Language of document : ECLI:EU:C:2022:404

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 19 mai 2022 (1)

Affaire C24/20

Commission européenne

contre

Conseil de l’Union européenne

« Recours en annulation – Décision (UE) 2019/1754 – Adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques – Autorisation accordée aux États membres d’adhérer audit acte aux côtés de l’Union – Absence de proposition de la Commission – Pouvoir du Conseil d’amender la proposition de la Commission – Compétence externe exclusive de l’Union – Article 13, paragraphe 2, et article 17, paragraphe 2, TUE – Article 2, paragraphe 1, article 218, paragraphe 6, et article 293, paragraphe 1, TFUE »






I.      Introduction

1.        Les Américains disent que si quelque chose ressemble à un canard, nage comme un canard et cancane comme un canard, c’est un canard. En réalité, la qualification des éléments présents devant nos yeux, aussi évidente qu’elle puisse paraître à première vue, peut toujours faire l’objet d’un débat. Cela est d’autant plus vrai en ce qui concerne les notions abstraites.

2.        Ainsi, dans la présente affaire, la Commission européenne met en question la compétence du Conseil de l’Union européenne pour amender, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, sa proposition d’un acte juridique de l’Union au motif que la modification apportée par le Conseil dépasse les limites d’un amendement. En substance, la Commission présente à la Cour un amendement de la proposition effectué par le Conseil et, à l’instar de René Magritte, relève : « Ceci n’est pas un amendement ». C’est cette dernière constatation qui est soumise à l’appréciation de la Cour dans la présente affaire.

II.    Le cadre juridique

3.        La présente affaire concerne deux traités internationaux administrés par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

A.      L’arrangement de Lisbonne

4.        L’arrangement de Lisbonne concernant la protection des appellations d’origine et leur enregistrement international est un traité qui a été signé le 31 octobre 1958, révisé à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifié le 28 septembre 1979 (2) (ci-après l’« arrangement de Lisbonne »). Il constitue un arrangement particulier au sens de l’article 19 de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 (3) (ci-après la « convention de Paris »), auquel tout État partie à cette convention peut adhérer.

5.        Sept États membres de l’Union européenne sont parties à l’arrangement de Lisbonne, à savoir la République de Bulgarie, la République tchèque, la République française, la République italienne, la Hongrie, la République portugaise et la République slovaque (4). En revanche, l’Union n’est pas partie à cet arrangement, auquel ne peuvent adhérer que des États.

6.        Selon l’article 1er de l’arrangement de Lisbonne, les États auxquels celui-ci s’applique sont constitués à l’état d’Union particulière (ci-après l’« Union particulière ») dans le cadre de l’Union pour la protection de la propriété industrielle instituée par la convention de Paris et s’engagent à protéger, sur leur territoire et selon les termes de cet arrangement, les appellations d’origine des produits des autres États de cette Union particulière, reconnues et protégées à ce titre dans le pays d’origine et enregistrées au bureau international de l’OMPI.

B.      L’acte de Genève

7.        Le 20 mai 2015, une conférence diplomatique a adopté l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (5) (ci-après l’« acte de Genève »), qui constitue une révision de l’arrangement de Lisbonne. À la différence de cet arrangement, l’acte de Genève prévoit, à son article 28, paragraphe 1, sous iii), la faculté pour les organisations intergouvernementales (ci-après les « OIG ») de devenir partie à celui-ci (6).

8.        L’article 22 de l’acte de Genève comporte des dispositions relatives à l’Assemblée de l’Union particulière (ci-après l’« assemblée »), qui est composée des parties contractantes à cet acte et des États parties à l’arrangement de Lisbonne. Conformément à l’article 22, paragraphe 2, de cet acte, l’assemblée, notamment, traite de toutes les questions concernant le maintien et le développement de l’Union particulière et l’application dudit acte, modifie le règlement d’exécution, adopte le règlement financier de l’Union particulière et adopte les modifications des articles 22 à 24 et 27 du même acte.

9.        L’article 22, paragraphe 4, de l’acte de Genève, intitulé « Prise des décisions au sein de l’[a]ssemblée », dispose :

« a)      L’[a]ssemblée s’efforce de prendre ses décisions par consensus.

b)      Lorsqu’il n’est pas possible d’arriver à une décision par consensus, la décision sur la question à l’examen est mise aux voix. Dans ce cas,

(i)      chaque partie contractante qui est un État dispose d’une voix et vote uniquement en son propre nom ; et

(ii)      toute partie contractante qui est une [OIG] peut participer au vote à la place de ses États membres, avec un nombre de voix égal au nombre de ses États membres qui sont parties au présent Acte. Aucune [OIG] ne participe au vote si l’un de ses États membres exerce son droit de vote, et inversement.

c)      Sur les questions qui ne concernent que les États liés par [l’arrangement de Lisbonne], les parties contractantes qui ne sont pas liées par [cet arrangement] n’ont pas le droit de vote, alors que, sur les questions qui ne concernent que les parties contractantes, seules ces dernières ont le droit de vote. »

10.      Aux termes de l’article 31 de l’acte de Genève, intitulé « Application de l’[arrangement de Lisbonne] » :

« (1)      [Relations entre les États parties à la fois au présent Acte et à l’[arrangement de Lisbonne]] Seul le présent Acte lie, dans leurs relations mutuelles, les États parties à la fois au présent Acte et à l’[arrangement de Lisbonne]. Toutefois, en ce qui concerne les enregistrements internationaux d’appellations d’origine en vigueur au titre de l’[arrangement de Lisbonne], les États accordent une protection non moins élevée que ne le prescrit l’[arrangement de Lisbonne].

(2)      [Relations entre les États parties à la fois au présent Acte et à l’[arrangement de Lisbonne] et les États parties à l’[arrangement de Lisbonne] qui ne sont pas parties au présent Acte] Tout État partie à la fois au présent Acte et à l’[arrangement de Lisbonne] continue d’appliquer l’[arrangement de Lisbonne], selon le cas, dans ses relations avec les États parties à l’[arrangement de Lisbonne] qui ne sont pas parties au présent Acte. »

11.      Le règlement d’exécution commun à l’arrangement de Lisbonne et à l’acte de Genève (7), adopté sur le fondement de l’article 25 de l’acte de Genève, prévoit, à sa règle 7, un mécanisme permettant la protection, au titre de l’acte de Genève, des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne en cas d’adhésion à l’acte de Genève d’un État partie à l’arrangement de Lisbonne (8).

III. Les antécédents du litige

12.      Dans la perspective de la conférence diplomatique convoquée à Genève du 11 au 21 mai 2015 en vue de l’examen et de l’adoption d’un projet d’arrangement de Lisbonne révisé, la Commission a adopté, le 30 mars 2015, une recommandation de décision du Conseil autorisant l’ouverture de négociations concernant un arrangement de Lisbonne révisé sur les appellations d’origine et les indications géographiques. Dans cette recommandation, la Commission a notamment invité le Conseil à fonder sa décision sur l’article 207 ainsi que sur l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE, compte tenu de la compétence exclusive attribuée à l’Union à l’article 3, paragraphe 1, TFUE dans le domaine de la politique commerciale commune.

13.      Le 7 mai 2015, le Conseil a adopté la décision 8512/15 autorisant l’ouverture de négociations relatives à un arrangement de Lisbonne révisé concernant les appellations d’origine et les indications géographiques, pour ce qui est des questions qui relèvent de la compétence de l’Union européenne. À la différence de ce qu’avait recommandé la Commission, cette décision a été fondée sur l’article 114 ainsi que sur l’article 218, paragraphes 3 et 4, TFUE.

14.      Par son arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé)  (9), la Cour a annulé la décision 8512/15 du Conseil, en jugeant que la négociation de l’acte de Genève relève de la compétence exclusive que l’article 3, paragraphe 1, TFUE attribue à l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune visée à l’article 207, paragraphe 1, TFUE (10).

15.      Le 27 juillet 2018, la Commission a présenté une proposition de décision du Conseil relative à l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève (11) (ci-après la « proposition de décision »), sur la base de l’article 207 et de l’article 218, paragraphe 6, sous a), TFUE. Eu égard à la compétence exclusive de l’Union, il a été proposé que seule l’Union adhère à cet acte.

16.      À la suite des débats, le Conseil a transmis au Parlement européen un projet de décision prévoyant, outre l’approbation de l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, l’autorisation pour les États membres qui le souhaitent d’adhérer à cet acte (ci-après l’« autorisation litigieuse »). Le 16 avril 2019, le Parlement a approuvé ce projet de décision.

17.      La Commission s’est opposée au projet du Conseil. Dans une déclaration du 20 septembre 2019, elle a contesté la faculté d’autoriser tous les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer parallèlement à l’Union. En revanche, elle a indiqué être disposée à accepter que les sept États membres qui étaient parties à l’arrangement de Lisbonne et qui avaient déjà enregistré de nombreux droits de propriété intellectuelle au titre de cet arrangement soient autorisés à adhérer à l’acte de Genève dans l’intérêt de l’Union.

18.      Le 7 octobre 2019, le Conseil a adopté à l’unanimité, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, la décision (UE) 2019/1754 (12) (ci-après la « décision attaquée »).

19.      Aux termes des considérants 6, 8, 9 et 10 de la décision attaquée :

« (6)      Pour qu’elle puisse exercer correctement sa compétence exclusive en ce qui concerne les domaines relevant de l’acte de Genève et ses fonctions dans le cadre de ses régimes de protection exhaustifs pour les appellations d’origine et les indications géographiques des produits agricoles, l’Union devrait adhérer à l’acte de Genève et en devenir partie contractante.

[...]

