Language of document : ECLI:EU:T:2005:315

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 septembre 2005(*)

« Fonctionnaires - Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Droits de la défense – Article 26 du statut – Erreur manifeste d’appréciation – Notion de résidence habituelle – Services effectués pour un autre État »

Dans l’affaire T-283/03,

Lucía Recalde Langarica, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes R. García-Gallardo Gil-Fournier et D. Domínguez Pérez, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté de Mes J. Rivas Andrés et J. Gutiérrez Gisbert, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation d’une décision de la Commission retirant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 novembre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») prévoit notamment que « [l]’ indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit ».

2       L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut dispose que cette indemnité est accordée au fonctionnaire :

« qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ».

3       Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, de l’annexe VII du statut, « [l]e fonctionnaire qui, n’ayant pas et n’ayant jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation, ne remplit pas les conditions prévues au paragraphe 1, a droit à une indemnité d’expatriation égale à un quart de l’indemnité de dépaysement ».

4       Selon l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de la même annexe, dans sa version applicable à l’époque des faits en cause, l’indemnité d’installation « est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut ».

5       L’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut prévoit que « [l]e fonctionnaire qui justifie être tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut a droit, pour une durée déterminée au paragraphe 2, à une indemnité journalière […] ».

 Faits à l’origine du litige

6       La requérante, de nationalité espagnole, est arrivée à Bruxelles (Belgique) en octobre 1988 afin de poursuivre des études de troisième cycle à l’Institut d’études européennes de l’Université libre de Bruxelles (ULB). Ces études s’étendaient sur deux années académiques, soit jusqu’en juin 1990. Entre le 1er octobre 1989 et le 28 février 1990, elle a effectué un stage à la Commission. Le 1er avril 1990, elle a signé un « contrat d’études » avec la société espagnole Interbask SA (ci-après « Interbask »). Elle a travaillé pour cette société, en dernier lieu dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, jusqu’au 21 août 1995.

7       Le 1er septembre 1995, la requérante est entrée en fonctions à la Commission, à Bruxelles, en tant que fonctionnaire de grade A 7.

8       Dans le formulaire ad hoc qu’elle a complété et signé le même jour, elle a déclaré que sa résidence antérieure se situait à Vitoria (Espagne). Sur la base de cette déclaration, la Commission lui a octroyé, à titre provisoire, le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et de l’indemnité journalière.

9       Le 4 septembre 1995, la Commission a décidé, à titre provisoire, de retirer à la requérante le bénéfice de ces indemnités et de lui accorder l’indemnité d’expatriation.

10     Par lettre du 5 octobre 1995, la requérante a communiqué au chef de l’unité « gestion des droits individuels » de la direction « droits et obligations » de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, M. Rijssenbeek, une liste de pièces se trouvant dans son dossier individuel ainsi que différents documents, qui tous démontreraient que son « lieu de résidence permanente » et son « centre d’intérêts » se trouvaient à Vitoria.

11     Le 25 octobre 1995, M. Rijssenbeek a adressé à la requérante une note dans laquelle il indiquait que :

« Le 1er septembre 1995, vos droits statutaires ont été fixés provisoirement en l’absence de votre dossier personnel et donc sur base du formulaire ad hoc que vous avez complété ce même jour. À l’arrivée de votre dossier, le 4 septembre, il a dû être constaté que vous avez omis d’indiquer dans ledit formulaire que vous aviez travaillé et résidé en Belgique depuis plusieurs années auparavant. Ceci explique le changement de droits communiqué dont vous vous étonnez dans votre lettre du 5 octobre 1995.

En examinant votre dossier, il faut en effet constater que vous résidez à Bruxelles depuis 1988 pour y suivre des études et pour des raisons professionnelles. En voici les détails :

–      10.1988 - 6.1990          ULB

–      1.10.1989 - 28.2.1990          Stage à la DG XVI

–      1.4.1990 - 30.9.1990          Interbask, contrat d’études

–      1.10.1990 - 21.8.1995          Idem, plusieurs contrats successifs

Le 6 décembre 1993, vous avez communiqué par fax à l’unité recrutement que votre adresse à Bruxelles est située au 230, avenue Molière à 1060 Bruxelles (n° tél. [...]). Cette même adresse figure d’ailleurs à l’annuaire téléphonique de Belgacom clôturé le 13 décembre 1991 et dans celui de l’année précédente votre adresse était rue J. d’Ardenne, 50 à 1050 Bruxelles (n° tél. [...]).

Compte tenu de ce qui précède et en application des dispositions générales d’exécution de l’article 7, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, je suis au regret de devoir vous informer que la décision du 4 septembre, fixant votre lieu de recrutement à Bruxelles, doit être maintenue.

D’autre part, ayant résidé en Belgique pendant la période de référence qui se situe, selon l’article 4 de l’annexe VII du statut, entre le 1er mars 1990 et le 1er mars 1995, vous ne pouvez prétendre à l’indemnité de dépaysement. De ce fait, l’indemnité d’expatriation vous est octroyée. »

12     Le 12 janvier 1996, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de la Commission du 4 septembre 1995. Elle expliquait, notamment, qu’elle résidait officiellement à Vitoria et y avait son centre habituel de travail, et qu’elle n’avait conservé un appartement à Bruxelles que pour des motifs professionnels, n’occupant celui-ci que lorsqu’elle était envoyée en mission dans cette ville par Interbask. La requérante estimait que la Commission devait, dès lors, retenir Vitoria comme lieu de recrutement et lui octroyer, à compter de la date de son entrée en fonctions, l’indemnité de dépaysement ainsi que tous les autres droits statutaires découlant de cette situation.

13     Par note du 19 mars 1996, la Commission a invité la requérante à lui fournir des renseignements sur les fiches de salaire qui lui étaient délivrées par Interbask, et, notamment, sur les critères d’attribution des primes qui lui étaient versées en sus de son traitement et sur les modalités de remboursement de ses frais de voyage.

14     En réponse à cette demande, la requérante a communiqué à la Commission, par note du 15 avril 1996, une copie de ses dernières fiches de salaire. Elle expliquait que la prime dénommée « complément de poste » était un « ’plus’ en relation au ‘poste’ [qu’elle occupait] dans la société » et que la prime dénommée « complément journalier » était destinée à compenser le temps de travail qu’elle effectuait au-delà de 40 heures par semaine. S’agissant des frais de voyage, elle exposait que ceux-ci étaient payés à l’avance par Interbask, ou remboursés a posteriori.

15     Par note du 12 juin 1996, le directeur général de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, M. De Koster, a indiqué à la requérante que « [sa] situation au regard du droit à l’indemnité de dépaysement [faisait] toujours l’objet d’un examen des faits pertinents », qu’il lui accordait provisoirement ce droit « en [se] fondant sur les éléments actuellement disponibles et notamment [ses] déclarations à l’appui de [sa] réclamation, [qu’il ne pouvait] pas à ce stade mettre en doute » et qu’il poursuivait l’instruction du dossier « sur des aspects où des doutes [subsistaient] ».

16     Par note du 17 juin 1996, M. Rijssenbeek, se référant à la note précitée de M. De Koster a, « dans le but d’accélérer la procédure en cours », invité la requérante à lui transmettre une copie des contrats de bail qu’elle avait conclus pour les appartements sis au 50, rue J. d’Ardenne à Bruxelles et au 230, avenue Molière à Bruxelles ainsi que « des factures (par exemple : téléphone, eau, gaz et électricité) susceptibles de soutenir [ses] affirmations selon lesquelles [elle se trouvait] à Bruxelles lors des missions seulement ». Il lui a également demandé de lui fournir « une déclaration du consulat général d’Espagne selon laquelle un nouveau passeport valable pour cinq ans a pu être délivré malgré l’absence d’une inscription comme résidente à Bruxelles ».

17     Par décision du 24 juin 1996, notifiée à la requérante le 8 juillet 1996, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a donné une réponse explicite à la réclamation du 12 janvier 1996. Cette décision indiquait notamment :

« Sur le fond, la Commission signale que, par note séparée du directeur général du personnel et de l’administration, les droits à l’indemnité de dépaysement vous ont de nouveau été accordés à titre provisoire.

Par conséquent, il y a lieu d’examiner la fixation de Bruxelles comme lieu de recrutement et votre demande de remboursement des frais occasionnés par votre entrée en service (le 1er septembre 1995).

[...]

Dans le cas présent, compte tenu des éléments de fait exposés ci-dessus, il apparaît clairement que [la requérante] n’a pas dû changer de résidence lors de son entrée en fonctions. Elle n’a pas non plus indiqué à l’administration que son entrée en service lui avait occasionné des frais éventuels ».

18     Par lettre du 15 juillet 1996, la requérante a indiqué à M. Rijssenbeek, en réponse à la note de ce dernier du 17 juin 1996, qu’elle n’était pas en mesure de lui communiquer de contrat de bail pour les deux appartements concernés. Elle lui a, en revanche, transmis une attestation du consulat général d’Espagne à Bruxelles ainsi qu’une copie de son passeport. Enfin, elle a demandé à la Commission d’adopter une décision définitive sur son droit à l’indemnité de dépaysement.

19     Le 24 juillet 1996, la requérante a adressé une lettre à M. De Koster rédigée comme suit :

« La note que vous m’avez adressée le 12 juin 1996 me reconnaissait à titre provisoire le droit à l’indemnité de dépaysement, à la suite de la réclamation que j’avais présentée à cet effet le 12 janvier 1996. Sauf erreur ou omission de ma part, je n’ai toujours pas reçu cette indemnité pour le moment.

En réponse à la réclamation précitée, j’ai reçu le 8 juillet dernier, par la voie hiérarchique, une décision signée de votre main, par laquelle l’indemnité de dépaysement m’est une nouvelle fois accordée à titre provisoire tandis que les indemnités journalières et le remboursement des frais d’installation me sont refusés.

Étant donné le temps qui s’est écoulé depuis la présentation de ma réclamation le 12 janvier 1996 sans que la Commission ait arrêté de position définitive quant à mon droit à l’indemnité de dépaysement, je me permets de m’adresser à vous, avant que n’expire le délai prévu à l’article 91 pour l’introduction d’un recours devant le Tribunal contre une décision implicite de rejet, afin de savoir si la Commission a l’intention d’adopter une décision explicite autorisant ou refusant définitivement l’octroi de cette indemnité.

