Language of document : ECLI:EU:T:2014:7

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

16 janvier 2014 (*)

« Dumping – Subventions – Importations de biodiesel originaire des États-Unis – Contournement – Article 13 du règlement (CE) no 1225/2009 – Article 23 du règlement (CE) no 597/2009 – Produit similaire légèrement modifié – Sécurité juridique – Détournement de pouvoir – Erreurs manifestes d’appréciation – Obligation de motivation – Égalité de traitement – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑385/11,

BP Products North America Inc., établie à Naperville, Illinois (États-Unis), représentée initialement par Mme C. Farrar, solicitor, Mes H.‑J. Prieß, B. Sachs et M. Schütte, avocats, puis par Mme Farrar, Mes Prieß, Schütte et K. Arend, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.‑P. Hix, en qualité d’agent, assisté de M. B. O’Connor, solicitor, et Me S. Gubel, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par M. M. França et Mme A. Stobiecka-Kuik, en qualité d’agents,

et par

European Biodiesel Board (EBB), représenté par Mes O. Prost et M.‑S. Dibling, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle, d’une part, du règlement d’exécution (UE) no 443/2011 du Conseil, du 5 mai 2011, portant extension du droit compensateur définitif institué par le règlement (CE) no 598/2009 sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique aux importations de biodiesel expédié du Canada, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ce pays, portant extension du droit compensateur définitif institué par le règlement (CE) no 598/2009 aux importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel, originaire des États-Unis d’Amérique, et clôturant l’enquête concernant les importations expédiées de Singapour (JO L 122, p. 1), et, d’autre part, du règlement d’exécution (UE) no 444/2011 du Conseil, du 5 mai 2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 599/2009 sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique aux importations de biodiesel expédié du Canada, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ce pays, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 599/2009 aux importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel, originaire des États-Unis d’Amérique, et clôturant l’enquête concernant les importations expédiées de Singapour (JO L 122, p. 12), dans la mesure où ces règlements affectent la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, faisant fonction de président, MM. F. Dehousse et M. van der Woude (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 14 mai 2013,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Le présent litige porte sur deux procédures de contournement au sens, respectivement, de l’article 13 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement antidumping de base »), et de l’article 23 du règlement (CE) no 597/2009 du Conseil, du 11 juin 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 188, p. 93, ci-après le « règlement antisubventions de base ») (ci-après, pris ensemble, les « règlements antidumping et antisubventions de base »).

2        Aux termes de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement antidumping de base, « [l]es droits antidumping institués en vertu du présent règlement peuvent être étendus aux importations en provenance de pays tiers de produits similaires, légèrement modifiés ou non, ainsi qu’aux importations de produits similaires légèrement modifiés en provenance du pays soumis aux mesures ou de parties de ces produits, lorsque les mesures en vigueur sont contournées ». Conformément à cette disposition, un « contournement se définit comme une modification de la configuration des échanges entre les pays tiers et l[’Union européenne] ou entre des sociétés du pays soumis aux mesures et l[’Union], découlant de pratiques, d’opérations ou d’ouvraisons pour lesquelles il n’existe pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition du droit, en présence d’éléments attestant qu’il y a préjudice ou que les effets correctifs du droit sont compromis en termes de prix et/ou de quantités de produits similaires et d’éléments de preuve, si nécessaire fondés sur les dispositions de l’article 2 [du règlement antidumping de base], de l’existence d’un dumping en liaison avec les valeurs normales précédemment établies pour les produits similaires ». L’article 23, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base est rédigé dans des termes similaires, à l’exception de l’exigence de la preuve de l’existence d’un dumping, à laquelle se substitue la preuve que « le produit similaire importé et/ou les parties de ce produit continuent à bénéficier de la subvention ».

3        L’article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement antidumping de base et l’article 23, paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base précisent que les pratiques, opérations ou ouvraisons qui sont visées au titre du contournement englobent, entre autres, les légères modifications apportées au produit concerné afin qu’il relève de codes douaniers qui ne sont normalement pas soumis aux mesures, pour autant que ces modifications ne changent rien à ses caractéristiques essentielles.

4        Il convient également de rappeler que l’article 1er, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et l’article 2, sous c), du règlement antisubventions de base précisent que, aux fins de l’application desdits règlements, « on entend par ‘produit similaire’ un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré ».

 Antécédents du litige

 Procédures initiales

5        Le 29 avril 2008, l’European Biodiesel Board (EBB) a introduit devant la Commission européenne, au nom d’une partie significative des producteurs de biodiesel de l’Union européenne, deux plaintes demandant à la Commission d’engager une procédure antidumping et une procédure antisubventions à l’encontre des importations de biodiesel en provenance des États-Unis, sur la base, respectivement, de l’article 5 du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (JO 2005, L 340, p. 17) (devenu article 5 du règlement antidumping de base), et de l’article 10 du règlement (CE) no 2026/97 du Conseil, du 6 octobre 1997, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 288, p. 1) (devenu article 10 du règlement antisubventions de base).

6        Le biodiesel est une solution de rechange au gazole minéral. Il est vendu sous forme pure ou mélangé avec du gazole minéral. Pour identifier clairement les divers types de mélanges de biodiesel, il existe un système mondialement reconnu appelé « facteur B », qui indique le dosage exact de biodiesel dans tout mélange. Ainsi, un mélange contenant x % de biodiesel sera désigné par la mention « B », suivie du dosage sous forme de l’indication du pourcentage de biodiesel, tandis que le biodiesel pur est appelé B100.

7        L’EBB dénonçait des subventions massives aux États-Unis pour la production de biodiesel et, en particulier, l’existence d’un régime fédéral de crédit d’impôt (blender’s credit) de 1 dollar des États-Unis (USD) par gallon de biodiesel pur présent dans un mélange de biodiesel destiné à être utilisé comme carburant. Selon l’EBB, ces subventions avaient conduit à l’accroissement massif et artificiel d’importations de biodiesel en provenance des États-Unis dans l’Union. L’EBB indiquait que, pour obtenir un maximum de subventions, il était courant que les producteurs nord-américains rajoutent une dose minimale de gazole minéral, en l’occurrence 0,1 %, voire moins, dans un mélange contenant 99,9 % de biodiesel pur (ci-après les « mélanges B99,9 »). Ainsi, les importations en provenance des États-Unis visées dans les plaintes de l’EBB portaient principalement sur des mélanges B99,9.

8        Selon l’EBB, ces importations faisaient l’objet d’un dumping et causaient un préjudice aux producteurs de biodiesel de l’Union, car les mélanges B99,9 nord-américains entraient directement en concurrence avec le biodiesel produit dans l’Union. Il ressort du dossier que l’industrie européenne concernée produisait principalement du biodiesel pur (B100).

9        L’EBB précisait dans ses plaintes que le produit final, en l’occurrence du carburant, destiné aux consommateurs aux États-Unis correspondait, dans la plupart des cas, à des mélanges B20. En revanche, la réglementation applicable dans l’Union ne permettait de vendre aux consommateurs que des mélanges B5 et B7.

10      Par avis publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 13 juin 2008, la Commission a ouvert à l’encontre des importations de biodiesel originaire des États-Unis, d’une part, une procédure antidumping (JO C 147, p. 5) et, d’autre part, une procédure antisubventions (JO C 147, p. 10) (ci-après, prises ensemble, l’« enquête initiale »).

11      Le produit faisant l’objet de l’enquête initiale « [étai]t composé d’esters monoalkyles acides gras et/ou de gazoles paraffiniques obtenus par synthèse et/ou hydrotraitement, d’origine non fossile (communément connu sous le nom de ‘biodiesel’), pur ou sous forme de mélange, essentiellement mais non exclusivement utilisé comme carburant renouvelable originaire des États-Unis […], relevant normalement des codes NC 3824 90 91, ex 3824 90 97, ex 2710 19 41, ex 1516 20 98, ex 1518 00 91 et ex 1518 00 99 ». L’enquête visait la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 (ci-après la « période d’enquête initiale »).

12      Le 11 mars 2009, la Commission a adopté le règlement (CE) no 193/2009, imposant un droit antidumping provisoire sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 67, p. 22, ci-après le « règlement antidumping provisoire »), ainsi que le règlement (CE) no 194/2009, imposant un droit compensateur provisoire sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 67, p. 50, ci-après le « règlement antisubventions provisoire »). Ces deux règlements, pris ensemble, seront désignés ci-après comme les « règlements provisoires » et les droits institués par ces derniers comme les « droits provisoires ».

13      Dans les règlements provisoires, la Commission a indiqué, par rapport aux produits examinés, qu’« [i]l conv[enait] de préciser la définition figurant dans [les] avis d’ouverture […] afin de savoir avec exactitude quels [étaient] les produits qui étaient censés faire l’objet de l’enquête » (considérant 23 du règlement antidumping provisoire et considérant 25 du règlement antisubventions provisoire).

14      La Commission a apporté cette précision après avoir indiqué que les mélanges de biodiesel ayant une proportion égale ou inférieure à 20 % (ci-après les « mélanges ? B20 »), principalement des mélanges B20, ainsi que des mélanges B6, B5 et B2, étaient destinés à la consommation directe sur le marché des États-Unis. En effet, la Commission a relevé que, aux États-Unis, tous les moteurs diesel pouvaient fonctionner avec des mélanges ? B20 en conservant la garantie des constructeurs automobiles (considérant 24 du règlement antidumping provisoire et considérant 26 du règlement antisubventions provisoire).

15      Ainsi, « pour permettre de faire une distinction claire entre les différents types de mélanges disponibles sur le marché américain », la Commission a « jugé approprié » de définir le produit concerné par l’enquête initiale comme le biodiesel pur ou sous forme de mélange ayant une teneur en biodiesel supérieure à 20 % de la masse (ci-après les « mélanges > B20 ») (considérant 26 du règlement antidumping provisoire et considérant 28 du règlement antisubventions provisoire).

16      Après avoir défini le produit concerné, la Commission a également précisé dans les règlements provisoires qu’« [i]l a[vait] été établi que tous les types de biodiesel et le biodiesel contenu dans les mélanges couverts par la présente enquête, malgré les éventuelles différences au niveau des matières premières utilisées pour leur production ou les variantes dans le procédé de fabrication, présent[ai]ent des propriétés physiques, chimiques et techniques de base identiques ou très similaires et [avai]nt les mêmes utilisations » et que « [l]es variations que le produit concerné p[ouvai]t éventuellement présenter ne modifi[ai]ent en rien sa définition de base, ses caractéristiques ou la perception qu’en a[vaie]nt les diverses parties » (considérant 27 du règlement antidumping provisoire et considérant 29 du règlement antisubventions provisoire).

