Language of document : ECLI:EU:T:2018:263

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 mai 2018 (*)

« REACH – Évaluation des dossiers – Contrôle de la conformité des enregistrements – Contrôle des informations communiquées et suivi de l’évaluation des dossiers – Déclaration de non-conformité – Compétence du Tribunal – Recours en annulation – Acte attaquable – Affectation directe et individuelle – Recevabilité – Base juridique – Articles 41, 42 et 126 du règlement (CE) no 1907/2006 »

Dans l’affaire T‑283/15,

Esso Raffinage, établie à Courbevoie (France), représentée par M. M. Navin-Jones, solicitor,

partie requérante,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par MM. C. Jacquet, C. Schultheiss, W. Broere et Mme M. Heikkilä, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze, en qualité d’agent,

par

République française, représentée par MM. D. Colas et J. Traband, en qualité d’agents,

et par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. de Ree, M. Bulterman et M. Noort, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la lettre de l’ECHA du 1er avril 2015 adressée au ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement français et intitulée « Déclaration de non-conformité faisant suite à une décision d’évaluation des dossiers au titre du règlement (CE) no 1907/2006 »,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Gratsias, président, A. Dittrich (rapporteur) et P. G. Xuereb, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 19 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Esso Raffinage, une société de droit français, produit et commercialise une certaine substance pour laquelle elle a soumis, auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), un dossier d’enregistrement en application du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) no 793/93 du Conseil et le règlement (CE) no 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, rectificatif JO 2007, L 136, p. 3).

2        Le 17 novembre 2010, la requérante a mis à jour son dossier d’enregistrement pour la substance enregistrée dans la fourchette de quantité supérieure à 1 000 tonnes par an.

3        Le 9 juillet 2010, en application de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a entamé une évaluation du dossier d’enregistrement de la requérante.

4        Le 28 juin 2011, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a communiqué à la requérante un projet de décision rédigé sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement. Par ce projet de décision, il était demandé à la requérante de fournir une étude de la toxicité de la substance enregistrée sur le développement prénatal d’une espèce animale.

5        Après avoir transmis ses observations sur le projet de décision le 28 juillet 2011, la requérante a, le 6 septembre suivant, mis à jour son dossier d’enregistrement de manière à corriger certains points non conformes soulignés par l’ECHA.

6        Le 14 juin 2012, conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a notifié le projet de décision aux autorités de contrôle des États membres chargées de la mise en œuvre du règlement no 1907/2006 et les a invitées à formuler des propositions de modifications sur le fondement de l’article 51, paragraphe 2, de ce règlement.

7        Le 18 juillet 2012, en application de l’article 51, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, l’ECHA a communiqué un projet de décision révisé à la requérante. Des propositions de modifications provenant de différents États membres étaient jointes au projet de décision révisé. Dans sa proposition, le Royaume de Danemark recommandait de demander à la requérante de fournir une étude supplémentaire, à savoir une étude de toxicité de la substance enregistrée sur le développement prénatal d’une deuxième espèce. Selon cet État membre, cette seconde étude constituait une « information standard », au sens du point 8.7.2 de l’annexe X du règlement no 1907/2006.

8        La requérante n’a pas présenté d’observations concernant cette proposition de modification.

9        Le 30 juillet 2012, conformément à l’article 51, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, le projet de décision révisé a été renvoyé au comité des États membres.

10      Pendant sa 25e réunion, qui s’est tenue du 19 au 21 septembre 2012, le comité des États membres est parvenu à un accord unanime en ce qui concerne le projet de décision révisé, y compris la proposition du Royaume de Danemark concernant l’étude de toxicité de la substance enregistrée sur le développement prénatal d’une deuxième espèce. La requérante était présente lors de cette réunion. Au cours de la séance ouverte, les membres du comité et la requérante ont discuté de la demande d’une étude de toxicité sur le développement prénatal d’une deuxième espèce.

11      Ainsi qu’il résulte du procès-verbal de la 25e réunion du comité des États membres, lors de la séance ouverte, la requérante a fait valoir que, en raison notamment de l’utilisation limitée de la substance concernée, d’autres tests à l’égard de cette substance n’étaient pas justifiés. En particulier, une étude de sa toxicité sur le développement prénatal d’une deuxième espèce n’était, selon elle, pas nécessaire. Les membres du comité des États membres ont indiqué à la requérante qu’elle se méprenait sur l’interprétation du règlement no 1907/2006 en ce qui concerne la nécessité de présenter des informations issues d’une étude de toxicité sur le développement prénatal d’une deuxième espèce.

12      Le 6 novembre 2012, l’ECHA a publié et notifié à la requérante une décision fondée sur l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 (ci-après la « décision du 6 novembre 2012 »). Dans la décision du 6 novembre 2012, l’ECHA constatait l’absence de conformité du dossier d’enregistrement avec le règlement no 1907/2006 et laissait à la requérante jusqu’au 6 novembre 2013 pour présenter des informations concernant dix éléments différents, parmi lesquels figuraient une « étude de la toxicité sur le développement prénatal des lapins, voie orale » et un « essai de toxicité à long terme pour les organismes vivant dans des sédiments ».

13      Ainsi qu’il ressort de la décision du 6 novembre 2012, l’ECHA était d’avis que ces informations étaient requises pour satisfaire aux exigences en matière d’« informations standard », telles que visées, d’une part, en ce qui concerne la première étude, au point 8.7.2 de l’annexe X du règlement no 1907/2006 et, d’autre part, pour ce qui est de l’essai sur les organismes vivant dans des sédiments, au point 9.5.1 de l’annexe X du même règlement.

14      La requérante n’a introduit aucun recours tendant à l’annulation de la décision du 6 novembre 2012.

15      Par courrier du 12 décembre 2012, le ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement (ci-après le « ministère de l’Écologie français »), qui est l’autorité de contrôle compétente en France en matière d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques, ainsi que des restrictions applicables à ces substances, a également communiqué la décision du 6 novembre 2012 à la requérante. Dans cette communication, le ministère de l’Écologie français attirait l’attention de la requérante sur le fait qu’« une absence de réponse de [la] part [de la requérante] serait un manquement aux obligations du règlement [no 1907/2006] pour lequel le code de l’environnement prévoit des sanctions administratives et pénales ».

16      En réponse à la décision du 6 novembre 2012, la requérante a, le 6 novembre 2013, choisi de ne pas fournir toutes les informations demandées par l’ECHA dans la décision du 6 novembre 2012. En revanche, s’agissant des deux études mentionnées au point 12 ci-dessus, elle a versé au dossier d’enregistrement un document de 103 pages, qui, selon elle, constituait un ensemble d’éléments de preuve au sens du point 1.2 de l’annexe XI du règlement no 1907/2006. Selon la requérante, les informations fournies dans ce document n’avaient pas impliqué d’essais sur les animaux et n’avaient pas été portées à la connaissance de l’ECHA avant l’adoption de la décision du 6 novembre 2012. En particulier, le but de ce document aurait été de démontrer que la réalisation d’une étude de toxicité de la substance enregistrée sur le développement prénatal d’une deuxième espèce n’était pas nécessaire.

17      Le 1er avril 2015, l’ECHA a adressé au ministère de l’Écologie français, avec copie à la requérante, une lettre rédigée en anglais et intitulée « Déclaration de non-conformité faisant suite à une décision d’évaluation du dossier au titre du règlement (CE) no 1907/2006 » (ci-après la « lettre du 1er avril 2015 »).

