Language of document : ECLI:EU:T:2018:916

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2018 (*)

 « Aides d’État – Aide en faveur du secteur laitier bavarois – Financement des tests de qualité du lait – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Droits procéduraux du Land de Bavière – Article 108, paragraphe 2, TFUE – Article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 »

Dans l’affaire T‑683/15,

Freistaat Bayern (Allemagne), représenté par Mes U. Soltész et H. Weiß, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche, Mmes K. Herrmann et P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur l’aide d’État SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484 (2012/NN)] octroyée par l’Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi sur le lait et les matières grasses (JO 2015, L 334, p. 23),

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, L. Calvo‑Sotelo Ibáñez‑Martín et Mme I. Reine (rapporteur), juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 février 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        En Allemagne, la qualité du lait est traditionnellement assurée par des tests de qualité indépendants. Ces tests de qualité du lait sont financés, en Bavière (Allemagne), d’une part, par des ressources tirées du prélèvement sur le lait imposé aux acquéreurs de lait et, d’autre part, au moyen du budget général du requérant, Freistaat Bayern (Land de Bavière, Allemagne).

 Cadre juridique national

2        L’article 22, paragraphe 1, du Gesetz über den Verkehr mit Milch, Milcherzeugnissen und Fetten (loi fédérale allemande sur le lait et les matières grasses) de 1952 (BGBl. 1952 I, p. 811, ci-après la « MFG »), modifié en dernier lieu par l’article 397 du règlement du 31 août 2015 (BGBl. 2015 I, p. 1474), prévoit que les gouvernements des Länder peuvent, en consultation avec l’association de Land concernée, cette association étant créée en application de la MFG et composée d’entreprises du secteur laitier et de consommateurs qui défendent de manière commune leurs intérêts économiques, ou avec les organisations professionnelles concernées, appliquer conjointement aux laiteries, aux centrales de collecte du lait ou aux crémeries des prélèvements afin de soutenir le secteur laitier. L’article 22, paragraphes 2 et 2a, de la MFG dispose que les ressources obtenues en vertu du paragraphe 1 ne peuvent être utilisées que pour le financement de neuf objectifs, parmi lesquels la promotion et la préservation de la qualité du lait dont le financement fait l’objet du présent recours.

3        Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la Milch‑Güteverordnung (règlement sur la qualité du lait) du 9 juillet 1980 (BGBl. 1980 I, p. 878, ci-après la « MGV »), modifiée en dernier lieu par le règlement du 17 décembre 2010 (BGBl. 2010 I, p. 2132), les acquéreurs du lait livré ont l’obligation d’analyser celui-ci ou de le faire analyser.

4        En vertu de l’article 4 de la Bayerische Ausführungsverordnung zur Milch‑Güteverordnung (règlement d’exécution de la MGV en Bavière) du 15 décembre 1980 (GVBl. 1981, p. 3), remplacée par l’article 2, paragraphe 1, de la Bayerische Ausführungsverordnung zum MGV (règlement d’exécution de la MGV en Bavière) du 7 décembre 1988 (GVBl. 1988, p. 387), l’organisme de contrôle du lait, Milchprüfring Bayern e.V. (ci-après le « Milchprüfring »), est chargé de réaliser ces contrôles.

5        L’article 1er de la Milchumlageverordnung (règlement relatif au prélèvement sur le lait) du 17 octobre 2007 (BayGVBl. 2007, p. 727) du ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Sylviculture bavarois, prise sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, de la MFG, prévoit qu’il est appliqué aux exploitants de laiteries un prélèvement pour les quantités de lait cru qui leur sont livrées.

6        Conformément à l’article 23 de la Haushaltsordnung des Freistaates Bayern (règlement financier de l’État libre de Bavière) du 8 décembre 1971 (BayRS 630-1-F, ci-après-le « BayHO »), qui relève de la partie II « Établissement du budget et du plan financier » de ce règlement, les dépenses et les crédits d’engagement pour des prestations envers des services extérieurs à l’administration étatique en vue de la réalisation de certains objectifs ne peuvent être estimés dans le budget que si l’État possède un intérêt prépondérant à cette réalisation qui ne saurait être satisfait en l’absence des subventions correspondantes ou, à tout le moins, pas dans la mesure nécessaire.

7        L’article 44 du BayHO, qui figure dans la partie III intitulée « Mise en œuvre du budget » de ce règlement, dispose que ces subventions ne peuvent être versées que dans les conditions prévues à l’article 23 de ce règlement.

 Procédure administrative

8        Par lettres des 28 novembre 2011 et 27 février 2012, la Commission européenne a demandé à la République fédérale d’Allemagne des informations complémentaires concernant le rapport annuel de 2010 sur les aides d’État dans le secteur agricole, transmis par cette dernière conformément à l’article 21, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). La République fédérale d’Allemagne a répondu aux questions de la Commission par lettres des 16 janvier 2012 et 27 avril 2012. Au regard des réponses de la République fédérale d’Allemagne, il est apparu à la Commission que celle-ci avait accordé une aide d’État à son secteur laitier, au titre de la MFG.

