Language of document : ECLI:EU:T:2016:748

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 décembre 2016 (*)

[Texte rectifié par ordonnance du 10 juillet 2017]

« Concurrence – Abus de position dominante – Marchés grecs de la fourniture de lignite et de gros de l’électricité – Décision instituant des mesures spécifiques pour remédier aux effets anticoncurrentiels d’une infraction à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE – Article 86, paragraphe 3, CE – Obligation de motivation – Proportionnalité – Liberté contractuelle »

Dans l’affaire T‑421/09 RENV,

Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), établie à Athènes (Grèce), représentée par Me P. Anestis, avocat,

partie requérante,

soutenue par

République hellénique, représentée par MM. P. Mylonopoulos et K. Boskovits, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Christoforou, en qualité d’agent, assisté de Me A. Oikonomou, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2009) 6244 final de la Commission, du 4 août 2009, instituant des mesures spécifiques pour remédier aux effets anticoncurrentiels de l’infraction recensés dans la décision de la Commission du 5 mars 2008 concernant l’octroi ou le maintien par la République hellénique de droits en faveur de DEI pour l’extraction de lignite,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen (rapporteur), président, Mme I. Pelikánová et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 mars 2016,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur la requérante

1        La requérante, Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI), a été créée par la loi grecque n° 1468, des 2 et 7 août 1950 (FEK A’ 169), sous la forme d’une entreprise publique appartenant exclusivement à la République hellénique. Elle a été transformée en société par actions en vertu de la loi grecque n° 2414/1996, relative à la modernisation des entreprises publiques (FEK A’ 135), la République hellénique restant toutefois son actionnaire unique.

2        La requérante a bénéficié du droit exclusif de produire, de transporter et de fournir de l’électricité en Grèce jusqu’à l’adoption des premières mesures de libéralisation du marché grec de l’électricité, prises en vertu de la loi grecque n° 2773/1999, relative à la libéralisation du marché de l’électricité (FEK A’ 286), qui a notamment transposé la directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 décembre 1996, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité (JO 1997, L 27, p. 20). Conformément à cette loi ainsi qu’au décret présidentiel grec n° 333/2000 (FEK A’ 278), la requérante a été transformée en société anonyme à partir du 1er janvier 2001, la participation de la République hellénique ne pouvant être inférieure, aux termes de l’article 43, paragraphe 3, de la loi n° 2773/1999, à 51 % des actions avec droit de vote. Cette participation était de 51,12 % à l’époque des faits.

 Sur le marché du lignite en Grèce

3        Le lignite est un minerai de charbon, essentiellement utilisé comme combustible à des fins de production d’électricité, dont la Grèce, avec des réserves connues d’environ 4 500 millions de tonnes au 1er janvier 2005, est le cinquième producteur au monde et le deuxième dans l’Union européenne.

4        Des droits d’exploration et d’exploitation ont été octroyés en Grèce à desentités autres que la requérante avant la Seconde Guerre mondiale pour des mines de lignite de petite et de moyenne taille, dénommées Achlada, Vevi et Amynteon/Vegora, représentant au 1er janvier 2007 des réserves totales de 210,5 millions de tonnes.

5        En application de l’article 22 du décret législatif grec n° 4029/1959 des 12 et 13 novembre 1959 (FEK A’ 250), la requérante détient les droits exclusifs d’exploitation du lignite dans la région de l’Arcadie, dont les réserves sont d’environ 250 millions de tonnes. Ces droits, renouvelés en 1976, expireront le 5 mars 2026 et pourraient être renouvelés pour une durée de 25 ans.

6        Un code minier a été introduit en Grèce par le décret législatif grec n° 210/1973 (FEK A’ 277), puis modifié par la loi grecque n° 274/1976 (FEK A’ 50). Les articles 143 et 144 de ce code prévoient que les droits d’exploration et d’exploitation sur des gisements publics sont octroyés simultanément, soit à l’issue d’une procédure d’appel d’offres, soit par attribution directe dans les cas urgents et pour des raisons relevant de l’intérêt public.

7        L’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975, des 23 et 29 août 1975 (FEK A’ 180), dispose que, « en vertu d’une décision du ministre de l’Industrie [grec], il est possible de déterminer […] les zones […] dans lesquelles [la requérante] a le droit exclusif de rechercher et d’exploiter des combustibles minéraux solides ». En vertu de plusieurs décisions ministérielles adoptées sur la base de cette disposition, la requérante s’est vu octroyer des droits d’exploration et d’exploitation des gisements de lignite dans les régions, d’une part, d’Amynteon, de Prosilion-Trigonikon et de Komnina, jusqu’en 2018, correspondant à 378 millions de tonnes de réserves et, d’autre part, de Flórina, jusqu’en 2024, représentant environ 140 millions de tonnes de réserves.

8        Par la loi n° 134/1975, qui a permis la fusion de la société Liptol AE avec la requérante, cette dernière a également acquis la totalité des droits d’exploration et d’exploitation du lignite de Liptol dans la région de Ptolemaïs. Ces droits, couvrant des réserves d’environ 1 500 millions de tonnes, ont été renouvelés en 1976 jusqu’au 5 mars 2026 et pourraient être renouvelés pour une durée supplémentaire de 25 ans.

9        Par des décisions ministérielles de 1985 et de 1994, prises en vertu de la loi n° 134/1975, des droits, uniquement d’exploration, ont été octroyés à la requérante concernant les gisements de lignite de Dráma et d’Elassona, qui représentent environ 1 000 millions de tonnes de réserves. Ces droits ont expiré en 2005.

10      Après 1985, des droits d’exploration et d’exploitation ont également été octroyés à des entreprises autres que la requérante pour sept gisements de lignite de petite taille.

11      Ainsi, à l’époque des faits, sur environ 4 500 millions de tonnes de réserves de lignite en Grèce, les droits d’exploration et d’exploitation octroyés à la requérante s’élevaient à environ 2 200 millions de tonnes ; 85 millions de tonnes appartenaient à des tiers et environ 220 millions de tonnes relevaient des gisements publics explorés et exploités par des tiers, mais approvisionnant en partie les centrales de la requérante. Aucun droit d’exploitation n’avait encore été attribué pour environ 2 000 millions de tonnes de réserves de lignite.

 Sur le marché de l’électricité en Grèce

 Licences de production d’électricité et de construction de centrales électriques

12      Le marché grec de l’électricité a été partiellement ouvert à la concurrence en vertu de la loi n° 2773/1999 (voir point 2 ci-dessus), laquelle a instauré, d’une part, une autorisation préalable pour la construction de centrales et pour la production d’électricité, accordée par décision du ministre du Développement grec, après avis de Rythimistiki Archi Energias (RAE, autorité régulatrice de l’énergie, Grèce) et, d’autre part, une entité gestionnaire des réseaux de transport d’électricité, dénommée Hellenic Transmission System Operator SA (HTSO).

13      L’article 15, paragraphe 4, de la loi n° 2773/1999, modifié par l’article 23, paragraphe 9, de la loi n° 3175/2003, a autorisé HTSO à engager des procédures d’appel d’offres, la requérante n’étant pas autorisée à participer à certains de ceux-ci, pour la construction et l’opération, moyennant une subvention, de centrales visant à garantir le maintien d’une capacité de production d’électricité suffisante.

14      Conformément à l’article 42 de la loi n° 2773/1999, la requérante s’est vu octroyer une licence unique pour l’ensemble des centrales électriques lui appartenant, construites ou en cours de construction à la date d’entrée en vigueur de cette loi. En vertu des dispositions combinées de l’article 8, paragraphe 5, de la loi grecque n° 2941/2001 (FEK A’ 201) et de l’article 24 de la loi grecque n° 3377/2005 (FEK A’ 202), la validité de cette licence a été prorogée jusqu’au 31 décembre 2008.

15      De plus, conformément à l’article 23, paragraphe 12, de la loi n° 3175/2003, la requérante a obtenu une licence pour le remplacement de centrales anciennes, sans que soient précisées les technologies à employer, pour un total de 1 600 mégawatts (MW). La République hellénique indique que ce remplacement concerne 1 200 MW produits par des centrales au gaz et seulement 400 MW produits par des centrales au lignite. En novembre 2007, la requérante aurait annoncé qu’elle allait demander des licences pour deux centrales de 450 MW alimentées au lignite, appelées Florina II et Ptolemaïda V.

16      S’agissant des centrales fonctionnant au lignite, toutes les centrales existantes appartiennent à la requérante. Trois demandes d’entreprises tierces visant la construction de telles centrales ont été rejetées, RAE ayant estimé que la capacité financière des demandeurs et les quantités de lignite prévues étaient insuffisantes ou insuffisamment démontrées.Une quatrième demande, déposée par la société EFT Hellas SA, était, à l’époque des faits, toujours en cours d’examen.Enfin, une cinquième demande, déposée par la société Heron AE le 26 mars 2007 pour une centrale de 460 MW, a été octroyée le 7 janvier 2009.

