Language of document : ECLI:EU:T:2021:342

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative CCA CHARTERED CONTROLLER ANALYST CERTIFICATE – Marques de l’Union européenne verbale antérieure CFA et figurative antérieure CFA CHARTERED FINANCIAL ANALYST – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Public pertinent – Niveau d’attention »

Dans l’affaire T‑266/20,

Global Chartered Controller Institute SL, établie à Alicante (Espagne), représentée par Mes M. Pomares Caballero et T. Barber Giner, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. P. Villani et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

CFA Institute, établie à Charlottesville, Virginie (États-Unis), représentée par Mes G. Engels et W. May, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 25 février 2020 (affaire R 235/2019‑5), relative à une procédure d’opposition entre CFA Institute et Global Chartered Controller Institute,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et M. B. Berke, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 27 octobre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 octobre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 juin 2016, la requérante, Global Chartered Controller Institute SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/126, du 8 juillet 2016.

5        Le 29 août 2016, l’intervenante, CFA Institute, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne verbale CFA, déposée le 4 janvier 2000 et enregistrée le 2 mars 2001 sous le numéro 1448596, désignant notamment les services relevant des classes 16, 41 et 42 et correspondant, respectivement, à la description suivante : « Publications imprimées dans le domaine de l’analyse financière et destinées à la promotion des intérêts des analystes financiers », compris dans la classe 16, « Services éducatifs, à savoir organisation, traitement et mise à disposition de cours, réunions de discussion, séminaires et conférences dans le domaine de l’analyse financière et diffusion de matériel de cours y afférent », compris dans la classe 41 et « Services associatifs, plus particulièrement destinés à la promotion des intérêts des analystes financiers », compris dans la classe 42 ;

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, déposée le 13 janvier 2000 et enregistrée le 8 octobre 2002 sous le numéro 1460534, désignant les services relevant de la classe 42 et correspondant à la description suivante : « Services d’associations, à savoir promotion de l’éducation, de la responsabilisation professionnelle, de l’éthique et de l’intégrité des analystes financiers » :

Image not found

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 30 novembre 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité en raison de l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit.

9        Le 30 janvier 2019, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre l’intégralité de la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 25 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement accueilli le recours.

11      Premièrement, en ce qui concerne la comparaison des services, la chambre de recours a considéré que les services visés par la marque demandée, relevant des classes 35 et 41, étaient, en partie, identiques ou similaires à des degrés différents et, en partie, différents des services visés par les marques antérieures, relevant des classes 16, 41 et 42.

12      En particulier, la chambre de recours a constaté que les services « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale », compris dans la classe 35, et les services « éducation ; formation », compris dans la classe 41, visés par la marque demandée présentaient une similitude d’un degré variable avec les services « associatifs » et « associations », relevant de la classe 42, couverts par les marques antérieures. De même, elle a estimé que les services « éducation ; formation », susmentionnés, devaient être considérés comme identiques aux « services éducatifs », relevant de la classe 41, couverts par les marques antérieures, dans la mesure où ces derniers étaient inclus dans les premiers. En revanche, la chambre de recours a estimé que les services « travaux de bureau », compris dans la classe 35, et les services « divertissement ; activités sportives et culturelles », compris dans la classe 41, visés par la marque demandée étaient différents des « publications imprimées dans le domaine de l’analyse financière », des « services éducatifs » et des « services d’associations professionnelles », relevant des classes 16, 41 et 42, couverts par les marques antérieures.

13      Deuxièmement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent, aux fins de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit pour les services jugés identiques ou similaires était constitué à la fois du grand public intéressé par l’éducation (permanente) et par la formation et d’un public spécialisé constitué de professionnels des affaires et de professionnels du domaine de la finance, possédant des connaissances ou une expertise spécifique. La chambre de recours a considéré dès lors que le niveau d’attention varierait de moyen à élevé et que, dans ce contexte, il convenait de prendre en considération, conformément à la jurisprudence, le niveau d’attention le moins élevé, à savoir celui du consommateur faisant partie du grand public. En outre, la chambre de recours a concentré son appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit sur le public allemand.

14      Troisièmement, en ce qui concerne la comparaison des signes, la chambre de recours a estimé que leur similitude allait de faible à moyenne sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, sauf dans le cas de la marque verbale antérieure pour lequel les signes ont été jugés différents, eu égard à l’absence de signification de celle-ci.