(8)      L’Union devrait s’employer à régulariser la question de ses droits de vote à l’[assemblée] en vue d’assurer sa participation effective au processus décisionnel eu égard à l’article 22, paragraphe 4, [sous] b), ii), de l’acte de Genève. Il convient donc que les États membres qui le souhaitent soient également autorisés à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, selon le cas, aux côtés de l’Union, dans l’intérêt de celle-ci.

(9)      Ceci permettrait en même temps de garantir la continuité des droits résultant du fait que sept États membres sont actuellement membres de l’Union particulière.

(10)      La ratification par les États membres ou l’adhésion de ceux-ci devrait cependant respecter pleinement la compétence exclusive de l’Union, et l’Union serait toujours chargée d’assurer l’exercice des droits et le respect des obligations de l’Union et des États membres au titre de l’acte de Genève. »

20.      L’article 1er, premier alinéa, de cette décision énonce :

« Par la présente, l’adhésion de l’[Union] à l’[acte de Genève] est approuvée au nom de l’Union. »

21.      L’article 3 de ladite décision prévoit :

« Les États membres qui le souhaitent sont autorisés à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer, selon le cas, aux côtés de l’Union, dans l’intérêt et dans le plein respect de la compétence exclusive de celle-ci. »

22.      L’article 4 de la même décision dispose :

« 1.      L’Union et les États membres qui ratifient ou qui adhèrent à l’acte de Genève conformément à l’article 3 de la présente décision sont représentés au sein de l’Union particulière par la Commission, conformément à l’article 17, paragraphe 1, [TUE]. Il incombe à l’Union d’assurer l’exercice des droits et le respect des obligations de l’Union et des États membres qui ratifient l’acte de Genève ou qui y adhèrent conformément à l’article 3 de la présente décision.

La Commission procède à l’ensemble des notifications nécessaires au titre de l’acte de Genève pour le compte de l’Union et des États membres en question.

En particulier, la Commission est désignée comme étant l’administration compétente mentionnée à l’article 3 de l’acte de Genève, qui est chargée de l’administration dudit acte sur le territoire de l’Union et des communications avec le Bureau international de la propriété intellectuelle de l’OMPI au titre de l’acte de Genève et du règlement d’exécution commun à l’arrangement de Lisbonne et à l’acte de Genève [...].

2.      L’Union vote à l’[assemblée] et les États membres qui ont ratifié l’acte de Genève ou qui y ont adhéré n’exercent pas leur droit de vote. »

23.      Le 17 janvier 2020, la Commission a introduit le présent recours en annulation.

24.      L’acte de Genève est entré en vigueur le 26 février 2020 et lie l’Union à partir de cette date. Au cours de l’année 2021, sur la base de l’autorisation prévue à l’article 3 de la décision attaquée, la République française et la Hongrie ont signé et ratifié cet acte.

IV.    Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

25.      La Commission demande à la Cour :

–        d’annuler l’article 3 de la décision attaquée ;

–        d’annuler l’article 4 de la décision attaquée dans la mesure où il contient des références aux États membres ou, à titre subsidiaire, d’annuler entièrement cet article 4 si les références aux États membres sont indissociables du reste de l’article ;

–        de maintenir les effets des parties annulées de la décision attaquée, notamment toute utilisation de l’autorisation accordée en vertu de l’article 3 avant la date de l’arrêt par les États membres qui sont actuellement parties à l’arrangement de Lisbonne, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, d’une décision du Conseil ;

–        de condamner le Conseil aux dépens.

26.      Par acte séparé, déposé au greffe de la Cour le 15 avril 2020, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité, au titre de l’article 151, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour. La Commission a présenté ses observations sur cette exception le 18 mai 2020. Par décision de la Cour du 6 octobre 2020, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond.

27.      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le recours comme étant irrecevable dans son intégralité ;

–        à titre subsidiaire, de rejeter le recours comme étant non fondé dans son intégralité ;

–        de condamner la Commission aux dépens.

28.      Le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

29.      Toutes les parties, à l’exception du Royaume de Belgique et de la République portugaise, ont participé à l’audience qui s’est tenue le 1er février 2022.

V.      Analyse

30.      À l’appui de son recours, la Commission invoque deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de plusieurs articles du traité FUE, du principe d’attribution ainsi que du pouvoir d’initiative de la Commission, en ce qui concerne l’adoption de la décision attaquée par le Conseil sans proposition de la Commission. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 207 TFUE, en ce que le Conseil a outrepassé ses compétences en autorisant les États membres à agir dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union, ainsi que d’un défaut de motivation.

31.      J’examinerai tout d’abord l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil avant d’en venir au fond.

A.      Sur la recevabilité

1.      Les arguments des parties

32.      Le Conseil, soutenu en substance par les États membres intervenants, excipe de l’irrecevabilité du recours de la Commission au motif que celui-ci est dirigé uniquement contre l’article 3 et les éléments de l’article 4 de la décision attaquée (ci-après les « dispositions litigieuses »), qui ne sont pas détachables du reste de cette décision. Selon lui, l’article 3 est interconnecté avec le reste de la décision attaquée, et plus précisément avec l’article 1er de celle-ci. D’une part, ces deux dispositions combinées permettraient à l’Union de disposer de droits de vote au sein de l’assemblée (13), lui donnant ainsi la faculté d’exercer sa compétence externe exclusive dans les domaines relevant de l’acte de Genève. D’autre part, l’article 3 de la décision attaquée garantirait l’ancienneté et la continuité de la protection des indications géographiques (14) enregistrées dans les sept États membres qui sont parties contractantes à l’arrangement de Lisbonne (ci-après les « sept États membres concernés ») (15). L’annulation de cette disposition aurait pour effet d’éliminer le bénéfice de l’adhésion pleine et effective de l’Union à l’acte de Genève ainsi que le bénéfice de l’ancienneté et de la continuité de la protection des indications géographiques enregistrées antérieurement au titre de l’arrangement de Lisbonne. Cette annulation rendrait donc le contenu de la décision attaquée incompatible avec l’objet et le but de celle-ci, tels qu’ils sont exposés, en particulier, aux considérants 6, 8 et 9 de cette décision. Quant à l’article 4 de ladite décision, il serait indissociable de l’article 3 de la même décision.

33.      Par ailleurs, le Conseil considère que l’irrecevabilité de la demande d’annulation partielle de la décision attaquée est étayée par la demande de la Commission visant à maintenir les effets de la décision attaquée. Il soutient que cette demande ne correspond pas à la raison d’être de ce type de demande et que la Commission cherche plutôt à obtenir la révision de la substance de l’article 3 de cette décision.

34.      La Commission rétorque que les dispositions litigieuses sont détachables du reste de la décision attaquée. Selon elle, l’autorisation litigieuse n’est pas nécessaire afin que l’Union puisse exercer correctement sa compétence externe exclusive dans les domaines relevant de cet acte. En effet, les règles applicables pourraient être interprétées en ce sens que les indications géographiques déjà enregistrées par les sept États membres concernés conservent leur ancienneté après l’adhésion de l’Union. En outre, l’assemblée, en réalité, ne voterait pas et l’essentiel de la participation de l’Union ne se matérialiserait pas au sein de l’assemblée. Par conséquent, l’abandon total de toute influence sur le nombre de voix dont dispose l’Union pourrait difficilement être considéré comme un élément essentiel de la décision attaquée. La Commission relève que les arrêts dans lesquels la Cour a jugé que l’annulation partielle d’un acte n’était pas possible concernaient les dispositions de fond. Or, les dispositions litigieuses ne sont pas d’une telle nature. Selon elle, la présente affaire ressemble davantage aux affaires concernant des dispositions « institutionnelles », lesquelles ont toujours été considérées par la Cour comme étant détachables.

35.      Quant à l’argument du Conseil concernant la demande de la Commission visant à maintenir les effets de la décision attaquée, la Commission remet en cause sa pertinence. Selon elle, rien ne permet d’affirmer que la demande visant à annuler l’article 3 de cette décision est irrecevable pour la simple raison qu’elle est assortie d’une demande de maintenir les effets de ladite décision.

36.      La République italienne soulève que le recours est irrecevable dans la mesure où il est dirigé uniquement contre le Conseil alors qu’il aurait dû être dirigé également contre le Parlement, qui a approuvé la décision attaquée conformément à l’article 218, paragraphe 6, sous a), iii), TFUE.

37.      À cet égard, la Commission rétorque que la participation du Parlement à la procédure d’adoption de la décision attaquée ne fait pas de celui-ci l’auteur de l’acte contre lequel peut être dirigé un recours en annulation.

2.      Appréciation

a)      Sur les arguments du Conseil

38.      Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que l’annulation partielle d’un acte de l’Union n’est possible que dans la mesure où les éléments dont l’annulation est demandée sont détachables du reste de l’acte. La Cour a itérativement jugé qu’il n’est pas satisfait à cette exigence lorsque l’annulation partielle d’un acte aurait pour effet de modifier la substance de celui-ci (16). Aussi, la vérification du caractère détachable d’éléments d’un acte de l’Union suppose l’examen de la portée de ceux-ci, afin d’évaluer si une annulation de ces éléments modifierait l’esprit et la substance de cet acte (17). Par ailleurs, la question de savoir si une annulation partielle modifierait la substance de l’acte de l’Union constitue un critère objectif et non un critère subjectif lié à la volonté politique de l’institution qui a adopté l’acte litigieux (18).

