Language of document : ECLI:EU:T:2001:267

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

15 novembre 2001 (1)

«Fonctionnaires - Promotion - Rapport de notation - Absence - Examen comparatif des mérites»

Dans l'affaire T-194/99,

Cristiano Sebastiani, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes J.-N. Louis, G.-F. Parmentier et V. Peere, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, assistée de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation de la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 6, lors de l'exercice de promotion 1998,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: M. P. Mengozzi,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 mars 2001,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    M. Sebastiani (ci-après le «requérant») est entré au service de la Commission, en tant qu'agent auxiliaire, le 1er septembre 1993. Avec effet au 1er février 1994, il a été nommé fonctionnaire stagiaire de grade A 8, échelon 2, et affecté à l'unité «Information et communication» de la direction générale «Science, recherche et développement» (DG XII), emploi dans lequel il a été titularisé au 1er novembre 1994.

2.
    Il a été promu au grade A 7, échelon 1, par décision du 22 juin 1995, prenant effet le 1er mai 1995.

3.
    Le 26 septembre 1995, M. Tanzilli, directeur de la direction AG «Affaires générales et administratives» à la DG XII, a adressé à M. Edsberg, président de la Commission consultative des achats et des marchés (ci-après la «CCAM»), un courrier dans lequel il désignait le requérant en tant que correspondant titulaire de la CCAM pour la DG XII. Conformément à la décision de la Commission du 21 juin 1995, relative à l'amélioration de la gestion financière, les correspondants de la CCAM sont désignés par chaque direction générale et service dans le but d'assurer la coordination de la préparation et de l'exécution des procédures d'appel à la concurrence, de veiller au respect des procédures applicables aux marchés publics, de contrôler le contenu des rapports soumis à la CCAM et d'accompagnersystématiquement les représentants des unités techniques lors des réunions de la CCAM.

4.
    Par décision du 16 décembre 1996, prenant effet le 16 juillet 1996, le requérant a été affecté à la direction AG de la DG XII.

5.
    Par note du 27 juillet 1996, M. Liberali, directeur de la direction AG, a communiqué aux directeurs de la DG XII les modifications intervenues dans l'attribution des compétences au sein de sa direction à la suite d'une réorganisation. Dans cette note, il est indiqué: «[...] les tâches jusqu'à présent effectuées par l'unité AG-04 concernant les marchés publics seront dorénavant de la responsabilité de mon conseiller.» À la suite de cette communication, M. Stavaux, conseiller de M. Liberali, a adressé aux «correspondants marchés publics des directions» une note, en date du 16 septembre 1996, dans laquelle il définissait les nouvelles compétences relatives au traitement des dossiers «marchés publics».

6.
    Par diverses notes adressées à M. Stavaux et portées à la connaissance de M. Liberali et de M. Tent, directeur général adjoint de la DG XII, le requérant a attiré l'attention de ses supérieurs sur sa situation administrative, en se plaignant notamment du fait qu'aucun dossier de la DG XII soumis à la CCAM ne lui avait été transmis depuis fin 1996 et que, de ce fait, il n'avait plus été associé à l'organisation et à la vérification des procédures dont il restait officiellement responsable en tant que correspondant titulaire de la CCAM pour la DG XII.

7.
    Le 25 septembre 1996, M. Stavaux a adressé au requérant une note contenant en annexe une liste des «travaux prioritaires dans le domaine des marchés publics» dont ce dernier était chargé «en tant que membre le plus expérimenté de la cellule marchés publics». Dans ces domaines, M. Stavaux demandait au requérant de lui exposer par écrit la méthode qu'il se proposait de suivre. Cette liste indiquait, en ce qui concerne le requérant, les tâches suivantes:

«-    questions de principe relatives aux marchés publics, et en particulier exécution des travaux urgents suivants:

    -    manuel des procédures [...];

    -    étude des caractéristiques des mesures d'accompagnement de la Recherche par rapport à la problématique des marchés publics [...];

    -    finalisation de la base VIDOC [...];

    -    toutes questions relatives à info-droit;

    -    proposition et mise à jour de plans de formation des gestionnaires [...].

