Language of document : ECLI:EU:T:2002:103

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 avril 2002 (1)

«Fonctionnaires - Procédures de recrutement - Application de l'article 29, paragraphe 1, du statut - Recrutement d'un agent temporaire - Retrait d'un acte administratif»

Dans l'affaire T-372/00,

Mário Campolargo, agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me C. Mourato, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 15 février 2000 portant annulation de l'affectation du requérant à l'emploi de chef de l'unité 2 «Réseaux de recherche» au sein de la direction G «Technologies de la société de l'information: développements technologiques à caractère générique et actions horizontales» de la direction générale «Société de l'information: télécommunication, marchés, technologies - Innovation et valorisation de la recherche»,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, N. J. Forwood et H. Legal, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 février 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Aux termes de l'article 4 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»):

«Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d'un emploi dans les conditions prévues au présent statut.

Toute vacance d'emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l'autorité investie du pouvoir de nomination a décidé qu'il y a lieu de pourvoir à cet emploi.

S'il n'est pas possible de pourvoir à cette vacance par voie de mutation, promotion ou concours interne, celle-ci est portée à la connaissance du personnel des trois Communautés européennes.»

2.
    Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du statut:

«En vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné:

a)    les possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution;

b)    les possibilités d'organisation de concours internes à l'institution;

c)    les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés européennes

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l'annexe III.

[...]»

3.
    Aux termes de l'article 2, sous d), du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le «RAA»), est considéré comme agent temporaire, au sens de ce régime, «l'agent engagé en vue d'occuper, à titre temporaire, un emploi permanent, rémunéré sur les crédits de recherches et d'investissement et compris dans le tableau des effectifs annexé au budget de l'institution intéressée».

4.
    Les «Règles et procédures de pourvoi d'emplois vacants», publiées par la Commission dans les Informations administratives n° 556 du 18 avril 1988, disposent en leur point 5, sous b), intitulé «Qui peut postuler à un emploi vacant ?»:

«[L]es postes relevant du tableau des effectifs du Centre commun de recherche ou de celui des Actions à frais partagés sont affichés avec la lettre R. Les agents temporaires faisant partie de ces effectifs peuvent postuler et être pris en considération si le poste n'est pas pourvu par la mutation d'un fonctionnaire.»

Faits à l'origine du recours et procédure

5.
    À l'époque des faits à l'origine du présent recours, le requérant occupait, en qualité d'agent temporaire au sens de l'article 2, sous d), du RAA, un emploi permanent, rémunéré sur les crédits de recherches et d'investissement et compris dans le tableau des effectifs du Centre commun de recherche (ci-après le «CCR»), au sein de l'unité 2 «Réseaux de recherche» de la direction G «Technologies de la société de l'information: développements technologiques à caractère générique et actions horizontales» de la direction générale «Société de l'information: télécommunication, marchés, technologies - Innovation et valorisation de la recherche» (DG XIII) de la Commission (ci-après l'«unité XIII.G.2»). Il avait été reclassé au grade A 4 par décision de l'autorité habilitée à conclure les contrats d'engagement (ci-après l'«AHCC») du 1er août 1997.

6.
    Le 2 février 1999, la Commission a publié, notamment, l'avis de vacance d'emploi COM/R/7012/99 en vue de pourvoir, conformément à la procédure prévue aux articles 4 et 29, paragraphe 1, sous a), du statut, à l'emploi de chef d'unité de grade A 3 de l'unité XIII.G.2. Cet emploi est également un emploi permanent rémunéré sur les crédits de recherches et d'investissement et compris dans le tableau des effectifs du CCR.

7.
    Le requérant a posé sa candidature à cet emploi, en même temps que plusieurs autres fonctionnaires et agents temporaires de la Commission.

8.
    Par note du 3 mai 1999, le secrétaire du comité consultatif des nominations (ci-après le «CCN») a fait savoir au requérant que trois candidatures, dont la sienne, pourraient être prises en considération en vue du pourvoi de cet emploi.

9.
    Le 6 mai 1999, M. S. Pascall, fonctionnaire de la Commission faisant fonction de chef de l'unité XIII.G.2, candidat à cet emploi vacant, mais dont la candidature n'a pas été retenue par le CCN, a adressé au membre de la Commission en charge des affaires du personnel, par l'intermédiaire de son avocat, une lettre dans laquelle il faisait valoir que la candidature du requérant à ce même emploi avait été illégalement retenue par le CCN. M. Pascall a fait part de cette contestation au requérant le 17 juin 1999.

10.
    Par note du 20 juillet 1999, l'AHCC a transmis au requérant un avenant à son contrat d'agent temporaire. Aux termes de cet avenant, le requérant était engagé pour exercer les fonctions de chef de l'unité XIII.G.2 et reclassé au grade A 3 avec effet au 1er août 1999.

11.
    Par note du 1er août 1999, le directeur général de la DG XIII a informé le personnel de l'affectation du requérant à l'emploi de chef de l'unité XIII.G.2.

12.
    Le 6 août 1999, M. Pascall a indiqué à nouveau au requérant qu'il contestait la régularité de son affectation à ce poste et que, depuis le mois de mai, il avait entamé une série de démarches tant auprès de la DG XIII qu'auprès de la direction générale «Personnel et administration» (DG IX).

13.
    Au cours du mois de décembre 1999, le requérant a pris connaissance d'un article publié sur le site web de l'Union syndicale, mettant en cause la régularité de son affectation à l'emploi en question. À cet article était jointe une lettre du 28 septembre 1999 du vice-président de ce syndicat adressée au nouveau membre de la Commission en charge des réformes administratives. Le requérant a répondu à ces critiques et a défendu la régularité de son affectation à l'emploi en cause dans une lettre du 14 décembre 1999 adressée au vice-président de l'Union syndicale, avec copies aux membres de la Commission respectivement chargés des réformes administratives et des affaires du personnel ainsi qu'au secrétaire général de la Commission.

