Language of document : ECLI:EU:T:2001:268

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 novembre 2001 (1)

«Fonctionnaires - Accès aux concours internes - Contrats d'entreprise - Avis de concours - Condition d'admission tenant à l'appartenance au personnel statutaire»

Dans l'affaire T-142/00,

Michel Van Huffel, agent temporaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Chaumont-Gistoux (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du jury du concours interne COM/TA/99 de ne pas admettre le requérant aux épreuves de ce concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme S. Haukka, référendaire,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 21 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Cadre réglementaire

1.
    L'article 4 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») dispose:

«Toute nomination ou promotion ne peut avoir pour objet que de pourvoir à la vacance d'un emploi dans les conditions prévues au présent statut.

Toute vacance d'emploi dans une institution est portée à la connaissance du personnel de cette institution dès que l'autorité investie du pouvoir de nomination a décidé qu'il y a lieu de pourvoir à cet emploi.

S'il n'est pas possible de pourvoir à cette vacance par voie de mutation, promotion ou concours interne, celle-ci est portée à la connaissance du personnel des trois Communautés européennes.»

2.
    L'article 27 du statut énonce:

«Le recrutement doit viser à assurer à l'institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d'intégrité,recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres des Communautés.

Les fonctionnaires sont choisis sans distinction de race, de conviction politique, philosophique ou religieuse, de sexe ou d'orientation sexuelle et indépendamment de leur état civil ou de leur situation familiale.

Aucun emploi ne doit être réservé aux ressortissants d'un État membre déterminé.»

3.
    L'article 29, paragraphe 1, du statut dispose:

«En vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, l'autorité investie du pouvoir de nomination, après avoir examiné:

a)    les possibilités de promotion et de mutation au sein de l'institution;

b)    les possibilités d'organisation de concours internes à l'institution;

c)    les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés européennes

ouvre la procédure de concours sur titres, sur épreuves ou sur titres et épreuves. La procédure de concours est déterminée à l'annexe III.

Cette procédure peut être ouverte également en vue de constituer une réserve de recrutement.»

Faits à l'origine du litige

4.
    Le requérant a été engagé à la direction générale «Politique des consommateurs» (DG XXIV) de la Commission par contrat d'entreprise signé le 7 décembre 1995. Conformément à l'article 1er de ce contrat, le requérant s'est engagé à poursuivre l'accomplissement des travaux énumérés à l'annexe III du contrat sous les directives d'un fonctionnaire dans les locaux de la Commission.

5.
    Le 27 novembre 1996, le requérant a signé un nouveau contrat d'entreprise avec la Commission qui devait se terminer, après une prorogation, au plus tard le 23 décembre 1997.

6.
    Par contrat d'engagement du 18 décembre 1997, le requérant a été recruté par la Commission en tant qu'agent auxiliaire de catégorie B pour une durée de trois mois à partir du 1er janvier 1998. Il a été affecté à la DG XXIV. Le contrat d'agent auxiliaire du requérant a été prolongé, à deux reprises, jusqu'au 31 décembre 1998.

7.
    Le 31 décembre 1998, le requérant a signé un nouveau contrat d'entreprise avec la Commission pour travailler à nouveau auprès de la DG XXIV. Ce contrat a pris fin le 31 décembre 1999.

8.
    À partir du 16 janvier 2000, le requérant a été engagé en tant qu'agent temporaire de catégorie A, grade 5 pour une durée déterminée de deux ans et quatre mois. Le requérant a été affecté initialement à l'unité 5 «Relations internationales» de la direction C «Coordination des questions horizontales» de la direction générale «Santé et protection des consommateurs» de la Commission. Le 25 janvier 2000, il a été affecté à l'unité 5 «Services financiers» de la direction A «Politique des consommateurs» de la direction générale susvisée.

9.
    Le 5 juillet 1999, la Commission a publié un avis de concours interne COM/TA/99 sur épreuves pour la constitution d'une réserve d'administrateurs et d'administrateurs principaux respectivement de grade A 7/A 8 et A 5/A 4 (ci-après l'«avis de concours»).

