commerciale de [NF] dépendait du régime de l'article 28 de la directive 92/12/CEE et de son maintien» (requête n° 85). En outre, les experts-comptables qu'elle a chargés d'effectuer une expertise ont constaté que NF ne pouvait pas maintenir «une activité rentable [...] si l'autorisation de vendre des produits 'hors taxes' dans le cadre du transport intracommunautaire [prenait] fin» (requête n° 3) et ont calculé le préjudice invoqué «sur la base de l'hypothèse d'une continuation des ventes 'hors taxes'» (requête n° 7).

41.
    Enfin, il ressort des chiffres que la requérante a elle-même présentés - indiquant que la vente des billets de transport avait rapporté, au cours de la période 1997-1998, environ 17 millions de DKK, alors que les coûts d'exploitation de NF s'étaient élevés à 69 millions de DKK (requête n° 3) -, que l'essentiel des recettes de NF provenait non pas de son activité comme compagnie de transport, mais du produit de la vente de marchandises «hors taxes».

42.
    Il s'ensuit que, selon les propres affirmations de la requérante, le préjudice allégué est né du seul fait que le régime dérogatoire prévu à l'article 28 de la directive n'a pas été maintenu au-delà du 30 juin 1999. Quant au calcul de ce préjudice, il s'agit d'une simple extrapolation, pour le second semestre de 1999, des comptes annuels de la requérante relatifs aux exercices 1995/1996 à 1997/1998. L'étendue du préjudice n'est pas liée, notamment, au volume réduit du chiffre d'affaires, entravé par les contraintes bureaucratiques dénoncées, que NF pouvait ou aurait pu réaliser après le 30 juin 1999.

43.
    La question du caractère praticable ou non du régime général de la directive et du règlement ainsi que celle du caractère excessif éventuel des formalités à remplir - questions que la requérante considère comme décisives en l'espèce - sont donc dénuées de pertinence pour le présent litige. En effet, même si la mise en oeuvre de ce régime, notamment en ce qui concerne le remboursement dans l'État de destination des accises déjà acquittées dans l'État de départ, n'avait été soumise à aucune contrainte administrative dans le trafic maritime intracommunautaire, NF aurait néanmoins, selon les déclarations de la requérante, dû cesser son activité commerciale, étant donné que son commerce n'était plus rentable dès lors que les marchandises vendues à bord de ses bateaux étaient soumises à n'importe quelle accise nationale.

44.
    En substance, ce n'est que l'abolition du régime «hors taxes» en tant que telle qui, indépendamment de l'éventuelle impraticabilité du régime général fiscal dénoncé par la requérante, a pu causer le préjudice invoqué par cette dernière.

45.
    Il y a donc lieu d'examiner si l'abrogation du régime «hors taxes» a pu engager la responsabilité de la Communauté vis-à-vis de NF.

46.
    À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi que le Tribunal l'a jugé dans l'arrêt Dubois (point 46), l'abolition des frontières fiscales résulte de l'Acte unique européen (voir ci-dessus point 2) qui dispose que «le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures». Or, la mise en oeuvre, par des actes à caractère normatif tels que la directive et le règlement, de cette disposition générale relevant du droit primaire ressortit manifestement à des choix de politique économique et au large pouvoir d'appréciation des institutions communautaires (voir, mutatis mutandis, arrêt Dubois, point 61), lequel correspond aux responsabilités politiques que le traité attribue au législateur communautaire.

47.
    Il s'ensuit, s'agissant du reproche fait au Conseil d'avoir soumis l'activité exercée par NF au régime général de la directive et du règlement, que la responsabilité dela Communauté est subordonnée à la constatation de la violation caractérisée, c'est-à-dire manifeste et grave, d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers (arrêt Dubois, point 59, et arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, points 42 et 43).

48.
    S'agissant du reproche fait à la Commission d'avoir omis de présenter au Conseil des propositions de mesures législatives appropriées, il convient de rappeler que ledit critère d'une violation caractérisée s'applique aussi en présence d'une omission fautive (arrêt Dubois, point 60).

49.
    À cet égard, force est de constater que, au sein de l'espace sans frontières intérieures fiscales créé par l'Acte unique, dans lequel toutes les marchandises sont soumises à accises, aucune règle de droit supérieur n'impose au législateur communautaire de relier le simple fait de traverser une frontière nationale en bateau à une exonération fiscale des marchandises achetées au cours du transport. Au contraire, le principe de l'unicité de cet espace autorise le législateur à traiter ce transport, pour les besoins fiscaux, de la même manière que, par exemple, un transport à l'intérieur d'un seul État, qui ne connaît pas non plus de frontières intérieures ni d'exonérations fiscales du seul fait d'un transport, ou un transport intracommunautaire par bus ou par train, qui ne bénéficie pas non plus d'un régime «hors taxes».

50.
    L'abolition de la franchise fiscale en cause, au motif qu'elle est contraire au principe d'un espace sans frontières intérieures, ne saurait donc être qualifiée de faute, et en aucune manière de faute grave et manifeste. Ce constat est d'autant plus vrai que le secteur du transport maritime s'est vu aménager, par l'article 28 de la directive, un délai transitoire de sept ans visant à permettre aux opérateurs économiques concernés de s'adapter à la nouvelle situation. De plus, en vertu de l'article 23, paragraphe 5, de la directive, les États membres peuvent maintenir leurs dispositions nationales en matière d'avitaillement des bateaux et aéronefs, ce qui permet aux opérateurs de ces secteurs de bénéficier jusqu'à l'adoption d'une réglementation communautaire en ce domaine d'une exonération totale des accises sur les produits vendus à bord aux fins de leur consommation immédiate et sur les carburants des bateaux.