14.
    Le 15 février 2000, le directeur général de la DG «Personnel et administration» a envoyé au requérant une lettre libellée comme suit:

«Je me dois, par la présente, de vous informer que, suite à ma décision en tant qu'[autorité investie du pouvoir de nomination] de réserver une suite favorable à une réclamation au titre de l'article 90 [du statut] contre le pourvoi du poste COM/R/7012/99, votre nomination en tant que chef de l'unité ex-DG XIII/G/2 ainsi que votre promotion au grade A 3 ont été annulées. La date d'effet de ces décisions est fixée au 2 février 2000. De ce fait, et afin de restaurer la situation existante préalablement à la décision de la Commission, je tiens à vous faire savoir que votre classement actuel est de grade A 4, échelon 5.

[...]»

15.
    Le 15 mars 2000, le requérant a adressé au directeur général de la DG «Personnel et administration» une lettre dans laquelle il contestait la décision de ce dernier portant «annulation» de sa «nomination» au poste en cause et de sa «promotion» au grade A 3 (ci-après la «décision attaquée») et demandait des explications complémentaires.

16.
    Le 12 mai 2000, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90 du statut contre la décision attaquée.

17.
    Cette réclamation a été évoquée lors d'une réunion interservices qui s'est tenue le 12 juillet 2000. Par lettre du 21 juillet 2000 adressée à la Commission, l'avocat du requérant a, d'une part, déploré l'absence, lors de cette réunion, de plusieurs fonctionnaires représentant les services concernés, notamment le service juridique, et, d'autre part, demandé à obtenir une copie de la réclamation de M. Pascall à l'origine de la décision attaquée. Cette demande a été rejetée par lettre de la Commission du 9 août 2000, au motif que les réclamations sont confidentielles et que, de ce fait, elles ne peuvent pas être transmises à des tiers.

18.
    N'ayant pas reçu de réponse explicite à sa réclamation à l'expiration du délai statutaire de quatre mois, le requérant a introduit le présent recours par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 décembre 2000.

19.
    Une décision explicite de rejet de la réclamation est néanmoins intervenue tardivement, le 12 janvier 2001. Elle est motivée, en substance, par la circonstance que l'affectation du requérant à l'emploi en cause serait intervenue en violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut, dès lors que des fonctionnaires de l'institution, candidats audit emploi, répondaient pleinement aux qualifications requises par l'avis de vacance et avaient été inscrits sur la «short list» établie par le CCN.

20.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure,a invité la Commission à produire certains documents et témoignages écrits. La Commission a satisfait à cette demande dans le délai qui lui avait été imparti.

21.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 6 février 2002.

Conclusions des parties

22.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée ainsi que la décision implicite du 12 septembre 2000 portant rejet de la réclamation administrative;

-    condamner la Commission aux dépens.

23.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

24.
    Il convient de relever tout d'abord que le chef de conclusions du requérant visant à l'annulation de la décision implicite de rejet de sa réclamation se confond avec celui visant à l'annulation de la décision attaquée (ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T-172/00, RecFP p. I-A-91 et II-429, point 22).

25.
    Au soutien de ces conclusions, le requérant invoque, dans sa requête, quatre moyens tirés, le premier, de la violation des droits de la défense, le second, de la violation de l'obligation de motivation, le troisième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime et, le quatrième, de la violation des principes généraux d'égalité de traitement, de proportionnalité et de bonne administration. En réponse à l'argumentation exposée par la Commission tant dans sa réponse explicite à la réclamation, postérieure à l'introduction du présent recours, que dans son mémoire en défense, le requérant invoque par ailleurs, dans sa réplique, un moyen tiré de l'erreur de droit commise par la Commission en ce que celle-ci considère que son affectation à l'emploi en cause contrevenait aux dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du statut.

Sur le moyen tiré de la violation des droits de la défense

Arguments des parties

26.
    Le requérant fait valoir qu'il n'a pas été entendu préalablement à l'adoption de la décision attaquée, en violation de ses droits de la défense.

27.
    La Commission considère que, dans la mesure où la décision portant affectation du requérant à l'emploi en cause était entachée d'un vice de procédure fondamental (voir son argumentation en ce sens aux points 77 à 84 ci-après), l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») avait le devoir del'annuler sans délai et sans être tenue d'entendre l'intéressé au préalable. Selon elle, une telle audition n'aurait d'ailleurs rien pu changer à la décision attaquée.

28.
    Ce serait à tort, par ailleurs, que le requérant invoque la jurisprudence relative au respect des droits de la défense dans le cadre des procédures disciplinaires. Dans des circonstances telles que celles de l'espèce, la phase de la réclamation administrative permettrait en elle-même d'assurer le respect des droits de la défense de l'intéressé. La Commission invoque, en ce sens, les arrêts du Tribunal du 10 février 1994, White/Commission (T-107/92, RecFP p. I-A-41 et II-143), et du 13 juillet 1995, Kschwendt/Commission (T-545/93, RecFP p. I-A-185 et II-565). En l'occurrence, la Commission souligne que le requérant a pu exprimer sa position tant dans son courrier du 14 décembre 1999 répondant aux critiques formulées par l'Union syndicale que dans le cadre de sa réclamation au titre de l'article 90 du statut et, notamment, lors de la réunion interservices du 12 juillet 2000.

29.
    Enfin, la Commission fait valoir qu'elle a pris la décision litigieuse dans le cadre de l'examen d'une réclamation introduite par un autre fonctionnaire, ce qui ne lui permettait pas d'associer le requérant à la procédure mais l'obligeait à agir sans délai eu égard à la brièveté des délais de réponse à une réclamation.

Appréciation du Tribunal

30.
    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l'encontre d'une personne et susceptible d'aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit communautaire et doit être assuré même en l'absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15, et du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 27).

31.
    Ce principe, qui exige normalement que l'intéressé soit entendu par l'autorité compétente avant l'adoption de l'acte faisant grief, s'applique tant en matière disciplinaire que dans les autres matières relevant de la fonction publique communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 juin 1971, Almini/Commission, 19/70, Rec. p. 623, point 11; arrêts du Tribunal du 6 mai 1997, Quijano/Commission, T-169/95, RecFP p. I-A-91 et II-273, point 44; du 17 novembre 1998, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, T-131/97, RecFP p. I-A-613 et II-1855, point 55, et du 15 juin 2000, F/Commission, T-211/98, RecFP p. I-A-107 et II-471, point 28). Les arrêts White/Commission et Kschwendt/Commission, précités, invoqués par la Commission, n'ont aucune pertinence par rapport à cette question.

