Language of document : ECLI:EU:T:2010:379


ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 septembre 2010(*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres communautaire – Organisation de réunions et de conférences – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑582/08,

Carpent Languages SPRL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me P. Goergen, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Simon et E. Manhaeve, en qualité d’agents, assistés de Mes F. Tulkens et V. Ost, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la Commission du 30 octobre 2008, portant rejet de l’offre de la requérante déposée pour le lot n° 4 « Mise à disposition d’équipes d’interprètes en fonction des besoins linguistiques de chaque événement » du marché VT/2008/036 (Contrats-cadres multiples portant sur des services d’organisation de réunions et de conférences), et la décision de la Commission du 17 novembre 2008, désignant la société attributaire du lot n° 4, ainsi qu’une demande de condamnation de la Commission au paiement de dommages-intérêts dans l’hypothèse où le Tribunal ne ferait pas droit à la demande d’annulation de la décision de rejet de l’offre de la requérante,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, E. Moavero Milanesi et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 mars 2010,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        La passation des marchés de services de la Commission des Communautés européennes est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1) (ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1) (ci‑après les « modalités d’exécution »), dans leur version applicable aux faits de l’espèce.

2        L’article 97, paragraphe 1, du règlement financier prévoit :

« Les marchés sont attribués sur la base des critères d’attribution applicables au contenu de l’offre, après vérification, sur la base des critères de sélection définis dans les documents d’appel à la concurrence, de la capacité des opérateurs économiques non exclus en vertu des articles 93 et 94 et de l’article 96, paragraphe 2, [sous] a). »

3        L’article 100 du règlement financier dispose :

« 1. L’ordonnateur compétent désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à la concurrence et des règles de passation des marchés.

2. Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

[…] »

4        Selon l’article 137, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution :

« 1. La capacité technique et professionnelle des opérateurs économiques est évaluée et vérifiée conformément aux dispositions des paragraphes 2 et 3. […]

2. La capacité technique et professionnelle des opérateurs économiques peut être justifiée, selon la nature, la quantité ou l’importance et l’utilisation des fournitures, services ou travaux à fournir, sur la base d’un ou de plusieurs des documents suivants :

a)      l’indication des titres d’études et professionnels du prestataire ou de l’entrepreneur et/ou des cadres de l’entreprise et, en particulier, du ou des responsables de la prestation ou de la conduite des travaux ;

b)      la présentation d’une liste :

i)      des principaux services et livraisons de fournitures effectués au cours des trois dernières années, indiquant leur montant, leur date et leur destinataire, public ou privé ;

ii)      des travaux exécutés au cours des cinq dernières années, indiquant leur montant, leur date et leur lieu. La liste des travaux les plus importants est appuyée de certificats de bonne exécution précisant s’ils ont été effectués dans les règles de l’art et menés régulièrement à bonne fin ;

c)      une description de l’équipement technique, de l’outillage et du matériel employés pour exécuter un marché de services ou de travaux ;

d)      une description de l’équipement technique et des mesures employées pour s’assurer de la qualité des fournitures et services, ainsi que des moyens d’étude et de recherche de l’entreprise ;

e)      l’indication des techniciens ou des organismes techniques, qu’ils soient ou non intégrés à l’entreprise, en particulier de ceux qui sont responsables du contrôle de la qualité ;

[…]

g)      une déclaration indiquant les effectifs moyens annuels du prestataire ou de l’entrepreneur et l’importance du personnel d’encadrement pendant les trois dernières années ;

h)      l’indication de la part du marché que le prestataire de services a éventuellement l’intention de sous-traiter ;

[…] »

5        Enfin, l’article 149 des modalités d’exécution prévoit ce qui suit :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours [de] calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, d’une valeur égale ou supérieure aux seuils visés à l’article 158 et qui ne sont pas exclus du champ d’application de la directive 2004/18/CE, le pouvoir adjudicateur notifie, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre, par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, à l’un ou l’autre des stades suivants :

a)      peu de temps après l’adoption de décisions sur la base des critères d’exclusion et de sélection et avant la décision d’attribution, lorsque les procédures de passation de marché sont organisées en deux étapes distinctes ;

b)      en ce qui concerne les décisions d’attribution et les décisions de rejet d’une offre, le plus tôt possible après la décision d’attribution et au plus tard dans la semaine qui suit.

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature ainsi que les voies de recours disponibles.

Les pouvoirs adjudicateurs notifient, en même temps qu’ils informent les candidats ou soumissionnaires évincés du rejet de leur offre, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que la décision notifiée ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur concerné.

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, par lettre, par télécopie ou par courrier électronique et pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande. »

 Faits à l’origine du litige

6        Par un avis de marché du 13 mars 2008, publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO S 58) sous la référence VT/2008/036, la Commission a lancé un appel d’offres relatif à des contrats-cadres multiples portant sur des services d’organisation de réunions et de conférences au bénéfice de la direction générale (DG) « Emploi, affaires sociales et égalité des chances » (ci-après l’« appel d’offres »).