51.
    Il est vrai que la mise en oeuvre de l'espace sans frontières intérieures n'a pas encore entraîné l'abolition des formalités administratives de contrôle, telles que celles faisant l'objet du régime général de la directive et du règlement, lors du passage des frontières nationales intracommunautaires. Cette persistance des frontières au niveau du contrôle trouve son explication dans la circonstance que le législateur communautaire n'est pas encore parvenu à harmoniser au sein de la Communauté le taux des accises nationales.

52.
    Toutefois, selon une jurisprudence constante, il est loisible aux institutions communautaires de ne procéder qu'à l'harmonisation progressive d'une matière ou à un rapprochement par étapes des législations nationales. La mise en oeuvre detelles mesures est, en effet, généralement difficile, puisqu'elle suppose, de la part des institutions communautaires compétentes, l'élaboration, à partir de dispositions nationales diverses et complexes, de règles communes, conformes aux objectifs définis par le traité et recueillant l'accord d'une majorité qualifiée des membres du Conseil, voire, comme en matière fiscale, l'accord unanime de ceux-ci (arrêt de la Cour du 17 juin 1999, Socridis, C-166/98, Rec. p. I-3791, point 26).

53.
    Il résulte de ce qui précède que l'abolition, par le Conseil, du régime «hors taxes» prévu à l'article 28 de la directive et l'abstention de la Commission de présenter au Conseil des propositions visant au maintien d'un tel régime ne sauraient engager la responsabilité de la Communauté au titre d'un comportement illicite.

Sur la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte licite

Arguments des parties

54.
    À titre subsidiaire, la requérante se prévaut d'un droit à réparation au titre des principes régissant la responsabilité du fait d'actes réguliers. Elle prétend que l'expiration du régime dérogatoire de l'article 28 de la directive a provoqué à NF un dommage particulier et suffisamment individualisé.

55.
    Selon le Conseil et la Commission, les conditions requises pour que soit engagée la responsabilité des institutions du fait d'un acte licite ne sont pas réunies en l'espèce. En effet, la requérante n'aurait pas prouvé que son dommage dépassait la limite des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur en question.

Appréciation du Tribunal

56.
    Ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C-237/98 P, Rec. p. I-4549, points 18, 19 et 53), l'engagement de la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte licite, dans l'hypothèse où le principe d'une telle responsabilité devrait être reconnu en droit communautaire, supposerait, en tout état de cause, l'existence d'un préjudice «anormal» et «spécial». Dans son arrêt du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission (T-184/95, Rec. p. II-667, point 80), confirmé par l'arrêt précité, le Tribunal a, quant à lui, défini ces deux notions en ce sens qu'un préjudice spécial affecte une catégorie particulière d'opérateurs économiques d'une façon disproportionnée par rapport aux autres opérateurs et qu'un préjudice anormal dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné, sans que l'acte se trouvant à l'origine du dommage invoqué soit justifié par un intérêt économique général.

57.
    Cette double condition n'est manifestement pas remplie en l'espèce. D'une part, NF n'était concernée par la directive qu'en sa qualité objective d'opérateuréconomique qui, après l'expiration du régime transitoire de l'article 28, pouvait exercer une activité économique à laquelle s'appliquait la directive, et ce comme tous les autres opérateurs économiques de la Communauté exerçant la même activité. Il ne saurait donc être question d'un sacrifice particulier que NF aurait supporté seule.

58.
    D'autre part, les risques économiques et commerciaux inhérents à l'activité exercée par NF n'ont pas été dépassés. À cet égard, il suffit de rappeler que l'activité exercée par NF était ciblée sur la vente de produits bénéficiant jusqu'au 30 juin 1999 d'une franchise des droits d'accises, la circonstance que ces produits étaient vendus à bord d'un bateau étant une condition nécessaire pour pouvoir bénéficier de cette franchise. Ainsi qu'il ressort des chiffres fournis par la requérante (voir ci-dessus points 13 et 41), le transport des voyageurs par ferry ne servait que de couverture pour la vente «hors taxes». Dans ce contexte, la requérante a elle-même précisé que la part prépondérante du chiffre d'affaires réalisé par NF avec le commerce «hors taxes» résultait d'une surconsommation inspirée par l'«idée de faire une bonne affaire», et qu'il s'agit là d'une «consommation occasionnelle» créée par l'attrait de la vente à bord (requête n° 61).

59.
    Cette activité centrée sur une franchise fiscale étant nécessairement exposée au risque d'éventuelles modifications du droit fiscal communautaire, NF devait anticiper les conséquences de ce que, dans l'intérêt économique général de la mise en oeuvre d'un espace sans frontières intérieures, cette franchise allait être supprimée, et ce même avec un «préavis» de sept ans. Cette évolution était objectivement prévisible dès les premières discussions politiques relatives à la mise en oeuvre de l'Acte unique européen en 1986 et, en tout cas, en 1992, à la date d'adoption de la directive, lorsque l'abrogation du régime dérogatoire à l'horizon du 1er juillet 1999 a été définitivement édictée. Dès lors, NF n'a pas subi un préjudice anormal et spécial.

60.
    Par conséquent, la responsabilité de la Communauté ne saurait non plus être engagée au titre d'un comportement licite.

61.
    Il s'ensuit que le recours doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

Sur les dépens

62.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil et de la Commission conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera l'ensemble des dépens.

Moura Ramos
Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: l'allemand.