9        Par lettre du 2 octobre 2012, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne que les mesures mises en place par les divers Länder allemands, y compris le Land de Bavière et celui de Bade-Wurtemberg, en application de l’habilitation que leur donne l’article 22 de la MFG, avaient été enregistrées en tant qu’aide non notifiée sous le numéro SA.35484 (2012/NN). Par lettres du 16 novembre 2012 et des 7, 8, 11, 13, 14, 15 et 19 février, 21 mars, 8 avril, 28 mai, 10 et 25 juin et 2 juillet 2013, la République fédérale d’Allemagne a fourni de plus amples informations à la Commission.

10      Par lettre du 17 juillet 2013 [C(2013) 4457 final] (JO 2014, C 7, p. 8), la Commission a communiqué à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture »). Cette décision porte sur diverses mesures mises en œuvre dans plusieurs Länder allemands au titre de la MFG afin de soutenir le secteur laitier, y compris les aides visées dans la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur l’aide d’État SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484 (2012/NN)] octroyée par l’Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi sur le lait et les matières grasses (JO 2015, L 334, p. 23, ci-après la « décision attaquée »). L’aide visée dans le présent recours était une des mesures examinées dans cette décision. En ce qui concerne cette aide, la Commission, d’une part, a cité, au point 2.5 de la décision d’ouverture, dédié au financement des mesures examinées, l’article 22 de la MFG qui porte sur le prélèvement sur le lait. D’autre part, au considérant 264 de cette décision, la Commission a indiqué que les mesures examinées étaient financées au moyen d’un prélèvement parafiscal, en renvoyant à cette même disposition de la MFG.

11      À l’issue de son analyse, la Commission a constaté la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur pour la période allant du 28 novembre 2001 au 31 décembre 2006, tout en émettant des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur à compter du 1er janvier 2007.

12      Par lettre du 20 septembre 2013, la République fédérale d’Allemagne a formulé ses observations sur la décision d’ouverture de la procédure.

13      La Commission a reçu sept communications d’observations de la part de parties intéressées faisant référence aux mesures concernant les tests de qualité du lait visées par la décision attaquée.

14      Les observations reçues ont été transmises à la République fédérale d’Allemagne par lettres des 27 février, 3 mars et 3 octobre 2014.

15      Par lettre du 3 décembre 2014, la République fédérale d’Allemagne a pris position sur des observations supplémentaires présentées le 8 juillet 2014.

 Décision attaquée

16      Le 18 septembre 2015, la Commission a adopté la décision attaquée. Cette décision concerne exclusivement le financement des tests de qualité du lait effectués à partir du 1er janvier 2007 dans le Bade-Wurtemberg (Allemagne) et en Bavière. Le présent recours se limite aux mesures relatives à ce dernier Land.

17      En premier lieu, la Commission a vérifié si les ressources tirées du prélèvement sur le lait constituaient des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission a considéré que la décision finale au sujet de l’affectation des ressources appartenait aux autorités du Land concernées, c’est-à-dire à l’État, tandis que, conformément à l’article 22, paragraphe 3, troisième phrase, de la MFG, l’association de Land ou les organisations professionnelles devaient uniquement être entendues avant l’affectation des ressources. De plus, la MFG définissait, à l’article 22, paragraphe 2, points 1 à 6, à quelles fins les ressources tirées du prélèvement sur le lait pouvaient être utilisées. Par conséquent, la Commission a considéré que les recettes tirées du prélèvement sur le lait devaient être considérées comme étant placées sous contrôle public et que les mesures financées par les ressources tirées du prélèvement sur le lait étaient mises à exécution au moyen de ressources d’État et étaient imputables à l’État. Enfin, elle a transposé ce constat au financement au moyen du budget général du Land de Bavière.

18      En deuxième lieu, la Commission a constaté que les laiteries de Bavière ont bénéficié d’un avantage sélectif à travers le remboursement, au moyen des ressources tirées du prélèvement et du budget général du Land de Bavière, des coûts pour les tests de qualité du lait qui leur incombaient. La Commission a estimé que ces tests de qualité du lait bénéficiaient, en fin de compte, aux laiteries, puisque ces dernières étaient tenues par la loi de procéder à l’analyse du lait qui leur était livré. Les laiteries constituaient des entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et les coûts liés au paiement versé à un organisme d’analyse aux fins des tests de la qualité du lait devaient être considérés comme des frais d’exploitation classiques que les entreprises concernées, c’est-à-dire les laiteries, devaient normalement supporter elles-mêmes. Par ailleurs, selon la Commission, tout avantage éventuel était octroyé seulement à « certaines entreprises » puisqu’il existait, outre le secteur des laiteries, de nombreux autres secteurs économiques en Allemagne qui ne profitaient pas des mesures en cause. L’éventuel avantage octroyé était par conséquent sélectif. De plus, dans des Länder autres que le Bade-Wurtemberg et la Bavière, les laiteries n’étaient pas remboursées des montants des coûts des analyses au moyen des ressources tirées du prélèvement sur le lait. Enfin, au considérant 145 de la décision attaquée, la Commission a tenu compte du fait que la mesure était également financée au moyen du budget général du Land de Bavière. Par conséquent, selon elle, le bénéfice que les laiteries ont tiré de la prise en charge des tests sur la qualité du lait ne correspondait pas nécessairement à ce qu’elles avaient versé au titre du prélèvement sur le lait.

