Language of document : ECLI:EU:T:2003:71

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 mars 2003(1)

«FEOGA - Suppression d'un concours financier - Article 24 du règlement (CEE) n° 4253/88 - Principes de proportionnalité et de sécurité juridique - Motivation - Droits de la défense»

Dans l'affaire T-340/00,

Comunità m ontana della Valnerina, représentée par Mes E. Cappelli et P. De Caterini, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

République italienne, représentée par MM. U. Leanza et G. Aiello, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Cattabriga, en qualité d'agent, assistée de Me M. Moretto, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision C (2000) 2388 de la Commission, du 14 août 2000, portant suppression du concours octroyé à la Comunità montana della Valnerina par la décision C (93) 3182 de la Commission, du 10 novembre 1993, relative à l'octroi d'un concours du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation», conformément au règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne le FEOGA, section «Orientation» (JO L 374, p. 25), dans le cadre du projet n° 93.IT.06.016 intitulé «Projet pilote et de démonstration de filières sylvi-agro-alimentaires dans des zones de montagnes secondaires (France, Italie)»,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. K. Lenaerts, président, J. Azizi et M. Jaeger, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 14 novembre 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Afin de renforcer la cohésion économique et sociale au sens de l'article 158 CE, le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9), a confié pour missions aux fonds structurels, notamment, la promotion du développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement, ainsi que l'accélération de l'adaptation des structures agricoles et la promotion du développement des zones rurales dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune [article 1er, point 1, et point 5, sous a) et b)]. Ce règlement a été modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5).

2.
    Dans sa version initiale, l'article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 2052/88 disposait que l'intervention financière des fonds structurels peut prendre la forme d'un soutien à l'assistance technique et aux études préparatoires à l'élaboration des actions. Dans sa version modifiée par le règlement n° 2081/93, il dispose que l'intervention financière des fonds structurels peut être acquise sous la forme d'un soutien à l'assistance technique, y compris les mesures de préparation, d'appréciation, de suivi et d'évaluation des actions et les projets pilotes et de démonstration.

3.
    Le 19 décembre 1988, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 4256/88 portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation» (JO L 374, p. 25). Ce règlement a été modifié par le règlement (CEE) n° 2085/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 44).

4.
    L'article 8 du règlement n° 4256/88 énonçait, dans sa version initiale, que la contribution du FEOGA à la réalisation de l'intervention visée à l'article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement n° 2052/88 peut porter, notamment, sur la réalisation de projets pilotes relatifs à la promotion du développement des zones rurales, y compris le développement et la valorisation des forêts (premier tiret) et la réalisation de projets de démonstration destinés à démontrer aux agriculteurs les possibilités réelles des systèmes, méthodes et techniques de production correspondant aux objectifs de la réforme de la politique agricole commune (quatrième tiret). Dans sa version modifiée par le règlement n° 2085/93, cet article dispose que, dans l'accomplissement de ses missions, le FEOGA peut financer, dans la limite de 1 % de sa dotation annuelle, notamment, la réalisation de projets pilotes concernant l'adaptation des structures agricoles et sylvicoles et la promotion du développement rural, et la réalisation de projets de démonstration, y compris les projets concernant le développement et la valorisation des forêts ainsi que ceux concernant la transformation et la commercialisation de produits agricoles, destinés à démontrer les possibilités réelles des systèmes, méthodes et techniques de production et de gestion correspondant aux objectifs de la politique agricole commune.

5.
    Le 19 décembre 1988, le Conseil a également adopté le règlement (CEE) n° 4253/88 portant dispositions d'application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d'une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants, d'autre part (JO L 374, p. 1). Ce règlement a été modifié par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20).

6.
    L'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, prévoit, en ce qui concerne la réduction, la suspension et la suppression du concours:

«1.    Si la réalisation d'une action ou d'une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l'État membre ou aux autres autorités désignées par celui-ci pour la mise en oeuvre de l'action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2.    Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l'action ou la mesure concernée si l'examen confirme l'existence d'une irrégularité ou d'une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en oeuvre de l'action ou de la mesure et pour laquelle l'approbation de la Commission n'a pas été demandée.

3.    Toute somme donnant lieu à répétition de l'indu doit être reversée à la Commission. Les sommes non reversées sont majorées d'intérêts de retard en conformité avec les dispositions du règlement financier et selon les modalités à arrêter par la Commission, suivant les procédures visées au titre VIII.»

Faits à l'origine du litige

7.
    La Comunità montana della Valnerina (ci-après la «requérante») est une collectivité locale territoriale italienne, instaurée par la région d'Ombrie (Italie).

8.
    En juin 1993, la requérante a adressé à la Commission une demande de concours communautaire pour un projet pilote et de démonstration de filières sylvi-agro-alimentaires dans des zones de montagnes secondaires (projet n° 93.IT.06.016, ci-après le «projet»).

9.
    Il ressort du projet que son objectif général était la réalisation et la démonstration-pilote de deux filières sylvi-agro-alimentaires, l'une par la requérante dans la Valnerina (Italie) et l'autre par l'association Route des senteurs dans la Drôme provençale (France, ci-après la «Route des senteurs»), dans le but d'introduire et de développer des activités alternatives, telles que le tourisme rural, parallèlement aux activités agricoles habituelles. Le projet prévoyait, en particulier, la création de deux centres de promotion et de coordination touristiques, le développement de la production de produits alimentaires locaux typiques, tels que les truffes, l'épeautre ou les plantes aromatiques, une meilleure intégration des différents producteurs actifs dans les régions concernées, ainsi que la valorisation et la réhabilitation environnementale de ces régions.

10.
    Par décision C (93) 3182, du 10 novembre 1993, adressée à la requérante et à la Route des senteurs, la Commission a accordé au projet une subvention du FEOGA, section «Orientation» (ci-après la «décision d'octroi.

11.
    Aux termes de l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision d'octroi, la requérante ainsi que la Route des senteurs étaient les «responsables» du projet. Par l'article 2 de la décision d'octroi, la période de réalisation du projet était fixée à 30 mois, soit du 1er octobre 1993 au 31 mars 1996.

12.
    En vertu de l'article 3, premier alinéa, de la décision d'octroi, le coût total éligible du projet s'élevait à 1 817 117 écus et la contribution financière maximale de la Communauté était fixée à 908 558 écus.

13.
    L'annexe I de la décision d'octroi contenait une description du projet. Au point 5 de cette annexe, la requérante était désignée comme étant le «bénéficiaire» du concours financier et la Route des senteurs comme étant l'«autre responsable du projet». Au point 8 de cette même annexe figurait un plan financier du projet avec une répartition des coûts attribués aux différentes actions du projet. Les actions du projet et les coûts correspondant à celles-ci étaient détaillés en quatre parties, la requérante et la Route des senteurs devant réaliser chacune des actions prévues dans deux de ces quatre parties.

14.
    L'annexe II de la décision d'octroi fixait les conditions financières relatives à l'octroi du concours. En particulier, il y était précisé que, si le bénéficiaire du concours financier entendait modifier substantiellement les opérations décrites à l'annexe I, il devait en informer au préalable la Commission et obtenir l'accord de celle-ci (point 1). Conformément au point 2 de cette annexe, le bénéfice de l'octroi du concours était subordonné à la réalisation de toutes les opérations indiquées à l'annexe I de la décision d'octroi. En outre, l'annexe II prévoyait que le concours financier serait versé directement à la requérante en tant que bénéficiaire du concours qui devait se charger de payer la Route des senteurs (point 4); que la Commission serait autorisée, aux fins de la vérification des informations financières relatives aux différentes dépenses, à demander à examiner toute pièce justificative originale ou sa copie certifiée conforme et à procéder à cet examen directement sur place ou à demander l'envoi des documents en question (point 5); que le bénéficiaire devrait conserver à la disposition de la Commission, pendant cinq ans à dater du dernier versement émanant de la Commission, tous les originaux des documents de preuve des dépenses (point 6); que la Commission pourrait, à tout moment, demander au bénéficiaire l'envoi de rapports relatifs à l'état d'avancement des travaux et/ou aux résultats techniques obtenus (point 7) et que le bénéficiaire devrait tenir à la disposition de la Communauté les résultats obtenus grâce à la réalisation du projet, sans que cela donne lieu à des paiements complémentaires (point 8). Enfin, au point 10 de l'annexe II, il était en substance précisé que, si une des conditions mentionnées dans cette annexe n'était pas respectée ou si des actions non prévues à l'annexe I étaient entreprises, la Commission pouvait suspendre, réduire ou annuler le concours et exiger la restitution de ce qui avait été payé, auquel cas le bénéficiaire aurait la faculté d'envoyer au préalable ses observations dans un délai fixé par la Commission.

15.
    Le 2 décembre 1993, la Commission a versé à la requérante une première avance correspondant à environ 40 % du montant de la contribution communautaire prévue et la requérante a, à son tour, payé à la Route des senteurs les sommes correspondant aux coûts des actions du projet qui devaient être réalisées par celle-ci.

16.
    Le 27 décembre 1994, la requérante a envoyé à la Commission un premier rapport sur l'état d'avancement du projet et sur les dépenses déjà effectuées pour chacune des actions prévues. En même temps, elle a demandé le versement d'une seconde avance tout en attestant, notamment, qu'elle disposait des preuves de paiement correspondant aux dépenses effectuées, d'une part, et que les actions déjà réalisées étaient conformes à celles décrites à l'annexe I de la décision d'octroi, d'autre part.

17.
    Le 18 août 1995, la Commission a versé à la requérante une deuxième avance correspondant à environ 30 % du montant de la contribution communautaire et la requérante a, à son tour, payé à la Route des senteurs la somme correspondant aux coûts des actions du projet qui devaient être réalisées par celle-ci.

