Language of document : ECLI:EU:T:2013:670

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL

(troisième chambre)

27 novembre 2013 (*)

« Intervention – Intérêt à la solution du litige »

Dans l’affaire T‑462/12,

Pilkington Group Ltd, établie à St. Helens (Royaume-Uni), représentée par Mes J. Scott, S. Wisking, et K. Fountoukakos-Kyriakakos, solicitors,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Kellerbauer, P. J. O. Van Nuffel et G. Meessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 5718 final de la Commission européenne, du 6 août 2012, portant rejet d’une demande de traitement confidentiel introduite par Pilkington Group Ltd en application de l’article 8 de la décision 2011/695/UE du président de la Commission, du 13 octobre 2011, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans certaines procédures de concurrence (affaire COMP 39.125 – Verre automobile),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Papasavvas, président, N. J. Forwood et E. Bieliūnas, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et procédure

1        Le 12 novembre 2008, la Commission européenne a adopté la décision C (2008) 6815 final relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39.125 – Verre automobile) (ci-après la « décision Verre automobile »). Parmi les destinataires de la décision Verre automobile figure Pilkington Group Ltd, la requérante. Par cette décision, la Commission a notamment constaté la participation de la requérante à une infraction aux règles de la concurrence précitées et lui a infligé une amende, conjointement et solidairement avec d’autres sociétés appartenant à la même entreprise.

2        Le 25 mars 2009, la direction générale de la concurrence de la Commission a informé la requérante, entre autres, de son intention de publier une version non confidentielle de la décision Verre automobile sur son site Internet. À cette occasion, la Commission a sollicité de la requérante qu’elle identifie dans le texte de la décision d’éventuels secrets d’affaires la concernant ou d’autres éléments dont la divulgation pourrait lui causer un préjudice sérieux.

3        La requérante a répondu à cette demande dans des courriers des 29 avril, 25 septembre et 16 octobre 2009. À cette occasion, elle a mis en lumière une série d’informations contenues dans la version complète de la décision Verre automobile qu’elle considérait comme des secrets d’affaires ou comme des éléments confidentiels dans la mesure où leur divulgation lui occasionnerait un préjudice important ou porterait atteinte au respect de la vie privée de particuliers.

4        Une version non confidentielle provisoire de la décision Verre automobile a été publiée sur le site Internet de la direction générale de la concurrence le 11 février 2010, tenant compte en grande partie des demandes de traitement confidentiel introduites par la requérante.

5        Par courriers des 28 avril 2011, 6 juin 2011 et 1er février 2012, la Commission a informé la requérante que, compte tenu de l’introduction de plusieurs demandes d’accès à des informations contenues dans la décision Verre automobile, elle avait l’intention de publier une version plus détaillée de celle-ci. Partant, la Commission a rejeté plusieurs demandes de traitement confidentiel présentées par la requérante, concernant les faits constitutifs de l’infraction, notamment des noms de clients, des noms et descriptions de produits ainsi que d’autres informations dont il était allégué qu’elles permettraient d’identifier des clients de la requérante affectés par l’entente. Elle a par ailleurs rejeté plusieurs demandes de traitement confidentiel concernant, entre autres, le nombre de pièces fournies par la requérante, la part de marché représentée par un constructeur automobile donné, les calculs de prix ainsi que les modifications de prix, au motif notamment que ces informations ne pouvaient pas être considérées comme des informations professionnelles confidentielles et sensibles sur le plan commercial puisqu’elles avaient été échangées avec les autres participants à l’infraction et qu’elles dataient de plus de cinq ans. La Commission, enfin, a rejeté diverses demandes de confidentialité concernant des informations qui, selon la requérante, permettaient d’identifier des membres de son personnel, au motif notamment que l’identité de ces personnes était suffisamment protégée.

6        La requérante a réitéré ces diverses demandes de confidentialité devant le conseiller-auditeur. Par décision du 6 août 2012 (ci-après la « décision attaquée »), ce dernier a accepté certaines de ces demandes mais a rejeté la majorité d’entre elles.

7        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 19 octobre 2012, la requérante a introduit un recours en annulation de la décision attaquée, dans la mesure où celle-ci emporte le rejet de plusieurs de ses demandes de confidentialité. Par acte séparé déposé au greffe le même jour, la requérante a sollicité du président du Tribunal qu’il ordonne le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

8        Par ordonnance du 11 mars 2013, le président du Tribunal a décidé, d’une part, de surseoir à l’exécution de la décision attaquée en ce qui concerne deux catégories d’informations visées au point 6 de ladite décision et, d’autre part, d’ordonner à la Commission de s’abstenir de publier une version de la décision Verre automobile qui serait, en ce qui concerne ces deux catégories d’informations, plus détaillée que celle publiée sur son site Internet depuis le 11 février 2010.