7        Le marché, objet de l’appel d’offres, était divisé en sept lots, dont le lot n° 4, intitulé « Mise à disposition d’équipes d’interprètes en fonction des besoins linguistiques de chaque événement ».

8        Le point 5.1 du cahier des charges de l’appel d’offres (ci-après le « cahier des charges »), intitulé « Description des tâches », prévoyait ce qui suit s’agissant du lot n° 4 :

« Sur demande de la [DG] ‘Emploi, affaires sociales et égalité des chances’ et suivant les indications de celle-ci, le contractant devra :

–        fournir une ou plusieurs équipes d’interprètes [membres de l’Association internationale des interprètes de conférence] ou repris sur les listes des [i]nstitutions européennes (y compris interprètes en langue des signes), même à courte échéance couvrant tout […] ou partie des langues officielles de l’Union européenne et des pays candidats ;

–        fournir, dans des cas exceptionnels, une ou plusieurs équipes d’interprètes [membres de l’Association internationale des interprètes de conférence] ou repris sur les listes des [i]nstitutions européennes couvrant des langues plus rarement utilisées comme le chinois, le japonais, le russe ou l’arabe.

L’attention des soumissionnaires est attirée sur les points suivants :

–        dans le cas de combinaisons linguistiques dites ‘exceptionnelles’ ou si les délais d’organisation sont très courts, il pourra être fait appel à des interprètes de l’étranger. Dans ces cas uniquement, et après accord préalable de la Commission, il est prévu des frais de déplacements ainsi que des frais de séjour et/ou per diem ;

–        la plupart des réunions et conférences organisées par la [DG] ‘Emploi, affaires sociales et égalité des chances’ sont enregistrées, pour des besoins internes, sur cassettes et cela sans le consentement préalable des interprètes intéressés ;

–        l’utilisation d[u] téléphone […] en cabine est strictement interdite. »

9        Le point 12 du cahier des charges, relatif aux critères de sélection, dispose :

« Les candidats seront sélectionnés, pour chaque lot séparément, sur la base de leur capacité économique et financière et de leur capacité technique :

a) Capacité économique et financière :

–        Les bilans et comptes de résultats révisés des [deux] derniers exercices financiers (audités si leur publication est prescrite par la législation du pays dans lequel le soumissionnaire est établi).

–        La situation comptable du trimestre précédant celui de la publication du présent appel d’offres, si les résultats du dernier exercice financier ne sont pas encore disponibles.

–        Le chiffre d’affaires global du soumissionnaire et son chiffre d’affaires relatif à la prestation de services semblables à ceux faisant l’objet du présent appel d’offres pour les [deux] derniers exercices.

b) Capacité technique :

Chaque soumissionnaire devra remplir les critères énumérés ci-après :

–        Avoir une expertise dans le domaine et une expérience d’au moins quatre ans pour les tâches couvertes par le lot faisant l’objet de l’offre.

–        Avoir les compétences professionnelles nécessaires pour exécuter les services envisagés.

–        Disposer des ressources, du matériel et de l’équipement technique nécessaires pour exécuter les services.

–        Avoir les compétences linguistiques nécessaires pour exécuter les services envisagés dans plusieurs langues officielles de l’Union européenne et au moins en français et en anglais.

Éléments de preuve à fournir :

Les éléments énumérés ci-après devront être fournis pour justifier la conformité aux critères susmentionnés :

–        La liste des principaux clients (minimum [cinq] – maximum [dix]) et des principaux services [fournis] au cours des trois dernières années, indiquant le montant, la date et le destinataire (client public ou privé) de chacun de ces services.

–        Des exemples de travaux exécutés au cours des quatre dernières années. Si ces travaux ont été exécutés en partie par des membres d’un groupement (ou d’un consortium d’entreprises), le soumissionnaire doit indiquer clairement quels ont été le rôle et la contribution de chacun. Les projets référencés doivent comprendre une personne de contact pouvant éventuellement attester l’existence des prestations.

–        Les CV des coordinateurs désignés par le soumissionnaire pour exécuter les services envisagés.

–        La description des moyens dont le soumissionnaire dispose pour exécuter le type de services décrits dans le lot faisant [l’]objet de l’offre et pour s’assurer du contrôle de qualité des travaux qu’il exécute. »

10      Le point 13 du cahier des charges, intitulé « Critères d’attribution », contient notamment les précisions suivantes :

« Le contrat sera attribué à l’offre qui représente le meilleur rapport qualité[-]prix.

