Language of document : ECLI:EU:T:2023:331

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 juin 2023 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union – Classement d’un soumissionnaire dans la procédure en cascade – Obligation de motivation – Éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte – Erreurs manifestes d’appréciation – Détournement de pouvoir »

Dans l’affaire T‑376/21,

Instituto Cervantes, établi à Madrid (Espagne), représenté par Me E. van Nuffel d’Heynsbroeck, avocat,

partie requérante,

soutenu par

Royaume d’Espagne, représenté par M. I. Herranz Elizalde, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Ilkova, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. F. Schalin, président, I. Nõmm et D. Kukovec (rapporteur), juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 13 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, Instituto Cervantes, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 19 avril 2021 par laquelle cette dernière a attribué le lot no 3 (langue espagnole) du marché portant sur les contrats-cadres relatifs à la formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union européenne (HR/2020/OP/0014), au premier rang, au groupement CLL Centre de Langues-Allingua (ci-après le « groupement CLL ») et, au deuxième rang, au requérant (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 20 novembre 2020, par un avis de marché, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020/S, 227‑555213), la Commission a lancé, selon la procédure ouverte, l’appel d’offres HR/2020/OP/0014, intitulé « Contrats‑cadres relatifs à la formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union européenne ». Le marché était divisé en huit lots, dont le lot no 3, intitulé « apprentissage de l’espagnol (ES) ».

3        Le cahier des charges pour l’appel d’offres litigieux indiquait que, pour attribuer le marché, le pouvoir adjudicateur se fonderait sur l’offre économiquement la plus avantageuse, en fonction des critères d’attribution « Prix » (pondéré à 30 %) et « Qualité » (pondéré globalement à 70 %).

4        Le critère d’attribution « Qualité » était composé de deux critères, à savoir le critère no 1, intitulé « Qualité des cours proposés », et le critère no 2, intitulé « Contrôle de la qualité et suivi des travaux ». Le cahier des charges prévoyait, notamment, que la note de qualité totale maximale était de 100 points.

5        Les deux critères se déclinaient, chacun, en trois sous-critères, lesquels étaient aussi pondérés, comme suit :

Critère no 1 : Qualité des cours proposés (70 points)

Critère no 2 : Contrôle de la qualité et suivi des travaux (30 points)

Sous-critère 1.1 : Contenu (30 points)

Sous-critère 1.2 : Pédagogie (30 points)

Sous-critère 1.3 : Plateformes en ligne (10 points)

Sous-critère 2.1 : Méthode de sélection du personnel (6 points)

Sous-critère 2.2 : Contrôle de la qualité (15 points)

Sous-critère 2.3 : Gestion de la procédure (9 points)

6        Le cahier des charges prévoyait également que les offres devaient obtenir au moins la note minimale pour chaque critère et sous-critère, à savoir 70 % des points attribués à ce critère ou à ce sous-critère. Ainsi, les offres devaient obtenir au moins un nombre total de points égal à 70 sur 100.

7        S’agissant des modalités de soumission d’une offre, le cahier des charges prévoyait, notamment, que les offres devaient être soumises au moyen de l’application eSubmission.

8        Six soumissionnaires, dont le requérant, ont déposé une offre pour le lot no 3.

9        Le 10 mars 2021, le rapport d’évaluation des offres a été établi conformément à l’article 168, paragraphe 4, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »). Les contractants proposés pour le lot no 3 étaient le groupement CLL, en tant que premier contractant dans la cascade, et le requérant, en tant que second contractant dans la cascade.

10      Il ressort du cahier des charges que les offres sont classées selon le meilleur rapport qualité/prix.

11      Selon le cahier des charges, le contrat est attribué aux deux offres classées premières, qui, premièrement, respectent les exigences minimales précisées dans les documents de marché et qui sont soumises par des soumissionnaires qui ont accès à la procédure de passation de marché, deuxièmement, ne se trouvent pas dans une situation d’exclusion et, troisièmement, satisfont aux critères de sélection. Le classement détermine l’ordre dans lequel les contrats spécifiques sont offerts aux contractants pendant l’exécution du contrat-cadre.

12      Le 19 avril 2021, la Commission a adopté la décision attaquée suivant les recommandations du comité d’évaluation (ci-après le « comité »). Ainsi, la Commission a attribué le lot no 3 (langue espagnole) du marché portant sur les contrats-cadres relatifs à la formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union (HR/2020/OP/0014), au premier rang, au groupement CLL et, au deuxième rang, au requérant.

13      Le même jour, la Commission a envoyé au requérant une lettre de notification l’informant de ses résultats à l’issue de la procédure. Cette lettre l’informait notamment que son offre pour le lot no 3 avait été retenue pour l’attribution d’un contrat‑cadre et qu’il était classé en seconde position avec un score qualitatif de 82 points sur 100, un prix de l’offre de 2 670 560 euros et un score total de 87,40 points sur 100. L’annexe 1 de cette lettre précisait également les motifs de l’appréciation de son offre au regard des critères de qualité énoncés dans le cahier des charges. Enfin, dans cette lettre, la Commission a précisé que sa décision pouvait faire l’objet d’un recours devant le Tribunal et qu’elle appliquerait le délai d’attente de dix jours avant de signer le contrat.

14      Le même jour, après avoir reçu la lettre de notification, le requérant a demandé à la Commission de lui communiquer l’identité, les caractéristiques et les avantages de l’entité la mieux classée.

15      Par courriel du 26 avril 2021, en réponse à cette demande, la Commission a informé le requérant de l’identité du soumissionnaire classé au premier rang pour l’attribution du contrat-cadre ainsi que du score qualitatif de 94 points sur 100, du prix de l’offre (3 469 020 euros) et du score total de 88,89 points sur 100 de ce dernier, à l’issue de l’évaluation.

16      Il ressort des communications des 19 et 26 avril 2021 que l’attribution des points au niveau des sous-critères du critère d’attribution « Qualité » se présente comme suit :


Groupement CLL

Instituto Cervantes

Sous-critère 1.1

28 points sur 30

22 points sur 30

Sous-critère 1.2

27 points sur 30

21 points sur 30

Sous-critère 1.3

10 points sur 10

10 points sur 10

Sous-critère 2.1

6 points sur 6

6 points sur 6

Sous-critère 2.2

14 points sur 15

15 points sur 15

Sous-critère 2.3

9 points sur 9

8 points sur 9

17      Par courriel du 10 mai 2021, en réponse à une demande du requérant du 1er mai 2021, qui faisait valoir une communication insuffisante au regard des exigences de l’article 170, paragraphe 3, du règlement financier, la Commission a communiqué les motifs de l’appréciation de l’offre du groupement CLL au regard des critères de qualité. Ce courriel contenait en annexe la grille d’évaluation de l’offre du groupement CLL qui reprenait les commentaires du comité pour chacun des critères et des sous-critères d’attribution tels qu’annoncés dans le cahier des charges. Dans ledit courriel, la Commission s’est également engagée à respecter un nouveau délai d’attente de dix jours civils, avant la signature du contrat-cadre, à compter du jour suivant la date d’envoi de cette réponse.

18      Par lettre du 25 mai 2021, la Commission a encore fourni des explications en renvoyant aux informations et aux explications déjà transmises et a indiqué que le délai d’attente était à présent écoulé.

19      Dans la procédure ayant donné lieu au présent litige, le requérant a déposé sur la plateforme eSubmission certains éléments illustrant la proposition technique décrite dans son offre, lesquels étaient accessibles uniquement par des liens hypertextes intégrés dans l’offre. Dans la grille d’évaluation, communiquée le 19 avril 2021, ainsi que dans les courriels des 10 et 25 mai 2021, mentionnés ci-dessus, la Commission a informé le requérant du fait qu’elle avait rejeté ces éléments et ne les avait pas évalués, au motif que ces derniers n’étaient pas conformes au cahier des charges et qu’il existait un risque de modification de l’offre par l’entremise desdits liens hypertextes, après la date limite de dépôt des offres. Ainsi, la Commission a considéré que les documents accessibles uniquement par lesdits liens hypertextes faisaient défaut (ci‑après le « défaut documentaire »).

20      Le 7 juin 2021, la Commission a signé le contrat‑cadre HR/2020/OP/0014 – lot no 3 avec le groupement CLL en tant que premier contractant dans la cascade. Le même jour, la Commission a signé le contrat-cadre référencé HR/2020/OP/0014 – lot no 3 avec le requérant en tant que deuxième contractant dans la cascade.

 Conclusions des parties

21      Le requérant, soutenu par le Royaume d’Espagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

23      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 septembre 2021, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité au motif de la tardiveté du recours.

24      La Commission soutient que le délai de recours contre la décision attaquée, laquelle a été notifiée au requérant le 19 avril 2021, a expiré le 29 juin 2021, alors que le recours a été introduit le 2 juillet 2021.

25      La Commission conteste l’argument du requérant selon lequel ce dernier ne disposait pas encore, à la date de notification de la décision attaquée, des informations suffisantes pour exercer son recours.

26      À cet égard, la Commission rappelle que le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE est d’ordre public et qu’il assure tant la clarté que la sécurité des situations juridiques et permet d’éviter le traitement arbitraire dans l’administration de la justice.

27      En particulier, la Commission soutient, en se fondant sur l’ordonnance du 12 septembre 2013, Ellinika Nafpigeia et 2. Hoern/Commission (C‑616/12 P, non publiée, EU:C:2013:884), qu’il ressort de la jurisprudence qu’un prétendu manque de clarté ou de motivation d’un acte relève du contrôle de légalité de cet acte et non de l’identification du point de départ du délai de recours. En outre, il ressortirait de cette ordonnance que le point de départ du délai de recours devrait être fixé d’une manière objective, sur le fondement de la connaissance acquise de la décision telle qu’adoptée, sans prise en compte d’éléments subjectifs, tels que des affirmations portant sur de prétendus vices dont cette décision serait entachée.

28      Ainsi, la Commission conteste l’argument du requérant selon lequel le délai de recours ne peut commencer à courir tant que le pouvoir adjudicateur n’a pas expliqué de manière objectivement compréhensible les raisons de son choix.

29      Le requérant conteste les arguments de la Commission soulevés dans le cadre de l’exception d’irrecevabilité et conclut au rejet de cette dernière.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 263, sixième alinéa, TFUE, un recours en annulation doit être formé dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l’acte attaqué, de la notification à la partie requérante, ou, à défaut, du jour où celle-ci en a eu connaissance.

31      Il y a lieu d’emblée de relever que la jurisprudence invoquée par la Commission à l’appui de l’exception d’irrecevabilité (voir point 27 ci-dessus), qui concerne le recours formé contre une lettre de la Commission relative à la récupération d’aides d’État, n’est pas pertinente, car les règles applicables dans le contexte des procédures d’appel d’offres suivent une logique d’une nature différente des règles relatives à la récupération des aides d’État.