18.
    En juin 1997, la requérante a adressé à la Commission le rapport final sur l'exécution du projet. En même temps, la requérante a demandé le versement du solde de la contribution communautaire et a joint à nouveau une attestation correspondant, en substance, à celle mentionnée au point 16 ci-dessus.

19.
    Le 12 août 1997, la Commission a fait savoir à la requérante qu'elle avait entrepris une opération générale de vérification technique et comptable de tous les projets financés au titre de l'article 8 du règlement n° 4256/88, y compris le projet visé en l'espèce, et elle a invité la requérante à produire, conformément au point 5 de l'annexe II de la décision d'octroi, une liste de toutes les pièces justificatives se rapportant aux dépenses éligibles qui avaient été effectuées dans le cadre de l'exécution du projet ainsi qu'une copie certifiée conforme à l'original de chacun de ces justificatifs.

20.
    Le 25 août 1997, la requérante a envoyé à la Commission certains documents ainsi qu'un résumé du rapport final sur l'exécution du projet.

21.
    Par lettre du 6 mars 1998, la Commission a informé la requérante de son intention de procéder à un contrôle sur place relatif à la réalisation du projet.

22.
    Le contrôle sur place s'est déroulé, auprès de la requérante, du 23 au 25 mars 1998 et, auprès de la Route des senteurs, du 4 au 6 mai 1998.

23.
    Le 6 avril 1998, la requérante a envoyé à la Commission certains documents demandés par celle-ci lors du contrôle sur place.

24.
    Le 5 novembre 1998, la requérante et la Route des senteurs ont demandé à la Commission de procéder à l'approbation finale du projet et de verser le solde de la contribution communautaire.

25.
    Par lettre du 22 mars 1999, la Commission a informé la requérante que, conformément à l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, elle avait procédé à un examen du concours financier relatif au projet et que, cet examen faisant apparaître des éléments susceptibles de constituer des irrégularités, elle avait décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article susvisé du règlement n° 4253/88, tel que modifié, et au point 10 de l'annexe II de la décision d'octroi (ci-après la «lettre d'ouverture de la procédure»). Dans cette lettre, dont la Commission a adressé une copie à la Route des senteurs, la Commission a précisé ces différents éléments et ce d'une manière spécifique en ce qui concerne les actions qui étaient à la charge, d'une part, de la requérante et, d'autre part, de la Route des senteurs.

26.
    Le 17 mai 1999, la requérante a présenté ses observations en réponse aux suspicions de la Commission et a soumis à celle-ci certains autres documents (ci-après les «observations sur la lettre d'ouverture de la procédure»).

27.
    Par décision du 14 août 2000, adressée à la République italienne ainsi qu'à la requérante et notifiée à cette dernière le 21 août 2000, la Commission a, en vertu de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié, supprimé le concours financier accordé au projet et a demandé à la requérante le remboursement de l'intégralité du concours déjà versé (ci-après la «décision attaquée»).

28.
    Au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission a énuméré onze irrégularités au sens de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié, dont cinq concernaient des actions réalisées par la Route des senteurs et six se rapportaient à des actions réalisées par la requérante.

29.
    Par lettres des 14 septembre et 2 octobre 2000, la requérante a demandé à la Route des senteurs la restitution des sommes qu'elle lui avait versées aux fins de la réalisation du projet et pour lesquelles celle-ci était responsable. En même temps, la requérante a invité la Route des senteurs à lui transmettre des éléments susceptibles d'établir le caractère erroné et illégal de la décision attaquée afin d'élaborer une ligne commune de défense.

30.
    Le 20 octobre 2000, la Route des senteurs a répondu, en substance, que, selon elle, la décision attaquée était injustifiée.

Procédure et conclusions des parties

31.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 novembre 2000, la requérante a introduit le présent recours.

32.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2001, la République italienne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien de la requérante. Par ordonnance du 1er juin 2001, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

33.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties. Les parties ont satisfait à ces demandes.

34.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

35.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

36.
    La République italienne soutient les conclusions de la requérante.

En droit

37.
    La requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d'une violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité en ce que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement du concours aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante. Le deuxième moyen est tiré d'erreurs commises par la Commission quant aux différentes irrégularités dans la réalisation de la partie du projet qui était à la charge de la requérante elle-même ainsi que de violations de l'obligation de motivation et des droits de la défense. Le troisième moyen est relatif à une violation du principe de proportionnalité et de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié, en ce que la Commission a demandé le remboursement de l'intégralité du concours pour autant qu'il a été octroyé pour la réalisation d'actions par la requérante. Le quatrième moyen est fondé sur un détournement de pouvoir.

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité en ce que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement du concours à la partie du projet qui devait être réalisée par la requérante

Arguments des parties

38.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée est entachée d'une violation des principes de non-discrimination et de proportionnalité en ce que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement du concours aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante, mais a exigé de cette dernière le remboursement intégral du concours.

39.
    La requérante considère que, même si, formellement, il s'agissait d'un projet unique avec un financement unique et même si, formellement, elle était le bénéficiaire unique du concours financier, il n'en reste pas moins que les actions prévues dans le cadre du projet devaient être réalisées en deux parties distinctes, qui devaient être gérées d'une manière autonome par elle et par la Route des senteurs. En outre, elle relève que, dans la décision attaquée, la Commission a formulé onze griefs relatifs à des irrégularités dans la réalisation du projet dont cinq concernaient des actions qui devaient être menées par la Route des senteurs et six se rapportaient à des actions qu'elle devait elle-même effectuer.

40.
    La République italienne considère que, dans l'appréciation des irrégularités litigieuses, la Commission aurait dû tenir compte de la responsabilité propre de chacun des deux responsables des actions prévues étant donné que ces actions étaient distinctes et autonomes. La Commission aurait par conséquent dû prendre une décision pondérée sans pénaliser la requérante plus que de mesure en lui imputant aussi la responsabilité des irrégularités commises par la Route des senteurs.

41.
    La République italienne estime que les arguments de la Commission relatifs à l'unicité du projet et au rôle de la requérante comme seul bénéficiaire du projet ne sont pas convaincants, car ils se fondent sur la confusion entre, d'une part, les obligations de nature administrative imposées au bénéficiaire et, d'autre part, la responsabilité effective des deux partenaires du projet pour les différentes actions prévues dans le cadre de celui-ci. Dès lors, selon la République italienne, si la Commission voulait sanctionner la requérante par la suppression intégrale du concours plutôt que par sa réduction, elle aurait dû démontrer une violation des obligations administratives qui incombaient à la requérante en tant que bénéficiaire du concours.

42.
    En outre, la République italienne est d'avis que l'argumentation de la Commission est basée sur une interprétation purement formelle et erronée de la décision d'octroi. En effet, elle rappelle que, dans l'article 1er, deuxième alinéa, de cette décision, tant la requérante que la Route des senteurs étaient qualifiées de «responsables du projet». Or, si la notion de «responsabilité» devait avoir un sens, il ne pourrait que résider dans l'imputabilité des irrégularités invoquées aux différents responsables des actions financées dans le cadre du projet.

43.
    La Commission considère que, sans qu'il ait été nécessaire de s'interroger sur la question de savoir si les irrégularités constatées étaient totalement ou seulement partiellement imputables à la requérante, elle était en droit de demander à celle-ci le remboursement de la totalité des montants versés pour l'exécution du projet.

44.
    En premier lieu, la Commission fait observer qu'il s'agissait d'un projet unique qui avait un objectif unique, à savoir la réalisation de deux filières sylvi-agro-alimentaires dans deux contextes territoriaux différents de la Communauté. Elle relève en effet que le projet a été approuvé par une seule décision sur la base d'un financement unique et ce en faveur d'un seul bénéficiaire, à savoir la requérante.

45.
    En deuxième lieu, la Commission considère qu'il résulte de la décision d'octroi que, en tant que bénéficiaire du concours communautaire, seule la requérante était considérée comme financièrement responsable envers la Communauté.

46.
    En effet, selon la Commission, il ressort déjà du libellé des annexes de la décision d'octroi que la requérante était l'unique opérateur financièrement responsable envers la Communauté alors que la Route des senteurs était simplement chargée de l'exécution d'une partie du projet dans la mesure où, tant au point 5 de l'annexe I qu'au point 4 de l'annexe II de cette décision, la requérante était qualifiée de «bénéficiaire» du concours alors que la Route des senteurs n'avait que la qualité d'«autre responsable du projet». La Commission est d'avis que, contrairement à ce que soutient la République italienne, la notion de «responsable du projet» ne signifie pas que d'éventuelles irrégularités dans l'exécution du projet doivent être imputées à la partie qui les a commises. Cette interprétation négligerait non seulement l'unicité du projet, mais aussi le fait que la responsabilité financière de celui-ci envers les Communautés pèse intégralement sur le bénéficiaire, c'est-à-dire, en l'espèce, sur la requérante.

47.
    Ensuite, la Commission souligne que, sur la base de la décision d'octroi, seul le bénéficiaire du concours est habilité à demander à la Commission le paiement des sommes octroyées dans le cadre du concours. En outre, c'est à lui qu'il appartient de verser les sommes correspondantes à l'autre partie chargée de l'exécution du projet, comme cela a d'ailleurs été fait en l'espèce.

48.
    En outre, la Commission est d'avis qu'il ressort également du point 10 de l'annexe II de la décision d'octroi que, en tant que bénéficiaire du concours, la requérante était tenue de répondre financièrement envers la Communauté de toutes les irrégularités pouvant être constatées dans le cadre de l'exécution du projet sans tenir compte de la question de savoir à laquelle des parties ces irrégularités étaient imputables. En effet, en vertu de cette disposition, seul le bénéficiaire, et non pas d'autres responsables de l'exécution du projet, a la faculté de présenter à la Commission des observations avant l'adoption d'une décision de suppression du concours.

