Language of document : ECLI:EU:T:2015:151

Affaire T‑466/12

RFA International, LP

contre

Commission européenne

« Dumping – Importation de ferrosilicium originaire de Russie – Rejet des demandes de remboursement de droits antidumping acquittés – Détermination du prix à l’exportation – Entité économique unique – Détermination de la marge de dumping – Application d’une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale – Changement de circonstances – Article 2, paragraphe 9, et article 11, paragraphe 9, du règlement (CE) no 1225/2009 »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 17 mars 2015

1.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Pouvoir d’appréciation des institutions – Contrôle juridictionnel – Limites

2.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination du prix à l’exportation – Recours à un prix à l’exportation construit – Conditions – Association entre l’exportateur et l’importateur

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 9)

3.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination du prix à l’exportation – Recours à un prix à l’exportation construit – Ajustements – Application d’office – Prise en compte d’une marge bénéficiaire raisonnable et d’une marge raisonnable pour les frais intervenus entre l’importation et la revente – Pouvoir d’appréciation des institutions – Contrôle juridictionnel – Limites

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 9)

4.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination du prix à l’exportation – Recours à un prix à l’exportation construit – Ajustements – Caractère raisonnable – Charge de la preuve

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 9)

5.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination du prix à l’exportation – Recours à un prix à l’exportation construit – Ajustements – Prise en compte d’une marge bénéficiaire raisonnable – Calcul sur la base de données émanant d’un importateur indépendant

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 9)

6.      Recours en annulation – Compétence du juge de l’Union – Portée – Interdiction de statuer ultra petita

(Art. 263 TFUE)

7.      Procédure juridictionnelle – Production de moyens nouveaux en cours d’instance – Moyen soulevé pour la première fois à l’audience – Moyen ne pouvant être qualifié d’ampliation d’un moyen existant – Irrecevabilité

(Règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2)

8.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Choix entre différentes méthodes de calcul – Pouvoir d’appréciation des institutions – Contrôle juridictionnel – Limites

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 11)

9.      Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Demande de remboursement de droits antidumping fondée sur l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 1225/2009 – Appréciation par la Commission – Recours à une méthode de calcul différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale – Conditions – Changement de circonstances – Interprétation stricte – Charge de la preuve – Obligation d’appliquer une méthode conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement no 1225/2009

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 11, § 8 et 9)

10.    Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Demande de remboursement de droits antidumping fondée sur l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 1225/2009 – Appréciation par la Commission – Recours à une méthode de calcul différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale – Conditions – Changement de circonstances justifiant le changement de la méthode de calcul – Changement de la structure et modification des circuits de vente à l’exportation d’un groupe producteur-exportateur – Appréciation

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 11, § 8 et 9)

11.    Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Marge de dumping – Détermination de la valeur normale – Détermination du prix à l’exportation – Élément à retenir – Prix pratiqué au cours d’opérations commerciales normales – Prix payé par le premier acheteur indépendant à une entité économique unique productrice-exportatrice – Notion d’entité économique unique – Incidence sur la qualification de producteur-exportateur des sociétés appartenant à l’entité économique unique – Absence

[Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 2, § 1 et 10, i)]

12.    Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Demande de remboursement de droits antidumping fondée sur l’article 11, paragraphe 8, du règlement no 1225/2009 – Appréciation par la Commission – Détermination de la méthode de calcul en vertu de l’article 11, paragraphe 9, du règlement no 1225/2009 – Nécessité d’interprétation en conformité avec l’accord antidumping du GATT de 1994 – Absence

(Accord relatif à la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, « accord antidumping de 1994 », art. 18.3 ; règlement du Conseil no 1225/2009, art. 11, § 9)

13.    Politique commerciale commune – Défense contre les pratiques de dumping – Remboursement de droits antidumping – Pouvoir d’appréciation de la Commission – Effet des lignes directrices adoptées par la Commission

(Règlement du Conseil no 1225/2009, art. 11, § 8 ; communication de la Commission 2002/C 127/06)

1.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 37)

2.      En vertu de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base no 1225/2009, aux fins du calcul de la marge de dumping, les institutions sont en droit, en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur, de construire le prix à l’exportation. Une telle association existe notamment lorsque l’exportateur et l’importateur appartiennent au même groupe.