18      Un document datant également du 1er avril 2015, intitulé « Annexe à la déclaration de non-conformité à la suite d’une décision d’évaluation du dossier au titre du règlement (CE) no 1907/2006 », était joint à la lettre du1er avril 2015. Ce document exposait les conclusions de l’ECHA et les motifs pour lesquels elle considérait que la dernière mise à jour, par la requérante, du dossier d’enregistrement n’était pas acceptable (la lettre du 1er avril 2015 et son annexe ci-après désignées ensemble l’« acte attaqué »).

19      La lettre du 1er avril 2015 est rédigée comme suit :

« Helsinki, le 1er avril 2015

À l’autorité française compétente en matière de REACH […]

Numéro de communication : […]

Numéro de soumission faisant suite à une évaluation : […]

Date de la soumission faisant suite à une évaluation : 6 novembre 2013

Déclaration de non-conformité faisant suite à une décision d’évaluation du dossier au titre du règlement (CE) no 1907/2006

Conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement [no] 1907/2006 (règlement REACH), l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a effectué un contrôle de conformité concernant le dossier relatif à [la substance enregistrée]. L’ECHA a rendu la décision [du 6 novembre 2012], annexée à la présente lettre, conformément à la procédure prévue aux articles 50 et 51 du règlement REACH.

Cette décision a fixé un délai pour le requérant afin de soumettre à l’ECHA les informations demandées dans cette décision sous la forme d’une mise à jour du dossier jusqu’au 6 novembre 2013. Une version mise à jour du dossier a été transmise le 6 novembre 2013 (numéro de soumission : […]).

L’ECHA a examiné les informations soumises dans le dossier mis à jour. En conclusion, le dossier d’enregistrement mis à jour ne contient pas l’ensemble des informations demandées dans la décision de l’ECHA. Une analyse spécifique des raisons de cette conclusion est jointe (annexe). D’autres informations en plus du dossier mis à jour ont été soumises par le déclarant en réponse à la décision et sont jointes.

Sur cette base, l’ECHA constate :

–        le déclarant n’a pas satisfait aux obligations découlant de la [décision du 6 novembre 2012] ;

–        le dossier d’enregistrement ne respecte pas l’article 5 du règlement REACH ;

–        le déclarant viole l’article 41, paragraphe 4, du règlement REACH.

Le non-respect d’une décision de l’ECHA et du règlement REACH peut faire l’objet de mesures d’exécution forcée par les autorités des États membres, comme il est prévu à l’article 126 du règlement REACH.

Sur ce point, vous êtes donc priés de prendre les mesures d’exécution relevant de votre propre compétence pour mettre en œuvre la décision de l’ECHA.

L’ECHA estime que la correspondance concernant le défaut de conformité avec la décision de l’ECHA se poursuivra entre le déclarant et les autorités françaises jusqu’à ce que l’affaire soit résolue. Lorsque le déclarant met à jour son enregistrement en réponse à la décision, il est censé en informer les autorités françaises.

L’ECHA attend votre réaction concernant les mesures nationales prises dans ce cas de non-conformité.

Autorisé par […], Directrice de l’évaluation,

Annexes : […]

CC : Le déclarant [via REACH IT] ».

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2015, la requérante a introduit le présent recours.

21      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal en tant qu’annexe à la requête, la requérante a introduit une demande de traitement confidentiel de certaines informations communiquées dans la requête et dans ses annexes, notamment de la composition de la substance enregistrée et de son numéro d’enregistrement. L’ECHA ne s’étant pas opposée à un traitement confidentiel de ces informations dans le délai imparti, il a été fait droit à cette demande conformément au règlement de procédure du Tribunal.

22      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 5 novembre 2015, la République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Par ordonnances du Tribunal du 7 juin 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a, les parties principales entendues, admis ces interventions.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2015, la République française a également demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Par ordonnance du 7 juin 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a, les parties principales entendues, admis cette intervention sur le fondement de l’article 116, paragraphe 6, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991.

24      Le mémoire en défense a été déposé au greffe du Tribunal le 26 novembre 2015.

25      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2016.

26      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 15 juin 2016.

27      La République fédérale d’Allemagne et le Royaume des Pays-Bas ont déposé leurs mémoires et les parties principales ont déposé leurs observations sur ceux-ci dans les délais impartis.

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler l’acte attaqué ;

–        ordonner le renvoi de l’affaire devant le directeur exécutif de l’ECHA, en précisant que toute nouvelle décision de l’ECHA concernant le dossier REACH d’évaluation du dossier d’enregistrement de la requérante pour la substance enregistrée devra tenir compte des motifs d’annulation énoncés dans l’arrêt du Tribunal et de toute information pertinente et actualisée ;

–        condamner l’ECHA aux dépens ;

–        ordonner toute autre mesure requise dans l’intérêt de la justice.

29      L’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

30      La République fédérale d’Allemagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours et de condamner la requérante aux dépens.

31      Le Royaume des Pays-Bas conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable et de condamner la requérante aux dépens.

32      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours comme irrecevable.

 En droit

 Sur la compétence du Tribunal

33      Selon la requérante, il n’existe pas de droit de recours contre l’acte attaqué devant la chambre de recours de l’ECHA, que ce soit en vertu de l’article 91 du règlement no 1907/2006 ou de toute autre disposition. Partant, le Tribunal serait compétent pour connaître du présent recours conformément à l’article 94 du règlement no 1907/2006.

34      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, « [l]e Tribunal […] ou la Cour […] peuvent être saisis, conformément à l’article [263 TFUE], d’une contestation d’une décision de la chambre de recours ou, dans les cas où il n’existe pas de droit de recours auprès de la chambre de recours, d’une décision de [l’ECHA] ».

35      À cet égard, l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 prévoit que « [l]es décisions prises par [l’ECHA] au titre des articles 9 et 20, de l’article 27, paragraphe 6, de l’article 30, paragraphes 2 et 3, ainsi que de l’article 51 [du règlement no 1907/2006] peuvent faire l’objet de recours » devant la chambre de recours.

36      En l’espèce, l’acte attaqué n’a pas été rédigé sur le fondement de l’article 91, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. En particulier, il ressort des éléments du dossier que l’acte attaqué n’a pas été rédigé à la suite de la procédure visée à l’article 51 du règlement no 1907/2006.

37      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

 Sur la recevabilité des troisième et cinquième chefs de conclusions

38      Lors de l’audience, le Tribunal a demandé à la requérante si, compte tenu de l’article 266 TFUE, elle considérait qu’il y a avait lieu de maintenir ses troisième et cinquième chefs de conclusions. En substance, la requérante a répondu que, dans le cas où ces chefs de conclusions seraient « irrecevables », elle pourrait les retirer. En revanche, dans le cas où ils pourraient être considérés comme étant « recevables », ils seraient maintenus. Ces remarques sont imprécises, elles ne permettent pas d’établir si la requérante a effectivement retiré ses troisième et cinquième chefs de conclusions. Dans ces conditions, il y a lieu de les examiner également.