39.      À cet égard, on ne saurait déterminer la substance d’un acte juridique sans prendre en compte le contexte juridique dans lequel son adoption s’inscrit. En l’espèce, la décision attaquée est une décision portant conclusion d’un accord international au sens de l’article 218, paragraphe 6, TFUE. Il s’agit d’un acte d’expression du consentement de l’Union à être liée par un traité au sens des articles 11 et 15 de la convention de Vienne sur le droit des traités entre États et organisations internationales ou entre organisations internationales (19), correspondant aux actes d’États visés aux articles 11 et 15 de la convention de Vienne sur le droit des traités, conclue le 23 mai 1969 (20). La substance de la décision attaquée est ainsi forcément déterminée par les éléments constitutifs d’un acte exprimant le consentement de l’Union à être liée par l’acte de Genève.

40.      Dans ce contexte, pour ce qui est des dispositions non contestées de la décision attaquée, l’article 1er approuve l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, les articles 2 et 5 établissent les modalités pratiques de cette adhésion et l’article 6 fixe la date d’entrée en vigueur de cette décision. En outre, l’article 4, paragraphe 1, troisième alinéa, de ladite décision comporte des dispositions non liées à l’adhésion des États membres à l’acte de Genève. Ces dispositions correspondent, en substance, à celles qui figuraient dans la proposition de décision et concernent les compétences de la Commission dans le cadre de la mise en œuvre de l’acte de Genève, qui y est désignée comme l’administration compétente au sens de l’article 3 de cet acte.

41.      Quant aux dispositions litigieuses, tout d’abord, l’article 3 de la décision attaquée autorise les États membres qui le souhaitent à ratifier l’acte de Genève ou à y adhérer (21). Ensuite, l’article 4, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, de cette décision détermine la portée des compétences respectives de l’Union et des États membres ayant adhéré à cet acte, ainsi que les règles de représentation de l’Union et de ces États membres. Enfin, l’article 4, paragraphe 2, de ladite décision prévoit que l’Union vote à l’assemblée et que les États membres qui ont ratifié l’acte de Genève ou qui y ont adhéré n’exercent pas leur droit de vote.

42.      Il ressort de ce résumé que les dispositions litigieuses ne comportent pas d’éléments constitutifs d’une expression du consentement de l’Union à être liée par l’acte de Genève. L’effet censé être produit par une décision adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE est déjà produit par la disposition comprise à l’article 1er de la décision attaquée. Les autres dispositions de cette décision, y compris les dispositions litigieuses, n’affectent ni la portée, ni le contenu, ni l’inconditionnalité du consentement exprimé à l’article 1er de ladite décision et n’ont donc pas d’incidence sur la substance de la décision attaquée. Les dispositions litigieuses sont dès lors détachables du reste de cette décision. Pour ces raisons, l’exception d’irrecevabilité devrait, à mon avis, être rejetée.

43.      Cette conclusion est corroborée par le fait que rien n’impose qu’une décision autorisant les États membres à adhérer à l’acte de Genève doive être adoptée en même temps que la décision portant sur l’adhésion de l’Union à cet acte. Cette autorisation d’adhésion des États membres pourrait être accordée dans une décision séparée (22). En effet, du point de vue de l’acte de Genève, l’adhésion de l’Union seule n’exclut pas l’adhésion subséquente des États membres. Elle n’affecte pas non plus le niveau de protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne.

44.      Quant à l’argument du Conseil relatif à la demande visant à maintenir les effets d’un acte annulé, je partage l’avis de la Commission selon lequel cette demande constitue une demande supplémentaire par rapport à la demande principale visant à l’annulation de la décision attaquée et ne constitue pas une demande de révision de l’article 3 de cette décision par la Cour, qui n’est pas possible dans le cadre du présent recours. Elle est par conséquent sans incidence sur l’analyse de la recevabilité du recours ou de son bien-fondé.

45.      Dans ces conditions, je suis d’avis que les dispositions litigieuses sont des éléments détachables du reste de la décision attaquée et que, par conséquent, le recours est recevable.

b)      Sur l’argument de la République italienne

46.      Il ressort de l’article 263 TFUE qu’un recours en annulation est introduit contre l’auteur de l’acte attaqué, soit l’institution qui l’a adopté (23). L’acte attaqué doit être imputable à cette institution (24).

47.      Conformément à l’article 218, paragraphe 6, premier alinéa, TFUE, c’est le Conseil qui, sur proposition du négociateur, adopte une décision portant conclusion de l’accord. Cette décision lui est imputable et il est l’auteur de cet acte.

48.      Le fait que le Parlement approuve, conformément à l’article 218, paragraphe 6, sous a), TFUE, une décision portant conclusion d’un accord international, relevant des compétences du Conseil, ne fait pas de lui l’auteur de cette décision. Son approbation a pour objet un acte d’une autre institution, à savoir le Conseil.

49.      En l’espèce, la décision attaquée ayant été adoptée par le Conseil, sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE, le recours en annulation contre cette décision doit être dirigé uniquement contre cette institution. Un recours dirigé contre le Parlement serait jugé irrecevable. L’argument de la République italienne doit, par conséquent, être écarté.

3.      Conclusion sur l’exception d’irrecevabilité

50.      Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

B.      Sur le fond

1.      Sur le premier moyen

a)      Les arguments des parties

51.      Le premier moyen soulevé par la Commission est tiré d’une violation de l’article 218, paragraphe 6, et de l’article 293, paragraphe 1, TFUE, du principe d’attribution des compétences consacré à l’article 13, paragraphe 2, TUE, ainsi que du principe de l’équilibre institutionnel et du droit d’initiative de la Commission.

52.      Selon la Commission, le Conseil, en amendant la proposition de décision par l’introduction de la faculté offerte à tous les États membres d’adhérer à l’acte de Genève, aurait agi en l’absence de toute initiative de la Commission, violant ainsi l’article 293, paragraphe 1, TFUE et portant préjudice à l’équilibre institutionnel établi à l’article 13, paragraphe 2, TUE.

53.      La Commission soutient que le Conseil a en réalité adopté deux décisions : non seulement celle portant sur l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève, mais également celle portant sur l’adhésion des États membres à cet acte. Le Conseil peut, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, amender à l’unanimité la proposition de décision. Cependant, en l’espèce, dans la mesure où la faculté d’autoriser les États membres à adhérer à l’acte de Genève n’a pas été proposée par la Commission, considérer que l’introduction de cette faculté ne constitue qu’un « amendement » de la proposition de décision porterait gravement atteinte au droit d’initiative de la Commission. La Commission n’aurait pas proposé de permettre aux États membres d’adopter un acte juridiquement contraignant dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union, au sens de l’article 2, paragraphe 1, TFUE. Elle estime qu’un acte par lequel l’Union agit et réglemente un sujet et un acte par lequel l’Union autorise simplement les États membres à agir, s’ils le souhaitent, n’ont ni le même objet ni la même finalité. Une telle autorisation laisserait une large place à la prise de décision autonome par les États membres et rendrait ceux-ci solidairement responsables, en vertu du droit international, de la mise en œuvre de l’acte de Genève. Quant à la « finalité », celle-ci a été complétée par le Conseil.

54.      Le Conseil, soutenu par les intervenants, rétorque que, en amendant la proposition de décision, il a respecté une condition de forme et une condition de fond auxquelles un amendement au sens de l’article 293, paragraphe 1, TFUE est subordonné. En effet, d’une part, il aurait statué à l’unanimité. D’autre part, il ne se serait pas éloigné de l’objet de la proposition de décision et n’aurait pas modifié son objectif. Les amendements apportés viseraient uniquement à ce que l’Union devienne partie à l’acte de Genève et soit en mesure d’exercer correctement sa compétence exclusive dans le cadre de cet acte, tout en préservant l’ancienneté et la continuité des indications géographiques déjà enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne. En ce qui concerne la finalité de la proposition de décision, le Conseil soutient qu’elle concerne l’exercice correct de la compétence exclusive de l’Union.

55.      Le Conseil soutient qu’accepter l’argument selon lequel l’adoption d’une décision du Conseil modifiant la proposition de la Commission équivaudrait à une absence de proposition viderait de sa substance le droit d’amendement qui lui est conféré à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, le privant de tout effet utile. Il rejette, comme étant arbitraire et artificielle, l’allégation de la Commission selon laquelle il aurait adopté en réalité deux décisions.

56.      Selon la République italienne, l’article 293 TFUE n’est pas applicable à la procédure régie par l’article 218 TFUE. En effet, la décision portant conclusion d’un accord serait régie par l’article 218, paragraphe 6, TFUE, qui prévoit que le Conseil adopte cette décision « sur proposition du négociateur ». Aucune proposition de la Commission ne serait prévue, cette institution intervenant non pas dans la procédure en tant que telle, mais en tant que négociateur. Ainsi, dans le cadre de la procédure en question, assimiler une proposition de la Commission à celle prévue à titre général à l’article 293, paragraphe 1, TFUE aux fins des délibérations du Conseil « sur proposition de la Commission » ne serait en aucun cas envisageable.

57.      Il y a lieu d’examiner l’argument soulevé par la République italienne avant ceux du Conseil.

b)      Appréciation

1)      Sur l’applicabilité de l’article 293, paragraphe 1, TFUE

58.      Selon la République italienne, l’article 293, paragraphe 1, TFUE ne trouve pas à s’appliquer aux décisions portant sur la conclusion des accords internationaux, l’article 218 TFUE étant le seul applicable à de telles décisions.

59.      Les articles 218 et 293 TFUE se trouvent dans différentes parties du traité FUE. Alors que le premier figure au titre V, intitulé « Accords internationaux », de la cinquième partie du traité FUE, le second figure au chapitre 2, intitulé « Actes juridiques de l’Union, procédures d’adoption et autres dispositions », du titre I de la sixième partie du traité FUE.