17      S’agissant de la définition du produit similaire au sens de l’article 1er, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et de l’article 2, sous c), du règlement antisubventions de base, la Commission a indiqué que « [l]es produits élaborés et vendus sur le marché intérieur américain, qui f[aisaie]nt l’objet de la présente enquête, présent[ai]ent des caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base ainsi que des utilisations semblables à celles des produits exportés de ce pays vers le marché [de l’Union] » et que, « [d]e même, les produits élaborés par les producteurs [européens] et vendus sur le marché [de l’Union] et ceux que le pays concerné export[ait] vers l[’Union] présent[ai]ent des caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base semblables et [avaie]nt des utilisations similaires » (considérant 29 du règlement antidumping provisoire et considérant 31 du règlement antisubventions provisoire). La Commission a également indiqué que « les divers types de produit concerné élaborés aux États-Unis et exportés vers l[’Union étaient] interchangeables avec ceux fabriqués et vendus dans l[’Union] par des producteurs de biodiesel [européens] » (considérant 31 du règlement antidumping provisoire et considérant 33 du règlement antisubventions provisoire).

18      Pour l’adoption des règlements provisoires, la Commission a eu recours à la méthode de l’échantillonnage prévue par l’article 17, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et par l’article 27, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base. Ainsi, lors de la fixation des taux applicables aux droits provisoires, la Commission a fait une distinction entre trois catégories d’entreprises.

19      La première catégorie visait les entreprises ayant été retenues dans l’échantillon et ayant coopéré. Pour chacune de ces entreprises, mentionnées à l’article 1er de chacun des règlements provisoires, la Commission a effectué un calcul individuel de la marge de dumping, du taux de subvention et du préjudice, en fixant des taux individuels (considérant 55 du règlement antidumping provisoire et considérant 158 du règlement antisubventions provisoire).

20      La deuxième catégorie englobait les entreprises ayant coopéré, mais qui n’avaient pas été retenues dans l’échantillon. Ces entreprises ont été énumérées dans une liste figurant en annexe des règlements provisoires. Les marges de dumping, de subvention et de préjudice concernant ces entreprises correspondaient à la moyenne pondérée des marges déterminées pour les entreprises figurant dans l’échantillon (considérant 56 du règlement antidumping provisoire et considérant 159 du règlement antisubventions provisoire).

21      Enfin, la troisième catégorie visait toutes les autres entreprises qui se sont vu imposer des taux résiduels. Pour établir les marges de dumping et les niveaux de subvention et de préjudice concernant ces sociétés, la Commission a d’abord déterminé le niveau global de coopération des opérateurs au cours de l’enquête initiale. Pour ce faire, elle a procédé à une comparaison entre le total des quantités exportées du produit concerné par les opérateurs ayant coopéré et le total des importations en provenance des États-Unis de ce produit, tel qu’il ressortait des statistiques relatives aux exportations. Le niveau de coopération global a été établi à 81 %, ce qui a été considéré comme élevé. Sur cette base, la Commission a jugé approprié de fixer la marge de dumping et les niveaux de subvention et de préjudice pour ces entreprises au niveau des marges les plus élevées observées pour les producteurs-exportateurs figurant dans l’échantillon (considérant 57 du règlement antidumping provisoire et considérant 160 du règlement antisubventions provisoire).

22      Conformément à la règle du droit moindre, les taux applicables aux droits provisoires ont été fixés, pour chacune de ces trois catégories d’entreprises, au niveau de la marge la plus faible de dumping/subvention ou de préjudice (considérant 166 du règlement antidumping provisoire et considérant 271 du règlement antisubventions provisoire). Les droits antidumping et compensateurs provisoires n’ont été cumulés que dans la mesure où cela était nécessaire pour éliminer le préjudice (considérant 167 du règlement antidumping provisoire).

23      Les droits provisoires institués sur les mélanges > B20 ont, en substance, été imposés au prorata de la teneur totale desdits mélanges en biodiesel (considérant 169 et article 1er, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement antidumping provisoire et considérant 273 et article 1er, paragraphe 2, dernier alinéa, du règlement antisubventions provisoire).

24      Le 7 juillet 2009, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 598/2009, instituant un droit compensateur définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 179, p. 1, ci-après le « règlement antisubventions initial »), ainsi que le règlement (CE) no 599/2009, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique (JO L 179, p. 26, ci-après le « règlement antidumping initial »). Ces deux règlements seront désignés ci-après comme les « règlements initiaux » et les droits définitifs institués par ces derniers comme les « droits initiaux ».

25      La définition du produit concerné et celle du produit similaire par rapport au produit concerné, telles qu’établies par la Commission dans les règlements provisoires, ont été maintenues dans les règlements initiaux. Le Conseil a souligné, à cet égard, que « l’enquête a[vait] révélé que le[s mélanges] B20, et potentiellement les mélanges à concentration plus faible, étaient vendus directement aux consommateurs aux États-Unis » et qu’« il existait deux marchés distincts avec des clients différents : sur le premier, le biodiesel et les mélanges de biodiesel [étaient] destinés à être à nouveau mélangés par les négociants et par les mélangeurs et, sur le deuxième, les mélanges [étaient] destinés au réseau de distribution et, donc, aux consommateurs ». Selon le Conseil, « [l]a fixation du seuil pour le produit concerné au-dessus du B20 a[vait] permis d’établir une nette distinction et d’éviter la confusion des produits, des marchés et des différentes parties aux [États-Unis] » (considérant 33 du règlement antidumping initial et considérant 34 du règlement antisubventions initial).

26      Les taux des droits initiaux ont été fixés en fonction des trois catégories d’entreprises évoquées aux points 19 à 21 ci-dessus. Ainsi qu’il ressort des considérants 8 à 12 des règlements initiaux, le Conseil a ajouté dans la deuxième catégorie d’entreprises certains opérateurs inconnus au moment de l’ouverture de l’enquête initiale et qui s’étaient fait connaître après l’adoption des règlements provisoires. Les droits antidumping initiaux variaient de 0 à 198 euros par tonne de biodiesel et les droits compensateurs initiaux variaient de 211,2 à 237 euros par tonne de biodiesel. En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, de chacun des règlements initiaux, les droits institués sur les mélanges > B20 ont été imposés au prorata de leur teneur en biodiesel.

27      Les règlements initiaux sont entrés en vigueur le jour suivant leur publication au Journal officiel, intervenue le 10 juillet 2009.

 Procédures de contournement

28      Le 30 juin 2010, l’EBB a déposé une plainte devant la Commission demandant l’ouverture de deux procédures de contournement sur la base, respectivement, de l’article 13, paragraphe 3, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 4, du règlement antisubventions de base.

29      La plainte de l’EBB dénonçait deux types de contournement des droits initiaux, à savoir, d’une part, la réexpédition du produit concerné via le Canada et Singapour et, d’autre part, des importations de biodiesel en provenance des États-Unis sous forme de mélanges ? B20.

30      Le 11 août 2010, sur la base de la plainte de l’EBB, la Commission a engagé deux procédures de contournement par l’adoption, d’une part, du règlement (UE) no 720/2010, portant ouverture d’une enquête relative à un possible contournement des mesures antidumping instituées par le règlement (CE) no 599/2009 du Conseil sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique par des importations de biodiesel expédié du Canada et de Singapour, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ces pays, et par des importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique, et soumettant ces importations à enregistrement (JO L 211, p. 1), et, d’autre part, du règlement (UE) no 721/2010, portant ouverture d’une enquête relative à un possible contournement des mesures compensatoires instituées par le règlement (CE) no 598/2009 du Conseil sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique par des importations de biodiesel expédié du Canada et de Singapour, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ces pays, et par des importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel originaire des États‑Unis d’Amérique, et soumettant ces importations à enregistrement (JO L 211, p. 6). Les deux procédures engagées par ces règlements, prises ensemble, seront désignées ci-après comme les « procédures de contournement ».

31      En vertu de l’article 2 tant du règlement no 720/2010 que du règlement no 721/2010, les autorités douanières des États membres ont été invitées à enregistrer les importations dans l’Union visées par les procédures de contournement à compter de l’entrée en vigueur de ces règlements, intervenue le 13 août 2010.

32      L’enquête au titre des procédures de contournement a porté sur la période allant du 1er avril 2009 au 30 juin 2010 (ci-après la « période d’enquête anti‑contournement »).

33      La requérante, BP Products North America Inc., ayant exporté vers l’Union des mélanges ayant une proportion de biodiesel inférieure à 15 % (ci-après les « mélanges < B15 ») en provenance des États-Unis au cours de la période d’enquête anti-contournement, en particulier des mélanges se situant entre B10,1 et B14,8, elle a coopéré avec la Commission en lui fournissant des informations sur ses activités. En particulier, la requérante a répondu aux questionnaires des exportateurs le 21 septembre 2010. Son importateur lié, BP France SA, avec d’autres sociétés importatrices du groupe BP, a répondu au questionnaire des importateurs le 22 décembre 2010. Des inspections ont été réalisées dans les locaux de la requérante les 7 et 8 décembre 2010 ainsi qu’au Royaume-Uni le 1er février 2011. Le 28 mars 2011, les conseils de la requérante ont adressé un mémorandum à la Commission concernant les documents d’information envoyés par cette dernière le 16 mars 2011.

34      Le 5 mai 2011, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 443/2011 portant extension du droit compensateur définitif institué par le règlement (CE) no 598/2009 sur les importations de biodiesel originaire des États-Unis d’Amérique aux importations de biodiesel expédié du Canada, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ce pays, portant extension du droit compensateur définitif institué par le règlement (CE) no 598/2009 aux importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel, originaire des États-Unis d’Amérique, et clôturant l’enquête concernant les importations expédiées de Singapour (JO L 122, p. 1, ci-après le « règlement antisubventions attaqué »). Le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) no 444/2011, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 599/2009 sur les importations de biodiesel originaire des États‑Unis d’Amérique aux importations de biodiesel expédié du Canada, qu’il ait ou non été déclaré originaire de ce pays, portant extension du droit antidumping définitif institué par le règlement (CE) no 599/2009 aux importations de biodiesel sous forme de mélange contenant, en poids, 20 % ou moins de biodiesel, originaire des États-Unis d’Amérique, et clôturant l’enquête concernant les importations expédiées de Singapour (JO L 122, p. 12, ci-après le « règlement antidumping attaqué »). Ces deux règlements, pris ensemble, seront désignés ci‑après comme les « règlements attaqués ».