39      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 266, paragraphe 1, TFUE, l’institution, l’organe ou l’organisme de l’Union européenne dont émane l’acte annulé est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union européenne. Dans l’hypothèse où il serait fait droit aux premier et deuxième chefs de conclusions, il incomberait à l’ECHA de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’ECHA, telles que celles mentionnées aux troisième et cinquième chefs de conclusions de la requérante. Il y a donc lieu de rejeter ceux-ci comme étant irrecevables.

 Sur la recevabilité des premier et deuxième chefs de conclusions

 Sur le caractère attaquable de l’acte attaqué

40      L’ECHA, soutenue par les intervenants, fait valoir que l’acte attaqué ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation et que, partant, le présent recours est irrecevable.

41      En premier lieu, selon l’ECHA, en rédigeant des « déclarations de non-conformité », son intention n’a jamais été de faire en sorte que celles-ci deviennent des documents contraignants pour les autorités de contrôle nationales ou les déclarants concernés. Depuis novembre 2012, l’ECHA aurait préparé des « déclarations de non-conformité » qui lui permettraient de présenter son point de vue sur la question de savoir si les décisions d’évaluation des dossiers d’enregistrement ont été respectées par les déclarants. La pratique consistant à envoyer des « déclarations de non-conformité » aux États membres aurait pour but de fournir des avis techniques et scientifiques dépourvus d’effets contraignants, afin que les États membres puissent mettre en œuvre leurs propres mesures de contrôle. Le fait que, au moment où elle a rédigé l’acte attaqué, l’ECHA ne voulait que fournir au ministère de l’Écologie français un avis technique et scientifique dépourvu d’effets contraignants serait confirmé par une fiche d’information publiée par l’ECHA sur son site Internet en octobre 2013 et intitulée « Suivi des décisions d’évaluation des dossiers » (Follow up to dossier evaluation decisions). Selon ce document, en substance, une « déclaration de non-conformité faisant suite à une décision d’évaluation des dossiers au titre du règlement no 1907/2006 » ne serait qu’un document contenant une évaluation du secrétariat de l’ECHA destinée à un État membre et indiquant qu’un déclarant n’a pas répondu à une demande d’information dans le délai fixé.

42      En deuxième lieu, l’ECHA, soutenue expressément sur ce point par la République fédérale d’Allemagne et par la République française, relève le fait, d’ailleurs non contesté par la requérante, qu’elle est convenue avec les autorités de contrôle des États membres d’un mécanisme permettant de gérer les situations dans lesquelles l’ECHA considère que le déclarant n’a pas fourni, dans le délai visé à l’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, les informations demandées dans une décision sur un contrôle de conformité. Plus précisément, le forum d’échange d’informations sur la mise en œuvre, établi en vertu de l’article 76, paragraphe 1, sous f), et de l’article 86 du règlement no 1907/2006, a demandé à l’ECHA d’informer les États membres, de manière informelle, des mises à jour de dossiers d’enregistrement reçues en réponse à une décision relative à un contrôle de conformité, ainsi que de l’avis scientifique de l’ECHA visant les situations dans lesquelles le dossier n’est, selon elle, toujours pas conforme aux dispositions du règlement no 1907/2006. Ce système de coopération informelle entre l’ECHA et les États membres viserait la mise en œuvre des décisions relatives à un contrôle de conformité et laisserait les États membres libres d’adopter une autre position que celle exprimée par l’ECHA dans une « déclaration de non-conformité ». À cet égard, plus précisément, tant l’ECHA que la République fédérale d’Allemagne et la République française insistent en substance sur le fait que la mise en œuvre d’une décision relative à un contrôle de conformité relève de la compétence de l’État membre concerné, ce qui impliquerait que les États membres sont libres d’adopter ou non des mesures, s’ils considèrent, après examen, que le dossier permet d’établir les éléments manquants, contrairement à ce que l’ECHA a pu conclure dans la « déclaration de non-conformité ». De ce fait, les États membres seraient libres de tenir compte ou non d’un acte tel que l’acte attaqué.

43      En troisième lieu, en motivant l’acte attaqué, l’ECHA n’aurait pas exprimé de position finale sur la « documentation alternative » fournie par la requérante. Selon l’ECHA, au stade de l’exécution d’une décision telle que celle du 6 novembre 2012, il y a une interaction entre les autorités de contrôle nationales et le déclarant afin d’examiner les questions et les manquements qui sont mis en évidence dans une « déclaration de non-conformité ». Il se peut, de l’avis de l’ECHA, qu’à la suite de telles discussions, d’autres informations soient fournies par le déclarant, qui soient suffisantes et conformes aux exigences découlant d’une décision telle que celle du 6 novembre 2012. Dès lors, loin de constituer une position définitive de l’ECHA en ce qui concerne la « documentation alternative » fournie par la requérante le 6 novembre 2013, l’acte attaqué serait un simple avis rappelant à l’autorité de contrôle française qu’elle devait adopter une décision finale concernant l’exécution de la décision du 6 novembre 2012.

44      En quatrième lieu, de l’avis de l’ECHA, un examen de l’acte attaqué à la lumière des critères développés par la jurisprudence au sujet de ce qu’il est convenu d’appeler un « acte confirmatif » ne permet pas non plus de conclure en l’espèce que l’acte attaqué constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours. À cet égard, l’ECHA rappelle la position exprimée par une de ses chambres de recours dans une décision du 29 juillet 2015 (affaire A‑019‑2013) concernant un recours formé par Solutia Europe SPRL/BVBA contre une « déclaration de non-conformité » qui avait un contenu semblable à celui de l’acte attaqué (ci-après l’« affaire Solutia »). En s’appuyant sur la jurisprudence du juge de l’Union relative à l’examen des actes confirmatifs, la chambre de recours aurait estimé dans cette décision que, puisque les informations fournies par le déclarant en cause étaient substantielles et nouvelles, l’ECHA aurait dû arrêter une décision sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, et ce conformément à la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 de ce règlement. Dans cette optique, la chambre de recours de l’ECHA aurait considéré que l’évaluation contenue dans une « déclaration de non-conformité » équivalait en réalité à une décision adoptée sur le fondement de l’article 42 du règlement no 1907/2006.

45      S’il y avait lieu, en l’espèce, de procéder à l’analogie effectuée par la chambre de recours de l’ECHA dans l’affaire Solutia, l’acte attaqué se présenterait comme un acte purement confirmatif de la décision du 6 novembre 2012. En effet, le 6 novembre 2013, la requérante aurait présenté une adaptation sur le fondement de l’annexe XI du règlement no 1907/2006 qui se serait appuyée sur des informations qui n’étaient ni nouvelles ni substantielles.

46      S’agissant de l’affaire Solutia, tant la République fédérale d’Allemagne que la République française considèrent que la chambre de recours de l’ECHA a commis une erreur en faisant application, à l’égard des « déclarations de non-conformité », de la jurisprudence du Tribunal relative aux actes confirmatifs.

47      Plus précisément, selon la République fédérale d’Allemagne, la soumission, par un déclarant, d’informations à la suite d’une décision telle que celle du 6 novembre 2012 ne concerne que l’exécution de la demande imposant la communication d’informations complémentaires contenues dans une telle décision, qui ne peut s’analyser comme une demande visant à la remettre en cause. Selon la République française, il ne peut être considéré qu’une « déclaration de non-conformité » confirme une demande d’informations complémentaires adressée par l’ECHA en ce sens qu’elle consisterait à demander à nouveau ces informations complémentaires. En effet, une « déclaration de non-conformité » serait adressée à l’autorité nationale compétente dans le seul but d’informer cette autorité que la demande d’informations complémentaires n’a pas été satisfaite par le déclarant, afin qu’elle en tire les conséquences qu’elle estime devoir tirer, le cas échéant en exerçant ses pouvoirs de sanction.

