Language of document : ECLI:EU:T:2001:243

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

3 octobre 2001 (1)

«Marque communautaire - Syntagme New Born Baby - Motifs absolus de refus - Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-140/00,

Zapf Creation AG, établie à Rödental (Allemagne), représentée par Me A. Kockläuner, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)(OHMI), représenté par MM. D. Schennen, A. von Mühlendahl et Mme C. Røhl Søberg, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 21 mars 2000 (affaire R 348/1999-3) concernant l'enregistrement du syntagme New Born Baby comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2000,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2000,

vu les pièces déposées par la requérante lors de l'audience du 8 mars 2001, avec l'accord de la partie défenderesse,

à la suite de cette audience,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 6 octobre 1997, la requérante a présenté une demande de marque verbale communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office») en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    La marque dont l'enregistrement est demandé est le syntagme New Born Baby.

3.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement de la marque est demandé relèvent de la classe 28 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la descriptionsuivante: «Poupées pour jouer et accessoires pour ces poupées sous forme de jouets».

4.
    Par décision du 6 mai 1999, l'examinateur a rejeté la demande au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94, au motif que le signe New Born Baby était descriptif des produits concernés et dépourvu de tout caractère distinctif.

5.
    Le 22 juin 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l'examinateur.

6.
    Par décision du 21 mars 2000, la troisième chambre de recours a rejeté le recours (ci-après la «décision attaquée»).

7.
    En substance, la chambre de recours a considéré que la manière dont l'examinateur avait appliqué l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 était bien fondée.

Conclusions des parties

8.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    -    annuler la décision attaquée;

-    condamner l'Office aux dépens.

9.
    Lors de l'audience, la requérante a également conclu à ce qu'il plaise au Tribunal, à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée dans la mesure où celle-ci a confirmé le rejet de la demande d'enregistrement pour les produits autres que des poupées pour jouer représentant des bébés jusqu'à l'âge de 28 jours.

10.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

11.
    La requérante invoque trois moyens de fond, tirés d'une violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), et de l'article 7, paragraphe 1 sous b), du règlement n° 40/94 et d'une méconnaissance d'enregistrements nationaux préalables ainsi qu'un moyen de forme, tiré d'une violation de ses droits de la défense.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

12.
    La requérante fait valoir que l'enregistrement d'une marque communautaire ne peut être refusé sur le fondement de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 que s'il existe un impératif de disponibilité du signe en cause. Elle expose que l'existence d'un tel impératif ne peut être établie qu'en prenant en compte l'usage que ses concurrents font actuellement ou pourraient faire à l'avenir du signe en question.

13.
    Or, selon la requérante, il n'a pas été démontré que ses concurrents utilisent actuellement le syntagme New Born Baby pour désigner des produits de la classe 28.

14.
    Elle soutient ensuite qu'un tel impératif de disponibilité n'existe pas non plus pour l'avenir. En effet, d'une part, elle expose qu'il s'agit en l'espèce d'un signe inventé, ne figurant dans aucun dictionnaire, sans qu'il faille prendre en compte la question de savoir s'il revêt ou non un caractère inhabituel ou remarquable. D'autre part, elle indique que ses concurrents disposent de la possibilité de recourir à un grand nombre d‘autres termes. Ainsi, l'enregistrement, en tant que marques, des termes «NEW BABY», «NEO BABY», «NEWBORN» et «NEWBORNS» a, selon la requérante, été effectué ou, au moins, demandé.

15.
    L'Office rappelle qu'en vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont refusées à l'enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner, inter alia, l'espèce, la qualité ou la destination du produit.

16.
    Quant à l'argumentation de la requérante tirée de l'exigence d'un impératif de disponibilité, l'Office relève que celui-ci ne constitue ni un motif de refus en soi ni une limite intrinsèque du motif de refus défini par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. L'Office expose qu'il convient, en revanche, de procéder à une analyse objective pour établir si le signe, dont l'enregistrement est demandé, est descriptif ou non des produits ou services concernés.

17.
    En l'espèce, selon l'Office, le syntagme New Born Baby est compris, sans ambiguïté, par un anglophone représentatif du public ciblé, constitué par les personnes désireuses d'acheter des jouets, comme signifiant «bébé nouveau-né», indépendamment de la question de savoir s'il s'agit ou non d'une tautologie.

18.
    L'Office fait valoir que les produits concernés par la demande de marque, c'est-à-dire des poupées pour jouer et des accessoires pour ces poupées sous forme de jouets, incluent des poupées qui représentent des bébés nouveau-nés et dont le corps fonctionne comme celui d'un véritable bébé. Ainsi, selon l'Office, la marque est composée exclusivement d'indications désignant l'espèce (et les qualités) des produits, s'agissant des poupées pour jouer, ou leur destination, en ce qui concerne les accessoires pour ces poupées.

19.
    L'Office soutient que le signe New Born Baby est donc descriptif, au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, pour tous les produits visés dans la demande de marque, au moins dans les États membres anglophones. Il en déduit que, en vertu de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, son enregistrement, en tant que marque communautaire, doit être refusé.

20.
    En rappelant la jurisprudence du Tribunal (arrêt du 12 janvier 2000, DKV/OHMI, COMPANYLINE, T-19/99, Rec. p. II-1, point 26), l'Office souligne que cette appréciation n'est en rien altérée par le fait que le signe en question, qu'il soit ou non écrit en un seul mot, ne figure pas en tant que tel dans les dictionnaires.

Appréciation du Tribunal

21.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci».

22.
    En outre, il convient d'apprécier le motif absolu de refus énoncé à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement est demandé.

23.
    Par ailleurs, l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que le paragraphe 1 est «applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté».