Le comité d’évaluation évaluera la qualité du traitement apporté par le soumissionnaire aux différentes études de cas propres à chaque lot. Chaque étude de cas sera évaluée au regard des critères suivants :

–        Compréhension de l’étude de cas (contexte / tâches à effectuer / résultats à obtenir…) : 20 points

–        Adéquation des ressources allouées au projet et pertinence de l’approche proposée (structure de l’équipe de travail et répartition des tâches / aspects techniques et logistiques / supervision des sous-traitants…) : 60 points

–        Qualité et précision du calendrier des travaux : 20 points

L’obtention d’un score inférieur à 70 points pour une des études de cas spécifique à un lot donné est éliminatoire. Le soumissionnaire présentant l’offre concernée sera exclu du marché. »

11      Par lettre du 17 mai 2008, la requérante, Carpent Languages SPRL, a soumissionné à l’appel d’offres pour le lot n° 4.

12      Par lettre du 17 juillet 2008, la Commission a demandé à la requérante des précisions complémentaires ainsi que des documents concernant sa capacité économique et financière et sa capacité technique. Le 22 juillet 2008, la requérante a communiqué les documents qui lui avaient été demandés.

13      Par décision du 30 octobre 2008, la Commission a informé la requérante que son offre pour le lot n° 4 n’avait pas été retenue (ci-après la « décision de rejet »). La décision de rejet est motivée de la façon suivante :

« Le [c]omité d’évaluation a évalué votre offre et au moins une de vos études de cas a obtenu un score inférieur à 70 points, ce qui constitue un motif d’élimination conformément au point 13 [‘Critères d’attribution’] du cahier des charges. »

14      Par décision de ce même 30 octobre 2008, la société attributaire du lot n° 4 a été informée que le marché lui avait été attribué et qu’elle était l’unique attributaire.

15      Par lettre datée du 3 novembre 2008, la requérante a demandé que lui soient communiqués les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre qui avait été retenue pour le lot n° 4.

16      Par courrier du 17 novembre 2008, la Commission a répondu à la demande de la requérante. Ce courrier contient les passages suivants :

« L’offre retenue a été présentée par […]

Les avantages relatifs de cette offre sont les suivants :

–        Très bonne analyse et reformulation des [études de cas] ;

–        Mise en évidence des contraintes spécifiques de chaque [étude de cas] et des résultats à obtenir ;

–        Méthodologie très détaillée expliquant le choix et la constitution des équipes linguistiques ;

–        Information détaillée relative […] aux conditions d’annulation et aux pénalités éventuelles ;

–        Calendrier des travaux clair et précis. »

17      Par lettre datée du 8 décembre 2008, la requérante a demandé à la Commission de bien vouloir lui transmettre, dans les plus brefs délais, des informations complémentaires sur les motifs de rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire du marché.

18      La Commission a répondu à la demande d’informations complémentaires de la requérante le 14 janvier 2009, soit postérieurement à l’introduction du présent recours. La lettre du 14 janvier 2009, reçue par la requérante le 19 janvier, reprend les informations concernant la société attributaire du lot n° 4, contenues dans le courrier du 17 novembre 2008, rappelle les critères au vu desquels les études de cas soumises par les candidats ont été notées, conformément au point 13 du cahier des charges, et communique l’analyse détaillée de l’offre de la requérante par le comité d’évaluation.

 Procédure et conclusions des parties

19      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

20      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2009, la requérante a demandé au Tribunal qu’il sollicite, au titre des mesures d’organisation de la procédure, la production de certains documents par la Commission et qu’il entende un témoin lors de la procédure orale. Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 30 septembre 2009, la Commission a fait part de ses observations sur les mesures d’organisation de la procédure demandées par la requérante.

21      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

22      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 24 mars 2010.

23      Lors de l’audience, le représentant de la requérante a déposé une impression d’écran relative au traitement du courrier du 8 décembre 2008. Le Tribunal a décidé d’accepter exceptionnellement ce document et de le verser au dossier sous réserve de sa pertinence pour la solution du litige.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet ;

–        annuler la décision d’attribution du lot n° 4 (ci-après la « décision d’attribution ») ;

–        à titre subsidiaire, au cas où le Tribunal ne ferait pas droit à la demande d’annulation de la décision de rejet, condamner la Commission au paiement de dommages-intérêts à hauteur de 200 000 euros au titre de ses préjudices moral et matériel ;

–        condamner la Commission à l’ensemble des dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        rejeter la demande indemnitaire comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée ;

–        condamner la requérante à l’ensemble des dépens.

 En droit

26      À l’appui de ses conclusions, la requérante soulève trois moyens, tirés d’une violation de l’obligation de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

27      Dans la mesure où, d’une part, la décision de rejet et la décision d’attribution entretiennent un lien étroit et, d’autre part, l’argumentation développée par la requérante dans ses premier et deuxième moyens vise la décision de rejet, il convient d’examiner d’abord les différents moyens du recours uniquement en tant qu’ils sont dirigés contre cette dernière décision (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié au Recueil, point 43).