15      Quatrièmement, en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a constaté, à la lumière des preuves présentées par l’intervenante, que les marques antérieures possédaient un caractère distinctif accru acquis par l’usage au moins en Allemagne. Sur cette base, la chambre de recours a estimé que, s’agissant des services ayant été jugés identiques et similaires, il ne saurait être exclu que, en présence du signe complexe contesté et de son élément verbal dominant « CCA », le public pertinent puisse le confondre avec l’élément « CFA » des marques antérieures, compte tenu notamment de la protection étendue dont celles-ci bénéficiaient en Allemagne. En revanche, la chambre de recours a considéré qu’aucun risque de confusion ne pouvait être constaté pour les services ayant été jugés différents.

16      Cinquièmement, quant aux services jugés différents, la chambre de recours est parvenue au constat selon lequel le recours n’était pas non plus fondé au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, étant donné, d’une part, que les éléments de preuve produits par l’intervenante n’attestaient pas que les marques antérieures jouissaient d’une renommée pour lesdits services et, d’autre part, qu’il était hautement improbable que le public pertinent fasse une association mentale entre les signes en conflit pour des services différents.

17      Eu égard aux considérations qui précèdent, la chambre de recours a annulé la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté l’opposition pour les services « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale », relevant de la classe 35, et « éducation ; formation », relevant de la classe 41. En revanche, elle a confirmé l’enregistrement de la marque demandée pour les services « travaux de bureau », compris dans la classe 35, et « divertissement, activités sportives et culturelles », compris dans la classe 41.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer la décision attaquée en constatant que les conditions d’application du motif relatif de refus d’enregistrement visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne sont pas réunies ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO à supporter les dépens exposés devant le Tribunal et la chambre de recours et condamner l’intervenante à supporter les dépens exposés devant la division d’opposition.

19      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

20      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 6 juin 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

21      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et à l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du même règlement comme visant, respectivement, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et l’article 75, première phrase, du même règlement, tel que modifié, dont la teneur est identique.

22      Au demeurant, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), toute question procédurale est régie par le règlement 2017/1001, en vigueur au moment où la décision attaquée a été adoptée.

 Sur les conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée

23      À l’appui de ses conclusions en annulation, la requérante invoque deux moyens, tirés de la violation, le premier, de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de l’article 75, première phrase, de ce règlement.

24      S’agissant du premier moyen de la requérante, il s’articule autour de quatre griefs, visant à constater des erreurs de la chambre de recours, en premier lieu, lors de la détermination du public pertinent et de son niveau d’attention, en deuxième lieu, lors de la comparaison des signes en conflit, en troisième lieu, à l’occasion de la détermination du caractère distinctif élevé en Allemagne des marques antérieures et, en quatrième lieu, quant à l’appréciation globale du risque de confusion entre les marques en conflit.

25      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

26      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

27      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

28      À titre liminaire, il convient de constater, à l’instar de l’EUIPO, que la requérante ne conteste pas la conclusion tirée par la chambre de recours, aux points 26 à 34 de la décision attaquée, quant à la comparaison des services visés par les marques en cause, selon laquelle, en substance, les services relevant des classes 35 et 41, visés par la marque demandée, étaient, en partie, identiques ou similaires à des degrés différents et, en partie, différents des services relevant des classes 16, 41 et 42, couverts par les marques antérieures.

29      Concernant le premier grief du premier moyen, relatif au public pertinent des services jugés identiques ou similaires, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir identifié de manière incorrecte et imprécise tant le public visé par les services en cause que son niveau d’attention. En particulier, elle considère que la chambre de recours a conclu à tort que ledit public se composait à la fois d’un public spécialisé et d’un grand public et que, dans ce contexte, il convenait de prendre en compte un niveau d’attention moyen lors de l’appréciation du risque de confusion. Selon la requérante, d’une part, le public pertinent devrait être considéré comme étant constitué exclusivement par un public spécialisé, lié à l’analyse financière ou aux analystes financiers, en raison notamment de la spécificité des services couverts par les marques antérieures. D’autre part, elle estime que ledit public fera preuve, dans tous les cas, d’un niveau d’attention élevé, eu égard au fait qu’il s’agit de services spécifiques au secteur financier ou liés aux questions financières. En effet, il ressortirait de la jurisprudence que ces services exigent une attention particulière et une sélection précise et informée au moment de les choisir, étant donné que le public visé par lesdits services n’en a pas recours de manière quotidienne.

