Language of document : ECLI:EU:C:2016:84

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

15 février 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Procédure préjudicielle d’urgence – Normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale – Directive 2008/115/CE – Séjour régulier – Directive 2013/32/UE – Article 9 – Droit de rester dans un État membre – Directive 2013/33/UE – Article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e) – Placement en rétention – Protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public – Validité – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Articles 6 et 52 – Limitation – Proportionnalité»

Dans l’affaire C‑601/15 PPU,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Raad van State (Conseil d’État, Pays-Bas), par décision du 17 novembre 2015, parvenue à la Cour le même jour, dans la procédure

J. N.

contre

Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice-président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz (rapporteur), J. L. da Cruz Vilaça, Mme C. Toader, MM. D. Šváby et C. Lycourgos, présidents de chambre, M. E. Juhász, Mmes M. Berger, A. Prechal, MM. E. Jarašiūnas, C. G. Fernlund, C. Vajda et Mme K. Jürimäe, juges,

avocat général: Mme E. Sharpston,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 janvier 2016,

considérant les observations présentées:

–        pour M. N., par Mes S. Thelosen et S. Pijl, advocaten,

–        pour le Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie, par M. D. Kuiper, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes M. Noort et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement belge, par M. S. Vanrie ainsi que par Mmes M. Jacobs et C. Pochet, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par Mme M. Michelogiannaki, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement chypriote, par Mme A. Argyropoulou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le Parlement européen, par MM. T. Lukácsi et R. van de Westelaken, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par MM. M. Chavrier et F. Naert, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme M. Condou-Durande ainsi que par MM. H. Krämer et G. Wils, en qualité d’agents,

l’avocat général entendu,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (JO L 180, p. 96).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. N. au Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, ci-après le «secrétaire d’État») au sujet de son placement en rétention.

 Le cadre juridique

 La CEDH

3        Sous l’intitulé «Droit à la liberté et à la sûreté», l’article 5, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), dispose:

«Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales:

[...]

f)      s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.»

 La Charte

4        L’article 6 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), intitulé «Droit à la liberté et à la sûreté», dispose:

«Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.»

5        Aux termes de l’article 52 de la Charte, intitulé «Portée et interprétation des droits et des principes»:

«1.      Toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la présente Charte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

[...]

3.      Dans la mesure où la présente Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la [CEDH], leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Cette disposition ne fait pas obstacle à ce que le droit de l’Union accorde une protection plus étendue.

[...]

7.      Les explications élaborées en vue de guider l’interprétation de la présente Charte sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.»

 La directive 2008/115/CE

6        Le considérant 4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (JO L 348, p. 98), énonce:

«Il est nécessaire de fixer des règles claires, transparentes et équitables afin de définir une politique de retour efficace, constituant un élément indispensable d’une politique migratoire bien gérée.»

7        L’article 3 de la directive 2008/115, intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

2)      ‘séjour irrégulier’: la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du [règlement (CE) no 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (JO L 105, p. 1)], ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre;

[...]

4)      ‘décision de retour’: une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour;

[...]»

8        Aux termes de l’article 7 de la directive 2008/115, intitulé «Départ volontaire»:

«1.      La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande.

Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt.

2.      Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d’une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux.

3.      Certaines obligations visant à éviter le risque de fuite, comme les obligations de se présenter régulièrement aux autorités, de déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé, peuvent être imposées pendant le délai de départ volontaire.

4.      S’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, les États membres peuvent s’abstenir d’accorder un délai de départ volontaire ou peuvent accorder un délai inférieur à sept jours.»

9        L’article 8 de cette directive, intitulé «Éloignement», dispose, à son paragraphe 1:

«Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7.»

10      L’article 11 de la directive 2008/115, intitulé «Interdiction d’entrée», prévoit:

«1.      Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée:

a)      si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

[...]

2.      La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

[...]»

 La directive 2013/32/UE

11      L’article 2 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO L 180, p. 60), intitulé «Définitions», dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

c)      ‘demandeur’, le ressortissant d’un pays tiers ou l’apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle aucune décision finale n’a encore été prise;

[...]

p)      ‘rester dans l’État membre’, le fait de rester sur le territoire, y compris à la frontière ou dans une zone de transit de l’État membre dans lequel la demande de protection internationale a été présentée ou est examinée;

q)      ‘demande ultérieure’, une nouvelle demande de protection internationale présentée après qu’une décision finale a été prise sur une demande antérieure, y compris le cas dans lequel le demandeur a explicitement retiré sa demande et le cas dans lequel l’autorité responsable de la détermination a rejeté une demande à la suite de son retrait implicite, conformément à l’article 28, paragraphe 1.

[...]»

12      Aux termes de l’article 9 de la directive 2013/32, intitulé «Droit de rester dans l’État membre pendant l’examen de la demande»:

«1.      Les demandeurs sont autorisés à rester dans l’État membre, aux seules fins de la procédure, jusqu’à ce que l’autorité responsable de la détermination se soit prononcée conformément aux procédures en première instance prévues au chapitre III. Ce droit de rester dans l’État membre ne constitue pas un droit à un titre de séjour.

2.      Les États membres ne peuvent prévoir d’exception à cette règle que si une personne présente une demande ultérieure visée à l’article 41 ou si une personne est, le cas échéant, livrée à ou extradée vers, soit un autre État membre en vertu des obligations découlant d’un mandat d’arrêt européen [...] ou pour d’autres raisons, soit un pays tiers, soit une cour ou un tribunal pénal(e) international(e).