28      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 33 ; du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 47, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 45).

 Sur les conclusions en annulation de la décision de rejet

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

29      Selon la requérante, la décision de rejet doit être considérée comme dénuée de motivation, dès lors que, à la date d’introduction du présent recours, le pouvoir adjudicateur n’avait toujours pas répondu à sa demande, datée du 8 décembre 2008, d’informations complémentaires sur les motifs de ladite décision.

30      Or, au vu des éléments communiqués dans la décision de rejet, la requérante serait dans l’impossibilité de déterminer laquelle des deux études de cas qu’elle avait soumises à l’appui de son offre se serait vu attribuer un score inférieur à 70 points par le comité d’évaluation.

31      Par ailleurs, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir précisé, dans son courrier du 17 novembre 2008, répondant à sa demande, le nombre de points obtenu par la société attributaire du lot n° 4 ni expliqué en quoi l’offre de celle-ci était plus avantageuse que la sienne.

32      En réponse à l’argumentation de la Commission, la requérante conteste avoir tardé à envoyer la lettre du 8 décembre 2008.

33      Selon la requérante, l’argumentation de la Commission serait basée sur de simples allégations, « fallacieuses et aberrantes ». La fiche relative à l’enregistrement de la lettre de la requérante du 8 décembre 2008 dans le logiciel de suivi du courrier de la Commission, produit par cette dernière, n’établirait pas la date de réception de cette lettre par son destinataire.

34      La requérante ne pourrait être tenue pour responsable de l’organisation des services de la Commission ou du fait que les agents de celle-ci auraient pris congé en décembre 2008.

35      Selon la requérante, la lettre du 8 décembre 2008 aurait dû être reçue par les services de la Commission au plus tard le 11 décembre. Le délai pour répondre à la demande d’informations complémentaires sur le rejet de l’offre de la requérante expirait ainsi au plus tard le 26 décembre 2008, en application de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution. Dès lors, en ne répondant que le 14 janvier 2009, la Commission devrait voir les éléments de motivation apportés à cette occasion purement et simplement écartés des débats.

36      La Commission soutient que le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

–       Appréciation du Tribunal

37      Il résulte de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours calendaires à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 8 mai 1996, Adia Interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, points 31, et du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 54 ; arrêt du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, précité, point 47).

38      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, au juge d’exercer son contrôle (arrêts Adia Interim/Commission, précité, point 32 ; Strabag Benelux/Conseil, précité, point 55, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, précité, point 48).

39      Il importe, en outre, de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée).

40      En application des dispositions de l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, il convient, en l’espèce, d’examiner si la Commission a satisfait à son obligation de motivation, fixée par le règlement financier et lesdites modalités, en prenant en considération la décision de rejet et la lettre du 17 novembre 2008 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 66).

41      En effet, il y a lieu de constater que la lettre du 14 janvier 2009 a été envoyée à la requérante postérieurement au 30 décembre 2008, date à laquelle celle-ci a introduit le présent recours. Par suite, cette lettre ne saurait être prise en considération lors de l’examen du présent moyen (arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑59/05, non publié au Recueil, point 136).

42      Dans la décision de rejet, la Commission, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, a exposé les motifs pour lesquels l’offre de la requérante avait été rejetée, à savoir qu’au moins une des études de cas présentée dans l’offre avait obtenu un score inférieur à 70 points, ce qui constituait un motif d’élimination conformément au point 13 du cahier des charges, intitulé « Critères d’attribution ».

43      Quoique succincte, la motivation de la décision de rejet est claire et suffisante, en ce qu’elle donne le motif pour lequel l’offre de la requérante a été écartée, à savoir l’obtention, pour au moins une des études de cas présentées par elle, d’une note inférieure au seuil minimal prévu par les dispositions pertinentes du cahier des charges pour que les offres soumises fassent l’objet d’une comparaison entre elles. Par la motivation apportée dans la décision de rejet, la requérante était donc à même de comprendre que, en raison de ce résultat, son offre avait été exclue de la procédure et qu’elle n’avait, par conséquent, pas été comparée à celles des soumissionnaires ayant obtenu le minimum de points requis.

44      Par suite, s’il est regrettable que la requérante n’ait pas été en mesure, à la lecture de la décision de rejet, de déterminer laquelle des deux études de cas qu’elle avait soumises à l’appui de son offre avait fait l’objet d’une note éliminatoire, une telle circonstance ne permet pas de considérer la décision de rejet comme non motivée ou insuffisamment motivée, dès lors que le motif exposé dans cette décision permettait à la requérante de comprendre à quel stade de la procédure de passation son offre avait été écartée et la raison pour laquelle il en avait été ainsi.