35      S’agissant des importations de mélanges ≤ B20 en provenance des États-Unis, le Conseil a d’abord noté, dans les règlements attaqués, que cinq producteurs nord-américains de biodiesel, y compris la requérante, avaient coopéré dans le cadre des procédures de contournement et que, parmi ces cinq sociétés, seule la requérante avait exporté vers l’Union des mélanges ≤ B20 en provenance des États-Unis au cours de la période d’enquête anti-contournement (considérants 52 et 54 du règlement antisubventions attaqué et considérants 57 et 59 du règlement antidumping attaqué). Le Conseil a observé que la requérante n’avait pas coopéré dans le cadre de l’enquête initiale, car elle n’avait démarré ses activités dans le biodiesel qu’au début de l’année 2009 et n’avait commencé à exporter ce produit vers l’Union qu’en décembre 2009, soit après l’institution des droits initiaux (considérant 62 du règlement antisubventions attaqué et considérant 67 du règlement antidumping attaqué).

36      Le Conseil a indiqué que, dans l’Union, la requérante avait vendu des mélanges ayant une proportion de biodiesel inférieure ou égale à 15 % au Royaume-Uni, en France et aux Pays-Bas et que, dans tous les cas, ce produit faisait l’objet d’un nouveau mélange afin de respecter la législation en vigueur dans certains États membres (considérant 63 du règlement antisubventions attaqué et considérant 68 du règlement antidumping attaqué). Le Conseil a également précisé que la requérante avait fait valoir que les mélanges < B15 ne constituaient pas un produit similaire au produit concerné (considérant 64 du règlement antisubventions attaqué et considérant 69 du règlement antidumping attaqué).

37      À cet égard, le Conseil a noté que « [l]’objet de l’enquête de contournement [était] d’établir si le biodiesel [≤ B20] a[vait] contourné les mesures en vigueur ». Selon le Conseil, « [i]l [était] certainement vrai que les mélanges à teneur inférieure en biodiesel engendr[ai]ent des coûts de transport moins élevés ». Cependant, le Conseil a noté que, « par rapport au processus de production d’un mélange [> B20], un mélange [≤] B20 n’[était] effectivement qu’un mélange de composition différente ». Le Conseil a ajouté que « [l]e changement de la composition d’un mélange est un processus simple » ; en effet, « [l]’élaboration d’un mélange B20 et inférieur est simplement considérée comme une modification légère du produit concerné, la seule différence étant la proportion de biodiesel présente dans le mélange ». Le Conseil a également noté que « le produit concerné et le mélange [≤] B20 [étaient] destinés, en fin de compte, aux mêmes usages dans l’Union » et que, « [p]ar ailleurs, le biodiesel présent dans les mélanges [≤] B20 et dans les mélanges [>] B20 a[vait] les mêmes caractéristiques essentielles » (considérant 65 du règlement antisubventions attaqué et considérant 70 du règlement antidumping attaqué).

38      Ensuite, le Conseil a constaté que les autres conditions prévues par l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement antidumping de base et par l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base pour établir l’existence d’un contournement étaient réunies.

39      Premièrement, le Conseil a constaté une modification de la configuration des échanges entre l’Union et les États-Unis. À cet égard, il a noté que, même s’il existait un mélange B5 obligatoire dans l’Union pendant l’enquête initiale, les exportations de mélanges ≤ B20 des États-Unis vers l’Union n’étaient apparues qu’à la suite de l’institution des droits initiaux. Le Conseil a précisé que, au cours de l’enquête initiale et selon les données obtenues auprès des producteurs-exportateurs ayant coopéré retenus dans l’échantillon, c’étaient principalement des mélanges B99,9 qui avaient été exportés vers l’Union (considérant 67 du règlement antisubventions attaqué et considérant 72 du règlement antidumping attaqué). Sur la base de données Eurostat concernant les importations de biodiesel ayant une proportion de biodiesel supérieure ou égale à 96,5 % dans l’Union au cours de la période d’enquête anti-contournement, le Conseil a constaté que les exportations de mélanges B99,9 originaires des États-Unis avaient pratiquement cessé (considérants 18, 19 et 66 du règlement antisubventions attaqué et considérants 18, 19 et 71 du règlement antidumping attaqué). Le Conseil a constaté en parallèle que les États-Unis avaient déclaré pendant cette même période l’exportation de 358 291 tonnes de mélanges ayant une proportion de biodiesel inférieure ou égale à 96,5 % (ci-après les « mélanges ≤ B96,5 ») vers l’Union et que la requérante avait effectué une « part importante » de ces exportations sous la forme de mélanges ≤ B20 (considérants 20, 21, 54, 60 et 61 du règlement antisubventions attaqué et considérants 20, 21, 59, 65 et 66 du règlement antidumping attaqué).

40      Deuxièmement, le Conseil a considéré qu’il n’existait pas, pour les importations de mélanges ≤ B20, de motivation ou de justification économique suffisante autre que l’intention d’éviter le paiement des droits initiaux (considérant 71 du règlement antisubventions attaqué et considérant 76 du règlement antidumping attaqué).

41      Troisièmement, le Conseil a indiqué que, eu égard au niveau de prix non préjudiciable établi dans le cadre de l’enquête initiale, les prix des importations en provenance des États-Unis de mélanges ? B20 étaient inférieurs à la fois aux prix de vente et aux prix indicatifs. Le Conseil a constaté que ces importations étaient apparues après l’instauration des droits initiaux et que les quantités concernées n’étaient pas négligeables. Il a donc été conclu que les droits initiaux étaient neutralisés en termes de quantité et de prix (considérants 72 et 73 du règlement antisubventions attaqué et considérants 77 et 78 du règlement antidumping attaqué).

42      Quatrièmement, le Conseil a constaté, au considérant 74 du règlement antisubventions attaqué, que le principal régime de subventions établi dans le cadre de l’enquête initiale avait été introduit, avec effet rétroactif, en décembre 2010. Le Conseil a également indiqué, au considérant 79 du règlement antidumping attaqué, qu’il avait été examiné « s’il existait des éléments prouvant l’existence d’un dumping par rapport à la valeur normale établie lors de l’enquête initiale » et qu’il avait été constaté que « la comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et la moyenne pondérée des prix à l’exportation des mélanges ≤ B20 a[vait] montré l’existence d’un dumping ».

43      Enfin, le Conseil a rejeté, au considérant 77 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 82 du règlement antidumping attaqué, les demandes d’exemption présentées par la requérante sur la base, respectivement, de l’article 23, paragraphe 6, du règlement antisubventions de base et de l’article 13, paragraphe 4, du règlement antidumping de base.

44      Dans ces conditions, le Conseil a étendu, à l’article 2, paragraphe 1, de chacun des règlements attaqués, les droits initiaux aux importations de mélanges ? B20 originaires des États-Unis (ci-après les « droits étendus »).

45      Les droits étendus ont été ceux définis à l’article 1er, paragraphe 2, de chacun des règlements initiaux (voir point 25 ci-dessus), fixés pour les trois catégories d’entreprises évoquées aux points 19 à 21 ci-dessus.

46      Conformément à l’article 2, paragraphe 2, de chacun des règlements attaqués, la perception des droits étendus a eu lieu de manière rétroactive, à compter de la date d’enregistrement des importations de mélanges ≤ B20, devenue obligatoire le 13 août 2010 (voir point 31 ci-dessus).

47      Il ressort du dossier que la requérante s’est vu imposer les taux applicables à la troisième catégorie d’entreprises (voir point 21 ci-dessus) de manière rétroactive, à compter de la date d’enregistrement de certaines importations qui ont été effectuées avant l’adoption des règlements attaqués.

48      Par lettre du 6 mai 2011, la Commission a répondu au mémorandum de la requérante du 28 mars 2011 évoqué au point 33 ci-dessus.

49      Par courrier du 20 juin 2011, la requérante a exprimé à la Commission son désaccord avec l’issue des procédures de contournement. Elle a également indiqué qu’elle envisageait l’introduction d’un recours devant le Tribunal à l’encontre des règlements attaqués et suggéré une réunion avec la Commission pour discuter de la possibilité de lui accorder, soit un traitement individuel en tant que nouvel exportateur, sur la base de l’article 11, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et de l’article 20 du règlement antisubventions de base, soit une exemption partielle des droits étendus, considérés comme excessifs. Cette réunion a eu lieu le 15 juillet 2011. La Commission n’a pas fait droit aux demandes de la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

50      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 juillet 2011, la requérante a introduit le présent recours.

51      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 3 octobre et le 11 novembre 2011, la Commission et l’EBB ont demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

52      Par ordonnance du 22 novembre 2011, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de la Commission.

53      Par lettre du 24 novembre 2011, au titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal a posé par écrit des questions à la requérante, au Conseil et à la Commission en les invitant à y répondre, respectivement, dans la réplique, la duplique et le mémoire en intervention. Le Tribunal a également invité le Conseil à déposer certains documents. Les parties ont déposé ces mémoires et déféré à ces mesures d’organisation de la procédure dans les délais impartis.

54      Par ordonnance du 9 février 2012, le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention de l’EBB.

55      Par lettre du 13 février 2012, au titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a posé par écrit des questions à l’EBB en l’invitant à y répondre dans son mémoire en intervention. L’EBB a déposé ce mémoire et répondu aux questions dans le délai imparti.

56      Le Conseil et la requérante ont demandé, respectivement, le 26 mars et le 5 juin 2012, que certains éléments confidentiels contenus dans la duplique et dans les observations de la requérante sur le mémoire en intervention de l’EBB ainsi que dans certaines de leurs annexes soient exclus de la communication à l’EBB. Aux fins de cette communication, ils ont produit une version non confidentielle de ces différents actes de procédure. La communication à l’EBB desdits actes de procédure a été limitée à cette version non confidentielle. L’EBB n’a pas soulevé d’objections à ce sujet.

57      Deux membres de la chambre étant empêchés de siéger, le président du Tribunal a désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure, deux autres juges pour compléter la chambre.

58      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure, a posé par écrit certaines questions à l’ensemble des parties. Le Tribunal a également invité l’EBB à déposer certains documents. Les parties ont répondu aux questions et déposé ces documents dans le délai imparti.

59      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 14 mai 2013.

60      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2 de chacun des règlements attaqués, dans la mesure où ces dispositions concernent la requérante ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

61      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

62      À l’audience, le Conseil a conclu, en outre, à ce que le recours soit déclaré irrecevable.

