Language of document : ECLI:EU:T:2011:247

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

25 mai 2011 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative BAHIANAS LAS ORIGINALES – Marques communautaire et nationale figuratives antérieures havaianas et marque nationale verbale antérieure HAVAIANAS – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑422/09,

São Paulo Alpargatas, SA, établie à São Paulo (Brésil), représentée par Mes P. Merino Baylos et A. Velázquez Ibáñez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Enrique Fischer, demeurant à Buenos Aires (Argentine), représenté initialement par Me E. Rasche Aparicio, puis par Me M. de Justo Bailey, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 17 août 2009 (affaire R 1477/2008‑2), relative à une procédure d’opposition entre São Paulo Alpargatas, SA et M. Enrique Fischer,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. K. O’Higgins, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 octobre 2009,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 février 2010,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 11 février 2010,

vu la décision du 18 mars 2010 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 24 novembre 2010,

rend le présent,

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 31 mars 2006, l’intervenant, M. Enrique Fischer, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tongs, sandales, pantoufles ».

4        Le 20 novembre 2006, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 47/2006.

5        Le 20 février 2007, la requérante, São Paulo Alpargatas, SA, a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. Ladite opposition était dirigée contre tous les produits visés par la marque demandée et fondée sur un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009], entre la marque demandée et les marques antérieures ayant fait l’objet des enregistrements suivants :

–        enregistrement n° 3772431 en tant que marque communautaire, effectué le 20 septembre 2005 pour des « vêtements, chaussures et chapellerie », relevant de la classe 25, du signe figuratif reproduit ci-après :

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–        enregistrement n° 2341904 en tant que marque espagnole, effectué le 5 avril 2001, pour « tous types de chaussures à l’exclusion des chaussures orthopédiques », relevant de la classe 25, du signe figuratif reproduit ci-après :

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–        enregistrement n° 2341905 en tant que marque espagnole, effectué le 5 avril 2001, pour « tous types de chaussures à l’exclusion des chaussures orthopédiques », du signe verbal HAVAIANAS.

6        Par décision du 20 août 2008, la division d’opposition a entièrement fait droit à l’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire.

7        Le 13 octobre 2008, l’intervenant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’opposition.

8        Par décision du 17 août 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion entre la marque demandée et les marques antérieures et a, par conséquent, accueilli le recours et rejeté l’opposition. Elle a notamment considéré que les signes étaient différents du point de vue du public espagnol et du point de vue des consommateurs des autres États membres de l’Union européenne, dès lors que, même s’ils présentaient un certain degré de similitude phonétique, ils étaient différents sur les plans visuel et conceptuel. Elle a, dès lors, considéré que, malgré l’identité des produits visés par les marques en conflit, il n’existait pas de risque de confusion entre celles-ci.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

10      L’OHMI et l’intervenant concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      La requérante soulève un moyen unique, tiré, en substance, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

12      Elle conteste notamment la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en cause sont différents du point de vue du public espagnol et, par conséquent, malgré l’identité des produits en cause, il ne saurait exister un risque de confusion entre, d’une part, la marque demandée et, d’autre part, les marques antérieures. Elle fait notamment grief à la chambre de recours de ne pas avoir réalisé une comparaison globale des signes en conflit et de les avoir décomposés de manière artificielle en syllabes et en lettres.

13      À cet égard, l’OHMI et l’intervenant font valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à juste titre que les signes en conflit étaient différents du point de vue du public espagnol et que, par conséquent, il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en cause en l’espèce.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques communautaires et les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

17      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque communautaire, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 76, et la jurisprudence citée].

18      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

19      En l’espèce, eu égard au fait que l’une des marques antérieures invoquées par la requérante est une marque communautaire et eu égard au type de produits en cause, la chambre de recours a considéré, au point 20 de la décision attaquée, que le public pertinent était le grand public de l’ensemble de l’Union. Cette définition du public pertinent, au demeurant non contestée par les parties, doit être approuvée. La chambre de recours a cependant distingué, dans son raisonnement, l’impression du public espagnol et celle du reste du public de l’Union. Dans les circonstances de la présente espèce, le Tribunal considère qu’il y a lieu, dans un souci d’économie de procédure, d’examiner d’emblée la perception du public espagnol. Par ailleurs, dès lors que les produits visés par les marques en cause constituent des produits de consommation courante, il convient de considérer que le public sera normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

20      En premier lieu, s’agissant de la comparaison des produits en cause, la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé étaient identiques aux produits protégés par les marques de la requérante. Cette appréciation, également non contestée par les parties, doit aussi être approuvée.