45      La requérante soutient également que la Commission n’a pas précisé, dans le courrier du 17 novembre 2008, répondant à sa demande du 3 novembre 2008, le nombre de points obtenu par la société attributaire du lot n° 4 et n’a pas expliqué en quoi l’offre de celle-ci était plus avantageuse que la sienne. La première branche de ce grief ne peut qu’être écartée dès lors que le nombre de points obtenu par le soumissionnaire dont l’offre a été retenue n’est pas, en l’espèce, susceptible de constituer un des motifs de la décision de rejet. S’agissant de la seconde branche du grief, il est constant que la décision de rejet ne se fonde pas sur une comparaison entre les prestations offertes par la requérante et celles proposées par ledit soumissionnaire, mais sur le fait que l’offre de la requérante n’a pas obtenu le nombre minimal de points requis par les critères d’attribution pour une des études de cas (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, points 105 et 106). Dès lors, le grief doit être écarté en ses deux branches.

46      En outre, la requérante affirme que, faute pour la Commission d’avoir répondu à sa demande d’informations complémentaires du 8 décembre 2008 avant l’introduction du présent recours, la décision de rejet doit être considérée comme dénuée de motivation. Une telle argumentation se heurte au contenu même de la décision de rejet, qui comporte une motivation, exposée aux points 43 et 44 ci‑dessus, et ne peut donc être regardée comme dépourvue de tout exposé des motifs sur la base desquels elle aurait été prise.

47      Par suite, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

48      La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’offre qu’elle avait soumise. Pour chacune des deux études de cas, la requérante affirme avoir, conformément à l’« annexe B : Études de cas » du cahier des charges, détaillé l’approche qu’elle suivrait pour fournir les services demandés, les moyens (humains, techniques, logistiques) qu’elle allouerait aux différentes tâches, le calendrier des travaux, ainsi qu’une estimation des coûts.

49      Ainsi, la requérante aurait précisé, dans l’étude de cas n° 1, qu’il s’agissait d’une interprétation simultanée en différentes langues, active et passive, se déroulant à Bruxelles (Belgique) de 13 h 00 à 14 h 00. Elle aurait ajouté que trois ateliers étaient prévus et indiqué, pour chacun d’eux, les langues traduites et le nombre d’interprètes. Elle aurait conclu cette étude de cas par une estimation du coût de ses prestations en proposant plusieurs options. Pour l’étude de cas n° 2, la requérante aurait précisé qu’il s’agissait d’une conférence à Londres (Royaume‑Uni), s’étendant sur une journée, les langues utilisées ainsi que le nombre d’interprètes. Elle aurait également conclu cette étude de cas par une estimation du coût de ses prestations.

50      Selon la Commission, l’argumentation de la requérante doit être écartée.

–       Appréciation du Tribunal

51      Aux fins de l’examen du présent moyen, les informations données par la Commission, dans sa lettre du 14 janvier 2009, afin de compléter la motivation figurant dans la décision de rejet, pourront être prises en considération. En effet, si des précisions apportées par l’auteur d’une décision attaquée, après l’introduction d’un recours dirigé contre celle-ci, en vue de compléter une motivation en elle‑même suffisante ne relèvent pas à proprement parler du respect de l’obligation de motivation, elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge, en ce qu’elles permettent à l’institution d’expliciter les raisons qui sont à la base de sa décision (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Finnboard/Commission, C‑298/98 P, Rec. p. I‑10157, point 46).

52      L’annexe B du cahier des charges, relative aux études de cas soumises à l’appui des offres, prévoyait que le soumissionnaire devait détailler, pour chacune des études de cas prévues dans un lot donné, l’approche qu’il suivrait pour fournir les services demandés, les moyens (humains, techniques et logistiques) qu’il allouerait aux tâches décrites, le nom du ou des sous-traitants éventuels et les modalités de supervision qu’il envisageait, ainsi que le calendrier des travaux. Par ailleurs, le soumissionnaire devait fournir une estimation des coûts.

53      Aux termes de l’annexe B 4 du cahier des charges (ci-après l’« annexe B 4 »), les études de cas spécifiques au lot n° 4 étaient au nombre de deux. La description de chacune des études de cas comprenait trois aspects : le contexte, la composition linguistique et les tâches comprises dans la réponse du soumissionnaire à l’étude de cas.

54      Ainsi, le contexte de l’étude de cas n° 1 était constitué, en substance, par l’organisation d’une conférence à Bruxelles, d’une durée d’un jour et demi, avec 400 participants en provenance de tous les pays de l’Union et de pays tiers, certains participants ayant besoin d’une interprétation en langue des signes. La conférence débutait, le premier jour, par une réunion plénière, se divisait ensuite en trois ateliers, pour reprendre le second jour en ateliers, avant d’être clôturée par une réunion plénière. S’agissant de la composition linguistique par salle, l’annexe B 4 indiquait les différentes langues nécessaires à chacune des phases de la conférence – réunion plénière, ateliers et, à nouveau, réunion plénière – et précisait que l’interprétation devait, pour chacune de ces phases, être effectuée de manière consécutive, active et passive. Enfin, l’annexe B 4 exigeait du soumissionnaire que, pour l’étude de cas n° 1, il fournisse la composition des équipes d’interprètes pour chacune des phases de la conférence et, à l’intérieur de ces phases, pour chacune des langues couvertes, ainsi que les prix (unitaires et totaux) et les frais remboursables.