17      S’agissant des centrales électriques autres que celles fonctionnant au lignite, la requérante a obtenu, le 16 juillet 2003, une licence de production d’électricité pour une centrale à cycle combiné alimentée au gaz, d’une capacité de 400 MW, à Lavrion et, le 4 novembre 2003, une licence pour une centrale à turbines à gaz de 120 MW jusqu’à la mise en service de la centrale susmentionnée de Lavrion.

18      Onze concurrents de la requérante ont obtenu des licences pour des centrales au gaz, pour une capacité totale de 4 114 MW, à la suite d’un appel d’offres lancé par RAE en 2001 excluant, notamment, les centrales au lignite. D’autres licences ont également été délivrées depuis 2001 pour des centrales à cycle combiné alimentées au gaz ainsi que pour une turbine à gaz à circuit ouvert. Globalement, au mois de mars 2006, 21 licences, représentant une capacité totale 5 930 MW, avaient été délivrées à des sociétés autres que la requérante pour des centrales ne fonctionnant pas au lignite. Toutefois, une seule centrale avait été effectivement construite.

19      S’agissant des centrales électrocalogènes et des centrales fonctionnant à partir de sources d’énergie renouvelables, la loi n° 2773/1999 leur a permis de bénéficier d’une priorité en matière de distribution si leur capacité était inférieure à 50 MW, d’un prix de vente de l’électricité réglementé et d’une exemption, pour les petits projets, de l’obligation de licence. Ensuite, en vue de faciliter le développement de ces centrales, la loi grecque n° 3468/2006 (FEK A’ 129) a supprimé le plafond de 50 MW, a rendu le prix de vente plus attractif, a rationalisé le processus d’octroi de licences et a relevé les seuils en dessous desquels une licence n’est pas exigée.

 Importation de l’électricité

20      Le réseau interconnecté de transport de l’électricité grec (ci‑après le « RIG »), qui couvre le territoire continental grec ainsi que certaines îles connectées à celui-ci, est relié au réseau électrique italien, avec une capacité d’interconnexion maximale de 500 MW, et à celui des pays du nord de la Grèce, à savoir l’Albanie, la Bulgarie et l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ci‑après les « pays du nord »), avec une capacité d’interconnexion de 600 MW. La capacité totale d’interconnexion avec d’autres réseaux s’élève donc à 1 100 MW. Un nouveau dispositif d’interconnexion destiné à relier le RIG au réseau électrique turc, d’environ 200 MW, devait être opérationnel en 2008.

21      Dans la mesure où, d’une part, une partie substantielle de la capacité d’interconnexion avec les pays du nord est réservée à la requérante jusqu’au 1er juillet 2007 et, d’autre part, une partie de la capacité d’interconnexion avec l’Italie est gérée par l’entité de gestion du réseau électrique italienne, un maximum de 500 MW (200 MW provenant des pays du nord et 300 MW provenant de l’Italie) pouvait théoriquement être importé, à l’époque des faits, par les concurrents de la requérante, lesquels devraient avoir accès à 900 MW dans un avenir proche, ce qui représentait 7,5 % de la capacité intérieure totale installée et 6,9 % de la somme de la capacité intérieure totale et de la capacité d’importation.

 Marché journalier obligatoire

22      La loi n° 3175/2003 a prévu la mise en œuvre, à partir de mai 2005,d’un marché journalier obligatoire pour tous les vendeurs et acheteurs d’électricité dans le RIG. Sur ce marché, les producteurs et les importateurs d’électricité soumettent des offres (comprenant l’indication d’un prix et d’une quantité d’électricité) la veille de chaque jour, tandis que les fournisseurs et les clients soumettent des prévisions de charge pour couvrir les besoins de leurs clients. Tenant compte de ces éléments, HTSO élabore le programme horaire de chargement des centrales pour le lendemain. À cet égard, elle prend préalablement en considération la prévision des injections d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, de centrales électrocalogènes et de certaines centrales hydroélectriques, qui bénéficient d’une priorité. Elle prend en considération, ensuite, l’électricité offerte par les centrales thermiques, dont celles alimentées au lignite, au gaz et au pétrole. Pour ces dernières, les tarifs horaires offerts par les producteurs doivent être au moins égaux au coût variable de la centrale. Les offres des centrales électriques ayant le coût variable le plus bas sont donc les premières à être retenues. Le prix offert par la centrale de production la plus chère qui finit par être intégrée dans le programme de distribution en vue de satisfaire la demande, appelé « prix plafond du système », est le prix finalement payé à tous les producteurs et importateurs dont les offres ont été retenues.

 Sur la procédure administrative

23      Le 5 mars 2008, la Commission européenne a adopté la décision C(2008) 824 final, concernant l’octroi ou le maintien par la République hellénique de droits en faveur de la requérante pour l’extraction de lignite (ci-après la « décision du 5 mars 2008 »). À l’article 1er de cette décision, la Commission a constaté que l’article 22, paragraphe 1, du décret législatif n° 4029/1959, l’article 3, paragraphe 1, de la loi n° 134/1975 et les décisions ministérielles prises en application de ladite loi pour octroyer des droits d’exploration et d’exploitation du lignite à la requérante étaient contraires à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, dans la mesure où ils avaient accordé et maintenu des droits privilégiés en faveur de la requérante pour l’exploitation de lignite en Grèce, créant ainsi une situation d’inégalité de chances entre les opérateurs économiques en ce qui concerne l’accès aux combustibles primaires aux fins de la production d’électricité et permettant à la requérante de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché de gros de l’électricité en excluant toute nouvelle entrée sur le marché ou en y faisant obstacle.

24      Il y a lieu d’indiquer que l’article 1er de la décision du 5 mars 2008 contient une erreur matérielle, en ce qu’il fait référence à l’article 3, paragraphe 1, de la loi n° 134/1975. En effet, il ressort du dossier que la disposition visée par cette décision est le paragraphe 3 dudit article.

25      Conformément à l’article 2 de la décision du 5 mars 2008, dans un délai, respectivement, de deux mois et de huit mois à compter de la notification de celle-ci, la République hellénique devait informer la Commission des mesures qu’elle avait l’intention d’adopter pour corriger les effets anticoncurrentiels visés à l’article 1er et mettre en œuvre ces mesures.

26      La décision du 5 mars 2008 a été contestée par la requérante, soutenue par la République hellénique, dans l’affaire DEI/Commission (T‑169/08).

27      La notification de la décision du 5 mars 2008 a été suivie d’un échange de lettres entre la Commission et la République hellénique. Cette dernière, par lettres des 20 mai, 13 octobre et 12 décembre 2008, a notamment, d’une part, rappelé sa position selon laquelle il n’existait pas, en l’espèce, de violation des règles de la concurrence et, d’autre part, proposé l’adoption de certaines mesures pour faciliter aux concurrents de la requérante l’accès à la production d’électricité à partir du lignite.

28      Par lettres du 25 février 2009, la Commission a communiqué, respectivement, à la République hellénique et à la requérante son intention de rendre contraignantes les mesures proposées en adoptant une décision sur le fondement de l’article 86, paragraphe 3, CE. La République hellénique et la requérante ont présenté leurs observations à cet égard par lettres des 18 et 26 mars 2009.

 Sur la décision attaquée

29      Le 4 août 2009, la Commission a adopté la décision C(2009) 6244 final, instituant des mesures spécifiques pour remédier aux effets anticoncurrentiels de l’infraction recensés dans la décision du 5 mars 2008 concernant l’octroi ou le maintien par la République hellénique de droits en faveur de la requérante pour l’extraction de lignite (ci-après la « décision attaquée »).

30      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les observations formulées par la requérante dans sa lettre du 26 mars 2009 ne mettaient pas en cause les conclusions établies dans la décision du 5 mars 2008, y compris en ce qui concerne la nécessité d’adopter des mesures correctives (considérants 13 à 16 de la décision attaquée).

31      La Commission a précisé que, dans la décision du 5 mars 2008, elle avait estimé que les concurrents de la requérante, afin de pouvoir concurrencer celle-ci sur le marché en aval, devaient disposer d’au moins 40 % des réserves grecques de lignite exploitables et a indiqué que ni la requérante ni la République hellénique n’avaient spécifiquement remis en question ce pourcentage (considérants 17 à 21 de la décision attaquée).

32      Par ailleurs, la Commission a considéré que ni les informations présentées par la requérante ni celles dont elle disposait ne montraient qu’un approvisionnement éventuel en lignite par le biais d’importations était praticable (considérants 22 à 26 de la décision attaquée).

33      En outre, la Commission a considéré, à la lumière des informations communiquées par la requérante et la République hellénique dans le cadre de la procédure administrative qui avait conduit à l’adoption de la décision du 5 mars 2008, que les concurrents de la requérante disposaient d’un accès potentiel à au moins 38,5 % de l’ensemble des gisements de lignite exploitables en Grèce (considérants 29 à 32 de la décision attaquée).