49.
    La Commission ajoute que la circonstance selon laquelle certaines irrégularités relevées dans la décision attaquée étaient imputables à la Route des senteurs et non pas à la requérante peut uniquement jouer un rôle dans le cadre des rapports entre ces deux parties. À ce titre, il aurait appartenu à la requérante, en tant que bénéficiaire du concours, de se protéger adéquatement à l'égard de son partenaire au moyen d'instruments appropriés de droit privé, tels que des garanties bancaires.

50.
    En troisième lieu, la Commission fait valoir qu'il ressort du dossier que la requérante était pleinement consciente de ses responsabilités financières envers la Communauté qui découlaient de sa qualité d'unique bénéficiaire du concours. En effet, d'une part, la Commission relève que la requérante a formellement déclaré, dans le cadre des demandes de paiement de la deuxième avance et du solde du concours (voir points 16 et 18 ci-dessus), que les données communiquées dans les tableaux annexés à celles-ci correspondaient fidèlement aux dépenses encourues non seulement par elle mais également par la Route des senteurs et que les actions réalisées correspondaient à toutes celles décrites dans la décision d'octroi. D'autre part, la Commission attire l'attention sur le fait que, à la suite de la notification de la décision attaquée, la requérante a, par lettre du 14 septembre 2000, réclamé à la Route des senteurs le remboursement de la part des avances versées à cette dernière pour la réalisation des actions lui incombant.

Appréciation du Tribunal

51.
    Il convient d'examiner si, dans les circonstances particulières du cas d'espèce, la Commission était en droit de demander à la requérante le remboursement intégral du concours pour la réalisation de l'ensemble du projet ou si, en revanche, en vertu des principes généraux de droit invoqués par la requérante, la Commission devait, en tout état de cause, limiter sa demande de remboursement aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante elle-même.

52.
    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, en cas d'octroi d'un concours à un projet dont la réalisation incombe à plusieurs parties, la réglementation applicable ne précise pas à laquelle de ces parties la Commission demande le remboursement du concours en cas d'irrégularités commises dans l'exécution du projet par une ou plusieurs de ces parties.

53.
    De même, il convient d'observer que, contrairement à ce que la requérante, soutenue par la République italienne, semble affirmer, il ne saurait, d'une manière générale, être reproché à la Commission, dans une telle situation, de désigner, dans la décision d'octroi du concours, une des parties responsables de l'exécution du projet comme étant non seulement son seul interlocuteur, mais également la seule partie qui, en cas d'irrégularités commises par une des parties concernées, est financièrement responsable envers la Communauté pour l'intégralité du projet. En effet, même dans une situation où le projet est conçu de telle manière que l'exécution des différentes actions prévues dans la cadre de celui-ci est clairement attribuée à chacune des différentes parties concernées, un tel système est justifié dans l'intérêt de l'efficacité de l'action communautaire, tant au regard du principe de bonne administration que de l'impératif d'une bonne gestion financière du budget communautaire. Dès lors, un tel système ne peut, en tant que tel, être considéré comme contraire aux principes de proportionnalité et de non-discrimination.

54.
    Néanmoins, il convient de tenir compte de ce qu'une éventuelle obligation de remboursement d'un concours peut entraîner des conséquences graves pour les parties concernées. Dès lors, le principe de sécurité juridique exige que le droit applicable à l'exécution du contrat soit suffisamment clair et précis afin que les parties concernées puissent connaître sans ambiguïté leurs droits et obligations et prendre leurs dispositions en conséquence, à savoir, dans le présent contexte, de s'accorder, avant l'octroi du concours, sur des instruments adéquats de droit privé permettant de protéger leurs intérêts financiers l'un envers l'autre.

55.
    Par conséquent, en ce qui concerne le cas d'espèce, il y a lieu de considérer que la Commission ne pouvait, sans violer le principe de proportionnalité, valablement demander à la seule requérante le remboursement du concours qui a été octroyé pour la réalisation d'actions par elle et par la Route des senteurs que si les termes de la décision d'octroi et de ses annexes étaient suffisamment clairs et précis, de sorte que la requérante, en tant qu'opérateur prudent et avisé, devait nécessairement savoir que, en cas d'irrégularités dans l'exécution du projet, qu'elles soient imputables à la Route des senteurs ou à elle-même, elle était l'unique partie financièrement responsable envers la Communauté pour l'intégralité du concours octroyé.

56.
    Or, force est de constater, tout d'abord, que la décision d'octroi et ses annexes ne prévoient pas de façon expresse que, en cas d'irrégularités constatées dans l'exécution du projet, la requérante était financièrement responsable envers la Communauté pour l'ensemble du projet.

57.
    Il y a ensuite lieu d'examiner si, dans les circonstances particulières du cas d'espèce, la requérante devait, malgré l'absence d'une disposition expresse en ce sens dans la décision d'octroi, comprendre la portée de ses responsabilités financières envers la Communauté dans le sens préconisé par la Commission.

58.
    Premièrement, la Commission invoque que, dans la décision d'octroi et dans son annexe II, la requérante était désignée comme étant le «bénéficiaire du concours» alors que tant celle-ci que la Route des senteurs y étaient qualifiées de «responsables du projet». La Commission souligne également qu'il résulte des points 1, 4, 6 à 8 et 10 de l'annexe II de la décision d'octroi (voir point 14 ci-dessus) que c'est au seul «bénéficiaire du concours» que la décision d'octroi a conféré certains droits et obligations envers la Communauté.

59.
    À cet égard, il convient d'observer que, en vertu du point 1 de l'annexe II de la décision d'octroi, en cas de modifications des opérations décrites à l'annexe I, le «bénéficiaire du concours» est tenu d'en informer préalablement la Commission et d'obtenir un accord de celle-ci. En vertu des points 6 à 8 de l'annexe II de ladite décision, le «bénéficiaire du concours» a l'obligation, en substance, de prendre les mesures nécessaires afin que la Commission puisse, si elle l'estime opportun, s'assurer de la bonne exécution du projet ainsi que de tenir à sa disposition les résultats obtenus grâce à la réalisation du projet. Or, contrairement à ce que soutient la Commission, ces différentes dispositions ne concernent pas les rapports financiers en tant que tels entre la Communauté et les parties responsables de l'exécution du projet. En revanche, elles portent sur différentes modalités d'exécution du projet. Selon ces modalités, la requérante pourrait être qualifiée de seul interlocuteur de la Commission quant à l'exécution du projet.

60.
    Toutefois, il est certes vrai que le point 4 de l'annexe II de la décision d'octroi porte sur un aspect précis des rapports financiers entre la Communauté et les responsables de l'exécution du projet. En effet, conformément à cette disposition, le concours devait être versé directement à la requérante, en tant qu'«organisme bénéficiaire chef de file», à qui il incombait de verser à la Route des senteurs les sommes correspondant aux actions à la charge de cette dernière. Cependant, il importe de souligner que cette disposition précise uniquement de quelle manière le concours octroyé devait être versé aux parties mais n'indique pas en revanche de quelle façon ce concours devait être restitué à la Commission en cas d'irrégularités constatées dans l'exécution du projet.

61.
    De même, au point 10 de l'annexe II de la décision d'octroi, un autre aspect précis des rapports financiers entre la Communauté et les responsables de l'exécution du projet était réglé, à savoir en substance que, avant toute suspension, réduction ou annulation du concours, le «bénéficiaire du concours» pouvait au préalable envoyer ses observations dans un délai fixé par la Commission quant aux griefs invoqués par celle-ci. Or, contrairement à ce que soutient la Commission, il ne découle pas nécessairement du fait que, en vertu de cette disposition, le bénéfice des droits de la défense à l'égard des griefs formulés par la Commission était limité au seul «bénéficiaire du concours» que c'était également celui-ci qui, en cas d'irrégularités commises dans l'exécution du projet par l'une ou l'autre partie, était seul à être financièrement responsable envers la Communauté pour l'intégralité du concours octroyé.

62.
    Deuxièmement, concernant l'argument de la Commission selon lequel, dans le cas d'espèce, il s'agissait d'un projet unique, approuvé par une seule décision en faveur d'un seul bénéficiaire et ayant tant un objectif qu'un financement unique, il y a lieu de relever, de prime abord, que la décision d'octroi, même si elle consistait en un acte juridique unique, a été adressée tant à la requérante qu'à la Route des senteurs. Cette seule circonstance est, en principe, de nature à créer des liens juridiques directs entre, d'une part, la Communauté et, d'autre part, chacun des destinataires de la décision d'octroi.

63.
    D'ailleurs, s'il est vrai que le projet était conçu pour répondre à un objectif unique et était basé sur un financement unique, il n'en demeure pas moins qu'il consistait en plusieurs actions qui étaient clairement circonscrites tant d'un point de vue financier que de celui des objectifs à atteindre. Or, dans une telle situation, il y a lieu de considérer que, en adressant la décision d'octroi non seulement à la requérante mais également à la Route des senteurs, la Commission a créé des liens juridiques directs non seulement avec la requérante mais également avec la Route des senteurs, de sorte que la requérante pouvait, à tout le moins à première vue, légitimement supposer que, en cas d'irrégularités dans l'exécution du projet commises par la Route des senteurs, c'est à cette partie que la Commission adresserait sa demande de remboursement de la partie du concours correspondant aux actions qui devaient être réalisées par cette dernière.