-    chef de file pour l'examen des dossiers des directions E, F, et Fusion (avec P. De Keyser, en fonction des disponibilités)».

8.
    En réponse à la note de M. Stavaux, le requérant lui a adressé, en date du 8 octobre 1996, une note dans laquelle il exposait la méthode qu'il se proposait de suivre dans l'accomplissement des différentes tâches qui lui avaient été confiées. N'ayant eu aucune réponse et en l'absence d'instructions de la part de M. Stavaux, le requérant estime ne pas avoir été en mesure d'accomplir les tâches que ce dernier lui avait confiées.

Procédure de notation du requérant

9.
    Le 26 juin 1998, M. Liberali a transmis au requérant le projet de son rapport de notation pour la période allant du 1er juillet 1995 au 30 juin 1997. Au point 3, sous b), de ce projet, précisant les tâches du requérant, il était indiqué:

«-    Marchés publics (questions de principe, analyse des marchés conclus par la DG XII en 1996 et 1997);

-    Activité de formation (élaboration d'un plan de formation, préparation des dossiers d'information, organisation des sessions de formation, interventions dans les sessions de formation);

-    Correspondant officiel de la CCAM (préparation des dossiers à présenter à la CCAM, participation à des sessions de haut niveau de la CCAM)».

10.
    Après réception de ce rapport, le requérant en a dénoncé l'irrégularité, faisant valoir que son notateur avait apprécié ses mérites dans l'accomplissement des tâches à la CCAM qu'il n'avait plus accomplies depuis la fin de 1996. Dans ces circonstances, il a invité son notateur à procéder à une vérification de sa situation. Ce dernier ayant décidé de maintenir sans modification le rapport de notation, le requérant a demandé, en date du 21 septembre 1998, la saisine de son notateur d'appel.

11.
    Par note du 20 novembre 1998, M. Routti, directeur général de la DG XII, en sa qualité de notateur d'appel, a informé le requérant de sa décision de modifier le point 3, sous b), de son rapport de notation, concernant la description des tâches. Pour le reste, le rapport de notation a été maintenu. À la suite de ladite modification, les tâches du requérant ont été décrites comme suit:

«-    Marchés publics (questions de principe, analyse des marchés conclus par la DG XII en 1996 et 1997);

-    Activité de formation (élaboration d'un plan de formation, préparation des dossiers d'information, organisation des sessions de formation, interventions dans les sessions de formation);

-    Correspondant officiel de la CCAM de septembre 1995 à fin septembre 1996 (préparation des dossiers à présenter à la CCAM, participation à des sessions de haut niveau de la CCAM);

-    À partir de la fin du mois de septembre 1996, toujours dans le secteur des marchés publics:

    -    chef de file pour les marchés publics des directions E, F et Fusion;

    -    formation des administrateurs;

    -    finalisation du système informatique VIDOC;

    -    création d'un manuel de procédure;

    -    examen des caractéristiques des mesures d'accompagnement des programmes spécifiques par rapport à la problématique des marchés publics».

12.
    Estimant n'avoir jamais exercé aucune des nouvelles tâches indiquées par le notateur d'appel, le requérant a saisi le comité paritaire de notation.

13.
    Par note du 13 décembre 1999, le notateur d'appel du requérant l'a informé du fait que sa demande de saisine du comité paritaire de notation avait été égarée.

14.
    Ledit comité a rendu son avis le 9 février 2001.

Procédure de promotion

15.
    Dans le cadre de l'exercice de promotion 1998 du grade A 7 vers le grade A 6, le 15 mai 1998, la Commission a publié la liste des fonctionnaires proposés par leur direction générale. Ces propositions comprenaient pour la DG XII quatre fonctionnaires. Le nom du requérant n'y figurait pas.