34      La Commission a estimé ainsi, d’une part, qu’il était nécessaire et proportionné d’exclure la requérante des procédures d’attribution des droits d’exploitation des gisements de Dráma, d’Elassona, de Vegora et de Vevi (ci‑après les « gisements DEVV »), à moins qu’aucune autre offre sérieuse ne soit soumise et, d’autre part, que le lignite extrait de ces gisements ne devait pas être livré à la requérante, à moins qu’aucune autre offre d’achat sérieuse ne soit soumise par un concurrent de celle-ci, tant qu’elle détiendrait les droits d’exploitation de plus de 60 % des réserves de lignite attribuées (considérants 33 à 40 de la décision attaquée).

35      L’article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée est rédigé comme suit :

« Afin de remédier aux effets anticoncurrentiels des mesures étatiques recensés dans la décision de la Commission du 5 mars 2008, la République hellénique prend toutes les mesures nécessaires pour :

a)      accorder les droits d’exploitation des [gisements DEVV], par appels d’offres, à d’autres entités que [la requérante], à moins qu’aucune autre offre sérieuse ne soit soumise ;

b)      interdire aux détenteurs de droits d’exploitation des gisements de Dráma, d’Elassona et de Vegora de vendre le lignite extrait à [la requérante], à moins qu’aucune autre offre d’achat sérieuse ne soit soumise, et ce tant que [la requérante] détiendra les droits exploitation de plus de 60 % de l’ensemble des réserves de lignite concédées à des fins d’exploitation en Grèce ;

c)      lancer une nouvelle procédure d’attribution des droits d’exploitation du gisement de Vevi si la procédure actuellement en cours est annulée. Dans le cadre de cette procédure, il ne sera tenu compte d’aucune offre éventuelle de la part de [la requérante], à moins qu’aucune autre offre sérieuse ne soit soumise, et le détenteur des droits ne sera pas autorisé à vendre le lignite extrait à [la requérante], à moins qu’aucune autre offre d’achat sérieuse ne soit soumise, et ce tant que [la requérante] détiendra les droits d’exploitation de plus de 60 % de l’ensemble des réserves de lignite concédées à des fins d’exploitation en Grèce. »

36      L’article 1er, second alinéa, de la décision attaquée indique que, si la République hellénique estime qu’aucune offre sérieuse n’a été soumise et envisage d’accorder les droits d’exploitation à la requérante, elle soumet cette proposition à l’approbation de la Commission.

37      L’article 2, paragraphe 1, de la décision attaquée prévoit que les procédures d’adjudication donnant effet aux mesures mentionnées à l’article 1er, premier alinéa, sous a), de cette décision sont lancées et exécutées dans les plus brefs délais, et au plus tard dans un délai de six mois à compter de la notification de ladite décision, et que les droits d’exploitation sont alloués de façon effective aux adjudicataires au plus tard dans les douze mois suivants.

38      L’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée énonce que les délais de six et de douze mois, respectivement, s’appliquent également au gisement de Vevi en cas de nouvelle procédure d’attribution des droits le concernant et commencent à courir à compter de la date d’annulation définitive de la procédure en cours à la date d’adoption de la décision du 5 mars 2008.

39      L’article 2, paragraphe 3, de la décision attaquée dispose que la République hellénique adresse à la Commission, jusqu’à l’entière mise en œuvre des mesures mentionnées à l’article 1er de cette décision (ci‑après les « mesures imposées »), un rapport trimestriel sur les actions entreprises à cet égard.

40      Enfin, l’article 2, paragraphe 4, de la décision attaquée dispose que, si la République hellénique se trouve dans l’incapacité de respecter les délais indiqués aux paragraphes 1 et 2 dudit article, en raison notamment de circonstances imprévues échappant à son contrôle, elle soumet sans tarder à la Commission une demande motivée de prolongation.

 Procédure et conclusions des parties

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2009, la requérante a demandé l’annulation de la décision attaquée et la condamnation de la Commission aux dépens.

42      La Commission a déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal le 23 février 2010, par lequel elle a demandé au Tribunal de rejeter le recours et de condamner la requérante aux dépens.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 février 2010, la République hellénique a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

44      Par ordonnance du 16 avril 2010, le président de la septième chambre du Tribunal a admis la demande d’intervention de la République hellénique.

45      Par arrêt du 20 septembre 2012, DEI/Commission (T‑421/09, non publié, EU:T:2012:450), le Tribunal a annulé la décision attaquée et a condamné la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante. La République hellénique a été condamnée à supporter ses propres dépens.

46      [Tel que rectifié par ordonnance du 10 juillet 2017] Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 2012, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

47      Par arrêt du 17 juillet 2014, Commission/DEI (C‑554/12 P, non publié, EU:C:2014:2085), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal, renvoyé l’affaire devant celui-ci et réservé les dépens.

 Procédure et conclusions après renvoi

48      À la suite de l’arrêt du 17 juillet 2014 (voir point 47 ci-dessus) et conformément à l’article 118, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, l’affaire a été attribuée à la première chambre, par décision du président du Tribunal du 3 septembre 2014. Conformément à l’article 119, paragraphe 1, du règlement de procédure du 2 mai 1991, la requérante, la Commission et la République hellénique ont déposé des mémoires d’observations écrites au greffe du Tribunal, respectivement, le 3 octobre 2014, le 25 novembre 2014 et le 21 janvier 2015.

49      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

50      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 8 mars 2016.

51      La requérante, soutenue par la République hellénique, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

53      Par arrêt de ce jour dans l’affaire T‑169/08 RENV (DEI/Commission), le Tribunal a rejeté le recours de la requérante contre la décision du 5 mars 2008.

 En droit

54      La requérante invoque quatre moyens à l’appui du recours, tirés, premièrement, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la définition des marchés en cause ; deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une erreur de droit quant à la nécessité des mesures imposées ; troisièmement, de la violation de l’obligation de motivation et, quatrièmement, de la violation du principe de liberté contractuelle et du principe de proportionnalité.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la délimitation des marchés en cause

55      Il y a lieu de rappeler que, au considérant 158 de la décision du 5 mars 2008, la Commission a indiqué que les mesures étatiques visées à l’article 1er de cette décision concernaient deux marchés distincts, le marché en amont et le marché en aval. Selon la Commission, lesdites mesures, en octroyant des droits d’exploitation du lignite quasi exclusivement à la requérante et en excluant toute nouvelle entrée de concurrents sur le marché en amont ou en y faisant obstacle, permettaient à la requérante de maintenir ou de renforcer sa position dominante sur le marché en aval.

56      Il ressort du dossier que, dans le cadre de ses observations du 26 mars 2009, la requérante a exprimé son désaccord avec les conclusions de la Commission établies dans la décision du 5 mars 2008 quant à la délimitation des marchés visés par cette décision. Elle a ainsi invité la Commission à ne pas adopter de nouvelle décision en application de l’article 86, paragraphe 3, CE et à prendre en considération l’évolution de ces marchés ainsi qu’à abroger la décision du 5 mars 2008. En particulier, la requérante a attiré l’attention sur certains développements intervenus sur le marché en aval. Il s’agit, d’abord, de projets d’installation, par ses concurrents, de nouvelles centrales alimentées au gaz, ensuite, d’une licence accordée par le ministère du Développement grec à Heron, en date du 23 janvier 2009, pour la production d’électricité à partir d’une centrale au lignite en projet et, enfin, d’un article de journal daté du 23 janvier 2009 relatif audit projet.

57      Dans la décision attaquée, la Commission a fait état des observations formulées par la requérante dans sa lettre du 26 mars 2009 et a considéré qu’elle n’avait pas invoqué de faits nouveaux et substantiels justifiant un réexamen des constatations et des conclusions de la décision du 5 mars 2008, y compris celles concernant la délimitation des marchés en cause.

58      Dans le cadre du présent moyen, la requérante, soutenue par la République hellénique, fait valoir que la délimitation des marchés effectuée par la Commission dans la décision du 5 mars 2008 est erronée, ce qui aurait un impact sur la légalité de la décision attaquée.