60.      La sixième partie du traité FUE comporte des dispositions générales concernant l’organisation et le fonctionnement des institutions ainsi que la typologie des actes juridiques de l’Union et les procédures relatives à leur adoption. Ces dispositions trouvent à s’appliquer aux côtés des dispositions des autres parties du traité FUE pour autant que ces dernières comportent des références aux institutions ou aux actes juridiques de l’Union, sans préjudice des éventuelles dérogations aux règles découlant des dispositions générales de la sixième partie du traité FUE ressortant des dispositions particulières contenues dans d’autres parties du traité. Il s’ensuit que, en principe, l’article 293 TFUE trouve à s’appliquer aux décisions adoptées sur le fondement des dispositions du titre V de la cinquième partie du traité FUE.

61.      Outre l’argument de nature systémique formulé au point précédent, il y a lieu d’observer que le libellé de l’article 293 TFUE ne laisse pas de doutes quant à son champ d’application. La première partie de cette disposition indique expressément qu’elle trouve toujours à s’appliquer lorsque les traités (et non pas seulement les dispositions de la sixième partie du traité FUE) prévoient que le Conseil statue sur proposition de la Commission. L’unique condition d’application de cette disposition est donc qu’une disposition des traités prévoie l’adoption d’un acte par le Conseil sur proposition de la Commission. Son champ d’application n’est donc pas limité, notamment, aux procédures législatives. Par conséquent, lorsqu’il ressort des dispositions de la cinquième partie du traité FUE que le Conseil statue sur proposition de la Commission, l’article 293 TFUE trouve à s’appliquer.

62.      Il convient d’observer que chaque action extérieure de l’Union comporte également un volet intérieur. Le titre V de la cinquième partie du traité FUE comporte des dispositions qui régissent le partage des compétences entre les institutions et les modalités de leurs actions dans le cadre de la négociation et de la conclusion des accords internationaux. Cela relève du volet extérieur d’une action de l’Union. Néanmoins, cette action extérieure de l’Union se reflète au sein de l’Union, notamment dans des décisions sur la conclusion des accords.

63.      Les règles d’adoption des actes juridiques nécessaires aux fins de la conclusion des accords internationaux constituent des règles spéciales par rapport aux règles générales régissant l’adoption des actes juridiques de l’Union. Les règles spéciales ont pour effet non pas que les règles générales ne s’appliquent pas mais qu’elles s’appliquent dans la mesure où des dispositions particulières ne prévoient pas de dérogations à celles-ci. À cet égard, il ne ressort pas de l’article 218 TFUE que la règle énoncée à l’article 293, paragraphe 1, TFUE ne trouve pas à s’appliquer à une décision adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE.

64.      La présente affaire relève de la politique commerciale commune. Il ressort de l’article 207, paragraphe 3, TFUE que, dans ce domaine, c’est la Commission qui est compétente pour négocier des accords internationaux. Il s’ensuit que, lorsque le Conseil adopte, dans ce domaine, une décision sur le fondement de l’article 218, paragraphe 6, TFUE sur proposition du négociateur, il agit sur proposition de la Commission.

65.      Il ressort de tout ce qui précède que l’article 293, paragraphe 1, TFUE trouve à s’appliquer à une décision sur l’adhésion à un accord international lorsque le Conseil adopte cette décision sur proposition de la Commission. Par conséquent, je suis d’avis que l’argument soulevé par la République italienne devrait être écarté comme étant non fondé.

2)      Sur l’argumentation de la Commission

66.      Par son premier moyen, la Commission reproche au Conseil d’avoir violé des principes de base de l’ordre juridique de l’Union, à savoir le principe d’attribution et le principe de l’équilibre institutionnel. Le Conseil aurait méconnu le droit d’initiative de la Commission en adoptant l’autorisation litigieuse en l’absence de proposition de la Commission prévoyant une telle autorisation.

67.      À cet égard, conformément à l’article 13, paragraphe 2, TUE, qui énonce le principe de l’équilibre institutionnel, chaque institution agit dans les limites des attributions qui lui sont conférées dans les traités, conformément aux procédures, conditions et fins prévues par ceux-ci.

68.      En outre, l’article 17, paragraphe 2, TUE dispose qu’un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que « sur proposition » de la Commission, en dehors du cas où les traités en disposent autrement, les autres actes pouvant être adoptés sur proposition de la Commission lorsque les traités le prévoient. Cette disposition constitutionnalise la prérogative de la Commission selon laquelle elle est l’institution dotée en principe du droit d’initiative en ce qui concerne l’adoption des actes juridiques de l’Union.

69.      Ce droit d’initiative de la Commission, également reconnu à l’article 289 TFUE en ce qui concerne les actes législatifs, implique qu’il revient à la Commission de décider de présenter, ou non, une proposition d’acte législatif, hormis dans le cas où elle serait tenue de le faire en vertu du droit de l’Union. Au titre de ce pouvoir, en cas de présentation d’une proposition d’un acte législatif, il revient également à la Commission, qui, conformément à l’article 17, paragraphe 1, TUE, promeut l’intérêt général de l’Union et prend les initiatives appropriées à cette fin, de déterminer l’objet, la finalité ainsi que le contenu de cette proposition (25). Il en va de même pour ses propositions d’actes non législatifs (26).

70.      Les autres dispositions invoquées par la Commission, à savoir l’article 218, paragraphe 6, et l’article 293, paragraphe 1, TFUE, concrétisent cette prérogative de la Commission. Ce dernier article dispose que, lorsque, en vertu des traités, le Conseil statue sur proposition de la Commission, il ne peut amender la proposition que statuant à l’unanimité. Il convient de noter que, à la différence, notamment, de l’article 289 TFUE, l’article 293 TFUE n’utilise pas le terme « législatif ». Il s’ensuit qu’on ne saurait considérer que son champ d’application est limité aux actes adoptés selon la procédure législative, qu’elle soit ordinaire ou spéciale.

71.      L’ensemble des dispositions susmentionnées des traités permet d’assurer dans l’Union « un équilibre entre, d’une part, l’organe européen, qui a vocation à exprimer l’intérêt général de l’Union, et, d’autre part, les gouvernements, au sein du Conseil, conscients de leur autorité et des attributs de leur souveraineté, et le [Parlement] émanation des peuples européens » (27). En particulier, il en ressort que le Conseil ne peut agir en vue d’adopter un acte législatif tant qu’il n’est pas saisi d’une proposition (28). Lorsqu’il modifie une telle proposition, même à l’unanimité, il ne peut pas la dénaturer, c’est-à-dire en modifier fondamentalement la substance, sous peine de porter atteinte au monopole d’initiative de la Commission (29). Cela vaut également pour d’autres actes juridiques de l’Union.

72.      Dans ce contexte, le premier moyen de la Commission ne peut prospérer qu’à la seule condition que l’amendement apporté par le Conseil ait dépassé les limites déterminées par la Commission en ce qui concerne l’objet, la finalité et le contenu de l’acte qui a fait l’objet de la proposition de celle-ci.

73.      L’objet, la finalité et le contenu de la proposition d’un acte juridique dont l’adoption est proposée par la Commission sont nécessairement déterminés par le contexte juridique dans lequel s’inscrit l’acte proposé. Ainsi que je l’ai déjà souligné dans le cadre de mon analyse sur l’exception d’irrecevabilité, la Commission a proposé l’adoption d’une décision portant conclusion d’un accord international au sens de l’article 218, paragraphe 6, TFUE. L’objet, la finalité et le contenu de cette proposition sont ainsi déterminés par l’effet envisagé par la Commission, celui-ci étant, en l’espèce, l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève.

74.      À cet égard, d’une part, il convient de faire observer que la faculté offerte aux États membres d’adhérer à l’acte de Genève n’est pas un élément constitutif de l’expression du consentement de l’Union à être liée par cet acte. Il n’est donc pas indispensable d’accorder une telle faculté pour que l’effet de l’adhésion à l’acte de Genève soit atteint. Il en irait différemment seulement si l’Union ne pouvait être partie à un accord international en raison du fait que l’adhésion à celui-ci n’est ouverte qu’aux États (30). Tel n’est pas le cas ici. L’adhésion de l’Union en son nom propre à l’acte de Genève est tout à fait possible en vertu des dispositions de cet acte.

75.      D’autre part, il convient d’admettre que l’autorisation litigieuse reste en lien étroit avec l’adhésion de l’Union à l’acte de Genève dans la mesure où elle permet de résoudre les problèmes, au moins potentiels, que posent, d’une part, l’application de cet acte dans la pratique en ce qui concerne le droit de vote de l’Union à l’assemblée, et, d’autre part, l’ancienneté et la continuité de la protection des droits acquis au titre de l’arrangement de Lisbonne. En outre, les dispositions litigieuses ne modifient pas et ne remettent pas en cause le consentement de l’Union à être liée par l’acte de Genève. Les dispositions litigieuses sont ainsi liées à l’objet, à la finalité et au contenu de l’acte qui a fait l’objet de la proposition de décision.

76.      Dans ce contexte, il convient néanmoins de vérifier si l’autorisation litigieuse, bien que n’affectant pas le consentement de l’Union à être liée par l’acte de Genève et bien qu’étant en lien avec l’adhésion de l’Union à celui-ci, produit des effets qui sont si éloignés et distincts des effets envisagés par la proposition de décision que l’adoption d’un acte les produisant aurait nécessité une initiative séparée de la part de la Commission.

77.      Tel me semble être le cas en l’espèce, dès lors que, ainsi que le fait valoir la Commission, l’autorisation litigieuse conduit effectivement à la création des conditions permettant aux États membres d’agir aux côtés de l’Union en tant que sujets indépendants de droit international public dans un domaine relevant des compétences externes exclusives de celle-ci.

