Language of document : ECLI:EU:T:2021:414

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

7 juillet 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale I-cosmetics – Usage sérieux de la marque – Article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑205/20,

Angela Frommer, demeurant à Unterschleißheim (Allemagne), représentée par Me F. Remmertz, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Ivanauskas et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Minerva GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me R. Dissmann, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 10 février 2020 (affaire R 675/2019‑2), relative à une procédure de déchéance entre Minerva et Mme Frommer,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, Z. Csehi (rapporteur) et Mme G. Steinfatt, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 17 août 2020,

vu les questions écrites du Tribunal adressées à la requérante et à l’intervenante le 26 janvier 2021,

vu les observations déposées par la requérante et par l’intervenante au greffe du Tribunal respectivement les 9 et 12 février 2021,

à la suite de l’audience du 15 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 janvier 2010, la requérante, Mme Angela Frommer, a déposé une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal I‑cosmetics.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 9 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 3 : « Savons ; articles de parfumerie ; huiles essentielles et huiles à usage cosmétique ; produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau ; lotions à usage cosmétique » ;

–        classe 9 : « Lasers non à usage médical » ;

–        classe 44 : « Services médicaux ; services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes ; services dans le domaine des cosmétiques ; services de salons de beauté ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 129/2010, du 15 juillet 2010, et, le 28 octobre 2010, le signe en cause a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 8836661.

5        Le 14 février 2017, l’intervenante, Minerva GmbH, a déposé auprès de l’EUIPO une demande en déchéance concernant ladite marque en vertu de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001].

6        Le 4 septembre 2017, la requérante a présenté des éléments de preuve visant à établir l’usage de la marque contestée. Ils consistaient en des déclarations sous serment, des captures d’écran provenant de sites Internet, des brochures et dépliants publicitaires, une liste de prix, des documents présentant des chiffres de ventes, un papier à en-tête ainsi qu’un extrait d’un jugement.

7        Le 6 février 2019, la division d’annulation a accueilli la demande en déchéance dans son intégralité et a déclaré la déchéance des droits de la requérante sur la marque contestée, au motif que les éléments de preuve produits ne suffisaient pas à démontrer l’usage sérieux de cette marque pour les produits et services pour lesquels elle avait été enregistrée.

8        Le 26 mars 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par la décision du 10 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, au motif que les éléments de preuve produits ne permettaient pas d’établir l’usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente pour les produits et services pour lesquels elle avait été enregistrée.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante soutient que « la décision attaquée ne doit pas être annulée ». Elle a confirmé en réponse à une question écrite du Tribunal qu’elle demandait que le recours soit rejeté. Il y a donc lieu de considérer que l’intervenante conclut au rejet du recours.

 En droit

 Sur la recevabilitéde la pièce présentée pour la première fois devant le Tribunal

13      L’EUIPO avance que la liste d’adresses des clients de la requérante, produite devant le Tribunal en tant qu’annexe 4 de la requête, doit être déclarée irrecevable, dès lors qu’elle n’a pas été produite dans le cadre de la procédure administrative.

14      À cet égard, il est de jurisprudence constante qu’un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée [voir arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 52 et jurisprudence citée].

15      En l’espèce, la requérante a produit, en annexe à la requête, une liste d’adresses de ses clients. Or, ainsi que l’avance l’EUIPO, un tel document a été produit pour la première fois devant le Tribunal. S’agissant de l’argument de la requérante, avancé en réponse à une question écrite du Tribunal et visant à établir, sur la base de la jurisprudence, qu’elle ne pourrait pas être empêchée de contester une appréciation figurant pour la première fois dans la décision attaquée en produisant de nouveaux documents en annexe à la requête, il suffit de relever qu’il ressortait déjà de la décision de la division d’annulation que les preuves d’usage produites par la requérante ne contenaient pas d’indication suffisante pour constater que les produits et services visés par la marque contestée avaient été proposés ou vendus à des clients dans l’Union européenne. Dès lors, de même qu’elle a produit devant la chambre de recours des versions des documents relatifs aux chiffres de ventes comportant les noms de ses clients, rien n’empêchait la requérante de produire la liste d’adresses de ses clients dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours. Partant, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 14 ci-dessus, il convient de déclarer l’annexe 4 de la requête irrecevable.

 Sur le moyen unique

16      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 18 du règlement 2017/1001 et de la règle 22 du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant sur les modalités d’application du règlement no 40/94 (JO 1995, L 303, p. 1). Selon elle, la chambre de recours a conclu à tort que les éléments de preuve produits n’établissaient pas l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente.

17      À titre liminaire, il convient de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande en déchéance en cause, en l’occurrence le 14 février 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 et du règlement no 2868/95 (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 2, et du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 3).

18      Le fait que la requérante se soit référée, dans la requête, à l’article 18 du règlement 2017/1001 demeure sans incidence aux fins de la présente procédure, dès lors que la teneur de la disposition applicable en l’espèce, à savoir l’article 15 du règlement no 207/2009, est identique à celle de la disposition invoquée par la requérante.

19      Cela étant précisé, il convient de rappeler qu’il résulte du considérant 10 du règlement no 207/2009 que le législateur a considéré que la protection d’une marque enregistrée n’était justifiée que dans la mesure où cette marque est effectivement utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dispose que le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, notamment sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

20      Ainsi, l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009 prévoit que, « [s]i, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque de l’Union européenne n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque de l’Union européenne est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage ».

21      La règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95, applicable mutatis mutandis dans les procédures de déchéance conformément à la règle 40, paragraphe 5, dudit règlement, dispose que les indications et les preuves à produire afin de prouver l’usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée. En outre, selon la règle 40, paragraphe 5, du règlement no 2868/95, dans le cadre d’une telle procédure, l’EUIPO demande au titulaire de la marque de l’Union européenne de fournir la preuve de l’usage de celle-ci au cours d’une période qu’il précise et, si la preuve n’est pas apportée dans le délai imparti, la déchéance de ladite marque est prononcée.

22      Par ailleurs, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle, qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée sur le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 23 mars 2017, Cryo-Save/EUIPO – MedSkin Solutions Dr. Suwelack (Cryo-Save), T‑239/15, non publié, EU:T:2017:202, point 29 et jurisprudence citée].

23      Bien que la notion d’usage sérieux s’oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé, il n’en reste pas moins que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 26 et jurisprudence citée].

24      Plus précisément, l’appréciation, dans un cas d’espèce, du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 63 et jurisprudence citée].

25      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tient compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [voir arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 40 et jurisprudence citée].