10.
    Les conditions d'admission au concours - point II de l'avis de concours - étaient les suivantes:

«a)    être ressortissant d'un des États membres de l'Union européenne;

b)    appartenir au personnel statutaire de la Commission, entré en service au plus tard le 1er février 1997;

c)    les candidats auront accompli des études complètes de niveau universitaire, sanctionnées par un diplôme de fin d'études pouvant donner accès aux études doctorales;

d)    les candidats auront acquis, postérieurement à l'obtention du diplôme donnant accès au concours une expérience professionnelle d'un niveau équivalent à celui correspondant aux fonctions visées au point I

    -    et d'une durée minimale de 3 ans dont au moins 2 ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau A 7/A 6

    -    et d'une durée minimale de 12 ans dont au moins 2 ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau A 5/A 4;

e)    être en activité auprès des services de la Commission à la date de la publication du concours ou de celle admise pour le dépôt des candidatures.»

11.
    Le 22 décembre 1999, le requérant a posé sa candidature à ce concours.

12.
    Par lettre du 28 janvier 2000, Mme D'Haen-Bertier, chef d'unité, a informé le requérant, au nom du président du jury de concours, de la décision du jury de rejeter sa candidature au motif que, «à la date du 1er février 1997, [il] n'apparten[ait] pas au personnel statutaire de la Commission, comme exigé par le point II.b) dudit avis».

13.
    Par lettre du 7 février 2000, le requérant a introduit une demande de réexamen de cette décision.

14.
    Au nom du président du jury du concours, Mme D'Haen-Bertier lui a répondu par lettre du 23 février 2000 et lui a indiqué: «[...] après avoir examiné votre dossier avec soin, le jury du concours mentionné en objet est au regret de vous confirmer sa décision de ne pas vous admettre à concourir pour la raison communiquée dans sa lettre du 28 janvier 2000» (ci-après la «décision attaquée»).

Procédure et conclusions des parties

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 25 mai 2000, le requérant a introduit le présent recours.

16.
    Sur le rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

17.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 21 mars 2001.

18.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

19.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé dans son ensemble;

-    statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

20.
    Le requérant soulève deux moyens à l'appui de son recours, pris, d'une part, d'un détournement de procédure et du maintien d'une situation administrative irrégulière et, d'autre part, d'une illégalité de la condition d'admission figurant aupoint II, sous b), de l'avis de concours comme étant discriminatoire et contraire à l'article 27 du statut.

Sur le premier moyen, tiré d'un prétendu détournement de procédure et du maintien d'une prétendue situation administrative irrégulière

Arguments des parties

21.
    Le requérant fait valoir qu'il exerce, depuis janvier 1996 pour le même employeur et sans interruption, les mêmes fonctions de consultant juridique spécialisé en droit communautaire de la consommation auprès de la DG XXIV, avec les statuts successifs de consultant «intra-muros», d'agent auxiliaire et d'agent temporaire.

22.
    Il estime que ces fonctions ne correspondent pas à la définition des tâches assignées à du personnel contractuel, mais correspondent par leur continuité, leur permanence et l'exigence d'expertise aux «tâches de service public européen». Pour démontrer la véritable nature de ses fonctions, le requérant a joint à la réplique un certain nombre de documents. Il considère que ces documents prouvent que les fonctions qu'il a exercées ne peuvent être qualifiées ni de tâches simples au sens de l'article 53 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le «RAA»), ni de tâches précises accomplies sous les directives d'un fonctionnaire.

23.
    La conclusion du contrat d'entreprise avec le requérant aurait ainsi été illégale, car la Commission a défini les conditions contractuelles non pas en fonction des besoins du service, mais en vue d'échapper à l'application des dispositions du statut et/ou du RAA. En effet, ce ne serait qu'en raison de contraintes budgétaires que la Commission a fait appel aux services de consultants intra et extra-muros en vue d'utiliser les services d'un personnel qui lui est nécessaire.