78.      Or, cet effet produit par l’autorisation litigieuse va, à mon sens, à l’encontre d’un des principes constitutionnels de l’ordre juridique de l’Union énoncé à l’article 2, paragraphe 1, TFUE. Cette disposition établit le principe selon lequel l’action des États membres dans un domaine relevant des compétences exclusives (31) de l’Union est interdite (32) à moins que l’Union n’en décide autrement et y habilite les États membres.

79.      Quelles que soient les conditions d’une telle habilitation, qui constituent la problématique de fond que soulève le second moyen du recours, je suis d’avis que cette habilitation, qui constitue par définition une exception importante à une règle de nature constitutionnelle, exige une proposition de la Commission, à moins qu’elle ne s’impose, lorsque l’Union est empêchée d’agir du fait des règles de droit international prévoyant des limitations à l’admissibilité des actions des OIG.

80.      Toute autre interprétation aurait pour conséquence que l’équilibre entre l’institution ayant vocation à exprimer l’intérêt général de l’Union et les gouvernements, qui est au cœur de la construction juridique de l’Union (33), serait mis en péril. En effet, pour contourner les limitations inhérentes à la nature exclusive des compétences de l’Union dans certains domaines, il suffirait que le Conseil habilite de sa propre initiative les États membres à agir au sens de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, à l’occasion de l’adoption d’un acte proposé par la Commission ne prévoyant pas une telle habilitation. Dans le cadre des relations extérieures, cela pourrait avoir pour conséquence que, même dans un domaine relevant des compétences exclusives de l’Union, le Conseil serait en mesure d’autoriser les États membres à agir parallèlement à l’Union, ce qui pourrait remettre en cause la nature exclusive de la compétence de celle-ci (34).

81.      Vu la nature exceptionnelle de l’habilitation prévue à l’article 2, paragraphe 1, TFUE et l’absence de nécessité d’atteindre par l’autorisation litigieuse les objectifs présentés par la Commission dans la proposition de décision, l’autorisation litigieuse devrait être considérée comme une mesure distincte, se trouvant en dehors des limites déterminées par la Commission dans la proposition de décision. Par conséquent, il est entièrement justifié d’admettre, ainsi que le soutient la Commission, que l’autorisation litigieuse devrait être considérée comme une décision distincte, nécessitant, afin de pouvoir être adoptée, une proposition de la Commission. Cela veut dire que l’autorisation litigieuse se trouve en dehors des limites déterminées par l’objectif, la finalité et le contenu de la proposition de décision.

82.      Partant, compte tenu du fait que l’autorisation litigieuse a été accordée par le Conseil sans proposition de la Commission, il convient de considérer que, ayant modifié la proposition de décision par l’ajout des dispositions litigieuses prévoyant l’autorisation litigieuse, le Conseil a violé l’article 17, paragraphe 2, TUE, l’article 293, paragraphe 1, TFUE, le principe d’attribution des compétences prévu à l’article 13, paragraphe 2, TUE, ainsi que le principe de l’équilibre institutionnel et le droit d’initiative de la Commission.

3)      Conclusion intermédiaire

83.      Eu égard à ce qui précède, je propose à la Cour d’accueillir le premier moyen du recours.

2.      Sur le second moyen

84.      Le résultat de mon analyse du premier moyen rend inutile l’examen du second moyen. Je vais néanmoins procéder à l’analyse du second moyen pour l’hypothèse où la Cour ne partagerait pas mon analyse sur le premier moyen, en considérant que le Conseil était en droit d’apporter des amendements à la proposition de décision en dépit de l’absence de proposition de la Commission.

a)      Les arguments des parties

85.      Par son second moyen, la Commission reproche au Conseil d’avoir violé l’article 2, paragraphe 1, et l’article 207 TFUE ainsi que l’obligation de motivation. Selon elle, en autorisant les États membres à agir dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union, le Conseil a outrepassé ses compétences et n’a pas suffisamment motivé sa décision. Si de telles autorisations concernant les accords internationaux ont été accordées dans le passé par le Conseil dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union, elles avaient cependant un caractère exceptionnel. Elles ont été octroyées, d’une part, dans des situations où l’Union était empêchée d’agir en son propre nom (35) et, d’autre part, dans des situations d’accords bilatéraux où elle avait décidé de ne pas agir elle-même (36). Dans ces décisions portant une telle autorisation, le Conseil a souvent souligné le caractère exceptionnel de cette autorisation. Cependant, l’autorisation litigieuse est une autorisation générale et n’est ni conditionnelle ni temporaire. La Commission est d’avis que la « garantie interne » du respect de la compétence exclusive de l’Union, prévue à l’article 4 de la décision attaquée, n’est pas suffisante pour assurer la compatibilité de cette décision avec les traités ou éviter de « brouiller » la position internationale de l’Union.

86.      En ce qui concerne le problème du droit de vote de l’Union à l’assemblée, la Commission fait valoir que l’article 3 de la décision attaquée ne permet pas d’y remédier de façon appropriée dans la mesure où les États membres sont libres de donner suite ou non à l’autorisation litigieuse. En revanche, l’adhésion des États membres à l’acte de Genève entraverait les efforts de la Commission visant à faire modifier des clauses relatives aux règles de vote des OIG en cause et à permettre à l’Union de disposer, en droit international, d’un statut semblable à celui des États lorsqu’elle agit dans un domaine relevant de sa compétence exclusive. Par ailleurs, la Commission souligne qu’il convient de ne pas surestimer, en l’espèce, l’importance du droit de vote, étant donné que l’assemblée, qui traite principalement de questions administratives, ne statue que très rarement par vote, mais plutôt par consensus.

87.      S’agissant du problème de l’ancienneté des enregistrements au titre de l’arrangement de Lisbonne et de la continuité de la protection, la Commission est d’avis que la Cour ne saurait considérer comme étant certain le fait que l’ancienneté serait modifiée en l’absence d’adhésion des États membres étant parties à cet arrangement.

88.      Quant à la motivation de la décision attaquée, la Commission soutient que le considérant 8 de cette décision est intrinsèquement contradictoire. Selon elle, si la première phrase semble « donner une chance » à l’assemblée d’aborder la question du droit de vote de l’Union, la seconde phrase indique toutefois qu’il « convient » d’accorder une autorisation aux États membres, indépendamment de ce que la future assemblée pourrait décider.

89.      Le Conseil, soutenu par les États membres intervenants, estime que l’interprétation restrictive de l’article 2, paragraphe 1, TFUE préconisée par la Commission n’est étayée ni par une interprétation littérale ni par une interprétation téléologique. Selon le Conseil, cette disposition vise à concilier la propre évolution constitutionnelle de l’Union par l’attribution de compétences souvent exclusives et un ordre juridique international qui a les États comme premiers sujets. Pour atteindre ses objectifs sur la scène internationale, l’Union devrait tirer pleinement parti de la position des États membres, en tant qu’acteurs internationaux à part entière, pour accroître son efficacité et garantir le bon exercice de ses droits à l’échelle internationale. Le Conseil soutient qu’il devrait pouvoir autoriser les États membres à agir dans l’intérêt de l’Union, dans le plein respect, d’une part, de la compétence exclusive de celle-ci et, d’autre part, du système de répartition des compétences entre les institutions de l’Union, qui attribue à chacune d’elles son propre rôle au sein de la structure institutionnelle de l’Union et dans l’accomplissement des missions confiées à celle-ci.

90.      S’agissant de l’argument de la Commission tiré du défaut de motivation, le Conseil estime que la décision attaquée comporte une explication suffisante des circonstances justifiant l’autorisation litigieuse, donnée dans un contexte connu de la Commission. Cet argument devrait donc être rejeté.

b)      Appréciation

1)      Sur l’article 2, paragraphe 1, TFUE

91.      Ainsi que je l’ai déjà souligné, l’analyse suivante ne sera pertinente qu’à la condition que la Cour ne partage pas mes conclusions sur le premier moyen et considère, contrairement à ce que je propose, que le Conseil était en droit, conformément à l’article 293 TFUE, d’apporter l’amendement contesté à la proposition de décision sans que la Commission ait présenté une proposition à cet égard.

92.      Le second moyen est en réalité intrinsèquement lié au premier moyen dans la mesure où ils portent sur la même problématique, à savoir celle de la faculté d’autoriser les États membres à agir dans un domaine relevant des compétences exclusives de l’Union dans le cadre de relations extérieures. Toutefois, alors que le premier moyen concerne l’articulation entre les règles énoncées à l’article 2, paragraphe 1, TFUE et le droit d’initiative de la Commission, le second porte sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, TFUE.

93.      L’analyse du second moyen nécessite donc de déterminer quelle est l’interprétation de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, pour autant que cette disposition prévoie la faculté pour l’Union d’habiliter les États membres à légiférer et à adopter des actes juridiquement contraignants dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union. En l’espèce, la compétence exclusive de l’Union n’est pas contestée et aucune des parties ne nourrit de doutes quant au fait que l’autorisation litigieuse relève du champ d’application de l’article 2, paragraphe 1, TFUE.

94.      Ainsi que je l’ai déjà soulevé (37), l’article 2, paragraphe 1, TFUE établit un principe constitutionnel du droit de l’Union qui concrétise le principe d’attribution. Son importance est soulignée par sa place parmi les premières dispositions du traité FUE, consacrées aux principes.