32.
    Ce n'est que dans des circonstances particulières où il s'avère impossible en pratique ou incompatible avec l'intérêt du service de procéder à une consultation préalable de l'intéressé que les exigences découlant du principe de respect des droits de la défense peuvent être satisfaites par une audition dans les plus brefsdélais après l'adoption de l'acte faisant grief (arrêt F/Commission, précité, point 34).

33.
    En l'occurrence, la décision attaquée constitue un acte faisant grief au requérant.

34.
    Par ailleurs, les circonstances particulières visées au point 32 ci-dessus font défaut en l'espèce, dans la mesure où il n'était ni impossible en pratique ni incompatible avec l'intérêt du service d'entendre le requérant entre le 4 novembre 1999, date d'introduction de la réclamation de M. Pascall, et le 15 février 2000, date d'adoption de la décision attaquée.

35.
    Il s'ensuit que l'autorité compétente avait l'obligation d'entendre le requérant préalablement à l'adoption de la décision attaquée.

36.
    Quant à l'argument selon lequel les droits de la défense du requérant auraient été respectés au stade de la réclamation administrative, et notamment lors de la réunion interservices du 12 juillet 2000, il procède d'une confusion entre le droit d'être entendu avant l'adoption d'un acte faisant grief, qui doit impérativement être respecté, et le droit d'introduire une réclamation ainsi que, le cas échéant, un recours juridictionnel contre ledit acte.

37.
    Enfin, la circonstance que le requérant a pu réagir aux critiques émises par l'Union syndicale à l'encontre de sa nomination, notamment par sa lettre du 14 décembre 1999, ne saurait remplacer l'audition par l'autorité compétente et le dialogue en découlant, lesquels constituent, précisément, la garantie des droits de la défense.

38.
    Il découle de ce qui précède que, dans la mesure où l'autorité compétente n'a pas satisfait en l'espèce à l'obligation d'entendre le requérant avant l'adoption de la décision attaquée, elle l'a privé de l'occasion de défendre au préalable utilement ses intérêts et a ainsi violé les droits de la défense.

39.
    Il y a toutefois lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, même dans le cas où il y a eu une violation des droits de la défense, il faut en outre, pour que le moyen puisse être retenu, que, en l'absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 48; ordonnance de la Cour du 18 octobre 2001, Kish Glass/Commission, C-241/00 P, Rec. p. I-7759, point 36).

40.
    Or, la Commission soutient que, en l'espèce, elle était tenue d'annuler l'acte portant affectation du requérant à l'emploi en cause, dès lors que, selon elle, cette affectation était intervenue en violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut.

41.
    Il convient de reconnaître que cette thèse, à la supposer exacte, pourrait être de nature à faire obstacle à l'annulation de la décision attaquée, conformément à la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus.

42.
    Ce n'est donc qu'après en avoir examiné le bien-fondé, dans le cadre du moyen tiré de ce que la Commission commet une erreur de droit en considérant que l'affectation du requérant à l'emploi en cause contrevenait aux dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du statut, qu'il pourra être apprécié si la violation des droits de la défense constatée en l'espèce doit entraîner l'annulation de la décision attaquée.

Sur le moyen tiré de la violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

43.
    Le requérant soutient que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée, dès lors que ni la «réclamation au titre de l'article 90» du statut à laquelle cette décision fait référence ni la décision de l'AIPN y faisant droit ne lui ont été communiquées.

44.
    Il nie, par ailleurs, avoir jamais été informé, pendant la procédure précontentieuse, du motif pris d'une prétendue violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut, avancé par la Commission dans sa réponse tardive à la réclamation et dans son mémoire en défense. Lors de la réunion interservices du 12 juillet 2000, les fonctionnaires présents ne lui auraient fourni que des explications vagues et confuses et se seraient limités à faire référence à la réclamation de M. Pascall, sans toutefois en livrer le contenu.

45.
    La Commission estime que la décision attaquée est suffisamment et correctement motivée, eu égard au contexte de fait et de droit dans lequel elle s'inscrit.

46.
    Elle soutient plus particulièrement que, lors de la réunion interservices du 12 juillet 2000, le requérant a bien été informé du seul motif justifiant la décision attaquée, à savoir, d'après elle, la constatation d'un vice de procédure au regard de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut.

47.
    Enfin, la Commission fait valoir que, comme elle l'a déjà indiqué dans sa lettre adressée le 9 août 2000 au requérant, des raisons de confidentialité s'opposaient à la communication à ce dernier de la réclamation de M. Pascall et de la réponse de l'AIPN à cette réclamation.

Appréciation du Tribunal

48.
    Aux termes de l'article 25, deuxième alinéa, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires, conformément à l'article 11 du RAA, toute décision faisant grief doit être motivée.

49.
    Selon une jurisprudence constante, cette obligation de motivation a pour but, d'une part, de fournir à l'intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l'administration et l'opportunité d'introduire un recours devant le Tribunal et, d'autre part, de permettre à ce dernier d'exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T-60/94, RecFP p. I-A-23 et II-77, points 31 et 32; du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T-283/97, RecFP p. I-A-69 et II-353, point 73, et du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T-10/99, RecFP p. I-A-47 et II-203, point 41).

50.
    En l'espèce, il y a lieu de retenir que, dans la décision attaquée, le directeur général de la DG «Personnel et administration» s'est borné à indiquer au requérant que «suite à [s]a décision en tant qu'AIPN de réserver une suite favorable à une réclamation au titre de l'article 90 [du statut] contre le pourvoi du poste COM/R/7012/99, [sa] nomination en tant que chef de l'unité ex-DG XIII/G/2 ainsi que [sa] promotion au grade A 3 ont été annulées».

