Language of document : ECLI:EU:T:2023:210

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

26 avril 2023 (*) (1)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Dialogue compétitif – Fourniture de satellites de transition Galileo – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Critères d’exclusion – Faute professionnelle grave d’un soumissionnaire – Absence de jugement définitif ou de décision administrative définitive – Saisine de l’instance visée à l’article 143 du règlement financier – Égalité de traitement – Offre anormalement basse – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑54/21,

OHB System AG, établie à Brême (Allemagne), représentée par Mes W. Würfel et F. Hausmann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Wilms, Mme L. André, MM. J. Estrada de Solà et L. Mantl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. P. Gentili et G. Santini, avvocati dello stato, 

et par

Airbus Defence and Space GmbH, établie à Taufkirchen (Allemagne), représentée par Mes P.‑E. Partsch, F. Dewald et C.-E. Seestädt, avocats,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu l’ordonnance du 26 mai 2021, OHB System/Commission (T‑54/21 R, non publiée, EU:T:2021:292),

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        l’ordonnance du 30 juin 2021, OHB System/Commission (T‑54/21, non publiée),

–        l’ordonnance du 2 décembre 2021, OHB System/Commission (T‑54/21, non publiée, EU:T:2021:878),

–        les mesures d’organisation de la procédure du 17 octobre 2022 et la réponse de la Commission déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2022,

à la suite de l’audience du 17 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, OHB System AG, demande l’annulation des décisions de la Commission européenne, communiquées à la requérante par lettre du 19 et par télécopie du 22 janvier 2021, de ne pas retenir son offre, soumise dans le cadre de l’appel d’offres sous la forme de dialogue compétitif 2018/S 091-206089 relatif à la fourniture de satellites de transition Galileo, ainsi que d’attribuer le marché à deux autres soumissionnaires (ci-après les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit allemand qui a pour objet le développement et la mise en œuvre de systèmes et de projets spatiaux innovants ainsi que la commercialisation de produits aéronautiques, spatiaux et télématiques spécifiques, y compris les satellites géostationnaires et de basse altitude.

3        Aux termes du considérant 2 et de l’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 1285/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, relatif à la mise en place et à l’exploitation des systèmes européens de radionavigation par satellite et abrogeant le règlement (CE) no 876/2002 du Conseil et le règlement (CE) no 683/2008 du Parlement européen et du Conseil (JO 2013, L 347, p. 1), le programme Galileo vise à mettre en place et à exploiter un système européen de radionavigation et de positionnement par satellite, spécifiquement conçu à des fins civiles, comprenant une constellation de satellites et un réseau mondial de stations au sol.

4        Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1285/2013, la Commission assume la responsabilité générale du programme Galileo et, conformément à l’article 15, paragraphe 1, du même règlement, pour la phase de déploiement de ce programme, elle doit conclure une convention de délégation avec l’Agence spatiale européenne (ESA), qui précise les tâches de cette dernière, notamment en ce qui concerne la passation des marchés se rapportant au système.

5        Dans le cadre de la convention de délégation conclue entre la Commission et l’ESA pour la phase de déploiement du programme Galileo, l’ESA est chargée d’organiser les procédures de passation de marchés publics relatives à ce programme et la Commission demeure le pouvoir adjudicateur.

6        Par avis de marché du 15 mai 2018, publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne du 15 mai 2018 (JO 2018/S 091-206089) et sur le site Internet « emits.esa.int », l’ESA, agissant au nom et pour le compte de la Commission, a lancé une procédure d’appel d’offres relative à la fourniture de satellites de transition Galileo, sous la forme d’un dialogue compétitif (ci-après le « dialogue compétitif litigieux »). La procédure a été lancée sous cette forme, dès lors que la Commission avait déjà identifié et défini ses besoins, mais n’avait pas encore défini les moyens précis les plus appropriés pour y répondre.

7        Le dialogue compétitif litigieux portait sur l’acquisition d’un nombre initial de quatre (pouvant aller jusqu’à douze) satellites de transition Galileo ayant des caractéristiques évoluées pour assurer le passage de la première génération à la seconde génération de satellites Galileo. Il a été décidé de recourir à de multiples sources d’approvisionnement, conformément à l’article 19, sous d), du règlement no 1285/2013, en vertu duquel deux attributaires pourraient être sélectionnés et deux contrats pourraient être signés pour la fourniture en parallèle d’un nombre prévisionnel de deux satellites pour chacun.

8        L’attribution du marché se fondait sur l’offre économiquement la plus avantageuse, en fonction de deux critères d’attribution, celui du prix, pondéré à 35 %, et celui de la qualité, pondéré globalement à 65 %. Le critère de la qualité se divisait en cinq sous-critères. Le premier sous-critère, pondéré à 10 %, était relatif au caractère approprié et à la pertinence des ressources humaines et techniques et des installations proposées par le soumissionnaire quant à la solution technique et programmatique décrite dans l’offre. Le deuxième sous-critère, pondéré à 25 %, était relatif à la compréhension des exigences et des objectifs, y compris dans le domaine de la sécurité, à la qualification et au degré de maturité de la conception du projet proposé, à l’adéquation, la qualité et la solidité de la conception du projet proposé et au respect des conditions techniques. Le troisième sous-critère, pondéré à 30 %, était relatif à la qualité et à l’adéquation du programme de travail, au respect du cahier des charges, à l’adéquation de la planification technique ainsi qu’à l’approche en matière de tests et d’essais, à l’examen des risques et aux propositions de réduction des risques, y compris la diversification technologique. Le quatrième sous-critère, pondéré à 25 %, était relatif au caractère approprié de la gestion, du calcul des coûts et de la planification de l’exécution des travaux. Le cinquième sous-critère, pondéré à 10 %, était relatif au respect des conditions de l’appel d’offres et du contrat.

9        Le dialogue compétitif litigieux s’est déroulé en trois phases. Les deux premières phases se sont déroulées conformément aux dispositions du règlement no 1285/2013 ainsi que du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), et du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1). La troisième phase s’est déroulée conformément aux dispositions du règlement no 1285/2013 ainsi que du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »).

10      La première phase du dialogue compétitif litigieux a débuté en mai 2018 avec la publication, par l’ESA, d’une « invitation à introduire une demande de participation ».

11      Au vu des demandes de participation reçues, l’ESA a sélectionné trois soumissionnaires, à savoir la requérante, Airbus Defence and Space GmbH (ci-après « ADS ») et Thales Alenia Space Italia (ci-après « TASI ») (ci-après, prises ensemble, les « soumissionnaires »).

12      La deuxième phase a débuté en juillet 2018 et visait l’identification et la définition des moyens propres à satisfaire au mieux les besoins du pouvoir adjudicateur. Dans un premier temps, l’ESA a invité les soumissionnaires à soumettre une « offre préliminaire » et leur a envoyé, notamment, les « conditions spéciales de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre une offre préliminaire ». Dans un second temps, après une période de dialogue, l’ESA a invité les soumissionnaires à soumettre une « offre révisée » et leur a envoyé, notamment, les « conditions de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre une offre révisée ». Le 26 septembre 2018, la requérante a déposé son offre préliminaire et, le 11 octobre 2019, elle a déposé son offre révisée.

13      La troisième phase a débuté en août 2020 et, à la suite d’une autre période de dialogue, l’ESA a invité les soumissionnaires à soumettre leur « offre finale » et leur a envoyé notamment les « conditions de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre l’offre finale ». Le 11 octobre 2020, la requérante a déposé son offre finale.

14      Entre octobre et décembre 2020, les offres finales des soumissionnaires ont été évaluées par un comité d’évaluation, composé de représentants de l’ESA, de l’Agence du système global de navigation par satellite (GNSS) européen (GSA) et de la Commission, lequel a présenté les résultats de l’évaluation dans un rapport d’évaluation (ci-après le « rapport d’évaluation »).

15      Par lettre du 23 décembre 2020, adressée à la Commission avec notamment l’ESA en copie (ci-après la « lettre du 23 décembre 2020 »), la requérante a demandé, en substance, à la Commission, tout d’abord, de suspendre le dialogue compétitif litigieux, au motif d’un « soupçon de violation du secret de ses affaires par un employé de ADS », ensuite, d’enquêter sur la question et, enfin, le cas échéant, d’exclure ADS du dialogue compétitif litigieux.

16      Dans cette lettre, la requérante informait la Commission, en substance, de ce qui suit : premièrement, M. [confidentiel] (2) (ci-après l’« ancien employé ») avait travaillé pour la requérante du 22 décembre 2016 jusqu’à la fin du mois de novembre 2019 et, en tant que directeur général administratif, avait eu un accès étendu aux données du projet et avait participé à la préparation de l’offre soumise par la requérante dans le cadre du dialogue compétitif litigieux. En particulier, il avait été impliqué dans la « stratégie » de la partie technique de son offre ainsi que dans la « stratégie » concernant le prix et le calcul du prix. Deuxièmement, le 11 novembre 2019, à la suite d’une demande de l’ancien employé en ce sens, celui-ci et la requérante avaient signé la résiliation anticipée de son contrat de travail. Troisièmement, au mois de décembre 2019, ADS avait engagé l’ancien employé et, au cours de l’année 2020, il avait occupé un poste chez ADS qui le plaçait à la tête du département chargé de l’offre soumise par celle-ci dans le cadre du dialogue compétitif litigieux. En outre, il existait des indices selon lesquels l’ancien employé avait obtenu des informations sensibles de la requérante, susceptibles d’apporter à ADS un avantage indu dans le cadre du dialogue compétitif litigieux. Quatrièmement, la requérante avait ordonné une analyse de l’ordinateur que l’ancien employé utilisait chez elle, cette analyse ayant conduit à des documents qui démontraient que, tout d’abord, il avait l’intention de changer d’employeur depuis juin 2019, ensuite, dans le cadre des négociations visant son engagement par ADS, il avait notamment indiqué à cette dernière que, en l’engageant, elle aurait des avantages dans des projets dans lesquels elle était en concurrence avec la requérante et, enfin, il y avait des indices démontrant que l’ancien employé avait copié des fichiers confidentiels de la requérante. Cinquièmement, les circonstances susmentionnées faisaient l’objet d’une enquête pénale menée par le parquet compétent en Allemagne, à la suite d’une plainte déposée, en mars 2020, par la requérante contre l’ancien employé.

17      Sur la base du rapport d’évaluation, la Commission a décidé de ne pas retenir l’offre de la requérante et de retenir les offres de TASI et de ADS. Les décisions attaquées ont été communiquées à la requérante par l’ESA par lettre du 19 janvier 2021 et par télécopie du 22 janvier 2021.

18      Par la lettre du 19 janvier 2021, l’ESA a informé la requérante de la décision de ne pas retenir son offre au motif qu’elle n’était pas l’offre économiquement la plus avantageuse. En annexe à cette lettre, elle lui a envoyé un extrait de l’évaluation, par le comité d’évaluation, de son offre finale à la lumière des cinq sous-critères du critère de la qualité.

19      Par la suite, la requérante a demandé à l’ESA, par télécopie du 20 janvier 2021, de lui communiquer les informations des soumissionnaires retenus, les caractéristiques et les avantages relatifs de leurs offres, le prix total utilisé pour établir le classement ainsi que l’évaluation détaillée de sa propre offre.

20      Par lettre du 20 janvier 2021, la Commission, en se référant à la lettre du 23 décembre 2020, a informé la requérante que, premièrement, il n’y avait pas de motifs suffisants pour justifier une suspension du dialogue compétitif litigieux à ce stade, deuxièmement, les allégations d’appropriation illégale des secrets des affaires de la requérante faisaient déjà l’objet d’une enquête par les autorités nationales, sur les conclusions de laquelle elle pouvait s’appuyer et prendre des mesures supplémentaires, si nécessaire, et, troisièmement, lesdites allégations n’étaient pas établies par un jugement définitif ou une décision administrative définitive, au sens de l’article 136, paragraphe 1, du règlement financier, et donc il n’existait pas de motif pour exclure ADS du dialogue compétitif litigieux.

21      Par télécopie du 22 janvier 2021, l’ESA a communiqué à la requérante le nom des soumissionnaires retenus, à savoir TASI et ADS, le prix total et le classement final de leurs offres, ainsi que le classement de celles-ci selon les cinq sous-critères du critère de la qualité. En annexe à cette lettre, l’ESA a envoyé à la requérante les résultats détaillés de l’évaluation de son offre à la lumière des cinq sous-critères du critère de la qualité.