30      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante,  conteste ces arguments, en faisant valoir que l’appréciation effectuée par la chambre de recours quant au public pertinent et à son niveau d’attention doit être entérinée. En substance, ils estiment que le niveau d’attention dudit public doit être considéré comme étant moyen, dans la mesure où les consommateurs concernés relèvent non seulement du domaine professionnel, mais également du grand public. En outre, tant l’EUIPO que l’intervenante considèrent que la jurisprudence citée par la requérante à l’appui de son argumentation ne présente aucune analogie avec la présente espèce. À cet égard, l’intervenante soutient, en particulier, que, à la différence des arrêts invoqués, les services concernés par les marques antérieures ne relèvent pas du secteur financier, mais du domaine de l’éducation. Elle ajoute que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, lesdits services n’impliquent pas un investissement substantiel pour les consommateurs pertinents dans une mesure qui justifierait un niveau d’attention accru.

31      Conformément à la jurisprudence, l’identification du public concerné et de son niveau d’attention par les marques en conflit revêt une importance cruciale pour l’appréciation du risque de confusion, car cette dernière ne doit pas être effectuée sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent, mais doit être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 29].

32      S’agissant du niveau d’attention du public pertinent, aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie des services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

33      Il résulte également de la jurisprudence que le public pertinent est composé de consommateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services de la marque antérieure que ceux de la marque demandée [voir arrêt du 8 mai 2014, Pyrox/OHMI – Köb Holzheizsysteme (PYROX), T‑575/12, non publié, EU:T:2014:242, point 32 et jurisprudence citée].

34      En effet, en règle générale, lorsque les produits ou les services de l’une des marques en conflit sont inclus dans la désignation plus large visée par l’autre marque, le public pertinent est défini par référence au libellé le plus spécifique [arrêt du 30 septembre 2010, PVS/OHMI ‐ MeDiTA Medizinische Kurierdienst (medidata), T‑270/09, non publié, EU:T:2010:419, point 28].

35      Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait qu’un public restreint et spécialisé est susceptible d’avoir des connaissances spécifiques relatives aux produits ou aux services concernés par les marques en conflit et de faire preuve, à cet égard, d’un niveau d’attention élevé, par rapport à celui du grand public. Il s’agit de facteurs pouvant jouer un rôle déterminant, s’agissant de l’existence ou de l’absence d’un risque de confusion entre lesdites marques (voir arrêt du 24 mai 2011, ancotel, T‑408/09, non publié, EU:T:2011:241, point 30 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, il ressort, en substance, des points 26 à 28 et des points 31 et 32 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les services visés par la marque demandée relevant de la classe 35 étaient destinés au public professionnel, alors que ceux relevant de la classe 41 s’adressaient tant au grand public qu’aux professionnels. Sur cette base, la chambre de recours a constaté, aux points 38 et 66 de la décision attaquée, que, s’agissant de ces deux classes, le niveau d’attention varierait de moyen à élevé et a conclu que, lors de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, il convenait de prendre en considération, conformément à la jurisprudence, le niveau d’attention le moins élevé, à savoir celui du consommateur faisant partie du grand public.

37      Cette analyse ne saurait être entérinée.

38      En premier lieu, s’agissant des services « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale », compris dans la classe 35, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les services relevant d’une telle classe s’adressent à un public professionnel faisant preuve d’un niveau d’attention plus élevé [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2015, Granette & Starorežná Distilleries/OHMI – Bacardi (42 VODKA JEMNÁ VODKA VYRÁBĚNÁ JEDINEČNOU TECHNOLOGIÍ 42 %vol.), T‑607/13, non publié, EU:T:2015:292, point 33 et jurisprudence citée].

39      En effet, d’une part, quant aux services « publicité », ceux-ci sont utilisés par un grand nombre de professionnels dont le niveau d’attention est, selon la jurisprudence, élevé [voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 27, et du 13 mars 2018, Kiosked/EUIPO – VRT (K), T‑824/16, EU:T:2018:133, points 39 et 43].