51.
    Pour autant qu'une telle indication puisse être qualifiée de motivation au sens de l'article 25, deuxième alinéa, du statut, celle-ci doit être tenue pour totalement insuffisante et inadéquate, dès lors que la Commission a refusé de communiquer au requérant, malgré sa demande expresse, tant ladite réclamation que la décision prise par l'AIPN en réponse à celle-ci.

52.
    Quant aux raisons de confidentialité invoquées par la Commission pour justifier ce refus tant au cours de la procédure précontentieuse que dans ses écritures, elles doivent être écartées. Il y a lieu de souligner, en effet, que lorsqu'une décision aussi grave que l'annulation de la nomination d'un fonctionnaire ou de l'affectation d'un agent temporaire à un emploi vacant est adoptée en réponse à la réclamation d'un candidat évincé, l'intéressé est en droit de se voir communiquer, sinon le texte de la réclamation lui-même, du moins les éléments pertinents de celle-ci ainsi que les motifs qui, selon l'AIPN, justifient qu'il y soit fait droit.

53.
    La Commission rappelle toutefois à raison que, selon la jurisprudence, la motivation d'une décision est à apprécier en fonction du contexte de fait et de droit dans lequel elle s'inscrit (arrêts de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 86, et du 15 mai 1997, Siemens/Commission, C-278/95 P, Rec. p. I-2507, point 17). Il convient, ainsi, de prendre en considération les circonstances dans lesquelles la décision a été prise et portée à la connaissance de l'intéressé et, notamment, d'examiner si le requérant était déjà en possession des informations sur lesquelles l'institution a fondé sa décision (arrêts de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, point 13, et du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, point 16).

54.
    Or, selon la Commission, il était évident que le non-respect de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut rendait impossible le maintien de l'affectation du requérant à l'emploi en cause. Par ailleurs, du fait de ses contacts avec M. Pascall et avec l'Union syndicale, le requérant aurait été au courant des circonstances qui ont mené à l'adoption de la décision attaquée. La Commission soutient plus particulièrement que, lors de la réunion interservices du 12 juillet 2000, le requérant a bien été informé du seul motif justifiant la décision attaquée, à savoir, d'après elle, la constatation d'un «vice de procédure fondamental» au regard de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut.

55.
    À cet égard, et sans préjudice de son appréciation au fond, le Tribunal considère, en premier lieu, que la Commission ne saurait valablement opposer au requérant le caractère prétendument «évident» de l'illégalité alléguée pour justifier la décision attaquée, dès lors que, premièrement, elle-même a choisi d'affecter l'intéressé à l'emploi en cause, en juillet 1999, malgré la contestation formulée par M. Pascall dès le mois de mai 1999; deuxièmement, elle a laissé s'écouler près de sept mois avant de procéder, par la voie de la décision attaquée, au retrait de cette affectation; et, troisièmement, ainsi qu'il ressort des mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal, les fonctionnaires compétents de la Commission présents à la réunion interservices du 12 juillet 2000 ont exprimé des avis divergents quant à la régularité des conditions dans lesquelles était intervenue ladite affectation (voir point 59 ci-après).

56.
    En deuxième lieu, s'agissant des contacts entre le requérant et M. Pascall, il est vrai que la réclamation de ce dernier, produite par la Commission à la suite des mesures d'organisation de la procédure ordonnées par le Tribunal, invoquait bien, entre autres motifs et en termes généraux, une violation des articles 4 et 29 du statut. Il convient toutefois de rappeler que la communication de cette réclamation a été refusée au requérant. Pour autant que celui-ci ait pu en juger au vu de la lettre du vice-président de l'Union syndicale adressée au membre de la Commission chargé des réformes administratives le 28 septembre 1999 (voir point 13 ci-dessus) et de la lettre de l'avocat de M. Pascall adressée au membre de la Commission chargé des affaires du personnel le 6 mai 1999 (voir point 9 ci-dessus), seuls éléments dont il est établi qu'il a eu connaissance, la réclamation de M. Pascall était essentiellement fondée, d'une part, sur le prétendu non-respect par le requérant de la condition d'ancienneté minimale prévue à l'article 45 du statut et, d'autre part, sur une critique des mérites de ce dernier. En revanche, aucune de ces deux lettres ne faisait référence à une prétendue violation de l'article 29 du statut. Il s'ensuit que la Commission, à qui incombe la charge de la preuve, reste en défaut d'établir que le requérant a pu avoir connaissance de l'unique motif justifiant, selon elle, la décision attaquée du fait de ses contacts avec M. Pascall.

57.
    En troisième lieu, force est de constater que, à aucun moment de la procédure précontentieuse, la Commission n'a exposé par écrit le motif qui, selon elle, justifiait l'annulation de l'affectation du requérant à l'emploi en cause.

58.
    En quatrième lieu, s'agissant des explications orales données au requérant au cours de la réunion interservices du 12 juillet 2000, il convient de rappeler tout d'abord que, sauf cas très exceptionnel et au vu de circonstances spécifiques, de telles explications ne peuvent pas être considérées comme un début de motivation pouvant être complété en cours d'instance (voir, en ce sens, arrêt Vicente Nuñez/Commission, précité, point 44). Ainsi, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 31 janvier 2002, Hult/Commission (T-206/00, non encore publié au Recueil), invoqué par la Commission à l'audience, les informations fournies au requérant lors de la réunion interservices n'avaient fait que préciser et compléter celles déjà données avant l'introduction de la réclamation (voir points 30 et 31 de l'arrêt).