26      En ce qui concerne la période pertinente pour l’appréciation de l’usage de la marque contestée, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la requérante était tenue de prouver l’usage de cette marque pendant la période de cinq ans précédant le dépôt de la demande en déchéance, allant du 14 février 2012 au 13 février 2017 (ci-après la « période pertinente »). Cette constatation n’est pas contestée par la requérante.

27      En outre, il convient de relever qu’il ressort de la décision attaquée que, en vue d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée, la requérante a fourni, dans le cadre de la procédure devant la division d’annulation, les éléments de preuve suivants :

–        une déclaration sous serment de Mme Frommer datée du 29 août 2017 (élément de preuve no 1) ;

–        deux captures d’écran provenant des sites Internet beautylumis.de et beautylumis.com, datées du 1er septembre 2017 (éléments de preuve nos 2 et 3) ;

–        quatre captures d’écran provenant des sites Internet beautylumis.de et beautylumis.com, obtenues via le service « waybackmachine » et remontant aux mois d’août 2013 et d’août 2015 (élément de preuve no 4) ;

–        une capture d’écran provenant du site Internet byonik.net, datée du 2 août 2017 (élément de preuve no 5) ;

–        deux dépliants, non datés, relatifs respectivement à des produits Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline (éléments de preuve nos 6 et 7) ;

–        deux brochures publicitaires relatives à des produits Byonik Creoline Plus et Byonik Creoline Serum, dont l’une est datée de mars 2011 et l’autre n’est pas datée (éléments de preuve nos 8 et 9) ;

–        une liste de prix pour le mois d’avril 2015 relative à des produits Creoline Plus et Creoline Serum (élément de preuve no 10) ;

–        un document présentant les chiffres de ventes pour le produit Byonik Creoline Kabinettware pour la période allant du mois de mars 2010 au mois de septembre 2015, dans lequel les noms des clients ont été rendus illisibles (élément de preuve no 11) ;

–        un document présentant les chiffres de ventes pour le produit Byonik Creoline Serum pour la période allant du mois de janvier 2013 au mois de septembre 2015, dans lequel les noms des clients ont été rendus illisibles (élément de preuve no 12) ;

–        un document présentant les chiffres de ventes pour le produit Byonik Creoline Plus pour la période allant du mois de mars 2010 au mois d’août 2015, dans lequel les noms des clients ont été rendus illisibles (élément de preuve no 13) ;

–        une capture d’écran du 9 août 2017 provenant du site Internet byonik.net montrant les sites des établissements « Byonik Institute » (élément de preuve no 14) ;

–        une brochure relative à « [i]cosmetic® », datée de 2010, portant la mention « pour usage interne uniquement » (élément de preuve no 15) ;

–        un papier à en-tête de la société beauty lumis GmbH (élément de preuve no 16) ;

–        un extrait d’un jugement rendu le 9 décembre 2015 par le Landgericht Düsseldorf (tribunal d’arrondissement de Düsseldorf, Allemagne) dans le cadre d’une action en contrefaçon introduite par la requérante (élément de preuve no 17) ;

–        une déclaration sous serment datée du 31 juillet 2017 concernant une campagne de marketing (élément de preuve no 18).

28      Il ressort également de la décision attaquée que la requérante a fourni, devant la chambre de recours, des versions non expurgées des éléments de preuve nos 11 à 13.

29      C’est à la lumière de ces éléments et des arguments présentés par la requérante qu’il convient d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été rapportée en l’espèce.

 Sur l’usage de la marque contestée pour les produits et services désignés par celle-ci

30      La requérante fait valoir que la marque contestée a été utilisée au moins en ce qui concerne les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau » ainsi que les « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3, et les « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », les « services dans le domaine des cosmétiques » ainsi que les « services de salons de beauté », relevant de la classe 44. En ce qui concerne les « savons », les « articles de parfumerie », les « huiles essentielles et huiles à usage cosmétique », relevant de la classe 3, les « lasers non à usage médical » relevant de la classe 9 et les « services médicaux » relevant de la classe 44, elle renvoie à ses observations présentées devant les instances de l’EUIPO.

31      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

32      Il ressort de la décision attaquée que, selon la chambre de recours, les éléments de preuve produits par la requérante ne contiennent aucune référence à l’usage de la marque contestée pour des produits et services autres que des produits de soins cutanés et, que, par conséquent, aucun usage sérieux de celle-ci au cours de la période pertinente n’a été établi pour les produits et services compris dans les classes 9 et 44 et pour les « savons », les « articles de parfumerie », les « huiles essentielles et huiles à usage cosmétique », relevant de la classe 3.

33      À cet égard, premièrement, s’agissant des « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et des « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3, il y a lieu de relever que, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu, de manière explicite, que les éléments de preuve produits se réfèrent à des produits de soins cutanés et, de manière implicite, que ceux-ci comprenaient les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et les « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3. En outre, ainsi que l’avance l’EUIPO, la chambre de recours a pris en considération, lors de l’examen de la nature et de l’importance de l’usage de la marque contestée, les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et les « lotions à usage cosmétique ». Partant, les arguments de la requérante visant à établir que la marque contestée a été utilisée pour ces produits reposent sur une lecture erronée de la décision attaquée.

34      Deuxièmement, s’agissant des « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », les « services dans le domaine des cosmétiques » et les « services de salons de beauté » relevant de la classe 44, la requérante avance, en substance, que la marque contestée a été utilisée pour les produits Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus ainsi que pour des traitements de beauté et que, de ce fait, elle est également utilisée pour les services en cause. Elle précise que ces produits sont également proposés aux clients professionnels pour des traitements de beauté ultérieurs.

35      À cet égard, il convient de relever que, pour que l’usage de la marque contestée pour des « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », des « services dans le domaine des cosmétiques » et des « services de salons de beauté » puisse être admis, la requérante est tenue de prouver que lesdits services ont été effectivement fournis sous ladite marque (voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2017, Cryo-Save, T‑239/15, non publié, EU:T:2017:202, point 39).

36      Or, en l’espèce, un tel usage ne saurait être déduit des documents invoqués par la requérante dans la requête.

37      En effet, les éléments de preuve nos 2 à 4 consistent en des captures d’écran provenant des sites Internet beautylumis.de et beautylumis.com, où il est notamment spécifié que « nous proposons la technologie anti-âge et les produits pour le visage, le cou et le décolleté » et que « la méthode BYONIK® combine la dermatologie esthétique douce et le traitement de luxe avec des résultats visibles, le tout sur une base scientifique solide ». Bien que ce texte d’introduction présentant les activités de la société beauty lumis, dont la requérante est la gérante, se situe en-dessous de trois signes dont [i]cosmetic®, son contenu ne permet pas de démontrer que des « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », des « services dans le domaine des cosmétiques » et des « services de salons de beauté » ont été effectivement fournis ou, à tout le moins, offerts sous la marque contestée.