16.
    En contestant cette liste, le requérant a introduit, le 10 juin 1998, un recours gracieux auprès du président du comité de promotion pour la catégorie A (ci-après le «comité de promotion»), M. Trojan, en se plaignant notamment de l'absence de tout rapport de notation dans son dossier personnel au moment de l'établissement des propositions de promotion de la DG XII.

17.
    Lors de sa réunion plénière du 17 juillet 1998, le comité de promotion a décidé d'étudier le cas du requérant lors d'une réunion ultérieure, en «session restreinte», qui devait être convoquée à l'automne suivant. Le compte rendu de cette réunion plénière a été rectifié à la suite d'une note que M. Iannello, membre du comité depromotion, avait adressée en date du 30 septembre 1998 à M. Benedetti, secrétaire dudit comité, afin de rappeler les commentaires qu'il avait formulés au sujet de la situation du requérant et de faire ajouter la déclaration suivante:

«[...] il conviendra d'analyser le problème de l'absence de toute notation concernant M. Sebastiani à la lumière de sa condition administrative en tant que correspondant de la CCAM pour la DG XII pendant la période qui précède l'exercice de promotion [...]. Le cas échéant, le Comité de promotion devra être en mesure de proposer M. Sebastiani pour une promotion encore pour l'exercice en cours et saisir un groupe paritaire d'une enquête.»

18.
    Le 10 août 1998, la Commission a publié la liste des fonctionnaires les plus méritants pour obtenir une promotion au grade A 6 au titre de l'exercice 1998. Dans cette liste apparaissaient les quatres fonctionnaires proposés par la DG XII.

19.
    Le 30 octobre 1998, la Commission a publié la liste des fonctionnaires de grade A 7 promus par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») au grade A 6. Dans celle-ci se trouvaient les deux premiers fonctionnaires proposés par la DG XII.

20.
    Le 26 novembre 1998, le comité de promotion s'est réuni en session extraordinaire pour examiner, notamment, les mérites du requérant dans le cadre de l'exercice de promotion 1998. Ledit comité a procédé à une comparaison des mérites du requérant avec ceux des fonctionnaires de la DG XII proposés à la promotion et a décidé que son recours gracieux était justifié. Il a décidé, par conséquent, d'ajouter le nom du requérant à la liste des propositions de la DG XII en dernière et cinquième position et d'attirer l'attention de l'AIPN spécialement sur son cas lors de l'établissement de la liste de promotion pour l'exercice 1999.

21.
    Le 28 juillet 1999, dans le cadre de l'exercice de promotion 1999, le requérant a été promu en grade A 6 avec effet au 1er janvier 1999.

22.
    Par note du 10 novembre 1998, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut») contre les décisions de la Commission de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants et de ne pas le promouvoir au grade A 6 pour l'exercice de promotion 1998.

23.
    Par décision du 20 mai 1999, l'AIPN a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant. Le requérant a accusé réception de cette décision le 28 mai 1999.

Procédure et conclusions des parties

24.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 1999, le requérant a introduit le présent recours.

25.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51 du règlement de procédure, la quatrième chambre du Tribunal a attribué l'affaire à M. Mengozzi siègeant en qualité de juge unique.

26.
    La procédure écrite a été close le 23 février 2000.

27.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience du 12 mars 2001.

28.
    Par lettre du 9 avril 2001, le requérant a fait parvenir au Tribunal une copie de son rapport de notation définitif pour la période 1995-1997 qui lui a été communiqué le 28 mars 2001. La défenderesse a été invitée à présenter ses observations sur ladite lettre.

29.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission de ne pas le promouvoir au grade A 6 pour l'exercice de promotion 1998;

-    pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade A 6 pour l'exercice 1998;

-    condamner la partie défenderesse aux dépens.

30.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

31.
    À l'appui de sa demande en annulation, le requérant invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des articles 26, 43 et 45 du statut et des principes d'égalité de traitement et de bonne administration, le deuxième moyen de la violation du principe de la vocation à la carrière et le troisième moyen de la violation de l'obligation de motivation prévue par l'article 25 du statut.

Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 26, 43 et 45 du statut et des principes d'égalité de traitement et de bonne administration

Arguments des parties

32.
    Le requérant soutient que la procédure de promotion litigieuse est entachée d'irrégularités substantielles dans la mesure où les garanties conférées par les articles 26, 43 et 45 du statut n'ont pas été respectées.

33.
    Le requérant souligne que, au moment de l'appréciation comparative des mérites des candidats à la promotion, son dossier personnel ne contenait aucun rapport sur ses compétences, son rendement et sa conduite dans le service. En particulier, lors de la réunion du comité de promotion du 26 novembre 1998, au cours de laquelle le cas du requérant a été examiné, ledit comité aurait uniquement disposé du premier projet de son rapport de notation, du 26 juin 1998, et du deuxième projet de son rapport de notation, du 20 novembre 1998. À cet égard, le requérant précise que le rapport établi par le premier notateur ne visait que les tâches qu'il avait accomplies en tant que correspondant de la CCAM pour la DG XII. Or, s'agissant de fonctions qu'il n'avait plus exercées depuis le 1er septembre 1996, les membres dudit comité ne disposaient, selon le requérant, d'aucun élément ou information sur ses mérites depuis cette date, d'autant plus que le rapport établi par le notateur d'appel le 20 novembre 1998 visait des tâches qu'il n'avait jamais accomplies. Les informations contenues dans les deux projets de son rapport de notation étant inexactes, le requérant en conclut que le comité de promotion n'a pas disposé d'éléments lui permettant de procéder à une comparaison effective de ses mérites avec ceux des autres fonctionnaires promouvables.

34.
    L'examen des mérites du requérant n'ayant pu être conduit sur une base égalitaire, et à partir de sources d'informations et de renseignements comparables, l'AIPN aurait également violé le principe d'égalité de traitement et de non-discrimination.

35.
    La défenderesse fait valoir que, lors de l'examen du recours gracieux du requérant, le 26 novembre 1998, le comité de promotion disposait à la fois du premier projet de rapport de notation et du rapport établi sur appel. Elle relève que la circonstance que le rapport a été établi avec un certain retard n'affecte en rien sa validité.

36.
    En tout état de cause, elle rappelle que, selon l'arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission (C-68/91 P, Rec. p. 6849), on ne peut exiger du comité de promotion, ni de l'AIPN, de retarder la décision sur les promotions pour le simple motif que le rapport de notation d'un des candidats à la promotion fait l'objet de recours.

37.
    Par ailleurs, la défenderesse soutient que l'AIPN n'est pas tenue de se baser uniquement sur les rapports de notation mais peut également fonder son appréciation sur d'autres aspects des mérites des candidats, tels que des informations sur sa condition administrative ou personnelle.

38.
    Or, dans le cas d'espèce, le comité de promotion, lors de sa réunion du 26 novembre 1998, aurait disposé non seulement du projet de rapport de notation tel que modifié par le notateur d'appel mais également du dossier personnel durequérant ainsi que d'une série de documents relatifs à sa condition administrative et personnelle. Le comité de promotion aurait notamment disposé de la documentation suivante:

-    la note de recours gracieux adressée par le requérant le 10 juin 1998 à M. Trojan contre la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la DG XII;

-     la réponse à cette note de M. Trojan du 8 octobre 1998 informant le requérant qu'une réunion le concernant était prévue;

-    la note du 30 septembre 1998 de M. Iannello adressée à M. Benedetti visant à la rectification du procès-verbal de la réunion du comité de promotion du 17 juillet 1998;

-    la note adressée par M. Benedetti aux membres du comité de promotion communiquant la rectification du procès-verbal;

-    un tableau de comparaison des fonctionnaires promouvables;

-    le compte rendu de la réunion du 17 juillet 1998;

-    la liste récapitulative des «états-promotion 1998 vers A 6», à savoir la liste des fonctionnaires promus, la liste des fonctionnaires les plus méritants et la liste des fonctionnaires proposés par les directions générales;

-    les dossiers personnels des fonctionnaires proposés à la promotion pour l'année 1998.