21      En deuxième lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle desdits signes, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que, comme l’a considéré, en substance, la chambre de recours (voir points 22 à 24 de la décision attaquée), et comme l’affirment la requérante et l’intervenant, les termes « havaianas » et « bahianas » sont les éléments dominants, respectivement, des marques figuratives antérieures et de la marque demandée. Par ailleurs, le terme « havaianas » constitue la marque verbale espagnole antérieure.

23      Pour ce qui est, premièrement, de la comparaison visuelle, la chambre de recours a considéré, en substance, que les signes en cause étaient différents (voir points 23, 26 et 27 de la décision attaquée). Elle a fondé cette appréciation sur le fait que les débuts, à savoir les cinq premières lettres, des termes « havaianas » et « bahianas » étaient différents et sur le fait que la marque demandée incluait aussi l’expression « las originales ».

24      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir décomposé artificiellement les signes et d’avoir pris en compte, pour la comparaison visuelle, l’expression « las originales ». Elle fait valoir à cet égard que le public pertinent ne prêtera pas attention à cette expression.

25      L’OHMI, soutenu par l’intervenant, conteste ces arguments.

26      Il convient d’observer que, même si l’expression « las originales » est dépourvue de caractère distinctif et que cette circonstance ainsi que, surtout, son emplacement et sa police de caractère sont susceptibles de réduire son influence sur l’impression globale que le signe produit auprès du public pertinent, sa présence dans la marque demandée ne peut pas pour autant être complètement ignorée au stade de la comparaison visuelle des signes en conflit. En effet, malgré son caractère distinctif inférieur à celui du terme « bahianas », l’élément « las originales » ne saurait être qualifié d’insignifiant dans l’impression globale produite par la marque demandée. Par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en tenant compte de son incidence sur ladite impression globale après avoir comparé les éléments dominants de chacune des marques en cause.

27      Par ailleurs, si la forme ovale qui entoure, plus ou moins totalement, la marque demandée et la marque espagnole figurative de la requérante ne domine l’impression d’ensemble d’aucune de ces deux marques, cette forme est loin d’être négligeable, à la différence des polices de caractère, assez banales, et elle constitue un élément supplémentaire de similitude entre elles.

28      Dans ces circonstances, il convient de considérer que, si la chambre de recours a pris, à bon droit, en compte l’expression « las originales » lors de la comparaison visuelle des signes en cause, elle a erronément omis d’apprécier l’influence des autres éléments de certains desdits signes et, notamment, de la forme ovale entourant les éléments dominants dans la marque demandée et dans la marque espagnole figurative de la requérante.

29      Pour ce qui est, deuxièmement, de la comparaison phonétique des signes en conflit, la chambre de recours a considéré, au point 24 de la décision attaquée, qu’il existait un certain degré de similitude entre lesdits signes. Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est référée à la similitude phonétique comme étant « légère ». Elle a indiqué à cet égard que, en faisant abstraction de l’expression non distinctive « las originales », le signe de l’intervenant comprenait quatre syllabes (« bah », « i », « an » et « as »), alors que celui de la requérante en comportait cinq (« hav », « a », « i », « an » et « as »). Elle en a déduit que les signes ne coïncidaient que par les trois dernières syllabes.

30      La requérante fait valoir que les signes présentent une similitude élevée dès lors que les éléments dominants des marques partagent la quasi-totalité de leurs lettres et présentent un « rythme » et une « cadence » qui les font beaucoup se ressembler. Elle affirme que la seule différence entre ces éléments, qui se situe dans leurs parties initiales, à savoir la suite de lettres « hav » et la lettre « b », affecte à peine leur prononciation.

31      L’OHMI, soutenu par l’intervenant, fait valoir que la chambre de recours n’a pas non plus commis d’erreur en considérant qu’il n’existe qu’une certaine similitude entre les signes en conflit en tenant compte du fait que, même si les trois dernières syllabes des termes « havaianas » et « bahianas » sont identiques, les deux premières ne le sont pas.