59.
    En l'espèce, les parties étant contraires en fait quant à la teneur des propos exprimés au cours de la réunion interservices du 12 juillet 2000, le Tribunal a ordonné la production de certains documents et témoignages écrits, au titre des mesures d'organisation de la procédure. Il ressort de ces pièces, dont certaines ont été rédigées in tempore non suspecto, que, contrairement à ce que soutient le requérant, la question de la légalité de son affectation à l'emploi en cause au regard de l'article 29, paragraphe 1, du statut a bien été évoquée lors de cette réunion. Toutefois, les mêmes documents et témoignages écrits attestent que, si l'agent représentant la DG «Personnel et administration» a fait état d'un vice de procédure au regard de cette disposition, son point de vue a été contesté par l'agent représentant la DG «Société de l'information». Il convient d'ajouter que, dans sa lettre adressée le 9 août 2000 à l'avocat du requérant (voir point 17 ci-dessus), le chef d'unité en charge du dossier au sein de la direction B «Droits et obligations, politique et actions sociales» de la DG «Personnel et administration» a confirmé - et regretté - l'absence du service juridique ainsi que celle «du service compétent (ADMIN.A.5) dans le cas d'espèce» lors de cette réunion. Dans ces conditions, les explications orales contradictoires données au requérant lors de ladite réunion ne sauraient être considérées comme un début de motivation valable.

60.
    En cinquième lieu, enfin, le Tribunal relève que, dans sa réponse à la réclamation de M. Pascall, également produite par la Commission à la suite des mesures d'organisation de la procédure, l'AIPN, après avoir énuméré les six moyens invoqués par le réclamant (violation des articles 4, 29 et 45 du statut; erreur manifeste d'appréciation; violation de l'avis de vacance d'emploi; détournement de pouvoir; violation de l'obligation de motivation; violation du principe d'égalité de traitement), s'est bornée à faire état de sa décision d'annuler la «nomination» du requérant à l'emploi en cause, en soulignant que cette décision «n'impliqu[ait pas] nécessairement reconnaissance de la validité de tous les moyens» exposés au soutien de la réclamation. Dans ces conditions, il n'est pas possible de déterminer, sur la base de la réponse de l'AIPN à la réclamation de M. Pascall, le ou les motifs finalement retenus par elle pour justifier l'annulation de l'affectation du requérant à l'emploi en cause.

61.
    Il découle de ce qui précède que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation auquel la procédure précontentieuse n'a pas permis de remédier.

62.
    Il convient toutefois de rappeler qu'un fonctionnaire n'a aucun intérêt légitime à demander l'annulation, pour vice de forme, et notamment pour violation de l'obligation de motivation, d'une décision dans le cas où l'administration ne dispose d'aucune marge d'appréciation et est tenue d'agir comme elle l'a fait. En pareille hypothèse, l'annulation de la décision attaquée ne pourrait, en effet, que donner lieu à l'intervention d'une décision identique, quant au fond, à la décision annulée (arrêts du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T-43/90, Rec. p. II-2619, point 54, et du 20 septembre 2000, Orthmann/Commission, T-261/97, RecFP p. I-A-181 et II-829, points 33 et 35).

63.
    Or, ainsi que cela a déjà été exposé au point 40 ci-dessus, la Commission soutient que, en l'espèce, elle était tenue d'annuler l'affectation du requérant à l'emploi en cause, dès lors que, selon elle, cette affectation était intervenue en violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut.

64.
    Force est, encore une fois, de reconnaître que cette thèse, à la supposer exacte, pourrait être de nature à faire obstacle à l'annulation de la décision attaquée pour violation de l'obligation de motivation, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus.

65.
    À l'issue de l'examen des deux premiers moyens du recours, le Tribunal estime opportun de se prononcer par priorité sur cette question.

Sur le moyen tiré de l'erreur de droit commise par la Commission en ce que celle-ci considère que l'affectation du requérant à l'emploi en cause contrevenait aux dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du statut

Arguments des parties

66.
    Selon le requérant, la Commission commet une erreur de droit lorsqu'elle considère, tant dans la réponse explicite à la réclamation que dans le mémoire en défense, que son affectation à l'emploi en cause est intervenue en violation des dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du statut. Un tel motif ne saurait dès lors, selon lui, justifier en droit la décision attaquée.

67.
    Le requérant rappelle que, selon une jurisprudence constante, les agents temporaires au service d'une institution ont le droit de participer aux concours internes organisés par celle-ci au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut en vue de pourvoir à une vacance d'emploi.

68.
    Selon lui, cette jurisprudence est transposable aux procédures de pourvoi d'emplois vacants par voie de promotion ou de mutation au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut.

69.
    Premièrement, aucune disposition du statut n'exclurait la participation des agents temporaires à ces procédures.

70.
    Deuxièmement, l'article 29, paragraphe 1, du statut ne ferait aucune distinction entre les différentes catégories de personnel dans le cadre des procédures de recrutement interne qu'il instaure. Le requérant soutient plus particulièrement, sur la base d'une interprétation littérale des termes «possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution», que l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut vise l'ensemble des personnes se trouvant au service de l'institution, à quelque titre que ce soit.

71.
    Troisièmement, le requérant invoque l'effet utile de l'article 4, deuxième alinéa, du statut, aux termes duquel «toute» vacance d'emploi est portée à la connaissance du «personnel» de l'institution concernée. Cette disposition viserait donc les vacances d'emploi à pourvoir par voie de promotion ou de mutation et serait applicable aux agents temporaires.

72.
    Quatrièmement, cette interprétation serait confirmée par l'article 27 du statut, aux termes duquel toute procédure de recrutement doit viser à assurer à l'institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité.

73.
    Cinquièmement, le requérant soutient que, jusqu'à l'introduction de sa réclamation, la pratique constante de la Commission en matière de recrutement interne par voie de promotion, notamment au sein de la DG XIII, était de n'opérer aucune distinction entre fonctionnaires et agents temporaires.

74.
    Ce serait à tort, en revanche, que la Commission invoque l'arrêt du Tribunal du 9 mars 1999, Richard/Parlement (T-273/97, RecFP p. I-A-45 et II-235), partiellement confirmé sur pourvoi par l'arrêt de la Cour du 13 juillet 2000, Parlement/Richard (C-174/99 P, Rec. p. I-6189). En effet, ces arrêts ne mettraient pas en évidence une quelconque priorité des fonctionnaires par rapport aux agents temporaires d'une même institution dans le cadre d'une procédure de promotion, mais se borneraient à reconnaître que la procédure de recrutement interne en trois temps prévue à l'article 29, paragraphe 1, du statut prime la procédure de recrutement externe prévue à l'article 29, paragraphe 2, dudit statut (voir, également, conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt Parlement/Richard, précité, Rec. p. I-6191, points 58 et 59).