39.
    S'agissant de la validité du rapport de notation du requérant, la défenderesse relève que la circonstance que le premier projet de rapport se réfère erronément à des fonctions à la CCAM qui n'étaient plus exercées par le requérant est sans pertinence puisque ce descriptif a fait l'objet d'une correction avant la réunion du comité de promotion du 26 novembre 1998.

40.
    Par ailleurs, la défenderesse affirme que le fait que le descriptif des fonctions ait été modifié par rapport au descriptif d'origine ne prive pas les autres parties du rapport, et notamment celle relative à l'appréciation des mérites, de leur validité. En effet, une telle appréciation, qui concerne, de manière générale, la compétence, le rendement et la conduite dans le service du requérant ainsi que son attitude, sa mobilité et sa formation, ne pourrait pas changer radicalement en fonction de l'une ou de l'autre précision quant aux types de tâches accomplies par lui. Ces appréciations ne seraient pas intimement liées à une fonction ou à une autre de sorte qu'une modification du descriptif des fonctions n'affecterait en rien l'appréciation qui a été faite des mérites du requérant.

Appréciation du Tribunal

41.
    L'article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose que la promotion «se fait exclusivement au choix [...] après examen des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l'objet».

42.
    Les rapports visés à l'article 45, précité, sont ceux mentionnés à l'article 43 du statut (arrêt de la Cour du 19 mars 1964, Raponi/Commission, 27/63, Rec. p. 247, 265, et arrêt du Tribunal du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T-202/99, RecFP p. I-A-201 et II-911, point 37).

43.
    Selon une jurisprudence constante le rapport de notation constitue un élément d'appréciation indispensable chaque fois que la carrière d'un fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique et une procédure de promotion est entachée d'irrégularité lorsque l'AIPN n'a pas pu procéder à un examen comparatif des mérites des candidats du fait de l'établissement tardif d'un ou de plusieurs rapports de notation (voir, notamment, arrêts de la Cour du 10 juin 1987, Vincent/Parlement, 7/86, Rec. p. 2473, point 16, et Moritz/Commission, précité, point 16; arrêt du Tribunal du 19 septembre 1996, Allo/Commission, T-386/94, RecFP p. I-A-393 et II-1161, point 38).

44.
    Toutefois cette jurisprudence n'implique pas que tous les candidats doivent se trouver, au moment de la décision de promotion, exactement au même stade en ce qui concerne l'état de leurs rapports de notation, ni que l'AIPN ait l'obligation de reporter sa décision si le rapport le plus récent de l'un ou de l'autre des candidats n'est pas encore définitif par suite de la saisine du notateur d'appel ou du comité paritaire de notation (arrêt de la Cour du 27 janvier 1983, List/Commission, 263/81, Rec. p. 103, points 25 à 27; arrêts Moritz/Commission, précité, points 16 à 18, et Rappe/Commission, précité, point 39).

45.
    Il ressort de cette jurisprudence qu'il est en principe admissible que l'AIPN procède à l'examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables alors qu'elle ne dispose pas du rapport de notation le plus récent d'un des candidats et que cette seule circonstance ne constitue pas en soi une irrégularité de la procédure de promotion (arrêt Rappe/Commission, précité, point 44).

46.
    En revanche, cette démarche donne lieu à une irrégularité lorsque l'absence d'un rapport de notation définitif n'est pas due au déroulement normal de la procédure de notation mais à un retard substantiel de celle-ci imputable uniquement à l'administration (arrêt Rappe/Commission, précité, point 45).

47.
    C'est à la lumière des principes susvisés qu'il y a lieu d'analyser si la procédure de promotion litigieuse est entachée d'irrégularité à l'égard du requérant.

48.
    À cet égard, il convient de relever qu'il est constant entre les parties que, à la date de la réunion extraordinaire du comité de promotion du 26 novembre 1998, aucours de laquelle le cas du requérant a été examiné, le rapport de notation de ce dernier n'était pas définitif. Le comité de promotion disposait ainsi uniquement du premier projet de rapport de notation pour la période 1995-1997 et de la version de ce projet modifiée par le notateur d'appel mais non d'un rapport de notation définitif.