32      Force est de constater que les termes « havaianas » et « bahianas » sont pratiquement identiques sur le plan phonétique, du point de vue du public espagnol. En effet, les lettres « b » et « v » étant prononcées de manière identique en langue espagnole et la lettre « h » n’étant pas prononcée, sauf lorsque le public comprend le mot comme un terme étranger venant d’une langue dans laquelle cette lettre est prononcée, le terme « bahianas » se prononce de la même manière que s’il s’écrivait « vaianas ». De même, le terme « havaianas » pourrait être prononcé par le public espagnol soit en aspirant la lettre « h », s’il établit le rapport avec le terme « hawaianas », soit sans prononcer cette lettre, conformément à la règle de base de la langue espagnole. Dans les deux hypothèses, le terme « bahianas » est, du point de vue phonétique, intégralement repris dans le terme « havaianas », celui-ci ne comportant qu’un son, « ha » ou « a » supplémentaire.

33      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, comme l’a reconnu l’OHMI lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, conformément aux règles de la langue espagnole, le terme « havaianas » n’est pas composé des syllabes « hav », « a », « i », « an » et « as », mais des syllabes « ha », « va », « ia » et « nas » ou des syllabes « ha », « vai », « a » et « nas ». Le terme « bahianas » étant composé des syllabes « ba », « hia » et « nas » ou des syllabes « bahi », « a » et « nas », il en résulte que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, les deux termes ont une structure syllabique identique à l’exception de la présence d’une syllabe « ha » supplémentaire dans le terme « havaianas ». S’il est vrai que cette syllabe se situe au début du terme, la différence en résultant est largement minimisée du fait de la longueur des termes et de l’identité des autres syllabes. De la même manière, si le public prononce la syllabe en cause sans aspirer la lettre « h », la voyelle supplémentaire ne retient pas l’attention, dès lors qu’elle se répète plusieurs fois dans les deux termes.

34      Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que, sur le plan phonétique, abstraction faite de l’élément non distinctif « las originales », qui ne sera pas prononcé par le public pertinent lorsqu’il se réfère à la marque, les signes en cause présentent, comme le soutient la requérante, un degré élevé de similitude et non un certain degré ou une légère similitude, comme ce qui a été indiqué par la chambre de recours.

35      Pour ce qui est, troisièmement, de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, la chambre de recours a affirmé, aux points 25 et 26 de la décision attaquée, que, dans l’optique du public espagnol, le terme « havaianas » serait perçu comme une version mal orthographiée du mot « hawaiana » qui désigne une habitante de l’île de Hawaï, alors que le terme « bahianas » n’aurait pas de signification. Aux points 26 et 27 de la décision attaquée, sous l’intitulé « risque de confusion », la chambre de recours en a déduit, en substance, qu’il existait une différence conceptuelle entre les signes en conflit du point de vue du public espagnol.

36      La requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, le terme « havaianas » ne sera pas perçu, par le public espagnol, comme une forme mal orthographiée du mot « hawaianas » et qu’il n’aura pas, par conséquent, de signification pour ce public.

37      L’OHMI, soutenu, en substance, par l’intervenant, fait valoir qu’il est fréquent que, dans les mots étrangers totalement incorporés à la langue espagnole, la lettre « w » soit remplacée par la lettre « v » et que, par conséquent, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant que le consommateur moyen espagnol pouvait percevoir le terme « havaianas » comme une version mal orthographiée du mot « hawaianas » plutôt que comme un terme inventé et dépourvu de signification. L’intervenant ajoute que le terme « bahianas » est un mot fantaisiste pour le consommateur espagnol.

38      Il y a lieu de considérer que, si une partie du public espagnol comprendra effectivement le terme « havaianas » comme une forme volontairement mal orthographiée du mot « hawaianas », il ne peut cependant être exclu qu’une autre partie non négligeable dudit public n’établisse pas de rapport avec ce mot et que, par conséquent, le terme n’ait pas de signification à son égard. Par ailleurs, il ne saurait pas non plus être exclu qu’une partie également non négligeable du public espagnol accorde une signification au terme « bahianas » dès lors que le mot « bahiano » est un terme espagnol qui figure dans le Diccionario de la Lengua española de la Real Academia Española, défini comme relatif au département d’Islas de la Bahía au Honduras.