63      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

64      L’EBB conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

65      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité au sens de l’article 114 du règlement de procédure, le Conseil a contesté, lors de l’audience, la recevabilité du recours en faisant valoir que la requérante n’était pas individuellement concernée par les règlements attaqués au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

66      À cet égard, le Conseil a souligné que la requérante n’était pas un producteur de biodiesel, mais un négociant assimilable à un importateur. Le Conseil a noté sur ce point que la requérante n’avait jamais évoqué pendant les procédures de contournement ni devant le Tribunal qu’elle produisait du biodiesel. Bien au contraire, au point 46 de la réplique, la requérante aurait admis que ni elle ni ses filiales n’avaient des installations de biodiesel. Or, conformément à l’arrêt du Tribunal du 19 avril 2012, Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil (T‑162/09), des importateurs ou des négociants, comme la requérante, se trouveraient dans une situation différente de celle des producteurs et ne sauraient être normalement considérés comme étant individuellement concernés par un règlement imposant des droits antidumping ou des droits compensateurs, même en cas de participation à la procédure ayant conduit à l’adoption de ce règlement.

67      En réponse à une question orale du Tribunal, le Conseil a précisé qu’il n’avait pas contesté la recevabilité du recours lors de la procédure écrite, car l’arrêt Würth et Fasteners (Shenyang)/Conseil, point 66 supra, n’avait pas encore été rendu à ce stade. Le Conseil a cependant fait observer que la recevabilité d’une partie à agir devant le Tribunal était une question d’ordre public que le Tribunal devait soulever d’office.

68      Lors de l’audience, la requérante a demandé au Tribunal d’écarter les réserves du Conseil quant à la recevabilité du recours. La requérante a indiqué qu’elle n’était pas importateur, mais exportateur des produits en cause, ce que le Conseil aurait reconnu lui-même au considérant 66 du règlement antidumping attaqué. En outre, la requérante a précisé qu’elle ne produisait pas du biodiesel pur (B100) ni des mélanges B99,9, mais que, en tant que raffineur, elle achetait ces produits pour ensuite les diluer avec du gazole minéral, afin de produire les mélanges à concentration inférieure qu’elle exportait. Dès lors, la requérante serait, pour partie, producteur et, pour partie, exportateur de mélanges de biodiesel. La requérante a également fait observer qu’elle avait participé aux procédures de contournement et qu’elle était expressément mentionnée dans les règlements attaqués. Enfin, la requérante a fait observer que le Conseil avait contesté la recevabilité du recours à un stade tardif de la procédure.

69      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

70      Il importe de rappeler que le critère qui subordonne la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire à la condition qu’elle soit directement et individuellement concernée par cet acte, fixé à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que les juridictions de l’Union peuvent à tout moment examiner, même d’office (ordonnance de la Cour du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, Rec. p. I‑5263, point 32, et arrêt de la Cour du 29 novembre 2007, Stadtwerke Schwäbisch Hall e.a./Commission, C‑176/06 P, non publié au Recueil, point 18).

71      Il résulte de l’article 13, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base que les règlements d’extension de droits en cas de contournement n’ont pour conséquence que d’élargir le champ d’application des règlements initiaux. Un règlement portant extension d’un droit antidumping ou compensateur présente, dès lors, les mêmes effets juridiques à l’égard des entreprises soumises au droit ainsi étendu qu’un règlement instituant un droit définitif à l’égard des entreprises soumises à un tel droit (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 26 septembre 2000, Büchel/Conseil et Commission, T‑74/97 et T‑75/97, Rec. p. II‑3067, point 52).

72      En l’espèce, le Conseil ne conteste pas que la requérante est directement concernée par les règlements attaqués. En effet, les autorités douanières des États membres, sans qu’elles bénéficient d’une quelconque marge d’appréciation, sont obligées de percevoir les droits étendus par les règlements attaqués aux importations de mélanges ≤ B20 originaires des États-Unis (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, Rec. p. II‑1383, point 41).

73      Quant à la condition tenant à l’affectation individuelle, il convient de rappeler que, s’il est vrai que, au regard des critères de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les règlements instituant des droits antidumping et des droits compensateurs ont, par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu’ils s’appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n’est pas exclu pour autant que certaines dispositions de ces règlements puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 11 ; arrêts du Tribunal du 20 juin 2000, Euromin/Conseil, T‑597/97, Rec. p. II‑2419, point 43, et du 28 février 2002, BSC Footwear Supplies e.a./Conseil, T‑598/97, Rec. p. II‑1155, point 43).

74      Le juge de l’Union a considéré que certaines dispositions des règlements instituant des droits antidumping et des droits compensateurs pouvaient concerner individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels étaient imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas, en général, des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu’elles avaient été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (voir, en ce sens, arrêts Allied Corporation e.a./Commission, point 73 supra, points 11 et 12 ; du Tribunal Euromin/Conseil, point 73 supra, point 45, et du 19 septembre 2001, Mukand e.a./Conseil, T‑58/99, Rec. p. II‑2521, point 21).

75      En l’espèce, le Conseil a reconnu dans les règlements attaqués que la requérante avait la qualité de producteur. En effet, aux considérants 52 et 54 du règlement antisubventions attaqué et aux considérants 57 et 59 du règlement antidumping attaqué, le Conseil a indiqué que la requérante faisait partie du groupe des cinq « producteurs américains de biodiesel ou de mélanges de biodiesel » ayant coopéré dans le cadre des procédures de contournement. Ainsi qu’il ressort du point 46 de la réplique et des précisions qui ont été apportées par la requérante lors de l’audience, cette dernière et ses filiales ne sont pas impliquées dans le processus de production de biodiesel pur (B100) ou de mélanges B99,9, mais elles achètent ces produits à des producteurs et à des tiers et le mélangent ensuite avec du gazole minéral pour produire les mélanges de biodiesel de concentration inférieure qu’elles exportent. La requérante achète également des mélanges de biodiesel à des tiers. Dès lors, il y a lieu de constater que la requérante est, en partie, producteur et, en partie, exportateur de mélanges de biodiesel.

76      Il convient d’observer également que le rôle de la requérante dans le cadre des procédures de contournement a été important. En effet, le Conseil a noté, au considérant 52 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 57 du règlement antidumping attaqué que, parmi ces cinq producteurs de biodiesel établis aux États-Unis ayant coopéré, la requérante a été la seule à avoir exporté vers l’Union des mélanges ≤ B20 en provenance des États-Unis au cours de la période d’enquête anti-contournement (voir point 35 ci-dessus). Le Conseil a reconnu, au considérant 61 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 66 du règlement antidumping attaqué, que les exportations de la requérante avaient constitué une « part importante » de l’ensemble des importations de mélanges ≤ B96,5 originaires des États-Unis constatées au cours de cette période. Le Conseil ne conteste pas que la requérante a pleinement coopéré avec les institutions au cours des procédures de contournement en fournissant des données relatives à son activité commerciale et que ces données ont été prises en considération pour déterminer la portée des règlements attaqués. Enfin, il y a lieu de relever que le Conseil a explicitement rejeté, au considérant 77 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 82 du règlement antidumping attaqué, les demandes d’exemption présentées par la requérante sur la base, respectivement, de l’article 23, paragraphe 6, du règlement antisubventions de base et de l’article 13, paragraphe 4, du règlement antidumping de base.

77      Dans ces conditions, au regard des critères issus de la jurisprudence tels qu’ils sont rappelés au point 74 ci-dessus, il ne fait pas de doute que la requérante est individuellement concernée par les règlements attaqués.

78      Dès lors, il convient d’écarter les réserves formulées par le Conseil lors de l’audience quant à la qualité pour agir de la requérante et de déclarer le recours recevable.

2.     Sur le fond

79      La requérante invoque quatre moyens au soutien de son recours. Selon le premier moyen, le Conseil aurait violé les règlements antidumping et antisubventions de base ainsi que le principe de sécurité juridique et commis un détournement de pouvoir en étendant les droits initiaux au moyen de procédures de contournement. Le deuxième moyen est tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits concernant la requérante. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le quatrième moyen est tiré d’une violation des principes de non-discrimination et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des règlements antidumping et antisubventions de base et du principe de sécurité juridique ainsi que d’un détournement de pouvoir par l’extension des droits initiaux au moyen de procédures de contournement

80      Dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste que les mélanges ? B20 et > B20 puissent être considérés comme des « produits similaires légèrement modifiés » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base, et dénonce la violation desdits règlements et du principe de sécurité juridique ainsi qu’un détournement de pouvoir.

81      Ce moyen se divise, en substance, en deux branches.

82      Dans le cadre de la première branche, la requérante insiste sur les différences existant entre les mélanges > B20, d’une part, et les mélanges ? B20, d’autre part, ainsi que sur l’exclusion explicite de ces derniers du champ d’application des règlements initiaux.

83      Dans le cadre de la seconde branche, la requérante conteste l’existence d’une modification du produit concerné au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphes 1 et 3, sous a), du règlement antisubventions de base, compte tenu du fait que les mélanges ? B20 ont toujours existé et n’ont pas été créés spécialement pour échapper aux droits.

 Sur la première branche du premier moyen, relative aux différences existant entre les mélanges > B20 et les mélanges ≤ B20 et à l’exclusion explicite de ces derniers des règlements initiaux

84      Dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante avance, en substance, quatre griefs.

85      En premier lieu, la requérante estime que les différences entre les mélanges > B20 et ≤ B20 s’opposent à ce que ces derniers puissent être considérés comme un « produit similaire légèrement modifié », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base, par rapport aux mélanges > B20.

86      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que le cadre légal ne permet pas aux institutions de l’Union d’étendre, par le biais d’une procédure de contournement, la définition d’un produit concerné par un droit antidumping ou compensateur, et ce d’autant moins lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de produits qui ont été expressément exclus de la définition initiale du produit concerné et du produit similaire. Dans ces conditions, l’extension des droits initiaux aux mélanges ≤ B20 importés par la requérante violerait les règlements antidumping et antisubventions de base et le principe de sécurité juridique.

87      En troisième lieu, la requérante soutient que les institutions de l’Union ont commis un détournement de pouvoir, dans la mesure où elles ont étendu les droits initiaux par le biais de procédures de contournement, au lieu d’engager une nouvelle enquête concernant les importations de mélanges ≤ B20. La requérante ajoute dans la réplique que la Commission aurait dû, à tout le moins, engager une procédure de réexamen intermédiaire au sens de l’article 11, paragraphe 3, du règlement antidumping de base et de l’article 19 du règlement antisubventions de base.

88      En quatrième lieu, la requérante fait observer que l’extension des droits initiaux par le biais de procédures de contournement l’a privée des droits procéduraux conférés par les règlements antidumping et antisubventions de base. À cet égard, la requérante indique dans la réplique qu’elle a notamment été privée de la possibilité d’obtenir des taux individuels et que le calcul du dumping effectué par la Commission dans les règlements attaqués et validé par le Conseil était trop simpliste. Selon elle, la Commission ne disposait pas de données suffisantes concernant les mélanges ≤ B20 pour procéder à une appréciation correcte des conditions du marché et de la marge de dumping. En réponse au mémoire en intervention de l’EBB, la requérante affirme, d’une part, qu’elle n’a pas pratiqué de dumping et que les subsides qu’elle a reçus étaient très inférieurs aux montants invoqués par l’EBB et, d’autre part, que le préjudice causé à l’industrie de l’Union n’a pas été examiné. Au cours de l’audience, la requérante a encore fait valoir que ses importations n’avaient pas neutralisé l’effet correcteur des droits initiaux.

