Language of document : ECLI:EU:T:2008:494

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

13 novembre 2008 (*)

« Responsabilité non contractuelle de la Communauté – Organisation commune des marchés – Bananes – Régime d’importation de bananes originaires des pays ACP sur le territoire de l’Union européenne – Comportement licite ou illicite – Préjudice prétendument subi par un producteur ACP indépendant »

Dans l’affaire T‑128/05,

Société des plantations de Mbanga SA (SPM), établie à Douala (Cameroun), représentée initialement par Mes P. Soler Couteaux et S. Cahn, puis par Mes Cahn, B. Doré et A. Farache, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. De Gregorio Merino, Mmes M. Balta et A. Westerhof Löfflerova, en qualité d’agents,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. L. Visaggio, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet un recours en indemnité, conformément aux articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE, fondé, à titre principal, sur le comportement illégal du Conseil et de la Commission dans le cadre de l’établissement de la réglementation concernant l’importation des bananes dans la Communauté et, à titre subsidiaire, sur la responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illégal de ces deux institutions,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro (rapporteur), président, MM. N. Wahl et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 mai 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (ci-après l’ « OCM banane ») a été instituée par le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1). Le règlement n° 404/93 a, sous son titre IV, substitué, à partir du 1er juillet 1993, un régime commun d’importation de bananes aux divers systèmes nationaux qui existaient antérieurement.

2        Au moment de l’introduction de la requête, le système commun d’importation de bananes mis en place dans le cadre de l’OCM banane et les modalités de gestion de ce système avaient fait l’objet, au travers des modifications successives du règlement n° 404/93 et des différents règlements de la Commission établissant les modalités d’application dudit règlement, de trois différents régimes (voir points 3 à 30 ci-après). L’importation de bananes dans la Communauté, pour autant que celles-ci proviennent des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), est également concernée par les conventions qui ont été conclues entre les États ACP et la Communauté (voir points 31 à 35 ci-après). Enfin, la Communauté a établi un cadre d’assistance spécial en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes (voir points 36 à 38 ci-après).

A –  Régime de 1993

3        Le premier régime d’importation (ci-après le « régime de 1993 »), qui a été applicable du 1er juillet 1993 au 31 décembre 1998, est issu du titre IV (articles 15 à 20) du règlement n° 404/93 dans sa version initiale, ainsi que du règlement (CEE) n° 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d’application du régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 142, p. 6), et du règlement (CE) n° 2444/94 de la Commission, du 10 octobre 1994, modifiant le règlement n° 1442/93 et dérogeant audit règlement (JO L 261, p. 3).

1.     Règlement n° 404/93

4        L’article 15, deuxième alinéa, du règlement n° 404/93 disposait :

« Aux fins du présent titre :

1)       ‘les importations traditionnelles des États ACP’ correspondent aux quantités, fixées en annexe, de bananes exportées par chaque fournisseur ACP traditionnel de la Communauté ; les bananes qui font l’objet de ces importations sont dénommées ci-après ‘bananes traditionnelles ACP’ ;

2)      ‘les importations non traditionnelles des États ACP’ correspondent aux quantités exportées par les États ACP qui dépassent la quantité définie au point 1 précédent ; les bananes qui font l’objet de ces importations sont dénommées ci-après ‘bananes non traditionnelles ACP’ ;

3)      ‘les importations des pays tiers non ACP’ correspondent aux quantités exportées par les autres pays tiers ; les bananes qui font l’objet de ces importations sont dénommées ci-après ‘bananes pays tiers’ ;

4)      ‘les bananes communautaires’ sont les bananes produites dans la Communauté ;

[…] »

5        Les quantités traditionnelles de bananes des États ACP (en tonnes/poids net), définies dans l’annexe au règlement n° 404/93, représentaient un volume global de 857 700 tonnes (dont 155 000 tonnes pour le Cameroun).

6        L’article 17 du règlement n° 404/93 prévoyait :

« Toute importation de bananes dans la Communauté est soumise à la présentation d’un certificat d’importation délivré par les États membres à tout intéressé qui en fait la demande, quel que soit le lieu de son établissement dans la Communauté, sans préjudice des dispositions particulières prises pour l’application des articles 18 et 19.

Le certificat d’importation est valable dans toute la Communauté […] »

7        L’article 18 du règlement n° 404/93 disposait :

« 1. Un contingent tarifaire de 2 millions de tonnes/poids net est ouvert pour chaque année pour les importations des bananes pays tiers et des bananes non traditionnelles ACP. 

Dans le cadre de ce contingent tarifaire, les importations des bananes pays tiers sont assujetties à la perception de 100 écus par tonne, les importations de bananes non traditionnelles ACP sont soumises à un droit nul.

[…]

2. En dehors du contingent visé au paragraphe 1 :

–        les importations des bananes non traditionnelles ACP sont assujetties à la perception de 750 écus par tonne,

–        les importations de bananes des pays tiers sont assujetties à la perception de 850 écus par tonne. 

–        […] »

8        L’article 19 du règlement n° 404/93 opérait une répartition du contingent tarifaire institué à l’article 18 comme suit :

« 1. Le contingent tarifaire est ouvert, à partir du 1er juillet 1993, à concurrence de :

a)      66,5 % à la catégorie des opérateurs qui ont commercialisé des bananes pays tiers et/ou des bananes non traditionnelles ACP ;

b)      30 % à la catégorie des opérateurs qui ont commercialisé des bananes communautaires et/ou des bananes traditionnelles ACP ;

c)      3,5 % à la catégorie des opérateurs établis dans la Communauté qui ont commencé à commercialiser des bananes autres que les bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP à partir de 1992.

Les possibilités d’importation en application [sous] a) et b) sont ouvertes aux opérateurs établis dans la Communauté qui ont commercialisé pour leur propre compte une quantité minimale de bananes des origines précitées, à déterminer.

[…] 

2. Sur la base de calculs séparés pour chacune des catégories d’opérateurs visés au paragraphe 1, [sous] a) et b), chaque opérateur obtient des certificats d’importation en fonction des quantités moyennes de bananes qu’il a vendues dans les trois dernières années pour lesquelles des chiffres sont disponibles.

[…] » 

2.     Règlement n° 1442/93

9        L’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 1442/93 disposait :

« Est considéré comme ‘opérateur’ des catégories A et/ou B, pour l’application des articles 18 et 19 du règlement […] n° 404/93, et peut être titulaire d’un certificat d’importation, l’agent économique, personne physique ou morale, agent individuel ou groupement, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa référence quantitative ainsi que lors de son enregistrement en application de l’article 4, qui, pour son propre compte, a réalisé une ou plusieurs des fonctions suivantes :

a)      achat de bananes vertes originaires des pays tiers et/ou des États ACP auprès des producteurs, ou le cas échéant production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté ;

b)      approvisionnement et mise en libre pratique en tant que propriétaire des bananes vertes et mise en vente en vue d’une mise ultérieure sur le marché communautaire ; la charge des risques de détérioration ou de perte du produit est assimilée à la charge du risque assumé par le propriétaire du produit ;

c)      mûrissage en tant que propriétaire de bananes vertes et mise sur le marché de la Communauté.

[…] »

10      L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1442/93 disposait :

« Les autorités compétentes des États membres établissent les listes séparées des opérateurs des catégories A et B et, pour chaque opérateur, les quantités que ce dernier a commercialisées pendant chacune des trois années antérieures à l’année qui précède celle pour laquelle le contingent tarifaire est ouvert, en ventilant ces quantités selon chacune des fonctions économiques décrites à l’article 3, paragraphe 1.

L’enregistrement des opérateurs et l’établissement des quantités commercialisées pour chacun d’eux sont opérés à l’initiative et sur demande écrite de ces derniers présentée dans un seul État membre de leur choix.

[…] »

11      L’article 5 du règlement n° 1442/93 disposait :

« 1. Les autorités compétentes établissent, chaque année, […] pour chaque opérateur des catégories A et B enregistré auprès d’elles, la moyenne des quantités commercialisées pendant les trois années antérieures à l’année qui précède celle pour laquelle le contingent est ouvert, ventilées selon la nature des fonctions exercées par l’opérateur conformément à l’article 3, paragraphe 1. Cette moyenne est appelée ‘référence quantitative’. 

[…]

2. Les quantités commercialisées sont affectées des coefficients de pondération suivants selon les fonctions décrites à l’article 3, paragraphe 1 :

–        fonction a) : 57 %,

–        fonction b) : 15 %,

–        fonction c) : 28 %,

–        […] »

12      Selon le troisième considérant du règlement n° 1442/93, les coefficients de pondération avaient pour but de tenir compte de l’importance de la fonction économique assumée et des risques commerciaux encourus, d’assurer une égalité de traitement plus satisfaisante des différents types d’opérateurs dans la Communauté et de corriger les effets négatifs d’un décompte multiple des mêmes quantités de produits à différents stades de la chaîne commerciale.

13      Le régime de 1993 a fait l’objet d’une procédure de règlement des différends, dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), à la suite de plaintes déposées par certains pays tiers du continent américain. Ladite procédure a donné lieu à des rapports du groupe spécial de l’OMC du 22 mai 1997 et à un rapport du 9 septembre 1997 de l’organe d’appel permanent de l’OMC, qui a été adopté par l’organe de règlement des différends par décision du 25 septembre 1997. Par cette décision, l’organe de règlement des différends a déclaré incompatibles avec les règles de l’OMC plusieurs aspects du système communautaire d’importation de bananes.

B –  Régime de 1999

14      Le deuxième régime d’importation (ci-après le « régime de 1999 »), qui a été applicable du 1er janvier 1999 au 30 juin 2001, résulte de l’adoption du règlement (CE) n° 1637/98 du Conseil, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28), qui a remplacé, par de nouvelles dispositions, notamment les articles 16 à 20 du titre IV du règlement n° 404/93, ainsi que du règlement (CE) n° 2362/98 de la Commission, du 28 octobre 1998, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 du Conseil en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 293, p. 32).

1.     Règlement n° 1637/98

15      L’article 1er du règlement n° 1637/98 a remplacé l’article 18 du règlement n° 404/93 par le texte suivant :

« 1. Un contingent tarifaire de 2,2 millions de tonnes (poids net) est ouvert pour chaque année pour les importations de bananes États tiers et de bananes non traditionnelles ACP.

Dans le cadre de ce contingent tarifaire, les importations des bananes États tiers sont assujetties à la perception d’un droit de 75 écus par tonne et les importations de bananes non traditionnelles ACP sont soumises à droit nul.

2. Un contingent tarifaire additionnel de 353 000 tonnes (poids net) est ouvert pour chaque année pour les importations de bananes États tiers et de bananes non traditionnelles ACP.

Dans le cadre de ce contingent tarifaire, les importations de bananes États tiers sont assujetties à la perception d’un droit de 75 écus par tonne et les importations de bananes non traditionnelles ACP sont soumises à droit nul.

3. Les importations des bananes traditionnelles ACP sont soumises à droit nul.

4. Dans le cas où il ne serait pas raisonnablement possible de trouver un accord avec toutes les parties contractantes à l’OMC ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes, la Commission est autorisée à répartir les contingents tarifaires prévus aux paragraphes 1 et 2, ainsi que la quantité ACP traditionnelle, entre les seuls États fournisseurs ayant un intérêt substantiel à cette fourniture, selon la procédure prévue à l’article 27.

5. Par dérogation à l’article 15, les bananes non traditionnelles ACP importées en dehors des contingents tarifaires visés aux paragraphes 1 et 2 sont assujetties à la perception d’un droit de douane par tonne d’un montant égal au droit visé à l’article 15 diminué de 200 écus.

[…] »

16      L’article 1er du règlement n° 1637/98 a également remplacé l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 404/93 par la disposition suivante :

« La gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18, paragraphes 1 et 2, et des importations de bananes traditionnelles ACP s’effectue par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’).

[…] »

2.     Règlement n° 2362/98

17      L’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 2362/98 disposait :

« Les contingents tarifaires et les bananes traditionnelles ACP sont ouverts à concurrence de :

a) 92 % aux opérateurs traditionnels définis à l’article 3 ;

b) 8 % aux opérateurs nouveaux arrivés définis à l’article 7. »

18      L’article 3 du règlement n° 2362/98 disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par ‘opérateur traditionnel’ l’agent économique, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence, ainsi que lors de son enregistrement en application de l’article 5, qui pour son propre compte a importé effectivement pendant une période de référence une quantité minimale de bananes originaires des États tiers et/ou des États ACP en vue d’une mise en vente ultérieure sur le marché communautaire.

La quantité minimale visée au premier alinéa est de 100 tonnes pendant l’une des années de la période de référence. La quantité minimale est de 20 tonnes lorsque l’importation porte exclusivement sur des bananes d’une longueur inférieure ou égale à 10 centimètres. »

19      L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 2362/98 disposait :

« Chaque opérateur traditionnel, enregistré dans un État membre conformément à l’article 5, obtient, pour chaque année, pour l’ensemble des origines mentionnées à l’annexe I, une quantité de référence unique déterminée en fonction des quantités de bananes qu’il a effectivement importées pendant la période de référence.

Pour des importations à réaliser en 1999, dans le cadre des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP, la période de référence est constituée par les années 1994, 1995 et 1996. »

20      L’article 7 du règlement n° 2362/98 disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par opérateur ‘nouvel arrivé’, en vue de l’importation dans le cadre des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP, l’agent économique, établi dans la Communauté, lors de son enregistrement qui

a)      a exercé une activité commerciale comme importateur dans le secteur des fruits et légumes frais des chapitres 7 et 8 et aussi des produits du chapitre 9 de la nomenclature tarifaire et statistique et du tarif douanier commun au cas où il aurait réalisé aussi des importations des produits précités des chapitres 7 et 8, pour son propre compte et à titre autonome, pendant l’une des trois années qui précèdent immédiatement l’année au titre de laquelle l’enregistrement est demandé et

b)      a réalisé, au titre de cette activité, des importations d’une valeur déclarée en douane égale ou supérieure à 400 000 écus pendant la période déterminée [sous] a). »

C –  Régime de 2001

21      Le troisième régime d’importation (ci-après le « régime de 2001 »), qui a été applicable du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2005, est issu des modifications apportées par le règlement (CE) n° 216/2001 du Conseil, du 29 janvier 2001, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 31, p. 2), et par le règlement (CE) n° 2587/2001 du Conseil, du 19 décembre 2001, modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 345, p. 13), ainsi que du règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission, du 7 mai 2001, portant modalités d’application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d’importation de bananes dans la Communauté (JO L 126, p. 6).