64.
    Troisièmement, ainsi que la République italienne l'a soulevé à juste titre, l'absence de clarté des termes de la décision d'octroi et de ses annexes quant à la responsabilité financière des parties envers la Communauté dans l'exécution du projet est encore renforcée par l'utilisation des termes «bénéficiaire du concours» et «responsables du projet»: en vertu des différentes dispositions de l'annexe II de la décision d'octroi (voir point 14 ci-dessus), la Commission a donné à ces termes une signification différente de celle qui leur est conférée habituellement. En effet, compte tenu des droits et obligations de la requérante découlant de ces différentes dispositions de l'annexe II de la décision d'octroi et conformément aux intentions de la Commission, la requérante avait, en réalité, le rôle d'unique responsable de la bonne exécution du projet. En revanche, la Route des senteurs était bénéficiaire du concours au même titre que la requérante. En effet, conformément au point 4 de l'annexe II de la décision d'octroi, le concours financier était versé par la Commission sur le compte bancaire de la requérante qui était tenue, par la suite, de transférer à la Route des senteurs les sommes correspondant aux actions dont cette dernière avait la charge. Par conséquent, plutôt que de clarifier la portée des responsabilités qui incombaient aux parties concernées, l'utilisation de ces termes dans la décision d'octroi a pu contribuer à semer le doute à ce sujet.

65.
    Au terme de l'analyse qui précède, il y a lieu de considérer que, en ce qui concerne la question de la responsabilité financière des parties concernées pour l'exécution du projet, la décision d'octroi n'est pas suffisamment claire et précise pour répondre à l'exigence de sécurité juridique indispensable en raison des conséquences graves que comporte le remboursement d'un concours pour ces parties. En outre, les imprécisions et les contradictions apparentes relevées dans le texte de la décision d'octroi et de ses annexes doivent être considérées comme si importantes que l'objectif poursuivi par la Commission, à savoir de n'avoir qu'une seule partie financièrement responsable pour la bonne exécution du projet, bien qu'il soit, en principe, justifié (voir point 53 ci-dessus), ne saurait être valablement invoqué en l'espèce. Dès lors, il y a lieu de considérer que, dans le cas d'espèce, la concrétisation de cet objectif réalisé à travers la décision attaquée, demandant à la seule requérante le remboursement intégral du concours, indépendamment de la recherche du responsable effectif et matériel des irrégularités reprochées dans la réalisation, du projet apparaît comme une mesure disproportionnée par rapport aux inconvénients causés à la requérante par la demande de remboursement de la totalité du concours déjà octroyé. Or, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, tel que cela a été constaté par une jurisprudence constante, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir, notamment, arrêts de la Cour du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, Rec. p. 2171, point 25, et du Tribunal du 19 juin 1997, Air Inter/Commission, T-260/94, Rec. p. II-997, point 144).

66.
    Par conséquent, en exigeant de la requérante le remboursement de l'intégralité du concours déjà versé sans limiter cette demande à la partie du projet qui devait être réalisée par celle-ci, la Commission a enfreint le principe de proportionnalité.

67.
    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l'argument soulevé par la Commission selon lequel la requérante aurait été pleinement consciente de ses responsabilités financières envers la Communauté qui découlaient de sa qualité d'unique «bénéficiaire du concours». En effet, ainsi qu'il résulte de ce qui a été jugé aux points 54 et 55 ci-dessus, dès lors que c'est la décision d'octroi qui fixe les droits et obligations des parties découlant de l'octroi du concours, c'est au plus tard au moment de l'octroi du concours que la Commission est tenue d'informer les parties, de façon claire et précise, des obligations financières qui leur incombent de ce fait. En tout état de cause, la Commission ne peut se prévaloir de ce que la requérante a formellement déclaré, dans le cadre des demandes de paiement de la deuxième avance et du solde du concours financier (voir points 17 et 19 ci-dessus), que les données communiquées dans les tableaux annexés à ces déclarations correspondaient fidèlement aux dépenses encourues non seulement par elle, mais également par la Route des senteurs, et que les actions réalisées correspondaient à toutes celles décrites dans la décision d'octroi. En effet, ces déclarations, aussi importantes soient-elles, ne concernaient pas les relations financières entre les responsables de l'exécution du projet et la Communauté et n'excluaient pas pour autant qu'une éventuelle demande de remboursement fût directement adressée à la Route des senteurs pour la partie du projet dont celle-ci avait la charge. De même, la Commission ne saurait faire valoir le fait que, à la suite de la notification de la décision attaquée, la requérante a réclamé à la Route des senteurs le remboursement de la part des avances versées à celle-ci pour la réalisation des actions. En effet, ainsi que le souligne la requérante, ce comportement peut tout aussi bien s'expliquer par une attitude spontanée de prudence, légitime pour assurer ses propres intérêts financiers par tous les moyens possibles.

68.
    Eu égard à ce qui précède, la décision attaquée doit être annulée pour autant que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante elle-même.

69.
    Dans le cadre des autres moyens soulevés par la requérante, il y aura lieu d'examiner si la Commission a commis des erreurs dans la constatation des différentes irrégularités reprochées à la requérante pour la partie du projet qu'elle devait réaliser.

2. Sur le deuxième moyen, tiré d'erreurs commises par la Commission en ce qui concerne les différentes irrégularités reprochées à la requérante, d'un défaut de motivation ainsi que d'une violation des droits de la défense

70.
    Le deuxième moyen se décompose en trois branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante conteste les irrégularités constatées par la Commission dans la décision attaquée. Dans le cadre de la deuxième branche, elle soutient que cette décision est affectée, en ce qui concerne la constatation de chacune de ces irrégularités, d'un défaut de motivation. Dans le cadre de la troisième branche, la requérante fait valoir que la décision attaquée a été adoptée en violation de ses droits de la défense. Le Tribunal estime opportun d'examiner conjointement les première et deuxième branches de ce moyen.

Sur les première et deuxième branches du moyen

Quant à la réalisation d'un film par la société Romana Video

- Décision attaquée

71.
    Le considérant 9, sixième tiret, de la décision attaquée est libellé comme suit:

«[La requérante] a imputé et déclaré payé, à la société ‘Romana Video', un montant de 98 255 000 [lires italiennes] (ITL) (50 672 écus) pour la réalisation d'une vidéo dans le cadre du projet. Au moment du contrôle (25 et 26 mars 1998), il restait encore à payer 49 000 000 ITL. [La requérante] a déclaré que ce montant ne serait pas payé car il était le prix de vente des droits sur la vidéo à la société réalisatrice. [La requérante] a présenté une dépense supérieure de 49 000 000 ITL à la dépense effectivement encourue.»

- Arguments des parties

72.
    La requérante considère que ce grief est fondé sur une appréciation erronée des faits. Elle met en exergue la circonstance que le contrat qu'elle a conclu avec la société Romana Video prévoyait que cette dernière, d'une part, réalise, pour son compte, un film sur la région de la Valnerina pour une somme d'environ 98 millions de ITL et, d'autre part, acquière les droits de commercialisation liés à ce film pour un montant de 49 millions de ITL. La requérante souligne que les deux aspects de ce contrat concernaient des rapports juridiques distincts et que ce n'était qu'en raison d'une erreur de la banque que le débit et le crédit correspondant à ces deux opérations ont fait l'objet d'une compensation, ce qui aurait provoqué les soupçons des contrôleurs de la Commission.

73.
    La requérante ne conteste pas qu'elle ait tiré un bénéfice de la vente des droits de commercialisation du film à la société Romana Video. Or, cette circonstance ne saurait, selon elle, constituer une irrégularité, au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, dans la mesure où ni ce règlement ni les annexes de la décision d'octroi n'interdisent au bénéficiaire du concours de tirer un bénéfice des résultats obtenus grâce à ce concours.

74.
    Par ailleurs, la requérante estime que, pour conclure à l'existence d'une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, la Commission aurait dû démontrer que la somme de 98 millions de ITL dépassait manifestement la valeur du service fourni par la société Romana Video. Or, la requérante fait remarquer que non seulement ce prix était particulièrement avantageux par rapport au prix du marché, mais aussi que ni ce prix ni les résultats de l'appel d'offres public, à la suite duquel Romana Video avait produit le film, n'ont été contestés par la Commission.

75.
    La Commission soutient que, en omettant de déduire du prix de la réalisation du film le bénéfice tiré de la vente des droits de commercialisation de ce produit dans le cadre de la compensation convenue avec la société Romana Video, la requérante a illégalement imputé au projet des dépenses plus élevées que celles effectivement supportées.

- Appréciation du Tribunal

76.
    L'article 3, deuxième alinéa, de la décision d'octroi prévoit que, «[d]ans le cas où le montant des coûts effectivement encourus entraînerait une réduction des dépenses éligibles par rapport aux prévisions originelles, l'aide sera réduite proportionnellement au moment d'en verser le solde».

77.
    Il en résulte que le concours octroyé était destiné à financer un certain pourcentage des coûts réellement supportés par les parties concernées pour la réalisation du projet.

78.
    Il est constant que, dans le cas d'espèce, la requérante a conclu un contrat avec la société Romana Video en vertu duquel elle a chargé cette société de la réalisation d'un film sur la Valnerina en contrepartie de la somme imputée au projet, à savoir environ 98 millions de ITL. Toutefois, elle n'a payé à cette société que le montant de 49 millions de ITL étant donné que, par ce même contrat, elle a revendu à cette société les droits de commercialisation de ce produit pour un montant de 49 millions de ITL.

79.
    Dès lors, ainsi que la Commission l'a soulevé à juste titre, la requérante n'a effectivement supporté, pour la réalisation de cette action précise du projet, qu'un coût réel égal à environ la moitié des dépenses imputées au projet. Il est vrai que, comme le souligne la requérante, ni le règlement n° 4253/88 ni la décision d'octroi n'interdisent explicitement au bénéficiaire du concours de tirer un bénéfice des résultats obtenus grâce à ce concours. Toutefois, en raison de la simultanéité des transactions et de la compensation effectuée entre la requérante et la société Romana Video au cours même de l'exécution du projet, la Commission pouvait valablement estimer que, plutôt que d'avoir tiré un bénéfice du résultat obtenu grâce à ce concours, la requérante n'a en réalité encouru, pour la réalisation de cette action du projet, que la somme résultant de cette compensation.