[...]»

 La directive 2013/33

13      La directive 2013/33 énonce, à ses considérants 15 à 18, 20 et 35, ce qui suit:

«(15) Le placement en rétention des demandeurs devrait respecter le principe sous-jacent selon lequel nul ne doit être placé en rétention pour le seul motif qu’il demande une protection internationale, conformément, notamment, aux obligations des États membres au regard du droit international et à l’article 31 de la convention [relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, no 2545 [1954]), complétée par le protocole de New York du 31 janvier 1967]. Les demandeurs ne peuvent être placés en rétention que dans des circonstances exceptionnelles définies de manière très claire dans la présente directive et dans le respect des principes de nécessité et de proportionnalité en ce qui concerne tant la forme que la finalité de ce placement en rétention. Lorsqu’un demandeur est placé en rétention, il devrait bénéficier effectivement des garanties procédurales nécessaires, telles qu’un droit de recours auprès d’une autorité judiciaire nationale.

(16)      En ce qui concerne les procédures administratives liées aux motifs du placement en rétention, la notion de ‘toute la diligence voulue’ signifie que les États membres doivent au minimum prendre des mesures concrètes et efficaces pour que le délai nécessaire à la vérification des motifs de la rétention soit aussi court que possible, et pour qu’il existe une réelle probabilité que cette vérification puisse être effectuée et aboutir le plus rapidement possible. Le placement en rétention ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour achever les procédures pertinentes.

(17)      Les motifs du placement en rétention établis dans la présente directive sont sans préjudice d’autres motifs de détention, notamment les motifs de détention dans le cadre de procédures pénales, qui sont applicables en vertu du droit national, indépendamment de la demande de protection internationale introduite par le ressortissant de pays tiers ou l’apatride.

(18)      Le traitement des demandeurs placés en rétention devrait respecter pleinement leur dignité humaine, et leur accueil devrait être spécifiquement conçu pour répondre à leurs besoins dans cette situation. En particulier, les États membres devraient veiller à ce que l’article 37 de la convention des Nations unies [relative aux droits de l’enfant, conclue à New York le 20 novembre 1989 et ratifiée par tous les États membres] soit appliqué.

[...]

(20)      En vue de mieux garantir l’intégrité physique et psychologique des demandeurs, le placement en rétention devrait être une mesure de dernier recours et ne peut être appliquée qu’après que toutes les autres mesures, non privatives de liberté, ont été dûment envisagées. Toute mesure autre que le placement en rétention doit respecter les droits humains fondamentaux des demandeurs.

[...]

(35)      La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes reconnus, notamment par la [Charte]. En particulier, la présente directive vise à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er, 4, 6, 7, 18, 21, 24 et 47 de la [Charte] et doit être mise en œuvre en conséquence.»

14      Aux termes de l’article 2 de la directive 2013/33, intitulé «Définitions»:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[...]

b)      ‘demandeur’, tout ressortissant de pays tiers ou tout apatride ayant présenté une demande de protection internationale sur laquelle il n’a pas encore été statué définitivement;

[...]

h)      ‘rétention’, toute mesure d’isolement d’un demandeur par un État membre dans un lieu déterminé, où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement;

[...]»

15      L’article 8 de la directive 2013/33, intitulé «Placement en rétention», énonce ce qui suit:

«1.      Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive [2013/32].

2.      Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

3.      Un demandeur ne peut être placé en rétention que:

a)      pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité;

b)      pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur;

c)      pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire;

d)      lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive [2008/115], pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour;

e)      lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige;

f)      conformément à l’article 28 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride [(JO L 180, p. 31)].

Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.

4.      Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé.»

16      Selon l’article 9 de la directive 2013/33, intitulé «Garanties offertes aux demandeurs placés en rétention»:

«1.      Un demandeur n’est placé en rétention que pour une durée la plus brève possible et tant que les motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3, sont applicables.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés à l’article 8, paragraphe 3, sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention.

2.      Le placement en rétention des demandeurs est ordonné par écrit par les autorités judiciaires ou administratives. La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée.

3.      Lorsque le placement en rétention est ordonné par les autorités administratives, les États membres prévoient un contrôle juridictionnel accéléré de la légalité du placement en rétention d’office et/ou à la demande du demandeur. Lorsqu’il a lieu d’office, ce contrôle est décidé le plus rapidement possible à partir du début du placement en rétention. Lorsqu’il a lieu à la demande du demandeur, il est décidé le plus rapidement possible après le lancement de la procédure pertinente. À cette fin, les États membres définissent dans leur droit national le délai dans lequel ont lieu le contrôle juridictionnel d’office et/ou le contrôle juridictionnel à la demande du demandeur.

Lorsque, à la suite du contrôle juridictionnel, le placement en rétention est jugé illégal, le demandeur concerné est libéré immédiatement.

4.      Les demandeurs placés en rétention sont informés immédiatement par écrit, dans une langue qu’ils comprennent ou dont on peut raisonnablement supposer qu’ils la comprennent, des motifs du placement en rétention et des procédures de recours contre la décision de placement en rétention prévues par le droit national, ainsi que de la possibilité de demander l’assistance juridique et la représentation gratuites.

