Language of document : ECLI:EU:T:2014:949

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 novembre 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale natur – Demande de marque figurative antérieure natura – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8 paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑549/10,

Natura Selection, SL, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me E. Sugrañes Coca, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Afoi Anezoulaki AE, établie à Kilikis (Grèce),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 6 septembre 2010 (affaire R 217/2010‑2), relative à une procédure d’opposition entre Natura Selection, SL et Afoi Anezoulaki AE,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 avril 2011,

vu l’ordonnance de suspension du 5 juillet 2011,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 4 et 24 avril 2013,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses déposées au greffe du Tribunal les 8 et 9 juillet 2013,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 mai 2008, Afoi Anezoulaki AE, opérant sous le nom commercial de Fieratex SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal natur.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 24 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 037/2008, du 15 septembre 2008.

5        Le 15 décembre 2008, la requérante, Natura Selection SL, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque communautaire figurative, déposée le 22 décembre 2000 et enregistrée le 13 mai 2002 sous le numéro 2016384, reproduite ci‑après :

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–        la marque communautaire figurative, déposée le 2 mars 2004 et enregistrée le 5 juillet 2005 sous le numéro 3694627, reproduite ci‑après :

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–        la demande de marque communautaire figurative, déposée le 27 octobre 2005 sous le numéro 4713368 (ci‑après la « demande de marque antérieure natura »), reproduite ci-après :

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7        L’opposition était fondée sur tous les produits et services couverts par les droits antérieurs, dont, notamment, pour la demande de marque antérieure natura, des produits relevant de la classe 20, ainsi que les services suivants relevant de la classe 35 : « services de vente au détail dans les commerces et à travers les réseaux mondiaux de communication électronique ; services d’importation et d’exportation ; services de publicité ; le tout en rapport avec les métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, imitations de bijoux, pierres précieuses ; horloges, montres et autres instruments chronométriques ; meubles, glaces (miroirs), cadres ; produits non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques ; tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table ; vêtements, chaussures, chapellerie ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 4 décembre 2009, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour une partie des produits contestés relevant de la classe 24, à savoir les « tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit », et a rejeté l’opposition pour les « couvertures de table », relevant aussi de la classe 24. La division d’opposition a apprécié le risque de confusion en prenant en compte, d’une part, la marque demandée et, d’autre part, la demande de marque antérieure natura, pour des raisons d’économie de procédure. Concernant les marques antérieures, la division d’opposition a considéré qu’il n’y avait, a fortiori, aucun risque de confusion, celles-ci étant composées d’éléments verbaux et figuratifs supplémentaires, et couvrant des produits et des services clairement différents de ceux de la marque demandée.

10      La requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition en ce qu’elle a rejeté l’opposition pour les « couvertures de table ».

11      Par décision du 6 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que, étant donné que les « couvertures de table », produits couverts par la marque demandée, et les produits relevant de la classe 20 et les services relevant de la classe 35, visés par la demande de marque antérieure natura étaient différents, il n’existait pas de risque de confusion, quel que soit le degré de similitude entre les signes.

 Procédure et conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–         accueillir le recours ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 4 décembre 2009 et la décision attaquée ;

–        rejeter dans son intégralité la demande de marque communautaire, laquelle avait été acceptée par l’OHMI pour les produits contestés ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI, dans son mémoire en réponse, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        suspendre la procédure conformément à l’article 77 du règlement de procédure du Tribunal jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal dans la procédure ayant pour objet l’opposition à l’encontre de la demande de marque antérieure natura ;

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’OHMI, dans sa réponse aux questions du Tribunal du 4 avril 2013, a adapté ses conclusions et demande au Tribunal de dire que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a pas lieu de statuer.

 En droit

 Sur la demande de non-lieu à statuer de l’OHMI

15      Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, le président de la sixième chambre du Tribunal a, par ordonnance du 5 juillet 2011, suspendu la procédure dans la présente affaire sur la base de l’article 77, sous d), du règlement de procédure, jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal dans l’affaire T‑461/11. \/ Cette affaire concernait un recours en annulation formé contre une décision de la deuxième chambre de recours relative à une opposition, fondée sur la marque antérieure NATURA enregistrée pour des produits relevant de la classe 20, contre la demande de marque antérieure natura en ce qu’elle visait notamment des produits relevant de la classe 20. La chambre de recours avait conclu à l’existence d’un risque de confusion.

16      Par arrêt du 13 décembre 2012, Natura Selection/OHMI – Ménard (natura) (T‑461/11, non encore publié au Recueil), le Tribunal a rejeté ce recours.

17      Dans sa réponse aux questions du Tribunal du 4 avril 2013, invitant les parties à présenter leurs observations sur les conclusions devant être tirées, pour la suite de la présente procédure, de cet arrêt, l’OHMI fait valoir que, la demande de marque antérieure natura, seule base du présent litige, ayant cessé d’exister, le présent recours est devenu sans objet et qu’il n’y a donc pas lieu statuer.

18      Cependant, dans sa réponse aux questions du Tribunal du 8 juillet 2013, l’OHMI semble avoir abandonné une telle prétention.