22      Les offres des soumissionnaires ont été classées comme suit : l’offre de TASI en première position, l’offre de ADS en deuxième position et l’offre de la requérante en troisième position. Ces offres ont été évaluées au regard des deux critères d’attribution indiqués au point 8 ci-dessus. S’agissant du critère de la qualité, les offres de TASI, de ADS et de la requérante ont été classées, respectivement, en première, en deuxième et en troisième position. S’agissant du critère du prix, les offres de ADS, avec un prix total de 707 679 174,75 euros, de TASI, avec un prix total de 804 127 000,00 euros, et de la requérante, avec un prix total de 822 786 000,00 euros, ont été classées, respectivement, en première, en deuxième et en troisième position.

23      Par lettre du 28 janvier 2021, la requérante a demandé à la Commission, premièrement, d’exclure ADS du dialogue compétitif litigieux, deuxièmement, de modifier les décisions attaquées en lui attribuant le marché, troisièmement, de lui accorder l’accès au dossier complet du dialogue compétitif litigieux et au rapport d’évaluation et, quatrièmement, de ne pas signer les contrats jusqu’à ce qu’une décision soit prise concernant les objections qu’elle avait soulevées. Dans cette lettre, la requérante soutenait que ADS devait être exclue, étant donné que, d’une part, elle avait violé le principe du secret de la compétition en impliquant l’ancien employé dans la préparation de son offre et, d’autre part, son offre était anormalement basse.

 Conclusions des parties

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        enjoindre à la Commission de lui octroyer l’accès au dossier du dialogue compétitif litigieux ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, en partie, comme irrecevable et, en partie, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      La République italienne et ADS concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours. 

 En droit

 Sur le deuxième chef de conclusions

27      Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande à ce que le Tribunal enjoigne à la Commission de lui octroyer l’accès au dossier du dialogue compétitif litigieux. 

28      La Commission soutient que ce deuxième chef de conclusions est irrecevable, étant donné que la requête ne contient aucune preuve ou offre de preuve à cet égard.

29      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 17 octobre 2022, le Tribunal a invité la requérante et la Commission à se prononcer, lors de l’audience, sur l’éventuelle irrecevabilité du deuxième chef de conclusions au motif qu’il pouvait être interprété comme une demande d’injonction.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des injonctions à l’encontre des institutions, des organes et des organismes de l’Union européenne, même si celles-ci ont trait aux modalités d’exécution de ses arrêts (voir ordonnance du 22 septembre 2016, Gaki/Commission, C-130/16 P, non publiée, EU:C:2016:731, point 14, et ordonnance du 19 juillet 2016, Trajektna luka Split/Commission, T-169/16, non publiée, EU:T:2016:441, point 13).

31      Ainsi, si le deuxième chef de conclusions devait être compris comme tendant à ce que le Tribunal adresse une injonction à la Commission, il y aurait lieu de le rejeter pour cause d’incompétence.

32      Cependant, lors de l’audience, la requérante a fait valoir que le deuxième chef de conclusions devait être interprété comme une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction au titre de l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal. Dans la mesure où l’examen de la pertinence de cette demande relève d’une appréciation au fond, il y a lieu de l’examiner dans le cadre de celle-ci.

 Sur la recevabilité du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

33      La Commission fait valoir que, dans la réplique, la requérante soulève un moyen nouveau, tiré de la violation de l’obligation de motivation, qui est donc irrecevable.

34      Lors de l’audience, en réponse à la question d’irrecevabilité soulevée par la Commission, la requérante a fait valoir que la violation de l’obligation de motivation avait été soulevée dans le cadre des moyens de la requête et que l’argumentation de la réplique n’était qu’un développement de celle-ci.

35      À cet égard, il suffit de rappeler que, dès lors que la violation de l’obligation de motivation constitue un moyen d’ordre public, il incombe au juge de l’Union de l’examiner d’office et, partant, le fait que la partie requérante l’ait soulevé tardivement ne rend pas un tel moyen irrecevable (voir arrêt du 25 novembre 2014, Alfastar Benelux/Conseil, T‑394/12, non publié, EU:T:2014:992, point 25 et jurisprudence citée).

36      Par conséquent, la question de l’irrecevabilité soulevée par la Commission doit être rejetée, sans qu’il y ait besoin de vérifier si le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation a ou non été soulevé pour la première fois dans le cadre de la réplique.

 Sur le fond

37      À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des critères d’exclusion prévus à l’article 136 du règlement financier ainsi que des principes d’égalité de traitement et de « concurrence secrète ». Le deuxième moyen est tiré de la violation de l’obligation d’examen des offres anormalement basses. Le troisième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de la requérante. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’obligation de la Commission d’adopter une décision autonome quant à l’attribution du marché. De plus, la requérante soulève un moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation (voir point 36 ci-dessus).

38      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’un pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision d’attribution d’un marché public. Ce large pouvoir d’appréciation lui est reconnu tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères d’attribution. Partant, s’agissant de ces questions, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir [voir arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 66 (non publié) et jurisprudence citée].

 Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

39      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas respecté son obligation de motivation, étant donné qu’elle s’est limitée à communiquer des informations partielles et incomplètes qui ne lui permettent pas de comprendre en quoi les deux offres retenues seraient plus avantageuses que la sienne. De plus, aucune évaluation comparative des trois offres n’aurait été réalisée afin d’examiner les avantages qualitatifs des deux offres retenues par rapport à ceux de l’offre de la requérante.

40      La Commission, soutenue par les intervenantes, conteste ces arguments.

41      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre des marchés publics de l’Union, l’obligation de motivation du pouvoir adjudicateur est concrétisée dans l’article 170, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous a), du règlement financier, dont il ressort qu’un pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, d’informer les soumissionnaires écartés des motifs du rejet de leurs demandes de participation ou de leurs offres et, ensuite, de fournir aux soumissionnaires qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du soumissionnaire auquel le marché a été attribué (voir, par analogie, arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 71).

42      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 72 et jurisprudence citée).

43      Toutefois, il découle de la jurisprudence qu’il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 21 et jurisprudence citée).

44      De même, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de fournir à un soumissionnaire évincé, sur demande écrite de ce dernier, une copie complète du rapport d’évaluation (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 22 et jurisprudence citée).

45      En outre, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte et de la nature des motifs invoqués (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 23 et jurisprudence citée).

46      En l’espèce, la lettre de l’ESA du 19 janvier 2021 contenait la décision de ne pas retenir l’offre de la requérante et un extrait de l’évaluation de son offre à la lumière des cinq sous-critères du critère de la qualité était annexé à cette lettre (voir point 18 ci-dessus).

47      De plus, la télécopie de l’ESA du 22 janvier 2021 mentionnait le nom des soumissionnaires retenus, le prix total et le classement final de leurs offres ainsi que le classement de celles-ci selon les cinq sous-critères du critère de la qualité. De surcroît, en annexe à cette lettre, il a été adressé à la requérante les résultats détaillés de l’évaluation de son offre à la lumière des cinq sous-critères du critère de la qualité (voir point 21 ci-dessus).

48      Il s’ensuit que la Commission a respecté son obligation de motivation, telle que concrétisée dans l’article 170, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous a), du règlement financier.

49      En outre, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’avait pas l’obligation de lui communiquer une analyse comparative minutieuse des offres retenues et de son offre, ni une copie complète du rapport d’évaluation (voir points 43 et 44 ci-dessus).

50      Le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit donc être écarté.

51      Par ailleurs, les autres arguments de la requérante, tirés d’un défaut de motivation et soulevés dans le cadre des autres moyens, seront examinés lors de l’appréciation de ces moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des critères d’exclusion prévus à l’article 136 du règlement financier ainsi que des principes d’égalité de traitement et de « concurrence secrète »

52      Le premier moyen se divise en deux branches, tirées, la première, de la violation des critères d’exclusion prévus à l’article 136 du règlement financier et, la seconde, de la violation des principes d’égalité de traitement et de « concurrence secrète ».

–       Sur la première branche du premier moyen, tirée de la violation des critères d’exclusion prévus à l’article 136 du règlement financier

53      En premier lieu, la requérante soutient que la décision d’attribution d’une partie du marché à ADS viole l’article 136 et l’article 167, paragraphe 1, sous b), du règlement financier, dans la mesure où celle-ci aurait dû être exclue du dialogue compétitif litigieux.

54      Tout d’abord, la requérante soutient que ADS aurait dû être exclue du dialogue compétitif litigieux sur la base de l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), du règlement financier, en raison, d’une part, de l’existence d’une présomption d’accord anticoncurrentiel ou d’entente tacite entre ADS et l’ancien employé en vue de fausser la concurrence avec la requérante dans le cadre du dialogue compétitif litigieux et, d’autre part, du fait que, en embauchant l’ancien employé, ADS serait présumée avoir tenté d’obtenir des informations confidentielles de la requérante, susceptibles de lui donner un avantage indu lors du dialogue compétitif litigieux.

55      Ensuite, la requérante fait valoir que, en l’absence d’un jugement définitif ou d’une décision administrative définitive, ADS aurait dû être exclue sur la base d’une qualification juridique préliminaire prévue à l’article 136, paragraphe 2, du règlement financier. De plus, elle soutient que la Commission aurait dû enquêter sur les faits et obtenir des informations auprès d’ADS.

56      Enfin, la requérante soutient que ADS aurait dû être exclue sur la base de l’article 136, paragraphe 4, sous a), du règlement financier, étant donné que l’ancien employé occuperait chez ADS une fonction de direction et qu’il se trouverait dans l’une des situations visées à l’article 136, paragraphe 1, sous c), du règlement financier.

57      La Commission et les intervenantes contestent ces arguments.

58      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 167, paragraphe 1, sous b), du règlement financier prévoit que les marchés sont attribués sur la base de critères d’attribution, pour autant que le pouvoir adjudicateur ait vérifié que le candidat ou le soumissionnaire n’ait pas été exclu en application de l’article 136, ni écarté en application de l’article 141 du même règlement.

59      S’agissant des critères d’exclusion, il résulte de l’article 136, paragraphe 1, du règlement financier que « [l]’ordonnateur compétent exclut une personne ou une entité visée à l’article 135, paragraphe 2, de la participation aux procédures d’attribution régies par le présent règlement […] lorsque cette personne ou entité se trouve dans une ou plusieurs des situations d’exclusion » prévues à l’article 136, paragraphe 1, sous a) à h), de ce règlement. En particulier, aux termes de l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), dudit règlement, « [l]’ordonnateur compétent exclut une personne ou une entité visée à l’article 135, paragraphe 2, de la participation aux procédures d’attribution régies par le présent règlement […] lorsque […] c) il a été établi par un jugement définitif ou une décision administrative définitive que la personne ou l’entité a commis une faute professionnelle grave […], y compris en particulier [,] ii) [la] conclusion d’un accord avec d’autres personnes ou d’autres entités en vue de fausser la concurrence [ou] v) [la] tentative d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure d’attribution ».

60      De plus, en vertu de l’article 136, paragraphe 4, sous a), du règlement financier, l’ordonnateur compétent exclut une personne ou une entité visée à l’article 135, paragraphe 2, dans le cas où « une personne physique ou morale qui est membre de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de la personne ou de l’entité visée à l’article 135, paragraphe 2, ou qui possède des pouvoirs de représentation, de décision ou de contrôle à l’égard de ladite personne ou entité, se trouve dans une ou plusieurs des situations visées au paragraphe 1, [sous] c) à h), [de l’]article [136] ».

61      De surcroît, l’article 136, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier prévoit que, « [e]n l’absence de jugement définitif ou, le cas échéant, de décision administrative définitive dans les cas visés au paragraphe 1, [sous] c), d), f), g) et h), [du présent article,] l’ordonnateur compétent exclut une personne ou une entité visée à l’article 135, paragraphe 2, sur la base d’une qualification juridique préliminaire de la conduite visée [aux sous c), d), f), g) et h)], compte tenu des faits établis ou d’autres constatations figurant dans la recommandation émise par l’instance visée à l’article 143 [de ce règlement] ».