38      En outre, la requérante soutient, en substance, qu’il ressort des éléments de preuve nos 6 à 9, 14 et 15 que les produits Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus ont été proposés aux clients professionnels, à savoir aux salons de beauté, et que, par conséquent, la marque contestée a été également utilisée pour des traitements de beauté et des services dans le domaine des cosmétiques. Même à supposer que cette marque ait été utilisée en lien avec les produits Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus, proposés également à des clients professionnels, cette circonstance n’est pas suffisante pour établir que les « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », les « services dans le domaine des cosmétiques » et les « services de salons de beauté » ont été effectivement commercialisés ou fournis sous ladite marque. Par ailleurs, il ressort de l’élément de preuve no 14 que les salons de beauté auxquels la requérante se réfère sont des établissements « Byonik Institute », sans qu’un lien puisse être établi entre les services proposés par ces derniers et la marque contestée.

39      Il s’ensuit que les documents invoqués par la requérante ne permettent pas de démontrer, même pris ensemble, que des « services de soins hygiéniques et de beauté pour hommes », les « services dans le domaine des cosmétiques » et les « services de salons de beauté » relevant de la classe 44 ont effectivement été fournis sous la marque contestée. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté qu’aucun usage sérieux de cette marque n’a été établi pour ces services.

40      Troisièmement, s’agissant des « savons », des « articles de parfumerie », des « huiles essentielles et huiles à usage cosmétique », relevant de la classe 3, des « lasers non à usage médical » relevant de la classe 9 et des « services médicaux » relevant de la classe 44, force est de constater que la requérante se limite à renvoyer, sans aucune précision, aux arguments qu’elle a présentés devant la chambre de recours, qui feraient référence à ses observations présentées devant la division d’annulation.

41      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introduite dans le cadre d’un recours dirigé contre l’EUIPO doit contenir, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête [voir arrêt du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑345/16, non publié, EU:T:2018:652, point 45 et jurisprudence citée].

42      S’il est vrai que le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées au point 41 ci-dessus, doivent figurer dans la requête. Ainsi, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, voire dans le dossier administratif de l’EUIPO, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un argument est invoqué au soutien d’un moyen [voir arrêt du 9 mars 2018, Recordati Orphan Drugs/EUIPO – Laboratorios Normon (NORMOSANG), T‑103/17, non publié, EU:T:2018:126, point 24 et jurisprudence citée].

43      En l’espèce, la requête ne contient pas les éléments essentiels de l’argumentation de la requérante relative aux produits et aux services mentionnés au point 40 ci-dessus et, conformément à la jurisprudence rappelée au point 42 ci-dessus, le renvoi global aux arguments présentés devant la chambre de recours ne saurait pallier cette absence. Il s’ensuit que le grief concerné n’est pas invoqué de manière suffisamment précise et intelligible pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle, de sorte qu’il doit être rejeté comme irrecevable.

44      Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’aucun usage, a fortiori aucun usage sérieux de la marque contestée au cours de la période pertinente n’a été établi pour les produits et services relevant des classes 9 et 44 ainsi que pour les « savons », les « articles de parfumerie », les « huiles essentielles et huiles à usage cosmétique », relevant de la classe 3.

45      Dans ces conditions, les autres griefs de la requérante portant sur l’appréciation des éléments de preuve en ce qui concerne la durée, le lieu, la nature et l’importance de l’usage de la marque contestée ne seront examinés qu’en ce qui concerne les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et les « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3.

 Sur l’usage de la marque contestée pour les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et les « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3

–       Sur la durée de l’usage

46      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a écarté à tort la valeur probante des éléments de preuve nos 5, 6 et 18 au regard de l’exigence relative à la durée de l’usage. Elle avance que, bien que certains éléments de preuve ne soient pas datés ou ne datent pas de la période pertinente, il convient de les examiner à la lumière d’autres éléments de preuve dans le cadre d’une appréciation globale. Elle ajoute que les produits de la ligne Byonik, dont la forme de l’emballage n’a pas connu de changement depuis 2010, ont été vendus de manière régulière et à grande échelle pendant une partie significative de la période pertinente et que leur vente a été accompagnée de mesures publicitaires.

47      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

48      Au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a retenu que les éléments de preuve nos 11 à 13 se rapportaient à la période pertinente. En revanche, elle a considéré que la pertinence temporelle de certains éléments de preuve, tels que les éléments de preuve nos 5, 6 et 18, était « douteuse » et a renvoyé à son analyse figurant aux points 39 et 40 de ladite décision, portant sur l’appréciation de la nature et de l’importance de l’usage. Elle y a précisé, notamment, que l’élément de preuve no 5 était une capture d’écran qui avait été générée dans le courant du mois d’août 2017 et, dès lors, ne relevait pas de la période pertinente. En ce qui concerne l’élément de preuve no 6, un dépliant pour le produit Byonik Creoline Serum, elle a relevé que sa date de publication n’était pas indiquée. En outre, elle a considéré que la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1 ne fournissait pas une base suffisante pour prouver que l’aspect de l’emballage du produit Byonik Creoline Serum au cours de la période pertinente était effectivement celui qui apparaît sur les éléments de preuve nos 5 et 6. S’agissant de la déclaration sous serment constituant l’élément de preuve no 18, elle a retenu que la campagne de marketing pour la marque contestée y visée et commandée dans le courant du mois de janvier 2017 ne permettait pas de démontrer l’usage de cette marque pendant la période pertinente, dans la mesure où cette période se terminait le 13 février 2017. Elle a fait observer, en outre, que l’emballage du produit Byonik Creoline Serum, tel qu’il figure dans les éléments de preuve nos 5 et 6, pourrait être le résultat de ladite campagne de marketing.

49      À cet égard, il convient de rappeler que la période pertinente pour l’appréciation de l’usage de la marque contestée s’étend du 14 février 2012 au 13 février 2017 (voir point 26 ci-dessus).

50      En premier lieu, il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté que les chiffres de ventes pour les produits Byonik Creoline Kabinettware, Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 se rapportent à une partie de la période pertinente, ainsi que cela ressort de la décision attaquée.