5.      Le placement en rétention fait l’objet d’un contrôle par une autorité judiciaire à intervalles raisonnables, d’office et/ou à la demande du demandeur concerné, notamment en cas de prolongation, de survenance de circonstances pertinentes ou d’informations nouvelles pouvant avoir une incidence sur la légalité du placement en rétention.

[...]»

 Le droit néerlandais

17      L’article 8 de la loi de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenwet 2000) (ci-après la «loi sur les étrangers») dispose:

«L’étranger n’a le droit de séjourner de manière régulière aux Pays-Bas que:

[...]

f)      dans l’attente de la décision sur une demande de délivrance [d’un] permis de séjour [temporaire asile], lorsqu’il convient, conformément à la présente loi ou à une disposition adoptée en vertu de celle-ci ou bien à une décision de justice, de ne pas expulser l’étranger tant qu’il n’aura pas été statué sur la demande.

[...]»

18      Aux termes de l’article 30a de la loi sur les étrangers:

«1.      Une demande de délivrance d’un permis de séjour temporaire [asile] peut être déclarée irrecevable au sens de l’article 33 de la directive relative aux procédures d’asile si:

[...]

d)      l’étranger a introduit une demande d’asile ultérieure qu’il n’a pas étayée par des éléments ou des faits nouveaux ou sans que soient apparus des éléments ou des faits nouveaux susceptibles d’être pertinents pour l’appréciation de la demande; ou

[...]

3.      Des règles précisant les modalités d’application du paragraphe 1 peuvent être établies par ou en vertu d’une mesure générale d’administration.»

19      L’article 59b de la loi sur les étrangers prévoit:

«1.      L’étranger en séjour régulier au titre de l’article 8, sous f) [...], pour autant qu’il s’agit d’une demande de délivrance d’un permis de séjour [temporaire asile], peut être placé en rétention par notre ministre si:

a)      la rétention est nécessaire pour établir l’identité ou la nationalité de l’étranger;

b)      la rétention est nécessaire pour recueillir des données nécessaires à l’appréciation d’une demande de permis de séjour temporaire visée à l’article 28, en particulier s’il y a risque de soustraction;

[...]

d)      l’étranger représente un danger pour la sécurité nationale ou l’ordre public au sens de l’article 8, paragraphe 3, [premier alinéa,] sous e), de la directive [2013/33].

[...]

4.      La rétention au titre du paragraphe 1, sous d), n’excède pas six mois.

5.      Notre ministre peut proroger la rétention au titre du paragraphe 1, sous d), de maximum neuf mois en cas de:

a)      circonstances factuelles et juridiques complexes relatives à l’examen de la demande de délivrance d’un permis de séjour temporaire [asile]; et

b)      d’intérêt majeur d’ordre public ou de sécurité nationale.»

20      L’article 3.1 de l’arrêté de 2000 sur les étrangers (Vreemdelingenbesluit 2000) énonce:

«[...]

2.      L’introduction d’une demande de délivrance d’un permis de séjour [temporaire asile] a pour conséquence qu’il ne peut être procédé à l’expulsion, sauf si:

a)      l’étranger a introduit une demande ultérieure après qu’une précédente demande ultérieure a été définitivement déclarée irrecevable en application de l’article 30a, paragraphe 1, sous d), de la [loi sur les étrangers] ou a été définitivement rejetée comme étant manifestement non fondée ou non fondée en application des articles 30b ou 31 de la [loi sur les étrangers], sans que soient apparus des éléments ou des faits nouveaux susceptibles d’être pertinents pour l’appréciation de la demande;

[...]

3.      Les exceptions visées au paragraphe 2 ne sont pas applicables si l’expulsion aboutissait à une violation de la convention [relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, complétée par le protocole de New York du 31 janvier 1967], d’obligations de droit de l’Union, de la [CEDH] ou de la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.»

 Le litige au principal et la question préjudicielle

21      Le requérant au principal est entré aux Pays-Bas le 23 septembre 1995 et a, le même jour, introduit une première demande d’asile. Cette demande a été rejetée par décision du 18 janvier 1996. Le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) a, par jugement du 5 juin 1997, déclaré non fondé le recours formé par le requérant au principal contre cette décision. Ce jugement est devenu définitif.

22      Il ressort du casier judiciaire de l’intéressé, dont dispose la juridiction de renvoi, que, entre le 25 novembre 1999 et le 17 juin 2015, celui-ci a été condamné à vingt et une reprises à des peines allant de l’amende à l’emprisonnement, pour des infractions constituées majoritairement par des vols.

23      Le 19 décembre 2012, le requérant au principal a introduit une deuxième demande d’asile, mais a retiré celle-ci le 24 décembre suivant.

24      Le 8 juillet 2013, le requérant au principal a introduit une troisième demande d’asile. Par décision du 8 janvier 2014, le secrétaire d’État a rejeté cette demande, ordonné que l’intéressé quitte immédiatement l’Union européenne et imposé à celui-ci une interdiction d’entrée d’une durée de dix ans. Par jugement du 4 avril 2014, le rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) a déclaré non fondé le recours formé par le requérant au principal contre cette décision. Ce jugement est également devenu définitif.

25      Le 28 janvier 2015, le requérant au principal a été arrêté sur le territoire néerlandais pour avoir commis un vol et s’être soustrait à l’interdiction d’entrée qui lui avait été imposée. Pour ces deux infractions, il a été condamné, le 11 février 2015, à une peine d’emprisonnement d’une durée de deux mois.

