Language of document : ECLI:EU:T:2005:158

ARRÊT DU TRIBUNAL(troisième chambre)

4 mai 2005 (*)

« Fonctionnaires – Harcèlement moral – Devoir d’assistance – Obligation de motivation – Non-versement de pièces au dossier personnel »

Dans l'affaire T‑144/03,

Nadine Schmit, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Ispra (Italie), représentée par Mes P.-P. Van Gehuchten et P. Jadoul, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d’agents, assistés de Mes D. Waelbroeck et U. Zinsmeister, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 11 juillet 2002, portant refus de retirer certains documents prétendument diffamatoires du dossier personnel de la requérante, niant l’existence d’écrits calomnieux à son égard et rejetant l’existence de tout préjudice relevant des rapports de notation et des exercices de promotion et, d’autre part, et pour autant que de besoin, une demande d’annulation de la décision de la Commission du même jour refusant d’enregistrer la « demande précontentieuse » présentée par la requérante le 28 juin 2002,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 octobre 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 24, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci‑après le « statut »), prévoit :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

2       L’article 25, deuxième alinéa, du statut dispose :

« Toute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

3       L’article 26 du statut énonce :

« Le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir :

a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement ;

b) les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces.

Toute pièce doit être enregistrée, numérotée et classée sans discontinuité ; l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées [sous] a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement.

La communication de toute pièce est certifiée par la signature du fonctionnaire ou, à défaut, faite par lettre recommandée.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

4       La requérante est un ancien fonctionnaire de la Commission de grade C 3 et était affectée auprès de la direction générale (DG) « Centre commun de recherche » au sein d’une unité de l’Institut pour la protection et la sécurité des citoyens, situé à Ispra (Italie).

5       Il est constant que la requérante n’a plus été promue depuis 1993.

 Notation et procédure de promotion de la requérante

6       Le 12 janvier 2000, le chef d’unité de la requérante a signé le rapport de notation de celle‑ci pour la période allant du 1er juillet 1997 au 30 juin 1999 (ci‑après le « rapport de notation 1997/1999 »).

7       Le 10 novembre 2000, la requérante a présenté une réclamation auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») contre la décision arrêtant la liste des personnes promues au titre de l’année 2000 en ce qu’elle ne figurait pas sur ladite liste. Elle faisait valoir que, en raison de l’établissement tardif du rapport de notation 1997/1999, l’AIPN n’avait pu procéder à un examen comparatif des mérites des candidats.

8       Les appréciations du rapport de notation 1997/1999 ont été confirmées successivement par le notateur d’appel le 21 juin 2000 et par le comité paritaire de notation le 14 juin 2001.

9       Le 6 juin 2001, l’AIPN a fait droit à la réclamation de la requérante et a annulé la décision de non-promotion de la requérante, motif pris de l’établissement tardif du rapport de notation 1997/1999.

10     Le 30 juillet 2001, la notation définitive a été adressée à la requérante. Celle-ci en a accusé réception le 2 août 2001.

11     Le 31 juillet 2001, la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation auprès de l’AIPN en vue d’obtenir réparation du préjudice moral subi du fait du retard pris dans l’établissement du rapport de notation 1997/1999.

12     Le 12 décembre 2001, l’AIPN a fait droit à la réclamation de la requérante et lui a octroyé une indemnité d’un euro en réparation de son préjudice moral.

 Autres éléments factuels pertinents

13     Par note du 3 avril 2001 adressée à son directeur, la requérante a porté plainte concernant l’échange entre certains de ses collègues de courriers électroniques contenant des « propos malveillants » à son égard.

14     Le 30 avril 2001, le directeur a répondu à la note de la requérante. Il niait l’existence du harcèlement moral allégué, tout en admettant l’existence de problèmes relationnels au sein de l’unité. Il rappelait que des efforts importants étaient entrepris par la hiérarchie et que ceux‑ci devaient être réciproques. Il assurait suivre l’évolution de la situation.

15     Par note du 22 mai 2001, la requérante a réitéré ses propos aux termes desquels elle se sentait victime d’une « attitude vexatoire qui s’apparente au harcèlement moral ».

16     Le 13 septembre 2001, le chef d’unité a refusé la demande de congé annuel présentée par la requérante, pour la période allant du 17 au 21 septembre 2001. La requérante s’est toutefois absentée durant cette période pour cause d’« intervention chirurgicale bénigne ».

17     Le 26 septembre 2001, le service médical a autorisé rétroactivement une partie du congé demandé – un jour et demi sur les cinq demandés –, tout en rappelant les formalités administratives à suivre à cet égard.

18     Le 28 septembre 2001, un entretien s’est déroulé entre la requérante et son chef d’unité afin de discuter du problème de ses absences et de sa demande de congé.

19     Le 8 octobre 2001, le chef d’unité a visé rétroactivement la demande de congé de la requérante de manière que la totalité des jours demandés soit décomptée de son solde annuel.

20     Le 9 octobre 2001, la requérante a été mise en congé à mi‑temps par le service médical pendant un mois.

21     Par note du 10 octobre 2001, le chef d’unité a informé sa hiérarchie des différents problèmes existants dans le service avec la requérante, notamment du désaccord quant à la demande de congé de la requérante, ainsi que du non‑respect de ses horaires de travail.

22     Cette note a donné lieu à un échange de notes et de courriers électroniques entre la requérante et sa hiérarchie pendant la période allant du 12 octobre au 29 novembre 2001. La requérante accusait sa hiérarchie d’une absence de dialogue (note à sa hiérarchie du 12 octobre 2001), d’une rétention d’information à son égard (courrier à son chef d’unité du 21 novembre 2001), d’affirmations calomnieuses (note au chef d’unité du 29 novembre 2001) et d’un abus de la position hiérarchique de son chef d’unité (note au dossier du 29 novembre 2001). De son côté, la hiérarchie contestait toutes les accusations de la requérante en lui demandant un plus grand sens des responsabilités (note du 26 novembre 2001).

23     Le 20 décembre 2001, la requérante a été reçue, à sa demande, par le directeur de l’Institut pour la protection et la sécurité des citoyens.

24     La requérante s’est absentée pour raisons médicales du 1er janvier 2002 au 15 janvier 2002.

25     Selon la requérante, à son retour, le 16 janvier 2002, les conflits avec le reste des membres de son unité se sont multipliés.

26     Le 11 mars 2002, le dépôt par un collègue d’un bouquet de fleurs dans son bureau sans laisser de mot d’accompagnement a provoqué une forte réaction de la requérante (ci‑après l’« incident du 11 mars 2002 »). De ce fait, plusieurs collègues de l’unité ont envoyé des courriers électroniques à la hiérarchie les 12, 13 et 14 mars 2002. Notamment, dans un courrier électronique du 12 mars 2002, une collègue de la requérante relevait que « la requérante présente apparemment un cas de sérieux problèmes psychologiques » et elle dénonçait la perturbation du bon déroulement du travail au sein de l’unité, tout en demandant l’intervention de la hiérarchie à cet égard.

27     Le 13 mars 2002, la requérante a eu une réunion avec son directeur sur l’incident du 11 mars 2002.

28     Pendant la période allant du 13 au 19 mars 2002, il y a eu un échange de notes entre la requérante et sa hiérarchie. La requérante soutenait que ses initiatives personnelles n’étaient pas prises en compte (note du 13 mars 2002 à son chef d’unité) et demandait qu’on lui transmette toute correspondance la concernant (note du 19 mars 2002 à son directeur). Le chef d’unité de la requérante niait le bien‑fondé de cette accusation (note du 19 mars 2002) et proposait de tenir une réunion le 27 mars 2002 pour définir les tâches de la requérante. La requérante a été avertie que, en cas de répétition d’une « attitude colérique ou conflictuelle », il lui serait demandé de se rendre au service médical afin que les examens médicaux appropriés lui soient proposés et que, en cas de refus, les mesures statutaires appropriées seraient prises (note du 18 mars 2002 du directeur).