(cf. point 39)

3.      Aux fins de la construction du prix à l’exportation sur la base du prix au premier acheteur indépendant ou sur toute autre base raisonnable, les ajustements prévues à l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement antidumping de base no 1225/2009 sont opérés d’office par les institutions, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union. À cet égard, l’article 2, paragraphe 9, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base n’exclut pas que des ajustements soient opérés pour des frais intervenus avant l’importation, dans la mesure où ces frais sont normalement supportés par l’importateur.

Par ailleurs, ladite disposition ne prévoit pas de méthode de calcul ou de détermination de la marge raisonnable pour lesdits frais et le bénéfice. Elle se limite à renvoyer au caractère raisonnable de cette marge faisant l’objet de l’ajustement.

Enfin, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation à l’égard de la détermination d’une marge raisonnable pour ces frais et le bénéfice, de sorte que le juge de l’Union n’est appelé à exercer qu’un contrôle juridictionnel restreint. En effet, cette détermination comporte nécessairement des appréciations économiques complexes.

(cf. points 40-43)

4.      Dans le contexte du calcul de la marge de dumping sur la base d’un prix à l’exportation construit, il appartient à la partie intéressée qui entend contester l’étendue des ajustements opérés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base no 1225/2009, en ce que les marges déterminées à ce titre seraient excessives, de fournir des éléments de preuve et des calculs concrets justifiant ses allégations et, en particulier, le taux alternatif qu’elle propose le cas échéant. La partie intéressée est notamment tenue de présenter des éléments chiffrés à l’appui de sa contestation, tels que des calculs concrets justifiant ses allégations. À cet égard, tout particulièrement, l’allégation de l’existence d’une entité économique intégrant des fonctions d’importation et des fonctions d’exportation n’est pas de nature à renverser cette charge de la preuve en imposant aux institutions d’opérer d’office la distinction entre les deux fonctions d’importation et d’exportation et les frais et le bénéfice y afférents.

(cf. points 44, 61-63)

5.      La marge bénéficiaire raisonnable visée à l’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement antidumping de base no 1225/2009 peut, en présence d’une association entre producteur et importateur dans l’Union, être calculée sur le fondement non pas des données émanant d’un importateur affilié, qui peuvent être influencées par une telle association, mais de celles émanant d’un importateur indépendant.

(cf. point 68)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 77, 78)

7.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 80-82)

8.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 86)

9.      Dans toutes les procédures de remboursement au sens de l’article 11, paragraphe 8, du règlement antidumping de base no 1225/2009, la Commission, conformément au libellé de l’article 11, paragraphe 9, du même règlement, applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que celle utilisée lors de l’enquête initiale ayant abouti à l’imposition du droit antidumping en question, compte tenu notamment des dispositions de l’article 2 du même règlement.

À cet égard, l’exception permettant à la Commission d’appliquer, lors de la procédure de remboursement, une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale lorsque les circonstances ont changé doit nécessairement faire l’objet d’une interprétation stricte, une dérogation ou une exception à une règle générale devant être interprétée restrictivement. Il appartient, dès lors, à la Commission de démontrer que les circonstances ont changé si elle entend appliquer une méthode différente de celle utilisée lors de l’enquête initiale.

Par ailleurs, pour être justifié au vu de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, le changement de méthode doit être lié au changement de circonstances constaté.

À cet égard, s’agissant du caractère d’exception d’un tel changement de circonstances, l’exigence d’une interprétation stricte ne saurait permettre à la Commission d’interpréter et d’appliquer cette disposition d’une manière incompatible avec le libellé et la finalité de celle-ci. À cet égard, ladite disposition prévoit en particulier que la méthode appliquée doit être conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement de base. Il s’ensuit que, s’il devait s’avérer, au stade de la procédure de remboursement, que l’application de la méthode appliquée lors de l’enquête initiale n’était pas conforme aux dispositions de l’article 2 du règlement de base, la Commission serait tenue de ne plus appliquer ladite méthode, étant entendu qu’il appartient à la Commission de démontrer que la méthode appliquée lors de l’enquête initiale n’était pas conforme à l’article 2 du règlement de base. En revanche, pour justifier un changement de méthode, il ne suffit pas qu’une nouvelle méthode soit plus appropriée que l’ancienne, dans l’hypothèse toutefois où l’ancienne méthode serait conforme à l’article 2 du règlement de base.