19      En troisième lieu, dans la décision attaquée, il a été considéré que, en ce qui concerne la présence d’une aide existante, le ministère fédéral compétent et les Länder allemands ont adopté les dispositions d’exécution qui constituaient les bases juridiques des mesures examinées dans cette décision. La Commission a estimé que, à part la MFG qui n’instituait pas le régime d’aide concerné, les autorités allemandes n’ont transmis aucune information attestant l’existence d’une base juridique adoptée avant 1958 et qui devait encore être appliquée, avec son contenu initial, durant la période examinée.

20      En quatrième et dernier lieu, la Commission a constaté que les aides destinées aux contrôles de routine du lait ne remplissaient pas les conditions fixées au point 109 des lignes directrices de la Communauté concernant les aides d’État dans le secteur agricole et forestier 2007-2013 (JO 2006, C 319, p. 1), lu en combinaison avec l’article 16, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1857/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles [107 et 108 TFUE] aux aides d’État accordées aux petites et moyennes entreprises actives dans la production de produits agricoles et modifiant le règlement (CE) no 70/2001 (JO 2006, L 358, p. 3), auquel le point 109 renvoie.

21      Dans ces conditions, la Commission a décidé, à l’article 1er de la décision attaquée, que l’aide accordée depuis le 1er janvier 2007 en Bavière était illégale et incompatible avec le marché intérieur. Aux articles 2 à 4 de cette décision, la Commission a ordonné la récupération de l’aide et a prescrit les modalités de celle-ci.

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 novembre 2015, le requérant a introduit le présent recours.

23      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 2 mars 2016.

24      Le requérant a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 23 mai 2016.

25      Par décision du 14 juin 2016 du président du Tribunal, en raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur.

26      La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 5 septembre 2016.

27      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

28      Au titre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé, le 9 janvier 2018, des questions écrites aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.

29      Le 9 février 2018, au titre de mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a posé de nouvelles questions écrites, pour réponse lors de l’audience.

30      Lors de l’audience du 27 février 2018, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il y est constaté que la République fédérale d’Allemagne a octroyé au profit des exploitations du secteur laitier concernées en Bavière une aide d’État en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour les tests de qualité du lait effectués en Bavière, aide qui est incompatible avec le marché intérieur depuis le 1er janvier 2007 ;

–        annuler les articles 2 à 4 de la décision attaquée en ce qu’il y est ordonné aux exploitations du secteur laitier concernées en Bavière de restituer l’aide à majorer des intérêts ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

33      À l’appui de son recours, le requérant soulève cinq moyens :

–        le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) ;

–        le deuxième moyen est tiré, dans une première branche, de l’absence d’avantage au profit des acquéreurs de lait, ainsi que, dans une seconde branche, de l’absence de caractère sélectif de l’avantage accordé aux laiteries bavaroises ;

–        le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est déduit de l’absence de violation de l’obligation de notification et de l’illégalité subséquente de la récupération en vertu de l’article 108, paragraphes 1 et 3, TFUE, ainsi que de l’article 14 du règlement 2015/1589 ;

–        le quatrième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est pris du fait que la Commission a rejeté à tort la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur ;

–        le cinquième moyen, invoqué à titre subsidiaire, est tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999

34      À titre liminaire, il convient d’observer que le requérant fait référence, dans son recours, au règlement 2015/1589. En réponse à une question posée par le Tribunal, le requérant a précisé, à l’écrit puis lors de l’audience, qu’il entendait viser le règlement applicable aux faits de l’espèce, à savoir le règlement no 659/1999, qui n’a été abrogé et remplacé par le règlement 2015/1589 que postérieurement à la date d’adoption de la décision attaquée. Il convient d’ajouter que les dispositions invoquées de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 24, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 reprennent à l’identique les dispositions de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

35      Au regard de ce qui précède, il sera fait référence uniquement, dans le présent arrêt, au règlement no 659/1999.

 Arguments des parties

36      Premièrement, le requérant estime que la décision attaquée est entachée d’une grave erreur procédurale qui a non seulement violé les droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne et ses droits de participer à la procédure, mais aussi faussé l’ensemble de la procédure d’examen. En effet, la décision attaquée serait allée au-delà de l’objet de la décision d’ouverture sur laquelle elle est fondée, dans la mesure où le financement des tests de qualité du lait à partir de ressources de son budget général ne serait pas visé dans la décision d’ouverture. De plus, en ne donnant ni à la République fédérale d’Allemagne ni aux parties intéressées l’occasion de présenter des observations à ce sujet, la Commission a, selon le requérant, adopté une décision souffrant d’un déficit de motivation et d’investigation. En tout état de cause, même si les deux mécanismes de financement devaient être perçus comme étant une mesure d’aide unique, ils seraient trop différents et auraient dû, par conséquent, être clairement identifiés dans la décision d’ouverture. Par ailleurs, le requérant soutient que, même si le financement à partir de ressources de son budget général a été invoqué au stade de l’examen préalable à la décision d’ouverture, cela n’empêche pas l’illégalité de la décision attaquée dans la mesure où ce financement aurait dû être précisément défini dans l’objet de la décision d’ouverture.