59      La Commission répond que ce moyen doit être rejeté, à titre principal, comme étant irrecevable, dans la mesure où il ne porte pas directement sur la légalité de la décision attaquée, mais sur celle de la décision du 5 mars 2008. Par ailleurs, la requérante demanderait en réalité un réexamen de cette décision sans apporter des faits nouveaux et substantiels, ce qui serait exigé par la jurisprudence pour qu’un tel réexamen soit requis. À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que le moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

60      Il convient d’examiner directement le moyen au fond.

61      Il y a lieu de relever que les erreurs invoquées par la requérante et la République hellénique dans le cadre du présent moyen concernent toutes la délimitation du marché en amont. Elles critiquent la décision du 5 mars 2008 en ce sens que, aux considérants 161, 168 et 169 de celle-ci, la Commission a conclu que le marché en amont était un marché de produit distinct, dont la dimension géographique était nationale. À cet égard, la requérante, soutenue par la République hellénique, présente en substance deux arguments. Elle fait valoir que le marché en amont, d’une part, ne peut pas se limiter à la fourniture de lignite, mais doit être constitué par tous les combustibles et sourcesà partir desquels l’électricité est produite et, d’autre part, couvre non seulement le lignite produit en Grèce, mais également le lignite produit dans certains pays du nord et au Kosovo. Or, ces arguments sont en substance identiques à ceux présentés dans le cadre du premier moyen, première branche, première sous‑branche, premier et quatrième griefs, exposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, DEI/Commission (T‑169/08 RENV). Ces arguments ayant été rejetés dans cette affaire (arrêt du 15 décembre 2016, DEI/Commission, T‑169/08 RENV, points 66 à 73 et 84 à 100) et en l’absence de nouveaux arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la présente affaire, le présent moyen doit être rejeté pour les mêmes motifs (voir, en ce sens, arrêt du 6 novembre 2003, Pays Bas/Commission, C‑501/01, EU:C:2003:603, point 18).

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une erreur de droit quant à la nécessité des mesures imposées

62      La requérante, soutenue par la République hellénique, soutient que les mesures imposées ne sont pas nécessaires, car il n’existe aucune violation de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE dont les effets devraient être corrigés. À cet égard, elle présente plusieurs arguments qu’elle divise en trois branches. Celles-ci sont tirées, la première, de l’existence de quatre conceptions erronées sur lesquelles la décision attaquée serait fondée, la deuxième, de l’existence de faits nouveaux par rapport à ceux examinés dans la décision du 5 mars 2008, invoqués au cours de la procédure administrative et susceptibles de justifier l’abandon de toute mesure corrective et, la troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le calcul de la part des gisements de la requérante.

63      La Commission estime que certains des arguments présentés par la requérante visent à démontrer que la décision du 5 mars 2008 était illégale. Dès lors que ces arguments ne concernent pas la légalité de la décision attaquée, ils seraient irrecevables. Par ailleurs, ces arguments, ainsi que les autres arguments présentés, seraient non fondés.

64      Il convient d’examiner directement au fond les trois branches du présent moyen.

 Sur la première branche

65      La requérante reproche à la Commission d’avoir refusé de modifier les conclusions auxquelles elle était parvenue dans la décision du 5 mars 2008 en dépit des arguments juridiques et de fait qu’elle avait présentés pendant la procédure administrative ainsi que dans le cadre de son recours à l’encontre de la décision du 5 mars 2008. En ignorant ces arguments, la Commission aurait fondé la décision attaquée sur quatre conceptions erronées. À cet égard, la requérante avance cinq griefs, que la Commission conteste.

–       Sur le premier grief

66      La requérante affirme que la décision attaquée est nécessairement fondée sur la prémisse, figurant au considérant 222 de la décision du 5 mars 2008, selon laquelle le lignite était le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans le RIG. Or, cette prémisse serait erronée. À l’appui de cette affirmation, la requérante présente, en substance, trois arguments, que la Commission conteste.

67      Premièrement, la requérante relève qu’elle avait informé la Commission de l’erreur commise à plusieurs reprises, insistant sur l’importance, d’une part, de tous les combustibles en concurrence pour produire de l’électricité et, d’autre part, de l’électricité importée, laquelle serait introduite dans le marché journalier avec une priorité dans le temps. La requérante renvoie à plusieurs documents annexés à la requête dont il ressortirait que la Grèce importe des quantités significatives et croissantes d’électricité.

68      Toutefois, force est de constater que le seul fait d’avoir informé la Commission de l’existence du prétendu caractère erroné d’une conclusion n’est pas susceptible, en lui-même, de démontrer que cette conclusion est erronée.

69      Par ailleurs, le renvoi par la requérante à des documents qui éventuellement prouveraient l’importance croissante des importations d’électricité sur le RIG n’est pas susceptible de démontrer que la Commission a commis une erreur en considérant que le lignite était le combustible le plus avantageux pour produire de l’électricité dans ce marché. En effet, l’existence de ces importations n’est nullement incompatible avec le caractère particulièrement compétitif du lignite en tant que combustible sur ce marché.

70      Il y a donc lieu de rejeter le premier argument de la requérante.

71      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur, aux considérants 18 et 19 de la décision attaquée, en considérant que l’existence d’un certain intérêt de la part de ses concurrents à avoir accès au lignite pour diversifier leur portefeuille démontrait que le lignite était indispensable ou plus compétitif que d’autres combustibles.

72      Cet argument, que la Commission conteste, manque en fait. Au considérant 19 de la décision attaquée, la Commission a, certes, indiqué que les concurrents de la requérante avaient besoin d’une quantité minimale de réserves de lignite pour « construire des portefeuilles de génération équilibrés ». Toutefois, il ressort de ce même considérant que les raisons justifiant ce besoin sont la nécessité, d’une part, d’avoir accès à une « capacité de base » et, d’autre part, d’exercer une pression concurrentielle sur la requérante dans les périodes creuses.

73      Par ailleurs, la Commission n’a indiqué ni dans la décision attaquée ni dans la décision du 5 mars 2008 que l’accès au lignite était indispensable pour avoir accès au marché en aval. Elle s’est limitée à constater que le lignite était un combustible particulièrement avantageux pour produire de l’électricité sur le RIG.

74      Dès lors, le deuxième argument de la requérante doit être rejeté.

75      Troisièmement, la requérante, soutenue par la République hellénique, fait valoir que le lignite n’est pas particulièrement compétitif en tant que combustible aux fins de production d’électricité sur le RIG, notamment par rapport au gaz, compte tenu des coûts croissants de production, en particulier pour les centrales de nouvelle construction, des coûts associés aux contraintes environnementales que les centrales alimentées au lignite doivent supporter et des coûts fixes élevés liés à la construction d’une centrale alimentée au lignite. Or, cet argument est en substance identique à celui présenté dans le premier moyen, troisième branche, cinquième grief, du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, DEI/Commission (T‑169/08 RENV). Cet argument ayant été rejeté dans cette affaire (arrêt du 15 décembre 2016, DEI/Commission, T‑169/08 RENV, points 152 à 172) et en l’absence de nouveaux arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la présente affaire, il doit être rejeté en l’espèce pour les mêmes motifs.

76      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief.

–       Sur le deuxième grief

77      La requérante, soutenue par la République hellénique, affirme que la décision attaquée est fondée sur la prémisse selon laquelle la création, par un État membre, d’une simple inégalité de chances entre les entreprises en concurrence dans un secteur d’activité est contraire aux dispositions combinées des articles 82 et 86 CE. Cette prémisse serait incompatible avec la jurisprudence et, donc, erronée.

78      Or, il y a lieu de relever que la Cour a expressément rejeté cet argument, que la Commission conteste, dans l’arrêt du 17 juillet 2014, Commission/DEI (C‑553/12 P, EU:C:2014:2083). En effet, il ressort de cet arrêt que, si l’inégalité des chances entre les opérateurs économiques, et, donc, la concurrence faussée, est le fait d’une mesure étatique, une telle mesure constitue une violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE.

79      Le deuxième grief doit ainsi être rejeté.

–       Sur le troisième grief

80      La requérante fait valoir que, en adoptant la décision attaquée, la Commission a utilisé, à tort, le droit de la concurrence pour remettre en cause des faits qui s’étaient légalement produits avant la libéralisation du marché en aval, à savoir l’attribution de droits d’exploitation des gisements publics de lignite en faveur de la requérante, laquelle ne constituerait pas une discrimination au détriment de ses concurrents.

81      Les arguments de la requérante, que la Commission conteste, manquent en fait.

82      En effet, la décision attaquée se limite à demander, de la part de la République hellénique, l’adoption de certaines mesures susceptibles de remédier à l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008 entre la requérante et ses concurrents. Ces mesures ne mettent pas en cause les droits d’exploitation de gisements publics de lignite déjà octroyés à la requérante, mais visent à garantir aux concurrents de celle‑ci un accès suffisant aux gisements de lignite non encore attribués.

83      Quant à l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008, il convient de rappeler qu’elle réside dans le fait que la requérante bénéficie d’un accès quasi exclusif au lignite utilisable pour produire de l’électricité dans le RIG, alors qu’il s’agirait du combustible le plus avantageux à cette fin. Le fait que cette inégalité de chances puisse être expliquée pour des raisons historiques, à le supposer avéré, ne signifie pas qu’elle n’est pas réelle et que ses effets ne doivent pas être corrigés.