89      Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, rejette les arguments de la requérante.

90      Il convient d’observer, à titre liminaire, que la requérante ne conteste pas que la Commission et le Conseil ont respecté à son égard les droits procéduraux prévus dans le cadre des procédures de contournement par l’article 13 du règlement antidumping de base et par l’article 23 du règlement antisubventions de base. Sous le couvert de la violation de ses droits procéduraux, dénoncée dans le cadre du quatrième grief, la requérante se plaint, en réalité, de l’absence d’ouverture de nouvelles procédures au cours desquelles elle aurait pu bénéficier de taux individuels, fixés sur la base d’un calcul précis de la marge de dumping, de la subvention et du préjudice imputables aux importations en cause. Ainsi, le quatrième grief n’est qu’une conséquence du troisième grief, tiré d’un détournement de pouvoir.

91      Par ailleurs, il y a lieu de constater que les critiques formulées par la requérante dans le cadre du quatrième grief, en ce qui concerne la manière dont le dumping, le préjudice et la neutralisation des effets correcteurs des droits initiaux auraient été déterminés par la Commission, n’ont été invoquées que dans la réplique, dans ses observations sur le mémoire en intervention de l’EBB et au cours de l’audience. Ainsi que la requérante l’a admis lors de l’audience, la requête ne met pas en cause les appréciations, faites par le Conseil dans les règlements attaqués, selon lesquelles les importations de mélanges ≤ B20 faisaient l’objet de dumping et neutralisaient les effets correcteurs des droits initiaux. Dès lors, ces arguments de la requérante doivent être considérés comme un moyen nouveau irrecevable pour cause de tardiveté conformément à l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

92      S’agissant de l’analyse des trois autres griefs, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine des mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 48, et la jurisprudence citée). Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, précité, point 49, et la jurisprudence citée).

93      Il conviendra d’examiner d’abord le premier grief de la requérante. En effet, dans l’hypothèse où le Tribunal considérerait, sur la base d’une analyse objective des caractéristiques essentielles des mélanges en cause, que les institutions de l’Union ont commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que les mélanges ? B20 importés par la requérante constituaient une modification légère des mélanges > B20, il y aurait lieu d’accueillir le recours sans examiner les autres griefs et moyens. Au contraire, dans l’hypothèse où il y aurait lieu de considérer que les règlements attaqués ne sont pas entachés d’une telle erreur manifeste d’appréciation, il conviendrait encore d’examiner si la Commission pouvait, sans commettre un détournement de pouvoir et sans violer les règlements antidumping et antisubventions de base et le principe de sécurité juridique, engager des procédures de contournement à l’égard des importations de la requérante, alors que les mélanges ? B20 avaient été explicitement exclus du champ d’application des règlements initiaux.

–       Sur les caractéristiques essentielles des mélanges ? B20 et > B20

94      La requérante fait valoir que les mélanges de biodiesel à concentration plus faible, en particulier les mélanges < B15 qu’elle a exportés vers l’Union, ne font pas partie du même marché que les mélanges à concentration plus élevée et ont des caractéristiques différentes. Elle avance trois séries d’arguments au soutien de cette thèse. La première série d’arguments concerne les spécificités du marché du biodiesel aux États-Unis. La deuxième vise les différences objectives existant entre les mélanges en fonction de leur teneur en biodiesel. La troisième se base sur le fait que la Commission aurait reconnu que les mélanges > B20 et ≤ B20 étaient différents lorsqu’elle a refusé d’accorder à la requérante le traitement de nouvel exportateur au sens de l’article 11, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et de l’article 20 du règlement antisubventions de base.

95      Le Conseil, soutenu par la Commission et par l’EBB, réfute les arguments de la requérante.

96      Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine des mesures de défense commerciale (voir point 92 ci-dessus), il conviendra d’examiner si la requérante a démontré que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que les mélanges ≤ B20 exportés par la requérante constituaient une modification légère du produit concerné et que ces mélanges pouvaient donc être considérés comme un « produit similaire légèrement modifié » par rapport aux mélanges > B20 présentant les « mêmes caractéristiques essentielles », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphes 1 et 3, sous a), du règlement antisubventions de base. À cet effet, le Tribunal examinera les trois séries d’arguments de la requérante, dans un ordre toutefois différent de celui dans lequel elles ont été présentées.

97      S’agissant, en premier lieu, des différences objectives entre les mélanges en fonction de leur teneur en biodiesel, la requérante fait d’abord valoir que, selon l’industrie du gazole, le contenu en biodiesel détermine si les mélanges de biodiesel doivent être classés comme des produits minéraux ou pétroliers ou comme des produits chimiques. La nomenclature combinée différencierait également en fonction de la composition des mélanges et de leur teneur en biodiesel. Le code CN 2710 tel qu’il figure dans la nomenclature combinée, dans le chapitre relatif aux huiles minérales, par exemple, ne s’appliquerait pas aux mélanges > B30. La requérante elle-même utiliserait dans ses contrats et ses factures des descriptions différentes selon le pourcentage de biodiesel.

98      Ensuite, la requérante observe que, d’un point de vue logistique, l’annexe II de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (Marpol) du 2 novembre 1973 classerait les mélanges ayant une proportion de biodiesel supérieure ou égale à 15 % (ci-après les « mélanges ≥ B15 ») comme des produits chimiques nécessitant d’être transportés dans des navires spécifiques, contrairement aux mélanges < B15, qui seraient considérés comme des produits minéraux ou pétroliers. Dès lors, selon la requérante, au moins une partie des mélanges ≤ B20, à savoir les mélanges < B15 qu’elle exportait, présenterait des différences avec les mélanges > B20. La requérante observe également que le temps de conservation est plus limité pour les mélanges à concentration élevée et que le biodiesel pur et les mélanges B99,9 doivent dès lors être stockés dans des réservoirs adaptés aux « fatty acid methyl esters » (esters méthyliques d’acides gras, ci-après les « FAME »), plus petits et plus couteux que ceux utilisés pour les mélanges de concentration inférieure. La requérante ajoute qu’il serait plus facile de continuer à diluer un mélange de concentration inférieure, par opposition à un mélange de concentration supérieure, pour obtenir des mélanges B7 et B5.

99      Enfin, la requérante indique dans la réplique que les mélanges à concentration de biodiesel plus élevée n’ont ni les mêmes usages finaux, ni la même puissance, ni le même rendement, que les mélanges à concentration de biodiesel plus faible.

100    À cet égard, il convient d’observer, premièrement, que les classifications commerciales que l’industrie confère aux produits en cause et celles qui découlent de la nomenclature combinée sont de nature formelle et ne signifient pas nécessairement que les produits qui font l’objet de ces classifications différentes n’ont pas les mêmes caractéristiques essentielles au sens de l’article 13, paragraphe 1, second alinéa, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base (voir point 3 ci‑dessus). Ainsi que l’observe à juste titre le Conseil, certaines pratiques de contournement cherchent précisément à exporter un produit légèrement modifié qui ne relève pas d’un code précis de la nomenclature combinée visée par les droits initiaux.

101    Deuxièmement, il y a lieu de relever que, à l’exception des arguments tirés de la réglementation en matière de transport maritime, les arguments soulevés par la requérante concernant les différences entre les mélanges d’un point de vue logistique ne se réfèrent pas à des pourcentages de biodiesel spécifiques qui seraient contenus dans les mélanges. Ces arguments font état des différences entre les mélanges à forte ou à faible concentration, mais n’abordent pas la question essentielle de savoir si les mélanges ≤ B20 ont les mêmes caractéristiques essentielles, au sens de la réglementation antidumping et antisubventions en cause, que les mélanges > B20.

102    En ce qui concerne les arguments tirés de la réglementation en matière de transport maritime, il convient de relever que la seule différence de classement entre les mélanges ≥ B15 et < B15, effectuée dans la Marpol, n’affecte pas en soi les caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base ni les usages commerciaux des mélanges ≤ B20. De plus, il convient d’observer que la réglementation maritime en question ne distingue pas en fonction d’un pourcentage de 20 %, qui est au centre du présent litige, mais en fonction d’un pourcentage de 15 %.

103    Troisièmement, la requérante n’étaye nullement l’affirmation figurant dans la réplique selon laquelle les mélanges à forte ou à faible concentration n’auraient ni la même puissance ni le même rendement. En ce qui concerne les usages des mélanges en fonction de leur concentration, la requérante ne conteste pas que les opérations consistant à diluer le biodiesel dans du gazole minéral sont relativement simples à réaliser sur le plan technique. La requérante ne conteste pas non plus que les mélanges < B15 qu’elle a exportés, tout comme les mélanges > B20, étaient destinés à être mélangés de nouveau avec du gazole minéral dans le but de fabriquer des carburants dans l’Union. Qu’il s’agisse de mélanges B99,9, qui étaient les plus visés par les droits initiaux, ou de mélanges < B15 exportés par la requérante, tous ces mélanges devaient encore faire l’objet d’une transformation afin d’obtenir les ratios correspondant aux mélanges autorisés à la vente aux utilisateurs finals dans l’Union, à savoir les mélanges B7 et B5 (voir point 36 ci-dessus). Il en résulte que toutes les importations de mélanges de biodiesel devaient faire l’objet d’une même opération de transformation et visaient la même demande finale et qu’elles portaient, de ce fait, préjudice à la même industrie européenne.

104    S’agissant, en deuxième lieu, des spécificités du marché du biodiesel aux États-Unis, il est constant entre les parties que tous les moteurs diesel peuvent fonctionner avec des mélanges ? B20 en conservant la garantie des constructeurs automobiles, de sorte que ces mélanges sont vendus directement aux consommateurs aux États-Unis (voir point 14 ci-dessus). La requérante n’explique cependant pas suffisamment en quoi ce seul constat empêchait le Conseil et la Commission de considérer que les mélanges ≤ B20 qu’elle exportait étaient des « produits similaires légèrement modifiés » par rapport aux mélanges > B20. En tout état de cause, cette particularité du marché des États-Unis n’affecte pas le constat, fait par le Conseil au considérant 65 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 70 du règlement antidumping attaqué, selon lequel les caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base des mélanges > B20 et celles des mélanges ≤ B20 étaient suffisamment similaires pour qu’ils puissent faire l’objet des mêmes opérations de dilution en vue de les rendre aptes à la consommation finale dans l’Union (voir point 37 ci-dessus).