29     Par note du 23 avril 2002, la requérante s’est plainte du fait que son chef d’unité était entré dans son bureau sans frapper et sans la saluer. Elle affirmait préférer continuer à recevoir les ordres par écrit.

30     Le 29 avril 2002, le chef d’unité de la requérante a répondu à cette note, refusant de se limiter à lui faire parvenir des instructions par écrit. En outre, il reprochait à la requérante de s’absenter des réunions mensuelles. Enfin, il proposait à la requérante une réunion le 2 mai 2002.

31     Le 27 juin 2002, la requérante a fait savoir qu’elle avait été injustement accusée par son chef d’unité de refus de travailler et que son autorisation d’entrée dans l’application informatique « réseau bleu » ne lui avait pas été renouvelée, malgré les démarches effectuées par elle auprès des services compétents.

32     Le 28 juin 2002, le chef d’unité de la requérante adressait une note au directeur relatant les problèmes rencontrés avec celle-ci et justifiant l’absence d’autorisation personnelle d’accès à l’application informatique « réseau bleu » par des raisons d’organisation interne. Il demandait une solution à long terme à « un problème étant ancien, grave et récurrent » prenant en compte l’intérêt du service dans le respect des droits de l’intéressée.

33     Le 1er juillet 2002, une réunion a eu lieu entre la requérante et sa hiérarchie. Par la suite, la requérante a été priée de se présenter au service médical pour se soumettre aux examens médicaux nécessaires et à l’éventuelle prescription d’un traitement.

 Procédure administrative

34     Le 30 avril 2002, la requérante a introduit une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, enregistrée le 6 mai 2002 sous le numéro D/256/02, afin d’obtenir réparation du préjudice moral et physique prétendument subi et dont l’origine serait, d’une part, la violation de ses droits de la défense en l’absence de communication préalable de pièces versées dans son dossier personnel et dont elle allègue le caractère diffamatoire et, d’autre part, l’existence d’écrits qu’elle considère comme calomnieux, envoyés à son insu à sa hiérarchie et dont elle souhaitait prendre connaissance. Elle demandait également l’avis de l’autorité compétente sur le fait que certaines appréciations relatives à son état de santé ont été incluses dans son rapport de notation et ensuite utilisées par sa hiérarchie afin de justifier sa non-promotion. En outre, la requérante mentionnait certains comportements de sa hiérarchie pour dénoncer ce qu’elle considérait être un abus de pouvoir à son égard.

35     Le 28 juin 2002, la requérante a introduit une demande précontentieuse  (ci-après la « demande du 28 juin 2002 ») en réclamant une indemnité pour dommages et intérêts en raison de la violation du principe d’égalité de traitement, de la non‑prévention, de la non‑assistance et de la non‑reconnaissance des problèmes de harcèlement de la part de sa hiérarchie.

36     Le 11 juillet 2002, la requérante a été informée de l’impossibilité de donner suite à la demande du 28 juin 2002, dans la mesure où celle‑ci avait, selon la Commission, le même « ou pratiquement le même » objet que celui de sa demande du 30 avril 2002, dont l’instruction était toujours en cours.

37     Par décision du 11 juillet 2002, l’AIPN a rejeté la demande du 30 avril 2002 (ci‑après la « décision attaquée »). Pour ce qui est des notes versées au dossier de la requérante, l’AIPN estimait que celles‑ci avaient été communiquées préalablement à la requérante conformément à la réglementation existante en la matière. Quant aux prétendus écrits diffamatoires, l’AIPN a considéré qu’il n’y avait pas d’écrits qui puissent être ainsi qualifiés. L’AIPN rappelait à la requérante que ses supérieurs hiérarchiques, en tant que garants du bon fonctionnement du service, l’avaient invitée à réfléchir aux moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer les relations et la productivité au sein du groupe de travail concerné. Enfin, en ce qui concerne les rapports de notation et l’exercice de promotion, elle estimait qu’aucun préjudice à l’égard de la requérante n’avait pu être identifié

38     Le 25 septembre 2002, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dirigée contre la décision attaquée et contre le refus d’enregistrement de la demande du 28 juin 2002. Elle invoquait la violation de l’obligation d’assistance (article 24 du statut), de l’obligation de motivation (article 25 du statut), des droits de la défense (article 26 du statut) et des règles régissant la procédure de promotion (article 45 du statut). Elle demandait la transmission du courrier électronique du 12 mars 2002.

39     Le 8 avril 2003, l’AIPN a rejeté la réclamation de la requérante et a accompagné sa décision de rejet d’une copie du courrier électronique du 12 mars 2002.

 Procédure et conclusions des parties

40     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 avril 2003, la requérante a introduit le présent recours.

41     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a posé par écrit une question à l’institution défenderesse, laquelle y a répondu dans le délai imparti.

42     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 28 octobre 2004.

43     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision attaquée ;

–       pour autant que de besoin, annuler le refus, en date du 11 juillet 2002, d’enregistrer la demande du 28 juin 2002 ;

–       condamner la Commission aux dépens.

44     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

45     La requérante invoque quatre moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Le premier moyen comporte deux branches : la première est tirée de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail » et la seconde de la violation de l’article 24 du statut. Le deuxième moyen se fonde sur l’article 25 du statut et l’obligation de motivation y reconnue. Le troisième moyen est pris de la violation des « droits de la défense » consacrés à l’article 26 du statut. Le quatrième moyen est tiré de la violation du guide de notation et des principes régissant la procédure précontentieuse ainsi que de l’article 45 du statut.

46     Il est à noter cependant que, bien que le harcèlement moral n’ait pas été soulevé formellement en tant que moyen distinct dans la requête, la question de savoir si la requérante a fait l’objet d’un harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie constitue, en l’espèce, un grief sous-jacent dans tous les moyens invoqués par la requérante à l’appui de son recours.

47     En effet, il résulte clairement des circonstances de fait exposées ci-dessus que la requérante estime avoir été la victime d’un harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie. Ainsi, elle invoque, en substance, un ensemble d’indices visant à faire constater l’existence du prétendu harcèlement et, en particulier, certaines appréciations incluses dans le rapport de notation 1997/1999, le refus d’une demande de congé, l’absence de dialogue avec sa hiérarchie qui ne lui ferait parvenir les instructions que par écrit, le versement de courriers à son dossier personnel sans que ceux‑ci lui aient été préalablement communiqués et, entre autres circonstances, l’incident du 11 mars 2002.

48     En outre, les circonstances dans lesquelles s’est déroulée la procédure précontentieuse permettent également de conclure que l’administration a été en mesure de connaître avec suffisamment de précision les griefs et les demandes de la requérante visant à faire reconnaître l’existence d’un harcèlement.

49     À cet égard, il y a lieu de noter, d’abord, que l’AIPN a refusé l’enregistrement de la demande du 28 juin 2002 précisément au motif que celle‑ci avait le même, « ou pratiquement le même » objet que celui de la demande initiale du 30 avril 2002. Or, le Tribunal constate que la demande du 28 juin 2002 avait pour objet principal la reconnaissance du harcèlement moral dont la requérante se sentait la victime. Dès lors, l’institution défenderesse a implicitement reconnu avoir compris que la requérante entendait critiquer, dès la demande du 30 avril 2002, le même harcèlement moral.

50     Ensuite, il ressort du dossier que plusieurs notes échangées entre les parties au litige préalablement au déroulement de la procédure précontentieuse, où la requérante faisait part de l’existence de certains comportements prétendument constitutifs d’un harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie, ont été jointes en annexe à la demande du 30 avril 2002 (notes de la requérante du 3 avril 2001 et du 22 mai 2001 ; note du directeur de l’Institut pour la protection et la sécurité des citoyens du 30 avril 2001). De ce fait, l’administration a été en mesure de comprendre les intentions de la requérante de faire constater l’existence d’un harcèlement moral.