1.     Règlement n° 216/2001

22      L’article 1er du règlement n° 216/2001 a remplacé l’article 18 du règlement n° 404/93 par le texte suivant :

« 1. Chaque année à partir du 1er janvier sont ouverts les contingents tarifaires suivants :

a)      un contingent tarifaire de 2 200 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent A’ ;

b)      un contingent tarifaire additionnel de 353 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent B’ ;

c)      un contingent tarifaire autonome de 850 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent C’.

Ces contingents tarifaires sont ouverts pour l’importation de produits originaires de tous pays tiers.

La Commission est autorisée, sur la base d’un accord avec les parties contractantes de l’[OMC] ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes, à répartir les contingents tarifaires ‘A’ et ‘B’ entre les pays fournisseurs.

2. Dans le cadre des contingents tarifaires ‘A’ et ‘B’ les importations sont assujetties à la perception d’un droit de douane de 75 euros par tonne.

3. Dans le cadre du contingent tarifaire ‘C’, les importations sont assujetties à la perception d’un droit de douane de 300 euros par tonne. […]

4. Une préférence tarifaire de 300 euros par tonne est appliquée aux importations originaires des pays ACP dans le cadre des contingents tarifaires ainsi qu’en dehors de ces derniers.

[…] »

23      L’article 19 du règlement n° 404/93, tel que modifié par l’article 1er du règlement n° 216/2001, disposait :

« 1. La gestion des contingents tarifaires peut être effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (selon la méthode dite ‘traditionnels/nouveaux arrivés’) et/ou sur d’autres méthodes.

2. La méthode arrêtée tient compte, le cas échéant, de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire. »

24      En vertu de l’article 20, sous a), du règlement n° 404/93, tel que modifié par l’article 1er du règlement n° 216/2001, la Commission avait le pouvoir d’arrêter, selon la procédure prévue à l’article 27 du règlement n° 404/93, les modalités de gestion des contingents tarifaires visés à l’article 18.

2.     Règlement n° 2587/2001

25      L’article 18 du règlement n° 404/93 a été modifié par l’article 1er du règlement n° 2587/2001 comme suit :

« 1. Chaque année à partir du 1er janvier sont ouverts les contingents tarifaires suivants :

a)      un contingent tarifaire de 2 200 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent A’ ;

b)      un contingent tarifaire additionnel de 453 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent B’ ;

c)      un contingent tarifaire autonome de 750 000 tonnes, poids net, dit ‘contingent C’.

Les contingents A et B sont ouverts pour l’importation de produits originaires de tous pays tiers.

Le contingent C est ouvert pour l’importation de produits originaires des pays ACP.

La Commission est autorisée, sur la base d’un accord avec les membres de l’[OMC] ayant un intérêt substantiel à la fourniture de bananes, à répartir les contingents A et B entre les pays fournisseurs.

2. Dans le cadre des contingents A et B, les importations de bananes de pays tiers autres que les pays ACP sont assujetties à la perception d’un droit de douane de 75 euros par tonne. Les importations de produits originaires des pays ACP sont soumises à un droit nul.

3. Dans le cadre du contingent C, les importations sont soumises à un droit nul.

4. Une préférence tarifaire de 300 euros par tonne est appliquée aux importations originaires des pays ACP. 

[…] »

3.     Règlement n° 896/2001

26      L’article 2 du règlement n° 896/2001 prévoyait :

« Les contingents tarifaires […] sont ouverts à concurrence de :

a)      83 % aux opérateurs traditionnels définis à l’article 3, paragraphe 1 ;

b)      17 % aux opérateurs non traditionnels définis à l’article 6. »

27      L’article 3 du règlement n° 896/2001 disposait :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

1)      ‘opérateur traditionnel’ : l’agent économique, personne physique ou morale, agent individuel ou groupement, établi dans la Communauté pendant la période qui détermine sa quantité de référence, qui, pour son propre compte, a réalisé l’achat d’une quantité minimale de bananes originaires des pays tiers auprès des producteurs, ou le cas échéant la production, suivi de leur expédition et de leur vente dans la Communauté.

L’opération définie à l’alinéa précédent est ci-après dénommée ‘importation primaire’.

La quantité minimale visée au premier alinéa est de 250 tonnes réalisée pendant l’une des années de la période de référence. La quantité minimale est de 20 tonnes lorsque la commercialisation ou l’importation porte exclusivement sur des bananes d’une longueur inférieure ou égale à 10 centimètres ;

2)      ‘opérateur traditionnel A/B’ : l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes États tiers’ et/ou de bananes ‘non traditionnelles ACP’ selon les définitions données par l’article 16 du règlement […] n° 404/93, dans la version modifiée par le règlement […] n° 1637/98 ;

3)      ‘opérateur traditionnel C’ : l’opérateur traditionnel qui a réalisé la quantité minimale d’importations primaires de ‘bananes traditionnelles ACP’ selon la définition donnée par l’article 16 précité, dans la version modifiée par le règlement […] n° 1637/98. »

28      L’article 4 du règlement n° 896/2001 prévoyait :

« 1. La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel A/B est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes États tiers et/ou de bananes non traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996, prises en compte au titre de l’année 1998 pour la gestion du contingent tarifaire d’importation de bananes originaires des pays tiers et des quantités non traditionnelles ACP, conformément aux dispositions de l’article 19, paragraphe 2, du règlement […] n° 404/93, applicables en 1998 pour la catégorie d’opérateurs visée au paragraphe 1, [sous] a), du même article.

2. La quantité de référence de chaque opérateur traditionnel C est établie, sur simple demande écrite de l’opérateur présentée au plus tard le 11 mai 2001, sur la base de la moyenne des importations primaires de bananes traditionnelles ACP pendant les années 1994, 1995 et 1996 réalisées dans le cadre des quantités traditionnelles de bananes des États ACP, au titre de l’année 1998.

3. Les opérateurs issus de la fusion d’opérateurs traditionnels ayant chacun des droits en vertu du présent règlement bénéficient des mêmes droits que les opérateurs dont ils sont issus. »

29      Selon l’article 6 du règlement n° 896/2001 :

« Aux fins du présent règlement, on entend par ‘opérateur non traditionnel’, l’agent économique, établi dans la Communauté, lors de son enregistrement qui :

a)      a exercé une activité commerciale à l’importation dans la Communauté de bananes fraîches du code NC 0803 00 19, pour son propre compte et à titre autonome, pendant l’une des deux années qui précèdent immédiatement l’année au titre de laquelle l’enregistrement est demandé ;

b)      a réalisé, au titre de cette activité, des importations d’une valeur déclarée en douane, égale ou supérieure à 1 200 000 euros pendant la période déterminée [sous] a), et

c)      n’a pas de quantité de référence comme opérateur traditionnel dans le cadre du contingent tarifaire au titre duquel il demande son enregistrement en application de l’article 7, et n’est pas une personne physique ou morale liée à un opérateur traditionnel conformément à l’article 143 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission. »

30      L’article 7 du règlement n° 896/2001 disposait :

« 1. Un opérateur peut être enregistré, dans un seul État membre de son choix, comme opérateur non traditionnel au titre du contingent tarifaire A/B ou/et du contingent tarifaire C.

Un opérateur traditionnel au titre d’un contingent tarifaire peut être enregistré comme opérateur non traditionnel dans le contingent tarifaire au titre duquel il n’a pas de quantité de référence.

Toutefois, un opérateur traditionnel C ne peut être enregistré comme opérateur non traditionnel au titre du contingent tarifaire A/B que s’il apporte la preuve qu’il a réalisé une activité d’importation de bananes États tiers ou/et de bananes non traditionnelles ACP pour la valeur déclarée en douane mentionnée à l’article 6, [sous] b) pendant la période indiquée. 

[…] »

D –  Relations entre les États ACP et la Communauté

1.     Quatrième convention ACP-CEE

31      L’importation de bananes dans la Communauté en provenance des États ACP est également concernée par certaines dispositions de la quatrième convention ACP-CEE, signée à Lomé le 15 décembre 1989, approuvée par la décision 91/400/CECA, CEE du Conseil et de la Commission, du 25 février 1991, concernant la conclusion de la quatrième convention ACP-CEE (JO L 229, p. 1, ci-après la « convention de Lomé IV »). La convention de Lomé IV est entrée en vigueur le 1er mars 1990 et a expiré le 28 février 2000.

32      L’article 168 de la convention de Lomé IV définissait notamment certaines garanties accordées par la Communauté aux produits originaires des États ACP. Il précisait à cet effet :

« 1. Les produits originaires des États ACP sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits de douane et de taxes d’effet équivalent.

2. a) Les produits originaires des États ACP :

–        énumérés dans la liste de l’annexe II du traité lorsqu’ils font l’objet d’une organisation commune des marchés au sens de l’article 40 du traité ou

–        soumis, à l’importation dans la Communauté, à une réglementation spécifique introduite comme conséquence de la mise en œuvre de la politique agricole commune

sont importés dans la Communauté, par dérogation au régime général en vigueur à l’égard des pays tiers, selon les dispositions suivantes :

i)      sont admis en exemption de droits de douane les produits pour lesquels les dispositions communautaires en vigueur au moment de l’importation ne prévoient, en dehors des droits de douane, l’application d’aucune autre mesure concernant leur importation ;

ii)      pour les produits autres que ceux visés [sous] i), la Communauté prend les mesures nécessaires pour leur assurer un traitement plus favorable que celui accordé aux pays tiers bénéficiaires de la clause de la nation la plus favorisée pour les mêmes produits.

b)      Si, au cours de l’application de la présente convention, les États ACP demandent que de nouvelles productions agricoles qui ne font pas l’objet d’un régime particulier au moment de l’entrée en vigueur de la présente convention bénéficient d’un tel régime, la Communauté examine ces demandes en consultation avec les États ACP. 

c)      Nonobstant ce qui précède, dans le cadre des relations privilégiées et de la spécificité de la coopération ACP-CEE, la Communauté examine, cas par cas, les demandes des États ACP visant à assurer à leurs produits agricoles un accès préférentiel au marché communautaire et communique sa décision sur ces demandes dûment motivées si possible dans les quatre mois et en tout cas dans une période n’excédant pas six mois à compter de leur présentation.

Dans le cadre des dispositions [sous] a) ii), la Communauté prend ses décisions notamment par référence à des concessions qui auraient été accordées à des pays tiers en développement. Elle tient compte des possibilités qu’offre le marché hors saison.

d)      Le régime visé [sous] a) entre en vigueur en même temps que la présente convention et reste applicable pendant toute la durée de celle-ci.

Toutefois, si la Communauté, au cours de l’application de la présente convention :

–        soumet un ou plusieurs produits à une organisation commune de marché ou à une réglementation particulière introduite comme conséquence de la mise en œuvre de la politique agricole commune, elle se réserve d’adapter, à la suite de consultations au sein du Conseil de ministres, le régime d’importation de ces produits originaires des États ACP. Dans ce cas, les dispositions [sous] a) sont applicables,

–        modifie une organisation commune de marché ou une réglementation particulière introduite comme conséquence de la mise en œuvre de la politique agricole commune, elle se réserve, à la suite de consultations au sein du Conseil de ministres, de modifier le régime fixé pour les produits originaires des États ACP. Dans ce cas, la Communauté s’engage à maintenir au profit des produits originaires des États ACP un avantage comparable à celui dont ils bénéficiaient précédemment par rapport aux produits originaires des pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée.

e)      Lorsque la Communauté envisage de conclure un accord préférentiel avec des États tiers, elle en informe les États ACP. Des consultations ont lieu, à la demande des États ACP, en vue de sauvegarder leurs intérêts. »

33      Le protocole n° 5 relatif aux bananes et annexé à la convention de Lomé IV (ci-après le « protocole n° 5 Lomé IV ») énonçait en son article 1er :

« Pour ses exportations de bananes vers les marchés de la Communauté, aucun État ACP n’est placé, en ce qui concerne l’accès à ses marchés traditionnels et ses avantages sur ces marchés, dans une situation moins favorable que celle qu’il connaissait antérieurement ou qu’il connaît actuellement. »

2.     Accord de Cotonou

34      Les relations entre les États ACP et la Communauté sont actuellement régies par l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États ACP, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO L 317, p. 3, ci-après l’« accord de Cotonou »). L’accord de Cotonou a été conclu pour une durée de vingt ans, à compter du 1er mars 2000 (article 95 de l’accord de Cotonou).

35      L’article 1er du protocole n° 5 de l’accord de Cotonou (ci-après le « protocole n° 5 Cotonou ») dispose :

« Les parties reconnaissent l’importance économique capitale que revêtent pour les fournisseurs de bananes ACP leurs exportations vers le marché de la Communauté. La Communauté accepte d’examiner et, le cas échéant, de prendre des mesures visant à garantir la viabilité de leurs entreprises exportatrices de banane et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché de la Communauté. »

E –  Cadre spécial d’assistance aux producteurs ACP

36      Le règlement (CE) n° 856/1999 du Conseil, du 22 avril 1999, établissant un cadre spécial d’assistance en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes (JO L 108, p. 2), a pour objectif d’ajouter une assistance technique et financière spéciale à celle prévue par la convention de Lomé IV. Cette assistance qui, selon le considérant 7 dudit règlement, « devrait, par conséquent, être accordée aux fournisseurs ACP traditionnels pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles conditions du marché et notamment d’améliorer leur compétitivité », est prévue pour une période de dix ans au maximum. Les modalités d’application du règlement n° 856/1999 ont été définies dans le règlement (CE) n° 1609/1999 de la Commission, du 22 juillet 1999, fixant les modalités d’application du règlement n° 856/1999 du Conseil établissant un cadre spécial d’assistance en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes (JO L 190, p. 14).