24.
    Selon le requérant, la Commission a, dès lors, commis un détournement de procédure et maintenu une situation administrative irrégulière qui est contraire aux principes de bonne administration et de bonne gestion du personnel et d'égalité de traitement.

25.
    En conséquence, le requérant considère que ses contrats conclus avec la Commission depuis le 7 décembre 1995 doivent être considérés comme des contrats d'agent temporaire eu égard à la nature des tâches confiées et aux circonstances dans lesquelles il les a exécutées. Dès lors, le requérant aurait dû être considéré par le jury du concours litigieux comme faisant partie du personnel statutaire à la date du 1er février 1997.

26.
    À l'audience, en réponse à une question du Tribunal concernant la recevabilité de son premier moyen, le requérant a considéré que ce dernier est recevable étant donné qu'il ne revendique pas un statut d'agent temporaire, mais qu'il veut seulement être assimilé à un agent temporaire en ce qui concerne sa situation administrative au 1er février 1997. Il a ajouté que la condition d'admission au concours litigieux doit être examinée au vu de sa situation factuelle de l'époque. À cet égard, il a fait valoir qu'il n'a pu avoir la preuve que les tâches exécutées dans le cadre des contrats d'entreprise étaient identiques aux tâches d'un agent temporaire qu'après avoir été engagé par la Commission en tant qu'agent temporaire. Selon le requérant, il n'avait pas non plus intérêt à agir à l'encontre des contrats d'entreprise avant le concours litigieux. Enfin, il a souligné que, même s'il est vrai qu'en théorie il aurait pu contester les contrats susmentionnés après les avoir signés, en pratique, sa situation précaire l'en empêchait.

27.
    La Commission estime que les arguments avancés par le requérant sont dénués de tout fondement juridique et que le premier moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable.

Appréciation du Tribunal

28.
    Il y a lieu de rappeler, à titre préliminaire, que les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont destinés à assurer la sécurité des situations juridiques. Ils sont donc d'ordre public et ne sauraient être laissés à la disposition des parties ou du juge. Le fait que l'institution défenderesse ne soulève pas, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d'irrecevabilité tirée de la forclusion découlant de la tardiveté du recours ne dispense pas le Tribunal de vérifier si lesdits délais ont été respectés (arrêt du Tribunal du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T-35/96, RecFP p. I-A-61 et II-187, points 29 et 30).

29.
    Cette solution, dégagée par la jurisprudence en ce qui concerne la recevabilité d'un recours, doit être étendue à la question de la recevabilité d'un moyen. En effet, le principe qui sous-tend le régime de la recevabilité d'un recours et, en particulier, celui relatif aux délais de recours, à savoir le principe de sécurité juridique, justifie également l'application d'une solution analogue en ce qui concerne la recevabilité d'un moyen (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 66).

30.
    Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours en annulation les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement les intérêts du requérant en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci (ordonnance du Tribunal du 2 février 2001, Vakalopoulou/Commission, T-97/00, RecFP p. I-A-23 et II-91, point 13 et la jurisprudence citée).

31.
    À cet égard, il convient de constater que, par le premier moyen, le requérant vise, en substance, à contester sa qualification de consultant à la date du 1er février 1997, date à laquelle il est exigé par l'avis de concours que le candidat appartienne au personnel statutaire. En effet, il considère que les contrats conclus avec la Commission, depuis le 7 décembre 1995 et jusqu'à la conclusion de son contrat d'agent temporaire le 16 janvier 2000, doivent être considérés comme des contrats d'agent temporaire eu égard à la nature des tâches confiées et aux circonstances dans lesquelles il les a exécutées.