80.
    Il s'ensuit que la Commission a pu estimer, sans commettre d'erreurs, que la requérante a imputé au projet des dépenses qu'elle n'a, en fin de compte, pas encourues pour la réalisation de celui-ci.

81.
    Or, l'imputation de frais ne correspondant pas à la réalité doit être considérée comme une violation grave des conditions d'octroi du concours financier ainsi que de l'obligation de loyauté qui pèse sur le bénéficiaire d'un tel concours et peut, par conséquent, être considérée comme une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié.

82.
    Par ailleurs, en ce qui concerne la motivation de ce point de la décision attaquée (voir sur cette question arrêt du Tribunal du 7 novembre 2002, Vela et Tecnagrind/Commission, T-141/99, T-142/99, T-150/99 et T-151/99, non encore publié au Recueil, points 168 à 170), il convient de constater que, au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, en raison de la compensation effectuée avec la société Romana Video, la requérante a présenté une dépense supérieure à celle effectivement encourue. Par conséquent, la Commission a fait apparaître, de façon suffisamment claire et non équivoque, son raisonnement de manière à permettre à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité. Elle n'a donc, à cet égard, pas commis de violation de l'obligation de motivation.

83.
    Par conséquent, les griefs relatifs à la réalisation d'un film par la société Romana Video, tirés de l'erreur d'appréciation et de la violation de l'obligation de motivation, doivent être rejetés.

Quant aux frais de personnel

- Décision attaquée

84.
    Le considérant 9, septième tiret, de la décision attaquée est libellé comme suit:

«[La requérante] a imputé au projet un montant de 202 540 668 ITL (104 455 écus) représentant le coût relatif au travail de cinq personnes pour la partie du projet ‘information touristique'. Pour cette dépense, [la requérante] n'a pas présenté de documents justificatifs (contrats de travail, descriptif détaillé des activités réalisées).»

85.
    Par ailleurs, le considérant 9, neuvième tiret, de la décision attaquée se lit comme suit:

«[La requérante] a déclaré un montant de 152 340 512 ITL (78 566 écus) pour des frais de personnel liés aux ‘activités autres que l'information touristique'. [La requérante] n'a pas présenté de documents qui puissent démontrer la réalité des prestations et [leur] liaison directe avec le projet.»

- Arguments des parties

86.
    La requérante estime avoir suffisamment démontré la réalité des frais de personnel imputés au projet. Elle fait valoir que, dans le cadre de ses observations sur la lettre d'ouverture de la procédure, elle a soumis à la Commission un tableau nominatif de tous les employés qui ont été directement affectés à l'action «information touristique» et aux «activités autres que l'information touristique», avec l'indication, pour chaque employé, tant de la période d'emploi que des charges supportées par la requérante à ce titre, le tout accompagné de copies des bordereaux de salaire. De même, elle affirme avoir soumis lors du contrôle sur place, d'une part, deux décisions datées du 17 novembre 1995 par lesquelles elle a affecté ces employés au projet et, d'autre part, deux notes du 29 mars 1996 comportant une évaluation du coût du personnel pour ces deux actions du projet.

87.
    La requérante soutient que, en tant qu'entité publique, elle ne dispose pas de contrats de travail individuels pour ses employés. Le fait que ces personnes étaient effectivement employées par elle ne pourrait être prouvé que par un certificat établi par elle. Enfin, selon elle, le fait, non contesté par la Commission, que les mesures dont la réalisation par la requérante était prévue dans le cadre du projet ont effectivement été accomplies démontre à suffisance de droit que les personnes employées ont réellement fourni les services déclarés.

88.
    La Commission fait valoir que, malgré le fait que, dans sa lettre d'ouverture de la procédure, elle avait déjà relevé l'insuffisance des pièces justificatives produites par la requérante, celle-ci n'a pas présenté de documents de nature à établir que les frais de personnel imputés se rapportaient directement à l'exécution du projet et étaient appropriés.

- Appréciation du Tribunal

89.
    Il y a lieu de constater que, au point 3 de l'annexe II de la décision d'octroi, la Commission a précisé que «[l]es frais de personnel [...] doivent se rapporter directement à l'exécution de l'action et y être appropriés».

90.
    Il convient dès lors d'examiner si la Commission a commis une erreur en considérant, dans la décision attaquée, que la requérante ne lui a pas soumis de documents démontrant que les frais de personnel imputés au projet étaient en rapport direct avec l'exécution de celui-ci et étaient appropriés.

91.
    À cet égard, force est de constater tout d'abord que les tableaux que la requérante a soumis à la Commission indiquaient uniquement les noms des personnes concernées, une estimation du temps consacré par ces personnes au projet, leurs salaires ainsi que les frais qui en résultaient pour l'exécution du projet. En revanche, ces tableaux ne comportaient aucune description détaillée des activités de chacune de ces personnes de façon à permettre à la Commission de s'assurer que le travail accompli par celles-ci se rapportait directement au projet et, encore moins, qu'il était approprié.

92.
    En outre, les dcisions des 17 novembre 1995 et les notes du 29 mars 1996 que la requérante affirme avoir soumis à la Commission, ce que cette dernière conteste, ne comportent pas, en tout état de cause, davantage d'informations attestant que les frais de personnel se rapportaient directement au projet et qu'ils étaient appropriés. Cette conclusion s'impose également s'agissant des bordereaux de salaire, qui permettent uniquement d'établir que les personnes concernées ont travaillé pour la requérante pendant la période en cause, mais ne comportent, de toute évidence, aucune indication quant aux activités qu'elles exerçaient.

93.
    Par ailleurs, en ce qui concerne l'argument de la requérante tiré de ce que, en raison de son statut d'entité publique, la Commission ne pouvait valablement pas lui demander la production de contrats de travail, il convient de noter que la Commission n'a pas exigé la production de tels contrats comme seul mode de preuve admissible. Cela étant, il importe de souligner que, conformément au point 3 de l'annexe II de la décision d'octroi, la requérante devait savoir qu'elle devait être en mesure de soumettre à la Commission des documents de nature à démontrer, par quelque moyen que ce soit, le lien direct entre les frais de personnel imputés au projet et l'exécution des différentes actions prévues dans la cadre de celui-ci ainsi que la nature appropriée du montant de ces frais. Or, ainsi que la Commission l'a souligné à juste titre, dans la lettre d'ouverture de la procédure, celle-ci avait déjà informé la requérante que les documents soumis ne permettaient pas d'établir la réalité des dépenses ainsi que leur lien direct avec le projet. Pourtant, dans ses observations sur la lettre d'ouverture de la procédure, la requérante s'est, en substance, bornée à produire à nouveau des informations qu'elle lui avait déjà soumises et a ajouté qu'il lui paraissait inutile et superflu de détailler les activités de son personnel dans la mesure où celles-ci étaient suffisamment illustrées par la réalisation des objectifs prévus.

94.
    Or, en ce que la requérante soutient, en substance, que la réalité des frais de personnel serait démontrée par le fait que le projet a effectivement été accompli, il convient de rappeler que l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, se réfère de façon expresse à des irrégularités concernant les conditions de mise en oeuvre de l'action financée, ce qui inclut des irrégularités dans la gestion de celle-ci. Il s'ensuit qu'il ne saurait être soutenu que les sanctions prévues par cette disposition ne trouveraient à s'appliquer que dans le seul cas où l'action financée n'aurait pas été réalisée en tout ou en partie. Il ne suffit pas en effet que la requérante démontre la correcte exécution matérielle du projet tel qu'approuvé par la Commission dans la décision d'octroi. La requérante doit également être en mesure de prouver que tout élément de la contribution communautaire correspond à une prestation effective, qui était indispensable pour la réalisation du projet (voir, en ce sens, arrêt Vela et Tecnagrind/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 201). Par ailleurs, il ressort du point 7 de l'annexe II de la décision d'octroi que la Commission peut exiger du bénéficiaire qu'il présente à tout moment des informations sur l'état d'avancement des opérations indiquées à l'annexe I de ladite décision et sur les résultats techniques obtenus. De telles indications font ressortir que le bénéficiaire d'un concours communautaire auquel a été, comme en l'espèce, imposée une obligation de cofinancement du projet subventionné doit satisfaire à cette obligation selon le rythme de l'avancement de la réalisation matérielle du projet, comme cela est prévu pour le financement communautaire (arrêt Vela et Tecnagrind/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 249).

95.
    Eu égard à ce qui précède, la Commission n'a pas commis d'erreur en considérant que la requérante ne lui a pas soumis de pièces justificatives de nature à établir que les frais de personnel imputés au projet étaient en rapport direct avec l'exécution de celui-ci et étaient appropriés.

96.
    Or, il y a lieu de rappeler que le système de subventions élaboré par la réglementation communautaire repose notamment sur l'exécution par le bénéficiaire d'une série d'obligations lui donnant droit à la perception du concours financier prévu. Si le bénéficiaire n'accomplit pas toutes ces obligations, l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié, autorise la Commission à reconsidérer l'étendue des obligations qu'elle assume en vertu de la décision octroyant ledit concours (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 24 avril 1996, Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, T-551/93 et T-231/94 à T-234/94, Rec. p. II-247, point 161, et du 12 octobre 1999, Conserve Italia/Commission, T-216/96, Rec. p. II-3139, points 71 et 90 à 94).