37      L’article 3 du règlement n° 856/1999 dispose :

« 1. Les fournisseurs ACP traditionnels sont éligibles pour l’assistance technique et financière.

2. L’assistance technique et financière est accordée, à la demande des pays ACP, afin de contribuer à la mise en œuvre de programmes visant :

a) à améliorer la compétitivité dans le secteur de la banane, notamment par :

–        un accroissement de la productivité, sans porter atteinte à l’environnement,

–        une amélioration de la qualité, y compris les mesures phytosanitaires,

–        une adaptation des méthodes de production, de distribution ou de commercialisation afin de répondre aux normes de qualité visées à l’article 2 du règlement […] n° 404/93 ;

–        la création d’organisations de producteurs qui ont pour objectif l’amélioration de la commercialisation et de la compétitivité de leurs produits et le développement de systèmes de certification de méthodes de production respectueuses de l’environnement, y compris le commerce équitable de bananes ;

–        le développement d’une stratégie de production et/ou de commercialisation pour répondre aux exigences du marché à la lumière de l’[OCM banane] ;

–        une aide à la formation, à la connaissance du marché, au développement de méthodes de production respectueuses de l’environnement, y compris le commerce équitable de bananes, l’amélioration de l’infrastructure de distribution et l’amélioration des services commerciaux et financiers au profit des producteurs de bananes ;

b)      à soutenir la diversification dans les cas où une amélioration de la compétitivité dans le secteur des bananes ne serait pas durable. »

38      Il ressort de l’annexe du règlement n° 856/1999 que le Cameroun est l’un des pays « fournisseurs ACP traditionnels » éligibles pour cette assistance technique.

 Faits à l’origine du litige

39      La requérante, la Société des plantations de Mbanga SA (SPM), est une société anonyme dont le siège social est situé à Douala (Cameroun). Elle a été constituée le 5 octobre 1998. Ses statuts harmonisés ont été établis le 13 décembre 1999. Aux termes de l’article 5 de ceux-ci, la requérante a notamment pour objet, au Cameroun et dans d’autres pays, la production, la transformation et la commercialisation de bananes destinées à l’exportation.

40      La requérante a absorbé trois sociétés de plantation de bananes : le 3 juin 2002, la Société anonyme du Manengouba (ci-après la « SAM »), créée le 8 décembre 1997, et la Société des plantations de la Singa, créée en septembre 1999 ; le 26 juin 2003, la Société des plantations de la Dibomba, créée en mars 2001.

41      En 2003, la requérante est devenue une filiale à 100 % de l’Union fruitière africaine, société établie à Paris (France), elle-même détenue à concurrence de 30 % par le groupe danois Maersk.

 Procédure

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 mars 2005, la requérante a introduit le présent recours.

43      Le 30 novembre 2005, la requérante a sollicité du Tribunal l’autorisation de produire de nouvelles pièces, à savoir des « déclarations de la Commission et règlement du Conseil de l’Union datés de la fin du mois de novembre 2005 ». Par décision du président de la cinquième chambre du Tribunal, il a été accédé à la demande de la requérante. Les pièces déposées par la requérante au greffe du Tribunal le 9 janvier 2006 ne correspondant manifestement pas aux documents visés dans sa demande du 30 novembre 2005, celles-ci n’ont toutefois pas été versées au dossier.

44      Le 24 avril 2006, la requérante a sollicité du Tribunal l’autorisation de produire une pièce complémentaire, à savoir un rapport établi au mois de janvier 2006 par la société COGEA intitulé « Évaluation du cadre spécial d’assistance en faveur des fournisseurs ACP traditionnels de bananes – Dossier-pays : Cameroun » (ci-après le « rapport COGEA de 2006 »). Selon la requérante, ce rapport « met en exergue les pratiques anticoncurrentielles mises en œuvre par les opérateurs du marché de la banane, et dénonce le marché de la ‘banane papier’ ».

45      Dans leurs observations écrites présentées le 1er juin 2006, le Conseil et la Commission ont contesté la pertinence de la production d’un tel rapport, dans la mesure où il serait relatif à des comportements imputables exclusivement aux opérateurs. Pour sa part, la Commission s’est formellement opposée à la production de celui-ci, ledit rapport étant un document préparatoire purement interne à cette institution. Tant le Conseil que la Commission ont exprimé le souhait de déposer des observations, dans l’hypothèse où la production dudit rapport devait être autorisée par le Tribunal.

46      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté, en qualité de président, à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

47      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, de poser par écrit des questions à la requérante, auxquelles celle-ci a répondu dans les délais impartis.

48      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 15 mai 2008.

 Conclusions des parties

49      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la responsabilité non contractuelle de la Communauté européenne est engagée en raison des fautes commises par le Conseil et la Commission ;

–        à titre subsidiaire, indépendamment de toute faute que le Conseil et la Commission auraient commise, constater que la responsabilité de la Communauté européenne est engagée en raison du caractère anormal et spécial du préjudice subi par elle ;

–        en conséquence, condamner solidairement le Conseil et la Commission, à lui payer, premièrement, la somme de 11 095 278 euros, majorée des intérêts de retard, à titre de réparation de son dommage pécuniaire ; deuxièmement, la somme de 1 520 000 euros, majorée des intérêts de retard, à titre de réparation de son dommage moral ; troisièmement, la somme de 100 000 euros, pour les frais irrépétibles ;

–        condamner le Conseil et la Commission aux entiers frais et dépens de l’instance.

50      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable en ce qui concerne le premier des griefs sur le comportement fautif des institutions, tiré de l’établissement d’une législation qui aurait favorisé les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs sur le marché communautaire des bananes ;

–        quoi qu’il en soit, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

51      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

52      La requérante fonde son recours, à titre principal, sur l’existence d’une responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illégal du Conseil et de la Commission. À titre subsidiaire, la requérante fonde son recours sur l’existence d’une responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illégal du Conseil et de la Commission.

A –  Sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illégal du Conseil et de la Commission

1.     Observations liminaires

53      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions communautaires, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement de l’institution et le préjudice invoqué (arrêts de la Cour du 4 mars 1980, Pool/Conseil, 49/79, Rec. p. 569, point 7 ; du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16, et du 30 juin 2005, Alessandrini e.a./Commission, C‑295/03 P, Rec. p. I‑5673, point 61 ; arrêts du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 76 ; Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑139/01, Rec. p. II‑409, point 141, et du 19 juillet 2007, Bouychou/Commission, T‑344/04, non publié au Recueil, point 33).

54      Dès lors que l’une des conditions susmentionnées n’est pas remplie, le recours en indemnité doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, point 81 ; arrêts Chiquita Brands e.a./Commission, point 53 supra, point 76 ; Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, point 53 supra, point 141, et Bouychou/Commission, point 53 supra, point 34).

55      S’agissant de la première des conditions susmentionnées, à savoir celle relative à l’existence d’un comportement illégal, il convient de rappeler que la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. En particulier, le critère décisif permettant de considérer que la violation de ladite règle de droit est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution communautaire concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I‑5291, points 41 à 44 ; arrêts du Tribunal Chiquita Brands e.a./Commission, point 53 supra, point 77 ; Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, point 53 supra, point 142, et du 8 mai 2007, Citymo/Commission, T‑271/04, Rec. p. II‑1375, point 105).

56      Il convient également de rappeler que, en matière de politique agricole commune, le législateur communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation et que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée dans ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, pourrait affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt du Tribunal du 20 mars 2001, Bocchi Food Trade International/Commission, T‑30/99, Rec. p. II‑943, points 91 et 92). Par ailleurs, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la politique agricole commune, le Conseil peut être amené à conférer à la Commission de larges pouvoirs d’exécution, cette dernière étant la seule à même de suivre de manière constante et attentive l’évolution des marchés agricoles et d’agir avec l’urgence que requiert la situation. Les limites de ces pouvoirs doivent être appréciées, notamment, en fonction des objectifs généraux essentiels de l’organisation du marché (voir arrêt de la Cour du 27 novembre 1997, Somalfruit et Camar, C‑369/95, Rec. p. I‑6619, point 62, et la jurisprudence citée).

57      Contrairement à ce que soutient la requérante, qui prétend qu’il ne peut, dans la présente affaire, être fait application de la jurisprudence restrictive concernant le large pouvoir d’appréciation de la Communauté en matière économique et plus particulièrement en matière agricole, justifiant traditionnellement un contrôle restreint du juge, c’est à la lumière de la jurisprudence mentionnée aux points 55 et 56 ci-dessus qu’il convient d’analyser la présente affaire. Partant, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante, selon laquelle le Tribunal devrait, en l’espèce, exercer un contrôle entier des actes et des omissions du Conseil et de la Commission et accepter de censurer l’erreur simple commise par ces institutions.

2.      Sur l’illégalité du comportement reproché au Conseil et à la Commission

58      En tant qu’il est fondé sur la responsabilité de la Communauté du fait d’un comportement illégal, la requérante invoque six griefs à l’appui de son recours. Le premier grief est relatif à l’établissement d’une législation qui favoriserait les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs sur le marché communautaire. Le deuxième grief est tiré de la violation du principe de bonne administration et des omissions du Conseil et de la Commission, qui n’auraient pas prévu de mesures propres à pallier les effets négatifs de la législation communautaire et ainsi à remédier à la situation des « producteurs ACP indépendants ». Le troisième grief est tiré de la violation des principes de confiance légitime et de sécurité juridique. Le quatrième grief est relatif à la violation du principe de non-discrimination. Le cinquième grief est relatif à la violation du principe du libre exercice des activités professionnelles. Enfin, le sixième grief, soulevé dans la réplique, est tiré de la violation de l’article 87 CE.

a)     Sur le premier grief, relatif à l’établissement d’une législation qui favoriserait les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs sur le marché communautaire

 Sur la recevabilité

–       Arguments des parties

59      Le Conseil et la Commission soutiennent que le premier grief est irrecevable. Il ne satisferait, en effet, pas aux exigences de l’article 21 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En toute hypothèse, le Conseil estime que tant le règlement n° 2362/98 que le règlement n° 896/2001 ont été adoptés par la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs d’exécution, en sorte qu’aucune faute ne lui serait imputable.

60      La requérante soutient au contraire que le premier grief est recevable.

–       Appréciation du Tribunal

61      S’agissant de la recevabilité du présent grief à l’encontre du Conseil, et en réponse à une question du Tribunal concernant l’argumentation de la requérante avancée dans ce grief, relative au régime d’attribution des certificats d’importation et à la globalisation du contingent tarifaire, la requérante a, lors de l’audience, admis que le règlement n° 2362/98 et le règlement n° 896/2001 avaient été adoptés non pas par le Conseil, mais par la Commission dans l’exercice de ses pouvoirs d’exécution, en sorte que des fautes éventuellement commises dans l’adoption de ces règlements ne peuvent en aucun cas être imputées au Conseil. Partant, le présent grief est irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le Conseil.

62      S’agissant de la recevabilité dudit grief à l’encontre de la Commission, il convient de rappeler que, conformément à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués.

63      Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20 ; arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T‑113/96, Rec. p. II‑125, point 29, et ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2005, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑294/04, Rec. p. II‑2719, point 23).

64      Il ressort également de la jurisprudence que, pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêt Dubois et Fils/Conseil et Commission, point 63 supra, point 30 ; ordonnance International Hilfsfonds/Commission, point 63 supra, point 24).

65      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une erreur commise dans la désignation du texte applicable ne saurait entraîner l’irrecevabilité du grief soulevé, dès lors que l’objet et l’exposé sommaire de ce grief ressortent suffisamment clairement de la requête (arrêt de la Cour du 7 mai 1969, X/Commission de contrôle, 12/68, Rec. p. 109, point 7, et arrêt du Tribunal du 10 octobre 2001, Corus UK/Commission, T‑171/99, Rec. p. II‑2967, point 36). Il s’ensuit qu’un requérant n’est pas non plus tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire pour que la partie adverse et le juge communautaire puissent identifier sans difficultés cette règle (arrêt du Tribunal du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, Rec. p. II‑1291, point 47).

66      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requête répond à ces exigences minimales. En effet, il ne fait pas de doute que le recours tend à voir engagée la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour obtenir la réparation des préjudices pécuniaire et moral prétendument subis par la requérante du fait de la réglementation communautaire adoptée dans le cadre de l’OCM banane, résultant en particulier de la mise en œuvre des régimes de 1999 et de 2001.

67      Plus spécifiquement, il ressort de la requête que le comportement prétendument illégal de la Commission aurait consisté dans l’adoption d’une réglementation dans le cadre de l’OCM banane, qui aurait favorisé des abus de position dominante des opérateurs ainsi que des ententes entre opérateurs, en violation de sa prétendue obligation de préserver l’équilibre concurrentiel sur le marché de la banane, qu’il conviendrait d’interpréter au sens large eu égard aux objectifs poursuivis par les autorités communautaires sur ce marché et aux engagements internationaux liant la Communauté aux États ACP. Il convient également de souligner que la requérante a, dans sa requête, également délimité le cadre juridique de son recours.

68      Par ailleurs, l’argumentation développée par la Commission sur le bien-fondé du premier grief démontre qu’elle a pu utilement préparer sa défense sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté dans le cadre de ce grief. Il s’ensuit que le Tribunal est en mesure de statuer sur le présent recours en pleine connaissance des éléments du dossier et dans le respect du principe du contradictoire.

69      Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être déclaré irrecevable pour autant qu’il est dirigé contre le Conseil et recevable pour autant qu’il est dirigé contre la Commission (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 22 février 2001, Lamberts/Médiateur et Parlement, T‑209/00, Rec. p. II‑765, points 17 à 19).