40      D’autre part, quant aux services « gestion des affaires commerciales ; administration commerciale », qui visent principalement à fournir une aide dans l’exploitation ou la direction d’une entreprise commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2010, medidata, T‑270/09, non publié, EU:T:2010:419, point 51), ils sont généralement assurés par des entreprises spécialisées, dont le but principal est de rassembler des informations et de proposer les outils et l’expertise nécessaires pour permettre à leurs clients, qui sont eux-mêmes des professionnels, de réaliser leurs activités ou de fournir à des entreprises le soutien nécessaire pour se développer [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2011, dm-drogerie markt/OHMI – Semtee (caldea), T‑304/10, non publié, EU:T:2011:602, point 25]. Selon la jurisprudence, ces services s’adressent à un éventail spécialisé de personnes, incluant, d’une part, des spécialistes et, d’autre part, des personnes qui ont besoin de conseils professionnels sur des sujets financiers, juridiques ou commerciaux. Il s’agit, partant, d’un profil d’utilisateurs assez spécialisés ou informés [arrêt du 11 mai 2005, CM Capital Markets/OHMI – Caja de Ahorros de Murcia (CM), T‑390/03, EU:T:2005:170, points 6 et 26].

41      Dès lors, force est de constater que, même si la chambre de recours a établi, à juste titre, que les services visés par la marque demandée compris dans la classe 35 concernaient uniquement un public composé de professionnels, elle a commis une erreur en prenant en compte, lors de l’appréciation du risque de confusion entre les signes en cause pour cette classe, un niveau d’attention moyen, et non élevé.

42      À cet égard, il convient de relever que, bien que la jurisprudence citée par la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée établisse le principe selon lequel, en présence de consommateurs faisant partie du grand public et de professionnels, le niveau d’attention le moins élevé de ces deux groupes doit être pris en considération, un tel principe ne saurait être applicable aux catégories des services pour lesquels, comme en l’espèce, le public pertinent ne concerne que des professionnels.

43      En second lieu, s’agissant des services « éducation ; formation », relevant de la classe 41, visés par la marque demandée, d’une part, il convient de relever, d’emblée, que, lors de la comparaison ressortant des points 31 et 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que lesdits services devaient être considérés comme identiques aux « services éducatifs », relevant de la classe 41, visés par la marque verbale antérieure. En particulier, ces derniers services sont définis dans l’enregistrement de cette marque verbale comme étant des services d’« organisation, traitement et mise à disposition de cours, réunions de discussion, séminaires et conférences dans le domaine de l’analyse financière et diffusion de matériel de cours y afférent ».

44      D’autre part, la chambre de recours a estimé que les mêmes services, relevant de la classe 41, visés par la marque demandée étaient similaires aux « services associatifs » et aux « services d’associations » relevant de la classe 42 et visés par les marques verbale et figurative antérieures. Ces deux dernières catégories de services sont définies plus particulièrement, dans l’enregistrement de chacune de ces marques, comme étant des services « destinés à la promotion des intérêts des analystes financiers » et comme des services de « promotion de l’éducation, de la responsabilisation professionnelle, de l’éthique et de l’intégrité des analystes financiers ».

45      Il s’ensuit que, ainsi que la requérante le fait valoir, le public pertinent et son niveau d’attention, aux fins de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, devaient être déterminés, en application de la jurisprudence citée au point 34 ci‑dessus, par rapport aux services désignés par les marques antérieures, tels que définis spécifiquement dans le cadre de l’enregistrement de celles-ci.

46      Or, à cet égard, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé au point 34 de la décision attaquée, il y lieu de considérer que les services désignés par les marques antérieures, dont ceux relevant du domaine éducatif, s’adressent à des consommateurs qui, même s’ils appartiennent à la fois au public spécialisé et au grand public, sont censés faire preuve, dans tous les cas, d’un niveau d’attention élevé.

47      En effet, il convient de constater que, bien que les services désignés par les marques antérieures ne relèvent pas du secteur financier, comme l’intervenante le soutient, il n’en demeure pas moins qu’ils sont définis par rapport à un contenu de formation économique très spécifique, à savoir l’analyse des finances. Dans ce contexte, les consommateurs intéressés par ces services, même s’ils appartiennent au grand public, y consacreront une attention particulière lors du choix des programmes de leur préférence, normalement après une étude et une comparaison des offres d’éducation, comme le relève la requérante.

48      À cet égard, il y a lieu de souligner que, dès lors que les consommateurs n’ont pas recours aux services de formation financière de manière quotidienne, leur niveau d’attention ne peut pas équivaloir à celui dont ils font preuve à l’égard de services de consommation courante, mais, en revanche, doit être considéré nécessairement plus élevé [voir, en ce sens, arrêt du 13 octobre 2009, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Redrock Construction (REDROCK), T‑146/08, non publié, EU:T:2009:398, point 45 et jurisprudence citée].