51      En second lieu, la requérante soutient, en substance, que les éléments de preuve nos 5 et 6 montrent l’emballage du produit Byonik Creoline Serum portant la marque contestée, sur la partie inférieure du flacon, et constituent des exemples de publicité utilisée depuis 2010. Selon elle, ces éléments doivent être interprétés à la lumière des chiffres de ventes relatifs à la période pertinente tels qu’ils ressortent des éléments de preuve nos 11 à 13, de la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1 ainsi que des autres actions publicitaires présentées.

52      À cet égard, il convient de relever que certains éléments de preuve invoqués par la requérante portent sur une date située en dehors de la période pertinente (éléments de preuve nos 5, 8 et 15) ou ne sont pas datés (éléments de preuve nos 6, 7 et 9).

53      Certes, selon la jurisprudence, il n’est pas exclu que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque au cours de la période pertinente puisse, le cas échéant, tenir compte d’éventuels éléments postérieurs à cette période, qui peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de ladite marque au cours de la période pertinente [voir arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 85 et jurisprudence citée]. Il en va de même pour les éléments antérieurs à la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2016, Future Enterprises/EUIPO – McDonald’s International Property (MACCOFFEE), T‑518/13, EU:T:2016:389, point 55 et jurisprudence citée]. Toutefois, dans les deux cas, la prise en considération de tels éléments est nécessairement subordonnée à la présentation de documents démontrant l’usage de la marque contestée pendant ladite période.

54      En outre, si des documents non datés peuvent, dans certains cas, être retenus pour établir l’usage d’une marque (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2015, HUSKY, T‑287/13, EU:T:2015:99, point 68), de telles preuves ne sauraient néanmoins être pertinentes aux fins d’établir cet usage pendant la période de référence que pour autant qu’elles permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [arrêt du 2 février 2017, Marcas Costa Brava/EUIPO – Excellent Brands JMI (Cremcaffé by Julius Meinl), T‑686/15, non publié, EU:T:2017:53, point 59].

55      En l’espèce, il convient de relever que les éléments de preuve nos 5 et 6 montrent l’emballage du produit Byonik Creoline Serum portant la mention « [i]cosmetics® », sur la partie inférieure du flacon, étant précisé que l’élément de preuve no 5, une capture d’écran provenant du site Internet byonik.net, est daté du 2 août 2017 et, donc, postérieur à la période pertinente, tandis que l’élément de preuve no 6, un dépliant, n’est pas daté. Partant, ces éléments de preuve ne sont pas suffisants, en eux-mêmes, pour établir l’usage de la marque contestée pendant la période pertinente et doivent par conséquent être corroborés par d’autres éléments de preuve.

56      Pour autant que la requérante se réfère, à cette fin, aux chiffres de ventes figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 concernant les produits Byonik Creoline Kabinettware, Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus, il suffit de relever que, ainsi que cela ressort, en substance, de la décision attaquée, ces documents ne font aucunement référence à la marque contestée. Il s’ensuit que lesdits éléments ne permettent de tirer aucune conclusion en ce qui concerne la question de savoir si l’emballage du produit Byonik Creoline Serum tel qu’il figure dans les éléments de preuve nos 5 et 6 a été utilisé par la requérante depuis 2010 ou, à tout le moins, au cours de la période pertinente.

57      Dans la mesure où la requérante avance que des chiffres de ventes indiquant un volume de ventes considérable sont généralement accompagnés des mesures publicitaires adéquates, il suffit de rappeler que, en vertu de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

58      En ce qui concerne les indications pouvant être tirées de la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1, il y a lieu de relever que cette déclaration émane de la requérante elle-même, en sa qualité de gérante de la société beauty lumis. Dans cette déclaration, elle affirme que toutes les brochures et tous les dépliants produits comme preuves d’usage ont été utilisés à des fins commerciales et de publicité depuis 2010 jusqu’à la date de cette déclaration, à savoir le 29 août 2017.

59      Selon la jurisprudence, pour apprécier la valeur probante des déclarations sous serment, comme c’est le cas pour tout document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. À cet égard, il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 16 juillet 2014, Nanu-Nana Joachim Hoepp/OHMI – Stal-Florez Botero (la nana), T‑196/13, non publié, EU:T:2014:674, point 31 et jurisprudence citée].

60      En l’espèce, outre le fait que la déclaration sous serment en cause émane de la requérante, l’affirmation y figurant selon laquelle toutes les brochures et tous les dépliants produits comme preuves d’usage ont été utilisés depuis 2010, et donc également au cours de la période pertinente, n’est pas corroborée par les éléments de preuve invoqués par la requérante.

61      En effet, bien que le dépliant présenté en tant qu’élément de preuve no 7 montre également l’emballage du produit Byonik Creoline Serum portant la mention « [i]cosmetics® », sur la partie inférieure du flacon, à l’instar de l’élément de preuve no 6, ce dépliant n’est pas daté. La brochure produite en tant qu’élément de preuve no 9 n’est pas datée non plus.

62      Dans la mesure où la requérante renvoie à la brochure présentée en tant qu’élément de preuve no 8, datée du mois de mars 2011, ainsi qu’à la brochure déposée en tant qu’élément de preuve no 15, datée de 2010, il y a lieu de constater que ces brochures sont antérieures à la période pertinente.

63      En outre, contrairement à ce qu’avance la requérante, les éléments de preuve nos 8 et 15 ne font pas apparaître la même représentation de l’emballage du produit Byonik Creoline Serum que celle qui se trouve dans les éléments de preuve nos 6 et 7. En effet, la mention « [i]cosmetics® » n’est pas perceptible sur la représentation du flacon dudit produit figurant dans les éléments de preuve nos 8 et 15. Tel est également le cas pour l’emballage du même produit tel qu’il se trouve sur la brochure produite en tant qu’élément de preuve no 9 et sur la liste de prix pour le mois d’avril 2015 constituant l’élément de preuve no 10. Cette différence permet de douter de l’exactitude de l’affirmation figurant dans la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1, selon laquelle toutes les brochures et tous les dépliants produits ont été utilisés depuis 2010.

64      Dans ces circonstances, la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1 ne permet pas de constater que le dépliant constituant l’élément de preuve no 6, montrant l’emballage du produit Byonik Creoline Serum avec la mention « [i]cosmetics® », a été utilisé pendant la période pertinente ou que ce produit a été commercialisé sur Internet, sous la forme qui ressort de l’élément de preuve no 5, au cours de cette période.

65      Pour les motifs indiqués aux points 61 à 63 ci-dessus, l’appréciation globale des éléments de preuve nos 5 et 6 ensemble avec les éléments de preuve nos 7 à 10 et 15, invoqués par la requérante, ne permet pas d’arriver à une autre conclusion en ce qui concerne les éléments de preuve nos 5 et 6.