51     Enfin, il y a lieu de constater que la requérante a invoqué, lors de sa réclamation du 25 septembre 2002, les événements énoncés au point 47 ci‑dessus en vue d’étayer l’existence d’un comportement de harcèlement de la part de ses collègues et de sa hiérarchie à son égard.

52     Dès lors, il y a lieu de conclure que, compte tenu du cadre factuel de la procédure précontentieuse, l’administration était en mesure de comprendre la portée réelle de la demande de la requérante.

53     En outre, les parties ont expressément reconnu lors de l’audience que le prétendu harcèlement moral invoqué par la requérante constituait bien le motif central du présent litige.

54     Dans ces circonstances, et avant d’analyser les autres moyens invoqués par la requérante à l’appui de ses conclusions en annulation, il y a lieu d’analyser au préalable les allégations de la requérante tendant à faire constater qu’elle a été victime de harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie.

 Sur le harcèlement moral allégué

 Arguments des parties

55     La requérante relève d’abord que la notion de harcèlement moral n’exige pas un élément intentionnel. Elle invoque ensuite plusieurs faits afin d’étayer l’existence dudit comportement.

56     En premier lieu, certaines appréciations figurant dans le rapport de notation 1997/1999 constitueraient les premiers indices du harcèlement moral.

57     En deuxième lieu, la requérante allègue un ensemble d’incidents survenus à partir du printemps de l’année 2001, dont de prétendues attitudes vexatoires à son égard, des messages électroniques mettant en cause sa compétence professionnelle, le refus opposé à sa demande de congés au mois de septembre ainsi que la réunion du 28 septembre 2001.

58     En troisième lieu, la requérante se plaint du versement  de courriers par son chef d’unité dans son dossier personnel sans qu’ils lui aient été préalablement communiqués, en violation de ses droits de la défense.

59     En quatrième lieu, elle indique avoir reçu exclusivement par écrit les instructions de son chef d’unité.

60     En cinquième lieu, elle mentionne l’incident du 11 mars 2002 (voir point 26 ci‑dessus).

61     En sixième lieu, elle allègue l’existence de pièces prétendument diffamatoires ou calomnieuses à son égard, telles que le courrier électronique du 12 mars 2002 envoyé par une collègue de la requérante à la hiérarchie afin de relater l’incident du 11 mars 2002, ainsi que la réunion qui s’en est suivie le 13 mars 2002 avec son supérieur hiérarchique à propos de cet événement.

62     En septième lieu, la requérante se plaint de l’impossibilité d’accès à l’application informatique du « réseau bleu ».

63     La défenderesse soutient que l’existence d’un harcèlement moral suppose, à tout le moins, qu’une intention malveillante puisse être déduite des actes, comportements ou attitudes reprochés. Elle conteste les allégations de la requérante selon lesquelles les faits invoqués par celle-ci doivent être regardés comme des preuves du harcèlement dont elle prétend faire l’objet.

 Appréciation du Tribunal

64     À titre liminaire, et pour ce qui est de la notion de harcèlement moral, il y a lieu de rappeler que, indépendamment de la perception subjective qu’il a pu avoir des faits qu’il allègue, le requérant doit avancer un ensemble d’éléments permettant d’établir qu’il a subi un comportement qui a visé, objectivement, à le discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail (arrêt du Tribunal du 23 février 2001, De Nicola/BEI, T‑7/98, T‑208/98 et T‑109/99, RecFP p. I‑A‑49 et II‑185, point 286, et voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, non encore publié au Recueil, point 41).

65     Il en découle, ainsi que la défenderesse l’indique à juste titre, que, pour que l’on soit en présence d’un harcèlement moral, le comportement en cause doit présenter objectivement un caractère intentionnel.

66     En l’espèce, le Tribunal est appelé à vérifier si les divers faits invoqués par la requérante permettent de présumer que ses collègues et sa hiérarchie ont fait preuve d’un comportement visant à la discréditer ou à dégrader délibérément ses conditions de travail et, dès lors, susceptible d’être qualifié de harcèlement moral.

67     En premier lieu, pour ce qui est de l’allégation de la requérante selon laquelle les premiers indices du harcèlement moral dont elle se sent victime se trouvent dans le rapport de notation 1997/1999, le Tribunal estime, d’abord, que l’argument de la défenderesse selon lequel la requérante ne saurait contester le contenu dudit rapport dans le cadre du présent recours dans la mesure où celui‑ci, n’ayant pas été attaqué dans le délai, serait devenu définitif ne saurait être accueilli.

68     En effet, il y a lieu de constater que, en raison du contexte de l’affaire, ce n’est que dans le but d’étayer la réalité du harcèlement moral que la requérante fait référence à certaines appréciations insérées dans le rapport de notation 1997/1999, sans pour autant mettre en cause, à ce stade, la validité dudit rapport. Par conséquent, le Tribunal doit se limiter dans l’exercice du contrôle de légalité à constater si lesdites appréciations constituent un premier indice du harcèlement moral dont la requérante estime avoir été la victime.

69     À cet égard, la requérante n’est pas fondée à soutenir que l’appréciation du notateur selon laquelle elle « traite de façon rapide et précise les demandes qui lui sont faites lorsqu’elle est présente » ainsi que les allusions à ses absences périodiques doivent être regardées comme des indices du harcèlement dont elle estime faire l’objet.

70     Tout d’abord, il est constant que la fonction première du rapport de notation est d’assurer à l’administration une information périodique sur l’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (arrêts de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, point 20, et arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 29). Ainsi, les notateurs jouissent du plus large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter et il n’appartient pas au juge d’intervenir dans cette appréciation, sauf en cas d’erreur ou d’excès manifeste (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789, point 23, et arrêt Maurissen/Cour des comptes, précité, point 40).

71     En l’espèce, le Tribunal constate que les appréciations litigieuses constituent, à la lumière des pièces figurant dans le dossier, des données objectives dont le but est d’assurer une orientation de la carrière de la requérante la plus adaptée à ses capacités et à sa situation personnelle. En effet, il ressort des pièces produites par la partie défenderesse que la requérante s’est fréquemment absentée du travail pour cause de maladie, absences pour lesquelles elle a présenté les certificats de congé médical correspondants.

72     En outre, les termes particulièrement élogieux employés par le notateur à plusieurs reprises pour ce qui est du degré élevé de compétence technique de la requérante ne permettent pas de présumer que la défenderesse avait l’intention de la harceler. En particulier, il convient de constater que le notateur a estimé que la requérante « peut en effet largement compenser ses absences par la rapidité et la précision de son travail ».

73     Par ailleurs, le fait que le notateur a abaissé de « supérieur » à « normal » l’appréciation relative au sens de l’organisation de la requérante ne révèle aucune animosité de la part de l’institution défenderesse. À cet égard, il convient de rappeler que l’établissement d’un rapport de notation, selon une périodicité de deux ans, a précisément pour objet d’évaluer les aptitudes et les prestations d’un fonctionnaire au cours d’une période déterminée (arrêt Maurissen/Cour des comptes, point 70 supra, point 31). En l’espèce, la variation de cette appréciation a été dûment justifiée dans les appréciations d’ordre général, où il est précisé que la requérante « accepte mal la délégation des tâches qui lui sont dévolues lorsqu’elle est absente ».

74     Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le rapport de notation 1997/1999 ne révèle aucun indice permettant d’accréditer l’existence d’un harcèlement moral à l’égard de la requérante.

75     En deuxième lieu, les allégations de la requérante relatives aux événements survenus à partir du printemps de l’année 2001 et, notamment, sa mise à l’écart par ses collègues, les attitudes vexatoires et humiliantes, les messages électroniques mettant en question son honnêteté et sa compétence professionnelle ainsi que l’existence des pièces diffamatoires et des écrits calomnieux allégués par la requérante ne démontrent en rien que l’administration se serait livrée à son égard à un harcèlement moral.