 Sur le fond

–       Arguments des parties

70      La requérante soutient que la réglementation communautaire adoptée dans le cadre de l’OCM banane, et en particulier les régimes de 1999 et de 2001 (ci-après la « réglementation litigieuse »), en ce qu’elle conférerait une position dominante aux opérateurs, aurait favorisé les pratiques anticoncurrentielles de ceux-ci, en violation de l’objectif de préservation de l’équilibre concurrentiel sur le marché de la banane, et serait incompatible avec les engagements internationaux liant la Communauté aux États ACP.

71      En premier lieu, la requérante, se fondant sur l’arrêt du Tribunal du 6 mars 2003, Banan-Kompaniet et Skandinaviska Bananimporten/Conseil et Commission (T‑57/00, Rec. p. II‑607, point 67), soutient que la Commission est tenue d’atteindre l’objectif que constitue la préservation de l’équilibre concurrentiel sur le marché de la banane.

72      Selon la requérante, un tel équilibre devrait être préservé, non seulement dans les relations commerciales que les opérateurs entretiennent entre eux, mais également dans les relations commerciales que les opérateurs (tels que définis dans les différents règlements portant modalités d’application du régime d’importation de bananes) entretiennent avec les producteurs de bananes (notamment situés dans les États ACP) qui ne sont pas également opérateurs. Eu égard aux objectifs poursuivis par les autorités communautaires sur le marché, combinés avec les engagements pris par la Communauté pour préserver la production de bananes dans les États ACP, seule une acception large de cet équilibre devrait être retenue.

73      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la réglementation litigieuse aurait ouvert une « brèche » dans laquelle se seraient engouffrés les opérateurs, avec pour conséquence que le marché de la banane serait actuellement anticoncurrentiel, d’une part, en raison de l’abus de position dominante et du cloisonnement du marché par les opérateurs, sans que la Commission intervienne alors qu’elle en aurait été alertée à de multiples reprises, et, d’autre part, parce qu’il serait impossible pour les producteurs indépendants de répercuter le coût, manifestement excessif et disproportionné, des certificats d’importation, ce qui créerait une distorsion de concurrence entre les producteurs qui disposent également de la qualité d’opérateur et ceux qui n’en disposent pas.

74      Ainsi, la requérante estime que, en établissant le système des certificats d’importation, la Commission a conféré une position dominante aux opérateurs sur le marché de la banane et sur le marché des droits à importer, sans qu’ait été prévu de mécanisme de contrôle voire de compensation financière au profit des non-opérateurs qui sont actifs sur ledit marché. Du fait que la Commission n’aurait pas suffisamment encadré le système de facturation des certificats d’importation, les opérateurs abuseraient de leur position dominante et cloisonneraient le marché.

75      Premièrement, pour ce qui concerne la violation de l’article 81 CE, les opérateurs historiques sur le marché mettraient en œuvre une entente en violation de l’article 81 CE, comme en témoignerait l’évolution parallèle du prix des certificats d’importation. La requérante et les autres producteurs ACP seraient ainsi confrontés à une entente entre les opérateurs historiques. À titre d’exemple, la requérante se réfère à la pratique des opérateurs polonais, lesquels se seraient rendu compte, quelques semaines après l’élargissement de l’Union européenne, qu’ils pouvaient « monnayer » les certificats d’importation en leur possession. Cette pratique, qui trouverait son origine dans la brèche ouverte par la réglementation litigieuse, aurait pour effet de cloisonner le marché. La requérante relève par ailleurs que la Commission n’y aurait jamais mis un terme, alors qu’elle en aurait été alertée à de multiples reprises, ce qui ressortirait également du rapport spécial n° 7/2002 de la Cour des comptes, du 28 novembre 2002, sur la bonne gestion financière de l’OCM banane, accompagné des réponses de la Commission (JO C 294, p. 1).

76      La requérante souligne également qu’il y a eu une distorsion de concurrence entre les producteurs/opérateurs et les producteurs/non opérateurs. Ainsi, il ressortirait sans la moindre ambiguïté du rapport établi en juillet 2005 par la société COGEA relatif à l’évaluation de l’OCM banane, et notamment de ses points 4.1.6, 4.2.4.2, 4.2.6, 7.1.3 et 9 (pour ce qui concerne la rente des quotas et du marché des certificats d’importation), 8.1, 8.2.1 et 9 [pour ce qui concerne l’effet du règlement n° 896/2001, tel que modifié par le règlement (CE) n° 1439/2003 de la Commission, du 12 août 2003 (JO L 204, p. 30), sur les procédures de gestion] et 9 (pour ce qui concerne l’altération de la concurrence et la rupture de l’équilibre du marché), que l’OCM banane a profondément perturbé l’équilibre du marché.

77      Deuxièmement, pour ce qui concerne la violation de l’article 82 CE, la requérante soutient, tout d’abord, que la réglementation litigieuse confère une position dominante collective, sur le marché de la banane, aux opérateurs historiques, laquelle découlerait des critères de distribution des certificats d’importation établis par le règlement n° 896/2001. Selon la requérante, les opérateurs abuseraient de leur position dominante collective. Ces abus seraient constitués, primo par la part du marché des bananes ACP détenue par les quatre principaux opérateurs, qui représenteraient ensemble 80 % des 750 000 tonnes du contingent C du marché (bananes ACP) ; secundo par les avantages structurels dont les opérateurs disposeraient, dans la mesure où le règlement n° 896/2001 aurait conféré aux opérateurs historiques le droit exclusif de se procurer des certificats d’importation gratuitement et directement auprès des autorités nationales compétentes ; tertio par la dépendance économique des producteurs non opérateurs à l’égard des opérateurs traditionnels/non traditionnels historiques, qui seraient les seuls à bénéficier de l’attribution de certificats d’importation, sans lesquels il est impossible d’accéder au marché communautaire ; quarto en raison de la facturation des certificats d’importation à des prix excessifs et disproportionnés.

78      En troisième lieu, pour ce qui concerne la compatibilité de la réglementation litigieuse avec la convention de Lomé IV et l’accord de Cotonou, premièrement, la requérante soutient, dans sa réplique, que le fait que le régime de 1993 ait été reconnu compatible avec la convention de Lomé IV par le juge communautaire ne préjuge en rien de la compatibilité des régimes de 1999 et de 2001 avec celle-ci.

79      La jurisprudence relative au régime de 1993 aurait été dégagée à propos des « opérateurs », au sens de la réglementation litigieuse, et ne serait pas applicable en l’espèce, dans la mesure où la requérante n’est pas et ne pourrait pas être considérée comme un opérateur.

80      Indépendamment du fait que la requérante n’aurait pas pu prétendre au statut d’opérateur « traditionnel » (qui aurait nécessité qu’elle effectue des importations pendant la période de référence 1994-1996), celle-ci n’aurait, compte tenu de la date de publication du règlement n° 1637/98 et du règlement n° 2362/98 au Journal officiel des Communautés européennes, de sa faible production en 1998 ainsi que de sa dépendance à l’égard des circuits de transport et de commercialisation, pas davantage pu obtenir la qualité d’opérateur « nouvel arrivé ». De plus, l’obtention du statut d’opérateur « nouvel arrivé » aurait été financièrement inintéressante pour la requérante, comme le démontreraient les calculs présentés par elle, desquels il résulterait qu’elle n’aurait eu le droit d’importer que 67 tonnes de bananes dans la Communauté. Par ailleurs, la requérante aurait dû demander son enregistrement à l’Odeadom, l’organisme chargé de la délivrance des certificats d’importation aux opérateurs enregistrés en France, ce que celui-ci aurait refusé, comme il l’aurait fait en octobre 2004. Enfin, pour survivre dans le système mis en place par la réglementation litigieuse, la requérante aurait été obligée d’adopter, elle aussi, un comportement anticoncurrentiel. Au demeurant, même à supposer qu’elle fût devenue opérateur, cela ne lui aurait certainement pas permis de ne pas se trouver dans une situation comme celle d’aujourd’hui, où elle serait largement tributaire des opérateurs.

81      De surcroît, une lecture restrictive de l’arrêt Somalfruit et Camar, point 56 supra, permettrait de conclure à la non-conformité du régime de 2001 avec les dispositions de la convention de Lomé IV. En effet, cet arrêt préciserait que les bananes ACP ne pourront rentrer dans la Communauté qu’à concurrence des quantités importées lors de l’entrée en vigueur de l’article 1er du protocole n° 5 Lomé IV. La Communauté aurait alors accepté un contingent de 857 700 tonnes pour les pays ACP traditionnels. Or, le régime de 2001 ne prévoyant plus qu’un contingent de 750 000 tonnes pour l’ensemble des pays ACP, cette réduction de tonnage serait a priori contraire aux dispositions de la convention de Lomé IV.

82      En outre, cette réduction du quota réservé aux pays ACP aurait mis en difficulté le développement de la banane camerounaise, qui reposerait sur le quota d’origine. Les pays producteurs non traditionnels exportant vers la Communauté plus de 100 000 tonnes, le contingent réservé aux fournisseurs ACP traditionnels ne serait plus que de 650 000 tonnes au lieu des 857 000 tonnes du régime de 1999, soit dans les faits une réduction de tonnage de plus de 250 000 tonnes pour les pays ACP traditionnels ou une réduction de 23 % du contingent initial.

83      Deuxièmement, la requérante n’aurait pas pu savoir ni imaginer que la mise en place des régimes de 1999 et de 2001 allait rendre impossible la continuation pérenne de son activité, et ce pour deux raisons. La première raison tiendrait au revirement total de la Commission par rapport à sa pratique antérieure, lorsqu’elle a mis définitivement un terme, à compter du 1er janvier 1999, au système de « couplage entre les origines », lequel aurait marqué le désintérêt des opérateurs historiques pour les bananes commercialisées par la requérante. Contrairement au dispositif mis en place en 1993, la préférence communautaire ne serait plus garantie, depuis 1999, par un système d’allocation aux différents opérateurs européens de certificats d’importation pays tiers (30 %) pour l’importation de bananes communautaires et/ou traditionnelles ACP. La seconde raison tiendrait au fait que la mise en place du régime de 1999, suivi du régime de 2001, aurait placé la requérante, en ce qui concerne l’accès à ses marchés traditionnels et à ses avantages sur ces marchés, dans une situation telle que sa viabilité serait remise en cause, en violation, par la Commission, des engagements souscrits par la Communauté dans le cadre de la convention de Lomé IV et de l’accord de Cotonou.

84      La requérante estime que la réglementation litigieuse l’a placée dans une situation telle qu’elle s’est vue empêchée de poursuivre, pour une large part, la commercialisation de sa production sur le territoire de la Communauté. À cet égard, en réponse à l’argument de la Commission selon lequel les exportations de bananes camerounaises vers la Communauté (et en particulier ses exportations) auraient augmenté de 9 % entre 1999 et 2002, ce qui irait à l’encontre de ses déclarations, la requérante considère que l’augmentation des importations de bananes camerounaises serait extrêmement limitée et s’inscrirait pour l’essentiel dans le cadre du programme d’amélioration de la productivité des plantations du Cameroun. Par ailleurs, la requérante estime également que l’augmentation de 38,3 % de ses propres exportations entre 1999 et 2003 participerait de la croissance économique normale d’une société sur une période de quatre années et que celle-ci aurait été toute autre si le « marché de la banane papier » ne s’était pas développé de manière totalement anticoncurrentielle.

85      Troisièmement, la requérante – qui ne conteste pas la régularité juridique d’un régime d’importation qui repose sur l’attribution de certificats d’importation à des opérateurs – considère que la Commission ne saurait valablement soutenir que le choix de faire reposer le système sur certains opérateurs traditionnels historiquement importants est justifié par la nécessité de s’adresser à ceux qui assument l’importation effective et le risque commercial lié à la production ou à l’acquisition des bananes dans la mesure où, dans les faits, ce ne sont pas les opérateurs, mais bien les producteurs qui assument non seulement le « risque banane », mais également la charge des certificats d’importation.

86      La Commission conteste le bien-fondé du premier grief.

–       Appréciation du Tribunal

87      Il a été rappelé ci-dessus (voir point 55 ci-dessus) que, dans le cadre de la détermination de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, pour ce qui concerne la condition relative à l’existence d’un comportement illégal, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt Bergaderm et Goupil/Commission, point 55 supra, point 42).

88      La requérante soutient, en l’espèce, que la Commission aurait violé plusieurs règles de droit conférant des droits à des particuliers.

89      En premier lieu, la requérante invoque la violation de « l’objectif de préservation de l’équilibre concurrentiel [entre les opérateurs et les producteurs] sur le marché de la banane ».

90      Premièrement, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient la requérante, ni le règlement n° 404/93 ni l’arrêt Banan-Kompaniet et Skandinaviska Bananimporten/Conseil et Commission, point 71 supra, ne contiennent de référence à la préservation de l’équilibre concurrentiel dans les relations commerciales entre, d’une part, les « opérateurs » (tels que définis par la réglementation litigieuse) et, d’autre part, les producteurs (situés dans les États ACP) sur le « marché de la banane » ou le « marché de la banane ACP ».

91      Deuxièmement, même s’il devait être considéré que l’objectif de préservation de l’équilibre concurrentiel entre les opérateurs et les producteurs sur le marché de la banane constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, il convient de relever que la requérante n’a, en l’espèce, pas démontré qu’elle aurait été méconnue par la Commission.

92      D’une part, dans sa requête, la requérante se réfère à des pratiques anticoncurrentielles d’entreprises actives sur le marché de la banane. Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur le bien-fondé de cette argumentation de la requérante (voir points 73 à 77 ci-dessus), il en ressort que les pratiques anticoncurrentielles identifiées par la requérante, à les supposer établies, seraient en toute hypothèse le fait des opérateurs et non le fait des institutions communautaires. En effet, les prétendues pratiques anticoncurrentielles identifiées par la requérante consisteraient effectivement dans des ententes entre opérateurs et dans des abus de position dominante des opérateurs.