À cette fin, je me permets de vous rappeler le très court délai qu’il me resterait pour la préparation et l’introduction d’un recours devant le Tribunal de première instance sur la question de mon droit à l’indemnité de dépaysement ».

20     Le 6 août 1996, le chef de l’unité « fonction publique européenne - statut et discipline » de la direction « droits et obligations » de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, M. Kahn, a répondu à cette lettre en ces termes :

« [La réclamation du 12 janvier 1996] a fait l’objet d’une réponse séparée en ce qui concerne, d’une part, votre droit à l’indemnité de dépaysement (note de M. De Koster en date du 12 juin 1996) et, d’autre part, la fixation de votre lieu de recrutement et la question du remboursement de vos frais (décision de la Commission signée par M. De Koster en date du 8 juillet 1996).

S’agissant de la première partie de votre réclamation, votre droit à l’indemnité de dépaysement a été reconnu dans les conditions mentionnées ci-après. Vous devriez prochainement percevoir cette indemnité de manière rétroactive puisque vous m’indiquez que vous n’avez toujours rien perçu à ce jour.

La note du 12 juin 1996 précitée précisait, par ailleurs, que ‘votre situation au regard du droit à l’indemnité de dépaysement faisait toujours l’objet d’un examen des faits pertinents’ et que cette indemnité vous était donc accordée ‘provisoirement’. Ceci résultait du fait que certains éléments qui découlaient de votre réclamation remettaient en cause votre droit à l’indemnité de dépaysement sans pour autant constituer des preuves suffisantes pour vous le refuser.

Je vous confirme donc qu’à ce stade et compte tenu des éléments des deux notes précitées en réponse à votre réclamation, vous avez droit à l’indemnité de dépaysement, votre lieu de recrutement a été fixé à Bruxelles et vous ne remplissez pas les conditions pour bénéficier du remboursement des frais éventuellement exposés notamment à l’occasion de l’entrée en fonctions du fonctionnaire nouvellement recruté (en application de l’article 71 du statut).

[...] ».

21     Par note du 26 février 1999 (ci-après la « décision du 26 février 1999 »), la Commission a indiqué à la requérante que l’indemnité de dépaysement ne lui avait été octroyée que provisoirement et qu’il était ressorti d’une enquête supplémentaire que, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, elle avait habité et exercé son activité professionnelle principale en Belgique. La Commission lui a fait savoir qu’elle n’avait, dès lors, pas droit à cette indemnité et que les sommes versées à ce titre seraient retenues sur sa rémunération. En revanche, elle bénéficierait de l’indemnité d’expatriation avec effet au 1er septembre 1995.

22     Le 30 avril 1999, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 26 février 1999. Cette réclamation a fait l’objet d’une décision implicite de rejet le 30 août 1999.

23     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er décembre 1999, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 26 février 1999 (affaire T-344/99).

24     Par arrêt du 20 septembre 2001, Recalde Langarica/Commission (T-344/99, RecFP p. I-A-183 et II-833; ci-après l’ « arrêt du 20 septembre 2001 »), le Tribunal a annulé cette décision au motif que la Commission avait violé les droits de la défense de la requérante et l’article 26 du statut en omettant de verser à son dossier individuel une « note de dossier » datée du 6 août 1998 établissant qu’elle avait possédé, entre le 31 janvier 1992 et le 13 janvier 1995, une voiture immatriculée à son nom en Belgique ou, à tout le moins, de lui permettre de faire connaître utilement son point de vue au sujet du fait relaté dans cette pièce préalablement à l’adoption de la décision du 26 février 1999.

25     Le 21 novembre 2001, le directeur de la direction « droits et obligations ; politique et actions sociales » de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, M. Brüchert, a adressé à la requérante une note rédigée comme suit :

« En application de l’arrêt [du 20 septembre 2001], qui a prononcé l’annulation de la décision de la Commission du 26 février 1999, je vous informe que j’ai donné instruction au service compétent d’interrompre, en novembre 2001, les retenues qui étaient pratiquées sur votre traitement suite à ladite décision, au titre de la récupération de l’indemnité de dépaysement dont vous aviez bénéficié de septembre 1995 à juin 1999.

Les sommes qui ont été retenues sur votre rémunération entre août 1999 et octobre 2001 vous seront reversées intégralement en décembre 2001.

En outre, en exécution de l’arrêt susmentionné, l’indemnité de dépaysement vous sera octroyée avec effet rétroactif au mois de juillet 1999.

Par ailleurs, j’observe que l’annulation de la décision du 26 février 1999 par le Tribunal de première instance repose sur des motifs de pure procédure. À aucun moment le Tribunal n’a abordé le fond, c’est-à-dire la question de savoir si vous remplissez effectivement les conditions d’octroi de l’indemnité de dépaysement.

Dans ces conditions, et sans que puisse être remis en cause votre droit à l’indemnité de dépaysement depuis la date de votre entrée en service jusqu’à ce jour, il convient désormais de déterminer si, pour l’avenir, votre droit au bénéfice de ladite indemnité peut être maintenu. Une note séparée vous sera adressée par mes services à ce sujet. »

26     Le 4 décembre 2001, la requérante, assistée de son conseil, a eu un entretien avec M. Brüchert.

27     À la suite de cet entretien, Mme Tzirani, chef de l’unité « gestion des droits individuels » de la direction « droits et obligations ; politique et actions sociales » de la direction générale « Personnel et administration » de la Commission, a adressé, le 13 décembre 2001, une note à la requérante lui communiquant une série de pièces, dont des déclarations écrites de Mme B (une ancienne employée du bureau de Bruxelles d’Interbask) des 12 et 23 janvier 2001, et l’invitant à commenter ces pièces. Dans cette note, Mme Tzirani a également demandé à la requérante de répondre aux questions suivantes :

« 1)      Vous avez expliqué à l’audience [dans l’affaire T-344/99] que vous n’occupiez les résidences que vous aviez à Bruxelles pendant la période de votre travail auprès d’Interbask que pendant des séjours effectués à Bruxelles (missions), et que vous passiez l’essentiel de votre temps ailleurs. Veuillez préciser le nombre de semaines passées à Bruxelles pendant chacune des années 1991 à 1995. Veuillez tenir compte dans votre réponse de la déclaration de Mme B du 23 janvier 2001, précitée et préciser comment vous conciliez votre réponse avec ses affirmations, si elle en diverge ;

2)      Vous avez reconnu à l’audience l’exactitude des informations obtenues par l’administration concernant l’immatriculation de la voiture Renault Clio en Belgique à votre nom et que d’autres personnes étaient autorisées à utiliser la voiture pendant vos absences de Bruxelles. Veuillez préciser le coût d’achat de ce véhicule, et les frais fixes annuels qu’il vous obligeait à supporter (taxes de circulation, assurance, entretien). Veuillez préciser le kilométrage approximatif du véhicule lors de l’achat et lors de sa radiation du registre des immatriculations après accident.

3)      Vous avez expliqué à l’audience que vous supportiez le loyer de vos différentes résidences à Bruxelles, bien que vous n’y étiez effectivement présente que pendant moins de la moitié de l’année, et que d’autres personnes y avaient également résidé, tant lorsque vous étiez présente qu’en votre absence et que vous ne connaissiez pas toujours les personnes qui s’y trouvaient à différents moments. Veuillez préciser le montant du loyer de ces différentes résidences et le montant des autres frais (charges, assurances, etc.). Les personnes précitées, ou certaines d’entre elles, ont-elles participé à ces différents frais et, dans l’affirmative, dans quelle proportion ?

4)      Vous avez également expliqué à l’audience que le téléphone dans ces résidences était à votre nom. Si d’autres personnes occupaient la résidence pendant votre absence, étaient-elles autorisées à utiliser le téléphone et l’ont-elles fait ? Disposez-vous des notes de téléphone à Bruxelles pour la période 1991 à 1995 et seriez-vous d’accord pour les produire ?

5)      Veuillez commenter les déclarations de Mme B concernant la nature de ‘l’indemnité de résidence’ qui vous a été versée au titre du temps passé à Bruxelles et expliquer pourquoi cela prenait la forme d’un montant fixe alors qu’il résultait de vos déclarations à l’audience que le temps passé à Bruxelles variait d’un mois à l’autre. De même, veuillez fournir des précisions, à la lumière de cette pièce, concernant le remboursement/prise en charge des voyages entre Bruxelles et Vitoria, et tout élément de nature à étayer votre explication que ces voyages étaient dans le sens Vitoria-Bruxelles-Vitoria et non dans le sens Bruxelles-Vitoria-Bruxelles. Si les voyages étaient dans le sens Vitoria-Bruxelles-Vitoria, comment conciliez-vous ce fait avec le versement d’une prime intitulée ‘indemnité de résidence’, octroyée au titre de Bruxelles ?

6)      Veuillez expliquer les conditions dans lesquelles vous avez obtenu, le 16 juillet 1993, le renouvellement de votre passeport pour une durée de cinq ans par le consulat général d’Espagne à Bruxelles. »

28     Le 19 février 2002, la requérante a répondu à la note de Mme Tzirani du 13 décembre 2001.

29     Le 4 avril 2002, elle a fait parvenir à la Commission les déclarations écrites de deux dames de nationalité espagnole indiquant qu’elles avaient résidé (la première entre 1990 et 1992, et la seconde entre 1993 et 1995) dans les appartements que la requérante avait loués à Bruxelles, que ces appartements étaient également occupés par d’autres personnes et que la requérante ne les utilisait que durant ses séjours à Bruxelles. Elles indiquaient également que les occupants desdits appartements payaient les factures de téléphone au prorata de leur utilisation de celui-ci.

30     Le 19 juillet 2002, Mme Tzirani a communiqué à la requérante une copie d’une lettre qu’elle a envoyée le 21 juin 2002 à Mme B ainsi que de la lettre en réponse de celle-ci du 2 juillet 2002.

31     Le 28 août 2002, la requérante a adressé une note à Mme Tzirani dans laquelle elle se plaignait du fait que son dossier individuel n’était pas complet et commentait la lettre de Mme B du 2 juillet 2002. Elle joignait à sa note une lettre du 23 juillet 2002 du directeur des affaires européennes du gouvernement basque, M. R.