48      La requérante conteste les arguments de l’ECHA, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française.

49      À titre liminaire, s’agissant de la question de savoir si l’acte attaqué constitue un acte attaquable, il convient de rappeler que sont considérées comme des actes susceptibles de recours au sens de l’article 263 TFUE toutes les dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire, par elles-mêmes, des effets de droit obligatoires (arrêts du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, EU:C:1971:32, point 42 ; du 2 mars 1994, Parlement/Conseil, C‑316/91, EU:C:1994:76, point 8, et du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 36).

50      En revanche, échappe au contrôle juridictionnel prévu à l’article 263 TFUE tout acte ne produisant pas d’effets juridiques obligatoires autonomes et immédiats, tel que les actes préparatoires, les actes confirmatifs et les actes de pure exécution, les simples recommandations et avis, ainsi que, en principe, les instructions internes [ordonnance du 14 mai 2012, Sepracor Pharmaceuticals (Ireland)/Commission, C‑477/11 P, non publiée, EU:C:2012:292, point 52 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2006, Reynolds Tobacco e.a./Commission, C‑131/03 P, EU:C:2006:541, point 55 et jurisprudence citée].

51      L’aptitude d’un acte à produire des effets de droit et, partant, à faire l’objet d’un recours en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE doit être appréciée en fonction de critères objectifs, tels que le contenu de cet acte, en tenant compte, le cas échéant, du contexte de l’adoption de ce dernier ainsi que des pouvoirs de l’institution auteur (voir arrêt du 13 février 2014, Hongrie/Commission, C‑31/13 P, EU:C:2014:70, point 55 et jurisprudence citée). L’appréciation du contenu de l’acte attaqué consiste à en examiner la substance (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9), tout en tenant compte de son libellé (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1997, France/Commission, C‑57/95, EU:C:1997:164, points 9 à 23). Il est possible de tenir compte également de critères subjectifs, tels que l’intention de l’auteur de l’acte en question (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 42, et du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52).

52      C’est à l’aune de ces principes qu’il convient de déterminer si l’acte attaqué est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

53      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, tout fabricant ou importateur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un mélange, en quantités d’une tonne ou plus par an est tenu, sauf disposition contraire, de soumettre une demande d’enregistrement à l’ECHA. Selon l’article 10 du même règlement, chaque enregistrement comprend un dossier technique et un rapport sur la sécurité chimique. Cette même disposition définit les catégories d’informations que doivent contenir le dossier technique et le rapport en question.

54      En outre, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, dans le cadre de l’évaluation des dossiers d’enregistrement, l’ECHA contrôle la conformité des enregistrements. Dans ce contexte, l’ECHA peut examiner tout enregistrement pour contrôler si les conditions relatives, notamment, aux informations contenues dans les dossiers techniques, aux adaptations des exigences en matière d’informations standard et à l’évaluation de la sécurité chimique sont conformes aux règles s’y rapportant. À cette fin, l’ECHA est tenue, en vertu de l’article 41, paragraphe 5, du règlement no 1907/2006, de sélectionner un pourcentage minimal de dossiers pour contrôle, en donnant la priorité aux dossiers présentant les caractéristiques décrites dans cette disposition.

55      Ainsi, selon l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, l’ECHA peut rédiger un projet de décision invitant le ou les déclarants à communiquer toute information nécessaire pour mettre l’enregistrement en conformité avec les exigences pertinentes en matière d’information. Selon cette même disposition, la décision finale en la matière, qui doit également préciser les délais de production des informations considérées comme nécessaires, est arrêtée conformément à la procédure prévue aux articles 50 et 51 du règlement no 1907/2006.

56      L’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006 prévoit que le déclarant communique à l’ECHA les informations exigées dans le délai fixé.

57      S’agissant de la suite de la procédure, l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 prévoit que l’ECHA examine toute information communiquée à la suite d’une décision arrêtée en vertu de l’article 41 du même règlement et qu’elle prépare, le cas échéant, toute décision appropriée conformément à cette dernière disposition.

58      Dès que l’évaluation du dossier est menée à bien, l’ECHA notifie à la Commission européenne et aux autorités compétentes des États membres les informations obtenues et toute conclusion tirée. Ces données sont utilisées aux fins de l’évaluation des substances, de l’identification des substances à inclure dans l’annexe XIV du règlement no 1907/2006 et de l’éventuelle procédure de restriction à l’égard d’une substance (article 42, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006).

59      En outre, l’article 126 du règlement no 1907/2006 impose aux États membres de déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions dudit règlement et de prendre toute mesure nécessaire pour assurer leur mise en œuvre.

60      Il ressort de ces dispositions, premièrement, que l’ECHA est seule compétente pour entamer le contrôle de conformité d’un dossier d’enregistrement. Ce contrôle est susceptible d’entraîner l’adoption de plusieurs décisions. En effet, si l’ECHA estime que le dossier sous contrôle n’est pas en conformité avec les exigences en matière d’information s’y rapportant, il lui incombe d’entamer la procédure prévue à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006. À cet égard, le renvoi qu’opère cette disposition à l’article 51 du règlement no 1907/2001, quant à la procédure d’adoption de la décision formalisant l’obligation de mettre le dossier d’enregistrement en conformité, implique que cette décision soit prise par l’ECHA si les États membres parviennent à un accord unanime sur le projet et par la Commission si les États membres ne parviennent pas à un tel accord (article 51, paragraphes 6 et 7, du règlement no 1907/2006). Quel que soit l’auteur de cette décision, il incombe, en l’état actuel du règlement no 1907/2006, à nouveau à l’ECHA, dans le cadre de la compétence que lui attribue expressément l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement, d’examiner toute information communiquée en exécution de celle-ci et de préparer, le cas échéant, toute nouvelle décision appropriée.

61      Il ressort de ces dispositions, deuxièmement et par conséquent, que, contrairement à ce que font valoir l’ECHA et les intervenants, l’article 126 du règlement no 1907/2006 (voir point 59 ci-dessus) ne peut être interprété comme impliquant qu’il revient aux États membres d’apprécier si le déclarant s’est conformé aux obligations imposées en vertu d’une première décision l’obligeant à mettre en conformité le dossier d’enregistrement. En effet, une telle interprétation remettrait en cause l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 qui prévoit qu’il incombe à l’ECHA d’examiner toute information communiquée à la suite d’une décision arrêtée en application de l’article 41 du même règlement. Cette dernière disposition reflète la réalité selon laquelle le contrôle de la conformité des enregistrements dans le cadre de l’évaluation des dossiers constitue une procédure unique, qui peut comprendre l’adoption d’une décision obligeant le déclarant à mettre ledit dossier en conformité. L’article 126 du règlement no 1907/2006, lu conjointement avec l’article 42, paragraphe 1, du même règlement, implique, dans un tel contexte, qu’il incombe aux États membres d’imposer les sanctions appropriées aux déclarants au regard desquels il a été constaté, en conformité avec cette dernière disposition, qu’ils se trouvent en état d’infraction à leurs obligations. Il convient d’ajouter à cet égard que, même si, comme le font valoir l’ECHA et les intervenants, un déclarant peut toujours mettre son dossier en conformité postérieurement à l’adoption d’une décision en constatant l’absence de conformité en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, le rôle des États membres, dans le cadre de l’article 126 du même règlement, consiste à apprécier s’il y a lieu, compte tenu des circonstances de chaque espèce, d’imposer des sanctions, effectives, proportionnées et dissuasives, pour la période pendant laquelle le déclarant en question était en infraction de ses obligations en vertu de l’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006.