76     En effet, loin d’avoir été ignorées, les opinions de la requérante ont été largement prises en compte par son chef d’unité. En particulier, il ressort de la note du 19 mars 2002 du chef d’unité que les apports de la requérante ont été considérés en vue de clarifier la mise en œuvre du programme informatique Adonis au sein de l’unité. Or, le fait que certaines de ces suggestions n’aient pas été acceptées ne saurait être interprété comme la preuve d’une attitude malveillante à son encontre. Une divergence de vues ne saurait être assimilée à une mise à l’écart (voir, en ce sens, arrêt De Nicola/BEI, point 64 supra, point 274).

77     Il ne saurait en être autrement pour ce qui est du courrier électronique du 12 mars 2002 qui ne constitue que le récit de l’incident du 11 mars 2002 (voir points 26 et 27 ci-dessus), également relaté par d’autres courriers électroniques des collègues de la requérante. Si ces courriers électroniques s’inscrivent dans le contexte des relations conflictuelles existantes dans le service entre la requérante et ses collègues, ils se limitent à faire part à la hiérarchie de la requérante de l’incident vécu dans l’unité sans aucun propos calomnieux. En effet, la teneur desdits courriers électroniques fait état de la préoccupation de certains collègues par rapport à la situation conflictuelle existant dans l’unité et comprend un appel à la hiérarchie afin de savoir comment réagir face à une telle situation. À supposer même que l’utilisation du terme « plainte » par le directeur de la requérante lors de la réunion entretenue avec celle‑ci le 13 mars 2002 pour désigner lesdits courriers électroniques puisse être perçue comme un indice de l’existence d’écrits négatifs à son encontre, il convient de noter, ainsi que la défenderesse l’a reconnu lors de l’audience en réponse à une question posée par le Tribunal, que le terme de « plainte » utilisé lors de la réunion du 13 mars 2002, et dans la note du directeur de la requérante du 18 mars 2002 pour désigner lesdits courriers électroniques, est, par essence, neutre et dépourvu de toute qualification dénigrante.

78     En troisième lieu, en ce qui concerne le refus de la demande de congé présentée par la requérante le 13 septembre 2001 pour la période allant du 17 au 21 septembre 2001 (voir point 16 ci-dessus), le Tribunal considère qu’un refus de congé opposé en vue d'assurer le bon fonctionnement du service ne peut être considéré, en l’occurrence, comme une manifestation de harcèlement à l’égard de la requérante. À cet égard, il ressort de la note du 10 octobre 2001 du chef d’unité de la requérante figurant au dossier soumis devant le Tribunal que celui‑ci a dû refuser la demande de congé de la requérante motif pris du fait qu’une autorisation de congé avait été octroyée à l’autre secrétaire de l’unité, fait dont la requérante avait déjà eu connaissance. Le refus opposé à la demande de la requérante s’imposait d’autant plus que, ainsi qu’il ressort du dossier, la requérante a omis l’accomplissement des formalités administratives prévues par le guide des absences en cas de demande de congé.

79     En quatrième lieu, la requérante n’avance aucun élément de preuve de nature à démontrer l’existence d’un objectif malveillant de la part de l’institution défenderesse pour ce qui est de son allégation relative au classement dans son dossier personnel de plusieurs notes et courriers qui ne lui avaient pas été préalablement communiqués.

80     En particulier, pour ce qui est du courrier électronique du 12 mars 2002 (voir point 26 ci-dessus), la défenderesse a souligné, en réponse à une question écrite du Tribunal, que les supérieurs hiérarchiques de la requérante ont jugé plus adéquat à l’époque – le lendemain de l’incident du 11 mars 2002 – de ne pas transmettre ledit courrier à la requérante afin de préserver l’anonymat des collègues auteurs de celui‑ci dans le but d’éviter, dans l’intérêt du service, tout nouvel incident au sein de l’unité. Cette explication ne saurait convaincre. En effet, il est constant que la requérante avait connaissance de l’auteur dudit courrier électronique. Cependant, le Tribunal considère que, malgré le caractère insuffisant des explications de la défenderesse à propos de l’absence de communication dudit courrier électronique à la requérante, aucun élément n’est de nature à démontrer que ce faisant l’institution défenderesse aurait visé le discrédit et la dégradation des conditions de travail de la requérante.

81     En outre, même si l’allusion au courrier électronique du 12 mars 2002 faite par le directeur de la requérante lors de la réunion qui s’est tenue le 13 mars 2002 à la suite de l’incident du 11 mars 2002, au cours de laquelle la requérante a été invitée à se rendre au service médical sous peine, en cas de refus, que soient adoptées les mesures statutaires appropriées à son égard, pouvait être perçue par la requérante comme un indice de l’existence d’écrits calomnieux à son encontre, il y a lieu de rappeler que la seule perception subjective que la requérante a pu avoir à cet égard ne suffit pas pour conclure à l’existence d’un harcèlement moral au sens de la jurisprudence.

82     En cinquième lieu, quant à l’argument de la requérante selon lequel sa hiérarchie ne lui adressait que des instructions écrites, il ressort du dossier que, ce faisant, l’institution défenderesse n’a fait que suivre les propres demandes de la requérante (voir point 30 ci-dessus). Par ailleurs, il est à noter que, par note du 29 avril 2002, le chef d’unité a refusé expressément de se limiter à continuer à donner les instructions par écrit. Dès lors, cet argument manque en fait.

83     En sixième lieu, l’impossibilité pour la requérante d’entrer dans l’application informatique « réseau bleu » (voir point 62 ci‑dessus) s’explique par les circonstances de l’espèce et, dès lors, ce fait ne saurait être compris comme une manifestation de la volonté d’isoler la requérante. En effet, selon les explications non contestées de la défenderesse, à la suite du départ d’un fonctionnaire de l’unité, la requérante a été chargée de la préparation des missions et des signatures. Dans la mesure où la requérante n’avait pas accès à l’application nécessaire afin d’accomplir ces tâches – l’application « mission » – et que la personne compétente pour lui donner l’accès à cette application était absente pour quelque temps, le chef d’unité a demandé à la requérante d’utiliser temporairement l’identifiant et le mot de passe d’un collègue. La requérante a refusé d’obéir à cette instruction et n’a rempli aucune des tâches qui lui avaient été attribuées. De surcroît, il ressort du dossier que, juste avant la réunion du 27 juin 2002 avec son chef d’unité, au cours de laquelle elle a refusé de préparer les missions temporairement sous un autre identifiant, la requérante avait cependant fait savoir au service « mission » que son problème d’accès au logiciel avait été résolu (note du 28 juin 2002 des supérieurs hiérarchiques de la requérante). Bien qu’un tel événement puisse révéler un certain dysfonctionnement dans la coordination des services, il ne pourrait être considéré comme révélant le dessein de dégrader les conditions de travail de la requérante.

84     Au vu de l’analyse qui précède, il y a lieu de conclure que, indépendamment de la perception subjective que la requérante a pu avoir des faits allégués, ceux‑ci, soit pris isolément, soit dans leur ensemble, ne permettent pas d’établir l’existence d’un comportement de harcèlement visant à la discréditer et à dégrader délibérément ses conditions de travail.

85     Il s’ensuit que les allégations de la requérante tendant à démontrer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre ne sauraient être accueillies.

 Sur le moyen tiré de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail » et de l’article 24 du statut

86     Par le présent moyen, la requérante soulève deux griefs : une prétendue infraction au « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail », d’une part, et une violation de l’article 24 du statut, d’autre part.

 Sur le grief tiré de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail »

–       Arguments des parties

87     La requérante fait valoir que, dans le document intitulé « Politique en matière de harcèlement moral à la Commission européenne », il a été reconnu que « le harcèlement moral présente à l’évidence des points communs avec la discrimination et le harcèlement sexuel ». Ainsi, elle allègue que, en l’espèce, l’institution défenderesse a violé le « principe de la protection de l’égalité de la dignité de la femme et de l’homme au travail », tel qu’il a été reconnu dans plusieurs dispositions de droit positif.