93      D’autre part, il ressort de la requête que la requérante entend engager la responsabilité de la Communauté en raison du fait que les prétendues pratiques anticoncurrentielles des opérateurs auraient été « favorisées » par la réglementation litigieuse, notamment parce que la Commission n’aurait pas suffisamment encadré le système de facturation des certificats d’importation. Or, la requérante ne démontre pas que la réglementation litigieuse a éliminé toute possibilité d’un comportement concurrentiel de la part des opérateurs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, CIF, C‑198/01, Rec. p. I‑8055, point 56, et arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 60). Au contraire, l’exemple tiré par la requérante (voir point 75 ci-dessus) de la pratique des opérateurs polonais (lesquels se seraient rendu compte, quelques semaines après l’élargissement de l’Union européenne, qu’ils pouvaient « monnayer » les certificats d’importation en leur possession) conforte plutôt la conclusion que la réglementation litigieuse a laissé subsister la possibilité d’un comportement concurrentiel autonome de la part des entreprises. Il y a par ailleurs lieu de constater à cet égard que les régimes de 1999 et de 2001 sont respectivement entrés en vigueur le 1er janvier 1999 et le 1er juillet 2001, tandis que les préjudices allégués par la requérante ne se seraient réalisés, comme l’a confirmé cette dernière lors de l’audience, qu’à partir de 2003, ce qui suggère que les prétendues pratiques anticoncurrentielles n’ont débuté que plusieurs années après l’entrée en vigueur des régimes de 1999 et de 2001.

94      Troisièmement, même si la violation d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers devait être considérée comme établie, force est de constater que le critère décisif pour l’engagement de la responsabilité non contractuelle est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Il convient de rappeler que, en matière de politique agricole commune, le législateur communautaire dispose d’un large pouvoir d’appréciation qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 34 CE et 37 CE lui attribuent et seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée dans ce domaine, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, pourrait affecter la légalité d’une telle mesure (arrêt Bocchi Food Trade International/Commission, point 56 supra, points 91 et 92). Or, la requérante n’a pas démontré la méconnaissance manifeste et grave, par la Commission, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation.

95      Dans ce contexte et au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante du 24 avril 2006 en vue d’obtenir l’autorisation de produire le rapport COGEA de 2006 (voir point 44 ci-dessus). En effet, dans la mesure où il ressort de ladite demande que ce rapport met en exergue les pratiques anticoncurrentielles prétendument mises en œuvre par les opérateurs, ce document est, au vu de ce qui précède, dépourvu de pertinence dans le cadre du présent recours.

96      En deuxième lieu, la requérante invoque la violation de la convention de Lomé IV, en particulier son article 168, ainsi que l’article 1er du protocole n° 5 Lomé IV.

97      Il convient tout d’abord de rappeler que, conformément aux principes du droit international, les institutions communautaires, qui sont compétentes pour négocier et conclure un accord avec des pays tiers, sont libres de convenir avec ceux-ci des effets que les dispositions de l’accord doivent produire dans l’ordre interne des parties contractantes. Ce n’est que si cette question n’a pas été réglée par l’accord qu’il incombe aux juridictions compétentes et en particulier au juge communautaire, dans le cadre de sa compétence en vertu du traité CE, de la trancher au même titre que toute autre question d’interprétation relative à l’application de l’accord dans la Communauté (arrêts de la Cour du 26 octobre 1982, Kupferberg, 104/81, Rec. p. 3641, point 17, et du 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C‑149/96, Rec. p. I‑8395, point 34).

98      Selon une jurisprudence constante, une disposition d’un accord conclu par les Communautés avec des États tiers doit être considérée comme ayant un effet direct lorsque, eu égard à ses termes ainsi qu’à l’objet et à la nature de l’accord, elle comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Kupferberg, point 97 supra, points 22 et 23 ; du 30 septembre 1987, Demirel, 12/86, Rec. p. 3719, point 14, et du 14 décembre 2006, Gattoussi, C‑97/05, Rec. p. I‑11917, point 25, et la jurisprudence citée).

99      S’agissant des dispositions prétendument violées de la convention de Lomé IV, il y a donc lieu de vérifier, dans un premier temps, si celles-ci, eu égard à leurs termes ainsi qu’à l’objet et à la nature des accords, comportent une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans leur exécution ou dans leurs effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur. À cet égard, la Cour a, dans son arrêt du 12 décembre 1995, Chiquita Italia (C‑469/93, Rec. p. I‑4533, point 35), reconnu que la convention de Lomé IV est susceptible de contenir des dispositions de nature à conférer aux particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir devant les juridictions nationales.

100    Toutefois, s’agissant de l’article 168 de ladite convention (voir point 32 ci-dessus), il ressort du libellé de cet article que seules certaines dispositions de celui-ci peuvent se voir reconnaître un effet direct.

101    Ainsi, l’article 168, paragraphe 1, de la convention de Lomé IV dispose que « [l]es produits originaires des États ACP sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption des droits de douane et de taxes d’effet équivalent ». Une telle disposition comporte une obligation claire et précise qui n’est subordonnée, dans son exécution ou dans ses effets, à l’intervention d’aucun acte ultérieur, de sorte qu’une telle disposition est revêtue d’effet direct. Tel est également le cas de l’article 168, paragraphe 2, sous a), i), en vertu duquel les produits originaires des États ACP définis par cette disposition sont admis à l’importation en exemption des droits de douane, et du deuxième alinéa de l’article 168, paragraphe 2, sous d), qui détermine l’entrée en vigueur et la durée d’applicabilité sous a), de l’article 168 de la convention de Lomé IV. En revanche, les autres dispositions de l’article 168 de la convention de Lomé IV n’apparaissent pas, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises, et ne sont pas revêtues d’effet direct.

102    Il convient, dans un second temps, de vérifier si les dispositions prétendument violées ont pour objet de conférer des droits aux particuliers.

103    À cet égard, il importe de souligner que le paragraphe 1 et le paragraphe 2, sous a), i), de l’article 168 de la convention de Lomé IV, qui prévoient que les produits originaires des États ACP sont admis à l’importation dans la Communauté en exemption des droits de douane et de taxes d’effet équivalent, confèrent des droits aux particuliers, en sorte qu’ils sont susceptibles de fonder la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

104    En revanche, l’article 168, paragraphe 2, sous d), premier alinéa, de la convention de Lomé IV et l’article 1er du protocole n° 5 Lomé IV n’ont pas pour objet de conférer des droits aux particuliers, dont la violation pourrait, en l’espèce, fonder la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

105    En effet, d’une part, l’article 168, paragraphe 2, sous d), premier alinéa, se limite à déterminer l’entrée en vigueur et la durée d’applicabilité de l’article 168, paragraphe 2, sous a), de la convention de Lomé IV.

106    D’autre part, s’agissant de l’article 1er du protocole n° 5 Lomé IV, la Cour a considéré que celui-ci prend la forme d’une clause de « standstill » et vise, en d’autres termes, à garantir l’accès des bananes en provenance des États ACP à leurs marchés traditionnels dans des conditions et selon des modalités qui ne sont pas moins favorables que celles qui prévalaient lors de son entrée en vigueur (arrêts Chiquita Italia, point 99 supra, point 59, et Somalfruit et Camar, point 56 supra, point 46). Conformément au protocole n° 5 et aux annexes LXXIV et LXXV relatives à ce protocole, la Communauté a pour seule obligation de maintenir, en ce qui concerne l’accès au marché communautaire des bananes ACP, les avantages des États ACP antérieurs à la convention de Lomé (arrêt de la Cour du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C‑280/93, Rec. p. I‑4973, point 101). Il convient également de souligner que cette garantie d’accès doit être appréciée par rapport aux États ACP eux-mêmes et à leurs entreprises exportatrices de bananes dans leur ensemble et non par rapport à une catégorie de producteurs déterminée ou à un producteur individuel.

107    Aux fins de déterminer l’existence de la responsabilité non contractuelle de la Communauté, il convient dès lors uniquement d’examiner si, en adoptant la réglementation litigieuse, la Commission a violé l’article 168, paragraphe 1 et paragraphe 2, sous a), i), de la convention de Lomé IV de manière suffisamment caractérisée, c’est-à-dire a méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. À cet égard, il importe de souligner que, la convention de Lomé IV ayant expiré le 28 février 2000, il y a lieu de procéder à l’examen de la validité du règlement n° 2362/98, mais non de celle du règlement n° 896/2001, à la lumière des dispositions de cette convention.

108    À titre liminaire, il convient de constater que la requérante ne fournit aucune explication ni n’apporte aucun élément permettant d’apprécier les raisons pour lesquelles, selon elle, l’établissement du régime d’attribution des certificats d’importation à des opérateurs disposant de références historiques, en ne prenant pas en compte la situation particulière des producteurs ACP indépendants, ou encore la globalisation du contingent tarifaire violeraient l’article 168 de la convention de Lomé IV, et en particulier son paragraphe 1 et son paragraphe 2, sous a), i), qui visent l’admission des produits originaires des États ACP en exemption des droits de douane et de taxes d’effet équivalent.

109    Par ailleurs, premièrement, l’argumentation de la requérante soulève la question de la définition même de la prétendue catégorie de producteurs à laquelle elle affirme appartenir, qui justifierait, selon elle, que sa situation eût dû être prise en considération lors de l’élaboration du régime d’attribution des certificats d’importation. En effet, la requérante prétend appartenir à la catégorie des « producteurs ACP indépendants », qui serait une catégorie nettement distincte d’agents économiques, dont les noms ressortiraient distinctement des échanges commerciaux entre exportateurs/importateurs de bananes et qui comprendrait les producteurs ACP « non opérateurs » ou « non intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux ». En réponse à une question écrite du Tribunal et lors de l’audience, la requérante a, en indiquant que les groupes européens ou multinationaux précités étaient en réalité les groupes multinationaux qui sont actifs dans le secteur de la production et de la distribution de bananes, ainsi que l’a relevé le Conseil, formulé une nouvelle définition de cette catégorie, manifestement différente de celle formulée à maintes reprises dans ses mémoires, qui doit être écartée.

110    En tout état de cause, force est de constater, d’une part, que la réglementation litigieuse n’opère pas de distinction entre les producteurs, selon qu’ils font ou non partie d’un groupe multinational, et, d’autre part, que, comme indiqué ci-dessus, la requérante était, au moment de l’introduction du recours, une filiale à 100 % de l’Union fruitière africaine, établie à Paris, elle-même détenue à 30 % par le groupe multinational de sociétés Maersk.

111    En réalité, la seule distinction qu’il convient de prendre en considération tient au fait que certains producteurs, contrairement à d’autres, possèdent la qualité d’opérateur au sens de la réglementation litigieuse et sont autorisés à être titulaires de certificats d’importation leur permettant d’importer des bananes dans la Communauté.

112    À cet égard, l’argumentation de la requérante selon laquelle elle ne pouvait devenir opérateur n’est pas convaincante. En effet, la requérante a été constituée le 5 octobre 1998. Elle a, entre 2002 et 2003, absorbé la SAM (constituée le 8 décembre 1997), la Société des plantations de la Singa (constituée en septembre 1999) et la Société des plantations de la Dibomba (constituée en mars 2001). La requérante, qui affirme venir aux droits de ces trois sociétés, reconnaît qu’avant 1999 la SAM n’était pas en mesure d’exporter sa production, en raison notamment des critères qualitatifs imposés par la Communauté. Par ailleurs, sa faible production n’aurait pas justifié l’implantation d’un opérateur dans la Communauté. Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner si la requérante aurait pu prétendre au statut d’opérateur dans le cadre du régime de 1993.

113    Dans le cadre du régime de 1999, si effectivement la requérante ne pouvait obtenir la qualité d’opérateur « traditionnel » – puisque, pour ce faire, il lui eût été nécessaire d’avoir importé des bananes entre 1994 et 1996, période au cours de laquelle ni la requérante ni les sociétés qu’elle a absorbées n’étaient constituées –, ce régime prévoyait également la possibilité pour les opérateurs économiques souhaitant s’engager dans le commerce d’importation des bananes d’obtenir la qualité d’opérateur « nouvel arrivé » et ainsi de bénéficier d’une partie des contingents tarifaires. Pendant sa première année d’activité (1999), la requérante n’aurait effectivement pas pu immédiatement devenir opérateur, puisqu’elle n’aurait pas exercé d’activités commerciales au préalable, mais il ne semble pas exclu qu’elle aurait pu s’établir dans la Communauté et importer au départ des bananes hors contingent (avec un droit préférentiel de 300 euros/tonne) pour pouvoir obtenir ensuite (après avoir démontré une activité commerciale d’importation dans le secteur des fruits et légumes) des certificats d’importation donnant accès aux contingents tarifaires. La démonstration effectuée par la requérante dans son mémoire en réplique, selon laquelle elle n’aurait bénéficié de certificats d’importation qu’à concurrence de 67 tonnes de bananes, manque également de crédibilité : la requérante n’explique ni les raisons pour lesquelles elle aurait eu l’obligation de s’établir en France plutôt que dans un autre État de la Communauté ni les raisons pour lesquelles tous les opérateurs nouveaux arrivés se seraient vu accorder un nombre identique de certificats. Enfin, on peut également s’interroger sur le sérieux de la démarche faite par la requérante auprès de l’Odeadom en 2004 afin de demander l’enregistrement comme opérateur dans le cadre du régime d’importation. En effet, cette demande n’aurait de toute façon pas pu aboutir, dans la mesure où la requérante – indépendamment du fait qu’elle ne remplissait pas les conditions de fond pour obtenir des certificats d’importation dans le cadre des contingents tarifaires – n’avait pas déposé sa demande dans les délais impartis pour ce faire.