32     Par note du 13 septembre 2002, Mme Tzirani a indiqué à la requérante que « [s]es services [avaient] procédé à un réexamen circonstancié de [son] droit éventuel au versement de l’indemnité de dépaysement pour l’avenir, à la lumière des éléments pertinents de [son] dossier » et qu’il était apparu qu’elle ne remplissait pas les critères d’octroi de cette indemnité. En conséquence, le versement de celle-ci serait interrompu à compter du mois d’octobre 2002 et serait remplacé par le versement de l’indemnité d’expatriation. Dans cette note, Mme Tzirani indiquait également que « la suppression du versement de l’indemnité de dépaysement devrait normalement intervenir à compter de l’arrêt [du 20 septembre 2001], dont les effets ne sauraient valoir pour l’avenir » mais qu’elle avait décidé, à titre exceptionnel, de « ne procéder à aucune récupération rétroactive sur [ses] traitements, compte tenu de l’engagement pris par M. Brüchert dans sa note du 21 novembre 2001 et des délais qu’a nécessités l’instruction de ce dossier complexe ». Il sera fait référence ci-après à cette note du 13 septembre 2002 par la « décision du 13 septembre 2002 ».

33     Le 11 décembre 2002, la requérante a introduit une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 13 septembre 2002.

34     Le 8 mai 2003, l’AIPN a pris une décision explicite de rejet de cette réclamation (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’AIPN considérait que la requérante ne pouvait bénéficier ni de l’indemnité de dépaysement ni de l’indemnité d’installation.

 Procédure et conclusions des parties

35     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 août 2003, la requérante a introduit le présent recours.

36     La requérante a renoncé au dépôt d’un mémoire en réplique.

37     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites à la Commission. Celle-ci a répondu à ces questions dans les délais impartis.

38     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 30 novembre 2004.

39     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       condamner la Commission aux dépens.

40     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       condamner la partie requérante à ses propres dépens.

 En droit

 Observations liminaires

41     Le présent recours concerne principalement le refus du bénéfice de l’indemnité de dépaysement. À titre accessoire, la requérante conteste également le refus du bénéfice de l’indemnité d’installation et de l’indemnité journalière. Ce dernier aspect du recours sera examiné ci-après sous un titre séparé.

42     Au soutien de son recours, la requérante invoque deux moyens tirés, le premier, d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation.

43     Avant d’apprécier le bien-fondé de ces deux moyens, il convient d’examiner les considérations que la requérante fait valoir, dans le cadre du second moyen, sur la portée de l’arrêt du 20 septembre 2001 (voir point 84 ci-après).

44     D’une part, la requérante prétend qu’il ressort des éléments retenus par le Tribunal au point 67 de cet arrêt que la note de M. Kahn du 6 août 1996 constitue une décision lui reconnaissant à titre définitif le droit à l’indemnité de dépaysement.

45     Cette allégation est non fondée.

46     En effet, audit point 67, le Tribunal s’est contenté de relever que la Commission avait fait preuve d’un comportement équivoque, ce qui avait donné à la requérante l’impression que le droit à l’indemnité de dépaysement lui avait été définitivement reconnu par la note de M. Kahn du 6 août 1996. Le Tribunal, sans se prononcer sur la portée exacte de cette note, a constaté que celle-ci avait été rédigée en des termes particulièrement ambigus et qu’elle était intervenue dans un contexte qui pouvait laisser croire que, à la mi-1996, la Commission avait pris une décision définitive sur le droit de la requérante à bénéficier de l’indemnité de dépaysement.

47     D’autre part, la requérante critique le fait que, pour aboutir à la décision attaquée, la Commission, d’une part, ait procédé à une nouvelle appréciation des éléments de preuve dont elle disposait à la mi-1996, et qui ne justifiaient prétendument pas que lui soit refusé le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, et, d’autre part, ait tenu compte d’éléments nouveaux et qui ne seraient pas dignes de foi, à savoir les déclarations écrites de Mme B.

48     Cette critique ne saurait être retenue.

49     À cet égard, il convient de relever, tout d’abord, que, en vertu de l’article 231, premier alinéa, CE, l’arrêt du 20 septembre 2001 a rendu la décision du 26 février 1999 nulle et non avenue ex tunc.

50     Ensuite, il y a lieu de rappeler que, en cas d’annulation par le juge communautaire d’un acte d’une institution, il incombe à cette dernière, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures appropriées que comporte l’exécution de l’arrêt. Selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99, Rec. p. I-6031, points 19 et 20 ; et arrêt du Tribunal du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I-A-337 et II-1657, point 56).

51     Il doit être ajouté qu’il est de jurisprudence constante que l’article 233 CE impose à l’institution concernée d’éviter que tout acte destiné à remplacer l’acte annulé soit entaché des mêmes irrégularités que celles identifiées dans l’arrêt d’annulation (arrêts de la Cour du 26 avril 1988, Asteris/Commission, 215/86, Rec. p. 2181, point 28, et du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, Rec. p. I-5363, point 56).

52     En l’espèce, la décision du 26 février 1999 a été annulée par l’arrêt du 20 septembre 2001 au motif que la Commission avait violé les droits de la défense de la requérante et l’article 26 du statut en omettant de verser à son dossier individuel la « note de dossier » du 6 août 1998 ou, à tout le moins, de lui permettre de faire connaître utilement son point de vue au sujet du fait relaté dans cette pièce préalablement à l’adoption de ladite décision.

53     Il appartenait donc à la Commission, à la suite de cet arrêt, de prendre une nouvelle décision sur le droit de la requérante à l’indemnité de dépaysement en veillant, au préalable, à communiquer à cette dernière tous les éléments sur lesquels elle entendait fonder cette décision ainsi qu’à verser ces éléments au dossier individuel de la requérante.

54     En vue d’aboutir à cette nouvelle décision, la Commission était parfaitement en droit, contrairement à ce que prétend la requérante, de réexaminer les éléments du dossier et de reprendre son enquête, le cas échéant, en recueillant de nouveaux éléments.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et de l’article 26 du statut

 Arguments des parties

55     La requérante prétend que la Commission a méconnu ses droits de la défense et l’article 26 du statut en ce que son dossier individuel est incomplet. Elle rappelle que, selon la jurisprudence, des décisions prises par l’AIPN et affectant la situation administrative et la carrière du fonctionnaire concerné ne peuvent être fondées sur des faits concernant son comportement, non versés à son dossier individuel et non communiqués à l’intéressé (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C-294/95 P, Rec. p. I-5863, point 57).

56     En premier lieu, la requérante fait valoir que certaines pièces ayant eu une incidence décisive sur la décision attaquée ne figurent pas dans ce dossier ni ne lui ont été présentées.

57     À cet égard, elle se réfère, premièrement, aux lettres que la Commission a envoyées à Mme B « avant janvier 2001 » en vue de recueillir son témoignage. Par ailleurs, elle critique le fait que les déclarations écrites de Mme B des 12 et 23 janvier 2001 ne portent pas de cachet d’entrée dans les services de la Commission.

58     Deuxièmement, la requérante prétend que son dossier individuel ne contient pas une « note de dossier » reprenant les déclarations de l’ancien directeur et d’un ancien employé du bureau d’Interbask à Bruxelles, MM. U et M., auxquelles la Commission a fait référence dans son mémoire en défense dans l’affaire T-344/99 « à titre de preuve irréfutable du séjour de [la requérante] à Bruxelles ». Cette omission serait d’autant plus critiquable que MM. U. et M. ont ultérieurement réfuté leurs déclarations.

59     En second lieu, la requérante avance que son dossier individuel ne contient pas certaines pièces qui démontrent le bien-fondé de ses allégations. Elle se réfère, plus particulièrement, à l’attestation du ministère belge des Communications et de l’Infrastructure (Direction Immatriculation véhicules) du 9 janvier 2001 relative à la voiture qu’elle avait fait immatriculer à son nom en Belgique, à une lettre envoyée à une date non précisée par le gouvernement basque à la Commission en réponse à une demande de renseignements de celle-ci du 4 août 1998 et à une lettre envoyée à une date non précisée par la délégation du gouvernement basque à Bruxelles à la Commission en réponse à une lettre de celle-ci.

60     La Commission conteste avoir méconnu les droits de la défense de la requérante et l’article 26 du statut.

61     En premier lieu, elle explique que les demandes de renseignements adressées à Mme B avant janvier 2001 ont été faites par téléphone et qu’il s’agit d’actes préparatoires qui, par leur nature, ne sauraient avoir eu une incidence décisive sur la décision attaquée.

62     En ce qui concerne les déclarations de MM. M et U, la Commission indique que la décision attaquée n’y fait pas référence.

63     En second lieu, la Commission fait remarquer que l’attestation du ministère belge des Communications et de l’Infrastructure du 9 janvier 2001 a été fournie par la requérante elle-même et que celle-ci a présenté des observations sur ce document dans sa note du 19 février 2002.

64     Pour le surplus, la Commission affirme que « toutes les informations fournies par Interbask dont elle dispose ont été portées à la connaissance de [la requérante] par la note du 13 décembre 2001 ».

 Appréciation du Tribunal

65     Il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental de droit communautaire (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Commission/Lisrestal e.a., C‑32/95 P, Rec. p. I-5373, point 21). Ce principe exige que les destinataires de décisions, qui affectent de manière sensible leurs intérêts, soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt Commission/Lisrestal e.a., précité, point 21).

66     L’article 26 du statut énonce que le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir « a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement » et « b) les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces ». Ce même article édicte également que « l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement ».

67     Selon une jurisprudence constante, l’article 26 du statut a pour but d’assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel (arrêts de la Cour du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 11; du 12 février 1987, Bonino/Commission, 233/85, Rec. p. 739, point 11, et du 7 octobre 1987, Strack/Commission, 140/86, Rec. p. 3939, point 7).

68     Il convient d’ajouter que la violation de l’article 26 du statut n’entraîne l’annulation d’un acte que s’il est établi que les pièces en cause ont pu avoir une incidence décisive sur la décision litigieuse (arrêt Ojha/Commission, précité, point 67). À cet égard, le seul fait que des pièces n’aient pas été versées au dossier individuel n’est pas de nature à justifier l’annulation d’une décision qui fait grief si elles ont été effectivement portées à la connaissance de l’intéressé (arrêt Ojha/Commission, précité, point 68).