62      Il résulte notamment des dispositions susmentionnées qu’un pouvoir adjudicateur exclut un soumissionnaire de la participation à une procédure d’appel d’offres lorsque ledit soumissionnaire se trouve dans une ou plusieurs des situations correspondant aux trois critères d’exclusion mentionnés aux points 59 à 61 ci-dessus.

63      Ainsi, le premier critère d’exclusion, prévu à l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), lu conjointement avec l’article 135, paragraphe 2, sous a), du règlement financier, correspond aux situations dans lesquelles il a été établi par un jugement définitif ou une décision administrative définitive que le soumissionnaire a commis une faute professionnelle grave, en adoptant une des conduites visées à l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), du règlement financier, à savoir la conclusion d’un accord avec d’autres personnes ou d’autres entités en vue de fausser la concurrence ou la tentative d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors de la procédure d’appel d’offres.

64      Le deuxième critère d’exclusion, prévu à l’article 136, paragraphe 4, sous a), lu conjointement avec l’article 135, paragraphe 2, sous a), et l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), du règlement financier, correspond aux situations dans lesquelles il a été établi par un jugement définitif ou une décision administrative définitive qu’une personne physique ou morale, qui est membre de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance du soumissionnaire ou qui possède des pouvoirs de représentation, de décision ou de contrôle à l’égard dudit soumissionnaire, a commis une faute professionnelle grave, en adoptant l’une des conduites visées à l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), du règlement financier.

65      Le troisième critère d’exclusion, prévu à l’article 136, paragraphe 2, premier alinéa, lu conjointement avec l’article 135, paragraphe 2, sous a), l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), et l’article 143, paragraphe 6, sous a), du règlement financier, correspond aux situations dans lesquelles, en l’absence d’un jugement définitif ou d’une décision administrative définitive, il a été établi par une qualification juridique préliminaire, contenue dans la recommandation de l’instance visée à l’article 143 du règlement financier (ci-après l’« instance »), que le soumissionnaire a commis une faute professionnelle grave, en adoptant l’une des conduites visées à l’article 136, paragraphe 1, sous c), ii) et v), dudit règlement. Conformément à l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier, le pouvoir adjudicateur ne peut prendre une décision d’exclure un soumissionnaire sur la base d’une qualification préliminaire visée à l’article 136, paragraphe 2, qu’après avoir obtenu une recommandation de l’instance.

66      En l’espèce, les conditions d’application du premier critère d’exclusion, qui sont mentionnées au point 63 ci-dessus, ne sont pas réunies. En effet, il est constant entre les parties que, au moment du dialogue compétitif litigieux, il n’existait aucun jugement définitif, ni aucune décision administrative définitive, au sens de l’article 136, paragraphe 1, sous c), du règlement financier, concernant ADS.

67      S’agissant du deuxième critère d’exclusion, il résulte des dispositions du règlement financier mentionnées au point 64 ci-dessus que le soumissionnaire ne peut être exclu que si la faute professionnelle grave de la personne physique ou morale qui est membre de son organe d’administration, de direction ou de surveillance a été établie par un jugement définitif ou une décision administrative définitive.

68      Or, même à supposer que l’ancien employé puisse être considéré comme un membre de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance de ADS, au sens de l’article 136, paragraphe 4, sous a), du règlement financier, l’existence d’un jugement définitif ou d’une décision administrative définitive concernant l’ancien employé ne ressort aucunement du dossier et n’a d’ailleurs pas été alléguée par la requérante. En effet, s’agissant du comportement de l’ancien employé, il ressort du dossier que la plainte, introduite par la requérante contre celui-ci devant le parquet compétent en Allemagne, a été classée sans suite par décision du 10 décembre 2020 et que la « réclamation administrative » que la requérante avait introduite contre cette décision de classement a été rejetée par décision du parquet compétent le 1er mars 2021.

69      Partant, une violation des premier et deuxième critères d’exclusion, mentionnés aux points 63 et 64 ci-dessus, n’est pas démontrée en l’espèce.

70      En ce qui concerne le troisième critère d’exclusion, il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte du point 65 ci-dessus, un soumissionnaire ne peut être exclu d’une procédure d’appel d’offres que sur la base d’une qualification juridique préliminaire de sa conduite, compte tenu des faits ou des constatations établis dans la recommandation émise par l’instance.

71      En l’espèce, il est constant que la Commission n’a pas saisi cette instance. Cela étant, la question qui se pose est de savoir si, en ne l’ayant pas fait, la Commission a manqué à ses obligations découlant de l’article 136, paragraphe 2, premier alinéa, et de l’article 143 du règlement financier, en violation du troisième critère d’exclusion.

72      À titre liminaire, quelques précisions s’imposent concernant la saisine de l’instance et la qualification juridique préliminaire sur la base de laquelle un soumissionnaire peut être exclu d’une procédure d’appel d’offres.

73      En premier lieu, la finalité sous-jacente à la saisine de l’instance afin d’obtenir une recommandation contenant, le cas échéant, une qualification juridique préliminaire de la conduite d’un soumissionnaire sur la base de laquelle celui-ci peut être exclu d’une procédure d’appel d’offres est la protection des intérêts financiers de l’Union contre des conduites qui constituent un risque pour ces intérêts. En effet, l’article 135, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement financier dispose que, « [a]fin de protéger les intérêts financiers de l’Union, la Commission met en place et exploite un système de détection rapide et d’exclusion ». Selon l’article 135, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier, l’objectif de ce système est de faciliter, notamment, « a) la détection rapide des personnes ou entités visées au paragraphe 2, qui constituent un risque pour les intérêts financiers de l’Union » et « b) l’exclusion des personnes ou entités visées au paragraphe 2, qui se trouvent dans l’une des situations d’exclusion visées à l’article 136, paragraphe 1 ».

74      En deuxième lieu, la qualification juridique préliminaire appartient exclusivement à l’instance, et ce « afin d’assurer une évaluation centralisée de ces situations » dans le cadre du système de détection rapide et d’exclusion, conformément à l’article 135, paragraphe 4, du règlement financier.

75      En troisième lieu, la qualification juridique préliminaire porte nécessairement sur les conduites des soumissionnaires eux-mêmes. Ainsi qu’il résulte des dispositions mentionnées aux points 61 et 65 ci-dessus, la qualification juridique préliminaire ne peut concerner que des faits ou des constatations visés à l’article 136, paragraphe 1, sous c), d), f), g) et h), de ce règlement et, partant, les conduites des seules personnes ou entités visées à l’article 135, paragraphe 2, dudit règlement.

76      En quatrième lieu, la qualification juridique préliminaire porte sur des faits ou des constations établis, en substance, dans le cadre d’audits ou d’enquêtes menés par les autorités compétentes de l’Union ou, le cas échéant, des États membres. À cet égard, il convient de rappeler que l’article 142, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement financier prévoit que la détection rapide des risques qui menacent les intérêts financiers de l’Union se fonde sur la transmission d’informations à la Commission par, notamment, un ordonnateur de celle-ci, un office européen mis sur pied par elle ou une agence exécutive [article 142, paragraphe 2, sous b), du règlement financier] ou par une institution de l’Union, un office européen ou une agence autres que ceux visés à l’article 142, paragraphe 2, sous b), dudit règlement [article 142, paragraphe 2, sous c), du règlement financier] (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 52).

77      Il convient également de rappeler que l’article 136, paragraphe 2, quatrième alinéa, du règlement financier dispose ce qui suit :

« Les faits et constatations visés au premier alinéa comprennent notamment :

a)      les faits établis dans le cadre d’audits ou d’enquêtes menés par le Parquet européen dans le cas des États membres participant à une coopération renforcée conformément au règlement (UE) 2017/1939, la Cour des comptes, l’OLAF ou l’auditeur interne, ou de tout autre contrôle, audit ou vérification effectué sous la responsabilité de l’ordonnateur ;

b)      les décisions administratives non définitives, y compris le cas échéant les mesures disciplinaires prises par l’organe de surveillance compétent qui est chargé de vérifier l’application des normes de déontologie professionnelle ;

c)      les faits visés dans les décisions des personnes ou des entités qui exécutent des fonds de l’Union conformément à l’article 62, paragraphe 1, premier alinéa, [sous] c) ;

d)      les informations transmises conformément à l’article 142, paragraphe 2, [sous] d), par des entités qui exécutent des fonds de l’Union en vertu de l’article 62, paragraphe 1, premier alinéa, [sous] b) ;

e)      les décisions de la Commission relatives à la violation du droit de l’Union dans le domaine de la concurrence ou les décisions d’une autorité nationale compétente concernant la violation du droit de l’Union ou du droit national en matière de concurrence. »

78      En cinquième lieu, le pouvoir adjudicateur ne doit saisir l’instance, visée à l’article 143 du règlement financier, que lorsque les faits établis dont il dispose constituent des indices suffisants pour établir une présomption de culpabilité du soumissionnaire. Ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, il résulte de l’ensemble des dispositions susmentionnées que, en l’absence de jugement définitif ou de décision administrative définitive concernant un soumissionnaire, le pouvoir adjudicateur doit, lorsqu’il dispose d’indices suffisants pour établir une présomption que ledit soumissionnaire est coupable, notamment, d’une faute professionnelle grave, saisir l’instance afin que celle-ci émette une recommandation contenant, le cas échéant, une qualification juridique préliminaire des faits litigieux (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 53).

79      De plus, premièrement, il convient de relever que l’exigence de disposer d’indices suffisants afin de saisir l’instance est conforme aux finalités d’un système qui vise notamment la détection rapide et l’exclusion des soumissionnaires dont le comportement constitue un risque pour les intérêts financiers de l’Union (voir point 73 ci-dessus). Deuxièmement, cette exigence découle du principe de bonne gestion financière et performance (voir titre II, chapitre 7, du règlement financier), en ce qu’elle évite de retarder une procédure de passation de marchés sans raison valable. Troisièmement, cette exigence est une conséquence du rôle de l’instance, laquelle n’est pas chargée d’enquêter, mais doit émettre une recommandation contenant, le cas échéant, une qualification juridique préliminaire, portant sur des faits et des constatations précédemment établis dans le cadre d’audits ou d’enquêtes menés par les autorités compétentes, notamment de l’Union (voir point 76 ci-dessus). Quatrièmement, l’exigence de disposer d’indices suffisants résulte de la portée de la qualification juridique préliminaire, dans la mesure où celle-ci vise la conduite d’un soumissionnaire en cas d’absence d’un jugement définitif ou d’une décision définitive (voir point 65 ci-dessus) et ne peut donc pas se fonder sur de simples soupçons.

80      Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de vérifier si, en l’espèce, la Commission était tenue de saisir l’instance afin que celle-ci émette une recommandation contenant, le cas échéant, une qualification juridique préliminaire visant la conduite de ADS. Il convient ainsi de vérifier si la Commission disposait d’indices suffisants laissant présumer que ADS était coupable d’une faute professionnelle grave menaçant les intérêts financiers de l’Union, y compris, en particulier, la conclusion d’un accord avec d’autres personnes ou d’autres entités en vue de fausser la concurrence ou la tentative d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de lui donner un avantage indu lors du dialogue compétitif litigieux.

81      En l’espèce, il ressort du dossier et des plaidoiries des parties principales que le seul élément dont disposait la Commission concernant un prétendu comportement fautif de ADS était la lettre du 23 décembre 2020. Par cette lettre, la requérante demandait, en substance, à la Commission, tout d’abord, de suspendre le dialogue compétitif litigieux, au motif d’un « soupçon de violation du secret de ses affaires par un employé de ADS » qui résultait, selon elle, d’éléments de fait qu’elle portait à la connaissance de la Commission, ensuite, d’enquêter sur la question et, enfin, le cas échéant, d’exclure ADS du dialogue compétitif litigieux (voir point 15 ci-dessus).

82      À cet égard, premièrement, il y a lieu de noter que les allégations que la requérante a formulées dans la lettre du 23 décembre 2020, rappelées au point 16 ci-dessus, ne relèvent pas des faits et des constatations visés à l’article 136, paragraphe 2, quatrième alinéa, sous a) à e), du règlement financier.