32      En effet, selon une jurisprudence constante, dans le contexte des procédures d’appel d’offres, le délai de recours prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE à l’encontre d’une décision de rejet de l’offre d’un soumissionnaire ou, comme en l’espèce, d’une décision classant cette offre dans une position moins favorable que la première, commence à courir seulement au moment de la notification de la décision motivée, à condition que le soumissionnaire ait introduit sa demande d’obtenir une décision motivée dans un délai raisonnable après avoir pris connaissance du rejet de son offre ou, comme en l’espèce, du classement de son offre dans une position moins favorable que la première (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 107 et jurisprudence citée).

33      En particulier, le délai de recours ne commence à courir qu’avec la communication des caractéristiques et des avantages de l’offre la mieux classée, l’information donnée dans un premier temps sur le rejet de l’offre du soumissionnaire concerné ne comportant aucune information relative à l’offre mieux classée (voir, en ce sens, arrêt du 29 octobre 2015, Direct Way et Direct Way Worldwide/Parlement, T‑126/13, EU:T:2015:819, points 34 à 36, et ordonnance du 15 novembre 2018, Intercontact Budapest/CdT, T‑809/17, non publiée, EU:T:2018:794, points 19 à 24).

34      Pour exercer utilement le droit de recours, une partie requérante a besoin d’un minimum d’informations qui lui permettent de déterminer une éventuelle irrégularité commise dans le choix du pouvoir adjudicateur ou, si l’information donnée à la suite d’une demande reste lacunaire, de soulever un grief tiré du défaut de motivation (voir, en ce sens, ordonnance du 15 novembre 2018, Intercontact Budapest/CdT, T‑809/17, non publiée, EU:T:2018:794, point 25).

35      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision attaquée, qui a été communiquée au requérant le 19 avril 2021, se borne à informer ce dernier du fait que son offre a été classée en deuxième position et à lui communiquer les notes qui lui ont été attribuées et l’évaluation de l’offre associée (voir point 13 ci‑dessus). En revanche, la décision attaquée ne contient aucune information relative à l’offre classée devant celle du requérant ni aucune motivation faisant apparaître les raisons pour lesquelles l’offre de ce dernier a été classée dans une position moins favorable que la première. L’acte attaqué ne comportant aucune communication des caractéristiques et des avantages de l’offre la mieux classée, il n’a pas pu faire courir le délai de recours, conformément à la jurisprudence citée aux points 32 et 33 ci-dessus.

36      Il en va de même pour la lettre du 26 avril 2021, par laquelle la Commission a communiqué au requérant uniquement le nom du soumissionnaire retenu, ainsi que le prix de son offre, la note qu’il a obtenue au titre des critères de qualité et sa note finale.

37      Comme il ressort des points 11 à 17 ci-dessus, ce n’est que par la communication du 10 mai 2021 que le requérant a obtenu des informations relatives à l’évaluation des qualités de l’offre du groupement CLL, ce qui lui a permis d’exercer utilement son droit de recours. Ainsi, c’est à partir du 10 mai 2021 que le délai a commencé à courir.

38      Dès lors, il y a lieu de constater que, ayant été introduit le 2 juillet 2021, le recours doit être déclaré recevable, de sorte qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

 Sur le fond

39      À l’appui de son recours, le requérant soulève cinq moyens.

40      Par son premier moyen, le requérant reproche à la Commission un défaut de motivation de la décision attaquée, au sens de l’article 170, paragraphe 3, du règlement financier, en ce qu’il ne serait pas possible de connaître les avantages relatifs de l’offre retenue.

41      Par son deuxième moyen, le requérant soutient que la Commission a commis une violation de l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier, en ce qu’elle n’a effectué qu’une comparaison isolée des offres par rapport au cahier des charges, au lieu de les comparer également sur le plan technique.

42      Par son troisième moyen, le requérant allègue que la Commission, en ayant exclu les éléments accessibles par un lien hypertexte intégré dans l’offre, a commis une erreur manifeste d’appréciation.

43      Le requérant soulève ensuite un quatrième moyen, à titre subsidiaire par rapport au premier moyen. Ce moyen est subdivisé en trois branches :

–        par la première branche, il fait valoir un défaut de motivation dans le cadre de l’évaluation individuelle de son offre, en ce qu’il ne serait pas possible de comprendre la corrélation entre les commentaires largement positifs et la note attribuée, ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du caractère illogique du lien entre l’évaluation et la note attribuée, dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2 ;

–        par la deuxième branche, il invoque une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a donné une importance disproportionnée au défaut documentaire ;

–        par la troisième branche, il examine ce même impact prétendument disproportionné sous l’angle du principe de transparence et fait valoir que la Commission aurait créé une nouvelle règle d’évaluation a posteriori.

44      Par son cinquième et dernier moyen, le requérant se prévaut d’une violation des principes fondamentaux du droit des marchés publics (ouverture des marchés à la concurrence la plus large, transparence et égalité), ainsi que de l’article 160 et de l’article 167, paragraphe 3, du règlement financier, en ce que la Commission a attribué tous les lots au même soumissionnaire, à savoir le groupement CLL.

45      Tout d’abord, le Tribunal estime opportun d’examiner le premier moyen, conjointement avec le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu’ils relèvent de la question de l’obligation de motivation. Ensuite, seront traités le quatrième moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches et, enfin, respectivement, les troisième, deuxième et cinquième moyens, lesquels portent sur le bien-fondé de la décision attaquée.

 Sur le premier moyen et le quatrième moyen, pris en sa première branche, relatifs à une violation de l’obligation de motivation

46      Par son premier moyen et son quatrième moyen, pris en sa première branche, le requérant reproche à la Commission un défaut de communication des motifs suffisants au sens de l’article 170, paragraphe 3, du règlement financier, concernant, d’une part, l’analyse comparative des avantages relatifs des offres et, d’autre part, l’analyse individuelle de son offre. Le requérant se concentre sur le critère 1 « Qualité des cours proposés », et plus précisément sur les évaluations faites dans le cadre des sous-critères 1.1 « Contenu » et 1.2 « Pédagogie ».

47      Premièrement, par son premier moyen, le requérant reproche à la Commission le fait que les motifs communiqués n’identifient pas clairement les caractéristiques et les avantages de l’offre du groupement CLL, en ce que, d’une part, l’appréciation de l’offre du groupement CLL et de celle du requérant révèle des qualités, pour l’essentiel, équivalentes ou largement proches, voire identiques ou similaires, sinon meilleures pour l’offre du requérant, tandis que, d’autre part, l’offre du requérant fait l’objet d’une notation marquant, au contraire, des différences significatives de qualité.

48      À cet égard, les motifs communiqués par la Commission ne mettraient pas en évidence un défaut qualitatif significatif sur un élément substantiel du critère ou l’accumulation de défauts qualitatifs qui pourraient justifier une notation à peine satisfaisante de l’offre du requérant. De même, le fait que certains documents de son offre n’ont pas été évalués par le comité au motif qu’ils ont été rendus accessibles par des liens hypertextes ne permettrait pas non plus de comprendre l’écart significatif de notation, puisque ladite précision dans la grille d’évaluation n’apparaîtrait pas comme un élément distinctif et ne concernerait que des éléments limités de l’offre, à savoir le contenu des exercices.

49      Deuxièmement, dans la mesure où le quatrième moyen, pris en sa première branche, vise une violation de l’obligation de motivation, le requérant fait valoir que la note très basse attribuée dans le cadre des sous-critères en cause n’apparaît pas cohérente avec son appréciation prise de manière isolée, qui est très largement positive pour chacun des éléments composant ces sous-critères. En ce sens, il ne serait pas possible d’identifier, dans les motifs communiqués par la Commission, un défaut qualitatif particulier pouvant justifier une déduction de points significative.

50      Le requérant conteste le fait que le défaut documentaire pouvait constituer un défaut qualitatif susceptible d’expliquer la déduction de points. D’une part, il fait observer que, pour le sous-critère 2.3, l’évaluation mentionne également le défaut documentaire, exprimé dans des termes identiques à ceux relatifs au sous-critère 1.1, mais que l’évaluation de l’offre n’aurait été dégradée que d’un peu plus d’un dixième de point (à 8 points sur 9) pour ce sous-critère. D’autre part, le requérant soutient que, dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2, la Commission a traité le défaut documentaire comme un défaut particulièrement important qui justifierait à lui seul l’appréciation négative de l’offre, puisque la Commission ne pourrait pas expliquer les incidences différentes du défaut documentaire sur les autres sous-critères ni l’incidence relative des autres éléments faibles ou négatifs sur la notation des sous-critères 1.1 et 1.2.

51      À cet égard, le requérant fait valoir que l’évaluation faite par la Commission a été décomposée pour chacun des éléments et sous-éléments décrits pour chaque sous-critère. En particulier, le défaut documentaire aurait eu une incidence sur un seul des sous-éléments identifiés tant pour le sous-critère 1.1 que pour le sous-critère 1.2, ayant ainsi une incidence prétendument marginale. Le requérant estime que, bien que les éléments et leurs sous-éléments relatifs aux sous-critères ne soient pas pondérés, cela ne signifierait toutefois pas qu’ils pourraient avoir un poids relatif significativement différent pour l’évaluation des offres, sans que cela ait été annoncé dans les documents du marché. Cela tromperait, par ailleurs, les attentes légitimes des soumissionnaires. Cependant, l’incidence du défaut documentaire resterait toujours indéterminable, puisqu’il ne serait pas possible de comprendre si le défaut documentaire a affecté tous les éléments ou certains d’entre eux.

52      En outre, le requérant soutient que, pour les sous-critères 1.3, 2.1, 2.2 et 2.3, son offre a reçu des appréciations équivalentes ou similaires dans leurs expressions aux appréciations portées pour les sous-critères 1.1 et 1.2. Toutefois, son offre a reçu le nombre maximal de points, ou près du maximum, dans le cadre de ces quatre sous-critères.

53      Le Royaume d’Espagne, intervenant au soutien des conclusions du requérant, partage entièrement les arguments de ce dernier.

54      En ce qui concerne la première branche du quatrième moyen, le Royaume d’Espagne soutient, en outre, qu’il est impossible de connaître les raisons précises pour lesquelles un nombre spécifique de points a été retranché, en l’absence d’évaluation de « certains documents ».

55      Le Royaume d’Espagne souligne que l’absence de transparence, qui vient dissimuler le caractère arbitraire de la motivation, réside dans ce qu’il est impossible de savoir, premièrement, quels aspects spécifiques des documents de l’offre accessibles par des liens hypertextes n’ont pas été évalués par la Commission, deuxièmement, dans quelle mesure ces aspects ne se trouvent pas dans l’offre soumise et, troisièmement, pourquoi le fait de ne pas pouvoir accéder au contenu des exercices en ligne implique concrètement une perte de points. En d’autres termes, il serait impossible de savoir pourquoi le requérant est pénalisé par le retrait de 8 points dans le cadre du sous-critère 1.1, au lieu, par exemple, de 5 points ou de 12 points.