69     C’est au vu de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le bien-fondé du premier moyen.

70     Dans le cadre de ce moyen, la requérante fait grief à la Commission de ne pas avoir versé à son dossier individuel quatre types de documents.

71     En premier lieu, elle se réfère aux lettres que la Commission aurait envoyées « avant janvier 2001 » à Mme B en vue d’obtenir des renseignements sur l’emploi de la requérante auprès d’Interbask.

72     À ce propos, il suffit de relever que les demandes de renseignements en question ont été faites par la Commission non par écrit, mais par téléphone. En tout état de cause, ce qui importe au regard du respect des droits de la défense, c’est que, préalablement à l’adoption de la décision attaquée, les informations transmises par Mme B en réponse auxdites demandes de renseignements aient été communiquées à la requérante et que celle-ci ait eu la possibilité de formuler des observations sur ces informations. Or, il ressort du dossier – et il est constant entre les parties – que tel a bien été le cas en l’espèce.

73     Le fait que les déclarations écrites de Mme B des 12 et 23 janvier 2001 ne portent pas de cachet d’entrée dans les services de la Commission est dénué de toute pertinence. En effet, cette circonstance ne saurait avoir pour conséquence de rendre le témoignage de Mme B invalide ni d’entraîner une violation des droits de la défense de la requérante.

74     En deuxième lieu, la requérante invoque le fait que la Commission n’ait pas versé à son dossier individuel une « note de dossier » reprenant certaines déclarations faites par MM. U et M dans le cadre de l’affaire T-344/99.

75     En réponse à ce grief, il suffit de constater que lesdites déclarations – défavorables à la thèse de la requérante – n’ont nullement été utilisées par la Commission en vue de fonder la décision attaquée.

76     En troisième lieu, la requérante invoque l’absence, dans son dossier individuel, de l’attestation du 9 janvier 2001 du ministère belge des Communications et de l’Infrastructure.

77     Cette absence ne saurait constituer une violation des droits de la défense de la requérante. C’est, en effet, cette dernière qui, par note du 19 février 2002 à Mme Tzirani, a fourni cette attestation à la Commission en formulant des observations à son sujet. Par ailleurs, il ressort du dossier que cette note a été dûment prise en considération par la Commission.

78     Il convient de relever, au surplus, que l’élément dont il est fait état dans ladite attestation, à savoir la possibilité, à l’époque des faits, pour une personne physique de faire immatriculer une voiture en Belgique sans être inscrite au registre national ne saurait avoir eu une incidence décisive sur la décision attaquée. La question qui se posait en l’espèce n’était, en effet, pas de savoir si la requérante était officiellement inscrite en Belgique, mais de savoir si, dans les faits, elle avait sa résidence habituelle dans ce pays.

79     En quatrième lieu, la requérante se réfère à une lettre envoyée à une date non précisée par le gouvernement basque à la Commission en réponse à la demande de renseignements de celle-ci du 4 août 1998 et à une lettre envoyée à une date non précisée par la délégation du gouvernement basque à Bruxelles à la Commission en réponse à une lettre – non autrement identifiée – de celle-ci.

80     À cet égard, il convient de constater que la Commission a indiqué, notamment en réponse à une question écrite du Tribunal, que sa demande du 4 août 1998 n’avait fait l’objet d’aucune réponse de la part des autorités basques et qu’elle n’avait pas reçu la lettre de la délégation du gouvernement basque à laquelle la requérante fait référence. Or, cette dernière n’a pas fourni le moindre élément de nature à mettre en doute ces affirmations.

81     Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

82     Le second moyen se décompose en trois branches. Sous une première branche, la requérante prétend que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination du lieu de sa résidence habituelle et de son activité professionnelle principale durant la période de référence prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut (ci-après la « période de référence »). Sous une deuxième branche, elle fait valoir que, en tout état de cause, elle n’a pas, de façon habituelle, habité ou exercé son activité professionnelle principale en Belgique pendant toute la période de référence. Sous une troisième branche, elle soutient que la Commission a procédé à une interprétation manifestement erronée de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

 Sur la détermination du lieu de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale de la requérante

–       Arguments des parties

83     À titre principal, la requérante soutient que la Commission a erronément considéré que le lieu où elle avait, de façon habituelle, résidé et exercé son activité professionnelle principale pendant la période de référence était Bruxelles.

84     En premier lieu, elle fait valoir une série de considérations sur l’arrêt du 20 septembre 2001. Elle avance qu’il ressort des éléments retenus par le Tribunal au point 67 de cet arrêt que la note de M. Kahn du 6 août 1996 constitue une décision lui reconnaissant à titre définitif le droit à l’indemnité de dépaysement. Elle prétend que les éléments de preuve dont disposait la Commission à la mi-1996 ne justifiaient pas que lui soit refusé le bénéfice de cette indemnité. Elle critique le fait que la décision attaquée se fonde néanmoins sur une nouvelle appréciation de ces mêmes éléments de preuve ainsi que sur des éléments dont le Tribunal n’aurait pas tenu compte dans son arrêt du 20 septembre 2001 et qui ne seraient pas dignes de foi, à savoir les déclarations de Mme B.

85     En deuxième lieu, la requérante prétend que les éléments de preuve dont dispose la Commission ne permettent pas de conclure qu’elle avait sa résidence habituelle à Bruxelles pendant la période de référence.

86     Premièrement, elle fait valoir que les appartements qu’elle avait loués à Bruxelles étaient également occupés par des étudiants et des stagiaires et qu’ils lui servaient de « résidence secondaire ou [de] pied à terre […], utilisé de manière occasionnelle et non exclusive ». Elle renvoie, à cet égard, aux déclarations écrites des deux dames de nationalité espagnole qu’elle avait fait parvenir à la Commission le 4 avril 2002 (voir point 29 ci-dessus). Elle rappelle qu’elle a indiqué à la Commission qu’elle ne disposait plus des factures de téléphone, d’eau, de gaz et d’électricité relatives à ces appartements. Le montant de ces factures « [aurait été] réparti entre les différents occupants de l’appartement, en fonction de la période passée dans [celui-ci] » et, s’agissant du téléphone, de son utilisation par lesdits occupants.

87     Deuxièmement, la requérante prétend que le fait que le consulat général d’Espagne à Bruxelles ait, le 16 juillet 1993, renouvelé son passeport pour une période de cinq ans ne démontre pas qu’elle résidait dans cette ville. La Commission aurait d’ailleurs renoncé à invoquer cet élément.

88     Troisièmement, la requérante indique qu’il lui est impossible de préciser le nombre de semaines qu’elle passait à Bruxelles pendant chacune des années de la période 1991 à 1995 « puisque tout dépendait des questions débattues au niveau communautaire et qui présentaient de l’intérêt pour l’autorité basque ». Elle relève qu’Interbask avait déjà indiqué à la Commission, par lettre du 14 juin 1996, qu’ « il était impossible de calculer le nombre de voyages entre Vitoria et Bruxelles pour déterminer le nombre de missions, car ces données ne figuraient sur aucun site » et que « compte tenu de la nature du poste occupé par [la requérante], celle-ci devait séjourner pendant certaines périodes dans les villes où elle devait exécuter les missions dont elle était chargée, sans qu’il en résulte une modification de son lieu de travail, soit Vitoria ». Ces informations auraient été confirmées par M. R.

89     Quatrièmement, s’agissant de la voiture immatriculée à son nom en Belgique et qu’elle avait possédée jusqu’au 13 janvier 1995, la requérante expose qu’elle n’est pas en mesure d’en communiquer le prix d’achat, les frais fixes annuels liés à son utilisation ou le nombre de kilomètres parcourus entre son acquisition et cette dernière date, eu égard au nombre d’années écoulées.

90     Elle indique qu’il s’agissait d’un « véhicule utilitaire destiné à son usage pendant ses séjours à Bruxelles » et utilisé, en son absence, par les personnes qui partageaient son appartement, les frais étant répartis entre celles-ci. Elle fait remarquer que la plaque d’immatriculation de cette voiture a été radiée en janvier 1995 à la suite d’un accident entraînant un sinistre total et provoqué par l’une de ces personnes. Par ailleurs, elle considère qu’il ne saurait lui être reproché d’avoir dissimulé l’existence de ce véhicule puisque celui « avait déjà été radié » à l’époque de son entrée en fonctions à la Commission.

91     En troisième lieu, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle elle exerçait son activité professionnelle principale à Bruxelles et non à Vitoria.

92     Premièrement, elle relève que, pour aboutir à cette conclusion, la Commission se fonde, d’une part, sur les déclarations écrites de Mme B des 12 et 23 janvier 2001 et 2 juillet 2002 et, d’autre part, sur un organigramme du 2 juin 1993 d’Interbask. Elle conteste la valeur probante des déclarations de Mme B, « étant donné [l’] animosité et [l’] inimitié » de celle-ci à son égard. En outre, le témoignage de cette dame ne serait pas digne de foi, au vu des « erreurs graves » qu’il contient, à savoir « deux erreurs au sujet de la date de départ de la relation de travail avec Interbask ; deux erreurs en ce qui concerne les organismes financiers et une erreur relative au montant des compléments de salaire ». Enfin, elle critique le fait que la Commission accorde prétendument plus d’importance aux déclarations de Mme B qu’à celles d’Interbask et de M. R, faisant notamment remarquer que Mme B n’exerçait auprès de cette société que des fonctions de secrétariat et de soutien et qu’elle ne pouvait donc être assimilée à un dirigeant de la délégation.

93     Deuxièmement, la requérante conteste le fait que les compléments de salaire qui lui étaient versés lorsqu’elle travaillait pour Interbask étaient destinés à compenser l’écart du coût de la vie entre Vitoria et Bruxelles. Elle indique que, dans sa lettre du 15 avril 1996, elle a déjà donné tous les éléments d’information au sujet de ces compléments (« complément de poste » et « complément journalier ») et des modalités de remboursement de ses frais de voyage. Elle ajoute que, par lettre du 14 mars 1996, Interbask a communiqué à la Commission, en réponse à une demande de celle-ci du 6 mars 1996, une copie de ses contrats de travail et a fourni des précisions sur lesdits compléments. Par lettre du 24 juin 1996, Interbask aurait indiqué à la Commission, en réponse à une lettre de celle-ci du 14 mai 1996, qu’elle était en liquidation judiciaire et qu’elle ne pouvait donc lui communiquer des éléments d’information supplémentaires. Cette société aurait notamment confirmé à la Commission que les frais de voyage et de séjour à l’étranger de la requérante lui étaient remboursés sur présentation des justificatifs et que cette dernière, compte tenu de la nature du poste qu’elle occupait, devait « rester pendant certaines périodes dans les villes où elle était tenue d’exécuter les missions dont elle était chargée, sans que ces séjours aient comme conséquence une modification de son lieu de travail qui, ainsi qu’il était attesté dans les contrats de travail, était Vitoria ».