114    Deuxièmement, comme cela a été précédemment indiqué (voir point 94 ci-dessus), seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée dans le domaine de la politique agricole commune, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, pourrait affecter la légalité d’une telle mesure. Un tel caractère inapproprié n’a manifestement pas été démontré en l’espèce. Or, dans le domaine de la politique agricole commune, lorsque, pour adopter une réglementation, le législateur communautaire est amené à apprécier les effets futurs de cette réglementation et que ces effets ne peuvent être prévus avec exactitude, son appréciation ne peut être censurée que si elle apparaît manifestement erronée au vu des éléments dont il disposait au moment de l’adoption de la réglementation (arrêts de la Cour du 21 février 1990, Wuidart e.a., C‑267/88 à C‑285/88, Rec. p. I‑435, point 14, et Allemagne/Conseil, point 106 supra, point 90 ; arrêt Bocchi Food Trade International/Commission, point 56 supra, point 92). Il a d’ailleurs été jugé qu’une telle limite du contrôle du juge communautaire s’impose particulièrement si, dans la réalisation d’une organisation commune des marchés, la Commission est amenée à opérer des arbitrages entre des intérêts divergents et à prendre ainsi des options dans le cadre des choix politiques relevant de ses responsabilités propres (arrêts Allemagne/Conseil, point 106 supra, point 91, et Bocchi Food Trade International/Commission, point 56 supra, point 93).

115    Pour ce qui concerne l’adoption d’un régime d’attribution des certificats d’importation à des opérateurs disposant de références historiques, le Conseil avait déjà estimé, dans le cadre du régime de 1993, que la délivrance des certificats d’importation pour chaque opérateur devait être opérée sur la base de la quantité moyenne de bananes qu’il a commercialisées au cours des trois années précédentes, et ce afin de ne pas perturber les liens commerciaux actuels tout en permettant une certaine évolution des structures de commercialisation (quatorzième considérant du règlement n° 404/93).

116    Dans le cadre du régime de 1999, la Commission a été conduite à opérer une répartition des contingents tarifaires sur la base d’un critère objectif unique, à savoir celui des exportations réalisées vers la Communauté par les pays tiers ayant un intérêt substantiel à cette fourniture pendant les années 1994 à 1996, dernière période triennale pour laquelle la Communauté disposait de données définitives (considérant 2 du règlement n° 2362/98). Une part des contingents tarifaires a néanmoins été réservée aux opérateurs nouveaux arrivés, afin de leur permettre de s’engager dans le commerce d’importation et de favoriser une saine concurrence (considérant 6 du règlement n° 2362/98). Dans son arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 53 supra (point 229), relatif au régime de 1999, le Tribunal a d’ailleurs relevé que le requérant n’avait pas apporté la preuve du caractère manifestement inapproprié des dispositions du règlement n° 2362/98 et que, « [s]’agissant de la définition des modalités d’application du régime des échanges avec les pays tiers, et plus particulièrement de la gestion des contingents tarifaires, la Commission [avait] cherché, lors de l’adoption du règlement n° 2362/98, à concilier les objectifs inhérents à l’[OCM banane] avec le respect des engagements internationaux de la Communauté découlant des accords de l’OMC ainsi que de la convention de Lomé, tout en se pliant à la volonté du Conseil de voir la gestion des contingents tarifaires effectuée par l’application de la méthode fondée sur la prise en compte des courants d’échanges traditionnels (article 19 du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n°1637/98) ».

117    Il y a donc lieu de relever, à l’instar de la Commission, que le choix d’attribuer les certificats d’importation en tenant compte des courants d’échange traditionnels répond à l’exigence de ne pas perturber les liens commerciaux tout en permettant une certaine évolution des structures de commercialisation. Or, la requérante n’a pas démontré le caractère manifestement inapproprié de la prise en compte des échanges traditionnels en vue d’atteindre l’objectif susmentionné.

118    Pour ce qui concerne la globalisation du contingent tarifaire, décidée à la suite de l’adoption du régime de 1999, celle-ci a notamment été justifiée par le respect des engagements internationaux souscrits par la Communauté dans le cadre de l’OMC et des engagements contractés vis-à-vis des autres signataires de la convention de Lomé IV, en sus de la réalisation des objectifs de l’OCM banane (considérant 2 du règlement n° 1637/98). Il convient effectivement de rappeler que, dans le cadre du contentieux « bananes » devant l’OMC, l’attribution, dans le cadre du régime de 1993, aux opérateurs de catégorie B de 30 % des certificats d’importation permettant l’importation de bananes pays tiers et de bananes non traditionnelles ACP aux taux de droits contingentaires, avait été déclarée incompatible avec les règles de l’OMC (arrêt Chiquita Brands e.a./Commission, point 53 supra, points 25 à 39). De surcroît, une gestion commune des contingents tarifaires et des bananes traditionnelles ACP paraissait de nature à favoriser une évolution du commerce international et une plus grande fluidité des échanges (considérant 2 du règlement n° 1637/98 et considérant 5 du règlement n° 2362/98). En toute hypothèse, la requérante n’a pas démontré le caractère manifestement inapproprié de la globalisation du contingent tarifaire en vue d’atteindre les objectifs de l’OCM banane.

119    En troisième lieu, la requérante invoque la violation de l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou. Il ressort des termes de cette disposition (voir point 35 ci-dessus) que la Communauté « accepte d’examiner » et, « le cas échéant », de « prendre des mesures » visant à garantir la viabilité des entreprises exportatrices de bananes (« banana export industries » dans la version anglaise de l’accord de Cotonou) situées dans les États ACP et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché de la Communauté. Cette disposition n’a pas d’effet direct dès lors qu’elle dépend, pour son exécution, de l’adoption d’actes ultérieurs que la Communauté peut, « le cas échéant », être amenée à adopter.

120    Au vu de ce qui précède, le premier grief doit être rejeté comme non fondé.

b)     Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de bonne administration et des omissions des institutions communautaires

 Arguments des parties

121    Selon la requérante, il ressortirait de l’analyse du système des certificats d’importation mis en place par les règlements successifs qui ont été adoptés depuis 1993 que la Commission n’aurait jamais pris en considération la situation des producteurs ACP indépendants, c’est-à-dire non opérateurs ou non intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux, en violation des engagements auxquels la Commission a souscrit, en particulier l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou.

122    En agissant de la sorte, le Conseil et la Commission se seraient rendus coupables d’une déficience administrative ou d’une violation du principe de bonne administration ou du principe selon lequel l’application de la législation communautaire doit être certaine et prévisible (arrêt Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, point 53 supra, point 143).

123    En effet, d’abord, la Commission n’aurait pas pris de mesures de contrôle visant à sanctionner, d’une part, les abus de position dominante perpétrés par les opérateurs et, d’autre part, leurs ententes et pratiques concertées qui cloisonnent le marché.

124    Ensuite, le Conseil et la Commission n’auraient pas pris de mesures compensatoires au profit des producteurs ACP indépendants, malgré le fait que ces derniers ne peuvent, contrairement aux producteurs qui disposent également de la qualité d’opérateur ou aux producteurs qui sont intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux, répercuter ou absorber le coût des certificats d’importation. En effet, les producteurs ACP indépendants seraient traités de la même façon que les producteurs qui disposent également de la qualité d’opérateur ou qui sont intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux.

125    Enfin, les considérants du règlement n° 856/1999 reconnaîtraient que le revenu des producteurs ACP devrait être garanti par la Communauté conformément à ses engagements internationaux, dans la mesure où les modifications des échanges, qui ont changé de façon substantielle les conditions du marché pour les fournisseurs ACP traditionnels, pourraient générer un préjudice pour les fournisseurs les plus défavorisés.

126    Le Conseil et la Commission concluent au rejet du présent grief.

 Appréciation du Tribunal

127    À titre liminaire, il convient de souligner que le principe de bonne administration ne constitue pas, en lui-même, une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers (arrêt du Tribunal du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./ Conseil et Commission, T‑196/99, Rec. p. II‑3597, point 43), sauf lorsqu’il constitue l’expression de droits spécifiques comme le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, le droit d’être entendu, le droit d’accès au dossier, le droit à la motivation des décisions, au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne proclamée le 7 décembre 2000 à Nice (JO 2000, C 364, p. 1) (arrêt du Tribunal du 4 octobre 2006, Tillack/Commission, T‑193/04, Rec. p. II‑3995, point 127), ce qui n’est pas invoqué en l’espèce. La violation du principe de bonne administration ne peut, dès lors, en l’espèce, fonder la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

128    Selon une jurisprudence constante, les omissions des institutions communautaires ne sont susceptibles d’engager la responsabilité de la Communauté que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d’agir résultant d’une disposition communautaire (arrêt KYDEP/Conseil et Commission, point 54 supra, point 58 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 21 ; Dubois et Fils/Conseil et Commission, point 63 supra, point 56, et du 14 décembre 2005, Beamglow/Parlement e.a., T‑383/00, Rec. p. II‑5459, point 166).

129    Premièrement, il convient de relever que la requérante n’invoque expressément, au soutien de son argumentation selon laquelle le Conseil et la Commission seraient obligés de garantir la viabilité des entreprises des États ACP exportatrices de bananes, que, d’une part, les considérants du règlement n° 856/1999 (en particulier le considérant 3 de celui-ci) et, d’autre part, l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou. Toutefois, aucune obligation d’agir pour le Conseil et la Commission n’en découle.

130    D’une part, force est de constater que le règlement n° 856/1999 n’impose aucune obligation de garantir la viabilité des entreprises des États ACP exportatrices de bananes, ni de prendre en considération la situation de la prétendue catégorie des « producteurs ACP indépendants ». En revanche, le règlement n° 856/1999 est intervenu pour compenser les éventuels préjudices subis par les fournisseurs ACP traditionnels à la suite des modifications des échanges engendrées par l’adoption du règlement n° 1637/98 (considérants 4 et 5 du règlement n° 856/1999). En effet, le règlement n° 856/1999 a pour objectif de fournir une assistance technique et financière aux fournisseurs ACP traditionnels pour leur permettre de s’adapter aux nouvelles conditions du marché et notamment d’améliorer leur compétitivité (considérant 6 et article 1er du règlement n° 856/1999).

131    D’autre part, il ressort des développements qui précèdent (voir point 119 ci-dessus) que l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou ne saurait être invoqué directement par la requérante. En toute hypothèse, cette disposition ne comprend pas d’obligation légale, pour la Communauté, de garantir la viabilité des producteurs ACP indépendants, puisque cette disposition prévoit que « [l]a Communauté accepte d’examiner et, le cas échéant, de prendre des mesures visant à garantir la viabilité de leurs entreprises exportatrices de banane et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché de la Communauté ». Par ailleurs, comme le souligne la Commission, la version anglaise de cette disposition fait référence à une « continued viabilities of their banana export industries », à savoir au secteur de l’exportation de bananes pris dans son ensemble des différents États ACP, et non spécifiquement à des entreprises déterminées.

132    Deuxièmement, force est de constater que ni le règlement n° 856/1999 ni l’article 1er du protocole n° 5 Cotonou n’imposent à la Commission une quelconque obligation d’agir aux fins de prendre des mesures de contrôle visant à sanctionner les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs.

133    Au contraire, il ressort d’une jurisprudence constante que le fait pour la Commission d’accorder des degrés de priorité différents aux dossiers dont elle est saisie dans le domaine de la concurrence est conforme aux obligations qui lui sont imposées par le droit communautaire (arrêt de la Cour du 4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C‑119/97 P, Rec. p. I‑1341, point 88). La Commission a donc un large pouvoir dans le choix des plaintes à poursuivre, notamment en tenant compte de l’intérêt communautaire (arrêt du Tribunal du 13 décembre 1999, Européenne automobile/Commission, T‑9/96 et T‑211/96, Rec. p. II‑3639, point 28). À cet égard, le Tribunal a récemment constaté que, dès lors que la Commission n’a pas l’obligation de se prononcer sur l’existence ou non d’une infraction, elle ne saurait être contrainte de mener une instruction, puisque cette dernière ne pourrait avoir d’autre objet que de rechercher les éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une infraction qu’elle n’est pas tenue de constater (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Haladjian Frères/Commission, T‑204/03, Rec. p. II‑3779, point 28).

134    En toute hypothèse, comme le souligne la Commission, sans avoir été contredite par la requérante, celle-ci n’a déposé une plainte auprès de la direction générale de la concurrence de la Commission que le 1er mars 2005, soit 18 jours seulement avant le dépôt de la requête dans la présente affaire.

135    Au vu de ce qui précède, le deuxième grief doit être rejeté comme non fondé.

c)     Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de confiance légitime et de sécurité juridique

 Arguments des parties

136    Selon la requérante, il y aurait violation d’une règle supérieure de droit quand les institutions méconnaissent de façon manifeste et grave les limites de leur pouvoir d’appréciation sans faire état d’un intérêt public supérieur. Il résulterait d’une jurisprudence constante qu’une telle méconnaissance est établie lorsque le législateur communautaire omet de prendre en considération une catégorie nettement distincte d’opérateurs économiques, particulièrement si la mesure prise est imprévisible et dépasse les limites des risques économiques normaux. La requérante estime en particulier que l’arrêt de la Cour du 19 mai 1999, Mulder e.a./Conseil et Commission (C‑104/89 et C‑37/90, Rec. p. I‑3061), est transposable au cas d’espèce.

137    Ainsi, en omettant de prendre en considération le caractère indépendant ou non de chacun des producteurs, les institutions communautaires auraient arbitrairement partagé d’une façon différenciée à l’égard de chacun des producteurs de bananes les charges découlant de la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire, que le règlement n° 404/93 aurait eu, à l’origine, pour but d’établir (arrêt Banan-Kompaniet et Skandinaviska Bananimporten/Conseil et Commission, point 71 supra, point 67).