97.
    De même, les demandeurs et les bénéficiaires de concours communautaires sont tenus de s'assurer qu'ils fournissent à la Commission des informations suffisamment précises, sans quoi le système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi du concours sont remplies ne saurait fonctionner correctement. En effet, à défaut d'informations suffisamment précises, des projets ne remplissant pas les conditions requises pourraient faire l'objet d'un concours. Il en découle que l'obligation d'information et de loyauté qui pèse sur les demandeurs et bénéficiaires de concours financiers est inhérente au système de concours du FEOGA et essentielle pour son bon fonctionnement. Une violation de ces obligations doit dès lors être considérée comme une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié (voir, en ce sens, arrêts Conserve Italia/Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 71, et Vela et Tecnagrind/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 322).

98.
    Enfin, quant à la motivation de cette partie de la décision attaquée, il convient de constater que la Commission a fait apparaître de façon certes succincte mais néanmoins suffisamment claire et non équivoque que, selon elle, les documents soumis par la requérante au cours de la procédure administrative ne lui permettaient pas de s'assurer que les frais de personnel imputés au projet étaient en rapport direct avec l'exécution de celui-ci et étaient appropriés. Par conséquent, la décision attaquée est également suffisamment motivée sur ce point.

99.
    Par conséquent, les griefs relatifs aux frais de personnel, tirés de l'erreur d'appréciation et de la violation de l'obligation de motivation, doivent être rejetés.

Quant aux frais généraux

- Décision attaquée

100.
    Le dixième tiret du considérant 9 de la décision attaquée est libellé comme suit:

«[La requérante] a imputé au projet un montant de 31 500 000 ITL (26 302 écus) correspondant à des frais généraux (location de deux bureaux, chauffage, électricité, eau et nettoyage). Cette imputation n'a pu être justifiée par aucun type de document.»

- Arguments des parties

101.
    La requérante souligne que, dans ses observations sur la lettre d'ouverture de la procédure, elle a indiqué que, pour la réalisation du projet, deux pièces avaient été réservées et équipées à son siège. Elle explique qu'elle avait imputé au projet une partie des frais généraux correspondant à l'importance du projet par rapport à ses autres activités, c'est-à-dire 28 % du loyer pour tout l'immeuble qu'elle occupe ainsi que des dépenses d'eau, d'électricité, de nettoyage et de chauffage.

102.
    Or, des pièces justificatives concernant tous ces frais auraient été mises à la disposition des deux contrôleurs de la Commission qui n'auraient émis aucune réserve quant à leur valeur probante et quant à l'exactitude du calcul effectué par la requérante.

103.
    La requérante conteste l'affirmation selon laquelle il s'agissait de frais qu'elle devait supporter de toute façon et qui, partant, n'étaient pas susceptibles d'être pris en charge au titre du projet. En effet, selon elle, d'une part, si elle n'avait pas accueilli les services responsables de l'exécution du projet dans ses locaux, ceux-ci auraient dû trouver, ailleurs, un autre arrangement qui aurait entraîné des coûts supplémentaires. D'autre part, elle aurait pu utiliser ces locaux à d'autres fins et aurait pu en tirer profit.

104.
    La Commission fait en substance valoir que ces frais ne pouvaient être imputés au projet, puisqu'ils n'avaient aucun lien direct avec celui-ci et que la requérante ne lui a soumis aucun document permettant d'infirmer cette conclusion.

- Appréciation du Tribunal

105.
    Il ressort du dossier et en particulier de la lettre d'ouverture de la procédure que l'irrégularité constatée par la Commission relative aux frais généraux ne concernait qu'une partie des frais que la requérante avait imputés au projet sous cette rubrique. N'étaient, en effet, concernés que les frais se rapportant à l'utilisation, pour le projet, de locaux que la requérante avait déjà occupés avant l'octroi du concours.

106.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l'article 3, deuxième alinéa, de la décision d'octroi, le concours octroyé était destiné à financer uniquement un certain pourcentage des coûts réellement supportés par les parties concernées pour la réalisation du projet (voir point 77 ci-dessus). Par conséquent, pour éviter des pratiques frauduleuses, la Commission pouvait valablement considérer que des frais généraux, tels que ceux imputés en l'espèce par la requérante, n'étaient pas réellement liés à la réalisation du projet mais constituaient des dépenses que le bénéficiaire devait supporter en tout état de cause, en raison de son activité habituelle, et indépendamment de la réalisation du projet.

107.
    Or, dans une telle situation, il y a lieu de conclure pour les mêmes raisons que celles énoncées au point 81 ci-dessus, que la Commission n'a pas commis d'erreur en considérant que l'imputation de ces frais constituait une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié.

108.
    En ce qui concerne la motivation de la décision attaquée sur ce point, il y a lieu de rappeler qu'il n'est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d'un acte satisfait aux exigences de l'article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63, et arrêt Vela et Tecnagrind, cité au point 82 ci-dessus, point 170).

109.
    S'il est vrai que, contrairement à ce qui semble ressortir à première vue de la décision attaquée (voir point 100 ci-dessus), la requérante a soumis à la Commission des documents justificatifs afin d'établir la nature et la réalité des prestations fournies, il n'en reste pas moins que, en raison de la motivation fournie dans la lettre d'ouverture de la procédure, la requérante connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait que ces dépenses précises ne pouvaient valablement être imputées au projet. En effet, dans la lettre d'ouverture de la procédure, la Commission a souligné que ces coûts avaient un «caractère permanent» et n'avaient dès lors pas de «lien direct avec le projet». Dès lors, il y a lieu de considérer que la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point.

110.
    Il s'ensuit que les griefs relatifs aux frais généraux, tirés de l'erreur d'appréciation et de la violation de l'obligation de motivation, doivent être rejetés.

Quant aux frais de consultance

- Décision attaquée

111.
    Au considérant 9, huitième tiret, de la décision attaquée, la Commission a noté ce qui suit:

«[La requérante] a imputé au projet un montant de 85 000 000 ITL (43 837 écus) correspondant aux frais de consultance de Mauro Brozzi Associati Sas. Cette dépense n'a pas été appuyée par des documents justificatifs qui permettent d'établir la réalité et la nature exacte des prestations fournies.»

- Arguments des parties

112.
    La requérante soumet au Tribunal un contrat, qu'elle a signé le 21 décembre 1992 avec Mauro Brozzi Associati Sas (ci-après le «cabinet Brozzi»). Elle souligne que ce contrat prévoyait cinq volets spécifiques, à savoir, premièrement, la description de la situation socio-économique des zones concernées par le projet; deuxièmement, l'identification des personnes participant au projet; troisièmement, la rédaction du projet et la vérification de son acceptation; quatrièmement, l'examen technico-administratif du compte rendu final du projet et, cinquièmement, le lien avec les particuliers intéressés par le projet afin de parvenir à une meilleure commercialisation de celui-ci. Pour ces services, le cabinet Brozzi devait recevoir une somme correspondant à 50 % des dépenses figurant à la rubrique «personnel de secrétariat et direction» du plan financier du projet.

113.
    Selon la requérante, la réalité des dépenses relatives aux quatre premiers volets de ce contrat serait évidente et, en tout état de cause, établie par les documents conservés par la requérante et dûment examinés par les deux contrôleurs de la Commission. Quant au cinquième volet, la requérante estime que ces frais sont largement établis par des documents qu'elle a conservés, tels que des rapports, lettres, procès-verbaux de réunions, missions et rencontres, documents qui ont été examinés par les contrôleurs de la Commission au cours de la vérification sur place.

114.
    La Commission considère que la requérante ne lui a pas fourni de documents permettant d'établir la réalité et la nature exacte des prestations réellement fournies. En tout état de cause, selon elle, les dépenses relatives aux quatre premiers volets du contrat conclu avec le cabinet Brozzi n'étaient pas éligibles au titre du concours.

- Appréciation du Tribunal

115.
    La Commission reproche à la requérante de ne lui avoir soumis aucun document justificatif qui aurait permis d'établir non seulement le lien contractuel avec le cabinet Brozzi, démontré par le contrat conclu avec celui-ci, mais également la réalité et la nature exacte des différentes prestations effectivement fournies par ce cabinet dans le cadre de l'exécution du projet.

116.
    À cet égard, il convient d'observer que, en réaction à la lettre d'ouverture de la procédure dans laquelle la Commission avait déjà, notamment, soulevé ce même grief, la requérante s'est limitée à décrire brièvement les différentes prestations que le cabinet Brozzi devait fournir en vertu de ce contrat. En revanche, malgré la demande explicite formulée par la Commission, elle n'a joint aucune pièce justificative en annexe à ces observations. Devant le Tribunal, elle s'est bornée à affirmer qu'elle a soumis de telles pièces aux contrôleurs de la Commission lors du contrôle sur place, sans toutefois appuyer cette affirmation par des pièces justificatives.

117.
    Dans une telle situation, il y a lieu de conclure que la requérante n'a pas démontré que la Commission a commis une erreur en considérant que les frais de consultance n'ont pas été prouvés par des documents justificatifs qui permettent d'établir la réalité et la nature exacte des prestations fournies. Or, ainsi qu'il résulte du point 5 de l'annexe II de la décision d'octroi, la requérante était liée par une obligation d'information et de loyauté envers la Communauté. Une violation de cette obligation doit être considérée comme une irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié.

118.
    Enfin, il convient d'observer que la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point. En effet, contrairement à ce que soutient la requérante, au considérant 9 de la décision attaquée, la Commission n'a pas indiqué que la requérante n'avait soumis aucun document en relation avec les frais de consultance, mais a précisé les raisons de l'adoption de sa mesure, à savoir que les documents soumis par la requérante ne permettaient pas d'établir la réalité et la nature exacte des prestations fournies.