49.
    Il est donc nécessaire d'établir si l'absence dans le dossier personnel du requérant d'un rapport de notation définitif est due au déroulement normal de la procédure de notation ou bien procède d'un retard substantiel imputable à l'administration.

50.
    À cet égard, il y a lieu de relever que conformément au calendrier défini par le guide de la notation applicable à l'époque des faits au sein de la Commission, l'arrêt définitif de la notation par le notateur d'appel devait intervenir, pour la période 1995-1997, avant le 31 décembre 1997. Or, le premier projet de rapport de notation a été transmis au requérant le 26 juin 1998. Ce projet de rapport a été ensuite modifié le 20 novembre 1998 par le notateur d'appel. N'étant pas satisfait de ces modifications, le requérant a saisi le comité paritaire de notation et, le 13 décembre 1999, il a été informé de ce que sa demande de saisine dudit comité avait été égarée. Le comité paritaire de notation a rendu son avis le 9 février 2001 et la version définitive du rapport de notation a été communiquée au requérant le 28 mars 2001.

51.
    Dans ces circonstances, il doit être considéré que l'absence dans le dossier personnel du requérant d'un rapport de notation définitif au moment de l'examen comparatif des mérites n'est pas due au déroulement normal de la procédure de notation mais doit être imputée à un retard substantiel de l'administration. Ce retard est d'autant plus regrettable que, depuis son entrée en fonction, en février 1994, le requérant n'a fait l'objet, jusqu'au 28 mars 2001, d'aucun rapport de notation définitif à l'exception du rapport de fin de stage.

52.
    La procédure de promotion litigieuse est, par conséquent, entachée d'une irrégularité en ce qui concerne le requérant.

53.
    Il y a lieu de vérifier, à ce stade, s'il existe des circonstances empêchant que cette irrégularité soit sanctionnée.

54.
    Il ressort de la jurisprudence en la matière que l'irrégularité découlant de l'absence du rapport de notation d'un des candidats lors de l'examen comparatif des mérites, ne donne pas lieu à sanction dans deux hypothèses. D'une part, dans des circonstances exceptionnelles, l'absence de rapport de notation peut être compensée par l'existence d'autres informations sur les mérites du fonctionnaire (arrêt de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 22; arrêts Moritz/Commission, précité, point 18, et Rappe/Commission, précité, point 40). D'autre part, il ne suffit pas, pour annuler les promotions, que le dossier personnel d'un candidat soit irrégulier et incomplet,encore faut-il qu'il soit établi que cette circonstance ait pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion (arrêts Vincent/Parlement, précité, point 17; Gratreau/Commission, précité, point 24; List/Commission, précité, point 27; Rappe/Commission, précité, point 40).

55.
    Il convient, en premier lieu, de vérifier si, dans le cas d'espèce, d'autres éléments d'informations ont pu compenser l'absence du rapport de notation définitif du requérant.

56.
    Toutefois, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, la possibilité de se référer à ces éléments suppose l'existence de circonstances exceptionnelles. Or, dans le cas d'espèce, la Commission n'a pas établi l'existence de telles circonstances ni même fait mention de celles-ci. Pour justifier le recours à des sources alternatives d'information, elle s'est limitée à faire valoir que, selon une jurisprudence constante, l'AIPN ne serait pas tenue de se baser uniquement sur les rapports de notation mais pourrait également fonder son appréciation sur d'autres aspects des mérites des candidats, tels que des informations sur leur condition administrative ou personnelle.