138    Le sacrifice économique des producteurs ACP indépendants ne serait pas justifié par cet intérêt public, dans la mesure où il aurait été partagé d’une façon objectivement inégale entre les différents producteurs, et aurait dépassé les limites reconnues par la jurisprudence (arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, point 136 supra ; arrêt du Tribunal du 9 décembre 1997, Quiller et Heusmann/Conseil et Commission, T‑195/94 et T‑202/94, Rec. p. II‑2247). Or, ce sacrifice n’était ni prévisible ni compris dans les limites des risques normaux inhérents à l’activité économique en question.

139    Premièrement, la requérante soutient que les producteurs ACP indépendants ont, compte tenu des engagements internationaux souscrits par la Communauté et, en particulier, l’accord de Cotonou, pu placer une confiance légitime dans la mise en place de mesures visant à garantir la viabilité des entreprises exportatrices de bananes ACP.

140    Deuxièmement, la requérante aurait été placée, du fait des régimes de 1999 et de 2001 et des coûts de facturation des certificats d’importation qui en auraient résulté, dans une situation où l’accès au marché européen aurait été rendu beaucoup plus difficile pour la requérante et les autres producteurs ACP indépendants que pour les producteurs disposant également de la qualité d’opérateur ou qui seraient intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux. Cette privation dépasserait les limites des risques normaux inhérents à l’activité économique en cause.

141    Il en résulterait une violation caractérisée des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique.

142    S’agissant du principe de sécurité juridique, la requérante soutient que la réglementation litigieuse ne présente pas un degré de clarté suffisant. Quant à la prévisibilité des situations et des relations juridiques, la requérante soutient que le fonctionnement du marché de la banane ACP restreint de facto l’accès à la Communauté des bananes commercialisées par les « producteurs ACP indépendants », de sorte qu’il aboutit au résultat inverse de celui pour lequel il aurait été mis en place, à savoir la nécessité de maintenir l’équilibre dans l’approvisionnement du marché communautaire.

143    S’agissant du principe du respect de la confiance légitime, la requérante estime bénéficier des engagements internationaux auxquels la Communauté a souscrit, qui seraient très précis quant aux objectifs que le Conseil et la Commission seraient tenus d’atteindre : assurer aux produits agricoles ACP un accès préférentiel au marché communautaire (convention de Lomé IV) ; maintenir au profit des produits originaires des États ACP un avantage comparable à celui dont ils auraient bénéficié précédemment par rapport aux produits originaires des pays tiers bénéficiant de la clause de la nation la plus favorisée (convention de Lomé IV) ; pour leurs exportations de bananes vers les marchés de la Communauté, ne pas placer les ACP, en ce qui concerne l’accès à leurs marchés traditionnels et leurs avantages sur ces marchés, dans une situation moins favorable que celle qu’ils auraient connue antérieurement (protocole n° 5 Lomé IV) ; prendre toutes mesures visant à garantir la viabilité des entreprises exportatrices de bananes ACP (article 1er du protocole n° 5 Cotonou) et assurer une protection suffisante aux pays ACP fournisseurs de bananes, y compris les plus vulnérables (conférence ministérielle de l’OMC de Doha, les 9 et 14 novembre 2001). En souscrivant à ces engagements internationaux, la Commission aurait permis aux producteurs ACP de placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui n’aurait pu être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires (arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C‑104/97 P, Rec. p. I‑6983, point 52). Ainsi, la requérante n’aurait pu que s’attendre à ce que la situation juridique la concernant reste inchangée ou, à tout le moins, ne lui soit pas défavorable. En outre, en l’espèce, l’intérêt communautaire passerait par la préservation de l’intérêt individuel des entreprises exportatrices de bananes ACP.

144    Enfin, en réponse à l’argument du Conseil et de la Commission selon lequel la requérante ne pourrait invoquer sa confiance légitime dans le maintien du régime de 1993, puisqu’elle aurait été fondée après la substitution au régime de 1993 du régime de 1999, la requérante soutient, d’une part, qu’elle ne sollicite pas le maintien du régime de 1993, mais bien la prise en considération de la spécificité de la catégorie économique à laquelle elle appartient, afin que sa viabilité économique soit préservée et, d’autre part, qu’elle n’est pas une « société nouvelle » postérieure à la législation en cause parce que, ayant absorbé trois « anciennes » sociétés de plantations, elle succéderait à ces dernières, dont elle pourrait faire valoir à titre personnel les griefs et les préjudices.

145    Le Conseil et la Commission concluent au rejet du présent grief.

 Appréciation du Tribunal

146    À titre liminaire, il convient de souligner que, selon une jurisprudence constante, le principe de protection ou du respect de la confiance légitime est un principe général de droit communautaire (arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, point 30, et arrêt du Tribunal du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 31) qui confère des droits aux particuliers (arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, point 136 supra, point 15 ; arrêts du Tribunal du 6 décembre 2001, Emesa Sugar/Conseil, T‑43/98, Rec. p. II‑3519, point 64, et Citymo/Commission, point 55 supra, point 108). La violation de ce principe peut par conséquent engager la responsabilité de la Communauté.

147    Ce principe est le corollaire du principe de sécurité juridique, qui exige que les règles de droit soient claires et précises, et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit communautaire (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, Italie/Commission, T‑308/05, non encore publié au Recueil, point 158, et la jurisprudence citée).

148    Il convient également de rappeler que le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (voir arrêts du Tribunal du 13 juillet 1995, O’Dwyer e.a./Conseil, T‑466/93, T‑469/93, T‑473/93, T‑474/93 et T‑477/93, Rec. p. II‑2071, point 48, et Efisol/Commission, point 146 supra, point 31, et la jurisprudence citée). Ainsi, selon la jurisprudence, le principe de protection de la confiance légitime ne peut être invoqué à l’encontre d’une réglementation communautaire que dans la mesure où la Communauté elle-même a créé au préalable une situation susceptible d’engendrer une confiance légitime (arrêts de la Cour du 10 janvier 1992, Kühn, C‑177/90, Rec. p. I‑35, point 14 ; du 15 février 1996, Duff e.a., C‑63/93, Rec. p. I‑569, point 20, et du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C‑22/94, Rec. p. I‑1809, point 19).

149    En revanche, une personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T‑571/93, Rec. p. II‑2379, point 72, et Dubois et Fils/Conseil et Commission, point 63 supra, point 68). Constituent de telles assurances des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (arrêt du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107).

150    Par ailleurs, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions communautaires et cela spécialement dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts Allemagne/Conseil, point 106 supra, point 80, et Alessandrini e.a./Commission, point 53 supra, point 89 ; arrêts du Tribunal O’Dwyer e.a./Conseil, point 148 supra, point 48 ; du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./CE, T‑521/93, Rec. p. II‑1707, point 55 ; Oleifici Italiani/Commission, point 128 supra, point 32, et du 10 février 2004, Afrikanische Frucht-Compagnie et Internationale Fruchtimport Gesellschaft Weichert/Conseil et Commission, T‑64/01 et T‑65/01, Rec. p. II‑521, point 83). 

151    Enfin, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée [arrêts de la Cour du 1er février 1978, Lührs, 78/77, Rec. p. 169, point 6, et du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/CEE, 265/85, Rec. p. 1155, point 44 ; arrêt Efisol/Commission, point 146 supra, point 31].

152    En premier lieu, pour ce qui concerne la violation du principe de sécurité juridique, la requérante estime que la réglementation litigieuse ne présenterait pas de degré de clarté suffisant et ne garantirait pas la prévisibilité des situations et relations juridiques, en ce que l’accès au marché communautaire pour les bananes provenant des pays ACP serait de facto restreint et que sa viabilité économique en serait menacée.

153    Une telle argumentation ne saurait être accueillie. En effet, la requérante n’a pas expliqué dans ses écritures ni a fortiori établi que les dispositions relatives aux conditions d’importation des bananes dans la Communauté, telles qu’elles figurent dans la réglementation litigieuse, manquent de clarté et de précision. En toute hypothèse, même si l’on devait considérer que la réglementation litigieuse a, comme le soutient la requérante, restreint l’accès des bananes ACP au marché communautaire et a menacé la viabilité économique de la requérante, quod non, une telle situation ne découlerait pas, en l’espèce, de l’absence de clarté, de précision ou de prévisibilité de la réglementation litigieuse.

154    En second lieu, pour ce qui concerne la violation du principe de protection de la confiance légitime, la requérante soutient qu’elle aurait fondé sa confiance légitime sur les engagements internationaux auxquels la Communauté a souscrit, desquels découlerait l’obligation pour les institutions communautaires de prendre en compte la situation spécifique de la catégorie des producteurs ACP indépendants, à laquelle la requérante appartient, afin que sa viabilité économique soit préservée (voir points 139 et 143 ci-dessus).

155    Une telle argumentation ne saurait non plus prospérer. La requérante n’apporte effectivement pas le moindre élément de nature à fonder l’existence, chez elle, d’une confiance légitime dans la prise en compte, dans la réglementation litigieuse, de la prétendue catégorie des producteurs ACP indépendants. Or, comme indiqué ci-dessus, pour qu’elle puisse se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, la requérante est tenue d’apporter la preuve que les institutions communautaires ont fait naître, chez elle, des espérances fondées.

156    À cet égard, premièrement, la requérante ne fournit pas la preuve de la moindre assurance précise que lui aurait fournie l’administration. En effet, d’une part, les engagements internationaux de la Communauté ne sauraient être considérés comme constituant des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables, fournis à la requérante par l’administration. D’autre part, en toute hypothèse, il ressort à suffisance des développements qui précèdent que les engagements internationaux sur lesquels celle-ci fonde sa confiance légitime (voir point 143 ci-dessus) ne font naître aucune obligation, pour les institutions, de prendre en considération la prétendue catégorie spécifique des « producteurs ACP indépendants », dans l’hypothèse où une telle catégorie spécifique existerait (voir point 109 ci-dessus), ni de garantir leur viabilité. Une conclusion similaire doit être tirée de l’invocation par la requérante, dans le cadre du présent grief, des engagements pris dans le cadre de la conférence de Doha des 9 et 14 novembre 2001 (voir point 143 ci-dessus). Le passage auquel se réfère la requérante, qui fait partie du préambule de la décision du 14 novembre 2001, dispose ce qui suit : « [r]econnaissant la nécessité d’assurer une protection suffisante aux pays ACP fournisseurs de bananes, y compris les plus vulnérables, pendant une période de transition limitée, afin de se préparer à un régime uniquement tarifaire ». Une déclaration de portée aussi générale ne saurait engendrer la moindre confiance légitime chez la requérante, d’autant qu’elle ne se réfère même pas à la protection des producteurs situés dans les États ACP, mais à la protection des « pays ACP fournisseurs de bananes », et ce « pendant une période de transition limitée ».

157    Deuxièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, l’arrêt Mulder e.a./Conseil et Commission, point 136 supra, n’est pas transposable au cas d’espèce. En effet, comme le souligne la Commission, dans cette affaire, la Cour a considéré que le fait qu’un règlement sur l’application du régime de prélèvement supplémentaire sur le lait ne tenait pas compte de la catégorie de producteurs laitiers qui avaient temporairement suspendu leur production méconnaissait leur confiance légitime, dans la mesure où lorsqu’ils avaient été incités, par un acte de la Communauté, à suspendre la commercialisation du lait pour une période limitée, dans l’intérêt général et contre paiement d’une prime, de tels opérateurs pouvaient légitimement s’attendre à ne pas être soumis, à la fin de leur engagement, à des restrictions qui les affectent de manière spécifique en raison précisément du fait qu’ils avaient fait usage des possibilités offertes par la réglementation litigieuse. En l’espèce, outre le fait que, comme le souligne la Commission, la requérante n’est pas un producteur communautaire et n’a jamais été opérateur au titre du régime communautaire d’importation établi dans le cadre de l’OCM banane, la requérante n’a pas démontré l’existence d’une règle de droit communautaire qui l’aurait incitée à adopter un comportement déterminé, qui serait, le cas échéant, à l’origine du dommage prétendument subi.

158    Troisièmement, il importe de souligner que le règlement n° 1637/98 (établissant le régime de 1999) a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 28 juillet 1998, soit avant la date de constitution de la requérante, le 5 octobre 1998, en sorte qu’elle ne pouvait ignorer les dispositions de ce règlement au moment où elle a débuté ses activités économiques. La requérante ne peut par conséquent invoquer sa confiance légitime dans la prise en compte, dans la réglementation litigieuse, de la prétendue catégorie des producteurs ACP indépendants.

159    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le troisième grief, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

d)     Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de non-discrimination

 Arguments des parties

160    La requérante rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le principe de non-discrimination, en tant qu’expression spécifique du principe d’égalité, fait partie des principes fondamentaux du droit communautaire. Ce principe supposerait que des situations différentes ne soient pas traitées de la même façon.

161    Or, un producteur ACP indépendant ne disposerait pas, en ce qui concerne le commerce de ses bananes, des mêmes conditions d’accès au territoire de la Communauté que des entreprises disposant de la qualité d’opérateur ou étant intégrées dans un grand groupe européen ou multinational, ces dernières étant unilatéralement favorisées. En l’espèce, la réglementation litigieuse rendrait particulièrement difficile, pour les petits et moyens producteurs ACP indépendants dont la requérante ferait partie, le commerce des bananes sur le territoire de la Communauté, de sorte que le traitement égalitaire de producteurs se trouvant dans des situations différentes constituerait une discrimination non justifiée de ces entreprises par rapport aux autres producteurs ACP non indépendants.

162    Comme la Cour l’aurait relevé, une mesure interventionniste ne doit pas avantager des entreprises au détriment d’autres entreprises se trouvant dans une situation comparable en ce qui concerne la production (arrêt de la Cour du 14 juin 1967, Koninklijke Nederlandsche Hoogovens en Staalfabrieken/Haute Autorité, 26/66, Rec. p. 149). Or, la requérante, en tant que producteur, se situerait exactement dans la même situation que tous les autres producteurs, indépendants ou non, en ce qui concerne la production de bananes. Pour autant, la réglementation litigieuse aurait favorisé certains producteurs, à savoir les producteurs qui auraient pu obtenir la qualité d’opérateur ou qui seraient rattachés à de grands groupes multinationaux, et le Conseil et la Commission ne justifieraient pas cette différence de traitement qui serait parfaitement arbitraire.