88     À ce titre, la requérante invoque l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (JO 2000, C 364, p. 1), l’article 7 du pacte international relatif aux droits sociaux et économiques ainsi que plusieurs actes de droit communautaire, notamment la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail (JO L 39, p. 40), la résolution du Conseil du 29 mai 1990 concernant la protection de la dignité de la femme et de l’homme au travail (JO C 157, p. 3) et la recommandation 92/131/CEE de la Commission, du 27 novembre 1991, sur la protection de la dignité des femmes et des hommes au travail (JO L 49, p. 1).

89     La défenderesse conteste la recevabilité du présent moyen dans la mesure où il n’a pas été invoqué lors de la procédure précontentieuse.

–       Appréciation du Tribunal

90     S’agissant de la recevabilité du présent moyen, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions présentées devant le juge communautaire ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation. Ces chefs de contestation peuvent, devant le juge communautaire, être développés par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 mai 1986, Rihoux e.a./Commission, 52/85, Rec. p. 1555, point 15 ; ordonnances du Tribunal du 9 septembre 2003, Vranckx/Commission, T‑293/02, non encore publiée au Recueil, point 41 ; du 7 juin 2004, X/Commission, T‑230/02, non publiée au Recueil, point 16 ; et arrêt du Tribunal du 28 septembre 2004, Tenreiro/Commission, T‑216/03, non encore publié au Recueil, points 38 à 40).

91     En outre, la procédure précontentieuse ayant un caractère informel et les intéressés agissant en général, à ce stade, sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas examiner les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture (arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martínez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 11 ; arrêts du Tribunal du 8 juin 1995, Allo/Commission, T‑496/93, RecFP p. I‑A‑127 et II‑405, point 27, et du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 61 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, Rec. p. 10315, points 12 à 17).

92     En l’espèce, le Tribunal constate que la requérante n’a pas invoqué dans sa réclamation de manière explicite la violation du « principe de protection de la dignité de l’égalité de l’homme et de la femme au travail ». De surcroît, la réclamation, même interprétée dans un esprit d’ouverture, ne contient aucun argument ni élément de preuve dont l’institution défenderesse aurait pu déduire que la requérante cherchait à faire constater la violation dudit principe.

93     Il en découle que le grief tiré de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail », n’étant pas étroitement rattaché à la réclamation précontentieuse, doit être déclaré irrecevable.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 24 du statut

–       Arguments des parties

94     La requérante soutient que l’institution défenderesse a violé le devoir d’assistance reconnu à l’article 24 du statut, en ce qu’elle n’a adopté à son égard aucune mesure visant à la protéger.

95     La défenderesse rappelle les mesures et les efforts qui ont été entrepris par les collègues et la hiérarchie de la requérante dans le but de résoudre les problèmes relationnels rencontrés par celle‑ci.

–       Appréciation du Tribunal

96     Il est de jurisprudence constante que l’article 24 du statut est conçu en vue de protéger les fonctionnaires des Communautés européennes contre le harcèlement ou un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement des tiers, mais également de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues (arrêt de la Cour du 14 juin 1979, V./Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15 ; arrêts du Tribunal du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission, T‑39/93 et T‑553/93, RecFP p. I‑A‑233 et II‑695, point 58, et Schochaert/Conseil, point 64 supra, point 48).

97     Il résulte également de cette jurisprudence que l’institution, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, doit intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce, en vue d’établir les faits et, partant, de pouvoir tirer, en toute connaissance de cause, les conséquences appropriées (arrêts du Tribunal du 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, Rec. p. II‑477, point 31, et Schochaert/Conseil, point 64 supra, point 49).

98     En ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui rentre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, il ressort d’une jurisprudence établie que l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous contrôle du juge communautaire, dans le choix des mesures et moyens d’application de l’article 24 du statut. Le contrôle du juge communautaire se limite à la question de savoir si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (arrêt du Tribunal du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, RecFP p. I‑A‑475 et II‑1395, point 54).

99     À ce stade, alors même que dans le cas d’espèce, ainsi qu’il a été dit ci‑dessus, la requérante n’a pas démontré avoir été victime d’un harcèlement moral de la part de ses collègues et de sa hiérarchie, le Tribunal constate que la défenderesse a au surplus adopté, dans l’intérêt de la requérante et du service, un ensemble de mesures pour remédier à la situation conflictuelle existante.

100   En premier lieu, ainsi que la requérante l’a admis lors de l’audience, le chef d’unité a, par note du 30 avril 2001, averti certains des collègues de la requérante afin de faire cesser l’échange de courrier électronique contesté par celle‑ci dans sa note du 29 avril 2002, dans la mesure où elle estimait y faire l’objet de moqueries de la part de certains de ses collègues.

101   En deuxième lieu, plusieurs notes figurant dans le dossier accréditent un suivi continu de l’évolution de la situation conflictuelle par ses supérieurs hiérarchiques, ainsi qu’une volonté de résoudre ladite situation (notes du 30 avril 2001, en réponse à la note du 3 avril 2001, du 10 octobre 2001, fournissant des explications quant au refus de congé du mois de septembre, du 26 novembre 2001, en réponse au courrier électronique du 21 novembre 2001, du 18 mars 2002, en réponse à la note du 13 mars 2002, du 19 mars 2002, en réponse au mémorandum interne du 13 mars 2002, du 29 avril 2002, en réponse au courrier électronique de la requérante du 23 avril 2002, du 28 juin 2002, en réponse à la note du 27 juin 2002).

102   En troisième lieu, plusieurs réunions se sont tenues entre la requérante et ses supérieurs hiérarchiques aux fins de résoudre les problèmes portant sur les demandes de congé et les absences de la requérante ainsi que sur certains événements vécus au sein de l’unité et perturbant le climat de travail (réunions du 28 septembre 2001, du 20 décembre 2001, du 13 mars 2002 et du 1er juillet 2002). En particulier, pour ce qui est de la réunion du 20 décembre 2001, qui s’est tenue à la suite de la note de la requérante du 12 octobre 2001, la requérante ne saurait mettre en question l’attitude manifeste de dialogue de la défenderesse à son égard du seul fait que cette réunion s’est tenue deux mois après ladite note. En effet, ainsi que la défenderesse l’a relevé lors de l’audience et qu’il ressort du dossier soumis au Tribunal, le fait que la requérante s’est absentée du travail un total de 65 jours et demi pendant la période allant du 9 octobre au 31 décembre 2001 a rendu plus difficile une prompte réaction de la part de l’administration. Par ailleurs, il importe peu que la réunion du 20 décembre 2001 ait eu lieu à la demande de la requérante, dès lors, précisément, que l’administration a donné suite à cette demande.

103   En quatrième lieu, la requérante a été mise en congé d’office par le service médical dans son intérêt et dans celui du bon fonctionnement du service. Le Tribunal considère que la requérante ne saurait mettre en question la nature d’assistance de la présente mesure du seul fait que celle‑ci a été adoptée par le service médical de l’institution défenderesse et non par ses supérieurs hiérarchiques. En effet, le service médical est le service compétent au sein de l’administration défenderesse pour émettre le certificat de congé médical.

104   En cinquième lieu, les supérieurs hiérarchiques de la requérante ont envisagé la possibilité de la réaffecter. En effet, celle‑ci ayant manifesté un intérêt pour un travail à plein temps sur l’application Adonis, ses supérieurs hiérarchiques lui ont suggéré de contacter la personne responsable de l’exécution de ladite application dans la zone d’Ispra, un tel poste étant vacant. Toutefois, la requérante a refusé cette possibilité, dans la mesure où celle‑ci pouvait l’amener à quitter l’Institut pour la protection et la sécurité des citoyens, duquel elle refusait de partir, son seul intérêt étant d’abandonner l’unité dans laquelle elle travaillait (note du 21 décembre 2001 consécutive à la réunion du 20 décembre 2001).