37      Deuxièmement, le requérant fait valoir que la procédure formelle d’examen doit être régulière pour que la décision attaquée soit valide. Selon lui, une décision d’ouverture régulière doit être limitée clairement dans son objet, la Commission ayant toujours la possibilité d’adopter une décision d’élargissement, le cas échéant. Selon le requérant, si la Commission outrepasse l’objet de la décision d’ouverture, les droits de la défense et le droit d’être entendu des personnes concernées sont violés. Un tel vice doit être examiné d’office par le Tribunal et entraîner, de manière inconditionnelle, l’annulation de la décision attaquée. Il ajoute que, même si, d’un point de vue formel, seul l’État membre est destinataire des décisions de la Commission, les tiers concernés, directement intéressés, doivent également se voir accorder le droit d’être entendus et le droit de participer à la procédure. De plus, le droit du requérant d’être associé à la procédure administrative dans une mesure adéquate serait violé. En outre, le requérant s’estime en droit d’invoquer de manière procédurale une violation des droits de la défense de l’État fédéral en tant qu’entité menant le procès pour le compte de ce dernier. Enfin, le requérant a confirmé, lors de l’audience, que la violation des droits de la défense et celle du droit d’être associé à la procédure administrative étaient deux griefs distincts regroupés dans le même moyen.

38      Troisièmement, le requérant estime que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si les parties intéressées avaient eu l’occasion de faire connaître leur point de vue sur l’aspect relatif aux ressources de son budget général. D’une part, le requérant soutient que le fait de mettre à disposition du Milchprüfring des ressources de son budget général ne comporte aucun avantage (indirect) pertinent sous l’angle du droit des aides. En effet, ces ressources serviraient au financement d’analyses complémentaires, allant au-delà des analyses légalement obligatoires et ne constituant pas non plus des tests supplémentaires à l’initiative des laiteries au sens des articles 3 et 4 du règlement d’exécution de la MGV en Bavière dont le coût est supporté en totalité par les laiteries. Ces tests ne seraient pas réalisés dans l’intérêt des laiteries, mais dans celui des consommateurs et dans l’intérêt général. Le requérant estime également que ces ressources ne sont pas des aides, mais le dédommagement de la prise en charge d’une activité de puissance publique que le Milchprüfring exerce pour le Land de Bavière. D’autre part, le requérant soutient que la récupération de cette prétendue aide est exclue étant donné que la mise à disposition des ressources de son budget général constitue une « aide existante »et que des financements similaires existent depuis les années 1930.

39      La Commission répond, en premier lieu, que selon une jurisprudence constante, le requérant ne saurait invoquer les droits de la défense de la République fédérale d’Allemagne, étant donné qu’il s’agit de droits subjectifs qui ne peuvent être invoqués que par cette dernière. Elle ajoute que la violation du droit d’être associé à la procédure administrative dans une mesure adéquate, invoquée par le requérant pour la première fois dans la réplique, est un moyen nouveau et donc irrecevable.

40      En deuxième lieu, la Commission soutient que le financement des tests de qualité du lait avec des ressources tirées du budget général du Land de Bavière ne constitue pas une mesure d’aide autonome. Selon elle, la mesure d’aide visée par la procédure d’examen consiste dans l’exonération, dont bénéficient les acquéreurs du lait, des coûts à supporter pour les analyses de sa qualité. Les ressources budgétaires utilisées à cette fin ne seraient qu’une autre forme de « ressources d’État », l’un des quatre éléments constitutifs d’une aide d’État. Ces ressources seraient destinées aux mêmes analyses que celles financées par le prélèvement sur le lait et l’avantage profiterait aux mêmes acquéreurs. Selon la Commission, le requérant ne conteste pas le fait que la mesure attaquée soit financée avec des ressources d’État, mais il déplore simplement que le montant et la provenance de l’aide n’aient pas été suffisamment détaillés dans la décision d’ouverture alors qu’il a disposé de ces informations. Par ailleurs, la Commission dément le fait que le financement à partir de ressources budgétaires du Land de Bavière portait uniquement sur les « tests supplémentaires allant au-delà de ce qui est obligatoire ». Elle ajoute que ni les parties intéressées ni l’État membre n’ont fait savoir lors de la procédure formelle que le financement par prélèvement sur le lait ne concernait que le nombre minimal d’échantillons prescrit à l’article 2, paragraphes 1 à 8, de la MGV.

41      En troisième lieu, la Commission estime que le requérant se trompe lorsqu’il prétend que la décision attaquée concerne une mesure d’aide dont il n’était pas question dans la décision d’ouverture. Elle invoque à ce titre une jurisprudence constante selon laquelle la décision d’ouverture peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit et doit uniquement mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen. À cette fin, il suffirait que les parties intéressées connaissent le raisonnement de la Commission qui n’est pas tenue, à ce stade, de présenter une analyse aboutie de l’aide en cause. Quand bien même, si la décision d’ouverture se limitait au prélèvement, la motivation avancée dans celle-ci s’appliquerait a fortiori aux mesures qui sont financées directement avec des ressources de l’État.