32.
    Or, la qualification litigieuse a été expressément entendue dans chaque contrat d'entreprise, et, notamment, dans les contrats d'entreprise signés le 27 novembre 1996, en vigueur le 1er février 1997, et le 31 décembre 1998, en vigueur au moment du dépôt de sa candidature au concours litigieux. Aucune modification n'ayant été apportée à ces qualifications à l'époque, il y a lieu de considérer les contrats d'entreprise signés le 27 novembre 1996 et le 31 décembre 1998 comme des actes faisant grief en ce qui concerne la qualification du requérant au 1er février 1997 et au moment du dépôt de sa candidature au concours litigieux (arrêt de la Cour du 9 juillet 1987, Castagnoli/Commission, 329/85, Rec. p. 3281, points 10 et 11; ordonnances de la Cour du 23 mars 1988, Giubilini/Commission, 289/87, Rec. p. 1735, point 9, et du 4 mai 1988, Contini/Commission, 95/87, Rec. p. 2537, point 8).

33.
    Le requérant n'a pas attaqué lesdits contrats dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut.

34.
    En réponse aux questions du Tribunal relatives à la recevabilité de son premier moyen, le requérant a souligné qu'il n'a pas pu attaquer les contrats d'emploi à l'époque où il les a signés pour plusieurs motifs. Il affirme qu'il cherche seulement à être assimilé à un agent temporaire dans le but de satisfaire à l'une des conditions d'admission du concours litigieux.

35.
    À cet égard, il y a lieu de noter qu'un acte faisant grief ne peut être contesté même partiellement après l'écoulement des délais de recours. Si un tel acte n'a pas été attaqué dans les délais prévus à cette fin, il ne saurait être admis que la personne concernée puisse contourner ces délais en invoquant, dans le cadre d'une autre procédure judiciaire, un moyen susceptible d'aboutir, en substance, au même résultat qu'un recours en annulation dirigé contre l'acte faisant grief.

36.
    En ce qui concerne son affirmation selon laquelle il n'a pas eu de preuve que sa situation correspondait à celle d'un agent temporaire avant d'être engagé comme agent temporaire par la Commission, il y a lieu de remarquer que les délais de recours, d'ordre public, ne peuvent faire l'objet de dérogations qu'à titre d'exception, en raison de la survenance d'un fait nouveau substantiel. Même la découverte ultérieure, par un requérant, d'un moyen ou d'un élément préexistant ne saurait, en principe, sous peine de porter atteinte au principe de sécurité juridique, être assimilée à un fait nouveau susceptible de justifier une réouverturedes délais de recours (voir ordonnance du Tribunal du 26 novembre 1999, Giegerich/Commission, T-253/97, RecFP p. I-A-233 et II-1177, points 27 et 28 et la jurisprudence citée).

37.
    Il convient donc d'examiner si les circonstances invoquées par le requérant peuvent être considérées comme des faits nouveaux substantiels susceptibles d'être invoqués après l'expiration du délai prévu pour introduire une réclamation.

38.
    Le fait invoqué par le requérant, à savoir la pleine appréhension de l'identité de ses tâches de consultant avec celles confiées à un agent temporaire au bénéfice de l'exécution de son contrat d'agent temporaire conclu le 16 janvier 2000, ne peut être considéré comme un fait nouveau substantiel. En effet, le caractère prétendument identique desdites tâches pouvait sans difficulté être connu du requérant bien avant le début de l'exécution de son contrat d'agent temporaire. Ayant travaillé auprès de la Commission depuis décembre 1995, le requérant a pu avoir connaissance de la nature des tâches d'un agent temporaire. En outre, il avait parfaitement connaissance de la nature de ses tâches en tant que consultant depuis la signature de son contrat d'entreprise, ces dernières ayant été précisées dans ledit contrat. Il aurait donc pu s'interroger sur le bien-fondé de sa qualification en tant que consultant dès la signature de son premier contrat d'entreprise.

39.
    En ce qui concerne l'affirmation du requérant selon laquelle la précarité de sa situation de consultant l'empêchait d'attaquer les contrats d'emploi, il y a lieu de mettre en balance, d'une part, le droit du justiciable à une protection juridictionnelle effective, qui compte parmi les principes généraux du droit communautaire, et, d'autre part, l'exigence de la sécurité juridique qui veut que, après l'écoulement d'un certain délai, les actes pris par les instances communautaires deviennent définitifs (arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Dunnett e.a./BEI, T-192/99, RecFP p. I-A-65 et II-313, point 52 et la jurisprudence citée).

