Language of document : ECLI:EU:F:2008:20

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

21 février 2008 (*)

« Fonction publique – Agent contractuel – Réclamation tardive – Recours manifestement irrecevable »

Dans l’affaire F‑63/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Miriam Arana de la Cal, agent contractuel de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me L. Vogel, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et G. Berscheid, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes M. Arpio Santacruz et I. Sulce, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. H. Kanninen, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 8 juillet 2005, Mme Arana de la Cal demande, d’une part, l’annulation de la décision du 21 mars 2005 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») a rejeté sa demande du 30 novembre 2004, requalifiée en réclamation, formée contre la décision fixant son classement et sa rémunération lors de son engagement en qualité d’agent contractuel selon le contrat ayant pris effet le 16 septembre 2004 (ci‑après la « décision attaquée »), ainsi que, d’autre part, l’octroi de dommages et intérêts qu’elle évalue à 25 000 euros.

 Faits à l’origine du litige

2        La requérante a été engagée en qualité d’agent contractuel relevant du groupe de fonctions II, à la Commission des Communautés européennes, au sein de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels », en vertu d’un contrat ayant pris effet le 16 septembre 2004. Elle a alors été classée au grade 4, échelon 1.

3        Auparavant, la requérante exerçait en qualité d’agent auxiliaire les mêmes fonctions en vertu d’un contrat initialement conclu pour une période de deux mois et demi, ayant couru du 16 octobre 2003 au 31 décembre suivant, et ayant été renouvelé à plusieurs reprises jusqu’au 15 septembre 2004.

4        Alors que, en sa qualité d’agent auxiliaire relevant de la catégorie C, groupe VII, classe 3, la requérante percevait une rémunération de 2 498,21 euros par mois, elle perçoit, en sa qualité d’agent contractuel, une rémunération mensuelle de 1 681,40 euros.

5        Le 30 novembre 2004, la requérante a introduit une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), sollicitant la révision de son classement ainsi qu’une majoration de sa rémunération.

6        L’AHCC a requalifié cette demande en réclamation, fondée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut, ce que la requérante a accepté.

7        Par décision de l’AHCC, du 21 mars 2005, notifiée le 22 mars 2005 et réceptionnée le 30 mars suivant, ladite réclamation a été rejetée.

 Procédure et conclusions des parties

8        Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑271/05.

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 21 mars 2005, rejetant sa réclamation formée contre la décision attaquée ;

–        pour autant qu’il soit nécessaire, annuler également la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à lui verser une indemnité de 25 000 euros, sous réserve expresse d’augmentation, de diminution ou de précisions ultérieures ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme partiellement irrecevable et partiellement non fondée, sinon comme non fondée dans sa totalité ;

–        rejeter la demande en indemnité comme irrecevable, sinon comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      Par ordonnance du 15 novembre 2005 du président de la deuxième chambre du Tribunal de première instance, le Conseil de l’Union européenne a été admis à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le moyen relatif à l’illégalité du règlement (CE, Euratom) n° 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant ce Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe de ce dernier sous le numéro F‑63/05.

14      Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 23 mars 2006, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire F‑59/05, De Smedt/Commission. La décision dans cette même affaire a été rendue par arrêt du 19 octobre 2006 (non encore publié au Recueil). À la suite du pourvoi, introduit par la partie requérante le 29 décembre 2006 contre ledit arrêt et portant le numéro T‑415/06 P, De Smedt/Commission, la procédure dans la présente affaire a à nouveau été suspendue, par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 15 mars 2007, jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal de première instance mettant fin à l’instance dans l’affaire De Smedt/Commission, T‑415/06 P.

15      Le 9 juillet 2007, le Tribunal de première instance a rejeté par voie d’ordonnance le pourvoi dans l’affaire De Smedt/Commission, T‑415/06 P (non encore publiée au Recueil).

16      Par lettres du greffe du 13 juillet 2007, le Tribunal a invité les parties à déposer des observations sur les conséquences éventuelles de l’ordonnance De Smedt/Commission, précitée, sur la présente affaire. Dans ses observations, la Commission conclut au rejet du présent recours comme non fondé, voire manifestement non fondé. Le Conseil conclut au rejet de l’exception d’illégalité soulevée dans la présente instance comme manifestement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée. La requérante n’a pas déposé d’observations.

17      Par lettre du greffe du 20 novembre 2007, le juge rapporteur a, en vertu de l’article 55, paragraphe 2, sous d), et de l’article 56 du règlement de procédure, adopté le 25 juillet 2007 (JO L 225, p. 1) et entré en vigueur le 1er novembre suivant, invité la requérante à produire une copie intégrale de son contrat d’agent contractuel, afin de permettre au Tribunal d’apprécier la recevabilité du recours et, en particulier, de vérifier l’affirmation de la requérante, contenue dans la requête introductive de la présente instance, selon laquelle ledit contrat lui a été soumis le 19 août 2004. La requérante n’a pas déféré à cette invitation.