83      Deuxièmement, il convient de relever que, si la requérante a fait état d’une procédure d’enquête en cours devant les autorités nationales compétentes concernant les faits en question, ladite procédure faisait suite à une plainte de sa part concernant la prétendue violation par son ancien employé et non par ADS de la législation de la République fédérale d’Allemagne concernant les secrets d’affaires (voir point 16 ci-dessus).

84      Or, ainsi qu’il résulte du point 75 ci-dessus, la qualification juridique préliminaire prévue à l’article 136, paragraphe 2, du règlement financier, et donc la saisine de l’instance, ne peut concerner que les conduites des soumissionnaires eux-mêmes. Partant, le comportement allégué de l’ancien employé mentionné dans la lettre du 23 décembre 2020 ne saurait constituer un indice suffisant aux fins de la saisine de ladite instance.

85      Troisièmement, il convient de relever que la lettre du 23 décembre 2020 n’était accompagnée d’aucun élément de preuve susceptible d’étayer les allégations qui y étaient mentionnées.

86      Il s’ensuit que les allégations mentionnées dans la lettre du 23 décembre 2020 ne pouvaient pas être considérées comme des faits ou des constatations susceptibles de constituer des indices suffisants pour soutenir une présomption de culpabilité d’ADS, justifiant la saisine de l’instance.

87      Dans ce contexte, il convient de vérifier si la Commission était toutefois tenue d’enquêter sur les allégations mentionnées dans la lettre du 23 décembre 2020.

88      À cet égard, d’une part, il convient de relever que, dans la lettre du 23 décembre 2020, la requérante ne mentionnait aucun comportement propre à ADS excepté le fait que celle-ci avait engagé son ancien employé (voir point 16 ci-dessus). Or, en principe, le fait que, au cours d’une procédure d’appel d’offres, un soumissionnaire ait engagé l’ancien employé d’un autre soumissionnaire ne constitue pas, à lui seul, un indice d’un comportement de ce premier soumissionnaire susceptible de constituer une faute professionnelle grave. En revanche, la participation à une procédure d’appel d’offres ne saurait constituer un empêchement à l’exercice, au cours de ladite procédure, des droits des soumissionnaires (et de leurs employés ou anciens employés) de conclure des contrats de travail ou de pratiquer des actes relevant du droit du travail.

89      D’autre part, il convient de relever que, dans la lettre du 23 décembre 2020, la requérante mentionnait certains comportements non de ADS, mais de son ancien employé. Plus précisément, elle mentionnait le fait qu’elle avait retrouvé sur l’ordinateur de son ancien employé une lettre de motivation datée du 21 juin 2019, adressée au vice-président exécutif d’ADS, dans laquelle l’ancien employé indiquait notamment que son passage de la requérante à ADS « p[ouvait] aussi changer les perspectives et la position concurrentielle de [la requérante] contre [ADS] dans des objectifs d’acquisition futurs ». La requérante soutenait également, dans la lettre du 23 décembre 2020, que l’analyse de l’ordinateur de l’ancien employé démontrait que celui-ci pouvait avoir copié les données pertinentes qu’il avait reçues dans le cadre de la préparation de son offre pour le dialogue compétitif litigieux, à savoir des détails et des concepts techniques, des stratégies d’offres, l’évaluation de la compétitivité, des stratégies de prix et le détail des prix. Dans cette même lettre, la requérante soutenait également que, dès le mois d’avril 2020, soit quelques mois après l’avoir engagé, ADS avait nommé l’ancien employé à la tête de l’entité engagée dans le dialogue compétitif litigieux, à savoir « Head of Space Systems Germany », au sein de laquelle il occupait les mêmes fonctions que celles qu’il avait précédemment occupées chez elle.

90      Force est de constater que, par ces allégations, la requérante faisait valoir, en substance, que son ancien employé avait violé le secret de ses affaires en ce qu’il avait illégalement obtenu des informations sensibles d’elle, susceptibles d’apporter à ADS un avantage indu lors du dialogue compétitif litigieux (voir point 16 ci-dessus).

91      Toutefois, une telle violation, à la supposer étayée, ne constituerait pas, en tout état de cause, l’indice d’une conduite de ADS elle-même et ne serait donc pas susceptible d’établir une présomption de culpabilité de celle-ci.

92      En outre, il convient de constater que, dans la lettre du 23 décembre 2020, la requérante n’avançait aucun argument concret visant à démontrer que ADS avait obtenu, notamment par l’intermédiaire de l’ancien employé, une quelconque information sensible et l’avait utilisée dans le cadre du dialogue compétitif litigieux. En revanche, dans ladite lettre, la requérante se limitait à alléguer que ADS aurait pu obtenir des informations sensibles d’elle, susceptibles de lui apporter un avantage indu dans le cadre du dialogue compétitif litigieux (voir point 16 ci-dessus). Cette allégation vague et hypothétique ne saurait constituer un indice suffisant, au sens de la jurisprudence rappelée au point 78 ci-dessus.

93      En effet, la lettre du 23 décembre 2020 ne contenait aucun élément concret permettant d’identifier de prétendues informations sensibles de la requérante, susceptibles d’avoir été obtenues par l’ancien employé, transmises à ADS et utilisées par celle-ci dans le cadre du dialogue compétitif litigieux, lui conférant ainsi un avantage indu. Dans ladite lettre, la requérante se limitait à mentionner que l’ancien employé avait été impliqué dans la « stratégie » de la partie technique et dans la « stratégie » concernant le prix et le calcul du prix de son offre. Ces allégations trop générales ne fournissent aucune indication concrète permettant d’identifier les prétendues informations sensibles qui pourraient être en cause.

94      En particulier, à aucun moment la requérante ne mentionne, dans la lettre du 23 décembre 2020, un quelconque élément technique de son offre qui aurait été transmis par son ancien employé à ADS et aurait été indument utilisé par celle-ci dans le dialogue compétitif litigieux. De même, la « stratégie » du prix de l’offre de la requérante dont l’ancien employé aurait connaissance n’est aucunement précisée dans ladite lettre.

95      De plus, il convient de relever qu’il résultait de la lettre du 23 décembre 2020 que l’ancien employé avait quitté la requérante peu de temps après le dépôt de son offre révisée dans le cadre de la deuxième phase du dialogue compétitif litigieux. Ainsi, l’ancien employé n’était pas, en tout état de cause, en mesure d’avoir des informations sur le dialogue qui avait eu lieu entre la requérante et l’ESA lors de la troisième phase, ni sur le contenu de l’offre finale de la requérante, laquelle a été soumise en octobre 2020, soit presque un an après que l’ancien employé avait quitté la requérante (voir points 13 et 16 ci-dessus). De plus, ainsi qu’il ressort du dossier et des réponses de la Commission à des questions qui lui ont été posées par le Tribunal lors de l’audience, les « conditions de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre l’offre finale », qui ont été envoyées aux soumissionnaires en août 2020 (voir point 13 ci-dessus), contenaient des modifications par rapport aux précédentes « Conditions de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre une offre révisée ». En particulier, le délai de livraison des satellites a été raccourci de presque un an, le délai pour l’exercice, par le pouvoir adjudicateur, de l’option pour l’acquisition d’autres satellites en plus du nombre initial (voir point 7 ci-dessus) a été prolongé de quatorze mois et la qualification de certains satellites pour un lancement unique ou un lancement double a été modifiée. De telles modifications ne sauraient, de par leur nature, être sans impact sur les conditions techniques et financières présentées par les soumissionnaires dans leurs offres finales.

96      Il résulte de ce qui précède que la Commission n’était pas tenue d’enquêter sur les allégations contenues dans la lettre du 23 décembre 2020 dans la mesure où celles-ci, à les supposer étayées, n’étaient pas de nature à constituer des indices suffisants pour établir une présomption de culpabilité de ADS justifiant la saisine de l’instance.

97      Ces appréciations ne sont pas remises en cause par l’argument de la requérante selon lequel l’ESA n’a demandé à ADS des informations sur l’ancien employé que le 29 janvier 2021, soit postérieurement aux décisions attaquées. En effet, au-delà du fait que cette demande a été faite à la suite d’une seconde lettre de la requérante, datée du 28 janvier 2021 (voir point 23 ci-dessus), et, partant, elle-même postérieure aux décisions attaquées, il n’en demeure pas moins que le fait que des informations ont été demandées à ADS postérieurement à l’adoption des décisions attaquées est sans incidence sur la légalité de celles-ci, compte tenu de l’inexistence d’une obligation de saisir l’instance (voir point 86 ci-dessus) et du fait que les allégations de la requérante ne concernaient pas un domaine soumis aux pouvoirs d’enquête des institutions, des agences ou des organes de l’Union (voir point 96 ci-dessus).

98      En outre, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante n’a informé celle-ci de ses soupçons que dans la lettre du 23 décembre 2020, alors qu’elle avait ordonné l’analyse de l’ordinateur de l’ancien employé dès le mois de novembre 2019, ainsi qu’elle l’admet dans la requête, et qu’elle avait déposé, auprès des autorités allemandes compétentes, une plainte contre l’ancien employé dès le mois de mars 2020 (voir point 16 ci-dessus). Pendant cette période, soit de novembre 2019 à décembre 2020, le dialogue compétitif litigieux a évolué de sa deuxième phase à sa troisième phase, qui a débuté en août 2020, la requérante ayant soumis son offre finale en octobre 2020 (voir point 13 ci-dessus). Ce comportement de la requérante indique qu’elle-même n’a pas estimé, au moins pendant une large période et même lors de la soumission de son offre finale, que le comportement soupçonné de l’ancien employé était susceptible d’apporter à ADS un avantage indu dans le cadre du dialogue compétitif litigieux.

99      Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas violé son obligation de saisine de l’instance, ni, a fortiori, le troisième critère d’exclusion mentionné au point 65 ci-dessus.

100    La première branche du premier moyen doit donc être écartée comme non fondée.

–       Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des principes d’égalité de traitement et de « concurrence secrète »

101    La requérante soutient, en substance, que l’utilisation présumée des connaissances de l’ancien employé, relatives au contenu de son offre, constitue une violation des principes d’égalité de traitement et de « concurrence secrète ». En particulier, la Commission disposerait d’éléments mettant en doute le caractère autonome et indépendant de l’offre soumise par ADS et serait donc dans l’obligation de « clarifier » le comportement anticoncurrentiel de ADS et de l’ancien employé.

102    La Commission et les intervenantes contestent ces arguments.

103    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 160, paragraphe 1, du règlement financier, tous les marchés publics financés totalement ou partiellement par le budget respectent les principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non‑discrimination. Ainsi qu’il est rappelé à l’article 18 du règlement no 1285/2013, ces principes sont applicables dans le cadre des procédures de passation des marchés relatifs au programme Galileo.

104    Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et il implique donc que celles‑ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs. Les soumissionnaires doivent donc se trouver sur un pied d’égalité aussi bien au moment où ils préparent leurs offres qu’au moment où celles‑ci sont évaluées par le pouvoir adjudicateur (voir arrêt du 29 octobre 2015, Vanbreda Risk & Benefits/Commission, T‑199/14, EU:T:2015:820, points 64 et 65 et jurisprudence citée).

105    Ainsi, le pouvoir adjudicateur est tenu de veiller, à chaque phase d’une procédure d’appel d’offres, au respect de ce principe et, par voie de conséquence, à l’égalité des chances de tous les soumissionnaires (voir arrêt du 13 décembre 2016, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑764/14, non publié, EU:T:2016:723, point 256 et jurisprudence citée).

106    S’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la Commission aurait dû exclure ADS du dialogue compétitif litigieux, il résulte du point 100 ci-dessus que la Commission n’a pas violé les critères d’exclusion prévus à l’article 136 du règlement financier en ce qui concernait ADS et la non-exclusion de celle-ci ne saurait donc entraîner une violation du principe d’égalité de traitement.

107    S’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’autonomie et de l’indépendance de l’offre de ADS, il convient de relever que l’existence de doutes mettant en cause le caractère autonome et indépendant de l’offre de ADS n’est aucunement démontrée en l’espèce, la requérante n’avançant d’ailleurs pas d’argument concret à cet égard. En revanche, il ressort du point 93 ci-dessus que la lettre du 23 décembre 2020 ne contenait aucun élément concret permettant d’identifier de prétendues informations sensibles de la requérante soit sur les aspects techniques, soit sur les aspects financiers de son offre, susceptibles d’avoir été obtenues par l’ancien employé, transmises à ADS et utilisées par celle-ci dans le cadre du dialogue compétitif litigieux afin de lui conférer un avantage indu. De même, il ne ressort aucunement du rapport d’évaluation que le comité d’évaluation aurait eu des doutes concernant le caractère autonome et indépendant de l’offre de ADS (voir points 17 et 22 ci-dessus).