9        Par actes déposés au greffe le 17 janvier 2013, Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G. (ci-après « WGV »), VHV Allgemeine Versicherung AG (ci-après « VHV ») et LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. (ci-après « LVM »), toutes trois actives dans le domaine de l’assurance du verre automobile, ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par acte déposé au greffe le 22 janvier 2013, HUK-Coburg Haftpflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg (ci-après « HUK-Coburg »), qui est également active dans le domaine de l’assurance du verre automobile, a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

10      Ces demandes d’intervention ont été signifiées aux parties, conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      La Commission et la requérante ont présenté leurs observations écrites relatives à ces demandes d’intervention par actes déposés au greffe, respectivement, les 6 et 19 février 2013.

12      Par actes déposés au greffe le 19 février 2013 et le 22 mars 2013, la requérante a sollicité le traitement confidentiel d’une série d’informations contenues, d’une part, dans la requête et ses annexes et, d’autre part, dans la réplique, vis-à-vis de WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg, en cas d’admission d’une ou de plusieurs de ces sociétés à intervenir au présent litige.

13      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée à partir de la nouvelle année judiciaire, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

14      WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg développent une argumentation similaire en vue de justifier de leur intérêt direct et actuel à la solution du litige.

15      Elles font tout d’abord valoir, à cet égard, qu’elles ont introduit, devant le Landgericht Düsseldorf, un recours en indemnité contre « AGC Glass Europe et autres » (ci-après « AGC »), qui est l’une des entreprises ayant participé à l’entente visée par la décision Verre automobile. Cette action, fondée sur une violation du droit de l’Union en matière d’ententes entre 1998 et 2003, sanctionnée dans la décision Verre automobile, viserait à obtenir la réparation des dommages causés par AGC à ces compagnies d’assurance du fait que ces dernières sont intervenues dans un grand nombre de cas en vue de remplacer du vitrage automobile hors d’usage. Or, il y aurait lieu de tenir compte du fait que la publication d’une version non confidentielle plus détaillée de la décision Verre automobile par la Commission est susceptible d’améliorer leur compréhension de l’entente visée par cette décision et, de cette façon, de rendre plus aisée la démonstration de leur préjudice devant le Landgericht Düsseldorf.

16      WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg soulignent ensuite que l’accès à une information plus complète au sujet de l’entente ayant donné lieu à l’adoption de la décision Verre automobile est rendue plus difficile par le rejet opposé par la Commission à leurs demandes d’accès à certains documents du dossier administratif relatif à la décision Verre automobile, fondées sur le Règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43).

17      La Commission ne s’oppose pas à ce que WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg soient admises à intervenir au présent litige.

18      La requérante estime, en revanche, que celles-ci n’ont pas démontré qu’elles avaient un intérêt direct et actuel à l’issue du litige.

19      En vertu de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, toute personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige autre qu’un litige entre États membres, entre institutions de l’Union ou entre États membres, d’une part, et institutions de l’Union, d’autre part, est en droit d’intervenir à ce litige.

20      Il résulte par ailleurs d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de ladite disposition, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre d’un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes [ordonnances du président de la Cour du 6 avril 2006, An Post/Deutsche Post e.a., C‑130/06 P(I), point 8, et du 17 octobre 2011, Gesamtverband der deutschen Textil- und Modeindustrie e.a./Conseil e.a., C‑3/11 P(I), point 10]. À cet égard, il convient notamment de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à l’issue du litige est certain [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 janvier 2008, Provincia di Ascoli Piceno et Comune di Monte Urano/Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory, C‑461/07 P(I), point 5].

21      En l’espèce, il convient de rejeter, à titre liminaire, l’argument de la requérante selon lequel l’absence d’intérêt à la solution du litige des demanderesses en intervention, qui sont toutes actives dans le secteur de l’assurance du verre automobile, résulterait de la circonstance que la décision Verre automobile ne concerne que le vitrage automobile de première monte fourni aux équipementiers d’origine, et non le vitrage de remplacement. Cet argument repose en effet sur une lecture erronée de cette décision, dès lors qu’il résulte de la version de cette dernière publiée sur le site Internet de la direction générale de la concurrence, plus particulièrement ses points 10 à 12, qu’elle concerne non pas seulement le verre automobile fourni aux équipementiers pour la première monte de vitrage sur les véhicules mais aussi celui qui leur est fourni en vue d’une revente ultérieure à leurs réparateurs agréés en tant que pièces de rechange.