26      Le 27 février 2015, alors qu’il purgeait cette peine, le requérant au principal a introduit une quatrième demande d’asile, mais des raisons liées à son état de santé ont fait obstacle à ce qu’une décision soit prise sur cette nouvelle demande pendant l’exécution de ladite peine.

27      Le 27 mars 2015, soit le jour où a pris fin cette même peine, le requérant au principal a été placé en rétention en tant que demandeur d’asile, notamment afin d’apprécier s’il était possible de l’entendre sur sa demande d’asile.

28      Le 9 avril 2015, il a été mis fin à cette rétention en raison du risque de dépassement du délai maximal prévu par la législation nationale en vigueur à cette date.

29      Le 16 juin 2015, le requérant au principal a de nouveau été arrêté pour avoir commis un vol et s’être soustrait à l’interdiction d’entrée qui lui avait été imposée. Pour ces deux infractions, il a été condamné, le 1er juillet 2015, à une peine d’emprisonnement d’une durée de trois mois. Cette peine a pris fin le 14 septembre 2015.

30      Dans la mesure où, à cette dernière date, des raisons d’ordre médical empêchaient toujours que le requérant au principal soit entendu sur sa quatrième demande d’asile, ce dernier a de nouveau été placé en rétention en tant que demandeur d’asile par décision du 14 septembre 2015, sur le fondement de l’article 59b, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les étrangers, qui transpose l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33. En effet, selon les autorités néerlandaises, même si l’intéressé, du fait de cette quatrième demande d’asile, avait le droit de séjourner de manière régulière aux Pays-Bas en vertu de l’article 8, sous f), de la loi sur les étrangers, son placement en rétention était justifié aux fins de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, dès lors qu’il avait été condamné pour avoir commis des infractions et qu’il était soupçonné d’en avoir commis d’autres.

31      Le requérant au principal a introduit un recours par lequel il a contesté la décision du 14 septembre 2015 l’ayant placé en rétention et a sollicité l’obtention de dommages et intérêts. Ce recours a été rejeté par jugement du 28 septembre 2015 du rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye), statuant en première instance.

32      Le 28 septembre 2015, l’expert en médecine légale a constaté que le requérant au principal ne pouvait toujours pas être entendu sur sa demande d’asile.

33      Le 23 octobre 2015, la rétention du requérant au principal a été suspendue afin que celui-ci puisse purger une autre peine d’emprisonnement à laquelle il avait été condamné.

34      Dans le cadre de l’appel interjeté devant la juridiction de renvoi contre le jugement du rechtbank Den Haag (tribunal de La Haye) du 28 septembre 2015, le requérant au principal soutient que sa rétention est contraire à l’article 5, paragraphe 1, sous f), second membre de phrase, de la CEDH, qui prévoit que la rétention d’un étranger ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. En effet, maintenir un étranger en rétention, lorsque celui-ci réside régulièrement aux Pays-Bas dans l’attente d’une décision sur sa demande d’asile, serait contraire à cette disposition.

35      Eu égard à cette allégation, la juridiction de renvoi s’interroge sur la validité, au regard de l’article 6 de la Charte, de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, faisant observer que, selon les explications relatives à la Charte, les droits prévus à l’article 6 de celle-ci correspondent à ceux qui sont garantis par l’article 5 de la CEDH et ont, conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le même sens et la même portée que ceux que leur confère la CEDH.

36      Dans ces conditions, le Raad van State (Conseil d’État) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 est-il valide au regard de l’article 6 de la Charte:

1)      dans une situation où un ressortissant d’un pays tiers a été placé en rétention au titre de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de cette directive et a le droit, en vertu de l’article 9 de la directive 2013/32, de rester dans un État membre jusqu’à ce que sa demande d’asile ait fait l’objet d’une décision en première instance, et

2)      compte tenu des explications relatives à la Charte selon lesquelles les limitations qui peuvent légitimement être apportées aux droits prévus à l’article 6 de la Charte ne peuvent excéder les limites permises par la CEDH dans le libellé même de l’article 5, paragraphe 1, sous f), de ladite convention et de l’interprétation donnée par la Cour européenne des droits de l’homme à cette dernière disposition, notamment dans son arrêt Nabil e.a. c. Hongrie (no 62116/12, § 38, 22 septembre 2015), selon laquelle la rétention d’un demandeur d’asile est contraire à la disposition précitée de la CEDH si cette rétention n’a pas été imposée à des fins d’éloignement?»

 Sur la procédure d’urgence

37      Le Raad van State (Conseil d’État) a demandé que le présent renvoi préjudiciel soit soumis à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 107 du règlement de procédure de la Cour.

38      À l’appui de cette demande, la juridiction de renvoi invoque, notamment, le fait que le requérant au principal est actuellement privé de liberté. Elle précise que, d’après les informations qu’elle a pu obtenir du secrétaire d’État, si la rétention dont l’intéressé a fait l’objet à compter du 14 septembre 2015 a été levée le 23 octobre 2015, il purge, depuis cette date, une peine d’emprisonnement («strafrechtelijke detentie») qui prendra fin le 1er décembre 2015 et que, selon toute probabilité, à l’issue de cette peine, il sera de nouveau placé en rétention («vreemdelingenbewaring»).