49      En outre, contrairement à la thèse défendue par l’intervenante,  l’investissement exigé pour accéder aux services de formation visés par les marques antérieures justifie également la prise en compte d’un niveau d’attention élevé de la part des consommateurs concernés, étant donné que les prix des programmes de formation financière sont, comme il ressort des documents du dossier devant l’EUIPO, non négligeables, s’appuyant souvent sur l’attribution de bourses d’études.

50      Ainsi, contrairement à la conclusion à laquelle la chambre de recours est parvenue, s’agissant des services relevant de la classe 41, visés par la marque demandée, considérés comme identiques ou similaires aux services relevant des classes 41 et 42, couverts par les marques antérieures, le niveau d’attention du consommateur moyen devait être considéré comme élevé, qu’il s’agisse de celui relevant du grand public ou de celui relevant des professionnels.

51      Eu égard à ce qui précède, dès lors que la chambre de recours a conclu aux points 38 et 66 de la décision attaquée que, aux fins de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit par rapport aux services visés par celles-ci, il convenait de prendre en considération un niveau d’attention moyen, à la place d’un niveau d’attention élevé, elle a commis une erreur.

52      Cette erreur a vicié l’ensemble de l’appréciation, par ladite chambre, de l’éventuel risque de confusion entre les marques en conflit. En effet, s’il ne saurait, a priori, être exclu que, même pour un public faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, un tel risque puisse subsister en cas d’identité ou de similitude entre les marques et les services en cause, il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 31 ci‑dessus, cette appréciation doit être fondée sur la perception concrète de ces marques et de ces services par le public pertinent.

53      Il s’ensuit que, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs invoqués par la requérante dans le cadre de ses premier et second moyens, ni encore de se prononcer sur la recevabilité de l’annexe A 6 de la requête, contestée par l’intervenante, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les conclusions visant à la réformation de la décision attaquée

54      S’agissant des conclusions de la requérante visant à demander au Tribunal de réformer la décision attaquée, en constatant que les conditions d’application du motif relatif de refus d’enregistrement visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 ne sont pas réunies, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par la chambre de recours, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre (arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 72).

55      En l’espèce, les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal, telles qu’elles ressortent de l’arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI (C‑263/09 P, EU:C:2011:452), ne sont pas réunies.

56      En effet, comme il a été relevé aux points 51 et 52 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas examiné, dans la décision attaquée, l’éventuelle existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, en se fondant sur un niveau d’attention élevé du public pertinent quant aux services relevant de la classe 35 et de la classe 41, visés par la marque demandée, jugés comme identiques ou similaires aux services couverts par les marques antérieures. Partant, il n’appartient pas au Tribunal d’y procéder, pour la première fois, dans le cadre de son contrôle de légalité de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI ‐ Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, EU:T:2010:190, point 124 et jurisprudence citée].

57      Dans ces conditions, le Tribunal ne pouvant exercer son pouvoir de réformation de la décision attaquée, il convient d’écarter les conclusions de la requérante à cet égard.

 Sur les dépens

58      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé. La requérante n’ayant conclu qu’à la condamnation de l’EUIPO aux dépens devant le Tribunal, il y a lieu de condamner ce dernier à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante dans le cadre de la présente instance.

59      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens dans la présente instance.

60      En outre, la requérante a conclu, d’une part, à la condamnation de l’EUIPO aux dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la procédure administrative devant la chambre de recours et, d’autre part, à la condamnation de l’intervenante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant la division d’opposition.

61      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition [voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Coca-Cola/EUIPO – Mitico (Master), T‑61/16, EU:T:2017:877, point 126 et jurisprudence citée].

62      Partant, d’une part, s’agissant des dépens exposés par la requérante devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt accueille le recours dirigé contre la décision attaquée, ces dépens sont réservés en attendant le résultat de la procédure devant l’EUIPO, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001. D’autre part, la demande de la requérante tendant à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens de la procédure administrative devant la division d’opposition de l’EUIPO, qui ne constituent pas des dépens récupérables, ne saurait être accueillie.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 février 2020 (affaire R 235/20195) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Global Chartered Controller Institute SL, à l’exception des dépens exposés par cette dernière devant la chambre de recours, qui demeurent réservés.

3)      CFA Institute supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.