62      Eu égard au fait que le contrôle effectué par l’ECHA, à la suite d’une première décision enjoignant au déclarant de mettre le dossier d’enregistrement en conformité, n’est que la continuation d’une seule et même procédure, force est de constater que, si ledit déclarant omet totalement de fournir l’information demandée, aucune nouvelle appréciation de la conformité du dossier, et donc aucune nouvelle décision au sens de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, n’est requise. En revanche, lorsque, en réponse à la décision enjoignant la mise en conformité du dossier d’enregistrement, le déclarant fait usage de la possibilité prévue à l’annexe XI du règlement no 1907/2006 d’adapter le régime d’essais standard et que les soumissions s’y rapportant ne sont pas manifestement dépourvues de sérieux au regard des exigences de cette annexe et ne révèlent donc pas d’abus de procédure, il y a lieu de constater que, comme le prévoit ladite annexe XI, l’ECHA évalue ces adaptations. Il ressort par ailleurs de ce qui précède que l’évaluation en question est à effectuer dans le cadre de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, qui renvoie à l’article 41 du même règlement quant aux modalités de décision.

63      À cet égard, il importe d’ajouter que l’ECHA évalue la conformité des adaptations en cause avec les conditions prévues à l’annexe XI du règlement no 1907/2006 indépendamment de la question de savoir si les adaptations en question reposent sur des faits nouveaux et substantiels inconnus au moment où une première décision de mise en conformité du dossier est prise conformément à l’article 41, paragraphe 3, de ce règlement. En effet, il ressort de l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1907/2006 que l’objectif de réduire les essais sur les animaux vertébrés et le nombre d’animaux utilisés lors de ces essais justifie le recours à des méthodes alternatives à celles prévues, à titre d’informations standard, aux annexes VII à X du règlement no 1907/2006, à condition que les exigences énoncées à l’annexe XI de celui-ci soient respectées et que les adaptations proposées poursuivent effectivement l’objectif de réduction de ce type d’essais. Il convient de relever, à cet égard, que l’annexe XI du règlement no 1907/2006 n’opère pas de distinction selon que l’adaptation proposée en exécution d’une première décision de mise en conformité du dossier se fonde sur des éléments qui étaient ou pouvaient être connus ou non du déclarant au moment où cette décision a été adoptée. Dans ce cadre, l’absence de toute référence dans le règlement no 1907/2006 au caractère nouveau des éléments scientifiques sous-tendant les adaptations proposées en réponse à une première décision de mise en conformité du dossier afin que l’ECHA soit tenue de les examiner implique que, en l’état actuel du droit, l’ECHA se doit de procéder à leur évaluation, requise par l’article 42, paragraphe 1, dudit règlement, indépendamment de leur caractère nouveau ou non.

64      En l’espèce, premièrement, l’ECHA expose dans l’acte attaqué qu’elle a analysé les informations soumises dans le dossier mis à jour après l’adoption de la décision du 6 novembre 2012. Deuxièmement, à la suite de cette analyse, elle constate que le dossier ne contient pas toutes les informations requises. Les motifs sous-tendant cette appréciation sont exposés dans l’annexe de la lettre du 1er avril 2015. Troisièmement, pour ces motifs, l’ECHA « déclare » que la requérante n’a pas satisfait à ses obligations découlant de la décision du 6 novembre 2012, que le dossier d’enregistrement n’est pas en conformité avec l’article 5 du règlement no 1907/2006 et, enfin, que la requérante a enfreint l’article 41, paragraphe 4, de ce règlement. Après avoir constaté la violation de la décision du 6 novembre 2012 et du règlement no 1907/2006, l’ECHA a invité la République française à exercer sa compétence d’exécution en vertu de l’article 126 du règlement no 1907/2006 (voir point 19 ci-dessus).

65      S’agissant des motifs sous-tendant les appréciations et les conclusions de l’ECHA présentées au point 64 ci-dessus, il ressort de l’acte attaqué, en particulier de l’annexe de la lettre du 1er avril 2015, que les informations soumises à la suite de la décision du 6 novembre 2012 ont été considérées comme conformes s’agissant de huit éléments. En revanche, les informations soumises en réponse à la demande d’effectuer une étude de la toxicité sur le développement prénatal des lapins, voie orale, et un essai de toxicité à long terme pour les organismes vivant dans des sédiments (voir point 12 ci-dessus), ont été considérées comme non conformes par l’ECHA.

66      En particulier, s’agissant de l’adaptation proposée par la requérante au sujet de l’étude de toxicité sur le développement prénatal des lapins, voie orale, l’ECHA a conclu que les éléments de preuve, les références croisées et les éléments relatifs à l’exposition invoqués ne satisfaisaient pas aux conditions des points 1.2, 1.5 et 3.2 de l’annexe XI du règlement no 1907/2006. De manière similaire, l’ECHA a conclu que les éléments de preuve sous-tendant l’adaptation proposée au sujet de l’essai de toxicité à long terme pour les organismes vivant dans des sédiments ne visaient pas, en réalité, les informations demandées en vertu de la décision du 6 novembre 2012.

67      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les effets de l’acte attaqué vont au-delà d’une simple communication d’informations au ministère de l’Écologie français. L’acte attaqué constitue plus qu’un simple avis technique ou un simple compte rendu factuel circonstancié des raisons pour lesquelles le déclarant n’a pas satisfait à ses obligations au titre du règlement no 1907/2006.

68      En effet, l’acte attaqué, en particulier le troisième alinéa de la lettre du 1er avril 2015 et l’annexe de celle-ci, s’analyse comme une évaluation définitive de la documentation soumise par la requérante sur le fondement de l’article 13 et de l’annexe XI du règlement no 1907/2006.

69      Ainsi, l’ECHA a exposé, en des termes impératifs et définitifs, les raisons pour lesquelles elle estimait que ces informations ne suffisaient pas pour répondre aux exigences découlant de la décision du 6 novembre 2012. Il est clair, à la lecture du quatrième alinéa de la lettre du 1er avril 2015, que l’ECHA a constaté un cas de violation des obligations découlant de l’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. La signification objective du quatrième alinéa de la lettre du 1er avril 2015 n’est autre que celle d’un acte produisant des effets juridiques contraignants à l’égard de la situation juridique de la requérante.