19      En tout état de cause, il convient de constater que cet arrêt concerne seulement les produits relevant de la classe 20, et non les services de la classe 35 de la demande de marque antérieure natura. Ainsi, cet arrêt ne saurait avoir de conséquences sur la demande d’enregistrement de la marque antérieure natura pour les services de la classe 35. C’est donc à tort que l’OHMI prétend que la demande de marque antérieure natura a cessé d’exister.

20      Dès lors, à supposer que l’OHMI demande au Tribunal de dire que le recours est devenu sans objet, il y a lieu de rejeter sa demande de non-lieu à statuer.

 Sur la recevabilité de la demande d’injonction

21      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’enjoindre à l’OHMI de refuser l’enregistrement de la marque demandée.

22      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours, l’OHMI est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 20, et la jurisprudence citée].

23      Partant, le troisième chef de conclusions de la requérante est irrecevable.

 Sur le fond

24      La requérante invoque un seul moyen au soutien de son recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

25      À cet égard, la requérante fait valoir, d’une part, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les produits et services couverts par les droits antérieurs sont différents des produits couverts par la marque demandée et, d’autre part, qu’il existe un risque de confusion pour les produits et services en cause.

26      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures, les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

27      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

28      Par ailleurs, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

29      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés (voir arrêt PiraÑAM diseño original Juan Bolaños, précité, point 37, et la jurisprudence citée).

30      En l’espèce, il est constant que le public pertinent est composé de consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés, de tous les États membres de l’Union. Il est également constant qu’il existe des similitudes visuelle et phonétique entre les signes en conflit, ainsi qu’un fort degré de similitude conceptuelle.

31      S’agissant de la similitude des produits et des services, la requérante conteste notamment l’appréciation effectuée par la chambre de recours en ce qui concerne les produits relevant de la classe 24, à savoir les « couvertures de table », couverts par la marque demandée, et les « services de vente au détail dans les commerces et à travers les réseaux mondiaux de communication électronique […] en rapport avec les couvertures [...] de table », relevant de la classe 35, couverts par la demande de marque antérieure natura.

32      À cet égard, la chambre de recours a exposé, au point 37 de la décision attaquée, que, si ces produits et services ont un certain lien, ainsi que l’avait estimé la division d’opposition, dans la mesure où certains fabricants pourraient également, soit directement, soit au moyen de l’intervention d’une autre entreprise, assurer des services de vente au détail en ce qui concerne leurs propres produits, un degré de similitude aussi faible entre les services couverts par la demande de marque antérieure natura, relevant de la classe 35, et les produits couverts par la marque demandée, associé aux différences existants entre les signes, n’entraîne pas, d’un point de vue global, un risque de confusion, en ce sens que le public pertinent pourrait croire que les produits sur lesquels la marque demandée est apposée et les services couverts par la demande de marque antérieure natura ont une origine commune, à savoir qu’ils sont fournis par la même entreprise ou par des entreprises liées économiquement.

33      Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il existe une similitude entre des produits et les services de vente au détail qui portent sur ces produits [arrêts du Tribunal du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, Rec. p. II‑2455, points 42 à 58 ; du 5 juillet 2012, Comercial Losan/OHMI – McDonald’s International Property (Mc. Baby), T‑466/09, non publié au Recueil, point 24, et du 16 octobre 2013, El Corte Inglés/OHMI – Sohawon (fRee YOUR STYLe.), T‑282/12, non publié au Recueil, point 37].

34      En l’espèce, force est de constater que les services relevant de la classe 35 couverts par la demande de marque antérieure natura portent sur les produits relevant de la classe 24 couverts par la marque demandée. Dès lors, il existe une similitude entre les services de vente au détail, dans les commerces et par le biais des réseaux mondiaux de communication électronique, de couvertures de table, visés par la demande de marque antérieure natura et les couvertures de table visées par la marque demandée.

35      De surcroît, il convient de constater que, en l’espèce, les services couverts par la demande de marque antérieure natura constituent un des possibles canaux de distribution des produits couverts par la marque demandée. Cette circonstance renforce donc leur similitude (voir, en ce sens, FREE YOUR STYLE., précité, point 38).

36      C’est donc à tort que la chambre de recours a considéré, au point 37 de la décision attaquée, que le degré de similitude entre les services visés par la demande de marque antérieure natura, relevant de la classe 35, et les produits couverts par la marque demandée, relevant de la classe 24, était faible.

37      Partant, la chambre de recours a commis une erreur en concluant, du fait du faible degré de similitude entre les couvertures de table, relevant de la classe 24 et visées par la marque demandée, et les services de vente de couvertures, relevant de la classe 35 et visés par la demande de marque antérieure natura, à l’absence d’un risque de confusion.

38      Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’accueillir le moyen unique et d’annuler la décision attaquée. Il incombera à l’OHMI, en application de l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution du présent arrêt. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur la demande de la requérante d’annulation de la décision de la division d’opposition du 4 décembre 2009.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

40      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 6 septembre 2010 (affaire R 217/2010‑2) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens.

Van der Woude

Wiszniewska-Białecka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.