57.
    Or, s'il est vrai que cette jurisprudence reconnaît à l'AIPN la possibilité de prendre en compte d'autres informations concernant la condition administrative et personnelle des candidats, même en l'absence de circonstances exceptionnelles, cette possibilité a cependant été reconnue afin de permettre à l'AIPN de relativiser l'appréciation portée uniquement sur la base des rapports de notations et elle suppose, en tout cas, qu'une appréciation sur la base de ces rapports ait été préalablement et utilement effectuée (voir, notamment, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 novembre 1993, X/Commission, T-89/91, T-21/92 et T-89/92, Rec. p. II-1235, point 49).

58.
    En tout état de cause, à supposer même que la Commission était, dans le cas d'espèce, en droit de se référer à des sources d'information alternatives, il lui incombe de rapporter la preuve, par des éléments objectifs susceptibles de faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, qu'elle a respecté les garanties accordées à l'article 45 du statut au fonctionnaire ayant vocation à la promotion et procédé à un examen comparatif des mérites des candidats à la promotion (arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T-557/93, RecFP p. I-A-195 et II-603, point 33; du 21 novembre 1996, Michaël/Commission, T-144/95, RecFP p. I-A-529 et II-1429, point 52; du 24 février 2000, Jacobs/Commission, T-82/98, RecFP p. I-A-39 et II-169, point 40, et Rappe/Commission, précité, point 55).

59.
    À cet égard, il convient de rappeler qu'il est de jurisprudence constante qu'un rapport de notation non définitif et, de surcroît, contesté par le fonctionnaire ne peut être classé dans le dossier personnel de ce dernier et ne peut lui-même servir de source d'informations alternatives (arrêts Gratreau/Commission, précité, point 22, et Michaël/Commission, précité, point 52).

60.
    Par ailleurs, des éléments d'information ne peuvent remédier à l'absence d'un rapport de notation que s'ils répondent à certaines conditions, dont il incombe à l'institution défenderesse de prouver la réunion. Il faut, premièrement, qu'ils soient suffisamment objectifs pour permettre un contrôle juridictionnel; deuxièmement, qu'ils contiennent une appréciation des mérites du fonctionnaire effectuée par les personnes responsables de l'établissement de son rapport de notation; troisièmement, qu'ils aient été communiqués au fonctionnaire de manière à assurer le respect des droits de la défense et, quatrièmement, qu'ils soient connus par le comité de promotion au moment de son examen comparatif des mérites de tous les candidats (arrêts Jacobs/Commission, précité, point 41, et Rappe/Commission, précité, point 56).

61.
    Il s'ensuit que les éléments d'information susceptibles de suppléer à l'absence d'un rapport de notation doivent être largement analogues à celui-ci, en ce qui concerne leur origine, leur procédure d'établissement et leur objet (arrêt Rappe/Commission, précité, point 57).

62.
    C'est sur la base de ces principes qu'il convient d'examiner les documents, énumérés au point 38 ci-dessus, dont disposait le comité de promotion au moment de l'examen comparatif des mérites du requérant avec ceux des autres fonctionnaires promouvables.

63.
    Cette documentation comprenait, en premier lieu, la note de recours gracieux du 10 juin 1998, adressée par le requérant au président du comité de promotion, par laquelle il contestait la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la DG XII. Or, il y a lieu de relever que cette note émane du requérant et que, par conséquent, contrairement à un rapport de notation, elle ne peut pas être considérée comme le résultat d'une appréciation objective portée par des tiers, à la suite d'une procédure contradictoire, sur les mérites du requérant. Elle ne peut pas bénéficier, de ce fait, de la crédibilité attachée aux rapports de notation. Eu égard au principe d'égalité de traitement, l'AIPN ne serait pas, en tout état de cause, en droit de retenir exclusivement de telles explications unilatérales d'un candidat dans le cadre d'un examen comparatif des mérites, fondé en principe sur des rapports de notation (arrêt Rappe/Commission, précité, point 59).