108    Dans ces circonstances, ainsi qu’il avait déjà été conclu au point 96 ci-dessus, la Commission n’a pas violé une prétendue obligation de « clarifier » le comportement anticoncurrentiel allégué de ADS et, encore moins, celui de l’ancien employé.

109    Ces appréciations ne sont pas remises en cause par les arguments de la requérante, tirés des arrêts du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324), du 11 juillet 2019, Telecom Italia (C‑697/17, EU:C:2019:599), du 19 mai 2009, Assitur (C‑538/07, EU:C:2009:317), et du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission (T‑292/15, EU:T:2018:103). En effet, cette jurisprudence n’est pas transposable en l’espèce, étant donné qu’elle porte sur des situations totalement différentes.

110    Ainsi, l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 mai 2018, Specializuotas transportas (C‑531/16, EU:C:2018:324), concernait l’existence de liens entre des soumissionnaires ayant soumis des offres distinctes pour le même marché. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juillet 2019, Telecom Italia (C‑697/17, EU:C:2019:599), concernait la nécessité de maintenir une identité juridique et matérielle entre le candidat présélectionné et celui qui présentait l’offre. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 mai 2009, Assitur (C‑538/07, EU:C:2009:317), concernait une réglementation nationale n’autorisant pas la participation à une même procédure d’attribution de marché, de manière concurrente, de sociétés ayant entre elles un rapport de contrôle ou d’influence importante. L’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 février 2018, Vakakis kai Synergates/Commission (T‑292/15, EU:T:2018:103), concernait un conflit d’intérêts d’un expert ayant participé à la préparation de la procédure d’appel d’offres. Le cas de l’espèce n’a donc pas de similitude, factuelle ou juridique, avec les affaires ayant donné lieu aux arrêts susmentionnés.

111    Enfin, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré du niveau de preuve requis et de la répartition de la charge de la preuve. Ainsi qu’il résulte des points 78 et 79 ci-dessus, la saisine de l’instance exige que le pouvoir adjudicateur ait des indices suffisants pour établir que le soumissionnaire est coupable d’une faute professionnelle grave menaçant les intérêts financiers de l’Union. Or, ainsi qu’il résulte du point 96 ci-dessus, de tels indices n’existaient pas en l’espèce.

112    Partant, la seconde branche du premier moyen et, par suite, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés comme non fondés.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’obligation d’examen des offres anormalement basses

113    La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’annexe I, chapitre 1, section 2, points 23.1 et 23.2, du règlement financier, en ce qu’elle n’a pas suivi les deux étapes qui y étaient prévues pour s’assurer que l’offre finale de ADS n’était pas anormalement basse, alors qu’il y avait des indices en ce sens. En effet, l’offre finale de ADS aurait un prix considérablement inférieur aux prix des offres finales de TASI et de la requérante et, partant, la Commission ne pourrait pas se borner à indiquer que cette offre ne lui paraissait pas anormalement basse.

114    La Commission et les intervenantes contestent ces arguments.

115    Aux termes de l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 23.1, premier alinéa, du règlement financier, si, pour un marché donné, le prix ou les coûts proposés dans l’offre apparaissent anormalement bas, le pouvoir adjudicateur demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition du prix ou des coûts et donne au soumissionnaire la possibilité de présenter ses observations. Aux termes de l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 23.2, dudit règlement, le pouvoir adjudicateur ne rejette l’offre que si les éléments de preuve fournis n’expliquent pas de manière satisfaisante le prix ou les coûts bas proposés.

116    Il résulte de ces dispositions que l’appréciation, par le pouvoir adjudicateur, de l’existence d’offres anormalement basses s’opère en deux temps (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 87).

117    Dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit apprécier si les offres soumises « apparaissent » anormalement basses (voir point 23.1 de la section 2, chapitre I, de l’annexe I du règlement financier). L’usage du verbe « apparaître » dans le règlement financier implique que le pouvoir adjudicateur procède à une appréciation prima facie du caractère anormalement bas d’une offre. Le règlement financier n’impose dès lors pas au pouvoir adjudicateur de procéder d’office à une analyse détaillée de la composition de chaque offre afin d’établir qu’elle ne constitue pas une offre anormalement basse. Ainsi, dans un premier temps, le pouvoir adjudicateur doit uniquement déterminer si les offres soumises contiennent un indice de nature à éveiller le soupçon qu’elles pourraient être anormalement basses (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 88).

118    Dans un second temps, s’il existe des indices de nature à éveiller le soupçon qu’une offre pourrait être anormalement basse, le pouvoir adjudicateur doit procéder à la vérification de la composition de l’offre afin de s’assurer que celle-ci n’est pas anormalement basse. Lorsque le pouvoir adjudicateur procède à cette vérification, il a l’obligation de donner au soumissionnaire de ladite offre la possibilité d’exposer pour quelles raisons il estime que son offre n’est pas anormalement basse. Ensuite, le pouvoir adjudicateur doit apprécier les explications fournies et déterminer si l’offre en question présente un caractère anormalement bas, auquel cas il est dans l’obligation de la rejeter (voir, par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 89).

119    La notion d’« offre anormalement basse » n’est pas définie dans le règlement financier. Cependant, il a déjà été jugé que le caractère anormalement bas d’une offre devait être apprécié par rapport à la composition de l’offre et par rapport à la prestation en cause [voir, par analogie, arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 69 (non publié) et jurisprudence citée].

120    En outre, il résulte de la jurisprudence que des indices de nature à éveiller le soupçon qu’une offre pourrait être anormalement basse peuvent exister notamment s’il apparaît incertain, d’une part, qu’une offre respecte la législation du pays dans lequel les services devraient être exécutés, en matière de rémunération du personnel, de contribution au régime de sécurité sociale, de respect des normes de sécurité et de santé au travail et de vente à perte, et, d’autre part, que le prix proposé intègre tous les coûts induits par les aspects techniques de l’offre. Il en va de même lorsque le prix proposé dans une offre soumise est considérablement inférieur à celui des autres offres soumises ou au prix habituel du marché [voir arrêt du 16 mai 2019, Transtec/Commission, T‑228/18, EU:T:2019:336, point 72 (non publié) et jurisprudence citée].

121    La requérante fait valoir que l’écart entre le prix de l’offre finale de ADS et les prix des offres finales des autres soumissionnaires constituait un indice de nature à éveiller le soupçon que l’offre de ADS pouvait être anormalement basse, ce qui aurait dû amener la Commission à vérifier la composition de cette offre afin de s’assurer que celle-ci n’était pas anormalement basse.

122    En l’espèce, il ressort du dossier que la Commission a retenu l’offre de ADS sur la base du classement des offres, effectué par le comité d’évaluation (voir point 17 ci-dessus). Ainsi, l’offre de ADS ayant été retenue, il s’ensuit implicitement, mais nécessairement, que la Commission a considéré, à l’instar du comité d’évaluation, qu’il n’existait pas d’indices que ladite offre était anormalement basse et que, par conséquent, il n’était pas utile de demander des précisions sur la composition de cette offre. Cette appréciation n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

123    En premier lieu, il est certes vrai qu’il existe une différence entre le prix de l’offre de ADS et celui des offres de TASI et de la requérante qui est respectivement de 11,99 % et de 13,9 %, soit entre 707 679 174,75 euros et, respectivement, 804 127 000 euros et 822 786 000 euros. Toutefois, il a déjà été jugé que le seul fait que le prix de l’offre du soumissionnaire retenu soit plus bas que celui de l’offre d’un autre soumissionnaire n’était pas, en lui-même, susceptible de démontrer le caractère anormalement bas de l’offre du soumissionnaire retenu. En effet, une offre peut être moins chère qu’une autre sans être pour autant anormalement basse (voir arrêt du 26 janvier 2017, TV1/Commission, T‑700/14, non publié, EU:T:2017:35, point 58 et jurisprudence citée).

124    C’est précisément le cas en l’espèce. L’écart entre le prix de l’offre finale de ADS et celui des autres offres soumises ne saurait constituer, à lui seul, un indice du caractère anormalement bas de l’offre d’ADS, compte tenu des particularités du marché en cause.

125    En effet, d’une part, il convient de rappeler que la procédure d’appel d’offres a été lancée sous la forme d’un dialogue compétitif, puisque la Commission avait déjà identifié et défini ses besoins, mais n’avait pas encore défini les moyens précis les plus appropriés pour y répondre (voir point 6 ci-dessus). Par conséquent, les prix des offres étaient en grande partie dépendants des différents solutions et moyens techniques proposés par chaque soumissionnaire et donc des coûts respectifs.

126    D’autre part, le dialogue compétitif litigieux visait l’acquisition de produits pour lesquels un prix de marché n’existait pas. Ainsi que les parties principales l’ont reconnu lors de l’audience en réponse à une question qui leur a été posée par le Tribunal, il découle des caractéristiques particulières des satellites que ceux-ci ne sont pas des biens pour lesquels un prix standard ou un prix de marché peut être trouvé. De plus, en l’espèce, il s’agissait de la fourniture de satellites ayant des caractéristiques évoluées pour assurer le passage de la première génération à la seconde génération de satellites Galileo (voir point 7 ci-dessus) et donc de satellites pour lesquels un prix de marché ne pouvait pas encore exister.

127    En deuxième lieu, il convient de constater que, au-delà de la différence de prix, la requérante n’avance pas d’argument concret à l’appui de son allégation selon laquelle l’offre de ADS aurait dû apparaître anormalement basse. Elle ne fait notamment pas valoir un éventuel manque de respect de la législation du pays dans lequel les services devaient être exécutés ou la non-inclusion dans le prix proposé par ADS de tous les coûts induits par les aspects techniques de son offre. En tout état de cause, il convient de relever que les éléments qui ressortent du dossier ne viennent pas corroborer l’allégation de la requérante.

128    En effet, il convient de rappeler que l’attribution du marché se fondait sur l’offre économiquement la plus avantageuse, dont le critère du prix était pondéré à 35 %, alors que le critère de la qualité était pondéré à 65 % (voir point 8 ci-dessus). Or, l’offre finale de ADS a été mieux classée que celle de la requérante, tant au regard du critère du prix qu’au regard du critère de la qualité (voir point 22 ci-dessus).

129    En outre, il ressort des documents descriptifs du dialogue compétitif litigieux, contenant les conditions applicables lors de chacune de ses trois phases (voir points 10, 12 et 13 ci-dessus), que les offres devaient contenir une proposition financière correspondant à la proposition technique ainsi que des éléments financiers détaillés, notamment des devis financiers séparés.

130    À cet égard, il ressort du dossier qu’aucun doute n’a été soulevé, au sein du comité d’évaluation, concernant l’évaluation de l’offre de ADS au regard du quatrième sous-critère du critère de la qualité, relatif au caractère approprié de la gestion, du calcul des coûts et de la planification de l’exécution des travaux proposés (voir point 8 ci-dessus). En revanche, il résulte de la lettre du 19 janvier 2021 et de la télécopie du 22 janvier 2021, mentionnées aux points 18 et 21 ci-dessus, que, s’agissant de ce sous-critère, l’offre de ADS a été classée en deuxième position.

131    De plus, il résulte de la réponse écrite de la Commission du 29 octobre 2022 à une question posée par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure du 17 octobre 2022 ainsi que du document annexé à cette réponse, sur lesquels la requérante a présenté ses observations lors de l’audience, que les éléments financiers des offres des soumissionnaires ont été soumis par ceux-ci sous la forme de fichiers standard. Tout d’abord, ces fichiers ont été examinés, au sein du comité d’évaluation, à l’aide d’un logiciel dénommé « ESA Costing Software (ECOS) », conçu pour l’appréciation globale des éléments du prix dans les offres. Ensuite, en ce qui concerne notamment l’offre finale de ADS, un tableau récapitulatif a été établi sur la base de l’analyse dudit logiciel, ce tableau contenant 21 sous-catégories d’éléments du prix, notamment les coûts de la main-d’œuvre et de divers éléments techniques, ainsi qu’une marge bénéficiaire. Enfin, les éléments financiers des offres soumises, y compris ceux de l’offre finale de ADS, ont été évalués par un sous-panel du comité d’évaluation, comptant quatorze membres, qui était chargé d’évaluer le quatrième sous-critère mentionné ci-dessus.