66      Pour autant que la requérante avance que la chambre de recours a considéré à tort que l’emballage du produit Byonik Creoline Serum tel qu’il est présenté dans les éléments de preuve nos 5 et 6 serait différent et pourrait être le résultat de la campagne de marketing visée dans la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 18, ces arguments ne peuvent eux non plus prospérer. En effet, ainsi qu’il a été déjà constaté, il ne ressort pas d’éléments de preuve que l’emballage dudit produit a toujours été le même (voir point 63 ci-dessus). Compte tenu de cette circonstance et du fait que la capture d’écran produite en tant qu’élément de preuve no 5 date du 2 août 2017, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en indiquant que l’emballage du produit Byonik Creoline Serum tel qu’il figure dans les éléments de preuve nos 5 et 6 pourrait être le fruit de la campagne de marketing qui a été commandée dans le courant du mois de janvier 2017.

67      Dans la mesure où la requérante renvoie aux captures d’écran de sites Internet produites en tant qu’élément de preuve no 4, il y a lieu de constater que ces captures se rapportent effectivement à la période pertinente et font apparaître la mention « [i]cosmetic® », ainsi que cela ressort, en substance, des points 40 et 41 de la décision attaquée. Néanmoins, cette mention ne renvoie pas à un produit ou à la représentation d’un produit. Partant, cet élément de preuve ne permet pas de corroborer les autres éléments de preuve de nature publicitaire en ce qui concerne l’usage de la marque contestée pendant de la période pertinente.

68      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’appréciation de la nature et de l’importance de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours a pris en considération l’hypothèse dans laquelle les dépliants et les brochures produits par la requérante en tant qu’éléments de preuve nos 6 à 9 auraient effectivement été diffusés depuis 2010.

69      Eu égard à ce qui précède, les arguments de la requérante relatifs à l’appréciation par la chambre de recours de la valeur probante de certains éléments de preuve au regard de l’exigence relative à la durée de l’usage doivent être rejetés.

–       Sur le lieu de l’usage

70      La requérante fait valoir que la marque contestée a fait l’objet d’un usage sur le territoire de l’Union. Elle précise que les noms des clients figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 sont en grande majorité des noms à consonance allemande, ce qui rendrait très probable le fait que ces clients soient établis en Allemagne et en Autriche. En outre, elle se réfère à une liste d’adresses de clients, produite en annexe à la requête, pour établir que la grande majorité des clients mentionnés dans les éléments de preuve nos 11 à 13 sont établis en Allemagne, mais qu’il y a également des clients aux Pays‑Bas, en Autriche, en Espagne et au Royaume‑Uni. Elle soutient, en outre, que les adresses desdits clients pouvaient facilement être trouvées grâce à une recherche sur Internet et que la chambre de recours a omis d’effectuer une telle recherche simple.

71      L’EUIPO et l’intervenante avancent, en substance, que la chambre de recours a légitimement éprouvé des doutes quant à l’usage de la marque contestée dans l’Union.

72      Aux points 28 et 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1 mentionnait que la marque contestée était utilisée en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Dès lors que la Suisse n’est pas un membre de l’Union, elle a relevé que les actes d’usage dans ce pays ne sauraient empêcher le prononcé de la déchéance de cette marque. En outre, elle a considéré que les autres documents, en particulier les éléments de preuve nos 11 à 13, ne permettaient pas de déterminer si les ventes déclarées ou d’autres actes d’usage concernaient l’Union ou la Suisse. Elle en a conclu qu’il existait une incertitude quant à l’importance avec laquelle la marque contestée avait été utilisée dans l’Union.

73      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ces considérations.

74      Premièrement, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, il ne ressort pas de la décision attaquée que la chambre de recours a conclu à l’absence d’usage de la marque contestée sur le territoire de l’Union. En effet, elle s’est limitée à considérer, en substance, que les éléments de preuve produits ne permettaient pas de déterminer l’ampleur de son usage sur ce territoire, dans la mesure où, selon la déclaration émanant de la requérante (élément de preuve no 1), la marque contestée a été utilisée, outre en Allemagne et en Autriche, également en Suisse.

75      Deuxièmement, pour autant que la requérante se réfère au fait que les noms des clients figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13, à savoir les chiffres de ventes pour les produits Byonik Creoline Kabinettware, Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus, sont majoritairement des noms à consonance allemande pour soutenir que la marque contestée a été utilisée en Allemagne et en Autriche, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que l’allemand est l’une des langues officielles de la Confédération helvétique et que la requérante a elle-même déclaré sous serment que des produits ont également été vendus en Suisse sous la marque contestée. Partant, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il existait une incertitude quant à l’importance avec laquelle cette marque a été utilisée dans l’Union.

76      Troisièmement, dans la mesure où la requérante renvoie à la liste d’adresses de clients produite en annexe à la requête à titre de preuve du lieu d’établissement des clients mentionnés dans les éléments de preuve nos 11 à 13, il suffit de rappeler que ce document a été déposé pour la première fois devant le Tribunal et est, de ce fait, irrecevable (voir points 13 à 15 ci-dessus).

77      Quatrièmement, dans la mesure où la requérante fait valoir que les adresses des clients mentionnés dans les éléments de preuve nos 11 à 13 pouvaient facilement être trouvées grâce à une recherche sur Internet et que la chambre de recours a omis d’effectuer une telle recherche, force est de constater que la charge de la preuve de l’usage sérieux de la marque en cause dans le cadre d’une procédure de déchéance incombe au titulaire de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Centrotherm Systemtechnik/OHMI et centrotherm Clean Solutions, C‑610/11 P, EU:C:2013:593, points 61 à 68).

78      Dans ces conditions, les arguments de la requérante ayant trait à l’appréciation par la chambre de recours des éléments de preuve en ce qui concerne le critère relatif au lieu d’usage de la marque contestée doivent être rejetés.

–       Sur la nature de l’usage

79      La requérante avance que la marque contestée a été utilisée conformément à sa fonction essentielle. Elle fait valoir, en substance, que cette marque a été utilisée en tant que marque ombrelle pour les produits Byonik Creoline. Selon elle, il n’est pas nécessaire que la marque soit toujours placée sur le produit lui‑même et il suffit que la marque soit utilisée dans la publicité. Elle soutient que la stratégie de comarquage ressort des éléments de preuve nos 2 à 10 et 15, où les produits cosmétiques font l’objet de publicité sous la marque contestée et où un lien est établi entre ladite marque et les produits Byonik Creoline.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

81      Afin qu’il puisse être considéré qu’une marque fait l’objet d’un « usage sérieux », au sens de l’article 15, paragraphe 1, et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, il est nécessaire que cette marque soit utilisée conformément à sa fonction essentielle (voir arrêt du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, point 36 et jurisprudence citée).