18      Par lettre du greffe du 11 décembre 2007, le juge rapporteur a, en vertu des mêmes dispositions que celles visées au point précédent, invité la Commission à produire une copie intégrale du contrat d’agent contractuel, où apparaîtrait la date à laquelle le contrat a été effectivement signé par la requérante. La Commission a produit une copie du contrat, correspondant à celle déjà contenue en annexe au mémoire en duplique, ainsi qu’une copie de la demande du 30 novembre 2004, requalifiée en réclamation. Il ressort de la copie du contrat litigieux que celui‑ci porte, aussi bien à la première page qu’à la seconde, la date du 19 août 2004 et contient, au bas de cette dernière page, la mention « Lu et approuvé – Miriam Arana de la Cal (signature de l’agent) » suivie de la signature de la requérante, sans qu’aucune date soit indiquée. De plus, la requérante précise elle‑même, dans sa demande requalifiée en réclamation, qu’elle a signé le contrat litigieux qui lui avait été proposé, le 19 août 2004.

 Sur la recevabilité

19      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

20      En l’espèce, à la lumière du dossier, le Tribunal décide de statuer sans poursuivre la procédure.

21      La question se pose de savoir si la procédure précontentieuse a été respectée et, en particulier, si la réclamation administrative a été introduite dans les délais statutaires.

22      Il convient de rappeler à titre liminaire que, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours, visés aux articles 90 et 91 du statut, sont d’ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties et du juge à qui il appartient de vérifier, même d’office, s’ils ont été respectés. Ces délais répondent à l’exigence de la sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 juillet 1971, Müllers/CES, 79/70, Rec. p. 689, point 18 ; du 4 février 1987, Cladakis/Commission, 276/85, Rec. p. 495, point 11, et du 29 juin 2000, Politi/ETF, C‑154/99 P, Rec. p. I‑5019, point 15).

23      Il découle également d’une jurisprudence constante que le fait qu’une institution réponde sur le fond à une réclamation administrative tardive et donc irrecevable ne peut avoir pour effet de déroger au système des délais impératifs institués par les articles 90 et 91 du statut ni de priver l’administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d’irrecevabilité tirée de la tardiveté de la réclamation et encore moins de dispenser le Tribunal de l’obligation qui lui incombe de vérifier, même d’office, le respect des délais statutaires (voir arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Moussis/Commission, 227/83, Rec. p. 3133, point 13 ; arrêts du Tribunal de première instance du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 23 ; du 25 septembre 1991, Lacroix/Commission, T‑54/90, Rec. p. II‑749, point 25 ; du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 41, et du 17 janvier 2001, Kraus/Commission, T‑14/99, RecFP p. I‑A‑7 et II‑39, point 20).

24      Il y a donc lieu d’examiner si la réclamation dirigée contre la décision attaquée a été introduite dans le délai de trois mois visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

25      Selon une jurisprudence constante, pour qu’une décision soit dûment notifiée au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il faut non seulement qu’elle ait été communiquée à son destinataire, mais aussi que celui-ci ait été en mesure de prendre utilement connaissance de son contenu (voir arrêt de la Cour du 15 juin 1976, Jänsch/Commission, 5/76, Rec. p. 1027, point 10 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 23 novembre 2005, Ruiz Bravo-Villasante/Commission, T‑507/04, RecFP p. I‑A‑361 et II‑1609, point 29 ; arrêt du Tribunal de première instance du 19 octobre 2006, T‑311/04, Buendía Sierra/Commission, Rec. p. II‑4137, point 121).

26      En l’espèce, dans la requête, la requérante affirme que le contrat litigieux lui a été soumis le 19 août 2004 et, dans sa demande requalifiée en réclamation, elle précise avoir signé ledit contrat qui lui avait été « proposé, le 19 août 2004 ». Comme indiqué au point 17 de la présente ordonnance, la requérante a été invitée par le Tribunal à s’expliquer à cet égard, mais cette demande est restée sans suite, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que l’intéressée a pu utilement prendre connaissance du contenu du contrat à cette dernière date.

27      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que le contrat litigieux a été signé par la requérante à la date du 19 août 2004.

28      Par conséquent, pour introduire sa réclamation, la requérante disposait d’un délai de trois mois à compter de la prise de connaissance du contenu de la décision attaquée, délai expirant le 19 novembre 2004. Or, la réclamation a été introduite le 30 novembre 2004, soit onze jours après l’expiration du délai.

29      Le recours doit donc être considéré comme manifestement irrecevable en raison de la tardiveté de la réclamation préalable.

 Sur les dépens

30      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et aux frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

31      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé en son recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme manifestement irrecevable.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 21 février 2008.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions communautaires citées dans celle-ci et non encore publiées au Recueil sont disponibles sur le site internet de la Cour de justice : www.curia.europa.eu


* Langue de procédure : le français.