105   En sixième lieu, la requérante a été invitée à se rendre au service médical pour un dialogue concernant les problèmes qu’elle rencontrait dans le service et pour la prescription éventuelle d’un traitement.

106   Dans ces conditions, et compte tenu de la nature et de la portée des conflits évoqués, ainsi que de la situation personnelle de la requérante, il convient de conclure que la défenderesse a agi avec la diligence raisonnable qu’une grande organisation doit aux membres de son personnel en adoptant les mesures proportionnées et appropriées aux circonstances de l’espèce.

107   Par ailleurs, la requérante ne saurait soutenir que la décision attaquée a été adoptée au mépris de l’obligation d’assistance qui incombe à l’administration défenderesse en vertu de l’article 24 du statut au motif que celle‑ci n’aurait pas engagé une procédure disciplinaire contre plusieurs fonctionnaires.

108   À cet égard, il est de jurisprudence constante que l’institution ne saurait prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre du fonctionnaire en cause que si les mesures d’instruction ordonnées établissent avec certitude l’existence, de la part du fonctionnaire concerné, d’un comportement portant atteinte au bon fonctionnement du service ou à la dignité et à la réputation d’un autre fonctionnaire (arrêt de la Cour du 9 novembre 1989, Katsoufros/Cour de justice, 55/88, Rec. p. 3579, point 16, et arrêt du Tribunal du 28 février 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, RecFP p. I‑A‑51 et II‑151, point 39). Or, la requérante n’apporte aucun élément de nature à démontrer qu’un fonctionnaire aurait adopté un tel comportement.

109   Par conséquent, il y a lieu de conclure que le présent moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

110   La requérante fait, en premier lieu, valoir que la décision attaquée viole l’obligation de motivation consacrée à l’article 25 du statut, en ce qu’elle ne comporte aucune appréciation sur les pièces qu’elle a jointes à sa demande précontentieuse pour établir l’existence du harcèlement moral dont elle se sent la victime.

111   En deuxième lieu, une telle violation résulterait du fait que, dans la décision attaquée, l’AIPN a nié, bien qu’elle ait eu connaissance au stade de la procédure précontentieuse du courrier électronique du 12 mars 2002, avoir eu connaissance des écrits dont la requérante alléguait le caractère diffamatoire et préjudiciable à ses intérêts.

112   En troisième lieu, la requérante soutient que la défenderesse a méconnu l’article 25 du statut en versant dans son dossier personnel des notes qui ne lui ont pas été communiquées avant classement dans ledit dossier.

113   La requérante fait valoir, en quatrième lieu, que l'institution défenderesse a manqué à l'obligation de motivation dans la mesure où aucune réponse ne lui a été fournie dans la décision attaquée sur la question de savoir si des appréciations concernant l'état de santé d'un fonctionnaire peuvent figurer dans un rapport de notation et être utilisées lors des exercices de promotion.

114   La défenderesse conteste les allégations de la requérante. En particulier, pour ce qui est du courrier électronique du 12 mars 2002, la défenderesse relève, d’abord, le manque de pertinence de la référence audit courrier électronique. Ensuite, de l’avis de la défenderesse, ledit courrier électronique ne constitue qu’un récit de l’incident du 11 mars 2002, étant dépourvu de tout caractère calomnieux ou diffamatoire. Enfin, la défenderesse relève que le courrier électronique du 12 mars 2002 a été joint à la décision rejetant la réclamation de la requérante du 25 septembre 2002.

 Appréciation du Tribunal

115   Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver une décision faisant grief a pour but de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité et de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; arrêts du Tribunal du 16 décembre 1993, Turner/Commission, T‑80/92, Rec. p. II‑1465, point 62, et du 20 juillet 2001, Brumter/Commission, T‑351/99, RecFP p. I‑A‑165 et II‑757, point 28).

116   Il est également de jurisprudence constante que l’étendue de l’obligation de motiver doit, dans chaque cas, être appréciée non seulement en considération de la décision attaquée, mais aussi en fonction des circonstances concrètes entourant ladite décision (arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36 ; du 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C‑169/88, Rec. p. 4335, point 9, et arrêt du Tribunal du 15 février 1996, Ryan‑Sheridan/FEACVT, T‑589/93, RecFP p. I‑A‑27 et II‑77, point 95).

117   Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné et qui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 53 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 2539, point 13, et arrêt du Tribunal du 2 avril 1998, Apostolidis/Cour de justice, T‑86/97, RecFP p. I‑A‑167 et II‑521, points 73 à 77).

118   En l’espèce, pour ce qui est, en premier lieu, de l’allégation de la requérante selon laquelle aucune appréciation n’aurait été faite dans la décision litigieuse concernant le prétendu harcèlement moral, il convient de constater que la décision attaquée (voir point 37 ci-dessus) mentionne que les supérieurs hiérarchiques de la requérante, « en tant que garants du bon fonctionnement des services dont ils assument la responsabilité, [...] ont, à plusieurs reprises (réunions et notes diverses), invité [celle-ci] à réfléchir quant aux moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer les relations et la productivité au sein du groupe de travail concerné ».

119   Par ailleurs, il y a lieu de relever que la décision attaquée renvoie explicitement aux notes échangées entre les parties ainsi qu’aux réunions que celles‑ci ont entretenues auparavant. Or, il ressort du dossier soumis au Tribunal que, lors desdites réunions (le 28 septembre 2001, le 20 décembre 2001, le 13 mars 2002 et le 1er juillet 2002) et dans ces notes (du 30 avril 2001, en réponse à la note du 3 avril 2001, du 10 octobre 2001, du 26 novembre 2001, en réponse au courrier électronique du 21 novembre 2001, du 18 mars 2002, en réponse à la note du 13 mars 2002, du 19 mars 2002, en réponse au mémorandum interne du 13 mars 2002, du 29 avril 2002, en réponse au courrier électronique de la requérante du 23 avril 2002, du 28 juin 2002, en réponse à la note du 27 juin 2002), des indications suffisantes ont été fournies à la requérante lui permettant d’ores et déjà de connaître la position de l’administration à l’égard des faits dont elle se prévalait comme constitutifs d’un harcèlement moral.

120   Dans ce contexte bien connu de la requérante, cette dernière ne pouvait, dès lors, avoir aucun doute quant à la signification des motifs de la décision attaquée.

121   Ainsi, à la lumière de la jurisprudence citée ci‑dessus, il y a lieu de conclure que la requérante a été mise en mesure d’apprécier la légalité et le bien‑fondé de la décision attaquée et l’opportunité de la soumettre au contrôle juridictionnel prévu par l’article 91 du statut. La motivation de la décision attaquée, lue dans son contexte, a, par ailleurs, également permis au Tribunal d’apprécier la légalité de ladite décision, ainsi qu’il découle des points 64 à 85 et 96 à 109 ci‑dessus.

122   Partant, le caractère prétendument succinct de la motivation n’est pas, en l’occurrence, de nature à affecter la validité de la décision litigieuse.

123   En deuxième lieu, quant à l’allégation de la requérante relative à la négation par l’AIPN de l’existence d’écrits prétendument diffamatoires ou calomnieux émanant de ses collègues de bureau à son insu et, notamment, du courrier électronique du 12 mars 2002 (voir, à cet égard, points 26 et suivants ci‑dessus), cette question relève de l’examen au fond, et non de celui du caractère suffisant ou non de la motivation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, RecFP p. I‑A‑87 et II‑463, point 94). Il s’ensuit qu’elle doit être rejetée.

124   Il en va de même, en troisième lieu, pour ce qui est de l’allégation de la requérante relative au versement dans son dossier personnel des notes, qui ne lui ont pas été communiquées avant leur classement dans ledit dossier. En tout état de cause, il ressort de la décision attaquée que l’AIPN a suffisamment motivé sa réponse après avoir examiné plusieurs notes figurant dans le dossier personnel de la requérante.