56      La Commission conteste tant les arguments du requérant que ceux du Royaume d’Espagne et conclut au rejet du premier moyen ainsi que du quatrième moyen, pris en sa première branche.

57      À cet égard, il convient de relever que, par son premier moyen, le requérant soutient, en substance, qu’il n’est pas possible de comprendre sur le fondement de quels éléments spécifiques de sa proposition technique l’offre du groupement CLL a été évaluée comme étant supérieure à la sienne.

58      En outre, dans la mesure où le quatrième moyen, pris en sa première branche, vise une violation de l’obligation de motivation, le requérant fait valoir qu’il n’est pas possible de comprendre le lien entre la déduction significative de points et l’appréciation plutôt positive de son offre et, notamment, dans quelle mesure le défaut documentaire implique concrètement une perte de points.

59      Par ailleurs, le requérant et le Royaume d’Espagne soutiennent, en substance, que la motivation insuffisante empêcherait tout contrôle juridictionnel de l’évaluation faite par la Commission.

60      En l’espèce, il incombe au Tribunal d’examiner si la motivation fournie par la Commission est suffisante.

61      Il convient de relever, d’emblée, qu’il est constant entre les parties que les grilles d’évaluation contiennent une motivation. À cet égard, il y a lieu de relever que le requérant admet, au point 11 de sa réplique, qu’il peut sans doute comprendre que son offre a été jugée de moins bonne qualité pour différents critères d’attribution.

–       Sur la prétendue impossibilité de connaître les avantages relatifs de l’offre retenue

62      Tout d’abord, il importe, dans un premier temps, d’exposer les principes jurisprudentiels relatifs à l’étendue de l’obligation de motivation de la Commission dans le domaine des marchés publics de services et, dans un second temps, de vérifier si la Commission a correctement appliqué ces principes en l’espèce.

63      À cet égard, il découle de la jurisprudence du Tribunal que, lorsque, comme en l’espèce, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions (arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 33, et du 10 février 2021, Sophia Group/Parlement, T‑578/19, non publié, EU:T:2021:77, point 162).

64      En revanche, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (arrêts du 3 mai 2018, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a., C‑376/16 P, EU:C:2018:299, point 57 ; du 14 octobre 2020, Close et Cegelec/Parlement, C‑447/19 P, non publié, EU:C:2020:826, point 37, et du 6 octobre 2021, Global Translation Solutions/Commission, T‑404/20, non publié, EU:T:2021:654, point 126).

65      Comme le Tribunal l’a relevé au point 50 de l’arrêt du 5 mars 2019, Eurosupport – Fineurop support/EIGE (T‑450/17, non publié, EU:T:2019:137), la note attribuée à une offre sur la base de laquelle celle-ci sera classée doit, par principe, être le reflet des points forts et des points faibles relevés par les évaluateurs dans leurs commentaires. Cependant, il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur d’indiquer tant des points faibles que des points forts. Notamment, il peut être déduit du point 49 de l’arrêt du 15 octobre 2013, European Dynamics Belgium e.a./EMA (T‑638/11, non publié, EU:T:2013:530), que la Commission n’est pas nécessairement tenue de produire des commentaires spécifiques négatifs, mais il suffit que le soumissionnaire non retenu puisse comprendre pourquoi l’offre retenue est supérieure à l’offre non retenue.

66      Cela doit permettre au juge de l’Union de vérifier, sur le fondement du cahier des charges et de la motivation de la décision d’attribution, le poids respectif des différents critères et sous-critères d’attribution techniques dans l’évaluation, c’est-à-dire dans le calcul du score total, ainsi que le nombre minimal et maximal de points pour chacun de ces critères ou sous-critères (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, points 21 et 29, et du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO, T‑556/11, EU:T:2016:248, point 250).

67      En particulier, il a été jugé que la Commission est, en principe, tenue d’expliquer l’attribution des points au niveau des sous-parties des sous-critères lorsque le cahier des charges prévoit un poids chiffré spécifique à ces sous-parties (voir, en ce sens, arrêts du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 29, et du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO, T‑556/11, EU:T:2016:248, point 250).

68      Ainsi, les commentaires du comité communiqués au requérant doivent, d’une part, permettre de déduire le nombre de points obtenus comparativement par lui et le soumissionnaire retenu, ventilés à chaque fois par sous-critères, ainsi que le poids de chacun des sous-critères dans l’évaluation globale et, d’autre part, expliquer, pour chaque critère d’attribution, en raison de quels sous-critères la Commission a considéré que l’offre du soumissionnaire retenu ou celle du requérant en cause était la meilleure (arrêts du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, points 21 et 29, et du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO, T‑556/11, EU:T:2016:248, points 250 et 251).

69      À la lumière de ces principes jurisprudentiels, il convient d’examiner si la Commission a respecté son obligation de motivation en l’espèce.

70      En premier lieu, avant de procéder à l’analyse des grilles d’évaluation, il convient d’examiner les dispositions pertinentes du cahier des charges. Le contrat-cadre en l’espèce concerne la formation linguistique pour les institutions, les organes et les agences de l’Union. S’agissant du critère 1 « Qualité des cours proposés », le cahier des charges prévoit que le soumissionnaire doit présenter, à partir d’une étude de cas, la description d’un cours standard conçu pour le pouvoir adjudicateur. La qualité est évaluée sur la base des sous-critères de qualité, appliqués à la réponse à l’étude de cas que les soumissionnaires doivent soumettre avec leur offre.

71      Le sous-critère 1.1 « Contenu » comprend quatre sous-points, lesquels doivent être pris en considération par le comité lors de l’évaluation. Le premier sous-point, « A. Objectifs », concerne, notamment, les questions relatives aux compétences visées par le cours et la mesure dans laquelle les objectifs du cours proposé sont liés aux exigences de compétences spécifiques. Le deuxième sous-point, « B. Public cible », vise à vérifier dans quelle mesure le cours proposé répond aux besoins du public spécifique. Le troisième sous-point, « C. Organisation du contenu », concerne, en substance, la répartition du contenu en unités gérables, leurs séquences et leur contenu. Le quatrième et dernier sous-point, « D. Qualité des ressources pédagogiques », se réfère, notamment, à la mesure dans laquelle les ressources pédagogiques correspondent aux objectifs, sont conçues pour des adultes et sont dépourvues d’erreurs. Ainsi, chaque sous‑point comprend certains alinéas, c’est-à-dire des éléments qui doivent être pris en compte dans l’évaluation.

72      Le sous-critère 1.2 « Pédagogie », quant à lui, comprend trois sous-points descriptifs. Le premier, intitulé « A. Rôle des enseignants », vise à déterminer les qualités positives des enseignants. Le deuxième, « B. Évaluation », se réfère, notamment, à la mesure dans laquelle des remarques constructives et une évaluation continue font partie de la leçon. Le dernier, « C. Méthodologie », concerne notamment la question de savoir dans quelle mesure la méthodologie est coopérative et communicative et si elle favorise l’engagement envers la langue.

73      Les autres critères et sous-critères, qui ne sont pas visés par le présent recours, sont, d’une part, le sous-critère 1.3 « Plateformes en ligne », relatif au fonctionnement et à l’utilité des plateformes d’enseignement en ligne proposées par les soumissionnaires et, d’autre part, le critère 2 « Contrôle de la qualité et suivi des travaux », lequel est subdivisé en trois sous-critères, à savoir, les sous-critères 2.1 « Méthode de sélection du personnel », 2.2 « Contrôle de la qualité » et 2.3 « Gestion de la procédure ».

74      En second lieu, il convient d’examiner les lettres de la Commission des 19 avril et 10 mai 2021, envoyées au requérant à la suite de sa demande d’obtention d’informations complémentaires sur le rejet de son offre, afin de déterminer s’il a pu effectivement, à la lumière des principes exposés aux points 62 à 68 ci-dessus, comprendre les points forts et les points faibles de son offre et de l’offre du groupement CLL, dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2.

75      S’agissant, d’abord, du sous-critère 1.1 « Contenu », le requérant a obtenu une note de 22 points sur 30. L’offre du requérant est décrite comme bonne et correspondant aux attentes pour la plupart des aspects. Le groupement CLL, quant à lui, a obtenu la note de 28 points sur 30. Son offre est présentée comme excellente et excédant les attentes pour la plupart des aspects, en incluant également des aspects très importants et pertinents.

76      S’agissant des objectifs du cours, le comité a estimé que l’offre du groupement CLL était meilleure que l’offre du requérant, en ce qu’elle est décrite comme contenant une « liste très pertinente de thèmes socioculturels ». Du point de vue de l’organisation du contenu, le comité a considéré que l’offre du groupement CLL était meilleure, parce qu’elle proposait une très bonne séquence de ce contenu, qui incluait l’apprentissage à distance pour consolider et préparer les leçons en présentiel. Selon le comité, l’étude de cas assure aussi l’équilibre « approprié » entre théorie et pratique. En outre, le comité a souligné que l’étude de cas incluait des éléments innovants. Ensuite, le comité a relevé que le plan des leçons était très détaillé et sa structure très claire. Enfin, le comité a indiqué que le modèle du cours était très pertinent. S’agissant, en revanche, de la qualité des ressources pédagogiques, le comité s’est borné à indiquer que celles-ci correspondaient aux attentes du pouvoir adjudicateur et qu’elles contenaient une composante en ligne comprenant « beaucoup » de ressources supplémentaires.

77      Parallèlement, en ce qui concerne l’offre du requérant, le comité a constaté qu’elle contenait une description pertinente des différents types de ressources pédagogiques et que le requérant proposait un manuel accessible en ligne, donnant également accès à une plateforme qui comprenait plusieurs ressources. Selon le comité, le requérant listait également plusieurs outils numériques pour encourager l’autoapprentissage. Concernant le reste des ressources pédagogiques, le comité a jugé qu’il ne pouvait pas évaluer le contenu des ressources pédagogiques en version électronique dans l’offre du requérant.

78      Par ailleurs, s’agissant de l’élément du public cible, l’offre du requérant est décrite avec des termes plus positifs que celle du groupement CLL, en ce que la grille d’évaluation indique que l’offre applique des valeurs similaires au public cible et qu’elle est utilisée pour enseigner des sujets spécifiques, ainsi que des sujets de culture et de civilisation. En outre, s’agissant de l’organisation du contenu, l’offre du requérant est jugée de moins bonne qualité, en ce qu’il propose une description « brève mais claire » de son contenu en ce qui concerne les leçons en présentiel. De plus, le comité a souligné que le contenu pour l’autoapprentissage n’était pas indiqué et qu’il pouvait noter des éléments innovants « ici et là ». S’agissant, enfin, de la qualité des ressources pédagogiques, le comité a indiqué qu’il n’avait pas pu évaluer le contenu des exercices, qui étaient accessibles par le biais de liens hypertextes. Néanmoins, il a noté que le concept contenait une liste d’outils numériques qui encourageaient l’autoapprentissage.

