Language of document : ECLI:EU:C:2019:928

Affaire C‑113/12

Donal Brady

contre

Environmental Protection Agency

[demande de décision préjudicielle,
introduite par la Supreme Court (Irlande)]

«Environnement – Directive 75/442/CEE – Lisier produit et stocké dans une installation d’élevage de porcs dans l’attente d’être cédé à des exploitants agricoles qui s’en servent comme fertilisant sur leur terres – Qualification de ‘déchet’ ou de ‘sous-produit’ – Conditions – Charge de la preuve – Directive 91/676/CEE – Absence de transposition – Responsabilité personnelle du producteur quant au respect par ces exploitants du droit de l’Union relatif à la gestion des déchets et fertilisants»

Sommaire – Arrêt de la Cour (quatrième chambre) du 3 octobre 2013

1.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – Notion de déchet – Substance dont on se défait – Critères d’appréciation

[Art. 174, § 2, CE; directive du Conseil 75/442, art. 1er, a)]

2.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – Notion de déchet – Substance dont on se défait – Effluents d’élevage – Exclusion – Conditions

[Directive du Conseil 75/442, art. 1er, a)]

3.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – Notion de déchet – Substance dont on se défait – Effluents d’élevage – Exclusion – Portée

[Directive du Conseil 75/442, art. 1er, a), b) et c)]

4.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – Notion de déchet – Substance dont on se défait – Effluents d’élevage – Exclusion – Charge de la preuve

[Directive du Conseil 75/442, art. 1er, a)]

5.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – «Autre législation» au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous b) – Directive non transposée en droit national – Exclusion

[Directives du Conseil 75/442, art. 2, § 1, b), iii), et 91/676]

6.        Environnement – Déchets – Directive 75/442 – Obligations incombant aux États membres à l’égard des détenteurs de déchets – Obligation pour les opérateurs d’avoir obtenu une autorisation ou d’être exemptés d’autorisation préalablement à toute opération d’élimination ou de valorisation de déchets – Portée – Responsabilité quant au respect du droit de l’Union relatif à la gestion des déchets et des fertilisants

[Directive du Conseil 75/442, art. 1er, a), 8, 10 et 11]

1.        Voir le texte de la décision.

(cf. points 38-42, 44, 49)

2.        L’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350, doit être interprété en ce sens que du lisier produit dans une exploitation d’élevage intensif de porcs et stocké dans l’attente d’être livré à des exploitants agricoles pour être utilisé par ceux-ci comme fertilisant sur leurs terres constitue non pas un déchet au sens de ladite disposition, mais un sous-produit, lorsque ledit producteur entend commercialiser ce lisier dans des conditions économiquement avantageuses pour lui, dans un processus ultérieur, à condition que cette réutilisation ne soit pas seulement éventuelle mais certaine, sans transformation préalable, et dans la continuité du processus de production.

Aux fins de vérifier si la réutilisation du lisier par épandage par d’autres exploitants agricoles revêt un caractère suffisamment certain pour justifier son stockage pour une durée autre que celle nécessaire à sa collecte en vue de son élimination, il convient de s’assurer, notamment, que les terrains desdits exploitants sur lesquels doit avoir lieu cette réutilisation sont, d’emblée, bien identifiés.

Il importe également que le stockage effectif du lisier soit strictement limité aux besoins des opérations d’épandage envisagées, ce qui requiert, d’une part, que les quantités stockées soient limitées de manière telle que l’entièreté de celles-ci soit bien destinée à être réutilisée de la sorte et, d’autre part, que la durée de stockage soit limitée en fonction des nécessités qu’induit à cet égard le caractère saisonnier des opérations d’épandage.

À cet égard, il incombe notamment aux juridictions nationales de s’assurer que les installations de stockage auxquelles a recours le producteur de lisier sont conçues de manière à empêcher tout ruissellement et infiltration dans le sol de cette substance et qu’elles offrent une capacité suffisante pour y stocker le lisier produit dans l’attente de la remise effective de celui-ci aux exploitants agricoles concernés.

Par ailleurs, il faut que la réutilisation du lisier par les tiers concernés, telle que programmée par le producteur, soit de nature à procurer à ce dernier un avantage allant au-delà du simple fait de pouvoir se défaire de ce produit, une telle circonstance renforçant, d’ailleurs, lorsqu’elle se vérifie, la probabilité de réutilisation effective.

(cf. points 52, 55-57, 60, disp. 1)

3.        Le fait de conclure que la réutilisation du lisier présente, dans une situation donnée, un degré de certitude suffisant pour que, durant son stockage par le détenteur et jusqu’à sa livraison effective aux tiers concernés, ledit lisier puisse être tenu pour un sous-produit, ne préjuge aucunement du fait que ledit lisier puisse, le cas échéant, devenir un déchet, postérieurement à ladite livraison, notamment s’il devait apparaître qu’il est finalement rejeté par lesdits tiers de façon incontrôlée dans l’environnement dans des conditions qui permettent de le considérer comme déchet.