84      Il y a donc lieu de rejeter le présent grief.

–       Sur le quatrième grief

85      La requérante fait valoir que l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008 n’était pas réelle, dans la mesure où les dispositions étatiques avantageant la requérante dans les procédures d’octroi de droits d’exploitation sur des gisements publics de lignite étaient en substance inopérantes depuis 1994 et formellement abrogées lors de l’adoption de la loi n° 3734/2009. Or, cet argument, que la Commission conteste, est en substance identique à celui présenté dans le premier moyen, troisième branche, premier grief, du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, DEI/Commission (T‑169/08 RENV). Cet argument ayant été rejeté dans cette affaire (arrêt du 15 décembre 2016, DEI/Commission, T‑169/08 RENV, points 118 à 131) et en l’absence de nouveaux arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la présente affaire, il doit être rejeté pour les mêmes motifs.

86      Le présent grief doit donc être rejeté.

–       Sur le cinquième grief

87      La requérante, soutenue par la République hellénique, fait valoir que la Commission, dans la décision attaquée ainsi que dans la décision du 5 mars 2008, n’a pas suffisamment tenu compte de l’évolution du marché en aval, laquelle aurait rendu inutile l’adoption des mesures imposées. Cet argument, que la Commission conteste, est en substance identique à celui présenté dans le premier moyen, cinquième branche, du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt de ce jour, DEI/Commission (T‑169/08 RENV). Cet argument ayant été rejeté dans cette affaire (arrêt du 15 décembre 2016, DEI/Commission, T‑169/08 RENV, points 174 à 194) et en l’absence de nouveaux arguments présentés par la requérante en ce qui concerne la présente affaire, il doit être rejeté pour les mêmes motifs.

88      Il y a donc lieu de rejeter le cinquième grief.

89      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche

90      La requérante, soutenue par la République hellénique, reproche à la Commission de ne pas avoir considéré que les informations qu’elle-même et la République hellénique avaient présentées au cours de la procédure administrative étaient des faits nouveaux par rapport à ceux examinés dans la décision du 5 mars 2008, susceptibles de justifier l’abandon de toute mesure corrective envisagée. En particulier, la Commission aurait été informée du fait qu’un nombre important de nouvelles centrales seraient intégrées dans le RIG, ce qui augmenterait la pression concurrentielle exercée sur la requérante par d’importants groupes d’entreprises français et italiens. La Commission se serait limitée, à tort, à examiner si l’octroi à Heron d’une licence pour la construction d’une centrale alimentée au lignite était susceptible de justifier l’abandon des mesures correctives envisagées.

91      La Commission conteste les arguments de la requérante.

92      Il ressort des considérants 10 à 12, 16, 17 et 22 de la décision attaquée que la Commission a bien examiné, sur la base des éléments apportés dans ses observations du 26 mars 2009, la demande de la requérante visant à ne pas adopter de décision imposant des mesures correctives. Après avoir considéré que de tels éléments ne constituaient pas des faits nouveaux substantiels, elle a conclu qu’ils ne remettaient pas en cause le caractère nécessaire de mesures permettant de corriger l’infraction, tel que cela avait été établi dans la décision du 5 mars 2008.

93      Il y a lieu de préciser que les mesures imposées ne visent pas à garantir l’implantation d’un nombre déterminé de centrales ou de producteurs d’électricité sur le RIG, ni à diminuer la part de marché de la requérante sur le marché en aval. Ces mesures ont pour seul objet d’éliminer l’inégalité de chances entre la requérante et ses concurrents, telle qu’elle a été constatée dans la décision du 5 mars 2008.

94      Or, la construction des centrales au gaz, y compris celles exploitées par des grandes entreprises, et la perte relative de parts de marché invoquée par la requérante ne démontrent pas l’absence d’une inégalité de chances sur le RIG au détriment de ses concurrents. Cela démontre uniquement, d’une part, que les barrières à l’entrée ne sont pas telles que toute concurrence est exclue et, d’autre part, que l’inégalité de chances constatée n’est pas susceptible, en elle-même, de préserver complètement la position de la requérante sur le marché en aval. En particulier, aucun élément du dossier ne permet de considérer que, en l’absence de l’inégalité constatée, cette position n’aurait pas été davantage érodée.

95      Par ailleurs, la requérante ne prétend pas que sa position sur le marché en aval s’est vue affaiblie à tel point qu’elle ne détient plus une position dominante, ce qui empêcherait l’application des dispositions combinées des articles 82 et 86 CE.

96      Dès lors, les éléments avancés par la requérante pendant la procédure administrative ainsi que devant le Tribunal ne sont pas susceptibles de démontrer que les mesures imposées n’étaient plus nécessaires.

97      La requérante n’est donc pas parvenue à démontrer que la Commission avait commis une erreur en considérant que ces éléments ne justifiaient pas l’abandon des mesures envisagées.

98      Il y a donc lieu de rejeter la présente branche du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche

99      La requérante estime que la Commission, dans la décision du 5 mars 2008, a conclu que ses concurrents devaient avoir accès à 40 % des gisements de lignite exploitables en Grèce. Sans contester spécifiquement cette conclusion, elle fait valoir, soutenue par la République hellénique, que, dans la décision attaquée, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en calculant la part des gisements dont elle-même dispose. En effet, parmi ceux-ci, elle aurait inclus les gisements d’Anatoliko Pedio, de Komnina et de Proastio, qui seraient d’une rentabilité douteuse en raison de coûts d’exploitation particulièrement élevés et qui n’auraient pas été compris dans la planification opérationnelle de ses centrales, ce qui aurait été communiqué par la République hellénique à la Commission par lettre du 8 août 2008. Selon la requérante, les gisements DEVV, réservés à ses concurrents, représentent en réalité 45 % du total des gisements exploitables, dès lors qu’il ressortirait de ses enquêtes et de celles de l’Institouto geologikon kai metallourgikon erevnon (Institut de recherches géologiques et minières, Grèce) que ces gisements sont entièrement exploitables.

100    La Commission conteste les arguments de la requérante.

101    D’emblée, il y a lieu de relever que, dans la décision du 5 mars 2008, la Commission n’a pas réservé aux concurrents de la requérante une quantité de lignite représentant exactement 40 % des réserves exploitables. Comme cela a été indiqué au point 33 ci‑dessus, la Commission s’est limitée à indiquer que ces concurrents devaient disposer « d’au moins » 40 % de ces réserves. Il y a lieu de considérer que la Commission a ainsi fixé, dans la décision du 5 mars 2008, un simple objectif minimal approximatif, ce qui permettait d’établir postérieurement avec souplesse les conditions d’accès aux gisements dont devraient bénéficier lesdits concurrents.

102    Dès lors, à supposer même que, comme la requérante le relève, les mesures imposées réservent en pratique à ses concurrents 45 % des quantités exploitables de lignite, cela ne suffirait pas pour considérer que la décision attaquée est entachée d’une erreur d’appréciation justifiant son annulation.

103    Par ailleurs, il importe de noter que, tel qu’il ressort du considérant 7 de la décision attaquée, c’est la République hellénique elle-même qui avait proposé à la Commission de réserver aux concurrents de la requérante les droits d’exploitation des gisements DEVV, à moins qu’aucune autre offre sérieuse ne soit soumise. La Commission n’a donc pas élaboré dans cette décision un examen propre des réserves comprises dans chacun des gisements grecs non attribués afin de garantir auxdits concurrents un pourcentage de réserves déterminé. Ainsi, tel qu’il ressort, notamment, du considérant 29 de la décision attaquée, elle s’est limitée à juger adéquate la proposition de la République hellénique, dans la mesure où elle était susceptible de garantir à ces concurrents une quantité de lignite inférieure à celle indiquée comme objectif minimal approximatif dans la décision du 5 mars 2008, mais proche de celle-ci.

104    Il convient donc de considérer que le pourcentage précis des réserves exploitables de lignite compris dans les gisements DEVV, par rapport au total, n’a pas été décisif pour la Commission. La requérante ne fournit aucun élément susceptible de démontrer que, si la Commission avait considéré que ce pourcentage était légèrement supérieur, et non légèrement inférieur, à l’objectif minimal approximatif de 40 % des réserves fixé dans la décision du 5 mars 2008, elle n’aurait pas réservé ces gisements à ses concurrents.

105    En outre, il y a lieu de relever que, dans la lettre du 8 août 2008 adressée à la Commission par la République hellénique, cette dernière avait précisé que la question de savoir si un gisement de lignite contenait des réserves exploitables dépendait du prix des autres combustibles pouvant être utilisés pour produire de l’électricité et que, de ce fait, les réserves exploitables de lignite étaient des quantités variables. S’il est, certes, exact que, dans cette même lettre, elle a précisé que les gisements de Proastio, d’Anatoliko Pedio et de Komnina étaient d’une exploitation économique douteuse, elle n’a pas indiqué que ces gisements devaient être exclus du calcul des réserves de lignite exploitables. Bien au contraire, il ressort d’une lettre adressée le 13 juin 2008 à la Commission par la République hellénique que cette dernière considérait judicieux d’appliquer aux gisements dont l’« exploitation économique [était] douteuse » un « coefficient de pondération » de 50 %, ce qui, selon la République hellénique, permettait de considérer que le pourcentage de réserves exploitables dont l’accès était en principe ouvert aux concurrents de la requérante était de 41,7 % du total.