79      Ainsi qu’il ressort des points 75 à 78 ci-dessus relatifs au sous-critère 1.1 « Contenu », il convient d’observer que le comité a indiqué tant des aspects plus positifs de l’offre du groupement CLL que des points faibles ou des défauts de l’offre du requérant.

80      S’agissant du sous-critère 1.2 « Pédagogie », il convient de rappeler que le requérant a obtenu une note de 21 points sur 30. Son offre est présentée comme bonne et conforme aux attentes. Le groupement CLL a obtenu la note de 27 points sur 30. L’offre du groupement CLL est décrite comme excellente et excédant les attentes sur plusieurs aspects, et elle présenterait également quelques aspects supplémentaires et importants.

81      S’agissant du rôle des enseignants, le comité a relevé que, dans l’offre du groupement CLL, leur rôle est « particulièrement » bien défini et clair. Les enseignants utiliseraient des stratégies directes et indirectes pour aider les participants à acquérir l’autonomie linguistique. En outre, l’enseignant créerait les conditions pertinentes pour une expérience d’apprentissage sûre. S’agissant de l’élément d’évaluation, le comité a noté que le groupement CLL assurait l’évaluation continue « de façon très professionnelle » et définissait « très bien » les méthodes d’évaluation, qui seraient « très » pertinentes et correctes.

82      Par ailleurs, s’agissant de l’évaluation, le comité a relevé que l’offre du requérant présentait un seul aspect supérieur, à savoir le fait que l’évaluation et la rétroaction (feedback) constantes, dans son offre, « permett[ai]ent d’adapter le contenu aux besoins » des apprenants, afin de « guider et de favoriser » la motivation et l’autonomie. Néanmoins, le comité a remarqué que l’offre du requérant définissait les méthodes de manière « succincte » et que ces dernières n’étaient que « pertinentes et correctes ». En outre, le comité a noté que les évaluations sommatives finales et les critères des évaluations relatives aux formations étaient présentés dans une version en ligne et n’avaient pas pu être évalués. S’agissant de l’élément final concernant la méthodologie, les évaluations sont identiques, à l’exception de la remarque relative à l’offre du requérant, selon laquelle « [l]e soumissionnaire décrit en détail les méthodes d’apprentissage ».

83      Force est de constater que, bien que les évaluations portant sur les sous-critères 1.1 et 1.2 soient succinctes, d’abord, il est possible de comprendre, à la lumière de la jurisprudence exposée au point 65 ci-dessus, que l’offre du groupement CLL présente plusieurs qualités qui excèdent celles de l’offre du requérant, exposées aux points 76 et 81 ci-dessus. Ensuite, il est possible de connaître le niveau de qualité de l’offre du requérant, qui est moins élevé. Enfin, il ne peut être ignoré que le défaut documentaire qui concerne un élément important d’un cours de langue, à savoir les exercices, est présenté comme un point faible de l’offre du requérant, entraînant une perte de points. Il y a donc lieu de rejeter l’argument du requérant tiré de l’impossibilité de connaître les avantages relatifs de l’offre retenue.

84      Pour cette même raison, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel la Commission n’aurait pas identifié, avec précision, la proposition technique précise qui justifierait l’appréciation « excellent » et qui distinguerait une offre d’une autre.

85      À cet égard, étant donné que le comité a identifié que, sur plusieurs points, l’offre retenue était qualitativement supérieure, il y a également lieu de rejeter l’argument du requérant selon lequel le défaut documentaire serait le seul motif pour lequel la Commission a préféré l’offre du groupement CLL.

–       Sur la prétendue obligation de la Commission d’expliquer l’incidence du défaut documentaire sur la déduction des points

86      Ensuite, il convient d’examiner le quatrième moyen, pris en sa première branche, relatif à l’impossibilité de connaître le nombre précis de points qui a été déduit en raison du défaut documentaire.

87      À cet égard, il y a lieu de rejeter d’emblée la référence à la jurisprudence invoquée par le requérant tirée des arrêts du 5 mars 2019, Yellow Window/EIGE (T‑439/17, non publié, EU:T:2019:136, points 73 et 74), et du 5 mars 2019, Eurosupport – Fineurop support/EIGE (T‑450/17, non publié, EU:T:2019:137, points 49 et 50), selon laquelle une corrélation doit exister entre les commentaires recensant les points forts et les points faibles, d’une part, et les notes attribuées au regard de ces critères et sous-critères, d’autre part. En effet, ces références jurisprudentielles ne sont pas pertinentes, dans la mesure où elles se rapportent à des circonstances spécifiques, différentes du cas d’espèce. Ces références concernent notamment une situation dans laquelle les commentaires du comité d’évaluation n’indiquent pas clairement si un même défaut a justifié la déduction de points au regard du critère ou du sous-critère spécifique pour lequel cette déduction a été opérée, ce qui n’est évidemment pas le cas en l’espèce, puisqu’un lien existe entre le défaut documentaire et l’évaluation à cet égard.

88      Pour les mêmes raisons, il y a également lieu d’écarter la référence à la jurisprudence invoquée par le requérant tirée de l’arrêt du 27 avril 2016, European Dynamics Luxembourg e.a./EUIPO (T‑556/11, EU:T:2016:248), selon laquelle la corrélation entre les commentaires négatifs spécifiques et la déduction de points doit être expliquée lorsque le pouvoir adjudicateur, d’une part, a précisé, dans le cadre des conditions du marché, les critères et sous-critères d’attribution qu’il appliquera, ainsi que les éléments ou les points qui seront pris en considération, et, d’autre part, rattache des évaluations spécifiques à la manière dont l’offre rencontre ces critères, sous-critères ou éléments.

89      Cette jurisprudence n’est pas non plus pertinente, puisque les circonstances factuelles ayant donné lieu à celle-ci sont différentes de celles de la présente affaire. Dans le cas d’espèce, le pouvoir adjudicateur a communiqué au requérant tous les points qui lui ont été attribués, ventilés par sous-critères, accompagnés des commentaires spécifiques. En revanche, dans la précédente affaire, d’une part, le pouvoir adjudicateur avait appliqué une formule mathématique en attribuant des fractions de point par sous-critère ou par sous-point et en donnant des jugements négatifs spécifiques à cet égard, tandis que, d’autre part, il n’avait pas communiqué le nombre de points, accompagnés d’une ventilation par sous-critère, obtenus par la partie requérante et par les soumissionnaires retenus.

90      En l’espèce, il convient de constater que, comme le fait valoir à juste titre la Commission aux points 56 et 57 de sa duplique, le cahier des charges n’établit aucune pondération entre les différents éléments qui font partie de la description de chaque sous-critère, parce qu’il ne s’agit pas de « sous-sous-critères » destinés à être évalués séparément, mais d’une description du contenu de chaque sous-critère. Il s’ensuit que, au final, il n’est pas nécessaire qu’un poids spécifique soit attaché à chaque commentaire positif ou négatif dans l’évaluation, mais plutôt que le requérant puisse comprendre les raisons qui ont mené la Commission à attribuer à son offre la note qu’elle a reçue pour chaque sous-critère, ce qu’il a bien été en mesure de faire.

91      En conséquence, il y a lieu de conclure que le comité a indiqué les avantages relatifs de l’offre retenue dans le cadre de chaque sous-critère et qu’il ne saurait être exigé de la Commission, dans le cas d’espèce, qu’elle attache un poids spécifique à chaque commentaire positif ou négatif relatif à certains sous-points descriptifs.

–       Sur la prétendue impossibilité d’effectuer le contrôle de l’évaluation par le Tribunal

92      Enfin, il convient d’analyser l’argument du requérant tiré, en substance, des principes issus de la jurisprudence citée au point 88 ci-dessus et l’argument du Royaume d’Espagne, tel qu’exposé au point 55 ci-dessus, tiré d’une prétendue impossibilité pour le Tribunal d’effectuer son contrôle, à la lumière du principe de la protection juridictionnelle effective visé à l’article 47 de la de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

93      Premièrement, le Royaume d’Espagne fait valoir que l’emploi répété et délibéré d’expressions prétendument imprécises, telles que « certaines parties de contenu » ou « certains éléments de l’offre » et, dans un sens plus large, une motivation trop laconique rendent impossible tout contrôle de l’évaluation effectuée par la Commission.

94      À cet égard, compte tenu de l’obligation qui incombe au juge de l’Union de contrôler si les décisions des institutions ont été prises de façon arbitraire, il ne suffit pas simplement de soutenir que le requérant a pu effectivement comprendre que le rejet d’une partie de son offre l’a privé de l’attribution du marché public, comme le soutient, en substance, la Commission dans sa réponse concernant le premier moyen. Au contraire, la motivation doit être pertinente et cohérente pour que le juge de l’Union puisse contrôler son bien-fondé.

95      Tout d’abord, il convient de rappeler qu’il a été constaté, au point 83 ci-dessus, que les évaluations ne sont pas identiques, mais contiennent des différences claires et non équivoques, qui indiquent les avantages relatifs de l’offre retenue, malgré leur caractère succinct.

96      Ensuite, la différence non négligeable entre les notes attribuées aux offres techniques, à savoir une différence de 12 points, ne milite pas non plus en faveur d’une obligation de motivation plus élevée, telle qu’elle résulte des arrêts du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil (T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 63), et du 14 décembre 2017, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Parlement (T‑164/15, non publié, EU:T:2017:906, point 50).

97      Enfin, il convient également de rappeler que l’ancien article 113, paragraphe 2, du règlement financier, lequel correspond à l’actuel article 170, paragraphe 3 du règlement financier, exige du pouvoir adjudicateur qu’il fournisse au soumissionnaire évincé les véritables  raisons du rejet de son offre. En outre, la motivation fournie doit refléter le déroulement réel de la procédure d’évaluation. Une motivation n’identifiant pas le véritable fondement de la décision de rejet d’une offre et ne reflétant pas fidèlement la manière dont l’offre rejetée a été évaluée n’est pas transparente et ne satisfait pas à l’obligation de motivation prévue à l’ancien article 113, paragraphe 2, du règlement financier (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑272/06, EU:T:2008:334, points 42 et 43 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 39).

98      À cet égard, le requérant et le Royaume d’Espagne n’ont pas démontré que la motivation ne reflétait pas le déroulement réel de la procédure d’évaluation. De même, il convient de rappeler, ainsi que cela a été constaté au point 83 ci-dessus, que la décision attaquée comporte une motivation concernant l’identification de son véritable fondement.

99      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument du requérant et du Royaume d’Espagne selon lequel la motivation en cause empêcherait tout contrôle juridictionnel.