24.
    En ce qui concerne les poupées pour jouer, la chambre de recours s'est limitée à constater, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, que le syntagme New Born Baby signifie «bébé nouveau-né» et que «[c]onfronté à la marque demandée et sous l'impression d'ensemble qu'elle produit, le public concerné comprendra immédiatement et sans plus d'analyse de la matière que les [...] poupées pour jouer [...] ont la qualité particulière de représenter des bébés nouveau-nés».

25.
    À cet égard, à supposer que le signe New Born Baby puisse être considéré comme descriptif de ce que ces poupées représentent, cette considération ne suffirait pas pour établir que le signe en cause est descriptif des poupées elles-mêmes.

26.
    En effet, un signe qui est descriptif de ce que représente un jouet ne saurait être considéré comme descriptif de ce même jouet que dans la mesure où le public ciblé, dans sa décision d'achat, assimile ce jouet à ce qu'il représente. Or, la décision attaquée ne contient aucune constatation en ce sens. Ensuite, force est de constater que, ni dans son mémoire en réponse ni dans ses réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience, l'Office n'a soutenu que le public ciblé, à savoir lespersonnes désireuses d'acheter des jouets, avait une telle perception des produits concernés.

27.
    La chambre de recours n'a donc pas démontré que le public ciblé comprenait le signe New Born Baby, immédiatement et sans autre réflexion, comme désignant une qualité ou une autre caractéristique des poupées pour jouer.

28.
    En ce qui concerne les accessoires pour poupées sous forme de jouets, la chambre de recours a constaté, au point 20 de la décision attaquée, que «le public concerné comprendra immédiatement et sans plus d'analyse de la matière que les produits visés par la demande, en l'espèce [...] des accessoires pour [...] poupées sous forme de jouets [...] ont la qualité particulière de représenter des bébés nouveau-nés».

29.
    Cette argumentation ne saurait être retenue. En effet, des accessoires pour poupées sous forme de jouets ne représentent pas des nouveau-nés, mais d'autres objets, tels que des vêtements ou des chaussures en miniature.

30.
    En outre, la chambre de recours a constaté, au point 20, in fine, de la décision attaquée, que, «[e]n ce qui concerne les accessoires, la demande contient une indication descriptive de la destination, ceux-ci étant conçus spécialement pour ce genre de poupées».

31.
    À cet égard, il y a lieu de constater que les accessoires pour poupées sous forme de jouets ne sont pas destinés à des bébés nouveau-nés. En effet, ceux-ci ne sont pas encore en mesure de jouer avec des poupées ni, a fortiori, de manipuler des accessoires pour poupées. En outre, à supposer même que le syntagme New Born Baby soit descriptif par rapport aux poupées pour jouer et que les accessoires susvisés soient destinés à ces poupées, il ne saurait en être déduit qu'il existe, pour le public ciblé, un lien direct et concret entre le signe en cause et ces accessoires. En effet, le fait qu'un produit soit destiné, en tant qu'accessoire, à un autre produit, par rapport auquel le signe en cause est descriptif, ne suffit pas, en soi, à rendre ce même signe descriptif par rapport au produit accessoire.

32.
    Dès lors, il convient de constater que le syntagme New Born Baby ne désigne ni la qualité, ni la destination, ni aucune autre caractéristique des accessoires pour poupées sous forme de jouets.

33.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 est bien fondé.

Sur le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

Arguments des parties

34.
    La requérante rappelle qu'aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont refusées à l‘enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif». Selon la requérante, il résulte de l'utilisation du terme «dépourvues» que, si le signe a un caractère distinctif, même à un faible degré, cela suffit pour écarter ce motif de refus.

35.
    La requérante soutient que le signe New Born Baby constitue une «invention inhabituelle», présentant le caractère d'un barbarisme que le public ciblé peut facilement retenir et qui est, de ce fait, apte à individualiser les produits de la requérante et à les distinguer des produits ayant une autre origine.

36.
    L'Office fait valoir que la combinaison des mots «new», «born» et «baby» se compose uniquement d'indications descriptives, à l'exclusion de tout autre élément qui rendrait le syntagme, pris dans son ensemble, propre à distinguer les produits de la requérante de ceux d'autres entreprises. Ainsi, selon l'Office, le syntagme en question est dépourvu de tout caractère distinctif et ne peut, de ce fait, être enregistré en tant que marque communautaire.

Appréciation du Tribunal

37.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».

38.
    Il convient d'apprécier le caractère distinctif d'un signe par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement est demandé.

39.
    En l'espèce, la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, a déduit l'absence de distinctivité du signe en question de son caractère descriptif et s'est limitée, au surplus, à constater le manque «de tout caractère imaginatif».

40.
    Or, il a été jugé ci-dessus que la chambre de recours avait considéré à tort que le signe en cause tombait sous le coup de l'interdiction édictée par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Par conséquent, le raisonnement de la chambre de recours au regard de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être écarté en ce qu'il est fondé sur cette erreur.

41.
    Ensuite, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que le défaut de distinctivité ne saurait résulter de la seule constatation, dans la décision attaquée, d'une absence d'imagination (arrêts du 31 janvier 2001, Taurus-Film/OHMI, CINE ACTION, T-135/99, non encore publié au Recueil, point 31, et Taurus-Film/OHMI, CINE COMEDY, T-136/99, non encore publié au Recueil, point 31).

42.
    Il s'ensuit que le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 est bien fondé.

43.
    Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués par la requérante.

Sur les dépens

44.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. L'Office ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 21 mars 2000 (affaire R 348/1999-3) est annulée.

2)    L'Office supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

Mengozzi Tiili Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 octobre 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'allemand.