106    À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, dans une lettre adressée à la Commission le 20 mai 2008, la République hellénique elle-même avait indiqué que les gisements de Drama, d’Elassona et de Vevi représentaient environ 40 % des réserves exploitables en Grèce.

107    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la troisième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE

108    La requérante précise que la Commission n’a pas respecté l’obligation de motiver la décision attaquée, au sens de l’article 253 CE, notamment en ne répondant pas aux arguments figurant dans sa lettre du 26 mars 2009. En particulier, la Commission n’aurait pas répondu aux arguments qui concernent la définition du marché des produits en cause et aurait insuffisamment motivé la définition du marché géographique en cause. La Commission aurait également rejeté d’une manière globale et injustifiée d’autres arguments de la requérante, relatifs, par exemple, aux conditions d’une extension de position dominante qui n’étaient pas remplies, au calcul du pourcentage de 40 % et au coût du lignite importé qui serait plus élevé.

109    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 253 CE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée ; arrêt du 4 juillet 2006, Hoek Loos/Commission, T‑304/02, EU:T:2006:184, point 58).

110    La Commission n’est pas obligée, dans la motivation des décisions qu’elle est amenée à prendre pour assurer l’application des règles de concurrence, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés invoquent à l’appui de leur demande, mais il suffit qu’elle expose les faits et considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêts du 29 juin 1993, Asia Motor France e.a./Commission, T‑7/92, EU:T:1993:52, point 31, et du 27 novembre 1997, Tremblay e.a./Commission, T‑224/95, EU:T:1997:187, point 57).

111    À titre liminaire, et comme le fait valoir la Commission, il y a lieu de constater que les arguments soulevés par la requérante dans le cadre de ce moyen ne sont pas toujours très clairs et visent parfois la violation d’une forme substantielle, en raison d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, au sens de l’article 253 CE, parfois le fond de la décision attaquée. Or, il convient de rappeler à cet égard que l’obligation de motiver les décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 181 et jurisprudence citée).

112    S’agissant de la prétendue violation de l’obligation de motivation quant à la définition des marchés en cause, il convient de noter que, dans sa lettre du 26 mars 2009, la requérante a avancé que la Commission avait commis une erreur tant dans la définition des marchés de produits que dans celle du marché géographique. Elle a ensuite fait état de certains développements intervenus sur le marché, ayant trait à plusieurs projets de construction de centrales électriques alimentées au gaz et d’une centrale électrique alimentée au lignite.

113    En premier lieu, aux points 12 à 16 de la décision attaquée, la Commission a mis en exergue que la requérante avait attiré son attention sur certains développements intervenus sur le marché en aval. Elle a ensuite indiqué que ces arguments avancés par la requérante ne constituaient pas de nouveaux faits substantiels et que rien ne justifiait de remettre en question ses constatations et ses conclusions établies dans la décision du 5 mars 2008. Au point 14 de la décision attaquée, la Commission a rappelé les raisons pour lesquelles le marché en amont était national et que l’accès quasi exclusif au lignite dont bénéficiait la requérante lui conférait un avantage sur le marché en aval, créant en cela une inégalité des chances entre la requérante et ses concurrents, en raison des caractéristiques du lignite en tant que combustible d’alimentation des centrales électriques. De plus, la Commission a ajouté que la requérante se contentait d’avancer de tels éléments sans communiquer d’autres informations, qu’elle ne démontrait pas que ses concurrents avaient accès au lignite des pays voisins dans des conditions qui leur permettaient d’exercer une véritable pression concurrentielle sur elle et qu’elle ne se penchait pas sur la question de la compétitivité de la production d’électricité à partir du lignite par rapport à d’autres sources d’alimentation des centrales électriques.

114    Au vu de ces éléments, il apparaît que la Commission a donné des éléments de motivation suffisants pour répondre aux observations qui avaient été soulevées par la requérante dans sa lettre du 26 mars 2009, en ce qui concerne les développements récents ayant eu lieu sur le marché en aval.

115    En second lieu, hormis les éléments qui viennent d’être mentionnés et auxquels la Commission a répondu, dans ses observations du 26 mars 2009, la requérante n’a avancé aucun autre élément au soutien de son allégation générale relative à l’erreur de la Commission dans la définition des marchés en cause. Il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas y avoir répondu. En effet, en l’absence d’éléments nouveaux et substantiels justifiant que la Commission remette en cause ses conclusions établies dans la décision du 5 mars 2008, il n’appartenait pas à la Commission de motiver de nouveau la définition des marchés en cause retenue dans cette décision.

116    S’agissant de l’argument relatif à l’absence de motivation de la décision attaquée quant aux conditions non remplies d’une extension de position dominante, il doit, pour les mêmes raisons, être rejeté. En effet, dans ses observations du 26 mars 2009, la requérante n’a fait que reprendre son argumentation qui avait déjà fait l’objet d’une discussion exhaustive dans le cadre de la procédure administrative ayant conduit à la décision du 5 mars 2008. La Commission n’était donc pas tenue d’apporter une nouvelle motivation à cet égard.

117    Quant à l’argument relatif au calcul du pourcentage de 40 %, il y a lieu de constater que la requérante ne l’a même pas mentionné ni contesté au cours de la procédure administrative et n’a apporté aucun élément nouveau et substantiel à cet égard. Il convient donc de considérer que la Commission, en se bornant, aux considérants 19 et 20 de la décision attaquée, à rappeler la motivation qu’elle avait apportée pour le calcul de ce pourcentage de 40 % dans la décision du 5 mars 2008, à savoir, d’une part, que les concurrents de la requérante avaient besoin d’une « capacité de base dans leur portefeuille de génération » et « d’exercer une pression concurrentielle sur la requérante dans les périodes hors pointe » et, d’autre part, que 40 % de réserves de lignite représentaient « au minimum un tiers de la capacité de production de base » de l’électricité, n’a pas violé son obligation de motivation, prévue à l’article 253 CE.

118    S’agissant, enfin, de l’argument se rapportant au coût du lignite importé, la requérante critique l’appréciation de la Commission selon laquelle la centrale électrique fonctionnant au lignite de Heron serait moins compétitive du fait que le lignite importé aurait eu un coût plus élevé de 30 % que le lignite national en raison du coût du transport. Notamment, selon la requérante, la Commission fonde son « constat » sur le considérant 12 de la décision du 5 mars 2008, tandis que ce point ne se réfère nullement au coût du lignite importé par rapport à celui produit localement. En outre, la Commission comparerait globalement le coût du lignite du Kosovo avec le coût du lignite national, alors que le coût global de la production d’électricité à partir du lignite grec différerait en fonction du gisement.

119    Il ressort clairement du point qui précède que, par ces arguments, la requérante ne conteste pas un défaut ou une insuffisance de motivation, au sens de l’article 253 CE, mais les éléments matériels qui ont fondé la motivation de la décision attaquée quant au coût du lignite importé. L’examen de tels arguments dans le cadre du présent moyen est, dès lors, dépourvu d’utilité.

120    Il convient donc de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de liberté contractuelle et du principe de proportionnalité

121    Le quatrième moyen se divise, en substance, en trois branches.

 Sur la première branche

122    La requérante, tout en admettant ne pas s’être prévalue de l’exception prévue par l’article 86, paragraphe 2, CE, fait valoir que la Commission était tenue d’examiner le rôle qu’elle jouait sur le marché en aval « dans la logique » de cette disposition. Si elle l’avait fait, ni la décision du 5 mars 2008 ni la décision attaquée n’auraient été adoptées, à tout le moins en ce qu’elles prévoient des mesures portant atteinte aux principes de liberté contractuelle et de proportionnalité.

123    La Commission conteste les arguments de la requérante.

124    Il suffit de relever que les allégations avancées par la requérante sont de caractère vague et ne sont nullement étayées. En particulier, la requérante n’explique pas pourquoi elle est d’avis que la Commission était tenue d’examiner si les conditions d’application de l’article 86, paragraphe 2, CE, selon lequel les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie, étaient remplies, alors que ni la République hellénique ni elle-même ne l’avaient soulevé pendant la procédure administrative.

125    Par ailleurs, la requérante n’explique pas, devant le Tribunal, en quoi la mise en œuvre des mesures imposées ferait échec à l’accomplissement d’une mission particulière qui lui aurait été impartie.

126    Enfin, la requérante n’explique pas pourquoi une prise en compte plus intense du rôle qu’elle joue sur le marché en aval aurait conduit la Commission à renoncer à l’adoption soit de la décision du 5 mars 2008, soit de la décision attaquée, soit des mesures imposées.