132    Partant, en l’espèce, il n’a pas été démontré l’existence d’indices de nature à éveiller le soupçon de la Commission selon lequel l’offre de ADS pouvait être anormalement basse. Par conséquent, la Commission n’était pas tenue de procéder à une vérification, au sens de la jurisprudence rappelée au point 118 ci-dessus, de la composition de l’offre de ADS afin de s’assurer que celle-ci n’était pas anormalement basse.

133    Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Commission n’a pas violé ses obligations relatives à l’examen des offres anormalement basses.

134    Par ailleurs, lors de l’audience, la requérante a mentionné que, par son argument selon lequel la Commission ne pouvait pas se borner à indiquer que l’offre de ADS ne lui paraissait pas anormalement basse, elle visait à soulever un défaut de motivation.

135    Cependant, il convient de constater que la requérante ne développe aucun argument autonome à l’appui de ce prétendu défaut de motivation, mais se limite à reprocher à la Commission de ne pas avoir effectué une vérification concernant l’existence d’offres anormalement basses, question qui ne relève pas d’un grief tiré de la violation des formes substantielles, en particulier d’un défaut de motivation des décisions attaquées, mais qui relève du bien-fondé de ces décisions. Or, ainsi qu’il résulte du point 132 ci-dessus, ce grief, tiré de la violation, par la Commission, de ses obligations relatives à l’examen des offres anormalement basses, ne saurait prospérer.

136    Le deuxième moyen doit donc être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation de l’offre de la requérante

137    La requérante soutient, en substance, que, en approuvant le rapport d’évaluation, la Commission a commis plusieurs « erreurs d’appréciation » dans l’évaluation de son offre finale, en estimant que cette offre avait des points faibles au regard des cinq sous-critères du critère de la qualité mentionnés au point 8 ci-dessus. De plus, l’évaluation de l’offre de la requérante ne satisferait pas aux principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination.

138    La Commission, soutenue par ADS, et la République italienne contestent ces arguments.

139    Ainsi qu’il a été rappelé au point 38 ci-dessus, le pouvoir adjudicateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères d’attribution, le contrôle du Tribunal se limitant, en ce qui concerne ces questions, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir.

140    Afin d’établir que le pouvoir adjudicateur a commis une erreur à ce point manifeste qu’elle est de nature à justifier l’annulation de la décision de rejet d’une offre de marché, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues dans la décision en cause. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme vraie ou valable (voir arrêt du 7 juin 2017, Blaž Jamnik et Blaž/Parlement, T‑726/15, EU:T:2017:376, point 38 et jurisprudence citée).

141    En l’espèce, le marché devait être attribué selon le critère de l’offre économiquement la plus avantageuse, conformément à l’article 167, paragraphe 4, du règlement financier, en fonction du critère du prix, pondéré à 35 %, et du critère de la qualité, pondéré globalement à 65 %. Le critère de la qualité se divisait en cinq sous-critères, relatifs aux éléments de qualité mentionnés au point 8 ci-dessus.

142    En outre, ainsi qu’il résulte des points 14 et 17 ci-dessus, la Commission a approuvé le rapport d’évaluation et c’est sur la base des résultats de ce rapport qu’elle a décidé de ne pas retenir l’offre finale de la requérante et d’attribuer le marché aux deux autres soumissionnaires.

143    De plus, il résulte des points 18 et 21 ci-dessus que la Commission a communiqué à la requérante la partie du rapport d’évaluation concernant les détails de l’évaluation de son offre finale. Dans le cadre de cette évaluation, le comité d’évaluation a estimé que, au regard des cinq sous-critères du critère de la qualité, l’offre finale de la requérante avait certains points forts ainsi que certains points faibles.

144    De surcroît, il résulte du rapport d’évaluation que les cinq sous-critères en cause visaient l’évaluation des éléments de qualité mentionnés au point 8 ci-dessus et que l’évaluation des offres au regard de ces éléments avait été faite, par le comité d’évaluation, en fonction du projet et des solutions techniques concrètes figurant dans chacune des offres finales soumises par les trois soumissionnaires. Partant, les points faibles relevés par le comité d’évaluation, et contestés par la requérante dans le cadre du présent moyen, relèvent d’une évaluation concrète des sous-critères en cause par rapport au contenu concret de l’offre finale de la requérante.

145    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le troisième moyen de la requérante, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission, en estimant que son offre finale avait certains points faibles au regard de chacun des cinq sous-critères du critère de la qualité.

–       Sur les erreurs manifestes relatives au premier sous-critère

146    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en estimant que son offre finale avait quatre points faibles au regard du premier sous-critère, relatif au caractère approprié et à la pertinence des ressources humaines et techniques et des installations proposées par le soumissionnaire par rapport à la solution technique et programmatique décrite dans l’offre.

147    Il résulte du rapport d’évaluation que les quatre points faibles du premier sous-critère étaient les suivants : le premier était relatif à l’expérience limitée des « [confidentiel] » de la requérante ; le deuxième était relatif à l’expérience limitée de certains membres clés de son personnel dans certains domaines, notamment, dans les domaines de l’« [confidentiel] », des données relatives à l’« [confidentiel] » ; le troisième concernait le fait que 24 membres du personnel de la requérante n’avaient pas été indiqués comme gestionnaires et leurs curriculum vitae n’avaient pas été fournis, nonobstant le fait qu’ils exerçaient des fonctions essentielles ; le quatrième portait sur l’absence de démonstration du caractère approprié de l’installation choisie pour le « [confidentiel] ».

148    S’agissant des premier et deuxième points faibles du premier sous-critère, la requérante conteste, en substance, le fait que le personnel en cause avait une « expérience limitée » et souligne certains aspects de leurs curriculum vitae.

149    Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, la requérante ne soumet aucun élément permettant d’établir que l’appréciation du comité d’évaluation est entachée d’une erreur manifeste. De plus, le simple fait que la requérante donne plus de valeur à certains aspects des curriculum vitae de son personnel ne saurait suffire à priver de plausibilité l’avis contraire du comité d’évaluation.

150    S’agissant du troisième point faible du premier sous-critère, la requérante fait valoir que les gestionnaires ne sont pas tous des membres clés de son personnel et que les documents descriptifs du dialogue compétitif litigieux n’exigeaient que les curriculum vitae de ces derniers.

151    Ainsi, la requérante ne conteste pas le fait qu’elle n’a pas identifié certains collaborateurs comme exerçant des fonctions essentielles, ni qu’elle n’a pas fourni leurs curriculum vitae. En effet, ainsi qu’il ressort des mémoires des parties principales, la Commission et la requérante n’ont pas le même avis sur la question de savoir quels étaient les membres du personnel qui devaient être identifiés comme exerçant des fonctions essentielles, ce qui explique le fait que, pour la Commission, l’offre de la requérante faisait défaut dans l’identification d’un certain nombre de gestionnaires et de leurs curriculum vitae. Or, une telle divergence d’avis ne saurait, en l’absence d’autres éléments, constituer une erreur manifeste d’appréciation.

152    S’agissant du quatrième point faible du premier sous-critère, la requérante fait valoir, en substance, que la preuve de l’adéquation d’une infrastructure [confidentiel] n’était pas exigée.

153    La Commission objecte que la démonstration du caractère approprié de ladite installation était exigée par les documents descriptifs de l’appel d’offres et que la requérante ne l’a pas fournie.

154    Lors de l’audience, en réponse à des questions posées par le Tribunal, la requérante a fait valoir qu’une telle démonstration n’était pas nécessaire, puisque l’installation en cause était déjà utilisée.

155    La Commission a soutenu qu’une telle démonstration était exigée par les documents descriptifs du dialogue compétitif litigieux et, en particulier, qu’elle était pertinente pour l’évaluation du premier sous-critère.

156    Il ressort du dossier que le caractère approprié des installations était effectivement un des éléments pertinents pour l’évaluation du premier sous-critère, dans la mesure où celui-ci concernait le caractère approprié et la pertinence notamment des installations proposées par les soumissionnaires (voir point 8 ci-dessus). En outre, il ressort du rapport d’évaluation qu’il a été reproché à la requérante de ne pas avoir démontré le caractère approprié de l’installation choisie pour le « [confidentiel] ».

157    Or, l’argument de la requérante selon lequel une telle démonstration n’était pas nécessaire parce que les installations en cause étaient déjà utilisées ne prive pas de plausibilité l’appréciation du comité d’évaluation. En effet, compte tenu de la complexité technique du marché en cause ainsi que du fait que le caractère approprié des installations devait être apprécié par rapport à la solution technique et programmatique décrite dans l’offre, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le comité d’évaluation a estimé que le fait qu’une installation était déjà utilisée ne suffisait pas à démontrer le caractère approprié de cette installation par rapport à la solution concrète proposée dans l’offre et que, partant, la requérante n’était pas dispensée de le démontrer.

158    Partant, l’argumentation de la requérante tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le premier sous-critère d’évaluation doit être rejetée.

–       Sur les erreurs manifestes relatives au deuxième sous-critère

159    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en estimant que son offre finale avait cinq points faibles au regard du deuxième sous-critère, relatif à la compréhension des exigences et des objectifs, y compris dans le domaine de la sécurité, à la qualification et au degré de maturité de la conception du projet proposé, à l’adéquation, la qualité et la solidité de la conception du projet proposé et au respect des conditions techniques.

160    Il résulte du rapport d’évaluation que les cinq points faibles du deuxième sous-critère étaient les suivants : le premier était relatif à la « faible maturité » dans la conception des sous-systèmes [confidentiel] ; le deuxième concernait l’« [confidentiel] » et la « faible maturité » de certains éléments techniques figurant dans l’offre finale de la requérante ; le troisième était relatif à l’usage de la méthodologie probabiliste « [confidentiel] » conduisant à un risque de sous-estimation ; le quatrième portait sur un « faible niveau de confiance » dans la conformité au « [confidentiel] » ; le cinquième concernait l’abaissement injustifié de certaines exigences dénommées « [confidentiel] » applicables aux sous-traitants et fournisseurs.

161     S’agissant du premier point faible du deuxième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation du comité d’évaluation n’est pas motivée et est arbitraire.

162    Cependant, à l’appui de son argument, la requérante se limite à invoquer certaines caractéristiques générales du type de sous-système en cause, sans pour autant avancer d’éléments concrets susceptibles de démontrer le caractère manifestement erroné de l’appréciation du comité d’évaluation, alors que cette appréciation porte sur le sous-système [confidentiel] concrètement visé dans son offre finale.

163    S’agissant du deuxième point faible du deuxième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation est arbitraire et partiellement erronée sur le plan factuel et que la « faible maturité » ne correspondrait pas à un critère prévu et, en tout état de cause, ne saurait s’appliquer à la majorité des éléments.

164    Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, l’argumentation de la requérante est, d’une part, trop vague et, d’autre part, semble reposer sur une compréhension erronée de la motivation du deuxième point faible. En effet, il résulte du rapport d’évaluation que l’appréciation du comité d’évaluation concernant la « faible maturité » se référait spécifiquement à l’« [confidentiel] » et non à la maturité technologique en général. La requérante ne contestant pas l’« [confidentiel] », son argument, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, ne saurait prospérer.

165    S’agissant du troisième point faible du deuxième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation est unilatérale, arbitraire et inexacte, étant donné que les méthodologies probabilistes fonctionnent en principe dans toutes les directions et peuvent donc donner lieu tant à des sous-estimations qu’à des surestimations. En outre, le recours à des modèles validés, tels qu’observés par la Commission, ne serait exigé nulle part pour de telles analyses. En tout état de cause, cette appréciation serait exagérée, dans la mesure où la Commission indiquerait, elle-même, qu’une sous-estimation n’aurait pas une importance critique sur le projet.