125   En quatrième lieu, s’agissant du prétendu défaut de motivation de la décision attaquée tiré de l'absence de réponse à la demande de la requérante relative à la possibilité de faire figurer dans un rapport de notation des appréciations concernant l'état de santé d'un fonctionnaire et de les utiliser lors des exercices de promotion, le Tribunal estime que ce grief ne saurait être accueilli.

126   À cet égard, il convient de noter, d’abord, les termes généraux employés par la requérante dans sa demande (« je soumets […] à l’avis de l’autorité compétente […] ») où aucun rapport de notation ni exercice de promotion précis n’ont été identifiés. Ainsi, le Tribunal considère que la requérante ne saurait reprocher à l'institution défenderesse d'avoir répondu aussi d’une façon générale à sa demande dans la décision attaquée. En effet, l'institution défenderesse y constatait qu'aucun préjudice n'ait pu être identifié pour ce qui est des rapports de notation et des exercices de promotion de la requérante.

127   Au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter dans son ensemble le moyen de la requérante tiré du défaut de motivation de la décision attaquée.

 Sur la violation de l’article 26 du statut et les droits de la défense

 Arguments des parties

128   La requérante soutient que l’institution défenderesse a violé l’article 26 du statut dans la mesure où des notes la concernant ont été versées dans son dossier personnel sans lui avoir été communiquées avant leur classement dans ledit dossier.

129   En outre, la requérante fait valoir que, bien qu’il ne figure pas dans son dossier personnel, le courrier électronique du 12 mars 2002 a été utilisé par son directeur pour lui proposer de se rendre au service médical, sous peine de « mesures statutaires ». De plus, lors de la réunion du 1er juillet 2002, son directeur lui aurait adressé une injonction de se rendre au service médical sur la base dudit courrier électronique.

130   La défenderesse relève que la requérante a été systématiquement informée du versement à son dossier personnel des trois notes mentionnées dans sa réclamation du 25 septembre 2002. Selon la défenderesse, le fait que la requérante ait immédiatement fait valoir ses observations à l’égard de ces notes démontre que ses droits de la défense n’ont nullement été violés.

131   Pour ce qui est du courrier électronique du 12 mars 2002, la défenderesse rappelle qu’une copie de celui‑ci a été transmise à la requérante avec la décision rejetant sa réclamation du 25 septembre 2002. En outre, selon la défenderesse, l’inopposabilité à l’égard d’un fonctionnaire de pièces concernant sa compétence, son rendement et son comportement concerne seulement les pièces qui ne lui ont pas été préalablement communiquées et ne vise pas les pièces qui, comme le courrier électronique en cause, n’ont certes pas encore été versées à son dossier individuel, mais lui sont néanmoins connues.

132   En tout état de cause, la défenderesse estime que l’invocation de l’article 26 du statut est hors de propos dans le cas d’espèce, étant donné qu’aucun acte faisant grief à la requérante n’a été adopté sur la base des notes mentionnées et du courrier électronique du 12 mars 2002.

  Appréciation du Tribunal

133   Il convient d’abord de rappeler que l’article 26 du statut a pour objet d’assurer le droit de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, et non mentionnés dans son dossier personnel. Ainsi, une décision fondée sur de tels éléments est contraire aux garanties du statut et doit être annulée comme étant intervenue à la suite d’une procédure entachée d’illégalité (arrêts de la Cour du 28 juin 1972, Brasseur/Parlement, 88/71, Rec. p. 499, point 11 ; du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 57 ; arrêts du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T‑82/89, Rec. p. II‑735, point 78 ; du 22 avril 1999, Brognieri/Commission, T‑148/96 et T‑174/96, RecFP p. I‑A‑65 et II‑329, point 41, et du 20 septembre 2001, Recalde Langarica/Commission, T‑344/99, RecFP p. I‑A‑183 et II‑833, point 59).

134   En outre, l’expression « situation administrative » comprend non seulement les principaux événements de la carrière du fonctionnaire que sont le recrutement, les positions d’activité, de détachement, de réaffectation, de congé de convenance personnelle, de disponibilité, de congé pour services militaires, les exercices de notation, les avancements d’échelon et les promotions, la cessation définitive des fonctions, mais également d’autres événements concernant certains droits reconnus par le statut (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Ojha/Commission, point 133 supra, Rec. p. I‑5867, point 52) ou par les dispositions sur les privilèges et immunités des fonctionnaires (arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 58).

135   Or, en l’espèce, il y a lieu de noter que la requérante n’identifie aucune décision susceptible d’affecter sa situation administrative et sa carrière, au sens de la jurisprudence précitée, ayant été adoptée sur la base des pièces figurant dans son dossier personnel sans que celles‑ci lui aient été préalablement communiquées.

136   À cet égard, l’invitation de se rendre au service médical, sauf à ce que l’AIPN adopte les mesures statutaires appropriées, adressée à la requérante par son supérieur hiérarchique, ne saurait être considérée comme une décision affectant la situation administrative et la carrière de la requérante au sens rappelé au point 134 ci-dessus. En effet, l’alternative offerte à la requérante dans la note du 18 mars 2002 ne constitue que l’expression d’une des possibles mesures de gestion courante au sein de l’administration dont l’adoption a été envisagée par sa hiérarchie afin de régler la situation conflictuelle existante au sein de l’unité. Toutefois, cette injonction n’affecte ni les droits ni les privilèges reconnus à la requérante par le statut. De plus, ladite alternative ne constitue qu’un acte à nature préparatoire.

137   Ainsi, en l’absence d’une décision affectant la situation administrative et la carrière du fonctionnaire concerné, l’article 26 du statut n’est pas applicable (voir, a contrario, arrêt de la Cour, Ojha/Commission, point 133 supra, point 66, et arrêt Brognieri/Commission, point 133 supra, points 41 à 44). Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé.

 Sur la violation du guide de notation et des principes qui régissent la procédure de promotion, notamment des articles 25 et 45 du statut

 Arguments des parties

138   La requérante conteste, d'une part, l'inclusion dans son rapport de notation d'appréciations relatives à son état de santé et, d'autre part, l'utilisation de celles‑ci lors de la procédure de promotion.

139   La défenderesse relève que le présent moyen est irrecevable, en premier lieu, du fait que la prétendue violation du guide de notation et des principes régissant la procédure de promotion n’a pas été soulevée au cours de la procédure précontentieuse.

140   En second lieu, la défenderesse excipe également de l’irrecevabilité du moyen dans la mesure où, selon elle, la requérante est forclose à contester à ce stade la validité de certains éléments contenus dans son rapport de notation qui serait devenu définitif.

141   À cet égard, la défenderesse relève que la requérante n’a pas jugé nécessaire d’introduire une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, lors de sa notation définitive 1997/1999. En effet, la réclamation de la requérante du 10 novembre 2000 n’aurait porté que sur la non-promotion de la requérante en raison du retard dans l’établissement de son rapport de notation.

 Appréciation du Tribunal

142   La défenderesse excipe de l’irrecevabilité du présent moyen dans la mesure où, selon elle, celui‑ci n’a pas été soulevé au cours de la procédure précontentieuse.

143   À cet égard, il y a lieu de noter que l’administration, dans la décision statuant sur la réclamation de la requérante du 25 septembre 2002, a affirmé que, « pour ce qui est de vos rapports de notation ainsi que de l’exercice de promotion, aucun préjudice n’a pu être identifié au titre de votre demande ».

144   Dès lors, la première fin de non-recevoir opposée par la défenderesse ne saurait être accueillie, dans la mesure où le présent moyen a déjà été soulevé de manière implicite au stade de la procédure précontentieuse tel que l’a d’ailleurs compris la défenderesse.