55      D’après l’annexe B 4, le contexte de l’étude de cas n° 2 était l’organisation d’une conférence d’une journée à Londres pour 150 participants, en provenance de tous les pays de l’Union, et se déroulant en réunion plénière. S’agissant de la composition linguistique, l’annexe B 4 précisait les langues faisant l’objet d’une interprétation consécutive active et celles pour lesquelles seule une interprétation consécutive passive était exigée. Dans cette étude de cas, le soumissionnaire devait également indiquer la composition des équipes d’interprètes pour chacune des langues couvertes, ainsi que les prix (unitaires et totaux) et les frais remboursables.

56      Force est de constater que, par l’argumentation qu’elle développe au soutien de son moyen, la requérante se contente d’affirmer que, dans les études de cas qu’elle a soumises au comité d’évaluation, elle a bien suivi les prescriptions du cahier des charges, de son annexe B et de l’annexe B 4. La requérante se borne à reprendre fidèlement le texte de l’annexe B, en alléguant qu’elle aurait procédé ainsi qu’il était demandé, sans toutefois donner de plus amples détails sur les caractéristiques précises de sa réponse aux deux études de cas, notamment quant à l’approche qu’elle comptait suivre pour fournir les services demandés et quant aux moyens qu’elle entendait allouer pour les tâches décrites dans les études de cas. Par ailleurs, s’agissant de chacune des études de cas, elle reprend certains de leurs éléments, tels leurs contextes respectifs et les compositions linguistiques, sans, encore une fois, apporter d’autres informations que celles figurant dans l’annexe B 4.

57      Alors que la requérante supporte la charge de démontrer l’erreur manifeste d’appréciation qu’elle reproche au comité d’évaluation d’avoir commise en écartant son offre, il convient de constater qu’elle n’apporte aucun élément probant au soutien de son moyen, lequel doit, par conséquent, être écarté (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 avril 2008, SIDE/Commission, T‑348/04, Rec. p. II‑625, point 97, et la jurisprudence citée).

58      À titre surabondant, il y a lieu de relever que l’analyse de la lettre de la Commission du 14 janvier 2009 ne modifie en rien cette conclusion.

59      En effet, d’une part, il y a lieu de constater que, dans sa réplique, la requérante n’a apporté aucun argument supplémentaire au soutien du moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, alors même qu’elle avait, à la date de dépôt de la réplique, reçu la lettre du 14 janvier 2009, contenant les appréciations détaillées et les notes attribuées par le comité d’évaluation aux deux études de cas de son offre, et que la Commission, dans son mémoire en défense, s’était appuyée sur ces éléments pour répondre au moyen en question, en produisant ladite lettre.

60      D’autre part, la lettre du 14 janvier 2009 contient l’analyse de l’offre de la requérante par le comité d’évaluation pour chacune des deux études de cas, en faisant état des appréciations formulées et des notes attribuées. S’agissant des appréciations, il est ainsi affirmé que, pour l’étude de cas n° 1, l’offre de la requérante n’apporte « [p]as de valeur ajoutée par rapport au descriptif de l’étude de cas », que, si « [t]outes les langues demandées sont couvertes, [elle] ne présente pas de méthodologie détaillée sur la manière de composer les équipes », qu’elle ne prévoit « [p]as de cabine[s] anglaise et française dans les [ateliers] 1 & 2 alors que [cela était] demandé » dans l’étude de cas, qu’elle mentionne « [dix] voyages nécessaires tout en faisant état de [douze] indemnités nécessaires », qu’elle « [p]ropose deux offres financières » pour la même étude de cas et qu’aucun calendrier des travaux n’est indiqué. Par conséquent, l’étude de cas n° 1 s’est vu attribuer la note de 49,4/100. S’agissant de l’étude de cas n° 2, le comité d’évaluation indique qu’elle a fait l’objet d’une « [m]auvaise compréhension car [elle] n’intègre pas la distinction entre langue active et passive », que « la composition des équipes n’est pas décrite », qu’elle contient une « erreur dans le nombre d’interprètes », que la « [m]éthodologie [est] inexistante, aucune explication sur l’organisation et le suivi de l’événement » n’étant donnée et qu’il n’y a pas de calendrier des travaux. Pour l’étude de cas n° 2, l’offre de la requérante a obtenu la note de 29,6/100.