95.      L’article 2, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il concerne l’habilitation des États membres, est une codification de la jurisprudence de la Cour, notamment des arrêts Donckerwolcke et Schou (38), Bulk Oil (Zug) (39)et Werner (40). La Commission y voit également la codification de la jurisprudence de la Cour relative à l’action extérieure de l’Union dans les situations où l’Union est empêchée d’agir en son nom propre en raison de règles de droit international ou lorsque, n’étant pas empêchée, elle décide de ne pas agir alors que les États membres en ont l’intention. Il convient d’observer que la doctrine semble considérer l’action des États membres en tant que « gestionnaires » de l’Union (41) plutôt comme une exception non codifiée dans les traités, qui n’est pas visée directement à l’article 2, paragraphe 1, TFUE (42).

96.      Quelles qu’aient été les intentions des auteurs des traités, le libellé de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, en ce qu’il vise l’habilitation des États membres, milite en faveur d’une interprétation large de son champ d’application. On ne saurait donc considérer que cette règle trouve à s’appliquer uniquement aux situations invoquées par la Commission. La Commission elle-même ne semble pas exclure que les États membres soient habilités à agir également dans d’autres situations.

97.      Ainsi, la question qui se situe au cœur du second moyen vise à déterminer quelles sont les conditions, s’il en existe, pour recourir à l’habilitation prévue à l’article 2, paragraphe 1, TFUE. En effet, dans le cadre d’un recours en annulation, il n’appartient pas à la Cour d’apprécier quels sont les meilleurs moyens pour garantir à l’Union un statut adéquat à l’égard d’autres parties à un accord international, ce qu’elle n’est d’ailleurs pas en mesure de faire. En revanche, il incombe à la Cour d’apprécier si les conditions pour avoir recours à l’habilitation prévue à l’article 2, paragraphe 1, TFUE ont été satisfaites.

98.      À cet égard, j’observe que les parties ne semblent pas douter que la faculté d’habiliter des États membres à agir dans un domaine relevant de la compétence exclusive de l’Union ne saurait être perçue comme illimitée ou inconditionnelle (43). Il découle du principe de la compétence d’attribution que lorsque les États membres transfèrent à l’Union leur compétence dans un domaine donné et la lui attribuent en tant que compétence exclusive, l’exercice de cette compétence par les États membres doit être considéré comme allant à l’encontre de ce principe. Cela semble ressortir du libellé de l’article 2, paragraphe 1, TFUE, qui souligne la nature exceptionnelle de l’habilitation des États membres qui y est prévue. D’une part, cette habilitation est présentée comme une exception à la règle établie au début de l’article 2 TFUE et, d’autre part, le recours à celle-ci est soumis non pas à la décision des États membres mais à celle de l’Union (44).

99.      Lorsqu’une action n’est admise qu’à titre exceptionnel, il est nécessaire qu’il existe des justifications objectives pour y avoir recours. Une telle action devrait poursuivre un objectif justifié, être en mesure d’atteindre cet objectif et ne pas dépasser tout ce qui est nécessaire pour l’atteindre, faute de quoi l’attribution dans les traités d’une compétence à l’Union en tant que compétence exclusive pourrait être facilement remise en cause.

100. Il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’il appartient à la partie concernée d’apporter les éléments de nature à établir le caractère exclusif de la compétence externe de l’Union dont elle entend se prévaloir (45). Par analogie, il convient, à mon avis, d’admettre qu’il appartient à la partie qui se prévaut de l’exception prévue à l’article 2, paragraphe 1, TFUE d’apporter les éléments justifiant le recours à l’habilitation qui y est prévue. En l’espèce, il appartient donc au Conseil de démontrer l’existence d’une justification objective pour accorder l’autorisation litigieuse aux États membres, la faculté d’atteindre les objectifs envisagés moyennant cette autorisation, ainsi que le fait que ladite autorisation ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

101. À cet égard, le Conseil soulève deux justifications tirées, la première, de la nécessité d’assurer que l’Union dispose du droit de vote à l’assemblée et, la seconde, de la nécessité d’assurer la protection des droits acquis résultant des enregistrements effectués au titre de l’arrangement de Lisbonne.

102. Je suis d’avis que ces justifications plaident en faveur d’un éventuel recours de l’Union à l’habilitation prévue à l’article 2, paragraphe 1, TFUE.

103. En effet, en premier lieu, on ne saurait réfuter l’argument du Conseil relatif à l’existence du problème du droit de vote des OIG à l’assemblée. L’interprétation littérale de l’article 22 de l’acte de Genève permet de soutenir que, en cas de vote à l’assemblée, l’Union ne dispose pas de voix si aucun des États membres n’est partie à cet acte. L’assemblée n’est pas un organe dépourvu de pouvoirs. Elle a, selon l’acte de Genève, des compétences concrètes susceptibles d’avoir un impact sur les droits et les obligations des parties et des opérateurs économiques. Bien que la décision par mise aux voix ne soit prévue qu’à titre subsidiaire, elle n’est pas exclue. Dans ce contexte, on ne saurait considérer comme non justifiée une habilitation au sens de l’article 2, paragraphe 1, TFUE qui permet d’assurer que l’Union dispose du droit de vote au sein de l’assemblée (46).

104. Il en va de même, en second lieu, pour l’argument du Conseil relatif à la nécessité d’assurer la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne. Si l’article 31 de l’acte de Genève semble garantir la continuité de cette protection, même à défaut de l’adhésion des sept États membres concernés, il n’est pas exclu que le niveau de cette protection soit inférieur à celui offert dans le cas de l’inclusion des appellations d’origine enregistrées au titre de Lisbonne dans le système instauré par l’acte de Genève.

105. À cet égard, dans un premier temps, il me semble que l’article 31 de l’acte de Genève ne permet pas d’assurer la protection des appellations d’origine dans les relations entre les sept États membres concernés (dans l’hypothèse où ils n’adhéreraient pas à cet acte) et les États parties uniquement à l’acte de Genève (c’est-à-dire les États tiers qui ne sont pas parties à l’arrangement de Lisbonne). À défaut de l’adhésion à l’acte de Genève d’un des sept États membres concernés, les appellations d’origine enregistrées par celui-ci avant l’entrée en vigueur de cet acte ne bénéficieront pas, faute d’un nouvel enregistrement, de la protection dans les États parties audit acte qui ne sont pas parties à l’arrangement de Lisbonne. Certes, un éventuel nouvel enregistrement pourrait être effectué par l’Union, mais aucune disposition de l’acte de Genève ne permet de considérer avec certitude que l’ancienneté d’une appellation d’origine ainsi réenregistrée serait déterminée sur la base de l’enregistrement effectué sous l’arrangement de Lisbonne par l’État membre concerné.

106. Dans un second temps, les sept États membres concernés seraient privés de la faculté d’inclure leurs appellations d’origine déjà enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne dans le système de protection établi par l’acte de Genève. Dans cette situation, même en l’absence du risque de « perte » des droits acquis, certains bénéfices tirés de la participation à un système conçu, selon ses auteurs, avec l’intention de le rendre plus attrayant que le système précédant et visant, semble-t-il, à remplacer ce dernier, risquent d’être exclus pour les opérateurs concernés.

107. Certes, interpréter les dispositions de l’acte de Genève en ce sens que l’adhésion de l’Union a pour effet que l’Union se substitue aux États membres parties à l’arrangement de Lisbonne permettrait d’éviter les problèmes en cause. Un tel effet n’est cependant pas expressément prévu par l’acte de Genève. L’Union, en tant que partie contractante, n’est pas en mesure d’imposer une telle interprétation aux autres parties contractantes ou au secrétariat de l’OMPI. Cette insécurité quant aux conséquences juridiques exige une approche prudente. Il y a lieu de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer que la situation juridique des opérateurs ayant déjà procédé à des enregistrements au titre de l’arrangement de Lisbonne n’est pas mise en danger.

108. Je suis d’avis que l’autorisation litigieuse constitue une mesure permettant d’éliminer les risques liés au droit de vote de l’Union à l’assemblée et à la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne. En effet, cette autorisation, même si elle n’élimine pas en elle-même ces risques, permet aux États membres de le faire, à la suite de leur adhésion à l’acte de Genève.

109. Néanmoins, afin d’éliminer ces risques, il n’est pas nécessaire que les sept États membres concernés soient obligés d’adhérer à l’acte de Genève. Il suffit de leur offrir une telle faculté. Compte tenu de certaines obligations dues à l’adhésion, il conviendrait de laisser aux États membres concernés le soin de décider si leur adhésion à l’acte de Genève est nécessaire, compte tenu du nombre des enregistrements effectués au titre de l’arrangement de Lisbonne et des intérêts des titulaires des droits en résultant.

110. Il est certes vrai que si aucun des États membres concernés n’avait fait usage de la faculté offerte par l’autorisation litigieuse, le problème du droit de vote de l’Union à l’assemblée n’aurait pas été résolu. Néanmoins, le Conseil avait des raisons de croire que certains États membres allaient profiter de cette faculté, et l’adhésion des deux États membres à l’acte de Genève a effectivement eu lieu.

111. Dans la mesure où l’autorisation litigieuse constitue ainsi une mesure permettant d’éliminer les risques liés au droit de vote de l’Union à l’assemblée et à la continuité de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne, il convient de vérifier si elle dépasse ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif susmentionné.

112. Je ne vois pas d’autres moyens permettant d’atteindre l’objectif en cause. Certes, il serait possible d’essayer de convaincre d’autres parties contractantes ainsi que le secrétariat de l’OMPI de procéder à une interprétation de l’acte de Genève selon laquelle les OIG disposent d’au moins une voix à l’assemblée et l’Union se substitue aux sept États membres concernés pour autant qu’il s’agisse de la protection des appellations d’origine enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne. Toutefois, le succès d’une telle approche serait impossible à prévoir et dépendrait des autres parties contractantes ainsi que du secrétariat de l’OMPI et serait donc incertain. En revanche, l’adhésion des États membres à l’acte de Genève permet d’éliminer les risques concernés de plein droit.