(cf. points 87-91)

10.    Dans le cadre de l’appréciation d’une demande de remboursement de droits antidumping acquittés, la Commission n’est en droit d’appliquer une méthode de calcul de la marge de dumping différente de la méthode utilisée lors de l’enquête initiale que lorsqu’elle peut démontrer qu’un changement de circonstances justifie le recours à la nouvelle méthode.

À cet égard, le changement de la structure d’un groupe d’entreprises et de l’organisation des ventes à l’exportation de ce groupe, créant un nouveau canal de vente et permettant ainsi, pour la première fois, d’établir des prix à l’exportation individuels pour différents producteurs-exportateurs y appartenant, justifie l’application d’une nouvelle méthode consistant à calculer des marges de dumping individuelles pour chacun des producteurs-exportateurs concernés avant d’établir, eu égard à leur appartenance au groupe d’entreprises, une marge de dumping moyenne pondérée.

Dans ces circonstances, même si la Commission omet de solliciter, lors de l’enquête initiale, la présentation de données individuelles, une telle omission n’est pas de nature à entacher d’illégalité la conclusion portant sur l’existence d’un changement de circonstances.

(cf. points 98-102, 117)

11.    En ce qui concerne l’analyse des pratiques de dumping, la notion d’entité économique unique a été développée aux fins de la détermination de la valeur normale au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement antidumping de base no 1225/2009. En effet, lorsqu’un producteur confie des tâches relevant normalement d’un département de vente interne à une société de distribution de ses produits qu’il contrôle économiquement, l’utilisation, en vue de la détermination de la valeur normale, des prix payés par le premier acheteur indépendant à ladite société de distribution est justifiée, étant donné que ces prix peuvent être considérés comme les prix de la première vente du produit effectuée au cours d’opérations commerciales normales, au sens de l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base. Cette considération peut être transposée, par analogie, aux ajustements opérés, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base, sur le prix à l’exportation. Dans ce contexte, si un producteur distribue ses produits à destination de l’Union par l’intermédiaire d’une société juridiquement distincte mais placée sous son contrôle économique, l’exigence d’un constat reflétant la réalité économique des relations entre ce producteur et cette société de vente milite plutôt pour l’application de la notion d’entité économique unique pour le calcul du prix à l’exportation.

Il s’ensuit que la notion d’entité économique unique est fondée, en particulier, sur la nécessité de tenir compte de la réalité économique des relations entre le producteur et sa société de vente, cette dernière effectuant les tâches d’un département de vente intégré audit producteur.

En revanche, le fait que deux producteurs appartiennent à un même groupe et forment, avec une société juridiquement distincte appartenant également audit groupe et chargée des tâches d’un service de vente intégré, une entité économique unique n’oblige pas les institutions à considérer que seule ladite entité unique peut être qualifiée de producteur-exportateur. En effet, une telle prémisse ferait abstraction de la réalité économique consistant en le fait que, malgré leur appartenance, en tant que sociétés sœurs détenues par les mêmes actionnaires, à un même groupe, voire, à la supposer établie, à une entité économique unique, deux producteurs peuvent constituer des entités juridiques distinctes qui, lors de l’enquête de remboursement, produisent et commercialisent leurs produits à titre individuel.

(cf. points 108-112)

12.    En vertu du considérant 3 du règlement antidumping de base no 1225/2009, ce règlement a pour objet de transposer en droit de l’Union, dans toute la mesure du possible, les règles contenues dans l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (accord antidumping). Dès lors, les dispositions du règlement de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping. Toutefois, en ce qui concerne la méthode de calcul à appliquer aux fins de l’appréciation d’une demande de remboursement de droits antidumping acquittés, l’accord antidumping ne comporte pas de dispositions équivalentes à celles de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, de sorte que la règle que cette dernière disposition comporte ne saurait être considérée comme une transposition de l’une des règles détaillées dudit accord devant être interprétée en conformité avec ce dernier. Par ailleurs, il découle du libellé et du contexte des articles 18.3 et 18.3.1 de l’accord antidumping que, à la différence de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, qui identifie la méthode applicable dans toute enquête de remboursement, l’article 18.3.1 de l’accord antidumping s’inscrit dans les dispositions finales dudit accord et, plus précisément, dans celles, énoncées à son article 18.3, qui déterminent son applicabilité dans le temps.

(cf. points 135-137, 139)

13.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 142-144)