39      À cet égard, il convient de relever, en premier lieu, que le présent renvoi préjudiciel, qui porte sur la validité de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, soulève des questions concernant les domaines visés au titre V, relatif à l’espace de liberté, de sécurité et de justice, de la troisième partie du traité FUE. Il est donc susceptible d’être soumis à la procédure préjudicielle d’urgence.

40      En second lieu, il importe de constater que, à la date d’examen de la demande visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence, le requérant au principal était privé de liberté. S’il est vrai que, à cette date, cette privation de liberté n’était pas fondée sur l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, puisqu’elle résultait de la mise à exécution d’une peine d’emprisonnement, il n’en reste pas moins que cette détention avait succédé, à compter du 23 octobre 2015, à une rétention ordonnée au titre de la directive 2013/33. Par ailleurs, selon les prévisions des autorités nationales, il devait être de nouveau placé en rétention, au sens de l’article 2, sous h), de la directive 2013/33, à l’issue de sa peine d’emprisonnement.

41      Compte tenu de ce qui précède, la quatrième chambre de la Cour a décidé, le 24 novembre 2015, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de faire droit à la demande de la juridiction de renvoi visant à soumettre le présent renvoi préjudiciel à la procédure préjudicielle d’urgence. Elle a, par ailleurs, décidé de renvoyer l’affaire devant la Cour aux fins de son attribution à la grande chambre.

42      Le 1er décembre 2015, la juridiction de renvoi, qui s’était engagée à communiquer toute information pertinente sur l’évolution de la situation du requérant au principal, a fait savoir à la Cour que, à compter de cette même date, celui-ci avait de nouveau été placé en rétention («vreemdelingenbewaring») au titre de l’article 59b, paragraphe 1, sous d), de la loi sur les étrangers.

 Sur la question préjudicielle

43      Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour d’examiner la validité de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 au regard de l’article 6 de la Charte.

44      Il ressort du dossier que les motifs pour lesquels le requérant au principal a été placé en rétention tiennent notamment aux infractions qu’il a commises sur le territoire néerlandais ainsi qu’au fait qu’il a fait l’objet d’une décision de quitter ce territoire, assortie d’une interdiction d’entrée, devenues définitives. La juridiction de renvoi se réfère à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 5, paragraphe 1, sous f), de la CEDH, notamment à l’arrêt Nabil e.a. c. Hongrie, précité (§ 38), qu’il convient de prendre en considération en vertu de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte aux fins de l’interprétation de l’article 6 de celle-ci. Selon cette jurisprudence, la rétention d’un demandeur d’asile serait contraire à cette disposition de la CEDH lorsqu’elle n’est pas ordonnée à des fins d’éloignement.

45      À titre liminaire, il convient de rappeler que si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte dispose que les droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH ont le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (arrêts Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 44, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 45).

46      Ainsi, l’examen de la validité de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 doit être opéré au regard uniquement des droits fondamentaux garantis par la Charte (voir, en ce sens, arrêts Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 47, ainsi que Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 46).

47      À cet égard, il ressort des explications relatives à l’article 6 de la Charte, lesquelles, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, doivent être prises en considération en vue de son interprétation (voir, en ce sens, arrêts Åkerberg Fransson, C‑617/10, EU:C:2013:105, point 20, ainsi que Spasic, C‑129/14 PPU, EU:C:2014:586, point 54), que les droits prévus à l’article 6 de la Charte correspondent à ceux garantis par l’article 5 de la CEDH et que les limitations qui peuvent légitimement être apportées à l’exercice des droits consacrés à la première de ces dispositions ne peuvent excéder celles autorisées par la CEDH dans le libellé même de la seconde de ces dispositions. Toutefois, les explications afférentes à l’article 52 de la Charte indiquent que le paragraphe 3 de cet article vise à assurer la cohérence nécessaire entre la Charte et la CEDH, «sans que cela porte atteinte à l’autonomie du droit de l’Union et de la Cour de justice de l’Union européenne».

48      Par ailleurs, selon un principe général d’interprétation, un acte de l’Union doit être interprété, dans la mesure du possible, d’une manière qui ne remet pas en cause sa validité et en conformité avec l’ensemble du droit primaire et, notamment, avec les dispositions de la Charte (arrêts McDonagh, C‑12/11, EU:C:2013:43, point 44, et Réexamen Commission/Strack, C‑579/12 RX‑II, EU:C:2013:570, point 40).

49      En autorisant le placement en rétention d’un demandeur lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige, l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 prévoit une limitation de l’exercice du droit à la liberté consacré à l’article 6 de la Charte.

50      Or, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés reconnus par celle-ci doit être prévue par la loi et respecter leur contenu essentiel. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées à l’exercice de ces droits et de ces libertés que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui.

51      À cet égard, il convient de relever que, la limitation en cause procédant d’une directive qui constitue un acte législatif de l’Union, cette limitation est prévue par la loi.

52      En outre, l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 n’affecte pas le contenu essentiel du droit à la liberté consacré à l’article 6 de la Charte. En effet, cette disposition ne remet pas en cause la garantie de ce droit et, ainsi qu’il ressort du libellé de ladite disposition et du considérant 15 de cette directive, elle ne confère aux États membres le pouvoir de placer un demandeur en rétention qu’en raison de son comportement individuel et dans les circonstances exceptionnelles visées à cette même disposition, ces circonstances étant par ailleurs encadrées par l’ensemble des conditions figurant aux articles 8 et 9 de ladite directive.