94     Troisièmement, la requérante considère que la Commission ne saurait tirer argument de l’organigramme du 2 juin 1993 d’Interbask. En effet, ce document n’aurait aucun caractère officiel, ainsi qu’indiqué par le gouvernement basque en avril 2001 et ainsi que reconnu par Mme B dans sa lettre du 2 juillet 2002, et n’aurait concerné que le mois de juillet 1993, un moment où la requérante pouvait très bien avoir effectué un séjour sporadique à Bruxelles.

95     La Commission soutient que la requérante avait sa résidence habituelle et son activité professionnelle principale à Bruxelles pendant la période de référence.

96     En premier lieu, elle fait valoir que, dans l’arrêt du 20 septembre 2001, le Tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond de l’affaire et qu’elle était donc autorisée à prendre une nouvelle décision sur le droit de la requérante à l’indemnité de dépaysement. Elle précise que la décision attaquée se fonde sur une « analyse globale de divers éléments de preuve », dont certains coïncident avec les éléments dont elle avait tenu compte aux fins de l’adoption de la décision du 26 février 1999 et d’autres en diffèrent.

97     La Commission ajoute que, au point 67 de l’arrêt du 20 septembre 2001, le Tribunal n’a nullement constaté que, par sa note du 6 août 1996, M. Kahn avait reconnu à titre définitif à la requérante le droit de percevoir cette indemnité. Les motifs contenus aux points 65 et 66 du même arrêt et la violation de l’article 26 du statut qui y est constatée auraient à eux seuls justifié l’annulation de la décision du 26 février 1999.

98     En deuxième lieu, la Commission rappelle les éléments sur lesquels elle s’est fondée pour conclure que la requérante avait sa résidence habituelle à Bruxelles pendant la période de référence.

99     Premièrement, elle considère que l’explication de la requérante selon laquelle les appartements qu’elle louait à Bruxelles ne constituaient que des résidences secondaires, utilisées « de manière occasionnelle et non exclusive » n’est pas convaincante. Elle relève notamment que, lors de l’audience dans l’affaire T‑344/99, la requérante a affirmé qu’elle ne connaissait pas toujours les personnes qui occupaient ces appartements. Elle s’étonne que la requérante ait néanmoins accepté d’assumer la responsabilité principale du paiement des factures de téléphone, d’eau, de gaz et d’électricité.

100   S’agissant des déclarations écrites des deux dames de nationalité espagnole (voir points 29 et 86 ci-dessus), la Commission estime qu’elles n’infirment pas sa conclusion. Ces dames se borneraient, en effet, à indiquer que la requérante « n’occupait pas l’appartement en permanence, étant donné qu’elle ne l’utilisait que durant ses séjours à Bruxelles », sans donner de précisions sur la durée et la fréquence de ces séjours.

101   Par ailleurs, la Commission relève que toutes les lettres qu’elle a envoyées à la requérante durant la procédure de sélection du concours général COM/A/674 l’ont été, à la demande expresse de cette dernière, à son appartement sis au 230 avenue Molière à Bruxelles. Or, un candidat à un concours général aurait tout intérêt à recevoir le courrier relatif à celui-ci dans les plus brefs délais, et donc à l’endroit où il passe la majeure partie de son temps, afin de pouvoir réagir rapidement en cas de besoin.

102   Enfin, la Commission fait observer que la requérante ne lui a jamais demandé, dans le cadre de cette procédure de sélection, le remboursement des frais de voyage de Vitoria à Bruxelles, auquel elle aurait eu droit si sa résidence effective avait réellement été à Vitoria.

103   Deuxièmement, la Commission indique qu’elle n’a pas tenu compte, dans la décision attaquée, de la question du renouvellement du passeport de la requérante.

104   Troisièmement, elle s’étonne que la requérante ne puisse indiquer le nombre de semaines qu’elle passait chaque année à Bruxelles pendant la période 1991 à 1995.

105   Quatrièmement, la Commission relève que, durant la majeure partie de la période de référence, la requérante a disposé d’une voiture immatriculée à son nom en Belgique. Elle avance que cette dernière était consciente du fait que la possession d’une voiture était un élément pertinent aux fins de l’établissement du droit à l’indemnité de dépaysement puisque, par note du 5 octobre 1995 à M. Rijssenbeek, elle avait communiqué une copie du certificat d’immatriculation d’une voiture qu’elle utilisait en Espagne pour tenter de démontrer que sa résidence principale se situait dans ce pays. Par ailleurs, la Commission s’étonne que la requérante autorisait d’autres personnes à utiliser en son absence la voiture qu’elle possédait à Bruxelles alors qu’elle en assumait les frais d’assurance.

106   En troisième lieu, la Commission soutient qu’il ressort de l’ensemble des éléments de preuve dont elle dispose que le lieu où la requérante exerçait son activité professionnelle principale durant la période de référence était Bruxelles et non Vitoria.

107   Elle invoque, outre les éléments de preuve mentionnés ci-dessus et relatifs au lieu de résidence habituelle de la requérante, les trois éléments suivants : le fait que les contrats de travail conclus entre Interbask et la requérante prévoyaient le versement, à cette dernière, de primes destinées à compenser le coût plus élevé de la vie à Bruxelles, le fait qu’Interbask versait à la requérante le prix de deux voyages par an de Bruxelles vers son lieu d’origine en Espagne et le fait que, dans un organigramme daté du 2 juin 1993 d’Interbask, le nom de la requérante était rattaché au bureau de Bruxelles.

108   La Commission avance que, dans ses déclarations écrites du 23 janvier 2001 et du 2 juillet 2002, Mme B a indiqué qu’une prime mensuelle d’un montant de 50 000 francs belges (BEF) et destinée à compenser la « cherté de la vie à Bruxelles » était versée à l’ensemble du personnel affecté à Bruxelles, dont la requérante. En réponse à une des questions écrites du Tribunal, la Commission a expliqué que ladite prime – dont le montant a varié dans le temps avant d’être porté à 50 000 BEF – était de même nature que les deux primes prévues dans le contrat conclu entre la requérante et Interbask le 1er octobre 1990 [à savoir une prime correspondant à 20 % du salaire mensuel et une indemnité forfaitaire d’un montant de 44 000 pesetas espagnoles (ESP)]. Dans un premier temps, la requérante aurait perçu ces deux primes. Dans un second temps, ces primes ne lui auraient plus été versées, mais elle aurait bénéficié, séparément de son salaire, de la prime mensuelle précitée de 50 000 BEF. La Commission a également précisé que ces différentes primes devaient être distinguées des primes dénommées « complément de poste » et « complément journalier ».

109   Dans ses déclarations écrites, Mme B aurait également confirmé que la requérante, même si elle se déplaçait occasionnellement à Vitoria dans le cadre de ses fonctions, travaillait en permanence à Bruxelles.

110   La Commission rejette le bien-fondé des arguments invoqués par la requérante pour mettre en doute la valeur probante de ces déclarations. Tout d’abord, elle estime que « [l’] animosité et [l’] inimitié » dont Mme B aurait fait preuve à l’égard de la requérante serait difficile à comprendre s’il était exact que cette dernière ne se déplaçait qu’occasionnellement à Bruxelles. Ensuite, elle fait valoir que les imprécisions relatives aux chiffres, dates et noms de banque contenues dans lesdites déclarations ne diminuent pas la valeur de celles-ci, « en particulier quant au fond ». Elle considère que « le fait que [Mme B] exerçait des fonctions de secrétariat et d’appui chez Interbask ne l’empêche pas de témoigner de situations dont elle a été le témoin direct ». S’agissant des déclarations écrites de M. R du 11 avril 2001 et du 23 juillet 2002, la Commission estime qu’elles ne sauraient invalider le témoignage de Mme B puisque, à la différence de cette dernière, celui-ci ne travaillait pas directement avec la requérante au moment des faits en cause. Elle fait observer, en outre, que « dans d’autres affaires similaires, les certificats de M. [R] ont été discrédités par des preuves objectives qui contredisaient les déclarations de ce dernier ».

111   La Commission fait remarquer que le 14 mai 1996, lorsqu’elle a demandé des renseignements complémentaires à Interbask sur les frais de déplacement de la requérante et sur les primes qui lui étaient attribuées, cette société a prétendu qu’elle n’était pas en mesure de les fournir au motif qu’elle se trouvait en liquidation.

112   Enfin, la Commission considère que le fait que la requérante soit mentionnée, dans l’organigramme du 2 juin 1993 d’Interbask, comme faisant partie du personnel du bureau de Bruxelles de cette société constitue un nouvel indice pertinent, et ce malgré le caractère provisoire et officieux de ce document.

–       Appréciation du Tribunal

113   Il est de jurisprudence constante que l’octroi de l’indemnité de dépaysement, prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, a pour objet de compenser les charges et désavantages particuliers résultant de la prise de fonctions auprès des Communautés, pour les fonctionnaires qui sont, de ce fait, obligés de changer de résidence du pays de leur domicile au pays d’affectation. Si ladite disposition se fonde, pour déterminer les cas de dépaysement, sur les notions de résidence habituelle et d’activité professionnelle principale du fonctionnaire sur le territoire de l’État du lieu d’affectation pendant une certaine période de référence, c’est en vue d’établir des critères simples et objectifs pour appréhender la situation des fonctionnaires qui sont obligés, du fait de leur prise de fonctions auprès des Communautés, de changer de résidence et de s’intégrer dans leur nouveau milieu (arrêt de la Cour du 31 mai 1988, Nuñez/Commission, 211/87, Rec. p. 2791, point 10; et arrêts du Tribunal du 13 avril 2000, Reichert/Parlement, T-18/98, RecFP p. I-A-73 et II-309, point 25, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T-60/00, RecFP p. I-A-107 et II-489, point 52).