105    S’agissant, en troisième et dernier lieu, du refus de la Commission d’accorder à la requérante le traitement de nouvel exportateur, au sens de l’article 11, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et au sens de l’article 20 du règlement antisubventions de base, il s’agit de considérations juridiques qui ne sauraient influer sur les constats techniques visés au point précédent. En effet, conformément à ces dispositions, l’examen au titre du nouvel exportateur n’est réservé qu’aux opérateurs qui commencent à importer le produit visé par un règlement antidumping ou un règlement antisubventions après l’adoption de ces règlements. Or, en l’espèce, les mélanges ≤ B20 n’étaient pas visés par les règlements initiaux. Cette circonstance n’apporte cependant aucun enseignement quant à la question de savoir si ces mélanges pouvaient être considérés comme des « produits similaires légèrement modifiés » par rapport aux mélanges > B20.

106    Il résulte des considérations précédentes que la requérante n’a pas démontré que le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a conclu que les mélanges ≤ B20 exportés par la requérante constituaient une modification légère du produit concerné et que ces mélanges pouvaient donc être considérés comme un « produit similaire légèrement modifié » par rapport aux mélanges > B20, en ce qu’ils revêtaient les « mêmes caractéristiques essentielles », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base.

107    Le premier grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

–       Sur l’exclusion explicite des mélanges ? B20 des règlements initiaux

108    La requérante observe que les définitions initiales du produit concerné et du produit similaire sont d’une importance décisive lorsqu’il s’agit de savoir si les droits initiaux ont été contournés et qu’elles doivent rester cohérentes. Les procédures de contournement et le principe de sécurité juridique ne permettraient pas aux institutions de l’Union d’étendre la définition initiale d’un produit concerné et certainement pas lorsque l’extension se réfère à un produit qui a été expressément exclu de ladite définition du produit concerné et de celle du produit similaire. L’arrêt du Tribunal du 10 septembre 2008, JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil (T‑348/05, non publié au Recueil), confirmerait ces principes.

109    Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, conteste les arguments de la requérante.

110    À cet égard, il y a lieu d’observer, en premier lieu, que les procédures de contournement prévues par l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et par l’article 23, paragraphe 1, du règlement antisubventions de base visent précisément des produits qui n’étaient pas formellement couverts par la définition initiale du produit concerné et du produit similaire, mais qui constituent néanmoins des « produits similaires légèrement modifiés » en ce qu’ils partagent les mêmes « caractéristiques essentielles » que les produits couverts par la définition initiale. En étendant les droits initiaux aux mélanges ≤ B20, le Conseil a donc agi en conformité avec les objectifs de ces dispositions.

111    S’agissant, en deuxième lieu, de l’arrêt JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil, point 108 supra, il confirme ces principes, contrairement à ce que la requérante affirme. En effet, cet arrêt ne concernait pas une procédure de contournement, mais une procédure de réexamen intermédiaire partiel au sens de l’article 11, paragraphe 3, du règlement antidumping de base. Dans le cadre de cette procédure de réexamen, le Conseil avait élargi la définition initiale du produit concerné afin d’imposer les droits en cause à des produits qui intégraient, en tant que composant, le produit initialement concerné. Le Tribunal a considéré que le Conseil ne pouvait pas modifier la définition initiale du produit concerné dans le cadre d’une procédure de réexamen intermédiaire au sens de l’article 11, paragraphe 3, du règlement antidumping de base afin d’inclure de nouveaux produits qui n’étaient pas visés par le règlement initial (arrêt JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil, point 108 supra, points 61 à 65). Le Tribunal a indiqué, en revanche, que les institutions de l’Union auraient dû examiner si les nouveaux produits, qui incluaient le produit concerné en tant que composant, pouvaient être considérés comme des « produits similaires légèrement modifiés », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base. Il a conclu que le Conseil ne saurait contourner l’exigence d’une enquête au titre de cette dernière disposition par le biais d’une modification de la définition du produit concerné dans le cadre de l’application de l’article 11, paragraphe 3, du règlement antidumping de base (arrêt JSC Kirovo-Chepetsky Khimichesky Kombinat/Conseil, point 108 supra, points 66 à 70).

112    S’agissant, en troisième lieu, de l’exclusion explicite des mélanges ≤ B20 des règlements initiaux, il convient d’observer que, contrairement à ce que la requérante suggère dans la réplique et en réponse au mémoire en intervention de la Commission, cette exclusion n’était pas fondée sur des différences relatives aux caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base des mélanges en cause, ni sur la situation dans l’Union.

113    Comme il est indiqué aux points 13 à 15 et 25 ci-dessus, l’exclusion des mélanges ≤ B20 du champ d’application des règlements initiaux a été justifiée en raison uniquement des particularités du marché des États-Unis, où les mélanges ≤ B20, contrairement aux mélanges > B20, étaient destinés à être vendus directement aux consommateurs et n’étaient donc pas exportés. Ce constat avait conduit le Conseil à fixer le seuil au niveau des mélanges > B20, afin « d’établir une nette distinction et d’éviter la confusion des produits, des marchés et des différentes parties aux [États-Unis] » (considérant 33 du règlement antidumping initial et considérant 34 du règlement antisubventions initial).

114    D’une part, il s’ensuit que la position des institutions de l’Union quant aux caractéristiques essentielles des mélanges ≤ B20 et > B20 n’a pas été contradictoire et que la requérante ne saurait donc se prévaloir en l’espèce d’une violation du principe de sécurité juridique.

115    D’autre part, il convient de rappeler que, pour les raisons évoquées au point 104 ci-dessus, les conditions de marché spécifiques aux États-Unis n’empêchaient pas la Commission et le Conseil de considérer que les mélanges ≤ B20 exportés par la requérante étaient des « produits similaires légèrement modifiés » par rapport aux mélanges > B20, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base.

116    Dans ces conditions, l’exclusion des mélanges ≤ B20 des règlements initiaux en raison des particularités du marché aux États-Unis ne s’opposait pas à ce que la Commission et le Conseil engagent des procédures de contournement à l’égard de ces mélanges.

117    Le deuxième grief de la requérante doit, dès lors, être rejeté.

–       Sur le détournement de pouvoir

118    Par son troisième grief, la requérante fait valoir que la Commission et le Conseil ne pouvaient pas, sans commettre un détournement de pouvoir, étendre les droits initiaux aux importations de mélanges ≤ B20 par le biais de procédures de contournement, mais qu’ils auraient dû engager de nouvelles enquêtes concernant ces importations sur la base de l’article 5 du règlement antidumping de base et de l’article 10 du règlement antisubventions de base. Dans la réplique, la requérante ajoute que la Commission aurait dû, à tout le moins, procéder à un réexamen d’office sur la base de l’article 11, paragraphe 3, du règlement antidumping de base et de l’article 19 du règlement antisubventions de base.

119    Le Conseil, soutenu par la Commission et l’EBB, estime que les arguments de la requérante ne sont pas fondés. Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue de procéder, à tout le moins, à un réexamen intermédiaire n’aurait été avancé ni au cours des procédures de contournement ni dans la requête. Cet argument serait, dès lors, irrecevable. La requérante a été invitée par le Tribunal à se prononcer sur cette dernière question lors de l’audience.

120    Il convient de rappeler qu’un acte est entaché de détournement de pouvoir s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T‑266/97, Rec. p. II‑2329, point 131, et la jurisprudence citée).

121    En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 106 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré que le Conseil avait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a conclu que les mélanges ≤ B20 exportés par la requérante constituaient une modification légère du produit concerné au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1 et paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base. De même, l’exclusion des mélanges ≤ B20 du champ d’application des règlements initiaux n’empêchait pas la Commission et le Conseil d’engager des procédures de contournement à l’égard des importations de la requérante (voir point 116 ci-dessus).

122    Il en résulte que la Commission et le Conseil n’ont pas éludé la procédure spécialement prévue par les règlements antidumping et antisubventions de base pour parer aux circonstances de l’espèce.

123    Le troisième grief doit, dès lors, être rejeté sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de l’argument de la requérante relatif à l’obligation de la Commission d’engager, à tout le moins, une procédure de réexamen intermédiaire au lieu d’une procédure de contournement.

124    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’écarter la première branche du premier moyen de la requérante, relative aux différences existant entre les mélanges > B20 et ≤ B20 et à l’exclusion explicite de ces derniers des règlements initiaux.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de modification du produit concerné

125    La requérante fait valoir que les mélanges ≤ B20 n’ont pas été « légèrement modifiés » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base, car ces mélanges ont toujours existé et n’ont pas été spécifiquement créés afin d’échapper à l’imposition des droits initiaux.

126    Sur ce point, force est de constater, à l’instar du Conseil, que les dispositions des règlements antidumping et antisubventions de base relatives aux procédures de contournement n’imposent pas de démontrer que les « produits similaires légèrement modifiés » au sens de ces dispositions aient été spécifiquement créés pour éviter le paiement des droits.

127    En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 13 à 15, 25 et 39 ci-dessus, les mélanges ≤ B20 existaient sur le marché des États-Unis, mais n’étaient pas exportés vers l’Union. Ce n’est qu’après l’institution des droits initiaux que les mélanges ≤ B20 ont commencé à être importés en Europe. Ces mélanges et les mélanges > B20 présentant des caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base très similaires ainsi qu’un usage identique dans l’Union (voir point 104 ci-dessus), c’est à bon droit que le Conseil a conclu, au considérant 65 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 70 du règlement antidumping attaqué, que les mélanges ≤ B20 importés par la requérante constituaient une modification légère du produit concerné.

128    Dès lors, la seconde branche du premier moyen et, partant, le premier moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits concernant la requérante

129    Le deuxième moyen, qui dénonce plusieurs erreurs manifestes d’appréciation commises par le Conseil, comprend trois branches.

130    La première branche concerne la réversibilité de la modification du produit concerné et se base sur le constat que les mélanges ? B20 ne peuvent plus être transformés pour redevenir des mélanges > B20 à la suite de l’importation.

131    Dans le cadre de la deuxième branche, la requérante conteste l’existence d’une modification de la configuration des échanges, au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base, en ce qui la concerne.

132    Dans le cadre de la troisième branche, la requérante fait valoir que le Conseil n’a pas correctement apprécié les justifications économiques qu’elle avait avancées concernant ses importations de mélanges < B15.

 Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’impossibilité de transformer les mélanges ? B20 pour qu’ils redeviennent des mélanges > B20

133    La requérante fait observer que les mélanges ? B20 ne peuvent pas être transformés pour redevenir des mélanges > B20, de sorte qu’un contournement des droits initiaux serait, en réalité, impossible. En affirmant le contraire, les règlements attaqués contiendraient des erreurs manifestes d’appréciation.