119.
    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les dépenses prévues dans le cadre des cinq volets du contrat conclu avec le cabinet Brozzi auraient pu être considérées comme éligibles au titre du concours, il convient de conclure que les griefs relatifs aux frais de consultance, tirés de l'erreur d'appréciation et de la violation de l'obligation de motivation, doivent être rejetés.

Quant au système d'irrigation

- Décision attaquée

120.
    Au considérant 9, onzième tiret, de la décision attaquée, la Commission a noté ce qui suit:

«[D]ans le cadre de l'action ‘culture de l'épeautre et des truffes', la [décision d'octroi] a prévu la réalisation des investissements concernant l'amélioration des systèmes d'irrigation pour la culture des truffes, d'un montant de 41 258 écus. Ces investissements n'ont pas été réalisés et aucune explication à cet égard n'a été fournie à la Commission.»

- Arguments des parties

121.
    La requérante relève que la décision d'octroi prévoyait la réalisation de «systèmes d'irrigation de réserve». Contrairement à ce que soutient la Commission, ces termes n'auraient pas signifié que la requérante devait construire une installation d'irrigation fixe, mais auraient en revanche fait référence à une irrigation de secours pour les périodes de sécheresse qui devait être réalisée par des cuves mobiles traînées par un tracteur. La requérante s'appuie, à cet égard, sur une expertise, établie le 27 octobre 2000, dont il ressort, d'une part, que les termes «systèmes d'irrigation de réserve», utilisés dans le cadre de ce projet spécifique, devaient être compris dans le sens indiqué par la requérante et, d'autre part, que les frais exposés par la requérante étaient adaptés, eu égard aux prix normalement pratiqués pour les interventions dans le cadre du FEOGA.

122.
    Par ailleurs, la requérante rejette l'argument de la Commission selon lequel elle n'a, en tout état de cause, pas apporté la preuve de la réalité des dépenses liées à l'irrigation mobile. Elle se réfère à cet égard à un contrat qu'elle aurait conclu avec une entreprise pour la réalisation des cultures arboricoles, qui aurait énuméré minutieusement les opérations à effectuer, y compris celles concernant l'irrigation. Elle fait par ailleurs valoir que, dans les comptes rendus d'inspection des techniciens, le respect de toutes les prescriptions a été confirmé et que cette circonstance a été constatée par les contrôleurs de la Commission au cours du contrôle sur place. En outre, selon la requérante, le fait que les cultures ont été menées à bonne fin démontre que l'irrigation a effectivement été réalisée.

123.
    La Commission soutient qu'elle a constaté, au cours des vérifications sur place, que la requérante n'a pas procédé aux investissements prévus par le projet en ce qui concerne les «systèmes d'irrigation de réserve». Selon la Commission, ces investissements ne pouvaient valablement être réalisés que par la mise en place de systèmes d'irrigation fixes et non pas par un système «d'arrosage» constitué de «tonneaux traînés par un tracteur». Elle souligne, par ailleurs, que, à supposer même qu'il faille interpréter les termes «systèmes d'irrigation de réserve» dans le sens indiqué par la requérante, celle-ci n'a jamais produit, au cours de la procédure administrative, le moindre élément de preuve, tel que des factures relatives à l'acquisition des cuves mobiles ou à l'utilisation d'un tracteur.

124.
    Selon la Commission, la requérante ne pouvait valablement invoquer à cet égard un contrat qu'elle a conclu avec une entreprise pour la réalisation des cultures arboricoles et auquel elle a fait référence dans ses observations sur la lettre d'ouverture de la procédure. En effet, cette référence aurait été beaucoup trop générale pour permettre aux contrôleurs de la Commission de déterminer à quel contrat la requérante faisait référence. En outre, la Commission relève que, au cours des vérifications sur place, les contrôleurs ont constaté que l'irrigation n'a pas été réalisée étant donné qu'une grande partie des jeunes plantes avait dépéri.

- Appréciation du Tribunal

125.
    Tout d'abord, il y a lieu d'observer que, si la décision d'octroi prévoit le financement d'un «système d'irrigation de réserve» (également dénommé «irrigation de sécurité»), ni la demande que la requérante a soumise à la Commission ni la décision d'octroi n'ont précisé quel type de système d'irrigation devait être réalisé dans le cadre du projet.

126.
    Ensuite, il résulte des réponses de la requérante à une question écrite du Tribunal que, lors du contrôle sur place, les contrôleurs de la Commission avaient indiqué que l'arrosage des plantes à l'aide de cuves mobiles traînées par un tracteur ne pouvait être considéré comme la réalisation d'un «système d'irrigation de réserve» et que, en l'absence de réalisation d'un système d'irrigation fixe, il y avait lieu de conclure que, à cet égard, le projet n'avait pas été réalisé tel que prévu. Dans la lettre d'ouverture de la procédure, la Commission a considéré que les investissements concernant l'amélioration du système d'irrigation «[n'avaient] pas été réalisés» et a invité la requérante à présenter la preuve du contraire.

127.
    Dans ses observations sur la lettre d'ouverture de la procédure, la requérante a réitéré l'explication qu'elle avait déjà fournie aux contrôleurs de la Commission, à savoir que, à son avis, «dans le projet, [le système d'irrigation] n'était pas conçu comme un équipement fixe mais comme une irrigation à réaliser à l'aide de moyens de transport (camions-citernes)». La requérante ne conteste pas que, outre cette explication quant à son interprétation des termes du projet relatifs au système d'irrigation, elle n'a pas soumis à la Commission de pièces justificatives, telles que des factures relatives à l'acquisition des cuves mobiles ou à l'utilisation d'un tracteur, qui auraient permis, d'une part, de dissiper les doutes formulés par la Commission quant à la manière de réaliser le système d'irrigation et, d'autre part, de démontrer que ce système, tel que la requérante l'avait conçu, avait effectivement été réalisé.

128.
    Par ailleurs, devant le Tribunal, la requérante n'a même pas cherché à établir que le contrat auquel elle s'est référée dans ce contexte sans le produire devant le Tribunal permettait de démontrer la réalisation effective de ce système d'irrigation.

129.
    Dans de telles circonstances, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la question de savoir si l'arrosage des plantes à l'aide de cuves mobiles traînées par un tracteur pouvait être considéré comme la réalisation d'un «système d'irrigation de réserve» au sens de la décision d'octroi, il convient de conclure que la Commission n'a pas commis d'erreur en estimant que la requérante n'avait pas démontré que les investissements prévus quant au système d'irrigation ont effectivement été réalisés.

130.
    Or, l'imputation de frais non justifiés par des documents ou par d'autres moyens doit être considérée comme une violation grave des conditions d'octroi du concours financier ainsi que de l'obligation de loyauté qui pèse sur le bénéficiaire d'un tel concours et peut, par conséquent, être qualifiée d'irrégularité au sens de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié.

131.
    En ce qui concerne le respect de l'obligation de motivation, il convient d'observer qu'il est, certes, vrai que ni dans la lettre d'ouverture de la procédure ni dans la décision attaquée la Commission n'a explicitement indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que le système d'irrigation prétendument prévu par la requérante ne correspondait pas à celui évoqué dans le projet. Toutefois, ainsi que cela a déjà été mentionné au point 126 ci-dessus, la requérante a confirmé que ce grief lui avait été explicité par les contrôleurs de la Commission. Cela est, par ailleurs, corroboré par le fait que, dès l'introduction de sa requête, la requérante a non seulement avancé des arguments relatifs au caractère prétendument erroné de l'interprétation défendue par la Commission des termes de la décision d'octroi, mais a également produit une expertise au soutien de sa position. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, compte tenu du contexte dans lequel s'inscrit la décision attaquée, celle-ci est motivée à suffisance de droit à cet égard.

132.
    Par conséquent, les griefs relatifs au système d'irrigation, tirés de l'erreur d'appréciation et de la violation de l'obligation de motivation, doivent être rejetés.

Conclusion

133.
    Au terme de l'analyse qui précède, les première et deuxième branches du deuxième moyen doivent être écartées.

Sur la troisième branche du moyen

134.
    La requérante fait valoir que la Commission n'a pas établi de compte rendu des activités et des entretiens effectués par ses contrôleurs et, en particulier, qu'elle n'a pas dressé une liste des documents photocopiés à ces occasions. Dans ces circonstances, il ne lui serait pas possible de répondre aux griefs invoqués par la Commission selon lesquels elle n'aurait pas produit certains documents au cours de la procédure administrative.

135.
    La Commission note qu'elle a établi un compte rendu des activités et des entretiens de ses contrôleurs ainsi qu'une liste des documents photocopiés mais que ces documents n'étaient destinés qu'à un usage interne. En tout état de cause, elle estime que le fait qu'elle n'a pas envoyé ces documents à la requérante n'était pas de nature à porter atteinte à la position de celle-ci étant donné que, dans la lettre d'ouverture de la procédure, elle l'a informée de tous les griefs qui lui étaient reprochés et qu'elle a été en mesure de produire tous les documents et de faire valoir tous les arguments susceptibles de prouver qu'elle avait respecté les obligations qui lui incombaient en vertu de la décision d'octroi.

136.
    Le Tribunal rappelle que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire qui doit être assuré, même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe exige que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêts de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C-32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21 et du Tribunal du 26 septembre 2002, Sgaravatti Mediterranea/Commission, T-199/99, non encore publié au Recueil, point 55).

137.
    Dans le cas d'espèce, par la lettre du 12 août 1997, la Commission a annoncé à la requérante qu'elle allait entreprendre une vérification de l'exécution du projet. En outre, par la lettre d'ouverture de la procédure, la Commission a indiqué tous les griefs qu'elle retenait à son encontre et lui a, en substance, demandé de lui soumettre toutes les pièces justificatives relatives aux dépenses imputées au projet. À la suite de cette demande, à trois reprises, à savoir par les lettres des 25 août 1997, 6 avril 1998 et 17 mai 1999, la requérante a soumis à la Commission des documents ainsi que ses observations sur ceux-ci. Par ailleurs, par lettre du 6 mars 1998, la Commission a précisé les dates du contrôle sur place et a demandé à la requérante de tenir à la disposition des contrôleurs l'ensemble de la comptabilité et des documents administratifs et financiers concernant le projet.

