Language of document : ECLI:EU:C:2006:389

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DE LA COUR

9 juin 2006(*)

«Renvoi préjudiciel – Demande d’intervention – Irrecevabilité»

Dans l’affaire C-305/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Cour d’arbitrage (Belgique), par décision du 13 juillet 2005, parvenue le 29 juillet 2005, dans la procédure

Ordre des barreaux francophones et germanophone,

Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles,

Ordre des barreaux flamands,

Ordre néerlandais des avocats du barreau de Bruxelles,

contre

Conseil des ministres,

en présence de:

Conseil des barreaux de l’Union européenne,

Ordre des avocats du barreau de Liège,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR,

vu la proposition de M. E. Juhász, juge rapporteur,

l'avocat général, M. M. Poiares Maduro, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1       La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 2 bis de la directive 91/308/CEE du Conseil, du 10 juin 1991, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux (JO L 166, p. 77), tel que modifié par la directive 2001/97/CE du Parlement européen et du Conseil, du 4 décembre 2001 (JO L 344 p. 76, ci-après la «directive»).

2       Cette demande a été présentée dans le cadre de recours déposés par l’Ordre des barreaux francophones et germanophone et trois autres Ordres d’avocats et tendant à obtenir l’annulation de certains articles de la loi du 12 janvier 2004 (Moniteur belge, du 23 janvier 2004, p. 4352).

 Sur la demande d’intervention

3       Par requête déposée le 28 décembre 2005 au greffe de la Cour, le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et le Barreau de Paris (ci-après les «Barreaux français»), représentés par Me M. Beaussier, avocat, ont demandé à être admis à intervenir dans la présente instance sur le fondement de l’article 40 du statut de la Cour, pour présenter des observations sur les questions posées par la juridiction de renvoi.

4       Les Barreaux français indiquent, à titre liminaire, ne pas ignorer la jurisprudence de la Cour (notamment, ordonnance du Président de la Cour du 26 février 1996, Biogen, C‑181/95, Rec. p. I‑717), selon laquelle le droit d’intervention prévu à l’article 40 du statut de la Cour s’applique aux procédures contentieuses devant la Cour tendant à trancher un différend mais ne s’applique pas à la procédure de renvoi préjudiciel visant l’interprétation des textes communautaires.

5       Les Barreaux français font valoir toutefois que la compétence confiée à la Cour sur la base de l’article 234 CE n’est pas limitée à l’interprétation des textes du droit communautaire, mais s’étend également à l’appréciation de la validité d’une norme communautaire de droit dérivé. Ils estiment que, dans le cas d’une demande préjudicielle en appréciation de validité, la fonction exercée par le juge communautaire se rapproche par nature de celle qu’il exerce dans un recours en annulation sur la base de l’article 230 CE. Ainsi, elle aurait effectivement un caractère contentieux et la condition de l’article 40 du statut de la Cour serait remplie.

6       Les Barreaux français font valoir également que leur intérêt quant à la validité de la directive au regard des droits fondamentaux s’est manifesté par le dépôt d’une pétition devant le Parlement européen. Ils auraient saisi la Commission des pétitions du Parlement, le 22 mai 2003, pour contester certaines dispositions de la directive. Cette pétition aurait été jugée recevable, mais son examen aurait été suspendu à la suite de l’introduction de la demande préjudicielle dans la présente affaire.

7       L’article 40 du statut de la Cour, invoqué par les requérantes, reconnaît le droit aux personnes physiques ou morales d’intervenir devant la Cour lorsqu’elles justifient d’un intérêt à la solution d’un litige qui lui est soumis. Il dispose également que les conclusions de la requête en intervention ne peuvent avoir d’autre objet que le soutien des conclusions de l’une des parties. Ainsi, il s’applique aux procédures contentieuses devant la Cour tendant à trancher un différend (voir, ordonnances du Président de la Cour Biogen, précitée, point 4; du 30 mars 2004, ABNA, C-453/03, non publiée au Recueil, point 14, et du 25 mai 2004, Parking Brixen, C‑458/03, non publiée au Recueil, point 5).

8       Or, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la procédure établie à l’article 234 CE ne peut être considérée comme contentieuse. Elle institue une coopération directe entre la Cour et les juridictions nationales par une procédure non contentieuse, qui revêt le caractère d’un incident au cours d’un litige pendant devant la juridiction nationale (voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 1973, Bollmann, C-62/72, Rec. p. 269, point 4; ordonnances du Président de la Cour Biogen, précitée, point 5; du 24 octobre 2001, Dory, C‑186/01 R, Rec. p. I‑7823, point 9, et ABNA, précitée, point 15). Le fait que l’objet d’une demande préjudicielle porte sur l’appréciation de la validité d’un acte communautaire plutôt que sur l’interprétation d’une disposition du droit communautaire ne remet aucunement en cause le caractère non contentieux de la procédure prévue à l’article 234 CE.

9       Il s’ensuit que la demande en intervention dans une procédure préjudicielle est irrecevable (voir ordonnance du Président de la Cour du 3 juin 1964, Costa, 6/64, Rec. p. 1195; arrêt du 19 décembre 1968, De Cicco, 19/68, Rec. p. 689, 699; et ordonnances précitées Biogen, point 3, ainsi que ABNA, point 13).

10     La procédure de participation, dans les cas visés à l’article 234 CE, résulte de l’article 23, paragraphes 1 et 2, du statut de la Cour. Cet article ne prévoit aucune distinction en ce qui concerne le droit de déposer des observations dans des procédures de demande préjudicielle tendant à l’interprétation de textes communautaires et celles qui ont pour objet l’appréciation de la validité des actes des institutions et limite le droit de déposer devant la Cour des mémoires ou des observations aux parties en cause, aux États membres, à la Commission ainsi que, le cas échéant, au Conseil, au Parlement et à la Banque centrale européenne. Par l’expression «parties en cause», cette disposition vise uniquement celles qui ont cette qualité dans le litige pendant devant la juridiction nationale (voir arrêt Bollmann, précité, point 4, et ordonnance Parking Brixen, précitée, point 7).

11     N’étant ni partie principale ni partie intervenante dans la procédure au principal, les Barreaux français n’ont pas la qualité de partie au sens de l’article 23, paragraphe 2, du statut de la Cour.

12     Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la demande d’intervention présentée par les Barreaux français est irrecevable.

Sur les dépens

13     En l’absence de dépens, il n’y a pas lieu de statuer sur ce chef.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA COUR

Ordonne:

1)      La demande d’intervention du Conseil national des barreaux, de la Conférence des bâtonniers et du Barreau de Paris est irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 juin 2006;

Le greffier

 

      Le Président

R. Grass

 

      V. Skouris                                                      


* Langue de procédure: le français.