145   Toutefois, le Tribunal estime que le présent moyen doit être déclaré irrecevable pour tardiveté.

146   En effet, selon une jurisprudence constante, les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statut sont d’ordre public et ne sont pas à la disposition des parties et du juge, ayant été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques (arrêt de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C‑246/95, Rec. p. I‑403, point 21 ; arrêts du Tribunal du 23 avril 1996, Mancini/Commission, T‑113/95, RecFP p. I‑A‑185 et II‑543, point 20, et du 24 juin 2004, Österholm/Commission, T‑190/02, non encore publié au Recueil, point 32). Même dans l’hypothèse où l’administration aurait répondu au stade de la phase précontentieuse aux arguments invoqués quant au fond par le fonctionnaire, le Tribunal ne se trouve pas dispensé de l’obligation de vérifier la recevabilité du recours au regard du respect des délais statutaires (voir ordonnance du Tribunal du 20 mars 1998, Feral/Comité des régions, T‑301/97, RecFP p. I‑A‑145 et II‑471, point 19, et la jurisprudence citée).

147   Par ailleurs, si, aux termes de l’article 90, paragraphe 1, du statut, tout fonctionnaire peut demander à l’AIPN de prendre à son égard une décision, cette faculté ne permet cependant pas au fonctionnaire d’écarter les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut pour l’introduction d’une réclamation et d’un recours, en mettant indirectement en cause, par le biais d’une demande, une décision antérieure qui n’a pas été contestée dans les délais (ordonnance du Tribunal du 11 décembre 2001, Stols/Conseil, T‑99/97, RecFP p. I‑A‑233 et II‑1061, point 40 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981, point 10, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 1997, Chauvin/Commission, T‑16/97, RecFP p. I‑A‑237 et II‑681, point 33). Seule l’existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une telle décision (arrêts de la Cour du 15 mai 1985, Esly/Commission, 127/84, Rec. p. 1437, point 10 ; du 14 juin 1988, Muysers et Tülp/Cour des comptes, 161/87, Rec. p. 3037, point 11, et ordonnance Chauvin/Commission, précitée, point 37).

148   En l’espèce, il y a lieu de rappeler que le rapport de notation 1997/1999 est devenu définitif le 30 juillet 2001, après avoir été confirmé par l’intervention du notateur d’appel, ainsi que par le comité paritaire de notation à la demande de la requérante, qui en a accusé réception le 2 août 2001 (voir points 6 à 12 ci-dessus).

149   De plus, il ressort du dossier soumis au Tribunal que, à la suite de cette notation définitive, la requérante s’est limitée à introduire une réclamation le 31 juillet 2001 afin de contester le retard dans l’établissement dudit rapport, sans pour autant remettre en cause le contenu et les appréciations figurant dans celui‑ci. En outre, l’exercice de promotion des années 1999 et 2002, ayant fait l’objet d’une réclamation de la part de la requérante à laquelle l’AIPN a, d’ailleurs, fait droit, la demanderesse n’a pas estimé nécessaire de contester le résultat de la nouvelle procédure qui s’en est suivie.

150   Or, force est de constater que la requérante ne saurait, à ce stade et par le biais de la demande introduite le 30 avril 2002, en l'absence de faits nouveaux, contester le rapport de notation 1997/1999 et les exercices de promotion en cause en ouvrant à nouveau les délais impératifs prévus par les articles 90 et 91 du statut. De ce fait, la réclamation introduite par la requérante le 25 septembre 2002, c’est‑à‑dire plus d’un an après avoir pris connaissance du rapport de notation 1997/1999, est tardive à cet égard.

151   Dans ces conditions et à la lumière de la jurisprudence évoquée, il convient de déclarer le présent moyen comme irrecevable.

152   Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la requérante tendant à l'annulation de la décision attaquée doivent être rejetées.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation du refus d’enregistrer la demande du 28 juin 2002

 Arguments des parties

153   La requérante soutient que la demande du 28 juin 2002 constitue une demande au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dont l’objet serait identique à celui de sa première demande du 30 avril 2002, à savoir le prétendu harcèlement moral dont elle se sent victime.

154   De ce fait, selon la requérante, « le point de savoir s’il convient de réserver un sort particulier au refus d’enregistrement devient une question à portée pratique réduite ».

155   Or, la requérante ajoute que, au cas où le Tribunal refuserait d’annuler la décision attaquée, l’annulation du refus d’enregistrement de la demande du 28 juin 2002 devrait être accueillie dans la mesure où « l’on ne peut [lui] faire grief [...] d’avoir introduit une demande en vue de jouir de la protection qu’elle appelait à l’encontre du harcèlement moral dont elle était victime ». À ce titre, elle relève qu’il faudrait tenir compte du fait que certains documents actuellement en circulation n’existaient pas auparavant, tels que le document intitulé « Politique en matière de harcèlement moral à la Commission européenne ». En outre, une décision de refus d’enregistrement risquerait de vider de toute substance le principe même de la procédure précontentieuse, puisqu’il ne serait pas possible d’accéder à l’étape ultérieure de celle-ci, à savoir la réclamation.

156   La défenderesse fait remarquer que, au cas où on considérerait la demande du 28 juin 2002 comme une réclamation introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, cette dernière aurait dû être rejetée, étant prématurée et en l’absence d’acte faisant grief.

157   À titre subsidiaire, la défenderesse estime que, au cas où l’on considérerait que la requérante a introduit une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, le présent recours devrait être déclaré irrecevable dans la mesure où la requérante n’aurait pas introduit dans le délai statutaire une réclamation, préalablement requise, contre le refus d’enregistrement.

 Appréciation du Tribunal

158   À cet égard, force est de constater que c’est à bon droit que la défenderesse a refusé l’enregistrement de la demande du 28 juin 2002 motif pris du fait que celle‑ci avait le même ou pratiquement le même objet que celui de sa demande précédente du 30 avril 2002. En effet, la demande du 28 juin 2002 se limite à énoncer une série d’événements dans le but de préciser l’objet de la demande précédente et, notamment, celui du prétendu harcèlement moral dont la requérante se sent victime. Cette appréciation ne saurait être infirmée du seul fait que le harcèlement moral n’est pas mentionné explicitement dans l’objet de la demande du 30 avril 2002, car, ainsi qu’il a été constaté ci‑dessus, aux points 47 à 54, l’institution défenderesse a compris que la requérante entendait critiquer le harcèlement moral dont elle se sent victime.

159   Par ailleurs, contrairement à ce que la requérante fait valoir, la diffusion du document intitulé « Politique en matière de harcèlement moral à la Commission européenne » après l’introduction de la demande du 30 avril 2002 ne constitue pas un fait nouveau substantiel justifiant l’enregistrement d’une nouvelle demande précontentieuse. Ledit document n’apporte en effet rien de nouveau par rapport à l’objet de la première procédure précontentieuse, dès lors qu’il se limite à codifier les règles et la pratique existante au sein de l’institution défenderesse en matière de harcèlement moral.

160   Partant, au vu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter comme non fondées les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision refusant l’enregistrement de la demande  du 28 juin 2002.

161   Par suite, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

162   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de ces dernières.

163   En conséquence, il convient de décider, en application de l’article 88 du règlement de procédure, que chacune des parties devra supporter ses propres dépens.

Par ces motifs, le tribunal (troisième chambre) déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2005.

Le greffier

 

Le président

H. Jung

 

M. Jaeger


Table des matières


Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

Notation et procédure de promotion de la requérante

Autres éléments factuels pertinents

Procédure administrative

Procédure et conclusions des parties

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

Sur le harcèlement moral allégué

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail » et de l’article 24 du statut

Sur le grief tiré de la violation du « principe de protection de l’égalité de la dignité de l’homme et de la femme au travail »

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le grief tiré de la violation de l’article 24 du statut

– Arguments des parties

– Appréciation du Tribunal

Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la violation de l’article 26 du statut et les droits de la défense

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur la violation du guide de notation et des principes qui régissent la procédure de promotion, notamment des articles 25 et 45 du statut

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les conclusions tendant à l’annulation du refus d’enregistrer la demande du 28 juin 2002

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : le français.