53      La protection de la sécurité nationale et de l’ordre public constituant l’objectif poursuivi par l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, il doit être constaté qu’une mesure de rétention trouvant son fondement dans cette disposition répond effectivement à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union. Au demeurant, la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public contribue également à la protection des droits et des libertés d’autrui. À cet égard, l’article 6 de la Charte énonce le droit de toute personne non seulement à la liberté, mais également à la sûreté (voir, en ce sens, arrêt Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 42).

54      S’agissant de la proportionnalité de l’ingérence constatée, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon une jurisprudence constante de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que les inconvénients causés par celle-ci ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir, en ce sens, arrêts Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, point 45; Nelson e.a., C‑581/10 et C‑629/10, EU:C:2012:657, point 71, ainsi que Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 50).

55      À cet égard, le placement en rétention d’un demandeur lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige est, par sa nature même, une mesure apte à protéger le public du danger que peut constituer le comportement d’une telle personne et est ainsi susceptible de réaliser l’objectif poursuivi par l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33.

56      Quant au caractère nécessaire du pouvoir, conféré aux États membres par cette disposition, de placer un demandeur en rétention pour des motifs liés à la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, il y a lieu de souligner que, eu égard à l’importance du droit à la liberté consacré à l’article 6 de la Charte et à la gravité de l’ingérence que constitue une telle mesure de rétention dans ce droit, les limitations de l’exercice de celui-ci doivent s’opérer dans les limites du strict nécessaire (voir par analogie, en ce qui concerne le droit au respect de la vie privée, arrêt Digital Rights Ireland e.a., C‑293/12 et C‑594/12, EU:C:2014:238, point 52).

57      À cet égard, il ressort tant du libellé et du contexte que de la genèse de l’article 8 de la directive 2013/33 que la possibilité, prévue au paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de cet article, de placer en rétention un demandeur pour des raisons tirées de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public est soumise au respect d’un ensemble de conditions ayant pour objectif d’encadrer strictement le recours à une telle mesure.

58      En effet, premièrement, il résulte des termes mêmes de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 qu’un demandeur ne peut être placé en rétention que lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’«exige».

59      Par ailleurs, il convient de souligner que l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, de la directive 2013/33 énumère de manière exhaustive les différents motifs, au nombre desquels figure celui tiré de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, susceptibles de justifier un placement en rétention et que chacun de ces motifs répond à un besoin spécifique et revêt un caractère autonome.

60      L’article 8, paragraphe 3, second alinéa, de la directive 2013/33 dispose en outre que les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national. À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque les dispositions d’une directive laissent aux États membres une marge d’appréciation pour définir des mesures de transposition qui soient adaptées aux différentes situations envisageables, il leur incombe, lors de la mise en œuvre de ces mesures, non seulement d’interpréter leur droit national d’une manière conforme à la directive dont il s’agit, mais également de veiller à ne pas se fonder sur une interprétation de celle-ci qui entrerait en conflit avec les droits fondamentaux ou avec les autres principes généraux du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts Promusicae, C‑275/06, EU:C:2008:54, point 68, ainsi que N. S. e.a., C‑411/10 et C‑493/10, EU:C:2011:865, point 77).

61      Deuxièmement, les autres paragraphes de l’article 8 de la directive 2013/33 apportent, ainsi que l’indiquent les considérants 15 et 20 de cette directive, des limitations importantes au pouvoir conféré aux États membres de procéder à un placement en rétention. Il ressort en effet de l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive que les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle a présenté une demande de protection internationale. En outre, l’article 8, paragraphe 2, de cette même directive exige qu’une rétention ne puisse être ordonnée que lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées. L’article 8, paragraphe 4, de la directive 2013/33 prévoit que les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé.

62      De même, l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/33 dispose qu’un demandeur n’est placé en rétention que pour une durée la plus brève possible et tant que les motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 3, de cette directive sont applicables. Par ailleurs, la décision de placement en rétention est soumise au respect d’importantes garanties procédurales et juridictionnelles. Ainsi, conformément à l’article 9, paragraphes 2 et 4, de ladite directive, cette décision doit indiquer par écrit les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée, et un certain nombre d’informations doivent être communiquées au demandeur dans une langue qu’il comprend ou dont on peut raisonnablement penser qu’il la comprend. Quant à l’article 9, paragraphes 3 et 5, de cette même directive, il précise les modalités du contrôle juridictionnel de la légalité du placement en rétention que les États membres doivent mettre en place.

63      Troisièmement, il ressort du titre 3, point 4, de l’exposé des motifs de la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile dans les États membres [COM(2008) 815 final], à l’origine de la directive 2013/33, que le motif de rétention tiré de la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public, de même que les trois autres motifs contenus dans cette proposition et qui seront ultérieurement repris à l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à c), de cette directive, repose sur la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l’Europe relative aux mesures de détention des demandeurs d’asile, du 16 avril 2003, ainsi que sur les principes directeurs du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) sur les critères et les normes applicables quant à la détention des demandeurs d’asile, du 26 février 1999. Il ressort notamment des points 4.1 et 4.2 de ces principes directeurs, dans leur version adoptée au cours de l’année 2012, que, d’une part, la rétention constitue une mesure exceptionnelle qui ne peut être justifiée que dans un but légitime et que trois raisons, généralement conformes au droit international, à savoir l’ordre public, la santé publique et la sécurité nationale, pourraient rendre la rétention nécessaire dans un cas individuel. D’autre part, le recours à la rétention ne doit être utilisé qu’en dernier ressort, lorsqu’il est établi qu’elle est nécessaire, raisonnable et proportionnelle à un but légitime.