42      En quatrième lieu, la Commission conteste l’argument selon lequel le financement des tests de qualité du lait avec des ressources tirées du budget général du Land de Bavière serait exclu de la décision d’ouverture et ne serait pas couvert par la procédure formelle d’examen. La Commission ne conteste pas que ce financement n’a pas été explicitement mentionné dans la décision d’ouverture, mais elle soutient qu’il n’a pas non plus été expressément exclu de l’examen de la mesure d’aide. Elle ajoute que le point 3.3.1 de la décision d’ouverture ne saurait être interprété comme limitant l’examen formel au financement avec des ressources tirées du prélèvement sur le lait, puisque la Commission aurait expliqué que ce type de financement équivalait au financement avec des ressources d’État et qu’il était inutile d’aborder ce dernier. De surcroît, la Commission soutient qu’il ressort de l’économie de la décision d’ouverture que les ressources budgétaires sont également prises en compte et que le « soutien financier » englobe les deux aspects : le prélèvement et les ressources budgétaires. La formulation de la décision d’ouverture ne permettrait pas d’affirmer que la décision attaquée viole l’article 108, paragraphe 2, TFUE dans la mesure où celle-ci nomme explicitement l’élément constitutif de la mesure d’aide, lequel n’aurait pas été contesté et devait être mentionné expressément pour déterminer l’ampleur de la récupération.

43      En cinquième et dernier lieu, la Commission affirme que l’allégation du requérant selon laquelle la décision d’ouverture l’aurait empêché de s’exprimer sur une série d’aspects de la mesure d’aide financée par les ressources budgétaires est dénuée de pertinence. La Commission rappelle d’abord que le Land de Bavière a pu participer à la procédure d’examen à travers la participation du gouvernement fédéral allemand. Par ailleurs, elle soutient que les États membres et les parties intéressées ont pu faire valoir leurs arguments concernant l’absence alléguée d’avantage, pour les acquéreurs de lait, résultant de la prise en charge des montants des coûts des analyses effectuées par le Milchprüfring ou sur la présence d’une aide existante. En outre, la Commission affirme que des subventions à partir des budgets de l’État ont eu lieu pour la première fois en 1970, bien après l’entrée en vigueur du traité instituant la Communauté économique européenne, signé à Rome le 25 mars 1957. À titre subsidiaire, la Commission estime que, si une violation du droit du requérant à présenter ses observations a eu lieu, celle-ci ne saurait entraîner l’annulation de la décision attaquée, car la procédure n’aurait pu aboutir à un résultat différent, quelles que soient les observations formulées.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur le grief tiré de la violation des droits de la défense

44      S’agissant des droits des entités infra-étatiques ayant octroyé les aides d’État, il convient de relever que la procédure administrative en matière d’aides d’État est seulement ouverte à l’encontre de l’État membre concerné. Seul ce dernier, en tant que destinataire de la décision attaquée, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense. Les entités infra-étatiques qui octroient les aides, telles que le requérant, tout comme les entreprises bénéficiaires des aides et leurs concurrents, sont uniquement considérés comme étant des intéressés dans cette procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 122, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 71 et jurisprudence citée). La violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par sa nature, laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui-même (voir arrêts du 9 septembre 2009, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑30/01 à T‑32/01 et T‑86/02 à T‑88/02, EU:T:2009:314, point 238 et jurisprudence citée, et du 1er juillet 2010, ThyssenKrupp Acciai Speciali Terni/Commission, T‑62/08, EU:T:2010:268, point 186 et jurisprudence citée).

45      Il s’ensuit que le Land de Bavière ne peut pas se prévaloir des droits de la défense en ce qui concerne la République fédérale d’Allemagne ou en ce qui le concerne. Il dispose du seul droit d’être associé à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce [voir, en ce sens, arrêts du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, EU:T:2006:137, point 80 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 107]. Partant, ce grief doit être rejeté.

–       Sur le grief tiré de la violation du droit d’être associé à la procédure administrative

46      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a le devoir de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations lors de la phase d’examen formel [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, EU:T:2006:59, point 78 ; du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, EU:T:2006:137, point 83 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 106]. Cette règle a le caractère d’une formalité substantielle (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07, EU:C:2008:709, point 55). En ce qui concerne ce devoir, selon une jurisprudence constante, la publication d’un avis au Journal officiel constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure [arrêts du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17, et du 31 mai 2006, Kuwait Petroleum (Nederland)/Commission, T‑354/99, EU:T:2006:137, point 81]. Cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (arrêts du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, EU:C:1973:87, point 19 ; du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 256, et du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, point 73).

47      En application de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, la décision d’ouverture récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire de la Commission et expose les raisons qui incitent à douter de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur. La procédure formelle d’examen permet, quant à elle, d’approfondir et d’éclaircir les questions soulevées dans la décision d’ouverture (arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 69). En revanche, il est nécessaire que la Commission, sans être tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de l’aide en cause, définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2009, ISD Polska e.a./Commission, T‑273/06 et T‑297/06, EU:T:2009:233, point 126 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 108). À cette fin, il suffit que les parties intéressées connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (arrêts du 11 mai 2005, Saxonia Edelmetalle et ZEMAG/Commission, T‑111/01 et T‑133/01, EU:T:2005:166, point 50, et du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 110).

48      Il résulte de l’article 7 du règlement no 659/1999 que, à l’issue de cette procédure, l’analyse de la Commission peut avoir évolué, puisqu’elle peut décider finalement que la mesure ne constitue pas une aide ou que les doutes sur son incompatibilité ont été levés. Il s’ensuit que la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, sans que celles-ci vicient pour autant la décision finale (arrêts du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 69, et du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T‑231/06 et T‑237/06, EU:T:2010:525, point 50).