70      Qui plus est, il ressort des sixième à huitième alinéas de la lettre du 1er avril 2015 que l’ECHA demande à l’autorité française compétente d’adopter les mesures nécessaires à l’imposition et à la mise en œuvre des sanctions en conformité avec l’article 126 du règlement no 1907/2006. Or, en s’exprimant sur les éventuelles conséquences juridiques des prétendues insuffisances de la « documentation alternative » du 6 novembre 2013, l’ECHA s’est référée à la situation juridique de la requérante. De plus, au vu des termes utilisés dans l’acte attaqué et compte tenu de la répartition des compétences en la matière, telle qu’elle est exposée aux points 54 à 61 ci-dessus, ce document est à considérer comme contenant des constatations et des conclusions desquelles l’autorité française compétente ne saurait se départir sauf dans le cas où il existerait une raison particulière fondée sur des éléments nouveaux, à savoir des éléments qui n’auraient pas été pris en considération par l’ECHA lors du suivi prévu à l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

71      En outre, il ne ressort ni du libellé ni de la nature des motifs relatifs aux adaptations considérées comme non conformes aux règles de l’annexe XI du règlement no 1907/2006 que l’ECHA a estimé que les arguments de la requérante étaient manifestement dépourvus de sérieux au regard des exigences de ladite annexe et qu’ils révélaient donc un abus de procédure.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, eu égard à son contenu, l’acte attaqué correspond à une décision que l’ECHA devait préparer en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, laquelle décision aurait dû être adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du même règlement. L’acte attaqué doit, ainsi, être considéré comme produisant des effets juridiques obligatoires, tant à l’égard de la requérante qu’à l’égard de la République française, et comme constituant, de ce fait, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

73      Les autres arguments de l’ECHA et des intervenants ne permettent pas de remettre en cause cette conclusion.

74      En premier lieu, s’agissant de l’argument de l’ECHA selon lequel elle n’a pas eu l’intention d’adopter une disposition produisant des effets juridiques obligatoires (voir point 41 ci-dessus), il convient de relever qu’il est vrai qu’une telle intention ne ressort pas de l’acte attaqué. De plus, le document intitulé « Suivi des décisions d’évaluation des dossiers » (Follow up to dossier evaluation decisions) que l’ECHA a publié sur son site Internet en octobre 2013 ne contient pas non plus d’éléments au soutien de la thèse selon laquelle un acte tel que l’acte attaqué, à savoir une « déclaration de non-conformité », pourrait avoir un caractère contraignant.

75      Toutefois, il ne saurait être déduit de ces simples constatations que l’acte attaqué ne produit pas d’effets juridiques obligatoires. En effet, le critère lié à l’intention de l’autorité dont l’acte attaqué émane n’est qu’un critère d’importance subsidiaire qui ne l’emporte pas sur l’examen des critères objectifs mentionnés au point 51 ci-dessus, en particulier la substance de l’acte attaqué.

76      En deuxième lieu, l’argument de l’ECHA tenant au fait que, d’une part, l’acte attaqué aurait été rédigé dans le contexte d’un système de coopération informelle avec les États membres visant la mise en œuvre des décisions concernant un contrôle de conformité et que, d’autre part, en substance, l’acte attaqué tiendrait compte du fait que, au stade de la mise en œuvre d’une décision telle que celle du 6 novembre 2012, les autorités de contrôle nationales seraient libres de décider du sort réservé aux informations soumises par un déclarant en réponse à une décision sur un contrôle de conformité, ne saurait convaincre.

77      En effet, le caractère informel du mécanisme de coopération entre l’ECHA et les autorités nationales de contrôle, tel qu’il est mentionné au point 42 ci-dessus, ne remet pas en cause la répartition des compétences établie par le règlement no 1907/2006, telle qu’elle est exposée aux points 54 à 61 ci-dessus.

78      En revanche, le fait d’interpréter le système établi par le règlement no 1907/2006 comme laissant aux seules autorités nationales le soin d’apprécier si un déclarant a satisfait aux obligations qui lui avaient été imposées en vertu d’une décision de l’ECHA adoptée sur le fondement de l’article 41 de ce règlement reviendrait à mettre en échec une partie substantielle de l’architecture expressément voulue par le législateur de l’Union.

79      Par conséquent, les compétences des autorités nationales, prévues à l’article 126 du règlement no 1907/2006, concernent, dans un contexte tel que celui de l’espèce, les étapes suivant la constatation, par l’ECHA, d’un cas de non-respect des obligations résultant de l’article 41, paragraphe 4, dudit règlement.

80      En troisième lieu, l’argument de l’ECHA selon lequel, en motivant l’acte attaqué, elle n’avait pas l’intention d’exprimer une position finale sur la « documentation alternative » fournie par la requérante (voir point 42 ci-dessus) doit être rejeté pour les motifs exposés aux points 53 à 72 ci-dessus.

81      En quatrième lieu, l’argument de l’ECHA selon lequel l’acte attaqué serait un « acte confirmatif » ne saurait non plus prospérer.

82      En effet, il ressort de l’acte attaqué, en particulier des pages 3 à 6 et 10 à 12 de la lettre du 1er avril 2015, que l’ECHA a examiné sur le fond les éléments et les arguments que la requérante a avancés en réponse à la décision du 6 novembre 2012 et qu’elle y a formulé ses appréciations et ses conclusions. Une comparaison avec les motifs exposés aux pages 6 et 10 de la décision du 6 novembre 2012 fait apparaître que les motifs figurant dans l’acte attaqué ne constituent pas une répétition des appréciations sous-tendant cette dernière décision, mais fournissent une nouvelle motivation élaborée se rapportant au fond des éléments et des arguments invoqués par la requérante en réponse à la décision du 6 novembre 2012. Cette circonstance exclut la possibilité de qualifier l’acte attaqué d’acte confirmatif de la décision du 6 novembre 2012.

83      Dans ces conditions, les autres arguments de la République fédérale d’Allemagne et de la République française quant à l’application, par la chambre de recours, de la jurisprudence relative aux actes confirmatifs dans l’affaire Solutia (voir points 46 et 47 ci-dessus) doivent également être écartés.

 Sur la qualité pour agir de la requérante

84      Tant de l’avis de la République fédérale d’Allemagne que de celui de la République française, la requérante ne dispose pas de la qualité pour agir contre l’acte attaqué, car elle ne serait pas directement concernée par l’acte attaqué au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Plus précisément, selon la République fédérale d’Allemagne, l’autorité de contrôle française compétente dispose d’une marge d’appréciation concernant la question de savoir si et de quelle manière une décision adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 doit être exécutée. En outre, les mesures d’exécution reposeraient exclusivement sur des dispositions de droit national, de sorte que l’exécution ne découlerait pas des dispositions de l’Union. Selon la République française, la « déclaration de non-conformité » en cause laisse un large pouvoir d’appréciation à l’autorité nationale compétente. Il ressortirait des termes mêmes de la lettre du 1er avril 2015 que ses griefs peuvent faire l’objet de mesures coercitives et que l’autorité nationale reste seule compétente en la matière. En outre, l’article 126 du règlement no 1907/2006 laisserait lui-même une très large marge d’appréciation aux États membres pour déterminer le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions du règlement et pour prendre toutes les mesures nécessaires pour en assurer la mise en œuvre.

85      La requérante conteste les arguments de la République fédérale d’Allemagne et de la République française.

86      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

87      En l’espèce, il convient de constater que l’acte attaqué a pour unique destinataire le ministère de l’Écologie français, tandis que la requérante n’en a reçu qu’une copie.