82      S’agissant des marques individuelles, cette fonction essentielle consiste à garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. En effet, pour que la marque puisse jouer son rôle d’élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir et maintenir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qu’elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d’une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (voir arrêt du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, point 37 et jurisprudence citée).

83      La nécessité, dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, d’un usage conforme à la fonction essentielle d’indication d’origine traduit le fait que, si une marque peut, certes, également faire l’objet d’usages conformes à d’autres fonctions, telles que celle consistant à garantir la qualité ou celles de communication, d’investissement ou de publicité, elle est, toutefois, soumise aux sanctions prévues par le règlement no 207/2009 lorsque, pendant une période ininterrompue de cinq ans, elle n’a pas été utilisée conformément à sa fonction essentielle (voir arrêt du 17 octobre 2019, Landeskammer für Land- und Forstwirtschaft in Steiermark/Schmid, C‑514/18 P, non publié, EU:C:2019:878, point 38 et jurisprudence citée).

84      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la requérante n’a ni démontré que la marque contestée était utilisée en tant que marque pour vendre les « produits cosmétiques, produits de soins cutanés, en particulier crèmes pour la peau », et les « lotions à usage cosmétique », relevant de la classe 3, ni établi de manière suffisamment étayée que cette marque a été utilisée d’une autre manière pertinente. Elle a précisé que certains documents pourraient indiquer que le signe I‑cosmetics a été utilisé au cours de la période pertinente comme nom d’un certain concept, mais qu’il était impossible d’en déduire que ledit signe a été effectivement utilisé en tant que marque pour des produits et services spécifiques. Elle a également retenu que certains documents pourraient démontrer l’usage dudit signe en tant que marque, mais que, à tout le moins, l’importance de cet usage n’y était pas suffisamment précisée.

85      Les arguments avancés par la requérante ne sauraient remettre en cause cette appréciation concernant le critère relatif à la nature de l’usage de la marque contestée.

86      En premier lieu, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, les éléments de preuve nos 2 à 4, 10 et 16 ne permettent pas de constater que la mention « [i]cosmetic® », accompagnée des termes « we care with intelligence », qui figure dans ces éléments de preuve, a été perçue comme l’utilisation de la marque contestée, I‑cosmetics, en tant que marque identifiant l’origine commerciale de certains produits.

87      En effet, comme il a déjà été relevé (voir point 37 ci-dessus), les éléments de preuve nos 2 à 4 consistent en des captures d’écran provenant des sites Internet beautylumis.de et beautylumis.com, qui présentent, en-dessous des trois mentions « BYONIK® », « [i]cosmetic® » et « SLIMYONIK® », les activités de la société beauty lumis, dont la requérante est la gérante. Néanmoins, les produits commercialisés sous la marque contestée ne sont pas précisés et ne peuvent pas être déduits du texte présenté, qui ne mentionne que les deux autres signes ainsi que les produits et services qui peuvent être associés à ceux-ci.

88      Il est certes vrai, comme le souligne la requérante, qu’il n’est pas nécessaire qu’une marque soit toujours placée sur le produit lui‑même et que l’utilisation de cette marque dans la publicité, par exemple sur des sites Internet ou dans des dépliants, constitue également une forme d’usage de celle-ci. Cependant, en l’absence d’apposition d’une marque sur un produit, il n’y a un usage en tant que marque pour certains produits ou services que lorsque le signe est utilisé de telle façon que s’établit un lien entre celui-ci et les produits ou les services commercialisés.

89      Or, en l’espèce, un tel lien ne ressort pas des éléments de preuve nos 2 à 4. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne découle pas non plus de ces éléments qu’elle proposait, sous la marque contestée, des produits cosmétiques Byonik ou que cette marque ait été utilisée comme une marque ombrelle ou une comarque pour ces produits. À cet égard, il convient de relever que la configuration visuelle des sites Internet représentés dans lesdits éléments de preuve ne met aucunement en valeur la marque contestée par rapport aux deux autres signes, étant donné que les trois signes y figurent au même niveau, l’un à côté de l’autre, et ont une taille similaire.

90      Il en va de même en ce qui concerne l’élément de preuve no 16, montrant le papier à en-tête de la société beauty lumis.

91      L’élément de preuve no 10, un formulaire de commande présentant la liste des prix des produits Creoline Plus et Creoline Serum pour le mois d’avril 2015, ne permet pas non plus d’arriver à une autre conclusion, dans la mesure où l’emballage de ces produits, tel qu’il y figure, porte la marque Byonik, et non la marque contestée. Ensuite, bien que dans ce document figurent, en-dessous des termes « Byonik® Creoline », les mentions « [i]cosmetic® » et « i‑cosmetic® », les informations qui les entourent font allusion à une technologie spécifique et ne font pas apparaître un usage de la marque contestée en tant que marque. En outre, il convient de relever que l’emploi du symbole « ® » ne suffit pas à démontrer un tel usage [arrêt du 14 février 2017, Pandalis/EUIPO – LR Health & Beauty Systems (Cystus), T‑15/16, non publié, EU:T:2017:75, point 44].

92      En deuxième lieu, en ce qui concerne les éléments de preuve nos 5 à 9 et 15, il convient de relever que la chambre de recours a, malgré certains doutes, considéré que ces documents pourraient démontrer l’usage de la marque contestée en tant que marque, étant précisé que l’élément de preuve no 15, une brochure à usage interne, a été examinée en combinaison avec l’élément de preuve no 14. Il s’ensuit que les arguments de la requérante ayant trait à la nature de l’usage de la marque contestée et tirés des éléments de preuve nos 5 à 9 et 14 sont inopérants.

93      Dans la mesure où la requérante vise à établir que l’emballage du produit Byonik Creoline Serum était toujours le même dans le matériel publicitaire et que la marque contestée y figurait toujours, force est de constater que cela n’est pas le cas, pour les raisons indiquées au point 63 ci-dessus. Quant à l’argument de la requérante selon lequel, dans la représentation du produit Byonik Creoline Serum figurant dans les éléments de preuve nos 8 et 9, le liquide masquerait la mention « [i]cosmetics® », outre le fait qu’une telle explication n’est pas convaincante, il suffit de relever que, dans les éléments de preuve nos 10 et 15, cette mention n’est pas non plus discernable sur l’emballage du produit concerné.