40.
    Force est de constater que la décision du requérant de ne pas introduire à l'époque une réclamation contre sa qualification professionnelle s'est fondée sur un choix libre de son part (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Sergio/Commission, T-185/95, RecFP p. I-A-419 et II-1215, point 39). Le fait d'accepter que les contrats d'emploi soient attaquables aussi longtemps que la situation prétendument précaire perdure porterait atteinte à la sécurité juridique dans une situation où la protection juridictionnelle effective d'un individu est assurée par la possibilité d'attaquer l'acte faisant grief dans les délais de recours.

41.
    Enfin, en ce qui concerne l'affirmation du requérant selon laquelle il n'avait pas d'intérêt à agir, dans le sens d'une contestation de sa qualification en tant que consultant, avant la publication de l'avis de concours, il y a lieu de constater que le respect des délais prévus par les articles 90 et 91 du statut ne saurait dépendre de l'intérêt individuel du requérant à contester la régularité de sa situation.

42.
    Le requérant n'ayant pas mis en cause, dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut, la qualification résultant de ces contrats d'emploi, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme irrecevable.

Sur le second moyen, tiré d'une illégalité de la condition d'admission figurant au point II, sous b), de l'avis de concours

Arguments des parties

43.
    Le requérant affirme que l'expression «concours internes à l'institution» de l'article 29 du statut, prise à la lettre, concerne toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci, à quelque titre que ce soit, cette interprétation trouvant confirmation dans le but assigné à la procédure de recrutement par ledit article. Au soutien de cette affirmation, le requérant fait référence principalement à l'arrêt du Tribunal du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission (T-294/97, RecFP p. I-A-601 et II-1819).

44.
    En outre, il considère qu'il est contraire à l'intérêt du service que les personnes qui ont été au service de la Commission dans le cadre de relations contractuelles successives et diverses se voient refuser l'admission aux épreuves du concours selon la qualification donnée arbitrairement par la Commission à leur contrat.

45.
    La condition posée par le point II, sous b), de l'avis de concours méconnaîtrait la portée de l'article 27 du statut en éliminant des catégories de candidats potentiels dont certains possèdent des qualités équivalentes, voire supérieures, à celles des candidats admis au concours.

46.
    Le requérant considère par ailleurs que la date de référence du 1er février 1997 fixée par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») dans l'avis de concours a pour effet d'éliminer de manière arbitraire une catégorie de personnes en violation de l'article 27 du statut dans la mesure où, en accord avec la politique du personnel actuellement en vigueur, aucun agent ne pourrait demeurer au service de la Commission pour une période excédant trois ans.

47.
    La défenderesse rappelle que l'AIPN dispose d'une large marge d'appréciation en matière d'organisation des concours et, notamment, en ce qui concerne la détermination des conditions d'admission à ceux-ci.

48.
    Selon elle, l'avis de concours est parfaitement légal et justifié par l'intérêt du service. D'une part, un concours interne ne pourrait être, conformément au statut, que réservé au personnel statutaire de l'institution. D'autre part, une certaine ancienneté de service devrait être exigée pour participer à un tel concours.

49.
    La défenderesse estime que, selon l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, l'organisation de concours internes ne peut pas concerner des personnes ayant conclu de simples contrats d'entreprise avec l'institution. Les fonctions attribuées au personnel contractuel ne correspondraient pas à celles attribuées au personnel statutaire au sens large.

50.
    Elle soutient que la jurisprudence a reconnu que l'intérêt du service est manifestement d'ouvrir la possibilité de titulariser les agents temporaires d'une institution par la voie d'un concours interne et que cet intérêt était parfaitement légitime. En ce qui concerne la condition tenant à une certaine ancienneté de service, elle constituerait un moyen approprié pour garantir l'intérêt du service. En outre, cette condition aurait également été reconnue légitime par la jurisprudence.