39      Dans ces circonstances, force est de constater que, pour la partie du public espagnol qui n’accordera aucune signification à chacun des signes en conflit, la comparaison conceptuelle ne sera pas, comme le soutient la requérante, pertinente, alors que, pour la partie dudit public pour laquelle les deux termes en cause auront une signification, il existera une certaine similitude conceptuelle découlant du fait que les deux termes, même s’ils évoquent des endroits différents, peuvent être associés, notamment en rapport avec les produits en cause en l’espèce, à l’idée de lieux lointains de vacances et à la mer. La présence de l’expression « las originales » dans la marque demandée ne permettrait pas, par ailleurs, d’écarter cette similitude.

40      Pour ce qui est, quatrièmement, de la conclusion quant à la comparaison des signes, la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, sous l’intitulé « risque de confusion », que, pour le public espagnol, la différence conceptuelle qu’elle avait constatée entre lesdits signes neutralisait leur légère similitude phonétique et les rendait différents.

41      Il résulte toutefois de ce qui précède qu’il existe entre les signes en cause des différences mais aussi des similitudes sur le plan visuel, notamment entre la marque espagnole figurative antérieure et la marque demandée, et un degré élevé de similitude phonétique. En outre, sur le plan conceptuel, il existe une certaine similitude entre les signes en conflit pour la partie du public espagnol qui accorde une signification aux termes « havaianas » et « bahianas », alors que cette comparaison n’est pas pertinente pour la partie dudit public qui n’accorde aucune signification aux termes en cause.

42      Dans ces circonstances, il y lieu de considérer que, dès lors qu’il n’est pas possible de constater une différence conceptuelle entre les signes en conflit à l’égard d’une partie du public espagnol – que ce soit parce qu’il n’attribue aucune signification à chacun des signes ou parce qu’il leur attribue des significations qui ne peuvent pas être considérées comme complètement différentes –, la similitude phonétique élevée et les éléments similaires sur le plan visuel entre la marque demandée et la marque espagnole figurative antérieure ne sont pas neutralisés dans l’esprit de ce public et, par conséquent, empêchent de qualifier les signes de différents. Dès lors, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que les signes étaient différents pour l’ensemble du public espagnol.

43      En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a considéré, aux points 26 à 29 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas un tel risque entre les marques en cause dans l’esprit du public espagnol, dès lors que les signes étaient différents.

44      La requérante fait grief à la chambre de recours d’avoir privilégié les différences graphiques au détriment de la similitude phonétique alors que, selon elle, l’aspect verbal et phonétique prime l’aspect graphique et visuel. Elle considère que, étant donné l’identité des produits en cause et la similitude entre les signes en conflit et eu égard au principe d’interdépendance de la similitude des produits et de celle des signes, il existe, en l’espèce, un risque de confusion entre les marques en conflit ou, au moins, un risque d’association.

45      L’OHMI, soutenu, en substance, par l’intervenant, fait valoir que, dès lors que les produits en cause sont examinés visuellement avant leur acquisition, le public appréciera clairement les différences visuelles des signes en conflit et la similitude phonétique de ces derniers aura, en l’espèce, une importance réduite. Il en déduit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

46      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés (voir point 15 ci-dessus).

47      En l’espèce, comme il a été jugé au point 42 ci-dessus, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que les signes en conflit étaient différents pour l’ensemble du public espagnol. Sa conclusion sur le risque de confusion étant exclusivement fondée sur cette appréciation, elle est donc également erronée.

48      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le moyen unique de la requérante et, par conséquent, d’annuler la décision attaquée afin que la chambre de recours se prononce sur le risque de confusion à la lumière des éléments concernant la comparaison des signes examinés ci-dessus, de la similitude des produits et de toutes les circonstances pertinentes en l’espèce.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la requérante conformément aux conclusions de cette dernière.

50      En vertu de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du même règlement, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supporte ses propres dépens. En l’espèce, l’intervenant, qui est intervenu au soutien de l’OHMI, supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 août 2009 (affaire R 1477/2008‑2) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par São Paulo Alpargatas, SA.

3)      M. Enrique Fischer supportera ses propres dépens.

Czúcz

Labucka

O’Higgins

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mai 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.