75.
    À titre subsidiaire, pour le cas où il y aurait lieu de reconnaître une priorité des fonctionnaires sur les agents temporaires dans le cadre d'une procédure de promotion au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, d'une part, les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation en matière de promotion et ne peuvent être censurées que si elles utilisent celui-ci d'une manière manifestement erronée (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 18; arrêt duTribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T-53/91, Rec. p. II-2041, point 33), et, d'autre part, l'AIPN n'est pas tenue de rejeter au préalable les candidatures examinées au titre de la promotion ou de la mutation avant d'organiser un concours interne ou de passer à l'une des phases suivantes de la procédure (arrêt Parlement/Richard, précité, points 41 à 43; conclusions de l'avocat général M. Mischo sous ledit arrêt, précitées, points 68 à 70).

76.
    Il s'ensuit, selon lui, que dans le cadre d'une procédure de recrutement interne à laquelle ont été régulièrement admis à participer, comme en l'espèce, à la fois des fonctionnaires et des agents temporaires, de façon à élargir les possibilités de choix de l'AIPN, celle-ci reste dans les limites de son large pouvoir d'appréciation en retenant la candidature de l'un des seconds sans avoir, au préalable, rejeté explicitement celle des premiers. Au demeurant, il ne serait pas contesté que ce choix n'est, en l'espèce, entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation susceptible de porter atteinte à la prétendue priorité des fonctionnaires sur les agents temporaires.

77.
    La Commission rappelle, à titre liminaire, que les postes relevant, comme en l'espèce, du tableau des effectifs du CCR ainsi que tous ceux rémunérés sur les crédits de recherche sont des emplois permanents et qu'ils peuvent donc être occupés soit par des fonctionnaires, soit par des agents temporaires relevant de l'article 2, sous d), du RAA.

78.
    En cas de vacance de tels emplois, tant les fonctionnaires que les agents temporaires de l'institution pourraient donc se porter candidats. L'AIPN/AHCC examinerait simultanément ces candidatures et serait libre de choisir l'une ou l'autre en fonction des exigences du poste et des qualifications des candidats.

79.
    Toutefois, l'AIPN serait également tenue de respecter la préférence reconnue aux fonctionnaires de l'institution par les articles 4 et 29, paragraphe 1, sous a), du statut et rappelée au point 5, sous b), des «Règles et procédures de pourvoi d'emplois vacants». Il s'ensuivrait que la candidature d'un agent temporaire ne peut être prise en considération que pour autant que l'emploi en question n'est pas pourvu par la nomination d'un fonctionnaire, ce dernier jouissant, en quelque sorte, d'une priorité dans l'intérêt bien compris du service. La Commission invoque, en ce sens, les arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Ley/Commission (12/64 et 29/64, Rec. p. 143), et Parlement/Richard, précité (point 39), ainsi que les conclusions de l'avocat général M. Mischo sous ledit arrêt Parlement/Richard, précitées (point 59).

80.
    Elle soutient, par ailleurs, que, à la différence de ce qui a été jugé dans l'arrêt Parlement/Richard, précité, une correcte application de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut, lu en combinaison avec le point 5, sous b), des «Règles et procédures de pourvoi d'emplois vacants», exige que l'AIPN procède au rejet explicite des candidatures émanant de fonctionnaires avant de pourvoir l'emploi par l'affectation d'un agent temporaire.

81.
    En l'espèce, souligne la Commission, la vacance de l'emploi en cause ayant été publiée au titre des articles 4 et 29, paragraphe 1, sous a), du statut, le pourvoi de celui-ci par la nomination du requérant ne pouvait se faire que dans le strict respect de ces principes.

82.
    Or, parmi les candidats à cet emploi, plusieurs fonctionnaires de la Commission, et notamment celui finalement nommé à la suite de la décision attaquée, auraient été jugés à même de répondre pleinement aux qualifications requises par l'avis de vacance et auraient dès lors dû, selon la Commission, bénéficier de la priorité statutaire par rapport au requérant, dont la candidature aurait dû être écartée d'office.

83.
    Il s'ensuivrait que la décision portant affectation du requérant à l'emploi en cause était entachée d'illégalité.

84.
    La Commission fait dès lors valoir que, après avoir constaté, à la suite d'une réclamation introduite par un candidat évincé et après examen approfondi du dossier, que l'article 29, paragraphe 1, du statut n'avait pas été respecté, elle avait non seulement le droit, mais aussi l'obligation de retirer ladite décision.

Appréciation du Tribunal

85.
    L'argumentation du requérant doit être rejetée comme non fondée, dans la mesure où elle vise à établir que les agents temporaires ont le droit d'être nommés fonctionnaires par la voie d'une procédure de promotion ou de mutation à un emploi vacant au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut.

86.
    À cet égard, il n'y a pas lieu de transposer aux procédures au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut la jurisprudence selon laquelle les agents temporaires ont, en principe, le droit de participer aux concours internes de leur institution et, partant, d'être nommés fonctionnaires à l'issue d'une procédure au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut (arrêts de la Cour du 31 mars 1965, Rauch/Commission, 16/64, Rec. p. 179, 190; du 12 mars 1975, Küster/Parlement, 23/74, Rec. p. 353, point 35, et du 28 octobre 1982, Giannini/Commission, 265/81, Rec. p. 3865, points 7 et 8; arrêts du Tribunal du 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T-56/89, Rec. p. II-597, points 39 à 41; du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T-40/96 et T-55/96, RecFP p. I-A-47 et II-135, point 39, et du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, T-294/97, RecFP p. I-A-601 et II-1819, point 36).

87.
    L'article 28, sous d), du statut fait obstacle à une telle transposition. Aux termes de cette disposition, en effet, «[n]ul ne peut être nommé fonctionnaire [...] s'il n'a satisfait, sous réserve des dispositions de l'article 29, paragraphe 2, à un concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves dans les conditions prévues à l'annexe III».