49      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le présent grief.

50      À titre liminaire, il convient de relever que, comme il ressort du point 37 ci-dessus, et eu égard au contenu de la requête, l’invocation des droits de participation à la procédure et du droit d’être entendu se confond en réalité avec l’invocation, par le requérant, de son droit d’être associé à la procédure administrative.

51      En outre, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la Commission, le requérant a soulevé aux points 56 et 59 de la requête, et non au stade de la réplique, la violation du droit d’être associé à la procédure administrative conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 20 du règlement no 659/1999. Il s’ensuit que le grief est recevable.

52      Dès lors, afin d’analyser l’existence d’une violation de ce droit, il y a lieu d’examiner la décision attaquée à la lumière de la décision d’ouverture afin de déterminer si le financement par les ressources du budget général du Land de Bavière était déjà visé par cette dernière.

53      En premier lieu, comme cela est indiqué au point 10 ci-dessus, le point 2.5 de la décision d’ouverture porte sur le cadre du financement des aides qui font l’objet de la procédure formelle d’examen. Dans ce point, il est renvoyé à l’article 22 de la MFG. Cette disposition intitulée « Prélèvements » se rapporte aux prélèvements sur le lait, ce qui est par ailleurs indiqué au considérant 8 de cette décision. Par conséquent, cette disposition a été identifiée, dans la décision d’ouverture, comme le fondement de la perception du prélèvement sur le lait. En revanche, cette disposition ne porte aucunement sur les ressources tirées du budget général du Land de Bavière.

54      En outre, le BayHO, en particulier ses articles 23 et 44, cités aux points 6 et 7 ci-dessus, que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, comme étant la base juridique de l’aide, n’a pas été mentionné dans la décision d’ouverture.

55      En deuxième lieu, le point 3.1 de la décision d’ouverture, ayant pour objet un commentaire général sur l’évaluation effectuée par la Commission, et en particulier le point 3.3.1 intitulé « Aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État », porte également sur le prélèvement sur le lait, conformément à la MFG. Notamment, dans les considérants 130 et 132, il est exposé que, en vertu de cette loi, le prélèvement est collecté auprès des opérateurs privés afin de soutenir les sous-mesures variables examinées. Au considérant 133, la Commission a tiré la conclusion que « les mesures financées par les revenus du prélèvement ont été accordées au moyen de ressources d’État et lui sont imputables ».

56      En troisième lieu, comme cela est indiqué au point 10 ci-dessus, le considérant 264 de la décision d’ouverture indique également que la mesure en cause est financée au moyen du prélèvement sur le lait.

57      En revanche, comme il ressort du point 10 ci-dessus et comme cela a été confirmé par la Commission elle-même, le financement des tests de qualité du lait avec des ressources budgétaires du Land de Bavière n’a pas été mentionné dans la décision d’ouverture.

58      Dès lors, les intéressés pouvaient légitimement présumer que l’examen de la Commission dans la décision d’ouverture portait exclusivement sur les ressources provenant du prélèvement sur le lait.

59      Cette constatation n’est pas démentie par les arguments de la Commission.

60      En premier lieu, il ne saurait être admis, comme le soutient la Commission, qu’il suffit que la décision d’ouverture n’ait pas exclu le financement au moyen de ressources provenant du budget général du Land de Bavière. À cet égard, il y a lieu de constater que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, « la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit ». Par conséquent, cette disposition établit une obligation positive à l’égard de la Commission, en application de laquelle elle ne pouvait pas se fonder sur un tel argument qui viderait cette obligation de sa substance.

61      Conformément à la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus, même si la Commission n’est pas tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de l’aide en cause, il est nécessaire qu’elle définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations.

62      En deuxième lieu, doit de même être rejeté l’argument de la Commission selon lequel toutes les parties intéressées étaient informées du fait que l’aide était alimentée par plusieurs sources de financement et qu’un renvoi exprès en ce sens n’était pas nécessaire. Concrètement, le fait que le financement de l’aide par les ressources du budget général du Land de Bavière a été mentionné préalablement à l’adoption de la décision d’ouverture n’implique pas nécessairement que la Commission avait retenu cet élément dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Ainsi, en l’espèce, la question n’est pas de savoir si les parties intéressées connaissaient le fait que le financement de l’aide était composé de plusieurs sources, mais si elles étaient en mesure de déduire de la décision d’ouverture que l’examen de la Commission portait également sur le financement au moyen du budget général du Land de Bavière. Or, comme cela est indiqué au point 58 ci-dessus, tel n’était pas le cas en l’espèce.

63      En troisième lieu, la Commission n’est pas non plus fondée à soutenir que la provenance des ressources d’État est dénuée de pertinence dès lors qu’elles seraient destinées, en tout état de cause, à financer la même mesure d’aide.

64      D’une part, accepter un tel argument viderait de sa substance l’obligation à la charge de la Commission d’identifier les « éléments pertinents de fait et de droit » au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

65      Dans ce contexte, force est de relever que l’article 107, paragraphe 1, TFUE utilise le terme « ressources d’État » dans un sens très large, puisqu’il prévoit l’incompatibilité avec le marché intérieur des aides accordées au moyen de ces ressources « sous quelque forme que ce soit ». Par conséquent, ces ressources peuvent revêtir des formes diverses et, partant, la Commission est tenue de les identifier et de les analyser avec soin, étant ajouté que les ressources étatiques sont un des éléments constitutifs de la qualification d’aide. À cet égard, l’expression « soutien financier » employée par la Commission dans la décision d’ouverture, à supposer même qu’elle puisse être interprétée comme visant les deux sources de financement, doit être considérée comme étant insuffisamment précise.