88      À cet égard et pour répondre à l’argument de la requérante selon lequel elle serait destinataire de l’acte attaqué, il convient de souligner que la notion de destinataire de l’acte doit s’entendre au sens formel, comme visant la personne désignée dans cet acte comme son destinataire (arrêt du 21 janvier 2016, SACBO/Commission et INEA, C‑281/14 P, non publié, EU:C:2016:46, point 34).

89      Le fait que l’ECHA ait transmis une copie de l’acte attaqué à la requérante ne permet pas de remettre en cause cette conclusion. En effet, le fait qu’une personne autre que le destinataire formel d’un acte puisse être visée par son contenu peut, certes, investir cette personne de la qualité pour agir si elle démontre notamment que, eu égard à ce contenu, cet acte la concerne directement, mais non en tant que destinataire de l’acte (arrêt du 21 janvier 2016, SACBO/Commission et INEA, C‑281/14 P, non publié, EU:C:2016:46, point 34).

90      Dans ces conditions, les premier et deuxième chefs de conclusions ne sont recevables, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si la requérante est directement et individuellement concernée par l’acte attaqué ou si la requérante est directement concernée par celui-ci et si ce dernier constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

91      S’agissant de l’affectation directe de la requérante, il convient de rappeler que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (ordonnance du 6 mars 2014, Northern Ireland Department of Agriculture and Rural Development/Commission, C‑248/12 P, non publiée, EU:C:2014:137, point 21).

92      En l’espèce, ainsi qu’il résulte des considérations exposées aux points 62 à 73 ci-dessus, l’acte attaqué affecte la situation juridique de la requérante en ce qu’il expose l’appréciation de l’ECHA au sujet de la conformité du dossier d’enregistrement compte tenu des informations soumises par la requérante en réponse à une première décision, prise conformément à l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006, à savoir la décision du 6 novembre 2012.

93      Ainsi, contrairement à ce que la République française et la République fédérale d’Allemagne font valoir, la marge d’appréciation dont jouissent les États membres dans le cadre de l’application de l’article 126 du règlement no 1907/2006 concerne la nature et le quantum des éventuelles sanctions à imposer en raison de l’absence de conformité du dossier d’enregistrement et, par conséquent, de l’infraction aux obligations découlant de la décision du 6 novembre 2012 et de l’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006. Cette marge d’appréciation ne concerne donc pas la constatation de l’absence de conformité en elle-même.

94      Dans ce contexte, ainsi qu’il a été relevé au point 61 ci-dessus, la mise en conformité du dossier d’enregistrement postérieurement à l’adoption d’une décision en constatant l’absence de conformité en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 ne remet pas en cause la circonstance selon laquelle ledit dossier n’était pas en conformité pendant cette période, si bien que l’État membre concerné peut exercer ses compétences en vertu de l’article 126 du règlement no 1907/2006 à l’égard de cette période.

95      Quant à la question de savoir si la requérante est également individuellement affectée par l’acte attaqué, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les sujets autres que les destinataires ne sauraient prétendre être individuellement concernés par un acte que si celui-ci les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

96      Dans la mesure où l’acte attaqué s’analyse comme l’appréciation de l’ECHA relative aux éléments déposés par la requérante le 6 novembre 2013 pour mettre à jour le dossier d’enregistrement concernant la substance enregistrée à la suite de la décision du 3 novembre 2012, adressée à la requérante, il concerne cette dernière individuellement. Le fait que la requérante a reçu une copie de l’acte attaqué confirme cette conclusion.

97      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que l’acte attaqué affecte la requérante directement et individuellement, de sorte que celle-ci a la qualité pour agir contre l’acte attaqué.

98      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les premier et deuxième chefs de conclusions sont recevables.

 Sur le fond

99      L’argumentation de la requérante s’articule en huit moyens.

100    Par son premier moyen, la requérante fait valoir que l’acte attaqué a été adopté ultra vires, car l’ECHA ne disposerait d’aucune base juridique pour établir, compiler, adopter ou envoyer des « déclarations de non-conformité » telles que l’acte attaqué. De surcroît, si l’acte attaqué devait avoir une base juridique, telle que l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, il aurait été rédigé en violation des exigences procédurales des articles 41 et 51 du règlement no 1907/2006. Les deuxième et troisième moyens du recours sont tirés, respectivement, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Par ses quatrième à huitième moyens, la requérante invoque une violation du droit d’être entendu et des droits de la défense, du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation, du droit à un procès équitable, ainsi qu’une violation des dispositions concernant la légalité de la demande de fourniture d’une étude de toxicité de la substance enregistrée sur le développement prénatal.

101    Il convient d’examiner d’abord le premier moyen, lequel s’articule en deux branches.

102    Par la première branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que l’acte attaqué a été adopté ultra vires, puisque l’ECHA ne disposerait d’aucune base juridique pour établir, compiler, adopter ou envoyer des « déclarations de non-conformité ». En particulier, l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 n’autoriserait pas l’émission d’un document portant « déclaration de non-conformité » sous couvert d’une décision formelle visant à obliger l’autorité française compétente à agir. De plus, l’acte attaqué ne constituerait pas une décision appropriée au regard de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006.

103    Par la seconde branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que, s’il devait exister une base juridique pour l’acte attaqué, la délivrance d’un tel acte par l’ECHA ne pourrait se faire tout au plus qu’en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006. Selon la requérante, si l’ECHA avait voulu se prévaloir de cette disposition en tant qu’« autorité juridique » ou base juridique de l’acte attaqué, il devrait être relevé que l’évaluation de la validité des justifications fournies en réponse à une décision ordonnant une étude ne devrait avoir lieu que dans le cadre d’un nouveau processus de contrôle de conformité selon la procédure prévue à l’article 41 du règlement no 1907/2006. L’acte attaqué aurait donc été rédigé en violation des exigences procédurales prévues aux articles 41 et 51 du règlement no 1907/2006.

104    L’ECHA et la République fédérale d’Allemagne contestent les arguments de la requérante.

105    Premièrement, l’ECHA est d’avis qu’elle ne devrait pas être contrainte de recommencer la même procédure de prise de décision prévue aux articles 41 et 51 du règlement no 1907/2006 pour des adaptations qui seraient non seulement invalides, mais aussi fondées sur des informations qui étaient déjà disponibles avant le processus de contrôle de conformité initial. Dans le cas contraire, cela signifierait que les déclarants pourraient soumettre en permanence des éléments en vue d’adapter les informations requises dans une décision sur un contrôle de conformité. Le déclarant pourrait indûment reporter la soumission d’informations qu’il aurait normalement dû déjà avoir fournies lors de l’enregistrement initial, car, tant que le déclarant fournirait une adaptation, la mise en œuvre ne pourrait se faire. Dans de telles circonstances, l’ECHA serait contrainte de renoncer à demander aux États membres d’exécuter une décision sur un contrôle de conformité et de recommencer à chaque fois la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 du règlement no 1907/2006. Ainsi, ce serait la « porte ouverte » à des moyens dilatoires pour les déclarants jusqu’à créer, comme le craint l’ECHA, une « boucle infinie de nouvelles décisions » ou une « spirale sans fin d’évaluations d’adaptations » au stade du suivi visé à l’article 42 du règlement no 1907/2006. Pour sa part, l’autorité de contrôle nationale ne serait pas en mesure de mettre en œuvre une décision relative à un contrôle de conformité, car chaque procédure engagée à cet égard serait susceptible d’être suspendue jusqu’à ce que l’ECHA prenne une décision concernant les nouvelles informations ou adaptations soumises par le déclarant. Ainsi, la procédure d’évaluation resterait toujours suspendue, le stade de la clôture de la procédure d’évaluation visée à l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006 ne serait jamais atteint.