64      Il convient d’ajouter que l’encadrement strict auquel est soumis le pouvoir reconnu aux autorités nationales compétentes de placer en rétention un demandeur, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, est également assuré par l’interprétation dont font l’objet, dans la jurisprudence de la Cour, les notions de «sécurité nationale» et d’«ordre public» figurant dans d’autres directives et qui s’applique également s’agissant de la directive 2013/33.

65      La Cour a ainsi jugé que la notion d’«ordre public» suppose, en tout état de cause, l’existence, en dehors du trouble pour l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, d’une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société [arrêts Zh. et O., C‑554/13, EU:C:2015:377, point 60 et jurisprudence citée, s’agissant de l’article 7, paragraphe 4, de la directive 2008/115, ainsi que T., C‑373/13, EU:C:2015:413, point 79 et jurisprudence citée, s’agissant des articles 27 et 28 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, et rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34)].

66      Quant à la notion de «sécurité publique», il ressort de la jurisprudence de la Cour que cette notion couvre la sécurité intérieure d’un État membre et sa sécurité extérieure et que, partant, l’atteinte au fonctionnement des institutions et des services publics essentiels ainsi que la survie de la population, de même que le risque d’une perturbation grave des relations extérieures ou de la coexistence pacifique des peuples, ou encore l’atteinte aux intérêts militaires, peuvent affecter la sécurité publique (voir, en ce sens, arrêt Tsakouridis, C‑145/09, EU:C:2010:708, points 43 et 44).

67      Une atteinte à la sécurité nationale ou à l’ordre public ne saurait donc justifier, au regard de l’exigence de nécessité, le placement ou le maintien en rétention d’un demandeur sur la base de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 qu’à la condition que son comportement individuel représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave, affectant un intérêt fondamental de la société ou la sécurité intérieure ou extérieure de l’État membre concerné (voir, en ce sens, arrêt T., C‑373/13, EU:C:2015:413, points 78 et 79).

68      L’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive ne s’avère pas non plus démesuré par rapport aux buts visés. À cet égard, il y a lieu de souligner que cette disposition procède d’une pondération équilibrée entre l’objectif d’intérêt général poursuivi, à savoir la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public, d’une part, et l’ingérence dans le droit à la liberté occasionnée par une mesure de rétention, d’autre part (voir, par analogie, arrêt Volker und Markus Schecke et Eifert, C‑92/09 et C‑93/09, EU:C:2010:662, points 72 et 77).

69      En effet, une telle disposition ne saurait fonder des mesures de rétention sans que les autorités nationales compétentes aient préalablement vérifié, au cas par cas, si le danger que les personnes concernées font courir à la sécurité nationale ou à l’ordre public correspond au moins à la gravité de l’ingérence que constitueraient de telles mesures dans le droit à la liberté de ces personnes.

70      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que le législateur de l’Union, en adoptant l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, a respecté le juste équilibre entre, d’une part, le droit à la liberté du demandeur et, d’autre part, les exigences afférentes à la protection de la sécurité nationale et de l’ordre public.

71      En ce qui concerne l’application des exigences découlant en particulier du principe de proportionnalité dans le contexte d’une affaire telle que celle au principal, et afin de donner une réponse complète à la juridiction de renvoi, il convient de relever que, selon les indications de la juridiction de renvoi, reproduites aux points 30 et 44 du présent arrêt, les motifs du placement en rétention du requérant au principal tiennent, essentiellement, aux infractions qu’il a commises sur le territoire néerlandais ainsi qu’au fait qu’il a fait l’objet d’une décision de quitter ce territoire, assortie d’une interdiction d’entrée d’une durée de dix ans, devenues définitives.

72      S’agissant, tout d’abord, de cette dernière circonstance, il convient de relever que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115, la durée d’une interdiction d’entrée, qui est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas, ne dépasse pas cinq ans en principe. Toutefois, selon cette même disposition, cette durée peut dépasser cinq ans si la personne concernée constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

73      Dans ces conditions, les raisons ayant conduit les autorités nationales à considérer que le comportement individuel du requérant au principal constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale, au sens de l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115, sont également susceptibles de justifier un placement en rétention pour des motifs tirés de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public, au sens de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33. Il importe toutefois de vérifier qu’un tel placement a été ordonné dans le strict respect du principe de proportionnalité et que ces raisons sont toujours valables.

74      Quant à la circonstance selon laquelle le requérant au principal, après avoir fait l’objet d’une injonction de quitter le territoire néerlandais ainsi que d’une interdiction d’entrée d’une durée de dix ans, a introduit une nouvelle demande de protection internationale, elle ne fait pas obstacle à l’adoption, à son égard, d’une mesure de rétention fondée sur l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33. En effet, une telle rétention n’a pas pour conséquence d’enlever au demandeur le droit de rester dans l’État membre au titre de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2013/32, aux seules fins de la procédure de protection internationale, jusqu’à ce que l’autorité responsable se soit prononcée en première instance sur sa demande de protection internationale.