61      Ainsi, il ne ressort pas de l’examen de l’appréciation détaillée de l’offre de la requérante par le comité d’évaluation, portée à sa connaissance dans la lettre du 14 janvier 2009, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant ladite offre.

62      Par suite, le deuxième moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

–       Arguments des parties

63      La requérante soutient que, en désignant la société attributaire du lot n° 4 et en rejetant son offre, la Commission a violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

64      En premier lieu, la requérante prétend que la société attributaire du lot n° 4 ne satisfait pas aux critères de sélection, tels que prévus au point 12, sous b), du cahier des charges. En effet, il ressortirait de l’objet social de la société attributaire, tel qu’il figure dans ses statuts, qu’elle n’a aucune compétence en matière de mise à disposition d’équipes d’interprètes.

65      La société attributaire du lot n° 4 ne justifierait non plus d’aucune expérience professionnelle dans ce domaine. De surcroît, il paraîtrait évident que la société attributaire ne dispose pas des ressources, du matériel et de l’équipement nécessaires pour exécuter les services demandés.

66      En second lieu, la requérante aurait, quant à elle, pour objet social, « tant en Belgique qu’à l’étranger toutes activités liées à la profession d’interprète et de traduction, la graphologie et le graphisme, [l’]organisation d’événements, de colloques et de séminaires dans le sens le plus large ».

67      Par ailleurs, la requérante insiste sur le fait que la Commission avait connaissance de ses capacités professionnelles, puisqu’elle avait auparavant signé et exécuté plusieurs contrats-cadres portant sur des services d’organisation de réunions et de conférences, notamment sur la mise à disposition d’interprètes en fonction des besoins linguistiques de chaque réunion. Ainsi, un tel contrat-cadre aurait été signé entre la Commission et la requérante, le 20 janvier 2005, et, la Commission étant satisfaite, il aurait été prolongé par avenant du 20 décembre 2005. La requérante disposerait d’une expérience professionnelle significative dans le domaine concerné par le lot n° 4.

68      La requérante produit un témoignage d’un ancien salarié de la société attributaire du lot n° 4, selon lequel celle-ci n’aurait jamais assuré une quelconque prestation d’interprétation. La requérante relève aussi que, en 2004, la société attributaire du lot n° 4 n’a répondu à un appel d’offres lancé par la Commission que pour le lot relatif à l’équipement technique et non pour le lot « interprétation », n’ayant aucune compétence ni aucune expérience dans ce domaine. Elle fait état de ce que le papier à en-tête de la société attributaire du lot n° 4 ne mentionne pas l’interprétation dans ses domaines de compétences.

69      S’agissant du prétendu chiffre d’affaires de la société attributaire du lot n° 4, il ne serait que de 255 490 euros pour 2007. La requérante précise qu’un chiffre d’affaires annuel d’un demi-million d’euros correspondrait à « 1 000 jours par interprète », ce que seule une société compétente en matière de recrutement d’interprètes pourrait réaliser.

70      La requérante soutient que la société attributaire du lot n° 4 n’a fait la preuve qu’elle a exécuté des prestations d’interprètes que pour les trois dernières années, alors même que le cahier des charges exigeait une expérience en la matière d’au moins quatre années. Dès lors, la société attributaire du lot n° 4 ne satisfaisait pas aux critères de sélection et aurait dû être éliminée.

71      La requérante souligne que les deux personnes désignées par la société attributaire du lot n° 4 comme coordonnateurs des prestations à fournir dans le cadre dudit lot n’ont entretenu aucune relation professionnelle en 2004. Leur collaboration n’aurait été mise en place que pour les besoins de l’appel d’offres.

72      Doutant de la véracité des pièces transmises par la société attributaire du lot n° 4 à la Commission, la requérante demande d’enjoindre à celle-ci de fournir l’ensemble des pièces constituant l’offre de ladite société.

73      Dans sa réplique, la requérante soutient que, si la société attributaire du lot n° 4 avait été éliminée, sa situation aurait nécessairement changé. Les trois sociétés sélectionnées étant éliminées, la Commission aurait été tenue de refaire un appel d’offres ou de reconduire son prestataire actuel.

74      Selon la Commission, le moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination doit être écarté.

–       Appréciation du Tribunal

75      L’ensemble des arguments venant au soutien du troisième moyen n’est susceptible d’avoir d’incidence que sur la décision d’attribution et non sur la décision de rejet. L’argumentation de la requérante est, en effet, tout entière fondée sur l’idée que la société attributaire du lot n° 4 ne disposait pas des capacités techniques et professionnelles pour répondre à l’appel d’offres et que, par suite, son offre aurait dû être rejetée dès le stade de la sélection, conformément au point 12 du cahier des charges, relatif aux critères de sélection.