134    Le Conseil, soutenu par la Commission, conteste les arguments de la requérante.

135    Tout d’abord, il convient d’observer que le Conseil n’a jamais indiqué dans les règlements attaqués que les mélanges ≤ B20 pouvaient être transformés pour redevenir des mélanges > B20, contrairement à ce que la requérante affirme.

136    Ensuite, il y a lieu de relever, à l’instar du Conseil, que, en exigeant que le produit modifié redevienne, une fois importé, le produit concerné, la requérante ajoute un nouveau critère pour déterminer l’existence d’un contournement qui n’est pas prévu par les règlements antidumping et antisubventions de base. La requérante semble ainsi opérer une confusion entre les différents types de contournement que ces règlements prévoient. En l’espèce, l’enquête portait, entre autres, sur l’importation de « produits similaires légèrement modifiés » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, et paragraphe 3, sous a), du règlement antisubventions de base. Cette pratique de contournement diffère de celle prévue à l’article 13, paragraphe 2, du règlement antidumping de base, qui consiste à importer le produit concerné en pièces détachées pour ensuite assembler celles-ci dans l’Union et éviter ainsi le paiement des droits imposés sur le produit intégral.

137    Enfin, ainsi qu’il a été indiqué au point 104 ci-dessus, les mélanges ≤ B20 importés par la requérante présentent avec les mélanges > B20 des caractéristiques physiques, chimiques et techniques de base très similaires ainsi qu’un usage identique dans l’Union. Ces constats suffisent à considérer que ces mélanges constituent des « produits similaires légèrement modifiés » au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 1, et paragraphe 3 sous a), du règlement antisubventions de base.

138    La première branche du deuxième moyen doit, dès lors, être rejetée.

 Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’absence de modification de la configuration des échanges

139    La requérante affirme qu’il n’y a pas eu de modification de la configuration des échanges en ce qui la concerne. En effet, elle n’aurait ni modifié son comportement ni cessé d’importer les produits concernés par les droits initiaux, dès lors qu’elle n’avait jamais importé ces produits avant l’adoption des règlements initiaux. Elle ne saurait donc être accusée de contourner une mesure qui ne la concernait pas.

140    Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

141    Il convient d’observer que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base n’exigent pas que les entreprises visées par une procédure de contournement aient importé auparavant les produits frappés des droits initiaux afin d’établir l’existence d’une modification dans la configuration des échanges. Une telle condition restreindrait de manière considérable et injustifiée le champ d’application des procédures de contournement.

142    En effet, ces procédures cherchent à protéger l’industrie de l’Union contre certaines importations, indépendamment de l’identité des entreprises impliquées dans ces importations. Le cas d’espèce concerne l’importation de « produits similaires légèrement modifiés ». Il s’agit ainsi d’importation de produits de substitution afin de se soustraire à l’imposition des droits initiaux, alors que ces produits font toujours l’objet d’un dumping ou d’une subvention, causent un préjudice à l’industrie de l’Union ou neutralisent les effets correcteurs des droits initiaux. Afin d’établir l’existence d’une modification dans la configuration des échanges, les institutions peuvent donc se limiter à constater l’émergence d’importations du produit de substitution au détriment de l’importation des produits frappés des droits initiaux, indépendamment de la question de savoir si les nouvelles importations ont été effectuées par des entreprises déjà frappées par les droits initiaux.

143    En l’espèce, il n’est pas contesté que les importations du produit concerné à l’origine ont pratiquement cessé à la suite de l’imposition des droits initiaux et que les exportations vers l’Union de mélanges ≤ B20 en provenance des États-Unis ont débuté concomitamment.

144    Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission et le Conseil ont établi l’existence d’une modification de la configuration des échanges entre les États-Unis et l’Union, conformément à l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23, paragraphe 3, du règlement antisubventions de base.

145    Partant, la deuxième branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’appréciation des justifications économiques mises en avant par la requérante

146    La requérante fait valoir que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’il a conclu, en ce qui la concernait, qu’il n’existait pas de motivation suffisante ou de justification économique autre que le contournement des droits initiaux pour commencer à exporter des mélanges < B15.

147    À cet égard, la requérante rappelle qu’elle n’a commencé son activité dans le secteur du biodiesel qu’au début de 2009 afin de soutenir les activités du groupe BP et indique qu’elle a choisi d’importer dans l’Union des mélanges < B15 pour des raisons de nature économique. Selon la requérante, ce type de mélange lui aurait permis, premièrement, d’éviter l’utilisation de navires spécialisés, plus petits et coûteux, qui sont obligatoires pour le transport maritime de mélanges ≥ B15 en vertu de la Marpol (voir point 98 ci-dessus), et de transporter les mélanges dans des navires non spécialisés de sa propre flotte ou faisant l’objet d’un contrat d’affrètement de longue durée. Deuxièmement, ces mélanges pouvaient être stockés plus facilement dans des réservoirs non spécifiques pour les FAME dans la zone Amsterdam-Rotterdam-Anvers (ci-après la « zone ARA »), où elle disposait d’excédents de production de gazole qu’elle souhaitait utiliser pour produire des mélanges B7 et B5. Troisièmement, la requérante précise que le terminal de BP France situé à Frontignan dans le sud de la France, où elle exportait un « volume significatif » de biodiesel, ne pouvait pas accueillir les navires spécialisés dans lesquels les mélanges ≥ B15 devaient être transportés. Lors de l’audience, la requérante a insisté sur ce dernier argument, en expliquant qu’elle avait une demande importante pour les mélanges B7 et B5 dans le sud de la France et qu’elle diluait dans le terminal de Frontignan les mélanges < B15 en provenance des États-Unis avec le gazole excédentaire provenant de la zone ARA.

148    Le Conseil, soutenu par la Commission et par l’EBB, rejette les arguments de la requérante.

149    À titre liminaire, il convient d’observer que la requérante avance essentiellement des raisons de nature logistique pour justifier les importations de mélanges < B15 dans l’Union. Or, si des considérations de nature logistique peuvent jouer un rôle dans la décision d’entreprendre une activité économique, elles ne sauraient à elles seules justifier une telle décision. En effet, une activité économique n’est généralement démarrée qu’à la suite d’une analyse de rentabilité. Dans le cadre d’une telle analyse, le fait d’éviter les droits initiaux, dont le caractère élevé n’est pas contesté, peut s’avérer un facteur économique plus important que des considérations d’ordre logistique.

150    En premier lieu, force est de constater, à cet égard, que la requérante n’a pas contesté le constat du Conseil selon lequel le gain lié à l’absence d’utilisation de navires spécialisés pour le transport de mélanges ≥ B15, allégué par la requérante, n’a représenté que 2,3 % du montant correspondant aux droits initiaux qu’elle a évités pendant la période d’enquête anti-contournement. Dans ces conditions, c’est à bon droit que le Conseil n’a pas retenu les justifications économiques alléguées par la requérante liées au choix de l’utilisation de navires non spécialisés pour le transport maritime des mélanges de biodiesel.

151    En second lieu, s’agissant des difficultés de stockage des mélanges B100 et B99,9 dans les réservoirs de la zone ARA, de l’existence d’excédents de gazole minéral dans cette zone et des limitations techniques du terminal de Frontignan, il convient de constater que les explications de la requérante apparaissent peu convaincantes. En tout état de cause, la requérante ne fournit aucun élément concret permettant de comprendre la rentabilité de ces opérations. La requérante ne soumet par ailleurs aucun élément chiffré, quantifié ou documenté attestant de l’existence d’une demande pour ce genre de mélanges dans le sud de la France. Il convient également de noter que cet argument n’a été avancé que lors de l’audience. Par ailleurs, la thèse complexe et non étayée de la requérante concernant la demande pour le biodiesel dans le sud de la France contraste avec les chiffres concrets avancés par la Commission et le Conseil. Selon ces chiffres, les importations de mélanges > B20 ont pratiquement cessé après l’imposition des droits initiaux, alors que les importations de mélanges ≤ B20 ne sont apparues qu’après cette date (voir point 39 ci-dessus). Il est également constant que le niveau des droits initiaux était considéré comme relativement élevé de sorte que les importations de produits de substitution, tels que les mélanges ≤ B20, étaient économiquement intéressantes.

152    À la lumière de ces considérations, il y a lieu de conclure que le Conseil a considéré à bon droit qu’il n’existait pas, pour l’importation des mélanges < B15 de la requérante, de motivation suffisante ou de justification économique autre que l’imposition des droits initiaux.

153    La troisième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

154    La requérante fait valoir que les règlements attaqués sont insuffisamment motivés pour justifier l’extension des droits initiaux. Selon la requérante, le Conseil était tenu de fournir une motivation plus étayée en raison des effets importants que cette extension avait pour elle.

155    À cet égard, la requérante soutient, en premier lieu, que le Conseil n’a pas répondu aux arguments qu’elle avait soulevés selon lesquels les mélanges ? B20 ne pouvaient plus être reconvertis, après leur importation, en mélanges de concentration plus élevée, ni aux arguments selon lesquels elle ne pouvait pas contourner une mesure qui ne la concernait pas à l’origine. En deuxième lieu, la requérante estime que le Conseil a conclu d’emblée que la seule justification économique à l’exportation de mélanges ≤ B20 était l’octroi de subventions aux États-Unis et l’intention d’éviter le paiement des droits initiaux. En troisième lieu, la requérante fait valoir que le Conseil n’a pas expliqué de quelle manière il pouvait étendre les mesures en cause à des mélanges ? B20 alors qu’il avait expressément exclu ces derniers de la définition du produit concerné et du produit similaire dans l’enquête initiale. En quatrième lieu, la requérante a ajouté lors de l’audience que le considérant 79 du règlement antidumping attaqué ne précisait pas comment l’existence d’un dumping avait été déterminée dans le cadre de la procédure de contournement. Selon la requérante, il ressortirait des explications données par le Conseil et la Commission devant le Tribunal que cette dernière s’est basée, d’une part, sur des données relatives à des mélanges ≤ B20 fournies par un opérateur lors de l’enquête initiale et, d’autre part, sur la valeur normale initiale établie pour les mélanges > B20 ajustée pour l’adapter aux mélanges ≤ B20.

156    Le Conseil réfute les arguments de la requérante.

157    Il convient de rappeler que la motivation d’un acte des institutions de l’Union doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure adoptée et de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec. p. II‑3923, point 156). En outre, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, Rec. p. I‑723, point 86, et arrêt du Tribunal du 27 novembre 1997, Kaysersberg/Commission, T‑290/94, Rec. p. II‑2137, point 150).