113. La seule question qui se pose est celle de savoir s’il est nécessaire que soient autorisés à adhérer à l’acte de Genève non pas seulement les sept États membres concernés mais tous les États membres. Une telle autorisation pourrait être justifiée par la nécessité d’assurer un nombre aussi élevé que possible de voix de l’Union à l’assemblée.

114. À cet égard, il ne ressort pas des considérants de la décision attaquée que la nécessité d’assurer un nombre aussi élevé que possible de voix de l’Union à l’assemblée est la raison pour laquelle l’autorisation litigieuse a été accordée (47). Il y est uniquement fait mention de la nécessité de régulariser la question du droit de vote de l’Union et il est laissé aux États membres le soin de décider s’ils veulent faire usage de l’autorisation litigieuse. L’adhésion d’un seul État membre est suffisante pour éliminer le risque que l’Union ne dispose pas du droit de vote à l’assemblée.

115. Les parties invoquent dans ce contexte le principe d’égalité entre les États membres. Il en ressortirait une interdiction d’accorder uniquement à certains États membres l’autorisation d’adhérer à l’acte de Genève. À cet égard, je me rallie à l’avis présenté par l’avocate générale Kokott dans ses conclusions dans l’affaire Commission/Suède (Stations d’épuration)  (48), qui a fait observer que, bien que la Cour n’ait pas encore précisé comment l’égalité des États membres doit être interprétée, il faut partir du postulat que la jurisprudence relative au principe de l’égalité de traitement vaut également pour eux. Ce principe requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (49).

116. Les sept États membres concernés se trouvent dans une situation différente de celle des autres États membres. La non-adhésion de ces derniers à l’acte de Genève n’entraîne aucun risque relatif à la protection des appellations d’origine déjà enregistrées au titre de l’arrangement de Lisbonne. Ce risque exige que la faculté d’adhésion à l’acte de Genève soit ouverte aux sept États membres concernés. Il n’existe pas de telle justification relative aux intérêts des États membres en ce qui concerne le droit de vote, étant donné que la décision attaquée prévoit expressément que ce n’est pas les États membres mais l’Union qui vote à l’assemblée. La différence de traitement entre les sept États membres concernés et les autres États membres due à la limitation du champ d’application de l’autorisation litigieuse uniquement aux sept États membres concernés n’aurait ainsi pas pour effet la violation du principe d’égalité.

117. Par ailleurs, ainsi que je l’ai déjà mentionné au point 43 des présentes conclusions, les États membres pourraient être autorisés à adhérer à l’acte de Genève dans le futur par une décision séparée. Ainsi, en cas de changement de situation, il sera toujours possible d’adopter une décision autorisant l’adhésion des États membres, notamment en vue de renforcer la position de l’Union au sein de l’assemblée, si cela se révèle nécessaire.

118. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que, au stade actuel, autoriser tous les États membres à adhérer à l’acte de Genève dépasse ce qui est nécessaire pour éliminer les risques dus à la non-adhésion des États membres à cet acte.

119. La Commission soutient que l’autorisation litigieuse est inconditionnelle et permanente. Cependant, certaines dispositions de l’article 4 de la décision attaquée imposent des limitations importantes aux États membres ayant adhéré à l’acte de Genève. Premièrement, l’Union et les États membres sont représentés au sein de l’Union particulière par la Commission. Deuxièmement, il incombe à l’Union d’assurer l’exercice des droits et le respect des obligations de l’Union et des États membres ayant adhéré à l’acte de Genève. Troisièmement, c’est la Commission qui procède à l’ensemble des notifications nécessaires au titre de l’acte de Genève pour le compte de l’Union et des États membres concernés. Enfin, quatrièmement, c’est l’Union qui vote à l’assemblée alors que les États membres n’exercent pas leur droit de vote. À mon sens, ces dispositions permettent de minimiser le risque d’éventuelles divergences entre l’Union et les États membres au sein de l’assemblée et dans le cadre de la mise en œuvre de l’acte de Genève. En l’espèce, l’habilitation accordée aux États membres a donc un caractère limité et ne donne pas lieu à une modification permanente de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres.

120. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que la décision attaquée viole l’article 2, paragraphe 1, TFUE pour autant que les dispositions litigieuses prévoient que sont autorisés à adhérer à l’acte de Genève non pas seulement les sept États membres concernés mais tous les États membres.

2)      Sur la motivation

121. La Commission allègue qu’il existe une contradiction entre deux phrases du considérant 8 de la décision attaquée. Or, cette contradiction n’existe qu’en cas de lecture subjective de ce considérant, effectuée sous l’angle de l’approche qu’a la Commission du problème du droit de vote. À la différence de la Commission, je pense que la première phrase de ce considérant ne doit pas être lue comme « donnant une chance » à l’assemblée d’aborder la question du droit de vote de l’Union mais comme étant un exposé d’un problème dont la solution est proposée dans la seconde phrase dudit considérant.

122. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. À cet égard, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée et, en particulier, en fonction de l’intérêt que les destinataires de l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (50).

123. Il est également constant que l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (51).

124. À cet égard, le considérant 8 de la décision attaquée permet d’établir le lien entre l’autorisation litigieuse et le problème du droit de vote de l’Union à l’assemblée. Ensuite, les arguments soulevés par la Commission visent en réalité non pas la motivation de la décision attaquée mais le bien-fondé de la solution choisie pour remédier au problème du droit de vote, qui a déjà fait l’objet de mon analyse portant sur l’article 2, paragraphe 1, TFUE.

125. Eu égard à ce qui précède, je suis d’avis que l’argument relatif au défaut de motivation devrait être écarté.

3)      Conclusion intermédiaire

126. Compte tenu de ce qui précède, je suis d’avis que le second moyen devrait être accueilli et que les dispositions litigieuses de la décision attaquée devraient être annulées.

VI.    Maintien des effets de la décision attaquée dans le temps

127. Au cas où la Cour déciderait d’annuler la décision attaquée, elle devra déterminer s’il y a lieu de maintenir les effets de la décision attaquée jusqu’à l’adoption de la nouvelle décision du Conseil.

128. La République française et la Hongrie ont déjà signé et ratifié l’acte de Genève, en application de l’article 3 de la décision attaquée. Il n’est pas exclu que, à la suite de l’arrêt de la Cour, la Commission présente au Conseil une proposition de décision autorisant l’adhésion des États membres à l’acte de Genève conforme aux indications ressortant de l’arrêt de la Cour (52). En attendant, il convient, à mon avis, de maintenir les effets des articles 3 et 4 de la décision attaquée dans la mesure où ils constituent la base juridique pour des actions qui semblent pouvoir être considérées comme légales à l’aune de la future décision.

129. Pour ces raisons, et compte tenu de la situation différente des sept États membres concernés, je propose à la Cour de maintenir les effets des articles 3 et 4 de la décision attaquée pour autant qu’il s’agit de l’éventuelle adhésion à l’acte de Genève des sept États membres concernés effectuée avant la date de l’arrêt de la Cour, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, d’une décision du Conseil.

VII. Sur les dépens

130. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Dans la mesure où je propose d’accueillir le recours et où la Commission a conclu à la condamnation du Conseil aux dépens, il y a lieu, selon moi, de condamner celui-ci aux dépens.

131.  Conformément à l’article 140, paragraphe 1, de ce règlement, le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise supporteront leurs propres dépens en tant que parties intervenantes au litige.

VIII. Conclusion

132. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je propose à la Cour :

–        d’annuler l’article 3 de la décision (UE) 2019/1754 du Conseil, du 7 octobre 2019, relative à l’adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques ;

–        d’annuler l’article 4 de la décision 2019/1754 dans la mesure où il contient des références aux États membres ;

–        de maintenir les effets des parties annulées de la décision 2019/1754, pour autant que cela concerne les ratifications de l’acte de Genève visé par cette décision par la République française et la Hongrie, ainsi que les éventuelles ratifications de cet acte ou les adhésions à celui-ci effectuées avant la date de l’arrêt de la Cour par la République de Bulgarie, la République tchèque, la République italienne, la République portugaise et la République slovaque, jusqu’à l’entrée en vigueur, dans un délai raisonnable n’excédant pas six mois à compter de la date du prononcé de l’arrêt, d’une décision du Conseil de l’Union européenne ;

–        de condamner le Conseil à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne ;

–        de condamner le Royaume de Belgique, la République tchèque, la République hellénique, la République française, la République de Croatie, la République italienne, la Hongrie, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la République portugaise à supporter leurs propres dépens.


1      Langue originale : le français.


2      Recueil des traités des Nations unies, vol. 923, n° 13172, p. 205.


3      Révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, n° 11851, p. 305).


4      Ainsi que le relève la Commission, la signature et la conclusion de cet arrangement ont eu lieu alors que, en ce qui concerne la République française et la République italienne, la compétence de l’Union n’était pas encore considérée comme étant exclusive et que ces autres États n’étaient pas encore membres de l’Union. Trois autres États membres (la République hellénique, le Royaume d’Espagne et la Roumanie) ont signé ledit arrangement en 1958 et 1959, alors qu’ils n’étaient pas encore membres de l’Union, mais ne l’ont pas ratifié.


5      JO 2019, L 271, p. 15.


6      À condition qu’au moins un des États membres de l’OIG soit partie à la convention de Paris et que l’OIG déclare avoir été dûment autorisée, conformément à ses procédures internes, à devenir partie à l’acte de Genève et que s’applique, en vertu du traité constitutif de l’OIG, une législation selon laquelle des titres de protection régionaux peuvent être obtenus à l’égard des indications géographiques. Ces conditions sont réunies en ce qui concerne l’Union européenne.