127    La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée.

 Sur la deuxième branche

128    La requérante fait valoir que, dans la mesure où la décision attaquée interdit aux futurs détenteurs des droits d’exploitation des gisements DEVV (ci‑après les « futurs détenteurs ») de lui vendre du lignite, elle restreint la liberté contractuelle desdits détenteurs, personnes privées, ainsi que sa propre liberté contractuelle. Or, les mesures imposées n’ayant été proposées que par la République hellénique, seule la liberté contractuelle de celle‑ci aurait pu être valablement limitée. La Commission aurait donc commis une violation du droit fondamental de la requérante et des futurs détenteurs au respect de leur liberté contractuelle dont la conséquence devrait être l’annulation de la décision attaquée.

129    La Commission conteste les arguments de la requérante.

130    Selon une jurisprudence constante, les droits fondamentaux font partie intégrante des principes généraux du droit dont le juge de l’Union assure le respect. À cet effet, le juge de l’Union s’inspire des traditions constitutionnelles communes aux États membres ainsi que des instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré (voir, en ce sens, arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 55).

131    Ainsi que cela ressort du point 225 des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Commission/Alrosa (C‑441/07 P, EU:C:2009:555), la liberté contractuelle fait partie des principes généraux du droit de l’Union. Elle est l’émanation de la liberté d’agir des personnes. Elle est également inséparablement liée à la liberté d’entreprendre, qui est protégée au titre des droits fondamentaux à l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Dans une Union qui s’est engagée à respecter le principe de l’économie de marché ouverte où la concurrence est libre (article 4, paragraphe 1, CE et article 98 CE ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2003, CIF, C‑198/01, EU:C:2003:430, point 47), il est indispensable de garantir la liberté contractuelle. La Cour a elle aussi reconnu dans sa jurisprudence que les opérateurs économiques avaient droit à la liberté contractuelle (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2007, Société thermale d’Eugénie-les-Bains, C‑277/05, EU:C:2007:440, point 21, et du 28 avril 2009, Commission/Italie, C‑518/06, EU:C:2009:270, point 66).

132    Or, conformément à la jurisprudence, une restriction des libertés et des droits fondamentaux peut être permise s’il s’avère qu’elle répond à des raisons impérieuses d’intérêt général, qu’elle est propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 1er avril 2008, Gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon, C‑212/06, EU:C:2008:178, point 55).

133    En l’espèce, les mesures qui selon la requérante violent le principe de liberté contractuelle ont été adoptées sur le fondement de l’article 86, paragraphe 3, CE, aux termes duquel la Commission veille à l’application des dispositions de l’article 86 CE et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres. Le seul destinataire de ces mesures est donc la République hellénique, laquelle doit, en principe, accorder les droits d’exploitation des gisements DEVV, par appel d’offres, à d’autres entreprises que la requérante ainsi qu’interdire la vente à celle-ci du lignite issu de ces gisements jusqu’au moment où une condition sera satisfaite. Les mesures imposées visent ainsi à limiter la marge d’appréciation de la République hellénique quant à l’attribution ou non des droits d’exploitation de certains gisements, quant à l’identité des futurs détenteurs et, enfin, quant aux conditions d’exploitation des gisements concernés.

134    Il ressort de ce qui précède que les mesures imposées n’affectent directement ni la capacité contractuelle de la requérante ni celle des futurs détenteurs. Par ailleurs, ceux-ci ne sont même pas identifiés dans la décision attaquée, laquelle n’impose aucune obligation à des personnes privées précises.

135    Toutefois, il est, certes, exact que la décision attaquée impose des limitations indirectes à la liberté contractuelle des futurs détenteurs, dans la mesure où ceux-ci devront, pour se voir attribuer les droits d’exploitation des gisements DEVV, accepter l’interdiction de vendre le lignite issu de ces gisements à la requérante, à moins qu’aucune autre offre d’achat sérieuse ne soit soumise, ce tant qu’elle détiendra les droits d’exploitation de plus de 60 % des réserves de lignite concédées à des fins d’exploitation en Grèce. En effet, la décision attaquée oblige la République hellénique à introduire cette interdiction en tant que condition d’exploitation lors de la procédure d’attribution des droits d’exploitation des gisements concernés.

136    Or, il y a lieu de relever, d’emblée, que tant l’exclusion de la requérante des appels d’offres publics à venir pour l’attribution des droits d’exploitation du lignite que l’interdiction faite aux futurs détenteurs de lui vendre du lignite ne sont pas absolues, puisque deux réserves viennent limiter ces deux mesures. La première tient à ce qu’aucune autre offre sérieuse ne soit soumise par un concurrent de la requérante. La seconde est que ces restrictions ne valent que tant que la requérante détiendra les droits d’exploitation de plus de 60 % de l’ensemble des réserves de lignite concédées à des fins d’exploitation en Grèce.

137    Par ailleurs, en dépit de l’existence des mesures imposées, la requérante conserve toute liberté pour acheter du lignite auprès des exploitants des gisements grecs, octroyés ou à octroyer, autres que ceux visés par lesdites mesures ainsi qu’auprès des exploitants de gisements situés en dehors du territoire grec. Les futurs détenteurs conservent également toute liberté pour vendre du lignite à n’importe quelle entreprise grecque autre que la requérante ou pour l’exporter.

138    La requérante conserve de même toute liberté d’action en ce qui concerne, d’une part, l’exploitation des gisements lui ayant été attribués et, d’autre part, l’utilisation du lignite issu de ces gisements.

139    Dès lors, la seule restriction de la liberté contractuelle de la requérante et des futurs détenteurs résultant de l’application des mesures imposées est indirecte et se limite à l’impossibilité pour la requérante d’acheter auprès des futurs détenteurs, en principe, certaines quantités de lignite qui, lors de l’adoption de la décision attaquée, ne se trouvaient pas encore sur le marché.

140    Il convient donc d’examiner si des mesures comportant une telle restriction peuvent être adoptées sur le fondement de l’article 86, paragraphe 3, CE, ce qui exige de déterminer si les conditions issues de la jurisprudence mentionnée au point 132 ci‑dessus sont remplies.

141    À cet égard, premièrement, il y a lieu de considérer que les restrictions de la liberté contractuelle imposées par la décision attaquée répondent à une raison impérieuse d’intérêt général, à savoir l’établissement d’une concurrence non faussée sur le marché. En effet, ces restrictions visent à remédier à l’infraction constatée dans la décision du 5 mars 2008 et, donc, à corriger les distorsions de concurrence identifiées dans cette décision.

142    Deuxièmement, les restrictions de la liberté contractuelle imposées par la décision attaquée sont propres à garantir la réalisation de l’objectif qu’elles poursuivent, dans la mesure où elles réservent aux concurrents de la requérante un accès minimal au lignite en tant que combustible aux fins de la production d’électricité sur le RIG.

143    Troisièmement, la question de savoir si ces restrictions de la liberté contractuelle vont au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elles poursuivent se confond avec celle de savoir si ces restrictions, ainsi que, plus généralement, l’ensemble des mesures imposées, sont proportionnées. Dès lors, elle doit être examinée dans le cadre de la troisième branche du présent moyen, tirée d’une violation du principe de proportionnalité.

144    La deuxième branche du quatrième moyen ne pouvant donc être accueillie que si la troisième branche l’est également, il convient d’examiner cette dernière branche.

 Sur la troisième branche

145    La requérante fait valoir que la Commission, en adoptant la décision attaquée, a commis une violation du principe de proportionnalité. À cet égard, elle relève qu’il est manifeste que des mesures structurelles, inédites dans le secteur électrique, telles que son exclusion des appels d’offres pour la concession de droits d’exploitation de nouveaux gisements de lignite, ne sont ni appropriées ni nécessaires pour éviter les incidences potentielles d’un abus de sa position dominante sur le marché en aval. Les faits dont la Commission disposait démontreraient que, progressivement, sur ce marché, d’une part, la part du lignite dans la production d’électricité se réduisait et, d’autre part, des concurrents importants arrivaient. Les mesures imposées dépasseraient donc ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif de la décision attaquée qui est de garantir une plus grande ouverture dudit marché. Le caractère disproportionné de ces mesures se verrait aggravé par le fait que la requérante continue d’être affectée par d’autres obligations disproportionnées en vue d’assurer la couverture de la demande. Les mesures imposées aboutiraient à « faire un cadeau » aux concurrents de la requérante et, « les [exonérant] de toute pression anticoncurrentielle, […] à un résultat contraire à l’objectif des articles [86 et 82 CE] ». De même, alors que le but du droit de la concurrence serait de protéger les consommateurs, l’exclusion de la requérante de l’accès à des nouveaux gisements n’améliorerait pas la situation du consommateur final. Enfin, restreindre de manière injustifiée les activités commerciales de la requérante représenterait une atteinte directe et disproportionnée aux intérêts de ses actionnaires et pourrait avoir une influence négative sur son fonctionnement commercial et, donc, sur le consommateur.

146    La Commission conteste les arguments de la requérante.

147    Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêts du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25, et du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, EU:C:1989:303, point 21).