64.
    La Commission se prévaut également de la note adressée au requérant par le président du comité de promotion le 8 octobre 1998, de la note du 30 septembre 1998, adressée par M. Iannello à M. Benedetti, et de la note de ce dernier du 29 octobre 1998, adressée aux membres du comité de promotion. Or, la première de ces notes se limite à informer le requérant qu'une réunion du comité de promotion le concernant était prévue, les deux autres visent à la rectification du compte rendu de la réunion du comité de promotion du 17 juillet 1998. Elles ne contiennent, par conséquent, aucune appréciation des mérites du requérant et ne peuvent donc pas en elles-mêmes pallier l'absence d'un rapport de notation définitif.

65.
    Il en va de même pour le compte rendu de la réunion du comité de promotion du 17 juillet 1998, qui se borne à affirmer que «le Comité prend note du problème d[u ...] manque de notation [du requérant] au moment de l'établissement des propositions de promotion de la DG XII et propose d'étudier [son] cas [...] lors d'une réunion du Comité de promotion en 'session restreinte‘ qui sera convoquée dès septembre».

66.
    En outre, la Commission fait valoir que le comité de promotion disposait du tableau de comparaison des fonctionnaires promouvables et de la liste récapitulative des «états-promotion 1998 vers le grade A 6». Ces documents, qui par leur nature ne contiennent pas des évaluations des mérites des candidats mais contiennent tout au plus des données concernant d'autres éléments que l'AIPN peut prendre en considération dans sa décision de promotion, à savoir l'âge et l'ancienneté de grade, ne peuvent pas, en tout état de cause, constituer l'unique source d'informations de l'AIPN et ne peuvent donc pas pallier l'absence d'un rapport de notation.

67.
    Enfin, la Commission relève que le comité de promotion disposait également des dossiers personnels du requérant et de l'ensemble des fonctionnaires proposés à la promotion pour l'année 1998. À cet égard, il convient, d'une part, de constater que le dossier personnel du requérant ne contient aucun document pouvant remédier à l'absence du rapport de notation au sens de la jurisprudence susvisée et, d'autre part, d'estimer que, en l'absence de documents permettant l'évaluation des mérites d'un des candidats à la promotion, les garanties accordées par l'article 45 du statut ne sauraient, de toute évidence, être satisfaites par un examen comparatif des mérites conduit sur la base des seuls dossiers personnels des autres candidats.

68.
    Il résulte de ce qui précède que les documents dont se prévaut la Commission n'ont pas pu remédier à l'absence du rapport de notation du requérant.

69.
    Il convient, en second lieu, de vérifier, conformément à la jurisprudence visée au point 54 ci-dessus, si l'irrégularité dont est entachée la procédure de promotion litigieuse à l'égard du requérant a eu sur cette dernière une incidence décisive.

70.
    À cet égard, il y a lieu d'estimer que, dans des circonstances telles que celles de l'espèce, où il a été constaté que le comité de promotion n'a pas disposé au moment de l'examen comparatif des mérites des candidats à la promotion d'éléments d'information susceptibles de pallier l'absence du rapport de notation du requérant, on ne saurait soutenir que l'irrégularité constatée au point 52 ci-dessus n'a pas eu une incidence décisive sur la procédure de promotion à l'égard du requérant.

71.
    Au vu de tout ce qui précède, il a lieu de conclure que la procédure de promotion au grade A 6 effectuée par la Commission, au titre de l'exercice 1998, est entachée d'une irrégularité à l'égard du requérant constitutive d'un vice substantiel, en cequ'il n'a pas été satisfait à l'examen comparatif des mérites du requérant et des autres candidats à la promotion, tel qu'exigé par l'article 45 du statut.

72.
    Il y a lieu, en conséquence, d'annuler la décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 6, au titre de l'exercice de promotion 1998, sans qu'il soit besoin ni de statuer sur les conclusions du requérant visant à l'annulation de la décision de la Commission de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants au titre du même exercice de promotion, ni d'examiner le bien-fondé des autres moyens invoqués à l'appui du recours.

Sur les dépens

73.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions du requérant, de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    La décision de la Commission de ne pas promouvoir le requérant au grade A 6 au titre de l'exercice de promotion 1998 est annulée.

2)    La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 novembre 2001.

Le greffier

Le juge

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: le français.