88.
    C'est précisément la circonstance que les procédures de recrutement au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut comprennent le passage d'un concours, interne, en l'occurrence, qui a permis le développement de la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus. En revanche, cette jurisprudence a catégoriquement exclu la participation des agents temporaires aux procédures de pourvoi d'emplois vacants par voie de promotion ou de mutation au titre de l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut (voir arrêt Rauch/Commission, précité, Rec. p. 190, et conclusions de l'avocat général M. Gand sous ledit arrêt, Rec. p. 196, 196 à 198).

89.
    Aucun des arguments invoqués par le requérant à l'appui de sa thèse n'est susceptible de remettre en cause cette jurisprudence. Ses quatre premiers arguments (voir points 68 à 72 ci-dessus) se heurtent au prescrit de l'article 28, sous d), du statut. Quant à son cinquième argument, tiré d'une prétendue pratique administrative contraire de la Commission (voir point 73 ci-dessus), il procède d'une confusion entre le statut de fonctionnaire et celui d'agent temporaire. Il est du reste contredit par l'exemple même du requérant, qui, loin d'avoir été «promu» à l'emploi en cause en tant que fonctionnaire, y a été affecté en tant qu'agent temporaire, moyennant la conclusion d'un avenant à son contrat d'engagement initial, conformément à l'article 10, troisième alinéa, du RAA (voir point 10 ci-dessus).

90.
    Le statut et le RAA constituant les deux parties d'un même règlement qui englobe ainsi toutes les catégories de personnel auxquelles recourent les Communautés (voir conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'arrêt Rauch/Commission, précitées, Rec. p. 198), il ressort toutefois des dispositions citées aux points 1 à 3 du présent arrêt que, en principe, toute vacance d'un emploi permanent rémunéré sur les crédits de recherches et d'investissement et compris dans le tableau des effectifs annexé au budget de l'institution intéressée peut être pourvue soit par la nomination d'un fonctionnaire au titre des articles 4 et 29 du statut, soit par l'engagement d'un agent temporaire au sens de l'article 2, sous d), du RAA. Le point 5, sous b), des «Règles et procédures de pourvoi d'emplois vacants», ne fait que rappeler ce principe.

91.
    Quant à la question de savoir si ces dispositions confèrent aux fonctionnaires un droit de «priorité» ou de «préférence» par rapport aux agents temporaires, au sens où l'entend la Commission, dans le cadre des procédures de pourvoi de tels emplois vacants, il est vrai que, s'agissant de l'application en cascade des dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du statut, la Cour a précisé, dans l'arrêt du 5 décembre 1974, Van Belle/Conseil (176/73, Rec. p. 1361, points 5 et 6), que cet article oblige l'AIPN à examiner, par ordre de préférence, d'abord les possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution où la vacance d'emploi s'est produite, ensuite les possibilités d'organisation de concours internes à cette institution et enfin les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions, et que ce n'est que si ces possibilités se révèlent inappropriées qu'il y a lieu de procéder par voie de concours externes, interinstitutionnels ou généraux.

92.
    Il ne saurait donc être contesté que l'AIPN doit d'abord examiner soigneusement les candidatures qui ont été présentées au titre de la promotion ou de la mutation. L'ordre de préférence établi par l'article 29, paragraphe 1, du statut doit, en effet, être compris comme étant l'expression même du principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière au sein de son institution (arrêt du Tribunal du 19 février 1998, Campogrande/Commission, T-3/97, RecFP p. I-A-89 et II-215, point 65; voir également conclusions de l'avocat général M. Mischo sous l'arrêt Parlement/Richard, précitées, points 50 et 51).

93.
    Dans le même temps, toutefois, la jurisprudence souligne que l'utilisation du terme «possibilités» par l'article 29, paragraphe 1, du statut signifie clairement que l'AIPN n'est pas tenue d'une manière absolue, s'il y a lieu de pourvoir à un poste vacant, de procéder à une promotion ou à une mutation, mais simplement d'examiner dans chaque cas si ces mesures sont susceptibles d'aboutir à la nomination d'une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité (arrêts Ley/Commission, précité, p. 161, et Parlement/Richard, précité, point 38).

94.
    Si la hiérarchisation établie par l'article 29, paragraphe 1, du statut implique que l'AIPN examine avec le plus grand soin les possibilités de promotion avant de passer à la phase suivante, elle n'empêche pas que cette autorité, lors d'un tel examen, prenne également en considération la possibilité d'obtenir de meilleures candidatures par les autres procédures indiquées dans ce paragraphe. Il en découle que l'AIPN a la liberté de procéder à l'examen des possibilités suivantes (arrêts de la Cour du 14 juillet 1983, Mogensen e.a./Commission, 10/82, Rec. p. 2397, point 10, et Richard/Parlement, précité, point 39).

95.
    Il s'ensuit que l'AIPN peut passer à une phase ultérieure de la procédure de recrutement, même en présence d'un ou de plusieurs candidats qui remplissent toutes les conditions et exigences requises par l'avis de vacance pour le poste à pourvoir (arrêt Richard/Parlement, précité, point 40).

96.
    Les principes qui inspirent cette jurisprudence sont transposables à des circonstances telles que celles de l'espèce, dans lesquelles l'autorité compétente, en présence de candidatures émanant tant de fonctionnaires que d'agents temporaires, choisit non pas d'organiser un concours interne, formule qui aurait pu aboutir, le cas échéant, à la nomination du requérant au poste en cause en qualité de fonctionnaire, mais de recourir à l'engagement ou à la réaffectation d'un agent temporaire.

97.
    À cet égard, il convient de relever que, dans une affaire où les requérants, fonctionnaires de la Commission, contestaient la régularité de la procédure suivie pour engager un tiers en qualité d'agent temporaire en arguant qu'elle faisait disparaître la priorité du recrutement interne consacrée par l'article 29, paragraphe 1, du statut, la Cour a accueilli la thèse selon laquelle l'article 2, sous b), du RAA permet à l'autorité administrative d'engager un agent à titre temporaire en vue depourvoir à un emploi permanent vacant, au lieu de nommer immédiatement un fonctionnaire (arrêt de la Cour du 28 février 1989, Van der Stijl e.a./Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, Rec. p. 511, point 33). Dans l'arrêt du 23 octobre 1990, Pitrone/Commission (T-46/89, Rec. p. II-577, points 61 et 62), le Tribunal a déduit de cette jurisprudence qu'il appartenait à l'autorité hiérarchique seule d'apprécier qui, d'un agent temporaire ou d'un fonctionnaire, était le mieux qualifié pour exercer les fonctions de chef d'un service spécialisé nouvellement créé.