158    En l’espèce, le Conseil a respecté ces principes pour les raisons exposées ci-après.

159    S’agissant, en premier lieu, de l’absence de réponse explicite dans les règlements attaqués à certains arguments de la requérante, il convient de rappeler qu’un règlement instituant des droits antidumping ou des droits compensateurs ne doit être motivé que par rapport à l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents aux fins de l’appréciation qui y est portée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Whirlpool Europe/Conseil, T‑314/06, Rec. p. II‑5005, point 116).

160    Or, comme il est indiqué aux points 136 et 141 ci-dessus, l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et l’article 23, paragraphes 1 et 3, du règlement antisubventions de base n’exigent pas que le produit modifié redevienne, une fois importé, le produit concerné, ni que les entreprises visées par une procédure de contournement aient importé auparavant les produits frappés des droits initiaux. Le Conseil n’était donc pas tenu de prendre position sur les arguments avancés par la requérante à cet égard.

161    En deuxième lieu, s’agissant des justifications économiques pour les importations de mélanges ≤ B20, il convient d’observer que la critique des règlements attaqués formulée par la requérante vise à contester le bien-fondé de la conclusion du Conseil sur cette question, telle qu’elle figure aux considérants 70, 71 et 76 du règlement antisubventions attaqué et aux considérants 75, 76 et 81 du règlement antidumping attaqué, au lieu de viser un défaut de motivation à l’égard desdites justifications. L’argument de la requérante doit donc être rejeté.

162    En troisième lieu, s’agissant de la motivation de l’extension des droits initiaux aux mélanges ≤ B20 précédemment exclus du champ d’application des règlements initiaux, le Conseil a rappelé, aux considérants 55 et 56 du règlement antisubventions attaqué et aux considérants 60 et 61 du règlement antidumping attaqué, les arguments que le National Biodiesel Board (NBB), qui représente l’industrie américaine du biodiesel, et d’autres parties intéressées avaient fait valoir sur cette exclusion. En réponse à ces arguments, le Conseil a indiqué, aux considérants 57 à 59 du règlement antisubventions attaqué et aux considérants 62 à 64 du règlement antidumping attaqué, qu’il existait en l’espèce des éléments de preuve suffisants montrant « à première vue qu’il y a[vait] un contournement », au sens de l’article 13, paragraphe 1, du règlement antidumping de base et de l’article 23 du règlement antisubventions de base. Le Conseil a également indiqué que la procédure prévue par ces dispositions ne modifiait pas la définition du produit concerné ou du produit similaire. Au considérant 65 du règlement antisubventions attaqué et au considérant 70 du règlement antidumping attaqué, le Conseil a expliqué pourquoi il considérait que les mélanges ≤ B20 pouvaient être considérés comme une « modification légère du produit concerné » pouvant faire l’objet d’une procédure de contournement.

163    Cette motivation n’est aucunement défectueuse, contrairement à ce que la requérante soutient.

164    En quatrième lieu, s’agissant de la motivation de la manière dont le dumping a été constaté, évoquée par la requérante lors de l’audience, il y a lieu de rappeler d’abord qu’un défaut ou une insuffisance de motivation constituent des moyens d’ordre public qui peuvent, et même doivent, être examinés d’office par le juge de l’Union (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24). Il s’ensuit que l’argument de la requérante ne saurait être rejeté en raison de son caractère tardif.

165    Il convient d’observer que le Conseil a précisé, au considérant 79 du règlement antidumping attaqué, que, « [c]onformément à l’article 13, paragraphes 1 et 2, du règlement antidumping de base, il a[vait] été examiné s’il existait des éléments prouvant l’existence d’un dumping par rapport à la valeur normale établie lors de l’enquête initiale » et que « [l]a comparaison entre la valeur normale moyenne pondérée et la moyenne pondérée des prix à l’exportation a[vait] montré l’existence d’un dumping ».

166    Cette motivation fait ressortir à suffisance de droit les éléments sur la base desquels l’existence d’un dumping a été établie.

167    Il en résulte que le troisième moyen de la requérante doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de non-discrimination et de bonne administration

168    Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante observe qu’elle a pleinement coopéré dans le cadre des procédures de contournement, mais qu’elle s’est vu néanmoins imposer le taux applicable à toutes les autres entreprises qui n’avaient pas coopéré ou qui ne s’étaient pas fait connaître lors de l’enquête initiale, en l’occurrence la troisième catégorie d’entreprises évoquée au point 21 ci-dessus. Or, si la requérante n’a pas participé à l’enquête initiale, c’est parce qu’elle n’était pas exportatrice de biodiesel à l’époque.

169    Eu égard à sa situation particulière, la requérante estime, en premier lieu, que, selon le principe de non-discrimination, le Conseil aurait dû lui imposer le taux applicable aux sociétés qui ont coopéré au cours de l’enquête initiale et qui n’ont pas été retenues dans l’échantillon, qui figurent dans la liste annexée aux règlements initiaux, en l’occurrence la deuxième catégorie d’entreprises évoquée au point 20 ci-dessus. La requérante est d’avis qu’elle se trouve dans la même situation que ces entreprises.

170    En second lieu, la requérante soutient que les informations qu’elle a fournies au cours de la procédure de contournement auraient dû suffire pour lui accorder un traitement individuel. En vertu du principe de bonne administration, le Conseil aurait dû traiter les sociétés non concernées par l’enquête initiale individuellement, avant de leur appliquer les mesures sur une base arbitraire et sans examiner dans quelle mesure ces sociétés ont pratiqué, ou non, le dumping. En réponse au mémoire en intervention de l’EBB, la requérante indique que la Commission lui aurait fait croire qu’elle ne considérait pas que ses exportations constituaient un contournement. Elle ne dénonce toutefois pas expressément une violation du principe de bonne administration ni ne tire aucune conséquence de cette dernière allégation.

171    Le Conseil, soutenu par la Commission, estime que les arguments de la requérante sont dénués de pertinence.

172    S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de la violation du principe de non-discrimination, force est de constater, à l’instar du Conseil, que la requérante n’est pas dans la même situation que les sociétés qui ont coopéré au cours de l’enquête initiale et qui n’ont pas été retenues dans l’échantillon. En effet, bien que la requérante ait coopéré avec les institutions de l’Union dans le cadre des procédures de contournement, ses importations ont contourné l’imposition des droits initiaux. Or, contrairement aux procédures antidumping et antisubventions classiques, qui peuvent aboutir à l’imposition de droits inférieurs pour les entreprises ayant collaboré, les procédures de contournement n’aboutissent à l’institution d’aucun droit, mais se limitent à étendre le droit initial qui a été contourné.

173    En l’espèce, les droits qui auraient été appliqués à la requérante si elle n’avait pas contourné les mesures en cause auraient été, en principe, ceux applicables à toutes les autres entreprises, sauf si elle avait demandé et obtenu, avant d’effectuer ses importations de mélanges > B20, un traitement individuel en tant que nouvel exportateur, sur la base de l’article 11, paragraphe 4, du règlement antidumping de base et de l’article 20 du règlement antisubventions de base.

174    Dans ces conditions, le Conseil n’a pas violé le principe de non-discrimination en imposant à la requérante les taux résiduels applicables à toutes les autres entreprises qui n’avaient pas coopéré ou qui ne s’étaient pas fait connaître dans le cadre de l’enquête initiale.

175    Il convient d’observer, par ailleurs, que les taux résiduels appliqués à la requérante, bien qu’ils soient élevés, prennent déjà en compte un niveau général de coopération élevée (81 %) des entreprises dans le cadre de l’enquête initiale (voir point 21 ci-dessus).

176    S’agissant, en second lieu, du grief tiré de la violation du principe de bonne administration en l’absence d’un traitement individuel de la requérante, il convient d’observer qu’un tel traitement n’était pas possible dans le cadre des procédures de contournement. En effet, comme il est indiqué au point 172 ci-dessus, ces procédures visent à étendre aux importations concernées les droits initialement imposés par le Conseil dans le règlement qui a fait l’objet de contournement, mais n’aboutissent pas à l’institution de nouveaux droits établis sur la base d’un calcul de la marge de dumping ou du taux de subvention et du préjudice imputables aux importations des opérateurs ayant contourné les mesures. Par ailleurs, la possibilité d’accorder à la requérante un traitement individuel en tant que nouvel exportateur était exclue pour les raisons évoquées au point 105 ci-dessus.

177    Il convient d’ajouter que le fait que la requérante n’a pas participé à l’enquête initiale, car elle n’importait pas à l’époque de biodiesel dans l’Union, ne justifie pas un traitement individuel exceptionnel sur la base du principe de bonne administration. En effet, comme il est indiqué au point 141 ci-dessus, les règlements antidumping et antisubventions de base n’exigent pas que les entreprises visées par une procédure de contournement aient importé auparavant les produits frappés des droits initiaux. Dans ces conditions, ainsi que le souligne la Commission, il n’est pas exceptionnel que des producteurs ou des importateurs n’ayant pas été visés par des règlements initiaux soient soumis au paiement de droits étendus à la suite d’une procédure de contournement. Dans ce cas, les droits étendus imposés correspondent aux droits résiduels fixés dans les règlements initiaux.

178    Dès lors, le grief de la requérante tiré d’une violation du principe de bonne administration en l’absence d’un traitement individuel à son égard n’est pas fondé.

179    Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième moyen de la requérante et, partant, le recours dans son ensemble doivent être rejetés.

 Sur les dépens

180    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

181    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à payer, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil et par l’EBB, conformément aux conclusions de ces derniers.

182    En application de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BP Products North America Inc. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne et par l’European Biodiesel Board (EBB).

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens.

Martins Ribeiro

Dehousse

van der Woude

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 janvier 2014.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige

Procédures initiales

Procédures de contournement

Procédure et conclusions des parties

En droit

1.  Sur la recevabilité

2.  Sur le fond

Sur le premier moyen, tiré de la violation des règlements antidumping et antisubventions de base et du principe de sécurité juridique ainsi que d’un détournement de pouvoir par l’extension des droits initiaux au moyen de procédures de contournement

Sur la première branche du premier moyen, relative aux différences existant entre les mélanges > B20 et les mélanges ≤ B20 et à l’exclusion explicite de ces derniers des règlements initiaux

–  Sur les caractéristiques essentielles des mélanges  B20 et > B20

–  Sur l’exclusion explicite des mélanges  B20 des règlements initiaux

–  Sur le détournement de pouvoir

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de modification du produit concerné

Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits concernant la requérante

Sur la première branche du deuxième moyen, relative à l’impossibilité de transformer les mélanges  B20 pour qu’ils redeviennent des mélanges > B20

Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’absence de modification de la configuration des échanges

Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’appréciation des justifications économiques mises en avant par la requérante

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des principes de non‑discrimination et de bonne administration

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.