94      En troisième lieu, pour autant que la requérante se réfère aux chiffres de ventes figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 concernant les produits Byonik Creoline Kabinettware, Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus, il convient de réitérer, comme le reconnaît la requérante elle-même, que ces documents ne contiennent aucune référence à la marque contestée.

95      Dans la mesure où la requérante avance qu’il ressort de la publicité, telle que produite, que les produits visés dans les éléments de preuve nos 11 à 13 ont été vendus sous la marque contestée en tant que comarque, il y a lieu de constater, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, que les autres éléments de preuve, même appréciés globalement, ne permettent pas de conclure que le produit Byonik Creoline Serum a fait l’objet de publicité ou a été vendu sous la marque contestée pendant la période couverte par les chiffres de ventes repris dans lesdits éléments de preuve, et donc pendant la période pertinente (voir également points 55 à 67, 89 à 91 ci-dessus). Il en va de même en ce qui concerne les produits Byonik Creoline Kabinettware et Byonik Creoline Plus.

96      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur dans le cadre de l’appréciation des éléments de preuve en ce qui concerne le critère relatif à la nature de l’usage de la marque contestée.

–       Sur l’importance de l’usage

97      La requérante fait valoir que l’importance de l’usage de la marque contestée a été démontrée. Elle précise que les chiffres de ventes produits révèlent un volume de ventes important et régulier pendant la période pertinente et que ces ventes étaient accompagnées de mesures publicitaires sur des sites Internet et dans des dépliants et brochures. Elle ajoute qu’un usage même minime peut être suffisant et que, compte tenu des particularités du marché, la vente régulière dans des volumes importants compense un niveau de publicité relativement faible.

98      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

99      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait d’une marque, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêt du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, EU:T:2004:223, point 35].

100    Le chiffre d’affaires réalisé ainsi que la quantité de ventes de produits sous la marque dont l’usage sérieux est contesté ne sauraient être appréciés dans l’absolu, mais doivent l’être en rapport avec d’autres facteurs pertinents, tels que le volume de l’activité commerciale, les capacités de production ou de commercialisation ou le degré de diversification de l’entreprise exploitant la marque ainsi que les caractéristiques des produits ou des services sur le marché. De ce fait, il n’est pas nécessaire que l’usage d’une marque soit toujours quantitativement important pour être qualifié de sérieux. Un usage même minime peut donc être suffisant pour être qualifié de sérieux, à condition qu’il soit considéré comme justifié, dans le secteur économique concerné, pour maintenir ou créer des parts de marché pour les produits ou les services protégés par la marque. Ainsi, il n’est pas possible de fixer a priori, de façon abstraite, quel seuil quantitatif devrait être retenu pour déterminer si l’usage avait ou non un caractère sérieux, de sorte qu’une règle de minimis, qui ne permettrait pas à l’EUIPO ou, sur recours, au Tribunal, d’apprécier l’ensemble des circonstances du litige qui leur est soumis, ne saurait être fixée (voir arrêt du 23 octobre 2017, Forme d’un paquet de biscuits, T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 42 et jurisprudence citée).

101    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré, à juste titre, que les éléments de preuve présentés par la requérante ne permettaient pas de considérer qu’il avait été satisfait en l’espèce au critère de l’importance de l’usage.

102    À cet égard, il convient de relever que la chambre de recours a constaté que la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1 ne fournissait aucun fait concret quant à l’importance de l’usage de la marque contestée. La chambre de recours a également considéré que les chiffres de ventes figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 ne démontraient pas l’existence d’actes d’usage pertinents de la marque contestée, dans la mesure où ni ces éléments en eux-mêmes ni l’appréciation globale de ceux-ci avec d’autres éléments de preuve ne permettaient d’établir que ces chiffres portaient sur la vente des produits y visés sous la marque contestée. En outre, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve nos 2 à 4, 10 et 16 ne permettaient pas de constater un usage de la marque contestée en tant que marque pour des produits spécifiques et que, par ailleurs, la requérante n’avait pas fourni de précision quant à l’usage de la liste de prix et du papier à en-tête constituant les éléments de preuve nos 10 et 16. Enfin, en ce qui concerne les éléments de preuve nos 5 à 9 et 15, la chambre de recours a considéré que ces documents pourraient démontrer l’usage de la marque contestée en tant que marque, mais que l’importance de cet usage n’était pas suffisamment précisée dans les documents concernés. Plus particulièrement, s’agissant des éléments de preuve nos 6 à 9, elle a estimé que, même si ces dépliants et brochures étaient effectivement diffusés depuis 2010, il était difficile d’établir de quelle manière ils avaient été utilisés et de tirer des conclusions sur le volume, la portée et la fréquence de leur diffusion.

103    Cette analyse de la chambre de recours doit être approuvée.

104    En effet, en premier lieu, il convient de relever, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, que la requérante s’est limitée, dans la déclaration sous serment produite en tant qu’élément de preuve no 1, à indiquer que tous les produits portant la marque contestée étaient vendus de manière continue depuis 2010 « en grandes quantités ». Cette déclaration ne contient aucune indication précise quant aux volumes de vente de produits revêtus de la marque contestée et quant aux chiffres d’affaires résultant de ces ventes. Partant, cette déclaration n’est pas suffisante, en soi, pour établir l’importance de l’usage de la marque contestée et doit donc être corroborée par d’autres éléments de preuve.

105    En deuxième lieu, la requérante avance que les chiffres de ventes figurant dans les éléments de preuve nos 11 à 13 et portant sur les produits Byonik Creoline Kabinettware, Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus révèlent un volume de ventes important et régulier pendant la période pertinente.

106    À cet égard, force est de rappeler qu’il n’est pas établi que ces produits aient été vendus ou, à tous le moins, offerts sous la marque contestée pendant la période pertinente (voir points 94 et 95 ci-dessus).

107    Il est certes vrai que les éléments de preuve nos 5 à 9 et 15 comportent les mentions « [i]cosmetics® », « i-cosmetics® », « i-cosmetic® » ou « [i]cosmetic® » en relation avec les produits Byonik Creoline Serum et Byonik Creoline Plus, et que, pour ce motif, la chambre de recours a, malgré certains doutes, considéré que ces documents pourraient démontrer l’usage de la marque contestée en tant que marque. Néanmoins, comme il a été déjà constaté (voir points 55 à 65 ci-dessus), aucun de ces documents ne date de la période pertinente.