148    En tant que principe général du droit de l’Union, ce principe constitue un critère de la légalité de tout acte des institutions de l’Union, y compris des décisions que la Commission adopte en sa qualité d’autorité de la concurrence (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Alrosa, C‑441/07 P, EU:C:2010:377, point 36).

149    Ainsi, alors même que, conformément à la jurisprudence, le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1), dont l’article 7 prévoit que les mesures que la Commission impose en vue de corriger les effets d’une infraction aux dispositions de ces articles doivent être proportionnées à cette infraction et nécessaires pour la faire cesser effectivement, n’est pas applicable à l’article 86 CE (arrêt du 12 septembre 2007, UFEX e.a./Commission, T‑60/05, EU:T:2007:269, point 191), il y a lieu de considérer que les mesures adoptées par la Commission sur le fondement de l’article 86, paragraphe 3, CE doivent respecter le principe de proportionnalité.

150    En l’espèce, tout d’abord, s’agissant du but recherché par la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il ne s’agissait pas directement d’atteindre une plus grande ouverture du marché en aval ou de favoriser le consommateur, mais de garantir aux concurrents de la requérante l’accès à des quantités suffisantes de lignite et, subséquemment, à une certaine capacité de production d’électricité à partir du lignite, afin d’éliminer l’inégalité de chances entre la requérante et ses concurrents qui avait été constatée dans la décision du 5 mars 2008.

151    Sur ce point, il y a lieu d’ajouter que, conformément à la jurisprudence, les règles de concurrence de l’Union visent à protéger non seulement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais aussi la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle (arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39, et du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission, C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 63). Dès lors, la proportionnalité des mesures imposées ne saurait dépendre de ce que les consommateurs finaux sur le marché en aval puissent tirer des avantages directs de l’élimination de cette inégalité de chances.

152    Ensuite, s’agissant de la question de savoir si les mesures imposées sont appropriées et nécessaires pour atteindre le but visé au point 150 ci‑dessus, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que la requérante soutient en substance, la réduction progressive de la part du lignite dans la production d’électricité sur le marché en aval et l’arrivée sur celui-ci de certains concurrents ne sont pas susceptibles de démontrer par elles-mêmes que, même si les mesures imposées n’avaient pas été adoptées, l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008 aurait été éliminée.

153    Par ailleurs, premièrement, il y a lieu de noter que la part de l’électricité produite à partir du lignite sur le marché en aval était, au moment de la décision attaquée, d’environ 50 %. En effet, en réponse à une question du Tribunal posée à cet égard lors de l’audience du 13 juillet 2011, la requérante et la République hellénique ont indiqué que la part de l’électricité produite à partir du lignite sur le marché en aval représentait, au moment de la décision attaquée, un peu moins de 50 %, tandis que la Commission a fait valoir que ce pourcentage était, au même moment, d’environ 57 %. En outre, ainsi que cela ressort de la décision du 5 mars 2008, la requérante détient également une position dominante sur le marché en aval, puisque sa part sur un tel marché reste supérieure à 85 %. Aussi, et même si la part du lignite dans la production d’électricité en Grèce représente une proportion qui a tendance à se réduire en raison de l’augmentation constante de la demande en électricité, il n’en reste pas moins que cette part demeurait très importante lors de l’adoption de la décision attaquée.

154    Deuxièmement, il y a lieu de relever que, malgré le fait que l’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975, sur la base duquel la requérante s’est vu octroyer la majorité de ses droits d’exploitation du lignite, a été abrogé par l’article 36, paragraphe 3, de la loi n° 3734/2009, la requérante continue de bénéficier des droits d’exploitation qui lui avaient été octroyés. De même, il ressort de la décision du 5 mars 2008 que seuls des droits d’exploitation de certains gisements de petite taille avaient été octroyés à l’issue d’appels d’offres conformément à l’article 144, paragraphe 2, du code minier grec, et cela à des entités privées qui ne produisaient pas d’électricité, mais qui vendaient leur production à la requérante.

155    Dès lors, l’abrogation de l’article 3, paragraphe 3, de la loi n° 134/1975 ne saurait garantir aux concurrents de la requérante un accès à des quantités suffisantes de lignite afin d’éliminer l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008.

156    En revanche, empêcher la requérante, dans certaines conditions, d’une part, d’obtenir des droits d’exploitation de nouveaux gisements attribués et, d’autre part, d’acquérir le lignite issu de ces gisements est susceptible de garantir aux concurrents un tel accès, à tout le moins dans une certaine mesure.

157    En effet, ces concurrents auraient ainsi accès à environ 40 % des réserves de lignite exploitables en Grèce, même si la possibilité d’utilisation effective de ces réserves se verrait nécessairement retardée compte tenu des délais requis pour que les procédures d’appel d’offres devant être organisées par la République hellénique soient menées à leur terme et pour que les travaux nécessaires pour le commencement des activités extractives soient achevés.

158    Cependant, pour que l’octroi de tels droits d’exploitation ait effectivement des conséquences réelles sur le jeu de la concurrence sur le marché en aval, encore faut-il que le lignite extrait par les concurrents de la requérante ne soit pas vendu à celle-ci, afin d’éviter que, à défaut de pouvoir l’exploiter, elle puisse tout de même l’utiliser pour produire de l’électricité. La seule attribution de droits d’exploitation du lignite à des concurrents de la requérante n’est donc pas suffisante en elle-même pour que ces derniers puissent exercer des pressions concurrentielles sur celle-ci s’agissant de la production d’électricité à partir du lignite et, partant, sur le marché en aval.

159    Il y a donc lieu de conclure que les mesures imposées sont appropriées et nécessaires pour atteindre le but recherché par la décision attaquée.

160    Enfin, s’agissant de la question de savoir si ces mesures étaient les moins contraignantes pour atteindre ledit but, il suffit de considérer que la requérante n’identifie aucune mesure moins contraignante qui serait susceptible d’éliminer l’inégalité de chances constatée dans la décision du 5 mars 2008.

161    Quant à la nécessité de réserver un pourcentage minimal approximatif de réserves de lignite exploitables de 40 % aux concurrents de la requérante, il y a lieu de rappeler que, comme cela est indiqué aux points 31 et 99 ci‑dessus, le calcul de ce pourcentage n’a pas été remis en question ni par la requérante ni par la République hellénique au cours de la procédure administrative et la requérante n’a présenté aucun argument susceptible de le remettre en cause devant le Tribunal. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que garantir aux concurrents de la requérante l’accès à un pourcentage inférieur des réserves exploitables de lignite aurait suffi pour atteindre le but recherché par la décision attaquée.

162    En tout état de cause, il y a lieu de considérer que la requérante continuera à avoir accès, à elle seule, à environ 60 % des réserves de lignite exploitables en Grèce, ces réserves étant, par ailleurs, les seules étant déjà en cours d’exploitation et, donc, permettant une utilisation immédiate du lignite en tant que combustible aux fins de production d’électricité sur le marché en aval. Par ailleurs, la requérante sera autorisée à acheter le lignite issu des nouveaux gisements attribués dès qu’elle détiendra les droits d’exploitation de moins de 60 % des réserves exploitables. En l’absence de tout élément contraire fourni par la requérante ou par la République hellénique, il n’y a donc aucune raison de considérer comme excessif le pourcentage de 40 % de réserves exploitables destinées à ses concurrents.

163    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas parvenue à démontrer le caractère disproportionné des mesures imposées.

164    La présente branche et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble doivent être rejetés.

165    Dès lors que tous les moyens présentés par la requérante ont été écartés, il y a lieu de rejeter entièrement le recours.

 Sur les dépens

166    Selon l’article 219 du règlement de procédure du Tribunal, dans les décisions du Tribunal rendues après annulation et renvoi, celui-ci statue sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant lui et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

167    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci, y compris les dépens relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.

168    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Dès lors, la République hellénique supportera ses propres dépens, y compris ceux relatifs à la procédure de pourvoi devant la Cour.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dimosia Epicheirisi Ilektrismou AE (DEI) est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République hellénique supportera ses propres dépens.

Kanninen

Pelikánová

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 décembre 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Sur la requérante

Sur le marché du lignite en Grèce

Sur le marché de l’électricité en Grèce

Licences de production d’électricité et de construction de centrales électriques

Importation de l’électricité

Marché journalier obligatoire

Sur la procédure administrative

Sur la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

Procédure et conclusions après renvoi

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation dans la délimitation des marchés en cause

Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits et d’une erreur de droit quant à la nécessité des mesures imposées

Sur la première branche

– Sur le premier grief

– Sur le deuxième grief

– Sur le troisième grief

– Sur le quatrième grief

– Sur le cinquième grief

Sur la deuxième branche

Sur la troisième branche

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de liberté contractuelle et du principe de proportionnalité

Sur la première branche

Sur la deuxième branche

Sur la troisième branche

Sur les dépens


* Langue de procédure : le grec.