22      Ensuite, s’agissant de l’argument des demanderesses en intervention selon lequel leur intérêt direct et actuel à la solution du litige résulterait de la circonstance qu’elles ont introduit un recours en dommages et intérêts devant le Landgericht Düsseldorf à l’encontre de l’une des entreprises ayant participé à l’entente visée par la décision Verre automobile, il convient de rappeler qu’il a été jugé, à l’égard d’une demande en intervention introduite par une entreprise soutenant avoir été affectée par un comportement anticoncurrentiel faisant l’objet de l’affaire concernée, que reconnaître un intérêt direct et actuel à la solution du litige à chaque personne physique ou morale qui potentiellement pourrait introduire une action civile demandant la réparation du dommage résultant du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise aboutirait à un élargissement tellement important du cercle des intervenants potentiels que cela risquerait de porter gravement atteinte à l’efficacité de la procédure devant les juridictions de l’Union [voir, notamment, ordonnances du président de la Cour du 8 juin 2012, Schenker AG/Air France SA et Commission, C‑589/11 P(I), point 24, Schenker AG/Air France-KLM et Commission, C‑590/11 P(I), point 24, et Schenker AG/Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV et Commission, C‑596/11 P (I), point 24 ; voir également, par analogie, ordonnance du président de la Cour du 19 février 2013, Commission/EnBW Energie-Baden-Württemberg, C‑365/12 P, point 11].

23      Force est de constater que cette jurisprudence s’applique également aux présentes demandes d’intervention. En effet, la circonstance que les demanderesses en intervention ont effectivement introduit une action en réparation à l’encontre d’une entreprise ayant participé à l’entente concernée n’a pas pour effet de distinguer substantiellement leur situation de celle des demandeurs en intervention qui pourraient potentiellement introduire une telle action, visés par cette jurisprudence, et ne saurait, par conséquent, fonder un intérêt direct et actuel à la solution du litige.

24      Quant à la circonstance que les demanderesses en intervention ont introduit devant la Commission des demandes visant à obtenir l’accès à certains documents du dossier administratif relatif à la décision Verre automobile, sur le fondement du règlement n° 1049/2001, et que ces demandes ont été rejetées par la Commission, celle-ci n’est pas de nature à établir que ces mêmes demanderesses ont un intérêt né et actuel à la solution du litige. En effet, de telles demandes ne sont pas susceptibles de singulariser WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg par rapport à toute autre personne qui serait intéressée par un accès aux documents de la procédure ayant donné lieu à l’adoption de cette décision, toute personne pouvant présenter ce type de demande d’accès aux documents des institutions de l’Union et à tout moment (voir notamment, en ce sens, ordonnances Schenker AG/Air France SA et Commission, point 22 supra, point 25, Schenker AG/Air France-KLM et Commission, point 22 supra, point 25, et Schenker AG/Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV et Commission, point 22 supra, point 25). De plus, toute personne qui est destinataire d’une décision portant refus d’accès aux documents, fondée sur ledit règlement, peut poursuivre l’annulation de cette décision devant le juge de l’Union.

25      Faute pour WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg d’avoir établi qu’elles ont un intérêt direct et actuel à la solution du litige, leurs demandes en intervention doivent dès lors être rejetées.

 Sur les dépens

26      En vertu de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance. La présente ordonnance mettant fin à l’instance à l’égard de WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg, il convient de statuer sur les dépens afférents à leurs demandes d’intervention.

27      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, à défaut de conclusions sur les dépens visant WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg, il y a lieu d’ordonner que, d’une part, celles-ci supporteront leurs propres dépens et, d’autre part, la Commission et la requérante supporteront également leurs propres dépens occasionnés par les demandes d’intervention de WGV, VHV, LVM et HUK-Coburg.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Les demandes d’intervention de Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G., VHV Allgemeine Versicherung AG, LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. et HUK-Coburg Haftpflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg sont rejetées.

2)      Württembergische Gemeinde-Versicherung a.G., VHV Allgemeine Versicherung AG, LVM Landwirtschaftlicher Versicherungsverein Münster a.G. et HUK-Coburg Haftplflicht-Unterstützungs-Kasse Kraftfahrender Beamter Deutschlands a.G. in Coburg supporteront leurs propres dépens.

3)      La Commission européenne et Pilkington Group Ltd supporteront chacune leurs propres dépens afférents aux procédures en intervention.

Fait à Luxembourg, le 27 novembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       S. Papasavvas


* Langue de procédure : l’anglais.