100    Deuxièmement, le requérant, soulignant la décomposition de chaque sous-critère en sous‑points et sous‑parties, fait valoir que la Commission ne pouvait pas accorder, à un élément de l’offre, un poids relatif significativement différent pour l’évaluation des offres, sans que ce poids particulier ait été annoncé dans le cahier des charges. Le requérant fait observer que la Commission a ainsi trompé les attentes légitimes des soumissionnaires, de sorte qu’un poids particulier d’un élément de l’offre a pu influencer l’évaluation de l’offre sans avoir été annoncé dans lesdits documents.

101    Tout d’abord, il convient de rejeter d’emblée l’argument du requérant, tiré d’une prétendue violation de ses attentes légitimes, au soutien duquel il n’apporte ni explication ni élément de preuve.

102    Dans le même ordre d’idées, s’agissant de la question de savoir si la Commission a accordé à un élément de l’offre un poids particulier sans l’avoir préalablement annoncé dans le cahier des charges, il convient de se limiter à constater que le poids d’un sous-point n’a pas été prescrit par le cahier des charges en cause. Partant, le requérant ne saurait se prévaloir d’une violation de l’obligation de motivation du fait que la Commission n’a pas expliqué le poids qu’elle avait accordé à un élément de l’offre. En effet, les sous-points prévus par le cahier des charges indiquent uniquement, de manière descriptive, les aspects de la proposition technique que le comité a pris en compte afin d’attribuer une note globale, et non leur poids particulier dans le cadre d’un sous-critère. Ainsi, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de l’absence de transparence concernant l’attribution des points au niveau des sous-points des sous-critères.

103    De même, bien que la Commission ait implicitement admis le bien-fondé de cette position du requérant, en ce qu’elle a fait valoir que les documents ont été importants, tout en ajoutant que le défaut documentaire n’a pas eu le même impact dans le cadre des autres sous-critères, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 64 ci-dessus, il ne saurait être exigé que la Commission explique comment elle a évalué chaque élément de l’offre.

104    Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme non fondés le premier moyen et le quatrième moyen, pris en sa première branche, en ce qu’elle vise une violation de l’obligation de motivation.

 Sur le surplus du quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du caractère illogique, disproportionné et non transparent du lien entre l’évaluation et la note attribuée dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2

105    Dans la mesure où le surplus de la première branche du quatrième moyen vise une erreur manifeste d’appréciation, le requérant fait valoir qu’il n’y a pas de lien logique entre l’évaluation et la note attribuée en ce qui concerne les appréciations faites par la Commission dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2, qui seraient largement positives.

106    Par la deuxième branche du quatrième moyen, le requérant soutient que l’impact du prétendu défaut documentaire sur la note attribuée dans le cadre des sous-critères 1.1 et 1.2 est disproportionné par rapport aux termes employés dans l’évaluation.

107    D’une part, le requérant expose que l’évaluation de son offre, par les termes employés, est plutôt positive pour chacune des quatre sous-parties du sous‑critère 1.1. D’autre part, il fait valoir que la note de 22 points sur 30 en ce qui concerne le sous-critère en question est à peine supérieure au seuil de 70 %, c’est-à-dire à l’exigence de qualité minimale, malgré les appréciations de la proposition technique très largement positives, selon laquelle la proposition technique excéderait alors l’exigence minimale.

108    Cet écart entre l’évaluation et la note attribuée à ce sous-critère semblerait justifié uniquement par le défaut documentaire et l’incidence partielle qu’il a pu avoir sur la vérification de certaines propositions techniques. Toutefois, le requérant indique ne pas pouvoir comprendre comment le défaut documentaire pourrait finalement dégrader une qualité élevée en qualité satisfaisante, car le défaut documentaire ne porte que sur des éléments illustratifs de la proposition technique, laquelle a fait l’objet d’appréciations par ailleurs positives au titre de l’évaluation des deux sous-parties du sous-critère 1.1.

109    Par la suite, le requérant présente la même analyse en ce qui concerne le sous-critère 1.2, dont les trois composantes seraient également évaluées positivement, le défaut documentaire ne concernant qu’une seule de ces trois parties. Bien que ce défaut documentaire puisse, techniquement, affecter un tiers de la pondération et que l’appréciation de cette partie soit très largement positive, l’offre aurait néanmoins obtenu 21 points sur 30, soit le seuil minimal pour une proposition technique tout au plus satisfaisante.

110    Par la troisième branche du quatrième moyen, le requérant soutient que la Commission a violé le principe de transparence, en ce que le poids spécifique accordé à un élément du critère affecté par le défaut documentaire n’a pas été annoncé dans les documents du marché.

111    Le Royaume d’Espagne partage les arguments du requérant relatifs au surplus de la première branche du quatrième moyen, comme il a été exposé au point 55 ci-dessus.

112    La Commission conteste ces arguments et conclut au rejet du quatrième moyen.

113    En l’espèce, à titre liminaire, il convient de constater que le requérant a converti la première branche du quatrième moyen, initialement relative à une violation de l’obligation de motivation, en une allégation d’erreur manifeste d’appréciation. En effet, dans sa requête, le requérant soutient que le lien logique entre les appréciations et la note attribuée n’est pas suffisamment motivé. En revanche, dans sa réplique, il soutient que l’incohérence de ce lien entre l’appréciation et la note attribuée constitue une erreur manifeste d’appréciation. Cela a d’ailleurs été confirmé par le requérant lors de l’audience à la suite d’une question posée par le Tribunal.

114    S’agissant de la recevabilité de cette nouvelle argumentation relative à la première branche du quatrième moyen, soulevée dans le cadre de la réplique, il convient d’analyser si elle constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Selon la jurisprudence, pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 13 juillet 2022, Delifruit/Commission, T‑629/20, EU:T:2022:448, point 20 et jurisprudence citée).

115    En l’espèce, il y a lieu de constater que le nouvel argument est étroitement lié à la deuxième branche du quatrième moyen, qui porte sur la question du lien entre l’appréciation et l’attribution des points, ainsi que, dans un sens large, au troisième moyen, tiré également d’une erreur manifeste d’appréciation. Partant, il doit être considéré comme recevable.

116    S’agissant du bien-fondé du quatrième moyen, pris en sa première branche, il convient de rappeler qu’il a été constaté au point 83 ci-dessus que la Commission avait expliqué tant les avantages et les caractéristiques relatives de l’offre du groupement CLL que les défauts de l’offre du requérant. Ainsi, il a été établi que le défaut documentaire n’était pas le seul défaut justifiant la perte de points dans l’évaluation de l’offre du requérant. Par conséquent, dès lors que la Commission a mentionné plusieurs défauts dans l’offre du requérant, la déduction de points opérée ne saurait être qualifiée de manifestement incohérente avec les défauts identifiés. Partant, il y a lieu d’écarter la première branche du quatrième moyen en ce qu’elle vise une erreur manifeste d’appréciation.

117    En outre, s’agissant des deuxième et troisième branches du quatrième moyen, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort du point 90 ci-dessus, que le cahier des charges ne prévoyait pas une pondération chiffrée spécifique pour chaque sous-sous-critère ou chaque élément d’un sous-critère.

118    En effet, l’importance spécifique donnée à un élément de l’offre et l’attribution de points pour chaque sous-sous-critère ou chaque élément d’un sous-critère relèvent de la large marge d’appréciation de la Commission. Ainsi, le Tribunal ne saurait contrôler, en tant que telle, l’importance accordée à certains éléments dans le cadre d’un sous-sous-critère, mais se borne à contrôler si l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation a été établie. En l’espèce, le requérant n’a pas démontré une telle erreur, dès lors qu’il a été constaté aux points 83 et 90 ci-dessus que le défaut documentaire identifié par la Commission concernait un élément important d’un cours de langue et pouvait légitimement entrainer une déduction de points, sans qu’il ait été démontré que ladite déduction de points serait manifestement erronée. Force est donc de constater que les deuxième et troisième branches du quatrième moyen doivent être écartées.

119    Partant, il y a lieu de rejeter le surplus du quatrième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, en raison du rejet des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte

120    Par son troisième moyen, le requérant reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a rejeté les éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte.

121    Premièrement, le requérant soutient qu’il pouvait déposer sur eSubmission des éléments de l’offre accessibles par un lien hypertexte, puisque, d’une part, la disposition du cahier des charges en cause ne contenait pas une interdiction explicite à cet égard et, d’autre part, l’utilisation des liens hypertextes permet de mieux visualiser le fonctionnement de la proposition technique et toutes ses potentialités.

122    Deuxièmement, étant donné que la règle ne serait pas claire et que le requérant aurait raisonnablement pu considérer que le document accessible par un lien hypertexte intégré dans l’offre serait pris en considération, ce dernier soutient que la Commission aurait dû lui demander de justifier le procédé et, si elle l’estimait utile, d’effectuer un dépôt complémentaire.

123    À cet égard, en premier lieu, le requérant estime que le risque de modification de l’offre, sur la base duquel la Commission a décidé de ne pas évaluer certains documents, était hypothétique. Selon le requérant, il serait techniquement démontrable qu’aucune modification n’a été apportée aux documents, dans la mesure où ils auraient tous été verrouillés à la date de leur dépôt. Ainsi, pour exercer effectivement son pouvoir d’appréciation, le requérant estime que la Commission devait vérifier si les éléments litigieux avaient été modifiés ou l’interroger sur la date à laquelle l’élément accessible par le lien hypertexte avait été déposé sur la plateforme, par analogie avec le régime applicable aux offres imprécises ou incomplètes, au lieu de présumer de la mauvaise foi du requérant. À cet égard, le requérant invoque la jurisprudence selon laquelle le pouvoir adjudicateur pourrait demander la communication d’un document dont l’existence avant la date impartie pour le dépôt de l’offre est « objectivement vérifiable ».

124    En second lieu, le requérant fait observer que lors d’une procédure de passation de marché antérieure, portant sur l’organisation de tests linguistiques (réf. HR/2020/OP/0004), à laquelle il avait également participé et lors de laquelle les prescriptions relatives au dépôt du dossier étaient formulées en termes identiques, le comité chargé d’évaluer les offres pour la Commission avait accepté l’utilisation de liens hypertextes dans l’offre du requérant. La décision d’attribution de ce marché ayant été notifiée au requérant avant la date impartie pour le dépôt des offres pour l’attribution du marché qui fait l’objet du présent litige, le requérant estime avoir légitimement pu considérer que le lien hypertexte intégré dans l’offre serait accepté par la Commission. L’approche inverse adoptée pour l’attribution du présent marché aurait donc trompé son attente légitime et revêtirait un caractère arbitraire.

125    Par ailleurs, le requérant soutient que l’argument de la Commission invoquant les règles relatives au dépôt des offres pour justifier le rejet de certains éléments de l’offre a été soulevé a posteriori, en ce qu’il y est fait référence pour la première fois dans la lettre du 25 mai 2021.

126    En effet, ladite règle de dépôt des offres relative à l’emploi de l’application eSubmission fonctionnerait seulement comme un mécanisme d’exclusion des offres, et non comme des documents faisant partie de l’offre. Ainsi, les éléments litigieux seraient soumis aux exigences du principe d’égalité, et non à ce régime d’exclusion.