76      Si, comme le soutient la requérante, une telle argumentation devait être considérée comme également dirigée contre la décision de rejet, force serait de constater que le moyen, dans cette mesure, ne serait pas apte, dans l’hypothèse où il serait fondé, à entraîner l’annulation de ladite décision, celle-ci ayant été prise au stade de l’attribution de l’offre, et non de la sélection, et aucun des arguments présentés ne pouvant remettre en cause la légalité de cette décision (arrêt de la Cour du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, Rec. p. I‑7079, point 38). S’agissant de l’argument propre à la situation de la requérante, tiré de ce qu’elle disposerait d’une capacité technique et professionnelle en matière de mise à disposition d’interprètes et d’une expérience significative dans ce domaine, bien que fondé sur la situation de la requérante, il apparaît inopérant en tant qu’il serait dirigé contre la décision de rejet. En effet, il a trait aux critères de sélection. Or, l’offre de la requérante n’ayant pas été écartée à ce stade de l’appel d’offres, cet argument ne permet pas de remettre en cause l’appréciation portée par le comité d’évaluation au stade de l’application des critères d’attribution, fondée sur des constatations dans lesquelles les notions de capacités technique et professionnelle de la requérante n’ont joué aucun rôle.

77      Dès lors, et sans qu’il soit besoin ni de s’interroger sur la nature du présent moyen, ainsi que le propose la Commission, ni d’examiner dans le détail les différents arguments de la requérante, il y a lieu de constater que, tel qu’il est présenté, le moyen tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination doit être écarté, en tout état de cause, comme n’étant pas de nature à avoir une incidence sur la légalité de la décision de rejet.

78      Par suite, les conclusions en annulation de la décision de rejet doivent être rejetées.

 Sur les conclusions en annulation de la décision d’attribution

79      La requérante soutient que, si la société attributaire du lot n° 4 avait été éliminée dès le stade de la sélection des offres, aucun candidat n’aurait pu emporter le marché et que, par conséquent, la Commission aurait été tenue de faire un nouvel appel d’offres ou de reconduire le titulaire du précédent marché.

80      Or, aucune disposition du règlement financier ou des modalités d’exécution n’impose, en cas d’appel d’offres infructueux, de telles obligations au pouvoir adjudicateur. Dès lors, la demande d’annulation de la décision d’attribution ne peut qu’être rejetée par voie de conséquence du rejet de la demande d’annulation de la décision de rejet à laquelle elle est étroitement liée, alors que, en outre, cette dernière ne se fonde pas sur une comparaison des prestations des différents soumissionnaires, mais sur le fait que l’offre de la requérante n’a pas obtenu le nombre minimal de points requis fixé au titre des critères d’attribution (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 18 avril 2007, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05, Rec. p. II‑871, point 113, et du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, points 106 et 120).

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

81      La requérante demande, dans le cas où le Tribunal ne ferait pas droit à la demande d’annulation de la décision de rejet, la condamnation de la Commission à lui payer une somme de 200 000 euros en tant que réparation des préjudices matériel et moral causés par cette décision.

82      Dans sa réplique, la requérante soutient que les préjudices subis sont dus à l’illégalité du comportement de la Commission, constitué par l’absence de motivation de la décision de rejet, l’erreur manifeste d’appréciation et la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le dommage correspondrait au manque à gagner de la requérante en raison de la désignation de la société attributaire du lot n° 4.

83      La Commission conclut au rejet des conclusions indemnitaires de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

84      Il résulte d’une jurisprudence constante que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées (arrêts du Tribunal du 21 janvier 1999, Riviera Auto Service e.a./Commission, T‑185/96, T‑189/96 et T‑190/96, Rec. p. II‑93, point 90 ; du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, Rec. p. II‑2905, point 134, et du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, Rec. p. II‑781, point 122).

85      La requérante soutient que les préjudices subis sont dus à l’illégalité du comportement de la Commission, constitué par l’absence de motivation de la décision de rejet, une erreur manifeste d’appréciation et une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination.

86      Or, il résulte des points 78 et 80 ci-dessus que les conclusions en annulation de la décision de rejet et de la décision d’attribution ont été rejetées, aucun des moyens soulevés n’ayant été reconnu fondé par le Tribunal. Il y a par conséquent lieu de rejeter la demande en indemnité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de savoir si les développements de la requérante quant à la nature et à l’étendue des préjudices, et quant au lien de causalité entre le comportement reproché à la Commission et ces préjudices sont suffisants au regard de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal (voir arrêt Arne Mathisen/Conseil, précité, point 136, et la jurisprudence citée).

87      Par voie de conséquence, le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il soit besoin d’accéder à la demande de mesures d’organisation de la procédure présentée par la requérante.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Carpent Languages SPRL est condamnée aux dépens.

Forwood

Moavero Milanesi

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 septembre 2010

[Signatures]


* Langue de procédure : le français.