Appréciation du Tribunal

51.
    Il convient d'abord de rappeler que le statut confère un large pouvoir d'appréciation aux institutions en matière d'organisation de concours (arrêts du Tribunal du 8 novembre 1990, Bataille e.a./Parlement, T-56/89, Rec. p. II-597, point 42, du 6 mars 1997, de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, T-40/96 et T-55/96, RecFP p. I-A-47 et II-135, point 39, Carrasco Benítez/Commission, précité, point 41, et du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T-214/99, RecFP p. I-A-257 et II-1169, point 52). Un tel pouvoir peut s'exercer notamment lorsque, conformément à l'article 1er de l'annexe III du statut, qui régit la procédure relative aux concours internes à une institution visés à l'article 29, paragraphe 1, sous b), dudit statut, l'AIPN arrête l'avis de concours et précise, notamment, les conditions d'admission au concours (voir arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, précité, point 52, et la jurisprudence citée).

52.
    Toutefois, comme le Tribunal l'a souligné dans l'arrêt susvisé, l'exercice du pouvoir d'appréciation qui appartient aux institutions en matière d'organisation de concours, en particulier en ce qui concerne la fixation des conditions d'admission, doit être compatible avec les dispositions impératives des articles 27, premier alinéa, et 29, paragraphe 1, du statut. Selon le Tribunal, c'est de manière impérative que l'article 27, premier alinéa, du statut définit le but de tout recrutement et que l'article 29, paragraphe 1, du statut fixe le cadre des procédures à suivre en vue de pourvoir aux vacances d'emploi (arrêt de Kerros et Kohn-Bergé/Commission, précité, point 40). En conséquence, ce pouvoir doit toujours être exercé en fonction des exigences liées aux emplois à pourvoir et, plus généralement, de l'intérêt du service (arrêt du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, précité, point 53).

53.
    Il convient donc de vérifier si la Commission a correctement appliqué les articles 27 et 29 du statut en excluant le personnel non statutaire du concours litigieux.

54.
    À cet égard, il y a lieu de remarquer que, dans les dispositions d'ensemble régissant les relations entre les services de la Commission et certaines catégories de personnel du 18 octobre 1994 (ci-après le «code de bonne conduite»), le personnel non statutaire est ainsi défini:

«Toute personne apportant son concours à la Commission moyennant rémunération, remboursement de frais ou facturation de services prestés et qui n'est pas soumise au statut ou au [RAA]. Cela vise notamment:

-    les consultants,

-    les chargés d'études,

-    les personnels de sociétés prestataires de services,

-    les personnels free-lance (y compris les interprètes),

-    les intérimaires et hôtesses,

-    les correspondants d'information et pigistes,

-    les visiteurs scientifiques,

-    les médecins, les assistant(e)s sociaux(ales), les puériculteurs(trices), les jardiniers(ères) d'enfants, les personnels de restaurant, les professeurs de langues,

-    toute autre personne faisant l'objet d'un contrat d'entreprise.»

55.
    La condition d'admission litigieuse exige que les candidats appartiennent au personnel statutaire de la Commission, avec une entrée en service au plus tard le 1er février 1997. Selon le requérant, l'expression «concours internes à l'institution» de l'article 29 du statut, prise à la lettre, concerne toutes les personnes se trouvant au service de celle-ci, à quelque titre que ce soit, cette interprétation trouvant confirmation dans le but assigné à la procédure de recrutement par l'article 27 du statut.