66      Certes, conformément à la jurisprudence citée au point 48 ci-dessus, la décision finale peut présenter certaines divergences avec la décision d’ouverture, notamment à la suite des arguments présentés par les parties en réponse de la décision d’ouverture, sans que ces divergences vicient pour autant la décision finale (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2010, Pays-Bas et NOS/Commission, T‑231/06 et T‑237/06, EU:T:2010:525, points 48 et 49). Toutefois, une telle divergence n’est pas justifiée en l’espèce. Comme le reconnaît la Commission, celle-ci a été informée par l’État membre du financement au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière déjà bien avant l’adoption de la décision d’ouverture. Partant, lors de l’adoption de la décision d’ouverture, la Commission disposait déjà des informations lui permettant d’identifier le budget général du Land de Bavière en tant que source de financement de l’aide litigieuse. En outre, la Commission n’allègue pas que la référence au budget général du Land de Bavière dans la décision attaquée résulte de la prise en compte d’éléments fournis en réponse à la décision d’ouverture.

67      D’autre part, comme cela est indiqué au point 18 ci-dessus, la Commission a invoqué, au considérant 145 de la décision attaquée, le financement de l’aide par des ressources du budget général du Land de Bavière afin d’appuyer son raisonnement. En outre, aux considérants 170 et 173 de la décision attaquée, la Commission a explicitement précisé que, à la différence de celle octroyée dans le Bade-Wurtemberg, l’aide en Bavière avait été accordée non seulement au moyen du financement du prélèvement sur le lait, mais aussi au moyen du budget général de ce dernier. Dès lors, la Commission a ainsi reconnu que le financement au moyen des ressources du budget général du Land de Bavière n’était pas un élément dénué de pertinence dans son analyse.

68      À la lumière de ce qui précède, force est de constater que la décision attaquée a été prise sans donner la possibilité aux parties intéressées de prendre position sur le financement provenant des ressources du budget général du Land de Bavière.

69      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la décision attaquée a été adoptée en violation du droit du requérant d’être associé à la procédure administrative et, partant, de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 659/1999.

70      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’obligation à la charge de la Commission de mettre les intéressés, au stade de la décision d’ouverture, en mesure de présenter leurs observations revêt le caractère d’une formalité substantielle (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07, EU:C:2008:709, point 55), dont la violation entraîne des conséquences, telles que l’annulation de l’acte vicié, indépendamment de la question de savoir si cette violation a causé un préjudice à celui qui l’invoque ou si la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2016, Goldfish e.a./Commission, T‑54/14, EU:T:2016:455, point 47).

71      Il s’ensuit que la violation, par la Commission, du droit du requérant d’être associé à la procédure administrative suffit à accueillir le présent moyen.

72      À titre surabondant, il ne saurait être exclu que, en l’absence de l’irrégularité constatée, c’est-à-dire si le requérant avait eu effectivement la possibilité dans le cadre de la procédure formelle d’examen de présenter ses observations sur le financement au moyen de son budget général, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, EU:T:2006:59, point 95).

73      Tout d’abord, la Commission, en reprochant au requérant de ne pas avoir invoqué au stade de la procédure formelle d’examen l’argument selon lequel le financement à partir des ressources budgétaires de celui-ci portait uniquement sur des tests supplémentaires allant au-delà de ce qui était obligatoire, confirme l’incidence concrète de l’absence de mention, dans la décision d’ouverture, du financement à partir de ces ressources budgétaires.

74      Ensuite, la Commission conteste l’argument du requérant selon lequel le financement des tests de la qualité du lait au moyen des ressources du budget général de celui-ci est une aide existante dans la mesure où il existait depuis les années 1930, c’est-à-dire avant l’adoption de la MFG en 1952. En effet, la Commission soutient que ce n’est qu’en 1970 que ce financement a été mis en place. Il ressort clairement de ce débat entre les parties que l’origine du financement au moyen du budget général du Land de Bavière revêt une certaine importance en ce qui concerne au moins l’analyse de la présence d’une aide existante.

75      Enfin, il ressort des points 17 à 20 ci-dessus que la décision attaquée ne présente pas d’analyse distincte au regard de chacun des deux modes de financement. En effet, dans cette décision, la Commission soit a mené une analyse sans référence au mode de financement concerné, soit a transposé son raisonnement sur le financement au moyen du prélèvement sur le lait à celui au moyen du budget général du Land de Bavière. Dès lors, il n’est pas exclu que des arguments relatifs au financement au moyen du budget général du Land de Bavière, tels que ceux exposés aux points 73 et 74 ci-dessus, s’ils avaient été présentés au cours de la procédure formelle d’examen, auraient pu conduire à un résultat différent.

76      Par conséquent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen.

77      Cela étant, il convient d’examiner dans quelle mesure la décision attaquée doit être annulée compte tenu du fait que le premier moyen porte sur la violation du droit du requérant d’être associé à la procédure administrative en ce qui concerne plus particulièrement le financement de l’aide au moyen de son budget général.