En pareil cas, il y aurait lieu de tenir compte de ce que celui qui se trouve, en fait, en possession de produits immédiatement avant qu’ils ne deviennent des déchets doit être considéré comme ayant produit ces déchets au sens de l’article 1er, sous b), de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350, et être ainsi qualifié de détenteur de ceux-ci au sens de l’article 1er, sous c), de cette directive.

(cf. points 50, 51)

4.        Le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que la charge de la preuve de ce que les critères permettant de considérer qu’une substance telle que le lisier produit et stocké dans l’attente d’être livré à des exploitants agricoles pour être utilisé par ceux-ci comme fertilisant sur leurs terres constitue un sous-produit sont remplis incombe au producteur de ce lisier, pourvu qu’il n’en résulte pas une atteinte à l’efficacité de ce droit, et notamment de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350, et que soit assuré le respect des obligations découlant de ce droit, en particulier, l’obligation consistant à ne pas soumettre aux dispositions de cette directive des substances qui, par application desdits critères, doivent être considérées comme des sous-produits auxquels ne s’applique pas ladite directive.

En effet, la directive 75/442 ne comporte pas de dispositions spécifiques relatives à la question de la détermination de la personne à qui incombe la charge de la preuve de ce que sont remplis les critères impliquant de considérer qu’une substance doit être qualifiée de sous-produit et non de déchet au sens de cette directive. Dans ces conditions, il appartient au juge national d’appliquer, sur ce plan, les dispositions de son propre système juridique pourvu que, ce faisant, il ne soit pas porté atteinte à l’efficacité du droit de l’Union et notamment de la directive 75/442 et que soit assuré le respect des obligations découlant de ce droit. Il s’ensuit, notamment, que de telles règles nationales afférentes à la charge de la preuve ne peuvent conduire à rendre excessivement difficile la preuve de ce que des substances doivent, par application desdits critères, être considérées comme des sous-produits.

(cf. points 61, 62, 65, disp. 2)

5.        L’article 2, paragraphe 1, sous b), iii), de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350, doit être interprété en ce sens que, en l’absence de transposition, dans le droit d’un État membre, de la directive 91/676 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles, il ne peut être considéré que les effluents d’élevage produits dans le cadre d’une exploitation porcine située dans ledit État membre sont, du fait de l’existence de cette dernière directive, couverts par une autre législation au sens de ladite disposition.

En effet, pour pouvoir être considérées comme une «autre législation» au sens dudit article 2, paragraphe 1, sous b), iii), les règles communautaires ou nationales concernées doivent comporter des dispositions précises organisant la gestion des déchets en cause et aboutir à un niveau de protection de l’environnement au moins équivalent à celui qui découle de la directive 75/442.

Or, à défaut pour un État membre d’avoir adopté les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de la directive 91/676, celle-ci ne saurait, en tout état de cause, être considérée comme aboutissant à un niveau de protection de l’environnement au moins équivalent à celui visé par la directive 75/442, ladite absence de transposition impliquant, au contraire, que, à défaut d’être soumise à cette dernière directive, la gestion des effluents d’élevage en cause ne serait soumise à aucune autre législation.

(cf. points 67, 69, 70, disp. 3)

6.        Dans l’hypothèse où du lisier produit et détenu par une exploitation d’élevage porcin doit être qualifié de déchet au sens de l’article 1er, sous a), premier alinéa, de la directive 75/442, relative aux déchets, telle que modifiée par la décision 96/350:

–      l’article 8 de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le détenteur se voit autorisé, à quelles conditions que ce soit, à se défaire de ce déchet en le cédant à un exploitant qui l’utilise comme fertilisant sur ses terres, s’il s’avère que ledit exploitant n’est ni titulaire de l’autorisation visée à l’article 10 de ladite directive ni dispensé de détenir une telle autorisation et enregistré conformément aux dispositions de l’article 11 de cette directive, et

–        les articles 8, 10 et 11 de ladite directive, lus en combinaison, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que la cession de ce déchet par ledit détenteur à un exploitant qui l’utilise comme fertilisant sur ses terres et qui est titulaire d’une autorisation visée audit article 10 ou dispensé de détenir une telle autorisation et enregistré conformément audit article 11 soit soumise à la condition que ce détenteur endosse la responsabilité du respect par cet autre exploitant des règles devant s’appliquer aux opérations de valorisation effectuées par cet exploitant en vertu du droit de l’Union relatif à la gestion des déchets et des fertilisants.

En effet, lorsqu’un détenteur de déchets remet ceux-ci à une entreprise titulaire d’une autorisation ou bénéficiant d’une exemption d’autorisation aux fins de valoriser lesdits déchets, c’est exclusivement à cette dernière entreprise, devenue détenteur des déchets en cause, et non audit détenteur antérieur, qu’incombe la responsabilité de procéder aux opérations de valorisation en respectant, à cet égard, l’ensemble des conditions auxquelles se trouvent soumises lesdites opérations en vertu de la réglementation applicable.

(cf. points 81-83, disp. 4)