127    Afin de démontrer que l’erreur légitime du requérant a été partagée par les autres soumissionnaires, ce dernier demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire des informations concernant, dans un premier temps, la mesure dans laquelle les autres soumissionnaires du lot no 3 et des autres lots du marché ont soumis des documents par le même procédé dans le cadre de leurs offres et, dans un second temps, la manière dont la Commission a traité cette erreur dans le cadre de ces évaluations.

128    Le requérant a également déposé dans le dossier de la procédure les captures d’écran de tous les documents accessibles par un lien hypertexte, avec leurs propriétés.

129    Le Royaume d’Espagne partage les arguments du requérant et ajoute de nouveaux éléments.

130    Premièrement, le Royaume d’Espagne apporte de nouveaux éléments factuels pour faire valoir que le cahier des charges ne contenait aucune interdiction, ni explicite ni implicite, concernant les liens hypertextes.

131    À cet égard, en premier lieu, dès lors que la Commission aurait envisagé l’utilisation de liens hypertextes ailleurs dans le cahier des charges, notamment s’agissant de l’accès au mandat donné au signataire de l’offre et des éléments se situant dans un document enregistré avec un code ISBN (International Standard Book Number), le Royaume d’Espagne estime qu’elle aurait dû expressément exclure leur utilisation dans le cadre de la soumission des documents par le biais de l’application eSubmission.

132    En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne relève que l’utilisation d’un hyperlien dans un document soumis au moyen d’eSubmission ne peut pas être assimilée à l’absence de soumission d’un document, ce qui serait révélé notamment par le fait que la Commission aurait accédé au contenu des documents accessibles par des liens hypertextes, bien qu’elle les ait considérés comme « non soumis ».

133    En troisième lieu, le Royaume d’Espagne relève que la Commission fait preuve d’incohérence et va à l’encontre de ses propres actes. D’abord, la Commission inclurait tout naturellement des dizaines de liens hypertextes dans les documents contractuels, mais resterait surprise que les soumissionnaires utilisent la même technique. Ensuite, parmi les objectifs du pouvoir adjudicateur figurerait l’adaptation des méthodes de travail à leur finalité, de manière flexible et constamment améliorée, en exploitant les avantages des réseaux. Enfin, dans le cadre de l’évaluation du sous-critère 1.3, la Commission aurait bien évalué la plateforme après avoir utilisé un lien hypertexte, bien que cette plateforme d’enseignement en ligne ne soit pas hébergée par l’application eSubmission.

134    Deuxièmement, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a violé le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, en ce qu’elle n’a pas demandé au requérant de démontrer qu’il n’avait pas modifié son offre, et a simplement rejeté les documents en cause.

135    La Commission conteste tant les arguments du requérant que ceux du Royaume d’Espagne et conclut au rejet du troisième moyen.

136    À cet égard, il convient de relever que, par son troisième moyen, le requérant soutient, en substance, qu’il pouvait déposer certains documents faisant partie de l’offre en utilisant des liens hypertextes et que la Commission devait tenir compte de ces documents.

137    En premier lieu, il convient de déterminer si le requérant pouvait, conformément au cahier des charges, soumettre certaines parties de son offre en utilisant des liens hypertextes qui conduisaient vers un document accessible sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire.

138    Le cahier des charges dispose, à la page 79, que « [l]es offres doivent être soumises au moyen de l’application eSubmission, en suivant les instructions indiquées dans l’invitation à soumissionner et dans le guide pratique du système eSubmission ». Il y est également indiqué que l’offre technique « doit fournir toutes les informations nécessaires » pour évaluer la conformité avec le cahier des charges et avec les critères d’attribution.

139    L’utilisation, par le pouvoir adjudicateur, du verbe « soumettre » et de la phrase « au moyen de l’application » signifie, d’un point de vue tant textuel que contextuel, que l’« offre » doit être téléchargée directement sur la plateforme eSubmission et que seuls les documents ayant suivi ce processus font partie de ladite offre. Il s’ensuit que les liens hypertextes, tels qu’ils ont été présentés dans l’offre du requérant, ne sauraient être permis, puisqu’ils ne respectent pas l’exigence précitée imposée par le cahier des charges. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte les documents obtenus via les liens hypertextes en question.

140    Il convient de préciser que cette approche est conforme à l’objectif poursuivi par l’application eSubmission, qui est de faciliter la soumission des offres via une application sécurisée.

141    De même, la soumission par cette application sécurisée permet d’assurer le respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires prévu à l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, en ce qu’elle garantit au pouvoir adjudicateur de garder le contrôle des documents qui lui sont soumis. Elle prévient ainsi de tout risque de modification de documents qui ne seraient accessibles que par le biais d’un lien hypertexte et qui n’auraient donc pas été téléchargés directement dans l’application eSubmission.

142    Dans ce contexte, il y a lieu de noter qu’un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent est en mesure de savoir qu’il a l’obligation de soumettre son offre dans le délai imparti et que, au-delà de ce délai, celle-ci ne peut plus être modifiée. Par conséquent, un tel soumissionnaire ne saurait déduire du cahier des charges en cause qu’il serait permis d’inclure dans son offre des liens hypertextes qui conduisent vers un document accessible sur un site Internet sous son contrôle. En effet, cette manière de procéder n’est pas autorisée par le cahier des charges et, au surplus, ne garantit pas que les documents concernés ne peuvent pas être modifiés après le délai de dépôt des offres.

143    Par ailleurs, dès lors que l’inclusion de liens hypertextes dans l’offre du requérant n’était pas permise, la Commission n’était pas tenue de vérifier si les documents en cause avaient été modifiés ni de les accepter.

144    Au demeurant, et en tout état de cause, il convient de relever que ces documents se trouvaient sur un site Internet sous le contrôle du soumissionnaire et que les éléments de preuve apportés par le requérant visent à démontrer le fait que les documents en cause n’ont pas été modifiés et non pas le fait qu’ils ne pouvaient pas être modifiés. En particulier, ni les déclarations ou captures d’écran des propriétés des documents soumis par le requérant, ni la possibilité de prendre en compte le certificat invoqué par le Royaume d’Espagne dans ses écritures ne sont en mesure de démontrer que les documents en cause étaient sous le contrôle de la Commission et, partant, ne pouvaient pas être modifiés. Il en va de même pour la présentation faite par le responsable informatique du requérant lors de l’audience, durant laquelle ce dernier a également souligné que ces documents pouvaient être modifiés, mais que toute modification aurait laissé une trace dans son système informatique.

145    Par ailleurs, s’agissant de l’argument du Royaume d’Espagne, exposé au point 133 ci-dessus, selon lequel la Commission aurait fait preuve d’incohérence et irait à l’encontre de ses propres actes, il convient de noter que, eu égard au fait que le requérant a reçu le maximum de points au sous-critère 1.3, cette prétendue erreur de la Commission ne saurait avoir une quelconque incidence en l’espèce. De plus, force est de constater que le requérant n’a pas contesté ce sous-critère. Partant, cet argument doit être écarté.

146    En deuxième lieu, la conclusion énoncée au point 143 ci-dessus ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel il s’agirait d’un document « objectivement vérifiable » et selon lequel la Commission aurait donc dû lui demander de soumettre à nouveau les documents qui étaient accessibles par des liens hypertextes.

147    À cet égard, il convient de relever que l’arrêt du 10 octobre 2013, Manova (C‑336/12, EU:C:2013:647), mentionné par le requérant, se réfère à la possibilité de corriger ou de compléter une offre pour effectuer une simple clarification ou pour mettre fin à des erreurs matérielles manifestes. En l’espèce, il ne s’agit pas d’une clarification ou d’une correction des documents, mais d’une nouvelle soumission des documents, lesquels auraient d’ailleurs pu être modifiés entre-temps. En particulier, il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas permis de manière générale à un soumissionnaire de fournir les documents requis par le cahier des charges et qui n’ont pas été soumis dans le délai imparti pour soumettre les offres (arrêt du 11 mai 2017, Archus et Gama, C‑131/16, EU:C:2017:358, point 36). Partant, eu égard à cette jurisprudence, la Commission n’était pas tenue de demander au requérant de soumettre à nouveau les documents qui avaient été rendus accessibles par des liens hypertextes.

148    En troisième lieu, il convient d’analyser les arguments du requérant tirés d’une violation de sa confiance légitime. Tout d’abord, le requérant n’a pas démontré l’existence d’assurances concordantes de la Commission qui permettraient l’utilisation de liens hypertextes. En tout état de cause, un opérateur économique ne saurait se prévaloir du principe de la confiance légitime dans le cas où les assurances données ne seraient pas conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 janvier 2017, Nausicaa Anadyomène et Banque d’escompte/BCE, T‑749/15, non publié, EU:T:2017:21, point 81). Partant, il y a lieu de rejeter les arguments du requérant tirés d’une violation de sa confiance légitime.

149    En quatrième lieu, s’agissant de la prétendue violation du droit d’être entendu, consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, soulevée par le Royaume d’Espagne dans son mémoire en intervention, il y a lieu de relever que la Charte s’applique également aux procédures de passation des marchés (voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C-129/13 et C-130/13, EU:C:2014:2041, points 28 à 31). En effet, le soumissionnaire doit être mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. Ce droit est assuré au moment du dépôt de son offre, ainsi que par la possibilité du soumissionnaire de demander des clarifications concernant les dispositions du cahier des charges. Partant, le fait que, après l’évaluation des offres, aucune étape ultérieure pour fournir des explications complémentaires n’est prévue ne saurait constituer une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argument relatif à la violation du droit d’être entendu.

150    Par ailleurs, ainsi que cela a été exposé au point 127 ci-dessus, le requérant a demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’instruction. Or, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande, car elle n’est pas nécessaire pour la résolution du litige, conformément à l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, comme il ressort notamment des points 139 à 142. S’agissant, en revanche, de la demande de mesure d’instruction introduite par le Royaume d’Espagne, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 88 du règlement de procédure, une telle demande ne peut pas être présentée par le Royaume d’Espagne, qui est intervenant, dès lors qu’elle est réservée aux seules parties principales. Ainsi, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande.

151    Dès lors, il y a lieu de rejeter le troisième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier

152    Par son deuxième moyen, le requérant reproche à la Commission d’avoir violé l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier, en ce qu’elle n’a pas comparé les offres du groupement CLL remises séparément pour certains lots avec les offres concurrentes, en fonction des critères de qualité, c’est-à-dire en comparant leurs propositions techniques. Elle n’aurait donc pas exercé de manière effective son pouvoir d’appréciation.