78      Il convient de relever que, conformément à la jurisprudence constante, l’annulation partielle d’un acte de l’Union européenne n’est possible que pour autant que les éléments dont l’annulation est demandée soient séparables du reste de l’acte. Il n’est pas satisfait à cette exigence de séparabilité lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, point 57, et ordonnance du 11 décembre 2014, Carbunión/Conseil, C‑99/14 P, non publiée, EU:C:2014:2446, point 26).

79      À cet égard, la Cour a jugé que la question de savoir si le montant initial d’une aide devait être actualisé par application d’un taux d’intérêt simple ou par un taux d’intérêt composé était séparable du montant initial de l’aide et n’influait pas sur la constatation du fait que celle-ci était incompatible avec le marché intérieur. De plus, la Cour a observé que le dispositif de la décision en cause distinguait lui-même, à l’article 1er de celle-ci, entre le montant initial de l’aide en question et le montant actualisé (arrêt du 11 décembre 2008, Commission/Département du Loiret, C‑295/07 P, EU:C:2008:707, points 107 et 108).

80      En revanche, le Tribunal a considéré que les critères qui conditionnaient l’autorisation temporaire de verser une aide n’étaient pas détachables du reste de l’acte attaqué (voir, en ce sens, ordonnance du 10 décembre 2013, Carbunión/Conseil, T‑176/11, non publiée, EU:T:2013:686, points 33 à 36).

81      En outre, la Cour a considéré qu’une modification des conditions de remboursement d’un apport en capital représentant un avantage supplémentaire n’était pas détachable de l’acte contesté étant donné que cet élément faisait partie intégrante de l’appréciation de la Commission lorsqu’elle s’était prononcée sur la compatibilité de l’aide (voir, en ce sens, arrêt du 3 avril 2014, Commission/Pays-Bas et ING Groep, C‑224/12 P, EU:C:2014:213, points 59 à 63).

82      Il en découle qu’une annulation partielle ne se présume pas et qu’elle n’est possible qu’à la condition qu’il soit certain que cette annulation n’aura pas pour effet de modifier la substance de l’acte attaqué.

83      En l’espèce, force est de constater que, comme cela est indiqué au point 75 ci-dessus, la décision attaquée ne contient pas d’analyse distincte en fonction des modes de financement, d’autant plus que la Commission soutient, comme cela est indiqué au point 63 ci-dessus, que, même si l’aide en cause est alimentée par deux sources de financement, il s’agit d’une seule et unique mesure. Cette constatation est confirmée par le fait que, à la différence des faits en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt cité au point 79 ci-dessus, l’article 1er de la décision attaquée, qui constate l’incompatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur, ne spécifie pas le moyen précis par lequel cette dernière est financée. En outre, dans les articles 2 à 4 de la décision attaquée, relatifs à la récupération de l’aide, aucune distinction n’est établie entre les deux types de financement.

84      Par conséquent, en l’espèce, compte tenu du contenu et de la structure de la décision attaquée, il est impossible de détacher, à la lecture de celle-ci, les considérations relatives au financement au moyen du budget général du Land de Bavière du reste de cette décision. Partant, la condition posée au point 82 ci-dessus n’étant pas remplie, l’annulation partielle de la décision attaquée, limitée au financement par le budget général du Land de Bavière, ne peut pas être prononcée.

85      De surcroît, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission dans le domaine des aides d’État, il n’appartient pas au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de la Commission (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 63 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 mars 2017, Ellinikos Chrysos/Commission, C‑100/16 P, EU:C:2017:194, point 20).

86      Partant, en l’espèce, il n’appartient pas au Tribunal de reconstituer le raisonnement de la Commission afin de déceler l’incidence du financement au moyen du budget général du Land de Bavière sur l’examen de l’aide litigieuse dans la décision attaquée.

87      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le recours sur le fondement du premier moyen.

88      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’annuler l’article 1er de la décision attaquée dans la mesure où il concerne l’aide accordée en Bavière.

89      Il en va de même en ce qui concerne les articles 2 à 4 de cette décision, dont l’annulation est également demandée par le requérant, dans la mesure où la récupération de l’aide qui y est prévue est une conséquence directe de l’article 1er. Cela découle également du libellé de l’article 14, paragraphe 1, du règlement no 659/1999, qui prévoit que, en cas de « décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire ».

90      Par conséquent, les articles 1er à 4 de la décision attaquée doivent être annulés dans la mesure où ils concernent l’aide accordée en Bavière, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens invoqués par le requérant.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les articles 1er à 4 de la décision (UE) 2015/2432 de la Commission, du 18 septembre 2015, sur laide dÉtat SA.35484 (2013/C) [ex SA.35484 (2012/NN)] octroyée par la République fédérale d’Allemagne pour les tests de qualité du lait dans le cadre de la loi sur le lait et les matières grasses sont annulés dans la mesure où il y est décidé que l’octroi par la République fédérale d’Allemagne d’une aide d’État est incompatible avec le marché intérieur en ce qui concerne les tests de qualité du lait effectués en Bavière et ordonné de procéder à la récupération de cette aide.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Freistaat Bayern.

Kanninen

Calvo-Sotelo Ibáñez-Martín

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.