7      Le texte pertinent pour la présente affaire est celui du règlement d’exécution commun à l’arrangement de Lisbonne et à l’acte de Genève, adopté le 2 octobre 2018, TRT/LISBON/013.


8      Ce mécanisme figure également dans d’autres versions de ce règlement d’exécution.


9      C‑389/15, EU:C:2017:798, point 74.


10      La décision 8512/15 a été ensuite remplacée par la décision (UE) 2018/416 du Conseil, du 5 mars 2018, autorisant l’ouverture de négociations en vue d’un arrangement de Lisbonne révisé concernant les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2018, L 75, p. 23).


11      COM(2018) 350 final.


12      Décision du Conseil du 7 octobre 2019 relative à l’adhésion de l’Union européenne à l’acte de Genève de l’arrangement de Lisbonne sur les appellations d’origine et les indications géographiques (JO 2019, L 271, p. 12).


13      À cet égard, l’article 22, paragraphe 4, sous b), ii), de l’acte de Genève dispose qu’une OIG participe au vote à l’assemblée avec un nombre de voix égal au nombre de ses États membres qui sont parties à cet acte.


14      Dans leurs écritures, les parties utilisent les termes « indications géographiques » en ce sens qu’ils englobent également les appellations d’origine. Il convient cependant de souligner que le champ d’application de l’arrangement de Lisbonne était limité aux appellations d’origine.


15      Ainsi que le relève le Conseil dans la partie introductive de son mémoire en défense, un nouvel enregistrement d’une indication géographique au titre de l’acte de Genève qui serait effectué par l’Union (et non par l’un des sept États membres concernés), en tant que nouvelle partie contractante à l’Union particulière, serait considéré non pas comme un enregistrement susceptible d’assurer la continuité de l’enregistrement initial effectué au titre de l’arrangement de Lisbonne mais comme un enregistrement ex novo à l’égard des parties contractantes tierces. D’un point de vue juridique, cela signifierait que l’ancienneté de l’indication géographique accordée en vertu de l’arrangement de Lisbonne serait interrompue dans le cadre de l’acte de Genève. Cette interruption aurait pour conséquence que les titulaires des droits de propriété intellectuelle correspondants risqueraient de subir la perte injustifiée d’un élément essentiel de leurs droits acquis.


16      Arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil (C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 28 et jurisprudence citée).


17      Arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil (C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 29 et jurisprudence citée).


18      Arrêt du 8 décembre 2020, Pologne/Parlement et Conseil (C‑626/18, EU:C:2020:1000, point 30 et jurisprudence citée).


19      Faite à Vienne le 21 mars 1986. Non encore en vigueur.


20      Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331.


21      Par souci de simplicité, j’utiliserai, dans la suite des présentes conclusions, en me référant à l’objet de l’autorisation accordée à l’article 3 de la décision attaquée, le terme « adhérer » pour couvrir tant l’adhésion à l’acte de Genève que sa ratification.


22      Il ressort des observations de la Commission sur les mémoires en intervention qu’elle n’exclut pas la possibilité de l’adoption d’une telle décision.


23      Arrêt du 11 septembre 2003, Autriche/Conseil (C‑445/00, EU:C:2003:445, point 32 et jurisprudence citée).


24      Voir Lenaerts, K., Maselis, I., et Gutman, K., EU Procedural Law, Oxford University Press, Oxford, 2014, p. 306, ainsi que Molinier, J., et Lotarski, J., Droit du contentieux de l’Union européenne, 4e éd., LGDJ Lextenso, Paris, 2012, p. 203.


25      Arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission (C‑409/13, EU:C:2015:217, point 70).


26      Arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil (C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 147).


27      Voir Van Raepenbusch, S., Droit institutionnel de l’Union européenne, 2e éd., Larcier, Bruxelles, 2016, p. 275.


28      Voir Van Raepenbusch, S., op. cit., p. 276.


29      Voir Van Raepenbusch, S., op. cit., p. 276 et 277.


30      Dans une telle situation, le consentement de l’Union à être liée par un traité n’aurait pas produit d’effets juridiques à l’égard des parties contractantes. Un tel consentement ne pourrait être exprimé que par les États membres agissant en leur nom propre mais dans l’intérêt de l’Union. Dans cette hypothèse, au lieu du consentement de l’Union, la décision du Conseil pourrait prévoir d’autoriser les États membres à exprimer leur consentement.


31      Mise en italique par mes soins.


32      Ce principe est qualifié de « Sperrwirkung » (effet de blocage) par la doctrine allemande ; voir Obwexer, W., « AEUV Art. 2 », dans von der Groeben, H., Schwarze, J., et Hatje, A., Europäisches Unionsrecht, 7e éd., Nomos, Baden-Baden, 2015, paragraphe 16.


33      Voir point 71 des présentes conclusions.


34      Voir également, à ce propos, conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Conseil (C‑137/12, EU:C:2013:441, point 96).


35      Voir, notamment, décision 2003/93/CE du Conseil, du 19 décembre 2002, autorisant les États membres à signer, dans l’intérêt de la Communauté, la Convention de La Haye de 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (JO 2003, L 48, p. 1).


36      Voir, notamment, règlement (CE) nº 662/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, instituant une procédure pour la négociation et la conclusion d’accords entre les États membres et des pays tiers sur des questions particulières concernant le droit applicable aux obligations contractuelles et non contractuelles (JO 2009, L 200, p. 25).


37      Voir point 78 des présentes conclusions.


38      Arrêt du 15 décembre 1976 (41/76, EU:C:1976:182).


39      Arrêt du 18 février 1986 (174/84, EU:C:1986:60).


40      Arrêt du 17 octobre 1995 (C‑70/94, EU:C:1995:328).


41      Voir arrêt du 5 mai 1981, Commission/Royaume‑Uni (804/79, EU:C:1981:93, point 30). Voir, également, à cet égard, Cremona, M., « Member States as Trustees of the Union Interests : Participating in International Agreements on Behalf of the European Union », dans Arnull, A., Barnard, C., Dougan, M., et Spaventa, E. (éd.), A Constitutional Order of States ? Essays in EU Law in Honour of Alan Dashwood, Hart Publishing, Londres, 2011, p. 435 à 458.


42      Voir, à cet égard, Obwexer, W, « AEUV Art. 2 », dans von der Groeben, H., op. cit., et Pelka, S. C., « AEUV Art. 2. [Arten von Zuständigkeiten] », dans Schwarze, J., Becker, U., Hatje, A., et Schoo, J., (éd.), EU-Kommentar, 4e éd., Nomos, Baden-Baden, 2019, paragraphe 12.


43      Comme l’a fait observer l’avocat général Pitruzzella dans ses conclusions dans les affaires jointes Hessischer Rundfunk (C‑422/19 et C‑423/19, EU:C:2020:756, point 43), pour être compatible avec la configuration constitutionnelle des compétences exclusives de l’Union, une telle habilitation ne peut avoir qu’un caractère limité et ne pourra donner lieu à une modification permanente de la répartition des compétences entre l’Union et les États membres résultant de cette configuration.


44      Voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1976, Donckerwolcke et Schou (41/76, EU:C:1976:182, point 32) ; du 17 octobre 1995, Werner (C‑70/94, EU:C:1995:328, point 12), ainsi que du 17 octobre 1995, Leifer e.a. (C‑83/94, EU:C:1995:329, point 12).


45      Voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2014, Commission/Conseil (C‑114/12, EU:C:2014:2151, point 75), ainsi que du 20 novembre 2018, Commission/Conseil (AMP Antarctique) (C‑626/15 et C‑659/16, EU:C:2018:925, point 115).


46      La Commission soulève qu’une telle autorisation n’a pas été accordée à la suite de la conclusion du traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d’autres difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées, adopté le 27 juin 2013 par l’OMPI, lequel contient les mêmes clauses relatives au droit de vote des OIG (voir article 13, paragraphe 3, de ce traité). Cet argument est à mon avis inopérant. En effet, l’absence d’action pour remédier à certains problèmes relatifs à la mise en œuvre d’un accord n’impose pas l’inaction à l’égard de ce même problème dans le cadre d’un autre accord.


47      Pour cette même raison est sans incidence l’argument de certains États membres intervenants relatif à la nécessité de donner aux États membres la possibilité d’assurer la protection des indications géographiques non agricoles n’ayant pas été harmonisée au sein de l’Union. En effet, il ne ressort pas de la motivation de la décision attaquée que cette circonstance a constitué une des raisons pour accorder l’autorisation litigieuse. Par ailleurs, l’argument invoqué remet en cause la constatation faite par la Cour dans l’arrêt du 25 octobre 2017, Commission/Conseil (Arrangement de Lisbonne révisé) , selon laquelle la compétence de l’Union dans le domaine régi par l’acte de Genève est exclusive (voir point 14 des présentes conclusions).


48      C‑22/20, EU:C:2021:250.


49      Conclusions de l’avocate générale Kokott dans l’affaire Commission/Suède (Stations d’épuration) (C‑22/20, EU:C:2021:250, point 35).


50      Arrêt du 15 juillet 2021, Commission/Landesbank Baden-Württemberg et CRU (C‑584/20 P et C‑621/20 P, EU:C:2021:601, point 104 et jurisprudence citée).


51      Arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen) (C‑611/17, EU:C:2019:332, point 48 et jurisprudence citée).


52      Une telle proposition serait nécessaire dans l’hypothèse où la Cour accueillerait le premier moyen.