153    À cet égard, le requérant observe que, en l’espèce, il n’y a aucune différence entre l’appréciation des qualités de l’offre du groupement CLL pour le lot no 3 et celle pour le lot no 4, alors que la première concerne l’espagnol et la seconde le français, ces appréciations étant strictement identiques, pour tous les critères, au mot et au point près. Le requérant fait valoir que la Commission s’est abstenue de comparer les qualités ou valeurs objectives de l’offre du groupement CLL avec celles des offres concurrentes, notamment l’offre du requérant, afin d’identifier ses caractéristiques et avantages relatifs, et qu’elle n’a pas expliqué en quoi l’offre du groupement CLL était meilleure que la sienne.

154    Le requérant fait valoir que cette obligation de comparer entre elles les offres techniques présentées pour un lot ressort, d’une part, du considérant 90 de la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65) et, d’autre part, de l’article 4.3 du cahier des charges, selon lequel les offres techniques doivent être soumises individuellement pour chaque lot, l’évaluation étant effectuée séparément en cas de soumission d’une offre pour plusieurs lots. En outre, l’approche de la Commission aurait concrètement consisté à extraire les offres du champ de la concurrence. Enfin, le requérant invoque la jurisprudence selon laquelle une comparaison effective des offres est exigée.

155    Le requérant soutient que, en application de cette obligation, la valeur relative de l’offre du groupement CLL devrait nécessairement varier d’un lot à l’autre. En effet, étant donné que, dans un premier temps, chaque offre technique du groupement CLL aurait été évaluée séparément pour chaque lot et que, dans un second temps, l’offre du requérant, pour le lot no 3, aurait été différente de celles soumises au titre des autres lots, l’appréciation et la notation de l’offre du groupement CLL, issues d’une mise en relation avec les autres offres pour chaque lot, devraient dès lors varier d’un lot à l’autre. En tout état de cause, l’appréciation devrait également varier dans la mesure où le comité serait différent pour chacun des lots.

156    À cet égard, le requérant conteste l’argument par lequel la Commission a revendiqué l’uniformité de l’appréciation de l’offre du groupement CLL pour exclure l’arbitraire de sa décision. À cet égard, il fait valoir qu’il s’agit d’une dénaturation du travail du comité et, par conséquent, d’une anomalie.

157    À ce titre, le requérant demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire, d’une part, la méthodologie décidée par le comité pour apprécier les offres et, d’autre part, les évaluations effectuées par ses membres pour l’offre du groupement CLL relatives à tous les lots et pour l’offre du requérant.

158    Le Royaume d’Espagne partage les arguments du requérant. En outre, il avance également des arguments sur l’examen comparatif des offres, mais du point de vue de la méthodologie d’évaluation utilisée par la Commission dans le cadre de l’évaluation des sous-critères 1.1, 1.3 et 2.3 de l’offre du requérant. Ladite méthodologie serait différente de celle utilisée à l’égard d’autres sous-critères, d’une part, et dans le cadre de l’évaluation des mêmes sous-critères 1.1, 1.2 et 2.3 pour l’offre du groupement CLL, d’autre part.

159    À cet égard, le Royaume d’Espagne soutient que la Commission a commis une violation des principes de non-discrimination et de bonne administration. Selon le Royaume d’Espagne, la Commission a, d’une part, évalué négativement certains éléments du contenu de l’offre du requérant sans évaluer ces mêmes éléments dans l’offre du groupement CLL et, d’autre part, évalué positivement certains aspects de l’offre du groupement CLL sans fournir d’évaluation de ces mêmes aspects qui figurent également dans l’offre du requérant.

160    Par conséquent, conformément à l’article 85 du règlement de procédure, lu conjointement avec l’article 88, paragraphe 2, de ce même règlement, le Royaume d’Espagne demande au Tribunal d’enjoindre à la Commission de produire, en tant que preuve, l’évaluation complète des sous-critères 1.1 et 1.2 du document correspondant à l’évaluation qualitative de l’offre du groupement CLL, jointe en annexe A.22 à la requête, pour démontrer que la Commission a évalué des outils numériques spécifiques soumis par le groupement CLL sans évaluer les outils numériques soumis par le requérant.

161    La Commission conteste tant les arguments du requérant que ceux du Royaume d’Espagne et conclut au rejet du deuxième moyen.

162    À cet égard, il convient de relever que, par son deuxième moyen, le requérant soutient, en substance, que la Commission a méconnu son obligation de comparer la proposition technique du groupement CLL et la sienne, et le Royaume d’Espagne fait valoir que la Commission n’a pas utilisé la même méthodologie pour l’évaluation de certains sous-critères de l’offre du requérant et de celle du groupement CLL.

163    Ainsi, en premier lieu, il convient de déterminer si le pouvoir adjudicateur a violé l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier dans la mesure où il apparaît, en substance, qu’il a procédé à une comparaison des offres entre elles sur la base de leur note globale qui reflète le concept de « meilleur rapport qualité/prix ».

164    Tout d’abord, il convient de constater qu’il ressort du libellé de l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier que le pouvoir adjudicateur détermine l’offre économiquement la plus avantageuse en comparant notamment les rapports qualité/prix des offres respectives. Cette comparaison implique de mettre en confrontation les qualités techniques des offres au regard des critères figurant dans le cahier des charges.

165    En l’espèce, rien ne permet de considérer que la Commission ne se serait pas conformée à l’exigence d’identifier l’offre « économiquement la plus avantageuse » sur la base de critères objectifs qui assurent le respect des principes de transparence, de non-discrimination et d’égalité de traitement, dans le but de garantir une comparaison objective de la valeur relative des offres. L’évaluation de l’offre du groupement CLL a été opérée par le comité au regard des critères d’attribution techniques figurant dans le cahier des charges, tout comme l’a été l’évaluation de l’offre du requérant.

166    À cet égard, il y a lieu de souligner que, contrairement à ce que soutient le requérant en invoquant l’uniformité des appréciations en ce qui concerne le lot no 3 et le lot no 4, le fait que des appréciations identiques figurent dans les tableaux pour deux lots différents (français et espagnol) ne constitue en rien une preuve que la Commission se serait abstenue de comparer les qualités ou valeurs objectives de l’offre retenue avec celles des offres concurrentes dans les deux lots. La similitude des appréciations du comité pour ces deux lots peut s’expliquer par le fait qu’il s’agit de lots qui portent sur le même type de marché de service et par le fait que le contenu des prestations proposées par le groupement CLL pour chacun des lots peut être identique.

167    En outre, il a été constaté au point 83 ci-dessus que les propositions techniques des offres en concurrence présentaient certaines différences, de sorte qu’elles pouvaient donner lieu à des évaluations différentes s’agissant de leur capacité à atteindre le meilleur rapport qualité/prix.

168    Il s’ensuit qu’il ne saurait être reproché à la Commission, d’une part, de ne pas avoir mis en confrontation les propositions techniques et, d’autre part, de ne pas s’être conformée aux exigences de l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier lors de la comparaison des offres.

169    En second lieu, il convient d’analyser les arguments du Royaume d’Espagne portant sur la prétendue différence de traitement entre le requérant et le groupement CLL lors de l’application de la méthodologie de l’évaluation de leurs offres.

170    Tout en rappelant que la grille d’évaluation ne doit pas être un compte-rendu exhaustif de chaque détail de l’offre technique qui a été pris en compte par le comité, il convient d’analyser si la Commission a évalué l’offre du groupement CLL et celle du requérant de manière discriminatoire.

171    En premier lieu, le Royaume d’Espagne fait observer que, s’agissant de l’évaluation du contenu des exercices dans le cadre du sous-critère 1.1, la Commission n’a pas évalué les contenus des exercices dans l’offre du groupement CLL, mais a évalué uniquement la séquence de ces contenus en indiquant que les ressources qui leur étaient affectées correspondaient aux attentes du pouvoir adjudicateur. Par ailleurs, s’agissant de l’offre du requérant, la Commission aurait été tenue d’évaluer le contenu des exercices, mais ayant constaté, au final, qu’elle ne pouvait pas évaluer les exercices en ligne en raison du risque de modification, elle aurait uniquement indiqué l’existence d’une description pertinente des différents types de ressources, sans évaluer si elles correspondaient aux attentes du pouvoir adjudicateur.

172    À cet égard, il convient de constater que la Commission, en évaluant les deux offres en cause, a respecté le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination. En effet, d’une part, elle a évalué les matériels pédagogiques dans l’offre du groupement CLL et, d’autre part, elle n’a pas été en mesure d’évaluer le contenu de ces matériels pédagogiques dans l’offre du requérant, puisque le contenu en cause ne lui était accessible que par l’entremise d’un lien hypertexte conduisant vers un site Internet sous le contrôle du requérant, ce qui comportait un risque de modification de l’offre. Par conséquent, il ne s’agit pas de deux situations comparables, exigeant qu’elles soient traitées de manière égale.

173    Par ailleurs, la Commission n’aurait pas davantage procédé à une évaluation spécifique du contenu de l’autoapprentissage dans l’offre du groupement CLL, tandis que, s’agissant de l’offre du requérant, la Commission aurait indiqué que le contenu de l’autoapprentissage n’était pas spécifié.

174    À cet égard, il convient de rappeler, ainsi que cela a été relevé aux points 165 à 168 ci-dessus, que les offres techniques ont été comparées par rapport au cahier des charges et que la Commission a mis en confrontation les propositions techniques. En ce sens, la Commission a effectivement constaté que l’offre du requérant présentait un défaut concernant l’autoapprentissage. En l’espèce, il y a lieu de constater que l’offre a été évaluée comme étant de moins haute qualité que celle du groupement CLL, dès lors que celle-ci n’a pas spécifié l’autoapprentissage. Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier à cet égard.

175    En outre, le Royaume d’Espagne fait valoir que, dans le cadre du sous-critère 1.2, la Commission n’a procédé à aucune appréciation spécifique du contenu des évaluations sommatives finales et des critères des évaluations formatives dans l’offre du groupement CLL, tandis que, s’agissant de l’offre du requérant, elle aurait exprimé une évaluation négative en raison du fait qu’elle ne pouvait pas évaluer ces mêmes aspects, qui étaient disponibles par des liens hypertextes.

176    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la mesure où une des offres en question présentait certains éléments que l’autre ne présentait pas, la Commission n’a pas évalué les deux offres de manière discriminatoire, en ce que, d’une part, la Commission a indiqué ce défaut dans l’offre du requérant, sans, d’autre part, fournir de commentaires plus spécifiques s’agissant de ces mêmes aspects dans l’offre du groupement CLL.

177    En deuxième lieu, le Royaume d’Espagne soutient que, lors de l’évaluation du sous‑critère 1.2, la Commission a procédé à l’évaluation des méthodes d’apprentissage de l’offre du requérant, sans avoir expressément procédé à une telle évaluation lors de l’évaluation de l’offre du groupement CLL.

178    Cet argument ne saurait prospérer, dans la mesure où, en réalité, il reviendrait à réserver un traitement encore plus favorable au requérant et où, s’agissant de l’offre de ce dernier, il constitue un commentaire positif. Ainsi, force est de constater qu’il n’y a pas eu de traitement discriminatoire.