138.
    Dans de telles circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission a permis à suffisance à la requérante de démontrer la bonne exécution des actions du projet qu'elle devait réaliser par la production des pièces justificatives qu'elle était tenue, conformément à la décision d'octroi, de mettre à la disposition de la Commission.

139.
    Par conséquent, la troisième branche du deuxième moyen doit être écartée et le deuxième moyen doit être rejeté dans son intégralité.

3. Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié

140.
    La requérante considère que la décision attaquée est entachée d'une violation du principe de proportionnalité et de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié, dans la mesure où les différentes irrégularités constatées dans cette décision ne suffisent pas à justifier une sanction aussi grave que la suppression intégrale du concours qui avait été octroyé pour la réalisation d'actions du projet par la requérante. La requérante souligne que toutes les actions prévues par le projet ont été réalisées, l'objectif du concours financier ayant ainsi été atteint. Or, dans ces circonstances, les conditions d'application de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, tel que modifié n'étaient pas réunies.

141.
    La Commission considère que les faits reprochés à la requérante constituent des «irrégularités ou modifications importantes» au sens de l'article 24, paragraphe 2, du règlement n° 4253/88, qui étaient d'une gravité telle que toute mesure autre que la suppression risquait de constituer un encouragement à la fraude.

142.
    Le Tribunal rappelle que le principe de proportionnalité exige, tel que cela a été constaté par une jurisprudence constante, que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (voir point 65 ci-dessus).

143.
    La jurisprudence a également constaté que la violation des obligations dont le respect revêt une importance fondamentale pour le bon fonctionnement d'un système communautaire peut être sanctionnée par la perte d'un droit ouvert par la réglementation communautaire, tel que le droit à une aide (arrêt de la Cour du 12 octobre 1995, Cereol Italia, C-104/94, Rec. p. I-2983, point 24, et la jurisprudence citée).

144.
    S'agissant de la présente affaire, il convient de souligner que le règlement n° 2052/88 et les règlements n°s 4253/88 et 4256/88 portant application de celui-ci ont pour objet de promouvoir, par le biais du FEOGA, dans le cadre du soutien de la cohésion économique et sociale et dans la perspective de la réforme de la politique agricole commune, l'adaptation des structures agricoles et le développement des zones rurales. Dans ce contexte, le législateur a, ainsi que cela découle du vingtième considérant du règlement n° 4253/88 et de l'article 23 du même règlement, entendu mettre en place une procédure de contrôle efficace pour assurer le respect par les bénéficiaires des conditions posées lors de l'octroi du concours du FEOGA, afin de réaliser les objectifs susvisés de façon correcte.

145.
    Il importe également de rappeler que, dans son arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 96 ci-dessus (point 160), le Tribunal a énoncé que, compte tenu de la nature même des concours accordés par la Communauté, l'obligation de respecter les conditions financières indiquées dans la décision d'octroi constitue, au même titre que l'obligation d'exécution matérielle du projet concerné, l'un des engagements essentiels du bénéficiaire et, de ce fait, conditionne l'attribution du concours communautaire.

146.
    Enfin, ainsi qu'il a déjà été souligné (voir, ci-dessus, point 97), la fourniture par les demandeurs et bénéficiaires de concours communautaires d'informations suffisamment précises est indispensable au bon fonctionnement du système de contrôle et de preuve mis en place pour vérifier si les conditions d'octroi de ces concours sont remplies.

147.
    Or, dans le cas d'espèce, il ressort de l'analyse exposée dans le cadre de l'examen du deuxième moyen que la partie requérante a commis des irrégularités aux fins du cofinancement du projet et a imputé à celui-ci des dépenses non justifiées. De tels comportements constituent des violations graves d'obligations essentielles pesant sur les bénéficiaires pouvant justifier la suppression du concours en cause.

148.
    Quant à l'argument tiré de ce que toutes les actions du projet auraient été réalisées, il y a lieu de rappeler qu'il ne saurait être soutenu, comme le fait, en substance, la requérante, que les sanctions prévues par l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, ne trouveraient à s'appliquer que dans le seul cas où l'action financée n'aurait pas été réalisée en tout ou en partie (voir point 94 ci-dessus).

149.
    En présence de tels manquements, la Commission a pu raisonnablement considérer que toute sanction autre que la suppression totale du concours et la répétition des sommes versées par le FEOGA risquait de constituer une invitation à la fraude en ce que les candidats bénéficiaires seraient tentés soit de gonfler artificiellement le montant des dépenses imputées au projet pour échapper à leur obligation de cofinancement et obtenir l'intervention maximale du FEOGA prévue dans la décision d'octroi, soit de fournir de fausses informations ou d'occulter certaines données pour obtenir un concours ou pour accroître l'importance du concours sollicité, sous peine seulement de voir ce concours ramené au niveau qui aurait dû être le sien compte tenu de la réalité des dépenses effectuées par le bénéficiaire et/ou de l'exactitude des informations fournies par celui-ci à la Commission (voir, en ce sens, arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 163, et arrêt Vela et Tecnagrind/Commission, cité au point 82 ci-dessus, point 402).

150.
    Par conséquent, la violation alléguée du principe de proportionnalité n'est pas fondée. Le troisième moyen doit, en conséquence, être rejeté.

4. Sur le quatrième moyen, tiré d'un détournement de pouvoir

151.
    La requérante estime que, compte tenu du caractère discutable des griefs qui lui sont reprochés et de la façon dont les vérifications sur place ont été effectuées par les contrôleurs de la Commission, la suppression doit être considérée comme inspirée par une intention vexatoire et punitive et est dès lors entachée d'un détournement de pouvoir. La requérante est d'avis que la volonté de la Commission de lui infliger une punition exemplaire ressort de la dernière phrase de la lettre d'ouverture de la procédure dans laquelle le directeur général en charge du dossier a indiqué que, «[d]ans le cas où [les] explications et documents [invoqués dans cette lettre] seraient suffisants pour éliminer tous les doutes raisonnables, [il se] réserv[ait] le droit de revenir sur d'autres points, dans le contexte d'une possible décision, toujours sur base de l'article 24 du règlement n° 4253/88, tel que modifié, de réduction ou de suppression du concours».

152.
    La Commission considère que la suppression d'un concours financier dans le cas de violations d'une gravité particulière, comme celles constatées dans le cas d'espèce, n'est pas l'expression d'une intention vexatoire, mais constitue la seule mesure propre à assurer que les concours financiers du FEOGA soient utilisés d'une manière effective et correcte. En ce qui concerne le passage de la lettre d'ouverture de la procédure invoqué par la requérante, la Commission relève que, par cette phrase, elle a cherché à offrir une garantie à la requérante. En effet, la Commission fait remarquer qu'elle a uniquement informé la requérante de la possibilité qu'une nouvelle procédure soit engagée dans le cas où les reproches soulevés se révéleraient sans fondement, mais où de nouveaux éléments seraient apparus qui seraient de nature à faire douter de la régularité du projet.

153.
    Le Tribunal rappelle que la notion de détournement de pouvoir a une portée précise en droit communautaire et vise la situation où une autorité administrative use de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt Industrias Pesqueras Campos e.a./Commission, cité au point 96 ci-dessus, point 168).

154.
    Or, dans le cas d'espèce, ainsi que le Tribunal l'a jugé dans le cadre de l'examen du deuxième moyen, la requérante n'a pas démontré l'existence d'erreurs en ce qui concerne la constatation d'irrégularités dans la réalisation du projet. En outre, la requérante n'a avancé aucun élément permettant d'établir que la Commission a poursuivi un but autre que celui de sanctionner des irrégularités constatées dans l'exécution du projet. L'affirmation de la requérante selon laquelle la Commission a cherché à «donner un exemple» n'est confirmée par aucun élément du dossier.

155.
    De même, il ne saurait être déduit du passage de la lettre d'ouverture de la procédure, invoqué par la requérante, que la Commission a cherché à punir la requérante par l'adoption de la décision attaquée. En effet, comme le souligne en substance la Commission, cette phrase avait pour seul objet d'informer la requérante de la possibilité que la procédure engagée soit limitée ou étendue dans le cas où les reproches soulevés se révéleraient sans fondement et où seraient cependant apparus des éléments nouveaux de nature à faire ultérieurement douter de la régularité du projet.

156.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

5. Conclusion générale

157.
    Eu égard à tout ce qui précède, la décision attaquée doit être annulée pour autant que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante elle-même. En revanche, le recours doit être rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

158.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision C (2000) 2388 de la Commission, du 14 août 2000, portant suppression du concours octroyé à la Comunità montana della Valnerina par la décision C (93) 3182 de la Commission, du 10 novembre 1993, relative à l'octroi d'un concours du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole (FEOGA), section «Orientation», conformément au règlement (CEE) n° 4256/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2052/88 en ce qui concerne le FEOGA, section «Orientation», dans le cadre du projet n° 93.IT.06.016 intitulé «Projet pilote et de démonstration de filières sylvi-agro-alimentaires dans des zones de montagnes secondaires (France, Italie)», est annulée pour autant que la Commission n'a pas limité sa demande de remboursement du concours aux sommes correspondant à la partie du projet qui, en vertu de la décision d'octroi, devait être réalisée par la requérante elle-même.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    Chaque partie supporte ses propres dépens.

Lenaerts
Azizi

Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'italien.