Language of document : ECLI:EU:T:2015:126

Affaire T‑826/14 R

Royaume d’Espagne

contre

Commission européenne

« Référé – Aides d’État – Régime d’impôt sur les sociétés permettant aux entreprises fiscalement domiciliées en Espagne d’amortir la survaleur résultant de prises de participations indirectes dans des entreprises fiscalement domiciliées à l’étranger – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Demande de sursis à exécution – Fumus boni juris – Défaut d’urgence »

Sommaire – Ordonnance du président du Tribunal du 27 février 2015

1.      Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Conditions d’octroi – Fumus boni juris – Urgence – Préjudice grave et irréparable – Caractère cumulatif – Mise en balance de l’ensemble des intérêts en cause – Ordre d’examen et mode de vérification – Pouvoir d’appréciation du juge des référés

(Art. 278 TFUE et 279 TFUE ; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

2.      Référé – Sursis à exécution – Conditions d’octroi – Fumus boni juris – Recours contre une décision de la Commission déclarant une aide d’État incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Existence d’un lien étroit avec des décisions antérieures annulées par le Tribunal – Probabilité très élevée de succès du recours principal – Fumus boni juris particulièrement sérieux

(Art. 107, § 1, TFUE, 278 TFUE et 279 TFUE)

3.      Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Conditions d’octroi – Fumus boni juris – Urgence – Caractère cumulatif – Fumus boni juris particulièrement sérieux – Absence d’incidence sur l’obligation d’un examen distinct de l’urgence

(Art. 278 TFUE et 279 TFUE ; règlement de procédure du Tribunal, art. 104, § 2)

4.      Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Conditions d’octroi – Préjudice grave et irréparable – Préjudice susceptible d’être invoqué par un État membre – Obligation d’établir une affectation sérieuse des missions étatiques, de l’ordre public ou d’un secteur entier de l’économie en l’absence de la mesure de référé

(Art. 278 TFUE et 279 TFUE)

5.      Référé – Sursis à exécution – Mesures provisoires – Conditions d’octroi – Urgence – Préjudice grave et irréparable – Préjudice purement hypothétique fondé sur la survenance d’événements futurs et incertains – Caractère insuffisant pour justifier l’urgence – Décision en matière d’aides d’État ayant un lien étroit avec des décisions antérieures annulées par le Tribunal – Dispense par la Commission de l’obligation de récupération de ces aides avant la décision définitive de la Cour – Défaut d’urgence

(Art. 278 TFUE et 279 TFUE)

1.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 12-14)

2.      Pour satisfaire à la condition tenant au Fumus boni juris, il peut suffire de relever qu’il existe un lien étroit entre, d’une part, la décision faisant l’objet d’une demande de sursis à exécution et, d’autre part, des décisions antérieures annulées par le Tribunal.

À cet égard, en matière d’aides d’État, le Fumus boni juris apparaît, à première vue, particulièrement sérieux dans un cas où la décision faisant l’objet d’une demande de sursis à exécution repose sur la prémisse selon laquelle une nouvelle mesure fiscale revêt un caractère sélectif pour les mêmes raisons que celles que la Commission a retenues dans des décisions antérieures en vue de qualifier le régime fiscal initial d’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, alors que le Tribunal a annulé ces décisions antérieures à défaut, pour la Commission, d’avoir établi que ledit régime était sélectif, et ce à la suite d’un examen minutieux, tant en fait qu’en droit. En effet, dans un tel cas, la probabilité de succès du recours sur lequel se greffe la demande en référé visant la prétendue aide nouvelle doit être considérée comme très élevée.

(cf. points 17, 18, 20, 21)

3.      Dans le cadre d’une procédure de référé, dans la mesure où les conditions requises pour l’octroi d’une mesure provisoire sont interdépendantes, le caractère plus ou moins sérieux du Fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence. Ainsi, l’urgence dont peut se prévaloir une partie requérante doit d’autant plus être prise en considération par le juge des référés que ce dernier a qualifié le Fumus boni juris de particulièrement sérieux.

Il n’en reste pas moins que, conformément aux dispositions de l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, les conditions relatives au Fumus boni juris et à l’urgence sont distinctes et cumulatives, de sorte que le requérant demeure tenu de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et irréparable. Il s’ensuit que, à l’exception du contentieux spécifique de la passation des marchés publics, un Fumus boni juris, aussi fort soit-il, ne peut pallier l’absence d’urgence.

(cf. points 22, 23)

4.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 25, 26, 31, 48, 49)

5.      L’appréciation de la question de savoir s’il est urgent pour le juge des référés d’adopter des mesures provisoires dépend de la situation factuelle dans laquelle se trouve la partie qui sollicite ces mesures. Un risque purement théorique et hypothétique ne suffit pas à cet effet. Ainsi, la seule existence d’une obligation juridique ne saurait, en principe, créer une situation d’urgence pour le justiciable nécessitant l’octroi d’une mesure provisoire, aussi longtemps qu’aucune mesure d’exécution contraignante n’a été prise en vue de faire respecter ladite obligation.

S’agissant d’une demande de sursis à exécution visant une décision en matière d’aides d’État qui a un lien étroit avec des décisions antérieures annulées par le Tribunal, le préjudice susceptible d’être causé à un État membre par une récupération des prétendues aides d’État ne saurait être considéré comme suffisamment imminent pour justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité, lorsque la Commission a explicitement déclaré qu’elle dispensait les autorités de cet État membre de leur obligation de récupération, jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée sur les pourvois dirigés contre les arrêts ayant annulé lesdites décisions antérieures, et que cette suspension des mesures de récupération ne violait pas le droit de l’Union.

(cf. points 33, 37, 40, 46)