98.
    En l'espèce, la Commission n'était donc pas tenue d'une manière absolue de procéder à une promotion ou à une mutation, même en présence de candidatures valables de fonctionnaires remplissant toutes les exigences et conditions requises par l'avis de vacance. Il lui incombait simplement d'examiner si ces mesures étaient susceptibles d'aboutir à la nomination d'une personne possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité. Compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont elle dispose en la matière, rien ne l'empêchait de donner la préférence à la réaffectation du requérant en qualité d'agent temporaire, dès lors qu'elle estimait que ce dernier possédait les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité.

99.
    Par ailleurs, il n'existe en l'espèce aucune raison valable de se départir de la solution retenue par la Cour dans l'arrêt Parlement/Richard, précité (points 41 et 42), en exigeant que l'AIPN procède au rejet explicite des candidatures émanant de fonctionnaires avant de pourvoir à l'emploi en cause par l'engagement d'un agent temporaire.

100.
    Ainsi, la décision portant affectation du requérant à l'emploi en cause n'apparaît pas avoir été entachée d'illégalité au regard de l'article 29, paragraphe 1, du statut, dès lors qu'il n'est pas démontré, ni même allégué par la Commission, que l'autorité compétente n'avait pas examiné avec le plus grand soin les possibilités de promotion ou de mutation avant d'adopter ladite décision.

101.
    Le motif prétendument tiré d'une telle illégalité, invoqué dans la décision tardive de rejet de la réclamation et dans le mémoire en défense, ne saurait, dès lors, légalement justifier la décision attaquée.

102.
    Ce motif, erroné en droit, ne correspond en outre pas aux circonstances de fait de l'espèce.

103.
    Selon la thèse développée par la Commission dans ses écritures, en effet, plusieurs fonctionnaires candidats à l'emploi en cause, et notamment celui finalement nommé à la suite de la décision attaquée, avaient été jugés à même de répondre pleinement aux qualifications requises par l'avis de vacance et auraient dès lors dû bénéficier de la priorité statutaire par rapport au requérant.

104.
    Or, d'après les éléments du dossier soumis au Tribunal, non seulement M. Pascall ne figurait pas sur la «short list» des trois candidats retenus par le CCN, mais aucun des candidats fonctionnaires figurant sur cette «short list» n'a été nommé à l'emploi en cause. À la suite de l'annulation de l'affectation du requérant à cet emploi, la procédure de pourvoi d'emploi en cause a été purement et simplement annulée et c'est finalement M. S. Konidaris, conseiller de grade A 3 auprès de la DG «Société de l'information», qui a été muté d'office au poste en cause dans l'intérêt du service.

105.
    Il découle de l'ensemble de ce qui précède que la décision attaquée, adoptée en violation des droits de la défense du requérant et entachée d'un défaut de motivation, n'était pas une décision que la Commission était tenue de prendre. Elle doit, dès lors, être annulée pour violation des formes substantielles, conformément aux conclusions du recours, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant.

106.
    À cet égard, il n'y a pas lieu de faire droit à l'argumentation subsidiaire de la Commission qui, dans son mémoire en défense, soutient que l'annulation pour «vice de pure forme» de la décision attaquée constituerait «manifestement» une sanction excessive de l'illégalité commise, au regard des principes de proportionnalité et de protection de la confiance légitime du candidat nommé à l'emploi en cause à la suite de cette décision.

107.
    Indépendamment de la circonstance que les irrégularités constatées en l'espèce ne sont pas de pure forme, il convient en effet de souligner que, lorsque l'autorité administrative procède illégalement au retrait d'un acte portant nomination d'un fonctionnaire ou affectation d'un agent temporaire à un emploi vacant, l'annulation de ce retrait constitue la conséquence en droit de l'illégalité commise.

108.
    La Commission a également fait valoir, dans sa duplique, qu'en l'espèce une telle annulation ne modifierait en rien la situation du requérant et que l'AIPN aurait le droit d'ouvrir une nouvelle procédure de recrutement, sans être tenue de le réintégrer dans ses fonctions de chef d'unité.

109.
    À cet égard, il suffit de relever que, à la suite d'un arrêt d'annulation, laquelle opère ex tunc et a donc pour effet d'éliminer rétroactivement l'acte annulé de l'ordre juridique (voir arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, point 30; arrêts du Tribunal du 13 décembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T-481/93 et T-484/93, Rec. p. II-2941, point 46, et du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T-171/99, non encore publié au Recueil, point 50), l'institution défenderesse est tenue, en vertu de l'article 233 CE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d'un acte qui a déjà été exécuté, comporte une remise du requérant dans la situation juridique dans laquelle il se trouvait antérieurement à cet acte (voir arrêts de la Cour du 31 mars 1971, Commission/Conseil, 22/70, Rec. p. 263, point 60; du 6 mars 1979,Simmenthal/Commission, 92/78, Rec. p. 777, point 32, et du 17 février 1987, Samara/Commission, 21/86, Rec. p. 795, point 7; arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T-480/93 et T-483/93, Rec. p. II-2305, point 60, et Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, précité, point 47).

Sur les dépens

110.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre),

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission du 15 février 2000 portant annulation de l'affectation de M. Campolargo à l'emploi de chef de l'unité 2 «Réseaux de recherche» au sein de la direction G «Technologies de la société de l'information: développements technologiques à caractère générique et actions horizontales» de la direction générale «Société de l'information: télécommunication, marchés, technologies - Innovation et valorisation de la recherche» est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Vesterdorf
Forwood
Legal

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 avril 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.