108    En outre, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 89 à 91 ci-dessus, les éléments de preuve nos 2 à 4, 10 et 16 ne permettent pas de constater un usage de la marque contestée en tant que marque pour des produits spécifiques, bien que certains desdits documents (éléments de preuve nos 4 et 10) se réfèrent à la période pertinente.

109    Partant, les produits mentionnés dans les éléments de preuve relatifs aux chiffres de ventes, qui sont des documents internes, ne peuvent pas être rattachés avec la certitude requise à la marque contestée telle qu’utilisée pendant la période pertinente, de sorte que ces éléments de preuve ne peuvent pas être considérés comme démontrant la commercialisation des produits en cause ainsi que son volume. Dans ce contexte, il y a lieu de souligner que la requérante n’a produit aucune facture ou bon de commande permettant d’apprécier l’importance de l’usage de la marque contestée.

110    En troisième lieu, il convient de constater que les dépliants et les brochures de nature promotionnelle (éléments de preuve nos 6 à 9) ne peuvent pas être considérés comme venant corroborer de façon suffisante l’élément de preuve no 1. En effet, outre le fait qu’ils ne peuvent pas être rattachés à la période pertinente, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, des informations sur le volume, la portée et la fréquence de leur diffusion font défaut, alors que, contrairement à ce qu’avance la requérante, il s’agit de facteurs pertinents pour apprécier l’importance de l’usage d’une marque.

111    En outre, il y a lieu de relever que la requérante semble reconnaître elle-même que le niveau de la publicité pour les produits vendus, selon elle, sous la marque contestée était relativement faible.

112    Pour autant que la requérante avance que les produits cosmétiques et de soins de beauté s’adressent surtout aux clients professionnels, ce qui expliquerait une publicité réduite, il y a lieu de relever, d’une part, que, comme il ressort de la décision attaquée, les produits de soins cutanés suscitent l’intérêt du grand public et, d’autre part, que les arguments non étayés de la requérante ne permettent pas de remettre en cause cette constatation. Par ailleurs, il ressort de la décision attaquée que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours a pris en considération la taille du marché dans le secteur des cosmétiques.

113    En quatrième lieu, les autres éléments de preuve invoqués par la requérante ne permettent pas non plus de corroborer l’affirmation relative à l’importance de l’usage de la marque contestée contenue dans la déclaration constituant l’élément de preuve no 1.

114    En effet, il convient de réitérer que les éléments de preuve nos 2 à 4, 10 et 16 ne permettent pas de constater un usage de la marque contestée en tant que marque pour des produits spécifiques. En outre, s’agissant du formulaire de commande constituant l’élément de preuve no 10, il y a lieu de relever, ainsi que cela ressort de la décision attaquée, que des informations sur le mode et la portée de la diffusion de ce document font défaut. En tout état de cause, cet élément de preuve ne permet de tirer aucune conclusion quant à la quantité de produits vendus. Il en va de même s’agissant de l’élément de preuve no 16, un papier à en-tête de la société beauty lumis, dont la requérante est la gérante.

115    En outre, l’élément de preuve no 5 est postérieur à la période pertinente et l’élément de preuve no 15 est antérieur à celle-ci. En ce qui concerne ce dernier, il convient de relever qu’il s’agit d’un document portant la mention « pour usage interne uniquement », pour lequel il n’est pas, par ailleurs, établi qu’il ait été utilisé au cours de la période pertinente.

116    Enfin, s’agissant de l’élément de preuve no 14, une capture d’écran provenant du site Internet byonik.net et montrant une carte des sites des établissements « Byonik Institute », il convient de relever que, contrairement à ce qu’avance la requérante, ce document ne permet pas de conclure, même pris conjointement avec les éléments de preuve nos 11 à 13, que des produits sous la marque contestée, ont été vendus ou proposés à des clients professionnels établis en Allemagne. Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, cet élément de preuve pourrait indiquer les destinataires de la brochure produite en tant qu’élément de preuve no 15, ce qui ne remettrait pas en cause les considérations figurant au point 115 ci-dessus.

117    Certes, il est de jurisprudence constante qu’il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même qu’aucun de ces éléments, pris isolément, ne serait de nature à établir l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 22 novembre 2018, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑424/17, non publié, EU:T:2018:824, point 39 et jurisprudence citée]. Néanmoins, en l’espèce, l’appréciation globale des éléments de preuve ne permet pas de conclure à l’importance de l’usage, telle que définie par la jurisprudence, pendant la période pertinente.

118    En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours ne s’est pas bornée à apprécier les éléments de preuve d’une manière isolée et s’est efforcée à établir les faits à démontrer en procédant à une appréciation globale desdits éléments.

119    Compte tenu de tout ce qui précède, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur lors de l’appréciation des éléments de preuve en ce qui concerne le critère relatif à l’importance de l’usage de la marque contestée.

–       Conclusion

120    Il convient de relever que les quatre exigences en matière de preuve de l’usage de la marque contestée, visées à la règle 22, paragraphe 3, du règlement no 2868/95 et portant sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée, sont cumulatives [voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2020, Diesel/EUIPO – Sprinter megacentros del deporte (Représentation d’une ligne incurvée et coudée), T‑615/18, non publié, EU:T:2020:223, point 35 et jurisprudence citée]. En outre, il ressort de la jurisprudence citée au point 117 ci-dessus, que chaque élément de preuve ne doit pas nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux d’une marque et qu’il ne peut pas être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même qu’aucun de ces éléments, pris isolément, ne serait de nature à établir l’exactitude de ces faits.

121    En l’espèce, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent en ce qui concerne les quatre aspects sur lesquels doit porter la preuve de l’usage que les éléments de preuve, appréciés globalement, ne permettent pas de constater que la marque contestée a été utilisée pendant la période pertinente afin de créer ou de conserver un débouché pour les produits en cause. Plus particulièrement, l’importance de l’usage de la marque contestée n’a pas été démontrée par la requérante. En outre, ainsi que cela ressort de l’analyse qui précède, des incertitudes persistent également en ce qui concerne la durée, le lieu et la nature de son usage pendant la période pertinente.

122    Dans ces conditions, la chambre a considéré à juste titre que l’usage sérieux de la marque contestée pendant la période pertinente n’a pas été démontré. Partant, le moyen unique de la requérante doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de l’intervenante tirés de la forme sous laquelle la marque contestée a été utilisée. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

123    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

124    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier. L’intervenante, n’ayant pas conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Angela Frommer supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      Minerva GmbH supportera ses propres dépens.

Collins

Csehi

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 juillet 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.