114   La notion de résidence habituelle doit s’entendre comme le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Aux fins de la détermination de la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et, notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C452/93 P, Rec. p. I-4295, point 22, arrêt du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T-63/91, Rec. p. II-2095, point 17, et arrêt Liaskou/Conseil, précité, point 53).

115   En l’espèce, il est constant que la requérante est entrée en fonctions à la Commission le 1er septembre 1995 et que, par conséquent, la période de référence se situe entre le 1er mars 1990 et le 1er mars 1995.

116   Or, pris dans leur ensemble, les différents éléments de preuve et indices invoqués par la Commission sont de nature à corroborer sa thèse selon laquelle la requérante a, de façon habituelle, résidé et exercé son activité principale à Bruxelles pendant cette période.

117   Ainsi, il convient de relever, en premier lieu, que la requérante a successivement loué quatre appartements à Bruxelles à partir de son arrivée dans cette ville en octobre 1988, dont deux pendant la période de référence, et que, dans chacun de ces appartements, elle disposait d’une ligne téléphonique à son nom.

118   L’allégation de la requérante selon laquelle elle n’utilisait qu’occasionnellement, lors de missions ponctuelles à Bruxelles pour le compte d’Interbask, les deux appartements qu’elle louait durant la période de référence n’est étayée par aucun élément de preuve convaincant.

119   À cet égard, il y a lieu de souligner, tout d’abord, que la requérante, alors même que Mme Tzirani l’avait expressément invitée à le faire dans sa note du 13 décembre 2001 (voir point 27 ci-dessus), n’a, à aucun moment, précisé le nombre de semaines qu’elle passait chaque année à Bruxelles pendant la période de référence. L’explication qu’elle fournit dans sa requête et selon laquelle « tout dépendait des questions débattues au niveau communautaire et qui présentaient de l’intérêt pour l’autorité basque » n’est nullement convaincante. Bien au contraire, de telles questions, et les dates auxquelles elles ont été discutées, sont, par principe, aisément identifiables. Ainsi que le relève à juste titre la Commission dans la décision attaquée, la requérante aurait pu, en faisant simplement appel à sa mémoire, donner des informations plus précises.

120   Ensuite, il doit être rappelé que, invitée par M. Rijssenbeek, par note du 17 juin 1996, à lui communiquer copie des contrats de bail et des factures de téléphone, d’eau, de gaz et d’électricité relatifs aux deux appartements qu’elle avait successivement loués pendant la période de référence, la requérante s’est contentée d’indiquer, d’une part, qu’elle ne disposait plus de ces factures ni du contrat de bail relatif au premier de ces appartements et, d’autre part, qu’aucun contrat de bail n’avait été conclu pour le second de ces appartements.

121   Par ailleurs, lors de l’audience dans l’affaire T-344/99, la requérante a déclaré que diverses autres personnes, et plus particulièrement des stagiaires et des étudiants, occupaient également lesdits appartements et qu’il y avait de nombreuses « allées et venues » dans ceux-ci. Dans sa note du 13 décembre 2001 (voir point 27 ci-dessus), Mme Tzirani, se référant à ces déclarations, a invité la requérante à préciser si ces personnes, ou certaines d’entre elles, participaient au loyer et aux charges locatives des appartements et, le cas échéant, dans quelle proportion. Force est de constater que la requérante n’a, de nouveau, pas fourni les précisions demandées. Dans sa requête, elle se limite à indiquer, sans autre explication, que le montant des factures d’électricité, de gaz et d’eau était réparti entre les différents occupants « en fonction de la période passée dans [l’] appartement ». De même, s’agissant des frais de téléphone, elle se borne à affirmer de manière générale que « [ceux-ci] étaient payés proportionnellement en fonction de [l’] utilisation [du téléphone] par les différentes personnes qui occupaient l’appartement » et qu’il n’y a jamais eu aucun « accord écrit de répartition des frais, puisque cette répartition était fondée sur la confiance réciproque entre personnes qui partageaient l’appartement ».

122   Enfin, en ce qui concerne les déclarations écrites des deux dames de nationalité espagnole que la requérante a transmises à la Commission le 4 avril 2002 (voir point 29 ci-dessus), celles-ci ne sont pas concluantes. En effet, si ces dames confirment que les deux appartements en question étaient également occupés par d’autres personnes que la requérante et que celle-ci ne les utilisait que durant ses séjours à Bruxelles, elles ne donnent toutefois pas la moindre indication sur la durée et la fréquence de ces séjours.

123   Il convient d’ajouter que l’allégation de la requérante selon laquelle elle n’utilisait lesdits appartements qu’occasionnellement, outre qu’elle n’est pas suffisamment prouvée, n’est guère crédible. En effet, il est surprenant, non seulement, que la requérante ait jugé utile de louer successivement deux appartements à Bruxelles pendant la période de référence et d’avoir dans ceux-ci un téléphone à son nom alors qu’elle n’était prétendument présente dans cette ville que dans le cadre de missions ponctuelles, mais également, qu’elle ait accepté d’assumer la responsabilité principale du paiement du loyer, des charges locatives et des factures de téléphone alors que, selon ses propres dires, de nombreuses personnes, dont elle ne connaissait pas nécessairement l’identité, ont occupé ces appartements.

124   En deuxième lieu, il ressort du dossier – et il est constant entre les parties – que la requérante a possédé, entre le 31 janvier 1991 et le 13 janvier 1995 (soit pendant la majeure partie de la période de référence), une voiture immatriculée et assurée à son nom en Belgique. Du 31 janvier 1991 au 31 janvier 1992, cette voiture a porté une plaque provisoire, dite de « transit ». Elle a ensuite porté une plaque d’immatriculation définitive.

125   À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la requérante n’a jamais transmis à la Commission les informations concernant ce véhicule qui lui avaient été demandées par Mme Tzirani dans sa note du 13 décembre 2001 (voir point 27 ci-dessus), et notamment le « kilométrage approximatif  du véhicule lors de l’achat et lors de sa radiation du registre des immatriculations après accident ». Encore une fois, elle s’est bornée à faire valoir, sans même donner une quelconque estimation, qu’elle ne disposait plus de ces informations.

126   Ensuite, si la requérante n’était réellement présente à Bruxelles que dans le cadre de missions ponctuelles pour son employeur, il est difficile de comprendre pourquoi elle a éprouvé le besoin de posséder un véhicule dans cette ville pendant plusieurs années. Ce besoin est d’autant plus difficile à comprendre que ce véhicule était, selon les dires de la requérante, principalement utilisé, non par elle-même, mais par les nombreuses personnes qui se seraient succédées dans ses appartements.

127   En troisième lieu, l’ensemble de la correspondance de la Commission relative au concours général auquel la requérante a participé a, à la suite d’une demande expresse formulée par la requérante en décembre 1993, été envoyée à son adresse de l’époque à Bruxelles, à savoir au 230 avenue Molière. C’est également dans cette ville qu’elle a passé toutes les épreuves de ce concours, au cours des années 1993 et 1994. Dans le même contexte, il convient de relever qu’il est constant entre les parties que la requérante n’a jamais demandé le remboursement des frais de déplacement engendrés par sa participation à ce concours général, remboursement auquel elle aurait pourtant eu droit si sa résidence effective avait réellement été à Vitoria.

128   En quatrième lieu, il résulte clairement des déclarations écrites faites par Mme B les 12 et 23 janvier 2001 et 2 juillet 2002 que la requérante, lorsqu’elle était employée par Interbask, exerçait ses fonctions à Bruxelles.

129   L’allégation de la requérante selon laquelle ces déclarations étaient dictées par une volonté de nuire de la part de Mme B, qui la tenait pour responsable de sa mise à la retraite anticipée n’est que pure spéculation et ne saurait donc être acceptée.

130   Par ailleurs, le fait que lesdites déclarations contiennent certaines inexactitudes ne diminue en rien leur valeur probante, ces inexactitudes ne concernant que des points secondaires tels que des montants, des dates et des noms de banques.

131   Quant au fait que Mme B n’exerçait pas des fonctions de direction, mais principalement de secrétariat, au sein du bureau d’Interbask à Bruxelles, il est dépourvu de toute pertinence. Ainsi que le souligne à juste titre la Commission, cela ne saurait empêcher Mme B de faire état de faits dont elle était le témoin direct. Bien au contraire, la Commission était fondée à accorder tout particulièrement crédit aux déclarations de Mme B, laquelle, à la différence de M. R, faisait partie, à l’époque, du personnel d’Interbask à Bruxelles et était notamment responsable des questions administratives et de trésorerie.

132   Enfin, s’il est vrai que, dans sa lettre du 14 juin 1996, Interbask prétend que la requérante travaillait à Vitoria, il doit être relevé toutefois que les autorités basques n’ont jamais répondu aux lettres de la Commission des 30 juin et 4 août 1998 dans lesquelles celle-ci leur indiquait que, « selon des renseignements récemment recueillis », il apparaissait que la requérante exerçait en réalité ses fonctions à Bruxelles et leur demandait de préciser le « lieu de travail effectif de [cette dernière] pendant la durée de ses contrats de travail avec Interbask entre avril 1990 et août 1995 ».

133   En cinquième lieu, dans ses déclarations écrites des 23 janvier 2001 et 2 juillet 2002, Mme B indique également que la requérante, à l’instar des autres membres du personnel d’Interbask affecté à Bruxelles, se voyait attribuer par cette société des primes destinées à compenser la différence du coût de la vie entre Vitoria et Bruxelles. Il ressort de ces déclarations, et des explications données par la Commission dans son mémoire en défense ainsi que dans ses réponses aux questions écrites posées par le Tribunal, que, dans un premier temps, la requérante a bénéficié de la prime correspondant à 20 % de son salaire mensuel et de l’indemnité forfaitaire d’un montant de 44 000 ESP prévues dans le contrat du 1er octobre 1990 avec Interbask et qui, selon les termes mêmes de ce contrat, étaient octroyées « à titre compensatoire, du fait respectivement de la différence de niveau de vie et du coût du logement ». Dans un second temps, ces primes n’ont plus été prévues dans les contrats d’emploi ultérieurement conclus entre la requérante et Interbask, mais ont été remplacées par une prime unique d’un montant forfaitaire – qui a varié dans le temps avant d’être porté à 50 000 BEF – versée séparément du salaire et visant, elle aussi, à compenser le coût plus élevé de la vie à Bruxelles.