106    Deuxièmement, l’ECHA rappelle que, en appliquant par analogie l’approche adoptée par la jurisprudence du juge de l’Union concernant les décisions confirmatives, une de ses chambres de recours a décidé dans l’affaire Solutia que, en présence d’informations nouvelles soumises par un déclarant et compte tenu de leur évaluation scientifique, il convenait de donner à un acte tel que l’acte attaqué la valeur d’une décision adoptée sur le fondement de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 qui ne confirme pas la décision relative au contrôle de conformité initial. Une décision devrait être adoptée conformément à la procédure prévue aux articles 41, 50 et 51 du règlement no 1907/2006 et pourrait faire l’objet d’un recours devant la chambre de recours, conformément à l’article 91 du règlement no 1907/2006. En l’espèce, étant donné que la requérante a soumis, en réponse à une décision de l’ECHA, une documentation différente des études demandées, il conviendrait de déterminer si la « documentation alternative » en question repose sur des éléments « substantiels nouveaux ». Or, selon l’ECHA, la « documentation alternative » proposée par la requérante le 6 novembre 2013 contenait des informations qui n’étaient ni nouvelles ni substantielles. Dans ces conditions, étant donné que la mise à jour du 6 novembre 2013 ne contenait pas de nouvelles informations substantielles, l’acte attaqué serait un acte confirmatif.

107    À titre liminaire, il convient de renvoyer aux considérations exposées aux points 54 à 62 ci-dessus concernant la répartition des compétences en matière d’évaluation des dossiers d’enregistrement telle qu’elle est établie par le règlement no 1907/2006.

108    Il ressort de la répartition des compétences en matière d’évaluation des dossiers que l’ECHA assure cette évaluation selon les modalités prévues aux articles 41 et 42 du règlement no 1907/2006. Ces modalités sont à respecter par l’ECHA dans l’exercice de ses compétences sans qu’elle puisse s’affranchir de ce cadre juridique en recourant à un instrument autre que la décision prévue par les articles 41 et 42 du règlement no 1907/2006. À cet égard, il a été jugé au point 72 ci-dessus que, eu égard à son contenu, l’acte attaqué équivalait à une décision que l’ECHA aurait dû préparer en vertu de l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006, laquelle aurait finalement dû être adoptée conformément à l’article 41, paragraphe 3, du même règlement.

109    Au demeurant, compte tenu du fait, premièrement, que l’article 41, paragraphe 3, du règlement no 1907/2006 prévoit l’adoption d’une décision selon la procédure décrite à l’article 51 du règlement no 1907/2006 et, deuxièmement, que cette procédure n’a pas été suivie en l’espèce, force est de constater que l’ECHA a exercé ses compétences sans respecter les modalités s’y rapportant.

110    Aucun des arguments soulevés par l’ECHA ou les intervenants ne saurait remettre en cause cette conclusion.

111    Premièrement, l’argument de l’ECHA tiré de la nécessité d’éviter un système dans lequel chaque « documentation alternative » devrait être traitée en suivant la « procédure onéreuse » prévue aux articles 41, 50 et 51 du règlement no 1907/2006, puisqu’un tel système pourrait conduire à un processus sans fin de nouvelles décisions qui paralyserait l’application des décisions de l’ECHA, ne saurait prospérer.

112    À cet égard, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 62 ci-dessus, une proposition d’adaptation fondée sur l’annexe XI du règlement no 1907/2006 au soutien de laquelle sont invoqués des éléments manifestement dépourvus de sérieux au regard des exigences de cette annexe et révélant ainsi une tentative d’abus de procédure équivaut à une absence totale de réponse à la première décision enjoignant au déclarant de mettre son dossier d’enregistrement en conformité. Dès lors que l’article 42, paragraphe 1, du règlement no 1907/2006 ne prévoit pas que l’ECHA prépare, dans le cadre du suivi de l’évaluation des dossiers d’enregistrement, une décision dans tous les cas, mais « le cas échéant », force est de constater que, dans un tel cas de figure, l’ECHA est en position de constater l’absence de conformité du dossier moyennant une simple information à l’État membre concerné et à l’intéressé.

113    Or, ainsi qu’il a été relevé au point 71 ci-dessus, il ne ressort ni du libellé ni de la nature des motifs relatifs aux adaptations considérées comme non conformes aux règles de l’annexe XI du règlement no 1907/2006 que l’ECHA a estimé que les arguments de la requérante étaient manifestement dépourvus de sérieux et qu’ils révélaient donc un abus de procédure.

114    D’autre part, il y a lieu de constater que, comme il ressort de l’article 41, paragraphe 4, du règlement no 1907/2006, en cas d’adoption d’une décision, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, de ce règlement, constatant l’absence de conformité d’un dossier d’enregistrement, cette absence de conformité se rapporte, à tout le moins, à la fin du délai accordé en vertu de la première décision de mise en conformité, adoptée sur le fondement de l’article 41, paragraphe 3, du même règlement. Par conséquent, ainsi qu’il a été relevé au point 61 ci-dessus, dans une telle hypothèse, il incomberait à l’État membre concerné d’exercer le pouvoir qui lui est réservé en vertu de l’article 126 du règlement no 1907/2006 pour la période pendant laquelle le dossier d’enregistrement ne serait pas en conformité.

115    Enfin, l’argument de l’ECHA tiré de l’incidence de l’analogie avec la jurisprudence relative aux actes confirmatifs et du fait que les informations fournies par la requérante le 6 novembre 2013 n’étaient ni nouvelles ni substantielles est à écarter pour les motifs exposés au point 84 ci-dessus.

116    En outre, dans l’acte attaqué, l’ECHA s’est bornée à vérifier les informations soumises par la requérante le 6 novembre 2013, sans indiquer s’il s’agissait ou non d’informations nouvelles et substantielles. L’ECHA ne saurait utilement invoquer, dans le cadre de ce litige, des arguments sur lesquels elle n’a pas fondé l’évaluation qui a précédé l’envoi de l’acte attaqué.

117    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que le premier moyen est fondé et que, partant, le recours doit être accueilli, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la requérante.

 Sur les dépens

118    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, la requérante ayant succombé sur ses troisième et cinquième chefs de conclusions, il y a lieu de décider que la requérante et l’ECHA supporteront chacune leurs propres dépens.

119    Aux termes de l’article 138, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, les États membres et les États parties à l’accord sur l’Espace économique européen (EEE), autres que les États membres, qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il convient de faire application de ces dispositions à la République fédérale d’Allemagne, à la République française et au Royaume des Pays-Bas.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La lettre de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) du 1er avril 2015, adressée au ministère de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement français et intitulée « Déclaration de non-conformité faisant suite à une décision d’évaluation des dossiers au titre du règlement (CE) no 1907/2006 », y compris son annexe, est annulée.

2)      Esso Raffinage et l’ECHA supporteront chacune leurs propres dépens.

3)      La République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume des Pays-Bas supporteront chacun leurs propres dépens.

Gratsias

Dittrich

Xuereb

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 mai 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.