166    À cet égard, il résulte du rapport d’évaluation que le comité d’évaluation a estimé que, d’une part, l’offre finale de la requérante ne contenait pas d’informations concernant la validation du modèle justifiant la méthodologie proposée et, d’autre part, qu’il y avait un risque de sous-estimation de la « [confidentiel] ». L’argumentation de la requérante, dans la mesure où elle est limitée à des considérations vagues et générales, ne suffit pas à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du comité d’évaluation de cette méthodologie et du risque de sous-estimation.

167    S’agissant du quatrième point faible du deuxième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation est arbitraire et n’est pas étayée.

168    Cependant, la requérante admet dans la requête que son offre finale mentionnait que les conditions à cet égard n’étaient remplies qu’à 68 %. Dans ces circonstances, il n’est aucunement démontré que l’appréciation de la Commission, attribuant un « faible niveau de confiance » à une situation où les conditions n’étaient garanties qu’à 68 %, manquerait de plausibilité.

169    S’agissant du cinquième point faible du deuxième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation n’est pas motivée et est arbitraire, étant donné qu’il n’est pas indiqué ce qui serait « injustifié », alors que pour d’autres exigences de ce type, une « adaptation » par le soumissionnaire était normalement autorisée par l’ESA.

170    Cette argumentation ne remet pas en cause l’appréciation contenue dans le rapport d’évaluation selon laquelle il résultait de l’analyse du document de la requérante relatif aux sous-traitants, figurant dans son offre finale, que ledit document ne reproduisait pas correctement les conditions du dialogue compétitif litigieux relatives aux sous-traitants et aux fournisseurs.

171    L’argumentation de la requérante relative au deuxième sous-critère d’évaluation doit donc être écartée.

–       Sur les erreurs manifestes relatives au troisième sous-critère

172    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en estimant que son offre finale avait six points faibles au regard du troisième sous-critère, relatif à la qualité et à l’adéquation du programme de travail, au respect du cahier des charges, à l’adéquation de la planification technique ainsi qu’à l’approche en matière de tests et d’essais, à l’examen des risques et aux propositions de réduction des risques, y compris la diversification technologique.

173    Il résulte du rapport d’évaluation que les six points faibles du troisième sous-critère étaient les suivants : le premier était relatif à des qualifications incomplètes de certaines conceptions proposées ; le deuxième concernait l’absence de test proposé pour un certain composé, en particulier, une « [confidentiel] » ; le troisième était relatif à des procédures d’essai limitées, en particulier, à l’« [confidentiel] » ; le quatrième portait sur le manque de proposition de certaines vérifications, en particulier le « [confidentiel] » ; le cinquième était relatif à une catégorisation des risques non crédible et à une liste des risques incomplète en ce qui concernait la « [confidentiel] » ; le sixième concernait des défauts du programme de [confidentiel].

174    S’agissant du premier point faible du troisième sous-critère, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation est arbitraire et partiellement erronée sur le plan factuel. Elle mentionne le test qui, selon elle, était le test pertinent pour la qualification, ainsi que le test qui, selon elle, ne serait pas pertinent à cet égard. De même, elle indique l’ordre selon lequel, à son avis, les tests devraient être réalisés.

175    À cet égard, il convient de constater que le rapport d’évaluation contient des précisions concrètes concernant les problèmes que le comité d’évaluation a estimé exister dans l’offre finale de la requérante quant aux tests proposés pour la qualification et quant à l’ordre de réalisation de ces tests. Or, la requérante se limite à contredire cette appréciation, en indiquant quels sont, selon elle, les tests pertinents pour la qualification et la manière dont ils devraient être réalisés.

176    Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante est limitée à l’expression d’un désaccord, d’ordre technique, qui ne saurait suffire à démontrer une erreur manifeste d’appréciation dans l’appréciation du comité d’évaluation, d’autant plus que la requérante n’avance aucun élément concret permettant de douter de la plausibilité de cette appréciation.

177    S’agissant du deuxième point faible du troisième sous-critère, relatif à l’absence de test, la requérante soutient, en substance, que le procédé proposé dans son offre n’est pas inhabituel et qu’il aurait été accepté par le fournisseur du lanceur et des fusées. En outre, le concept qu’elle a proposé comporterait peu de risques dans son ensemble, ce qui remettrait en cause l’appréciation du comité d’évaluation sur l’existence d’un « risque important ».

178    Il résulte du rapport d’évaluation que le comité d’évaluation a estimé, en substance, que la proposition de la requérante à cet égard comportait des éléments de risque liés au [confidentiel] des satellites et que ces risques n’étaient pas atténués, étant donné que, notamment, certains tests [confidentiel] n’étaient pas prévus et seules des simulations étaient proposées. En particulier, aucun « [confidentiel] » n’était prévu pour le « [confidentiel] ». De plus, le comité d’évaluation a estimé que, en raison de la structure complexe proposée dans l’offre de la requérante et de l’absence de prévision de tests, son approche était risquée.

179    Il résulte également de la réponse de la Commission à une question qui lui a été posée par le Tribunal lors de l’audience que les tests dont l’absence a été critiquée par le comité d’évaluation visaient à tester [confidentiel] afin d’atténuer les risques liés au lancement des satellites.

180    Dans ces circonstances, l’argument de la requérante selon lequel le concept proposé comporterait peu de risques dans son ensemble n’est pas étayé et ne suffit pas à remettre en cause la plausibilité de l’appréciation du comité d’évaluation quant à la nécessité d’effectuer des tests visant à atténuer les risques inévitablement liés au lancement de satellites.

181    S’agissant du troisième point faible du troisième sous-critère, relatif à des procédures d’essai limitées, la requérante soutient, en substance, que l’appréciation n’est pas motivée, est arbitraire et qu’elle n’a pas tenu compte du fait que la question avait été examinée par une entreprise réputée au niveau mondial dans ce domaine.

182    Il résulte du rapport d’évaluation que le comité d’évaluation a estimé que l’offre finale de la requérante contenait des tests mécaniques limités dans la phase de développement concernant un élément donné, à savoir le « [confidentiel] ».

183    La requérante ne démontre aucune erreur manifeste d’appréciation dans cette évaluation, étant donné qu’elle se limite à invoquer l’avis d’une entreprise tierce contraire à celui du comité d’évaluation.

184    S’agissant du quatrième point faible du troisième sous-critère, relatif au manque de proposition de certaines vérifications, la requérante soutient, en substance, que c’est à tort que le comité d’évaluation a estimé qu’il n’y avait pas d’analyse « [confidentiel] », étant donné que son offre contenait une description du système « [confidentiel] » au moins au niveau de certains de ses sous-systèmes, tels que l’« [confidentiel] », le « [confidentiel] » et le « [confidentiel] ».

185    Cependant, force est de constater que, d’une part, l’argumentation de la requérante est très générale et, d’autre part, elle ne concerne pas l’élément concret reproché par le comité d’évaluation. En effet, celui-ci a estimé que l’offre finale de la requérante ne proposait pas une analyse ou une revue [confidentiel] au niveau du sous-système, y compris de la charge utile, alors que la requérante allègue avoir décrit certains sous-systèmes du système « [confidentiel] ». L’argumentation de la requérante ne saurait donc prospérer.

186    S’agissant du cinquième point faible du troisième sous-critère, relatif à la catégorisation des risques, la requérante soutient, en substance, que l’évaluation des risques est par définition imprécise et tributaire de l’opinion personnelle. Ainsi, les appréciations du comité d’évaluation et de la requérante sur le niveau de risques ne coïncideraient pas, mais cela ne signifierait pas que l’évaluation de ce comité serait toujours correcte, comme le démontreraient certains exemples donnés par la requérante.

187    Or, même à supposer que l’évaluation des risques soit par définition imprécise et subjective, comme le soutient la requérante, il n’en demeure pas moins qu’une évaluation de la requérante différente de celle du comité d’évaluation ne saurait suffire à démontrer une erreur manifeste d’appréciation de la part de ce dernier. L’argumentation de la requérante ne saurait donc prospérer.

188    S’agissant du sixième point faible du troisième sous-critère, relatif à des défauts du programme de [confidentiel], la requérante soutient, en substance, que l’appréciation n’est pas motivée et qu’il y a eu une « double appréciation négative », étant donné que la soustraction d’un point avait déjà été effectuée à cet égard dans le cadre du deuxième sous-critère. En outre, elle soutient qu’un programme de [confidentiel] générique est habituel, notamment dans un domaine aussi spécialisé que celui en cause en l’espèce. En tout état de cause, le programme présenté par la requérante reprendrait tout ce qui serait exigé.

189    Il ressort du dossier que le comité d’évaluation a estimé que l’offre finale de la requérante ne contenait pas un programme de [confidentiel] assez détaillé et a mentionné certains éléments précis qu’il considérait comme manquants.

190    D’une part, il convient de relever que l’argument de la requérante tiré d’une « double appréciation négative » repose sur une compréhension erronée de la portée des deuxième et troisième sous-critères. En effet, dans le cadre du cinquième point faible du deuxième sous-critère, le comité d’évaluation a apprécié l’abaissement injustifié de certaines exigences applicables aux sous-traitants et fournisseurs, alors que, dans le cadre du sixième point faible du troisième sous-critère, en cause en l’espèce, l’évaluation portait sur le programme de [confidentiel] (voir points 160 et 173 ci-dessus). La « double appréciation négative » alléguée par la requérante n’est donc pas démontrée.

191    D’autre part, l’argumentation de la requérante ne remet pas en cause le fait que son programme de [confidentiel] ne contenait pas les éléments mentionnés dans le rapport d’évaluation et la requérante admet en revanche que ce programme était plutôt général. De plus, la requérante n’invoque aucun élément concret susceptible de démontrer que, en évaluant négativement l’adéquation d’un programme de [confidentiel] à caractère général, le comité d’évaluation a commis une erreur manifeste d’appréciation.

192    Au vu de ce qui précède, l’argumentation de la requérante tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le troisième sous-critère d’évaluation doit être écartée.

–       Sur les erreurs manifestes relatives au quatrième sous-critère

193    La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en estimant que son offre finale avait quatre points faibles au regard du quatrième sous-critère, relatif au caractère approprié de la gestion, du calcul des coûts et de la planification de l’exécution des travaux.

194    Il résulte du rapport d’évaluation que les quatre points faibles du quatrième sous-critère étaient les suivants : le premier était relatif à la solidité du calendrier ; le deuxième concernait le fait que le calendrier n’identifiait pas clairement certains éléments, à savoir le « [confidentiel] » et une [confidentiel] ; le troisième était relatif à l’adéquation du « budget des risques et du calcul des coûts », en particulier, au fait que la « [confidentiel] » était considérée comme étant [confidentiel] et le quatrième portait sur la planification de la trésorerie.

195     S’agissant des premier et deuxième points faibles du quatrième sous-critère, d’une part, la requérante fait valoir, en substance, que ces deux points faibles correspondaient à un seul point faible, qui, par conséquent, avait reçu une « double appréciation négative ». D’autre part, la requérante conteste l’évaluation négative d’un point précis, concernant l’identification de l’élément dénommé « [confidentiel] » qui, selon elle, n’était pas nécessaire.

196    Il résulte du point 194 ci-dessus que, certes, les premier et deuxième points faibles du quatrième sous-critère concernaient tous les deux le calendrier. Toutefois, le premier point faible était relatif à la solidité de ce calendrier, alors que le deuxième point faible était relatif à certains éléments manquants dans ledit calendrier. Dans ce contexte, l’allégation de la requérante selon laquelle ces deux points devaient constituer un seul point faible pour éviter une « double appréciation négative » n’est pas fondée, les aspects soumis à l’évaluation ne coïncidant pas. En outre, la requérante ne conteste pas le fait que son calendrier n’identifiait pas clairement l’élément dénommé « [confidentiel] », mais se limite à soutenir que cette indication n’était pas nécessaire. La requérante n’a donc pas démontré que le comité d’évaluation avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans cette évaluation.

197    S’agissant du troisième point faible du quatrième sous-critère, la requérante fait valoir, en substance, que le budget des [confidentiel] proposé était proportionné, puisqu’il était conforme au registre des [confidentiel], comme l’admettrait le rapport d’évaluation. En outre, toute appréciation des risques serait subjective et, de plus, le comité d’évaluation aurait fait une « double appréciation négative » des risques.