75      S’agissant de l’indication de la juridiction de renvoi selon laquelle, en vertu de sa propre jurisprudence, l’introduction d’une demande d’asile par une personne faisant l’objet d’une procédure de retour a pour effet de rendre caduque de plein droit toute décision de retour qui aurait précédemment été adoptée dans le contexte de cette procédure, il importe de souligner que, en tout état de cause, l’effet utile de la directive 2008/115 exige qu’une procédure ouverte au titre de cette directive, dans le cadre de laquelle une décision de retour, le cas échéant assortie d’une interdiction d’entrée, a été adoptée, puisse être reprise au stade où elle a été interrompue en raison du dépôt d’une demande de protection internationale dès que cette demande a été rejetée en première instance. En effet, les États membres sont tenus de ne pas compromettre la réalisation de l’objectif poursuivi par cette dernière directive, à savoir l’instauration d’une politique efficace d’éloignement et de rapatriement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (voir, en ce sens, arrêt El Dridi, C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268, point 59).

76      À cet égard, il résulte tant du devoir de loyauté des États membres, découlant de l’article 4, paragraphe 3, TUE et rappelé au point 56 de l’arrêt El Dridi (C‑61/11 PPU, EU:C:2011:268), que des exigences d’efficacité énoncées notamment au considérant 4 de la directive 2008/115 que l’obligation imposée aux États membres par l’article 8 de cette directive de procéder, dans les hypothèses visées au paragraphe 1 de cet article, à l’éloignement doit être remplie dans les meilleurs délais (voir, en ce sens, arrêt Achughbabian, C‑329/11, EU:C:2011:807, points 43 et 45). Or, cette obligation ne serait pas respectée si l’éloignement se trouvait retardé en raison du fait que, après le rejet en première instance de la demande de protection internationale, une procédure telle que celle décrite au point précédent doit être reprise non au stade où elle a été interrompue, mais à son début.

77      Enfin, il y a lieu de rappeler que, dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, l’article 52, paragraphe 3, de la Charte prévoit que leur sens et leur portée sont les mêmes que ceux que leur confère ladite convention. Il convient donc de tenir compte de l’article 5, paragraphe 1, de la CEDH en vue de l’interprétation de l’article 6 de la Charte. Or, en adoptant l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, le législateur de l’Union n’a pas méconnu le niveau de protection offert par l’article 5, paragraphe 1, sous f), second membre de phrase, de la CEDH.

78      En effet, ainsi que l’indique le libellé de cette dernière disposition, celle-ci autorise la rétention régulière d’une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. À cet égard, si la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans l’arrêt Nabil e.a. c. Hongrie, précité (§ 29), qu’une privation de liberté fondée sur ladite disposition ne peut être justifiée que lorsqu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours et que, dans le cas où cette procédure n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de cette même disposition, cet arrêt n’a pas exclu la possibilité pour un État membre de procéder, dans le respect des garanties qu’elle prévoit, au placement en rétention du ressortissant d’un pays tiers à l’encontre duquel une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée a été prise avant le dépôt d’une demande de protection internationale.

79      La Cour européenne des droits de l’homme a également précisé que l’existence d’une procédure d’asile en cours n’implique pas par elle-même que la rétention d’une personne ayant introduit une demande d’asile n’est plus mise en œuvre «en vue d’une expulsion», puisqu’un éventuel rejet de cette demande peut ouvrir la voie à l’exécution des mesures d’éloignement déjà décidées (Cour EDH, Nabil e.a. c. Hongrie, précité, § 38).

80      C’est ainsi que, comme il a été constaté aux points 75 et 76 du présent arrêt, une procédure ouverte au titre de la directive 2008/115, dans le cadre de laquelle une décision de retour, le cas échéant assortie d’une interdiction d’entrée, a été adoptée, doit être reprise au stade où elle a été interrompue en raison du dépôt d’une demande de protection internationale dès que cette demande a été rejetée en première instance, de telle sorte qu’une telle procédure est toujours «en cours», au sens de l’article 5, paragraphe 1, sous f), second membre de phrase, de la CEDH.

81      Il convient encore de souligner qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme relative à l’article 5, paragraphe 1, de la CEDH que la mise en œuvre d’une mesure de privation de liberté, pour être conforme à l’objectif consistant à protéger l’individu contre l’arbitraire, implique, notamment, qu’elle soit exempte de tout élément de mauvaise foi ou de tromperie de la part des autorités, qu’elle cadre avec le but des restrictions autorisées par l’alinéa pertinent de l’article 5, paragraphe 1, de la CEDH et qu’il y ait un lien de proportionnalité entre le motif invoqué et la privation de liberté en question (voir, en ce sens, Cour EDH, Saadi c. Royaume-Uni, no 13229/03, § 68 à 74, CEDH 2008). Or, ainsi qu’il ressort des développements consacrés à l’examen de sa validité au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33, dont la portée est strictement encadrée eu égard au contexte de cette disposition, satisfait à ces exigences.

82      Il convient donc de répondre à la question préjudicielle que l’examen de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33 n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de cette disposition au regard des articles 6 et 52, paragraphes 1 et 3, de la Charte.

 Sur les dépens

83      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L’examen de l’article 8, paragraphe 3, premier alinéa, sous e), de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, n’a révélé aucun élément de nature à affecter la validité de cette disposition au regard des articles 6 et 52, paragraphes 1 et 3, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.