179    En troisième lieu, dans le cadre de l’évaluation du sous-critère 1.1 concernant les activités et les ressources numériques, la Commission aurait mentionné et évalué les outils numériques proposés dans l’offre du groupement CLL en affirmant que les ressources pédagogiques correspondaient aux attentes du pouvoir adjudicateur. En revanche, dans le cadre de son évaluation de l’offre du requérant, elle aurait seulement indiqué que l’offre contenait une liste avec beaucoup d’autres outils numériques qui encourageaient l’autoapprentissage, sans les mentionner ou les évaluer.

180    À cet égard, il convient de constater que cette affirmation de la Commission relative aux outils numériques dans l’offre du requérant constitue, en réalité, un commentaire positif, équivalent à l’affirmation relative à l’offre du groupement CLL. Ainsi, il n’y a pas eu de traitement discriminatoire.

181    En quatrième lieu, s’agissant de l’organisation du contenu visée au sous-critère 1.1, le Royaume d’Espagne a relevé que la Commission avait décrit l’offre du groupement CLL comme étant détaillée et disposant d’une structure très claire, mais que, s’agissant de l’offre du requérant qui contiendrait également un tel programme, l’évaluation qualitative du sous-critère 1.1 ne contiendrait aucune mention ni aucune évaluation dudit programme de cours.

182    À cet égard, il convient d’observer que, s’agissant de l’offre du requérant, et contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, la Commission a bien indiqué qu’il proposait une description brève, mais claire, de son contenu de cours, ce qui constitue un commentaire moins positif que celui de l’offre du groupement CLL. Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a bien évalué les deux offres.

183    À la lumière de ce qui précède, force est de constater qu’il n’y a pas eu de différence de traitement des deux offres en cause, puisque les différences, telles qu’indiquées par le Royaume d’Espagne, reflètent les différences existant entre lesdites offres.

184    Par ailleurs, il convient de relever que le requérant a demandé au Tribunal d’adopter une mesure d’instruction. Or, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande, car elle n’est pas nécessaire à la résolution du litige, conformément à l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure, ainsi qu’il ressort notamment des points 168 à 183 ci-dessus. S’agissant, en revanche, de la demande de mesure d’instruction du Royaume d’Espagne, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 88 du règlement de procédure, une telle demande ne peut pas être présentée par le Royaume d’Espagne, qui est intervenant, dès lors qu’elle est réservée aux seules parties principales. Ainsi, il n’y a pas lieu de donner suite à cette demande.

185    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des principes fondamentaux du droit des marchés publics

186    Par son cinquième moyen, le requérant avance que, en ayant attribué tous les lots du marché des formations linguistiques à un seul prestataire de services, à savoir au groupement CLL, la Commission a méconnu l’objectif poursuivi par la réglementation sur les marchés publics visant à ouvrir les marchés des institutions de l’Union à la concurrence la plus large et l’accès à ces marchés aux petites et moyennes entreprises.

187    Il rappelle qu’il ressort de la jurisprudence du Tribunal et de la Cour que le pouvoir adjudicateur ne peut pas restreindre artificiellement la concurrence. Il s’agirait d’une obligation juridique déduite des principes généraux du droit auxquels il est soumis.

188    En effet, il fait valoir que le pouvoir d’appréciation a été exercé concrètement pour attribuer tous les lots du marché au groupement CLL.

189    D’une part, le requérant réitère l’argument présenté dans le cadre du deuxième moyen selon lequel la Commission n’a pas soumis les offres du groupement CLL au processus de comparaison avec les offres concurrentes, en contournant la procédure d’attribution d’un marché public.

190    D’autre part, il soutient que la pratique anormale de la Commission consistant à opérer une appréciation uniforme et quasi équivalente des offres du groupement CLL, au maximum de la pondération pour deux tiers des critères, marque, au contraire, un défaut d’exercice du pouvoir d’appréciation, sinon la neutralisation des critères qualitatifs.

191    En outre, le requérant fait valoir que la pratique de la Commission consiste désormais à exclure la division des marchés en lots et, lorsqu’ils sont divisés, à attribuer tous les lots à un seul opérateur. En particulier, il attire l’attention sur les appels d’offres pour les services d’organisation de tests linguistiques, qui ont été attribués à un seul opérateur, pour les services d’organisation de tests linguistiques à distance, qui figuraient dans un lot unique, et pour les services de soutien linguistique en ligne dans le cadre du programme Erasmus+, également sans division en différents lots pour les langues. À la lumière de ces indices, le requérant fait valoir que la Commission tend désormais à centraliser la réponse à ses besoins dans le domaine des langues auprès d’un seul prestataire de services.

192    Le Royaume d’Espagne appuie ce moyen invoqué par le requérant, sous un angle davantage procédural.

193    En particulier, le Royaume d’Espagne estime que le principe de bonne administration, visé à l’article 41 de la Charte, ainsi que le principe général de transparence et d’objectivité, en ce qui concerne l’évaluation des offres dans le cadre d’une procédure de marché public, exigent que l’évaluation requérant des jugements de valeur soit effectuée préalablement aux évaluations qui sont le résultat de l’application d’une formule mathématique, et séparément de ces dernières.

194    À cet égard, le Royaume d’Espagne considère que, en procédant conjointement à une évaluation requérant des jugements de valeur (l’évaluation de l’offre technique) et à une évaluation qui est automatique (celle de l’offre économique), la procédure d’évaluation mise en œuvre par la Commission permet, en apparence du moins, au pouvoir adjudicateur d’être tenté, même inconsciemment, d’adapter l’évaluation qui dépend de jugements de valeur afin de la rendre déterminante.

195    Ainsi, en l’absence de garantie que l’offre technique a été évaluée avant et séparément de l’offre économique, et lorsque la Commission ne détaille pas la pondération de chacun des éléments de chaque sous-critère, le pouvoir adjudicateur peut toujours, selon le Royaume d’Espagne, être soupçonné d’avoir, même inconsciemment, privilégié l’offre la plus chère, ne serait-ce qu’en raison du préjugé généralisé selon lequel les produits de meilleure qualité ont normalement un prix plus élevé.

196    La Commission, quant à elle, conteste les arguments du requérant et du Royaume d’Espagne et conclut au rejet du cinquième moyen.

197    À cet égard, il convient de relever que, par son cinquième moyen, le requérant soutient, en substance, que la Commission a abusivement mis en œuvre une pratique qui l’a amenée à méconnaître l’objectif poursuivi par la réglementation sur les marchés publics visant à ouvrir les marchés des institutions de l’Union à la concurrence la plus large, en ayant attribué tous les lots du marché des formations linguistiques à un seul prestataire de services, à savoir au groupement CLL.

198    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles alléguées par l’institution ou d’éluder une procédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, EU:C:2008:276, point 49 et jurisprudence citée ; du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T‑266/97, EU:T:1999:144, point 131, et du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, EU:T:2004:2, point 164).

199    Tel n’est pas le cas en l’espèce.

200    Premièrement, s’agissant de l’objectif poursuivi par les procédures de passation des marchés, il convient de rappeler que, conformément à l’article 160, paragraphe 2, du règlement financier, tous les marchés font l’objet d’une mise en concurrence la plus large possible.

201    De même, le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 110).

202    À la lumière de ces considérations, un pouvoir adjudicateur ne saurait être empêché d’attribuer tous les lots d’un marché public au même soumissionnaire, sous condition que ses offres aient été économiquement les plus avantageuses par rapport à tous les autres soumissionnaires et que le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires ait été respecté, afin d’assurer une concurrence saine et effective entre les participants audit marché.

203    Partant, il y a lieu de constater que le requérant n’apporte aucun élément de preuve susceptible d’étayer son argumentation selon laquelle l’objectif poursuivi par la procédure de marché en cause n’a pas été atteint.

204    Deuxièmement, il ne ressort nullement des pièces du dossier que la Commission a poursuivi un but autre que celui d’évaluer les deux offres, conformément aux pouvoirs qui lui ont été conférés à cette fin. De même, le requérant n’apporte aucun élément concret démontrant un favoritisme quelconque de la part de cette dernière.

205    Troisièmement, il convient également de rejeter l’argument du requérant selon lequel les critères qualitatifs auraient été « neutralisés ». La mauvaise foi du pouvoir adjudicateur quant à l’appréciation de l’offre ne saurait être présumée sans qu’aucun élément de preuve ait été apporté à cet égard.

206    Quatrièmement, quant aux indices tirés des autres procédures d’appel d’offres, présentés par le requérant, ils n’ont manifestement pas de pertinence dans le cadre du présent litige, puisque chaque procédure comporte ses propres caractéristiques.

207    Dans le cadre de ce moyen, le Royaume d’Espagne fait valoir que le principe de bonne administration, visé à l’article 41 de la Charte, exigerait que l’évaluation de la qualité de l’offre technique soit effectuée préalablement à l’évaluation du prix, puisque, dans le cas contraire, le pouvoir adjudicateur pourrait toujours être soupçonné d’avoir privilégié l’offre la plus chère.

208    À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de constater que le Royaume d’Espagne n’a apporté aucune preuve ni aucun indice permettant d’établir que la Commission aurait, d’abord, évalué le prix et, ensuite, la qualité des offres, pour, enfin, privilégier l’offre du groupement CLL. En deuxième lieu, l’obligation d’effectuer l’évaluation de la qualité de l’offre technique préalablement à l’évaluation du prix ne ressort ni des dispositions du règlement financier ni de la jurisprudence. En troisième lieu, le Royaume d’Espagne n’a apporté aucun élément de preuve pertinent démontrant que l’absence de l’évaluation des offres en deux étapes aurait conduit à une violation du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires.

209    Il y a également lieu de rejeter l’argument tiré de la violation de l’article 41 de la Charte. À cet égard, il convient de rappeler que l’exigence d’impartialité au sens de cette disposition recouvre deux aspects. Il s’agit, d’une part, de l’impartialité subjective des membres d’un organe, en ce sens qu’aucun membre de l’organe concerné ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, cette impartialité étant présumée jusqu’à preuve du contraire et, d’autre part, de l’impartialité objective, en ce sens que cet organe doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, par analogie, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 54, et du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155). En l’espèce, force est de constater que, d’une part, le Royaume d’Espagne n’a pas invoqué la partialité subjective des membres du comité et, d’autre part, n’a pas démontré que l’absence d’obligation d’effectuer l’évaluation de la qualité de l’offre technique préalablement à l’évaluation du prix, qui n’a pas d’ailleurs été envisagée par le législateur de l’Union, a notamment conduit, en l’espèce, à une violation du principe d’égalité de traitement. Partant, il convient de constater que le Royaume d’Espagne n’a pas été en mesure d’établir l’existence d’un doute légitime à cet égard.

210    En conséquence, il y a également lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

211    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

212    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

213    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Instituto Cervantes est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission européenne.

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

Schalin

Nõmm

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juin 2023.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

D. Spielmann


*      Langue de procédure : le français.