134   Force est de constater que la requérante n’a apporté aucun élément convaincant de nature à infirmer ces constatations.

135   D’une part, elle n’a, ni dans ses notes des 19 février et 28 août 2002, ni dans sa réclamation du 11 décembre 2002, ni dans sa requête, véritablement contesté avoir bénéficié des primes précitées. Elle s’est contentée, pour l’essentiel, de jeter le discrédit sur le témoignage de Mme B en faisant valoir des arguments secondaires et non fondés (voir points 129 à 132 ci-dessus).

136   D’autre part, la requérante se défend en opérant une confusion entre les primes en cause et celles dénommées « complément de poste » et « complément journalier » qui étaient prévues dans ses contrats de travail avec Interbask. Elle soutient, notamment, que la somme de ces deux derniers compléments est sensiblement inférieure à 50 000 BEF. Or, lesdits compléments étaient d’une nature tout à fait différente de celle des primes mentionnées par Mme B dans ses déclarations. Ainsi que la requérante l’explique elle-même, en renvoyant notamment à sa note du 15 avril 1996, le « complément de poste » était lié à la nature de ses fonctions et le « complément journalier » était destiné à compenser le temps de travail qu’elle effectuait au-delà de 40 heures par semaine.

137   Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, il n’y a pas de contradiction sur cette question entre les déclarations de Mme B, d’une part, et celles d’Interbask et des autorités basques, d’autre part. Ainsi, dans sa lettre du 14 mars 1996 en réponse à une lettre de la Commission du 6 mars 1996, Interbask donne des explications, non sur les primes destinées à compenser le coût plus élevé de la vie à Bruxelles mais sur celles dénommées « complément de poste » et « complément journalier ». Invitée par la Commission, par lettre du 14 mai 1996, à donner des précisions supplémentaires sur les missions effectuées à Bruxelles par la requérante ainsi que sur les primes versées à cette dernière, Interbask a répondu que, étant en liquidation judiciaire, elle ne pouvait communiquer les renseignements demandés. Quant aux lettres de M. R des 11 avril 2001 et 23 juillet 2002, elles ne contiennent aucune indication sur les primes versées à la requérante.

138   Enfin, l’attestation établie par la banque Barclays à Vitoria en date du 12 août 2002, que la requérante a jointe à sa réclamation du 11 décembre 2002, n’indique nullement, contrairement à ce que prétend cette dernière, que « tant le salaire que les différents compléments étaient versés à cette banque à Vitoria ». Cette attestation indique seulement que le gouvernement basque faisait des versements mensuels à la requérante « à titre de salaire ». Elle ne contient aucune précision sur les dates de ces versements ni sur d’éventuels compléments de salaire.

139   En sixième lieu, il ressort des déclarations écrites de Mme B que la requérante bénéficiait de la prise en charge, par Interbask, de deux voyages par an de Bruxelles vers son lieu d’origine en Espagne. Cet élément n’est pas sérieusement contesté par la requérante. À aucun moment, par exemple, elle n’a essayé de démontrer que les voyages qu’elle effectuait concernaient le trajet Vitoria –Bruxelles – Vitoria plutôt que le trajet Bruxelles – Vitoria –Bruxelles.

140   En septième lieu, dans un organigramme contenu dans un document d’Interbask du 2 juin 1993, le nom de la requérante – accompagné de la liste des matières relevant de ses responsabilités - est expressément rattaché au bureau de Bruxelles et non à celui de Vitoria. Ainsi que fait remarquer à juste titre la Commission dans la décision attaquée, il est difficile de comprendre pourquoi, dans l’organigramme d’une société, le nom d’une personne qui ne se trouve dans une ville déterminée que dans le cadre de missions sporadiques devrait être rattaché au bureau de cette ville et non à celui de son lieu de travail effectif.

141   Le fait que ce document ne présente prétendument pas un caractère officiel ne diminue en rien sa valeur probante, d’autant plus qu’il porte l’en-tête « Interbask, S.A. » et qu’il est signé par le directeur général de cette société.

142   En dernier lieu, il convient de constater que la requérante – à qui incombait la charge de la preuve – n’a fait que peu d’efforts pour démontrer qu’elle avait maintenu le centre de ses intérêts à Vitoria pendant la période de référence. Outre le fait que, à plusieurs reprises, elle s’est limitée à prétendre ne pas être en mesure de fournir les informations sollicitées par la Commission, elle s’est davantage employée à critiquer les éléments et indices retenus par cette dernière qu’à présenter elle-même des éléments de preuve suffisamment convaincants ou autres que purement formels. Elle aurait, par exemple, pu établir qu’elle procédait régulièrement à des dépenses dans cette ville en présentant des factures ou des relevés de compte de carte de crédit ou démontrer qu’elle n’avait pas bénéficié des primes destinées à compenser la différence du coût de la vie entre Vitoria et Bruxelles prévues dans le contrat du 1er octobre 1990 en produisant ses bulletins de salaire de l’époque.

143   Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la durée de la période pendant laquelle la requérante a, de façon habituelle, résidé et exercé son activité professionnelle principale en Belgique

–       Arguments des parties

144   À titre subsidiaire, la requérante soutient qu’elle n’a pas, de façon habituelle, résidé et travaillé à Bruxelles pendant toute la période de référence. Elle indique que, entre la date du début (1er avril 1990) et celle de la fin (21 août 1995) de sa relation d’emploi avec Interbask, il s’est écoulé 5 années, 4 mois et 21 jours. En retranchant 6 mois à cette durée, en application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, elle aboutit à une durée totale de 4 années, 10 mois et 21 jours.

145   La requérante estime que la Commission ne peut tenir compte de la période qu’elle avait passée à Bruxelles en vue d’y poursuivre des études de troisième cycle. Elle admet que ce programme d’études s’étendait sur deux années, mais prétend avoir « condens[é] toutes les heures de cours au cours de l’année [académique] 1988/1989 », soit sur une période s’étendant d’octobre 1988 à juillet 1989. La seconde année se serait, en effet, limitée à la rédaction d’un mémoire, qui n’exigeait pas sa présence à Bruxelles. En outre, la bourse qui lui a été accordée par le gouvernement basque n’aurait couvert que l’année académique 1988/1989. Elle indique qu’elle a effectué un stage à la Commission du 1er octobre 1989 au 28 février 1990, dont « il ne pouvait être tenu compte dans la période de référence », et que, à l’issue de ce stage, elle est retournée en Espagne, où elle a exécuté le « contrat d’études » conclu avec Interbask en avril 1990.

146   Par ailleurs, la requérante soutient que sa situation est tout à fait différente de celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission (201/88, Rec. p. 3109).

147   La Commission soutient que la requérante non seulement avait sa résidence principale à Bruxelles pendant toute la période de référence, mais en plus y avait son centre d’intérêts dès le mois d’octobre 1988, date à laquelle elle avait débuté des études qui se sont terminées en juin 1990. Selon la jurisprudence, il serait nécessaire de « procéder à un examen global de la période de référence » et des absences de plusieurs mois ne sauraient suffire pour faire perdre à la résidence du fonctionnaire dans l’État d’affectation son caractère habituel (arrêts du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 29 ; et du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, Rec. p. II-865, point 48). Enfin, la Commission affirme que l’arrêt Atala‑Palmerini/Commission, précité, s’applique pleinement au cas d’espèce.

–       Appréciation du Tribunal

148   Il ressort des éléments du dossier et de l’examen de la première branche du second moyen que la requérante se trouvait déjà en Belgique depuis près d’un an et demi au début de la période de référence – laquelle était comprise entre le 1er mars 1990 et le 1er mars 1995 – et qu’elle a continué à y séjourner de manière continue et habituelle tout au long et même au-delà de cette période.

149   Dans ces circonstances, le fait que, jusqu’au 1er avril 1990, date du début de son « contrat d’études » avec Interbask, la requérante ait séjourné en Belgique principalement en tant qu’étudiante ne suffit pas à exclure qu’elle ait habité dans ce pays de façon habituelle (voir, en ce sens, arrêt Atala-Palmerini/Commission, précité, point 11).

150   La requérante ne saurait utilement tirer argument du fait que la bourse d’études qui lui avait été octroyée par le gouvernement basque ne couvrait que sa première année d’études (octobre 1988 à juin 1989) à l’Institut d’Études européennes de l’ULB et que sa seconde année d’études (octobre 1989 à juin 1990) se limitait à la rédaction d’un mémoire pour établir qu’elle n’était pas présente à Bruxelles durant cette seconde année. La circonstance qu’elle ait effectué un stage à la Commission du 1er octobre 1989 au 28 février 1990 tend, en effet, à démontrer que ses éventuels séjours en-dehors de la Belgique au cours de sa seconde année d’études ne pouvaient avoir été qu’occasionnels et de très courte durée.

151   Par ailleurs, à supposer même que la requérante n’ait pas été présente en Belgique entre la fin de son stage à la Commission et le début de son « contrat d’études » avec Interbask, soit pendant le premier mois de la période de référence, cette circonstance serait inopérante. Une telle absence sporadique et de très brève durée de ce pays d’affectation ne saurait, en effet, faire perdre à la résidence de la requérante dans ledit pays son caractère habituel au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut (voir, en ce sens, arrêt Magdalena Fernández/Commission, précité, point 29, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C-452/93, Rec. p. I-4295).

152   Il s’ensuit que la deuxième branche du second moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur l’interprétation de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut

–       Arguments des parties

153   À titre très subsidiaire, la requérante prétend que la Commission a interprété de manière erronée la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut. Les services qu’elle a fournis à Interbask devraient, en effet, être considérés comme des « services effectués pour un autre État » au sens de cette disposition, en l’occurrence l’Espagne en tant que « communauté étatique », composée de chacune de ses régions.