198    Cependant, l’argumentation de la requérante ne prend pas en compte le fait que l’appréciation de l’adéquation du budget des « [confidentiel] » a été faite en fonction d’un calcul des coûts, qu’elle ne mentionne même pas. En effet, il ressort du rapport d’évaluation que ce budget a été considéré comme faible par rapport notamment à la complexité de l’activité et à la quantité de développements à effectuer.

199    En outre, l’allégation de la requérante selon laquelle il y aurait une double appréciation négative concernant les risques n’est aucunement étayée. En outre, l’appréciation du budget des « [confidentiel] » en cause en l’espèce ne saurait être confondue avec l’appréciation d’autres risques.

200    S’agissant du quatrième point faible du quatrième sous-critère, la requérante fait valoir, en substance, que l’appréciation est partiale et artificielle, étant donné que l’ESA n’autorise pas de trésorerie « neutre » et que la trésorerie proposée est semblable à celle d’autres projets présentés par la requérante à l’ESA.

201    À cet égard, il résulte du rapport d’évaluation que certains éléments de trésorerie ont été considérés comme « déséquilibrés et non conformes à la demande de flux de trésorerie neutre ». En outre, il ressort du dossier que l’exigence d’un flux de trésorerie neutre était prévue au point 5.4.6.5 des « conditions de l’appel d’offres pour l’invitation à soumettre l’offre finale » mentionnées au point 13 ci-dessus. Dans ce contexte, l’argumentation de la requérante ne saurait prospérer, les éventuelles différences par rapport à d’autres procédures de passation de marchés publics n’étant pas pertinentes à cet égard.

202    L’argumentation de la requérante tirée d’erreurs manifestes d’appréciation en ce qui concerne le quatrième sous-critère d’évaluation doit donc être écartée.

–       Sur l’erreur manifeste relative au cinquième sous-critère

203    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que son offre finale avait un point faible au regard du cinquième sous-critère, relatif au respect des conditions de l’appel d’offres et du contrat.

204    Il résulte du rapport d’évaluation que le point faible du cinquième sous-critère était relatif à des éléments jugés incorrects, concernant le [confidentiel] de certains sous-traitants.

205    La requérante fait valoir, en substance, que cette appréciation est arbitraire, étant donné qu’elle n’est pas motivée et que le classement de ce sous-critère est trop bas, compte tenu du fait qu’un seul point faible a été relevé et que ce sous-critère a mérité par ailleurs un bon résultat.

206    Cependant, force est de constater que la requérante n’avance aucun élément permettant de douter de la plausibilité de l’appréciation des éléments en cause comme étant « incorrects », ni aucun élément permettant de conclure que le classement global du cinquième sous-critère était entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

207    L’argumentation de la requérante tirée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le cinquième sous-critère d’évaluation doit donc être écartée.

208    Par ailleurs, en premier lieu, il convient de relever que la requérante ne soulève aucun argument, excepté les prétendues erreurs manifestes d’appréciation examinées ci-dessus, à l’appui de son grief tiré de la violation des principes de transparence, de proportionnalité, d’égalité de traitement et de non-discrimination, qu’elle se limite à invoquer de manière générale.

209    En deuxième lieu, il convient d’écarter les griefs de la requérante tirés d’un prétendu défaut de motivation des appréciations du comité d’évaluation en ce qui concerne les premier et cinquième points faibles du deuxième sous-critère, les troisième et sixième points faibles du troisième sous-critère et le point faible unique du cinquième sous-critère (voir points 161, 169, 181, 188 et 205 ci-dessus).

210    À cet égard, il convient de rappeler que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du 14 février 2006, TEA-CEGOS e.a./Commission, T‑376/05 et T‑383/05, EU:T:2006:47, point 48 et jurisprudence citée).

211    En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il résulte des points 18, 21 et 141 à 207 ci-dessus, les motifs pour lesquels le comité d’évaluation a relevé certains points faibles de l’offre finale de la requérante sont indiqués clairement dans la partie du rapport d’évaluation qui lui a été communiquée et qu’elle a pu contester le bien-fondé de cette motivation devant le Tribunal, qui a pu exercer son contrôle de légalité, ainsi qu’il résulte de l’examen ci-dessus.

212    En troisième lieu, il convient d’écarter l’argument, soulevé dans le cadre de la réplique, selon lequel la requérante n’a pas pu présenter d’arguments plus détaillés à l’appui du présent moyen en raison du fait qu’elle n’a pas eu accès au dossier complet du dialogue compétitif litigieux et que la télécopie mentionnée au point 21 ci-dessus ne contenait que des informations partielles sur les offres retenues et sur l’évaluation de son offre finale.

213    Ainsi qu’il a déjà été conclu au point 48 ci-dessus, la Commission a respecté son obligation de motivation des décisions attaquées, telle qu’elle est concrétisée dans l’article 170, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous a), du règlement financier et interprétée par la jurisprudence rappelée aux points 41 à 45 ci-dessus.

214    En particulier, il ressort des points 18 et 21 ci-dessus que la requérante a pris connaissance des points faibles qui avaient été relevés dans l’évaluation de son offre finale ainsi que du détail des appréciations concernant lesdits points faibles. En outre, cette motivation a permis à la requérante de saisir le juge de l’Union pour contester l’illégalité des décisions attaquées, notamment en ce qui concernait les appréciations relatives à ces points faibles contestés dans le cadre du présent moyen. Il s’ensuit que la requérante a été en mesure de connaître et de remettre utilement en question les raisons ayant conduit la Commission à rejeter son offre et que le Tribunal a pu contrôler le bien-fondé de ces motifs.

215    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de la Commission d’adopter une décision autonome quant à l’attribution du marché

216    La requérante soutient, en substance, que la Commission a manqué à son obligation d’adopter une décision autonome quant à l’attribution du marché, en se limitant à confirmer les résultats figurant dans le rapport d’évaluation. La responsabilité du programme Galileo, imposée à la Commission par l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 1285/2013 ferait naître à son égard une obligation d’adopter une décision autonome quant à l’attribution du marché dans le cadre du dialogue compétitif litigieux. De plus, les conventions de délégation conclues entre la Commission et l’ESA en application de l’article 15 dudit règlement ne pourraient limiter ou modifier cette responsabilité de la Commission. En outre, la Commission ne serait pas liée par la proposition figurant dans le rapport d’évaluation et elle serait censée examiner elle-même les offres des soumissionnaires, d’autant plus que, en l’espèce, il existerait des indices d’une appréciation erronée de la part du comité d’évaluation, ce qui aurait dû amener la Commission à effectuer un contrôle attentif dudit rapport.

217    La Commission, soutenue par ADS, et la République italienne contestent ces arguments.

218    En premier lieu, il convient d’écarter d’emblée l’argument de la requérante tiré des responsabilités de la Commission dans le cadre du programme Galileo.

219    Il est certes vrai que la Commission assume la responsabilité générale du programme Galileo et que, pour la phase de déploiement de ce programme, elle doit conclure une convention de délégation avec l’ESA précisant les tâches de cette dernière, notamment en ce qui concerne la passation des marchés se rapportant au système. C’est précisément dans le cadre de la convention de délégation qui a été conclue entre la Commission et l’ESA que celle-ci, agissant au nom et pour le compte de la Commission, était chargée d’organiser le dialogue compétitif litigieux, alors que la Commission demeurait le pouvoir adjudicateur (voir points 4 et 5 ci-dessus).

220    Toutefois, contrairement à ce que semble faire valoir la requérante, la responsabilité du programme Galileo ne saurait modifier, voire accroître, les obligations de la Commission en tant que pouvoir adjudicateur, qui restent celles prévues, en général, par le titre VII du règlement financier et, en particulier pour ce qui concerne les marchés publics conclus dans le cadre du déploiement du programme Galileo, par le chapitre V du règlement no 1285/2013.

221    En deuxième lieu et en tout état de cause, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré d’une prétendue violation d’une obligation d’adopter une décision autonome de la part de la Commission concernant l’attribution du marché.

222    Il convient de relever, tout d’abord que, aux termes de l’article 150, paragraphes 1 et 2, du règlement financier, les offres soumises dans le cadre d’un appel d’offres sont évaluées par un comité d’évaluation nommé par le pouvoir adjudicateur. De plus, le pouvoir adjudicateur ne peut déroger à la nomination d’un comité d’évaluation que dans les cas prévus à l’article 168, paragraphe 5, du même règlement. Ensuite, il résulte de l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 30.1, dudit règlement que les résultats de l’évaluation effectuée par le comité d’évaluation sont présentés dans un rapport d’évaluation contenant la proposition d’attribuer le marché. Enfin, le pouvoir adjudicateur prend sa décision soit par l’approbation du rapport d’évaluation, soit, le cas échéant, en fournissant les raisons de ne pas suivre la recommandation formulée dans le rapport d’évaluation, soit, le cas échéant, en fournissant les raisons pour lesquelles il a décidé de ne pas attribuer le marché, conformément à l’annexe I, chapitre 1, section 2, point 30.3, dudit règlement.

223    Il s’ensuit que, d’une part, dans les cas où un comité d’évaluation a été nommé par le pouvoir adjudicateur, c’est à ce comité qu’il appartient de faire l’évaluation des offres soumises. D’autre part, s’il est certes vrai que le pouvoir adjudicateur n’est pas lié par le rapport d’évaluation, il n’en demeure pas moins que, dans les cas où le pouvoir adjudicateur décide de suivre la proposition d’attribution formulée dans ledit rapport, sa décision d’attribution peut se fonder sur ledit rapport.

224    En l’espèce, il convient de constater que les offres finales des soumissionnaires ont été évaluées par un comité d’évaluation, composé par des représentants de l’ESA, de la GSA et de la Commission, lequel a présenté les résultats de son évaluation dans un rapport d’évaluation, sur la base duquel la Commission a adopté les décisions attaquées (voir points 14 et 17 ci-dessus). De plus, comme la Commission le précise, sans que la requérante le conteste, ce comité était composé d’un groupe d’environ 70 personnes ayant l’expérience et les qualifications appropriées par rapport à l’objet du marché.

225    Partant, le fait que les décisions attaquées ont été motivées par le renvoi au rapport d’évaluation, la Commission faisant sienne l’opinion du comité d’évaluation chargé d’évaluer les offres soumises, n’enlève rien au fait qu’elles ont été adoptées, de façon autonome, par la Commission, en qualité de pouvoir adjudicateur.

226    En troisième lieu, il convient d’écarter l’argument de la requérante tiré d’une appréciation erronée des offres de la part du comité d’évaluation, étant donné que cet argument, très général, n’a pas d’autonomie par rapport aux arguments soulevés par la requérante dans le cadre du troisième moyen, lesquels ont été écartés (voir point 215 ci-dessus).

227    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le quatrième moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’irrecevabilité soulevée par la République italienne dans son mémoire en intervention.

 Sur la demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction

228    Pour autant que le deuxième chef de conclusions visant à faire produire le dossier du dialogue compétitif litigieux doive être interprété comme une demande de mesure d’organisation de la procédure ou d’instruction (voir point 32 ci-dessus), il convient, en tout état de cause, de ne pas faire droit à une telle demande.

229    En effet, il y a lieu de constater que la requérante n’indique pas avec précision les motifs de nature à justifier cette demande, comme cela est exigé par l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure. Au demeurant, rien ne permet d’établir que la production de ce dossier serait pertinente ou utile afin de statuer sur le présent recours.

230    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue une analyse comparative minutieuse de son offre et de l’offre retenue. De même, le pouvoir adjudicateur n’est pas tenu de fournir à un soumissionnaire évincé, sur demande écrite de ce dernier, une copie complète du rapport d’évaluation (voir, par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, Securitec/Commission, T‑661/18, EU:T:2020:319, point 51 et jurisprudence citée).

231    En tout état de cause, les éléments contenus dans le dossier de la présente affaire sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

232    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

233    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, y compris les dépens afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

234    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Ainsi, la République italienne, intervenue au soutien des conclusions de la Commission, supportera ses propres dépens.

235    Par ailleurs, aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut décider qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que ADS, intervenue au soutien des conclusions de la Commission, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      OHB System AG supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      La République italienne et Airbus Defence and Space GmbH supporteront chacune leurs propres dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 avril 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2 Données confidentielles occultées.