56.
    Cette interprétation ne saurait être retenue. À cet égard, il y a lieu d'observer que l'organisation d'un concours interne, prévue par l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, est mentionnée au titre des possibilités de recrutement, entre la promotion ou la mutation [prévue par l'article 29, paragraphe 1, sous a), du statut]et le transfert [prévu par l'article 29, paragraphe 1, sous c), du statut]. Or, tant la promotion, la mutation que le transfert sont des mesures qui concernent le personnel soumis au statut. Dès lors, le critère déterminant pour interpréter la notion de personnel interne, qui conditionne la participation à un concours interne, n'est pas la situation particulière dans laquelle les candidats se trouvent, mais le lien existant entre les personnes concernées et l'institution. Ce lien doit être de droit public afin que soit remplie la condition d'admission à un concours qui impose aux candidats de faire partie du personnel interne de l'institution (voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Gand sous l'arrêt de la Cour du 31 mars 1965, Rauch/Commission, 16/64, Rec. p. 179, 196, 198 et 199). Il ne saurait être considéré comme conforme à la systématique du statut que la mention «interne» dans le statut concerne d'autres personnes que celles ayant une position statutaire.

57.
    À cet égard, il y a lieu de remarquer qu'il est stipulé à l'article 1er des conditions générales applicables aux contrats d'entreprise de la Commission que le contractant ou son personnel ne peuvent être intégrés au sein de l'organisation administrative de la Commission.

58.
    Il serait erroné de considérer le requérant comme faisant partie du personnel interne de l'institution pour les seuls motifs que le code de bonne conduite le désigne comme faisant partie du personnel non statutaire et que ses conditions de travail sont semblables à celles du personnel statutaire. Une telle approche conduirait au résultat suivant: tout le personnel mentionné au code de bonne conduite comme personnel non statutaire, à savoir toute personne prêtant son concours dans le cadre d'une relation de droit privé, devrait être admis aux concours internes ou la décision d'admission au concours devrait être prise en tenant compte des conditions de travail de la personne concernée.

59.
    Par ailleurs, les dispositions du statut et du RAA comportent une terminologie précise dont l'extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (arrêt de la Cour du 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23).

60.
    La conclusion selon laquelle, afin de déterminer les personnes pouvant participer aux concours internes, la notion de personnel interne de l'institution coïncide avec celle de personnel statutaire ne saurait être infirmée par l'affirmation du requérant suivant laquelle la condition d'admission litigieuse méconnaît la portée de l'article 27 du statut en écartant des concours internes des catégories de candidats potentiels dont certains possèdent des qualités équivalentes, voire supérieures, à celles des candidats admis au concours. À cet égard, il y a lieu de constater que, si le seul but des concours était d'assurer la participation la plus étendue possible de candidats, un concours interne serait, par définition, toujours illégal par rapport à l'article 27 du statut.

61.
    Dès lors, il y a lieu de conclure que la condition tenant à la qualité de membre du personnel statutaire est justifiée par rapport à l'article 29 du statut et à la systématique de ce dernier ainsi que par rapport à l'intérêt du service. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'intérêt du service ne se confond pas avec l'intérêt des candidats potentiels à un concours interne d'une institution, candidats dont cette institution aurait préalablement déterminé les caractéristiques (arrêt du 12 novembre 1998, Carrasco Benítez/Commission, précité, point 48).

62.
    La jurisprudence invoquée par le requérant dans ses écrits n'infirme pas la conclusion qui précède. En effet, dans toutes les affaires ayant donné lieu à cette jurisprudence, il s'agissait de requérants liés à une institution par un lien de droit public, à savoir un lien statutaire.

63.
    En conséquence, il y a lieu de considérer que l'article 29, paragraphe 1, sous b), du statut, qui se réfère aux concours «internes à l'institution», ne concerne que le personnel lié à l'institution par un lien de droit public. Ainsi, la Commission a pu légitimement imposer comme condition d'admission à un concours interne celle de l'appartenance au personnel statutaire. Étant donné que le requérant ne faisait pas partie du personnel statutaire au moment du dépôt de sa candidature au concours litigieux, la Commission n'a pas commis d'erreur de droit en l'écartant dudit concours. Ainsi, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments du requérant relatifs à la question de l'ancienneté requise par l'avis de concours.

64.
    Il s'ensuit que le second moyen doit être rejeté comme non fondé.

65.
    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours en sa totalité.

Sur les dépens

66.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Mengozzi
Tiili
Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: le français.