154   La requérante explique qu’Interbask était une société publique intégrée dans l’administration de la Communauté autonome du Pays basque, dont le capital était entièrement public et qui possédait un siège tant à Vitoria qu’à Bruxelles. Interbask aurait été créée par décret nº 313 du gouvernement basque du 20 décembre 1988 en vue d’exercer des fonctions de représentation et de défense des intérêts de la Communauté autonome du Pays basque auprès des institutions communautaires. Ces fonctions auraient normalement dû être exercées par le bureau de représentation de la Communauté autonome du Pays basque à Bruxelles, dont la création avait été décidée par décret nº 89 du gouvernement basque du 19 avril 1988. Toutefois, certaines dispositions de ce décret ayant été contestées par l’État espagnol devant la Cour constitutionnelle espagnole, les activités de ce bureau auraient été suspendues à titre préventif. Par un arrêt du 26 mai 1994, la Cour constitutionnelle espagnole aurait reconnu au gouvernement basque le droit de disposer d’une délégation auprès de l’Union européenne à Bruxelles. À la suite de cet arrêt, le gouvernement basque aurait adopté, le 12 juillet 1994, le décret n° 284 portant création de la délégation du Pays basque à Bruxelles, laquelle aurait succédé à Interbask et exercerait dorénavant les fonctions dont cette société se chargeait à Bruxelles. La direction des affaires européennes aurait repris les fonctions dont se chargeait Interbask à Vitoria. Cette société aurait été liquidée à la fin de l’année 1995 et l’administration générale de la Communauté autonome du Pays basque aurait été subrogée dans tous ses droits et obligations. La délégation du Pays basque à Bruxelles dépendrait directement de la présidence du gouvernement basque et serait gérée comme une « autre direction générale des relations extérieures ».

155   La requérante prétend que, du point de vue du droit public espagnol, Interbask et la délégation du Pays basque auprès de l’Union européenne font partie de l’administration publique. L’article 2 de la loi espagnole portant régime juridique des administrations publiques et de procédure administrative commune reconnaîtrait, en effet, le caractère d’administration publique à l’administration générale de l’État, à l’administration des Communautés autonomes et aux collectivités locales.

156   Ensuite, la requérante formule une série de considérations sur le système politique espagnol, sur la constitution espagnole de 1978, sur l’organisation territoriale et administrative de l’Espagne et sur la répartition des compétences entre l’État et les Communautés autonomes, dont celle du Pays basque.

157   Elle fait notamment valoir des observations sur le « partage des compétences entre l’État et les Communautés autonomes dans le contexte du droit communautaire ». Elle se réfère, dans ce contexte, à un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle espagnole le 20 décembre 1988 « au sujet de la validité des interventions des [Communautés autonomes] là où l’application du droit communautaire concerne certaines de leurs compétences ». Dans cet arrêt, la Cour constitutionnelle espagnole aurait déclaré que « les affaires européennes, en ce qui concerne une Communauté autonome, sont des affaires de caractère interne et non de l’ordre des relations internationales ». Cette répartition des compétences obligerait les Communautés autonomes à suivre de près l’exercice des activités législatives des institutions communautaires. Les dispositions de droit communautaire exerceraient une incidence directe sur l’activité du gouvernement des Communautés autonomes et, en conséquence, sur leur ordre juridique interne.

158   En outre, la requérante se réfère à la « Conferencia para los Asuntos Relacionados con las Comunidades Europeas » (CARCE), un instrument créé par le gouvernement espagnol en vue d’accroître la coopération entre le gouvernement central et les Communautés autonomes dans les matières communautaires. Elle ajoute que, depuis 1998, les Communautés autonomes participent directement aux réunions de certains comités consultatifs présidés par la Commission et auxquels assistent les représentants des États membres.

159   La requérante formule également des considérations sur la représentation des Communautés autonomes auprès de l’Union européenne. Elle se réfère, dans ce contexte, à l’arrêt du 26 mai 1994 de la Cour constitutionnelle espagnole ainsi qu’au poste de conseiller pour les affaires des Communautés autonomes au sein de la représentation permanente de l’Espagne auprès de l’Union européenne. Elle précise que « le personnel au service des [Communautés autonomes] au sein de leurs délégations à Bruxelles bénéficie […] d’une série de conditions qui s’appliquent également au personnel au service de la représentation espagnole devant l’UE (diplomatique ou non) ». À cet égard, elle mentionne le fait que le personnel travaillant dans les bureaux de représentation des Communautés autonomes à Bruxelles, d’une part, est assujetti au même régime d’assurance maladie et de sécurité sociale que le personnel de la représentation permanente de l’Espagne et, d’autre part, est « régi par la législation fiscale espagnole et doit présenter ses déclarations de revenus chaque année au ministère de l’Économie et des Finances en Espagne ».

160   Enfin, la requérante se prétend victime d’une discrimination en ce que d’autres fonctionnaires recrutés par la Commission qui avaient eu une activité professionnelle au cours de la période de référence « dans des bureaux régionaux ou des bureaux des Länder » se seraient vu appliquer la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

161   La Commission considère que les services effectués par la requérante pour Interbask à Bruxelles ne sauraient être considérés comme des « services effectués pour un autre État » au sens de cette dernière disposition. Elle soutient que le législateur communautaire n’entendait pas inclure les subdivisions régionales ou locales d’un État dans le champ d’application de la dérogation prévue par ladite disposition.

162   La Commission ajoute qu’Interbask était une société publique commerciale et que, lorsqu’elle existait, la Cour constitutionnelle espagnole ne s’était pas encore prononcée sur la possibilité pour les Communautés autonomes de se doter de délégations.

163   Enfin, elle avance que la requérante ne fait valoir aucun élément de preuve au soutien de son allégation selon laquelle elle a fait l’objet d’un traitement discriminatoire.

–       Appréciation du Tribunal

164   Il ressort du dossier – et il est constant entre les parties – que, du 1er avril 1990 au 21 août 1995, la requérante a exercé son activité professionnelle principale au sein d’Interbask. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’examen de la première branche du second moyen, c’est au bureau de Bruxelles de cette société qu’elle travaillait.

165   La question qui se pose en l’espèce est de savoir si ce travail doit être considéré comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

166   À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que le bénéfice de la dérogation prévue par cette disposition exige que l’intéressé ait eu des liens juridiques directs avec l’État ou l’organisation internationale en cause (arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement, T‑43/93, RecFP p. I‑A-57 et II-189, point 36, et du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I-A-149 et II-781, point 51).

167   Or, force est de constater qu’il n’existait pas de liens juridiques directs entre la Communauté autonome du Pays basque et la requérante. Cette dernière était, en effet, directement employée par Interbask, une société publique anonyme relevant de la catégorie des sociétés commerciales, et n’entretenait des relations contractuelles qu’avec cette société. La circonstance qu’Interbask avait pour actionnaire unique l’administration de la Communauté autonome du Pays basque est, tout au plus, de nature à établir l’existence de liens juridiques indirects entre cette entité et la requérante, liens insuffisants pour entraîner le bénéfice de la dérogation prévue par la disposition précitée.

168   En outre, une telle société ne saurait, de par sa nature, être considérée comme faisant partie de l’administration de la Communauté autonome du Pays basque ni, a fortiori, de l’administration centrale de l’État. Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que, selon les explications de la requérante, Interbask a précisément été créée en tant qu’entité distincte de la Communauté autonome du Pays basque en raison d’un conflit de compétences entre l’État central et le gouvernement de cette Communauté qui empêchait notamment celle-ci de disposer d’un bureau de représentation à Bruxelles. Il doit être ajouté, enfin, que l’objet social d’Interbask, tel que décrit à l’article 3 de ses statuts et à l’article 9 du décret nº 313 du gouvernement basque du 20 décembre 1988, était très large et prévoyait la réalisation d’activités qui n’étaient pas nécessairement d’intérêt public.

169   Il découle de ce qui précède que les services effectués par la requérante pour Interbask ne sauraient être considérés comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut.

170   S’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle certains de ses collègues qui avaient antérieurement travaillé dans des « bureaux régionaux ou des bureaux des Länder » ont bénéficié de la dérogation prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), dernière phrase, de l’annexe VII du statut, il doit être constaté qu’elle n’est corroborée par aucun élément de preuve. En tout état de cause, à supposer même que des fonctionnaires qui se trouvaient dans une situation identique à celle de la requérante aient bénéficié de cette dérogation, cette dernière ne saurait utilement se prévaloir de cette circonstance, nul ne pouvant invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt du Tribunal du 14 mai 1991, Zoder/Parlement, T-30/90, Rec. p. II-207, point 26).

171   La troisième branche du second moyen ne saurait, dès lors, être accueillie. Partant, le second moyen doit être rejeté comme non fondé dans son ensemble.

 Sur l’indemnité journalière et l’indemnité d’installation

172   La requérante, se référant à l’arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Lozano/Commission (62/97, Rec. p. I-3273), prétend que, dès lors qu’elle a droit à l’indemnité de dépaysement, l’indemnité journalière et l’indemnité d’installation lui sont automatiquement dues.

173   La commission considère que la requérante n’a pas droit au bénéfice de l’indemnité journalière et de l’indemnité d’installation.

174   Il ressort du dossier et de l’examen des deux premières branches du second moyen invoqué au soutien du présent recours, que, à la date de son entrée en fonctions à la Commission, la requérante avait sa résidence habituelle à Bruxelles et qu’elle n’a donc pas dû changer de résidence, au sens de l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut. Partant, c’est à bon droit que la Commission a refusé à la requérante le bénéfice de l’indemnité journalière.

175   S’agissant de l’indemnité d’installation, il convient de relever que la première condition alternative pour en bénéficier, prévue par l’article 5, paragraphe 1, premier alinéa, de l’annexe VII du statut, dans sa version applicable à l’époque des faits en cause, n’est pas remplie puisqu’il a été démontré que la requérante n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

176   S’agissant de la seconde condition alternative prévue par cette disposition, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il n’y a aucune raison d’interpréter les termes « tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut » au sens de l’article 10, paragraphe 1, de l’annexe VII d’une façon différente dans le contexte de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Monteiro Da Silva/Commission, T‑74/95, RecFP p. I-A-583 et II-1559, point 64). Or, ainsi qu’il a été jugé au point 174 ci-dessus, il est établi que la requérante n’a pas dû changer de résidence au sens de la première disposition. Dès lors, doit être conclu que la seconde condition alternative n’est pas non plus remplie.

177   Il s’ensuit que c’est à bon droit également que la Commission a refusé à la requérante le bénéfice de l’indemnité d’installation.

178   Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

179   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.


Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2005.

Le greffier

 

       Le président


H. Jung

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : l'espagnol.