163    Le Conseil et la Commission concluent au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

164    Il est de jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt de la Cour du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 95, et la jurisprudence citée). La réglementation litigieuse relevant de la politique agricole commune, il y a également lieu de tenir compte, à cet égard, du large pouvoir d’appréciation du législateur communautaire dans ce domaine (voir, en ce sens, arrêt Oleifici Italiani/Commission, point 128 supra, point 47).

165    En substance, la requérante soutient que les institutions communautaires auraient, du fait de l’adoption de la réglementation litigieuse, violé le principe de non-discrimination. En particulier, la réglementation litigieuse traiterait l’ensemble des producteurs (qu’ils soient ou non indépendants) de manière identique, alors qu’ils se trouveraient dans des situations différentes (les uns disposant de la qualité d’opérateur ou faisant partie de groupes multinationaux, les autres ne disposant pas de cette qualité et ne faisant pas partie de groupes multinationaux).

166    Premièrement, l’argumentation de la requérante se heurte à un obstacle majeur relatif à la définition même de la catégorie à laquelle elle prétend appartenir, et qui serait discriminée. En effet, selon la requérante, la catégorie des producteurs ACP indépendants serait constituée des producteurs ACP « non opérateurs » ou « non intégrés à de grands groupes européens ou multinationaux ». A contrario, la catégorie des producteurs ACP non indépendants serait constituée des producteurs ACP « qui ont également la qualité d’opérateur » ou « qui sont intégrés à un groupe multinational ».

167    Une telle catégorisation ne résiste pas à l’analyse. En effet, la réglementation litigieuse n’opère pas de distinction entre les producteurs, selon qu’ils font ou non partie d’un groupe multinational. Le fait pour un producteur de faire partie d’un groupe multinational ne lui donne pas automatiquement le droit d’importer des bananes dans la Communauté. En toute hypothèse, selon la jurisprudence, des différences d’effet de la réglementation, dues à des éléments objectifs tels que des disparités de taille et de place sur le marché, ne sauraient être qualifiées de « discrimination » au sens du traité. Ainsi, à supposer qu’une intervention au profit des petites et moyennes entreprises soit justifiable, l’absence de celle-ci dans le cadre des régimes de 1999 et de 2001 ne saurait constituer une faute susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté (voir, en ce sens, arrêt Bocchi Food Trade International/Commission, point 56 supra, point 78, et la jurisprudence citée).

168    En réalité, la seule distinction qu’il convient de prendre en considération tient au fait que certains producteurs, contrairement à d’autres, possèdent la qualité d’opérateur au sens de la réglementation litigieuse et sont autorisés à être titulaires de certificats d’importation. Il convient de relever à cet égard que les critères définis par la réglementation litigieuse aux fins de déterminer les entreprises qui bénéficient de la qualité d’opérateur et peuvent importer des bananes dans la Communauté s’appliquent de manière uniforme à l’ensemble des acteurs économiques présents sur le marché.

169    Deuxièmement, les producteurs qui bénéficient également de la qualité d’opérateur, d’une part, et les producteurs qui ne bénéficient pas de la qualité d’opérateur, d’autre part, ne peuvent pas être considérés comme se trouvant dans des situations comparables, puisque leurs situations factuelles présentent une différence essentielle : les premiers ont satisfait aux conditions requises pour obtenir la qualité d’opérateur tandis que les seconds n’y ont pas satisfait. Ces deux catégories de producteurs ne sont en tout état de cause pas traitées de manière identique, les uns étant autorisés à être titulaires de certificats d’importation et les autres n’y étant pas autorisés. Même à supposer que la prétendue catégorie constituée par les producteurs ACP indépendants, ne bénéficiant pas de la qualité d’opérateur et ne pouvant de ce fait acquérir des certificats d’importation, ait pu être traitée différemment, par la réglementation litigieuse, de la catégorie constituée par les producteurs ACP non indépendants, cela ne suffirait pas pour considérer la réglementation litigieuse comme étant discriminatoire, dans la mesure où un tel traitement apparaîtrait comme justifié par le principe selon lequel les certificats d’importation doivent être octroyés à des personnes physiques ou morales qui ont assumé le risque commercial de commercialisation des bananes et par la nécessité d’éviter de perturber les relations commerciales normales entre les personnes qui se situent à différents points de la chaîne commerciale (quinzième considérant du règlement n° 404/03).

170    Troisièmement, comme le souligne le Conseil, la requérante ne saurait être fondée à invoquer le principe de non-discrimination alors qu’il n’est pas exclu qu’elle aurait, le cas échéant, pu obtenir la qualité d’opérateur « nouvel arrivé » (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 novembre 1978, Welding, 87/78, Rec. p. 2457, point 8). À cet égard, il a déjà été relevé que la démonstration de la requérante selon laquelle elle n’aurait pu obtenir le statut d’opérateur n’est pas concluante (voir point 112 ci-dessus).

171    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième grief, tiré du principe de non-discrimination.

e)     Sur le cinquième grief, tiré de la violation du principe du libre exercice des activités professionnelles

 Arguments des parties

172    Selon la requérante, le droit au libre exercice des activités professionnelles des producteurs ACP indépendants, au nombre desquels elle figure, aurait été violé de manière caractérisée.

173    La requérante rappelle que le libre exercice des activités professionnelles fait partie des principes généraux du droit communautaire. Des restrictions pourraient être apportées au libre exercice des activités professionnelles, notamment dans le cadre d’une organisation commune des marchés, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti. Les conditions résultant de cette jurisprudence ne seraient toutefois pas réunies en l’espèce.

174    Ainsi, tout d’abord, les restrictions générées par la réglementation litigieuse au libre exercice des activités professionnelles de la requérante seraient contraires aux objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté.

175    Dans l’hypothèse où, pour adopter une réglementation, le législateur communautaire serait amené à apprécier les effets futurs d’une réglementation et où ces effets ne pourraient être prévus avec exactitude, comme c’était le cas en 1999 et en 2001, son appréciation pourrait être censurée si elle apparaissait manifestement erronée au vu des éléments dont il aurait disposé au moment de l’adoption de la réglementation. Tel serait le cas en l’espèce, le législateur communautaire disposant, dès 1995 et l’ouverture d’une procédure devant un panel de l’OMC, de tous les éléments nécessaires pour adopter une réglementation respectueuse des droits des producteurs ACP indépendants.

176    Selon la requérante, le droit fondamental au libre exercice des activités professionnelles obligerait les institutions communautaires, lorsqu’elles usent de leur pouvoir d’organiser le marché de la banane, à faire en sorte que les « opérateurs » puissent poursuivre leurs activités. Les limites de ce pouvoir d’organisation seraient outrepassées si le commerce des bananes était si perturbé par la réglementation litigieuse que les producteurs ACP indépendants seraient, dans les faits, quasi contraints de renoncer à leurs échanges commerciaux. La requérante ajoute que, si la Cour a statué en ce sens qu’il n’existe pas de droit fondamental à la protection des parts de marché et à des mesures de soutien des structures (arrêt Allemagne/Conseil, point 106 supra), elle ne se serait pas prononcée sur l’atteinte à la liberté commerciale dans un cas comme celui de l’espèce, dans lequel la Commission aurait elle-même été chargée d’organiser la protection des parts de marché et de mettre en œuvre des mesures propres à assurer la viabilité des entreprises ACP exportatrices de bananes.

177    Le Conseil et la Commission concluent au rejet du grief.

 Appréciation du Tribunal

178    À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit au libre exercice des activités professionnelles fait partie des principes généraux du droit communautaire. Ce principe n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées au libre exercice d’une activité professionnelle, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti (arrêts de la Cour du 11 juillet 1989, Schräder HS Kraftfutter, 265/87, Rec. p. 2237, point 15 ; du 30 juillet 1996, Bosphorus, C‑84/95, Rec. p. I‑3953, point 21, et Alessandrini e.a./Commission, point 53 supra, point 86 ; arrêts du Tribunal du 15 avril 1997, Schröder e.a./Commission, T‑390/94 Rec. p. II‑501, point 125, et Dubois et Fils/Conseil et Commission, point 63 supra, point 74).

179    Premièrement, comme cela a été relevé aux points 109, 166 et 167 ci-dessus, l’argumentation de la requérante soulève la question de la définition même de la prétendue catégorie de producteurs à laquelle elle prétend appartenir, qui justifierait, selon elle, que sa situation eût dû être prise en considération lors de l’élaboration de la réglementation litigieuse.

180    Deuxièmement, la requérante n’a pas démontré qu’elle avait été empêchée, par la réglementation litigieuse, de commercialiser sa production de bananes et qu’une telle situation constituerait une atteinte à son droit au libre exercice d’une activité professionnelle. D’une part, il ressort de l’annexe 2 de la réplique que la requérante a effectivement été en mesure de commercialiser sa production, d’abord par l’intermédiaire des sociétés Agrisol et Canavese, et ensuite par l’intermédiaire des sociétés Del Monte et Compagnie Fruitiere Paris. Les exportations de la requérante, qui seraient majoritairement effectuées vers le marché européen, ont d’ailleurs augmenté de 1999 à 2003 de 38,3 %. Le fait que la requérante ait été contrainte de passer par des intermédiaires s’explique par le fait qu’elle ne disposait pas de la qualité d’opérateur et ne pouvait par conséquent être titulaire de certificats d’importation. D’autre part, il ressort des développements qui précèdent qu’il ne saurait être exclu que la requérante aurait éventuellement pu s’établir dans la Communauté et prétendre au statut d’opérateur, ce qu’elle s’est abstenue de faire.

181    En toute hypothèse, des restrictions peuvent être apportées au libre exercice d’une activité professionnelle, à condition que ces restrictions répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par la Communauté et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit ainsi garanti. Or, selon la jurisprudence, des restrictions à la faculté d’importer les bananes, que comportent l’ouverture d’un contingent tarifaire et son mécanisme de répartition, sont inhérentes aux objectifs d’intérêt général communautaire poursuivis par l’instauration de l’OCM banane et, dès lors, ne portent pas indûment atteinte au libre exercice des activités professionnelles de la requérante (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Allemagne/Conseil, point 106 supra, points 82 et 87, et du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C‑122/95, Rec. p. I‑973, point 77 ; arrêt du Tribunal du 28 septembre 1999, Fruchthandelsgesellschaft Chemnitz/Commission, T‑254/97, Rec. p. II‑2743, point 74).

182    Troisièmement, la requérante ne fournit pas la moindre explication quant aux raisons pour lesquelles l’absence de mise en œuvre de mesures visant à assurer la viabilité des producteurs ACP indépendants constituerait une restriction au libre exercice de ses activités professionnelles. En tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’est pas tenue d’organiser la protection des parts de marché des entreprises exportatrices de bananes situées dans les États ACP. Au contraire, la Cour a statué qu’il n’existe pas de droit fondamental à la protection des parts de marché, celles-ci ne constituant qu’une position économique momentanée exposée aux aléas d’un changement de circonstances (arrêts du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, point 106 supra, point 79 ; du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, point 181 supra, point 77, et Alessandrini e.a./Commission, point 53 supra, point 88).

183    Ce grief ne peut donc pas non plus être accueilli.

f)     Sur le sixième grief, tiré de la violation de l’article 87 CE

184    Dans sa réplique, la requérante fait valoir que la Commission aurait violé l’article 87 CE, du fait que sa réglementation aurait eu pour conséquence l’octroi d’avantages financiers sélectifs et discriminatoires au profit de certains importateurs traditionnels, d’autant plus que ces avantages ne seraient pas nécessaires à la réalisation des objectifs de la politique agricole commune en général ou de l’OCM banane en particulier.

185    Aux termes de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce, de sorte que le grief tiré de la violation de l’article 87 CE doit être déclaré irrecevable.

186    Il ressort de l’ensemble des observations qui précèdent que, conformément à la jurisprudence (voir point 54 ci-dessus), l’illégalité du comportement du Conseil et de la Commission n’est pas établie, en sorte que le recours en indemnité fondé sur la responsabilité de la communauté pour comportement illégal de ses institutions doit être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de ladite responsabilité.

B –  Sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illégal du Conseil et de la Commission

187    Ainsi que la Cour l’a notamment rappelé dans son arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission (C‑237/98 P, Rec. p. I‑4549, points 17 à 19), elle s’est jusqu’à présent bornée, aux termes d’une jurisprudence constante, à préciser certaines des conditions auxquelles la responsabilité de la Communauté du fait d’un acte licite pourrait se trouver engagée dans l’hypothèse où le principe d’une telle responsabilité devrait être reconnu en droit communautaire (voir également, en des termes analogues, arrêt de la Cour du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE, 59/83, Rec. p. 4057, point 28). C’est à ce seul titre que la Cour a rappelé, au point 19 de l’arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, que, si une telle responsabilité venait à être reconnue dans son principe, elle requerrait à tout le moins la réunion de trois conditions cumulatives, constituées par la réalité du préjudice, l’existence d’un lien de causalité entre celui-ci et l’acte concerné ainsi que le caractère anormal et spécial du préjudice.

188    En l’espèce, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur l’existence d’un régime de responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illégal du Conseil et de la Commission, force est de constater que, en tout état de cause, la requérante s’est limitée à invoquer, dans sa requête, et ce uniquement dans le cadre de ses développements sur l’existence d’une responsabilité de la Communauté pour comportement illégal du Conseil et de la Commission, « un lien de causalité direct et évident » entre les fautes du Conseil et de la Commission et le préjudice qu’elle a prétendument subi. Elle n’a en outre pas fourni le moindre élément de preuve de l’existence d’un lien de causalité entre la réglementation communautaire et ce préjudice. Au contraire, les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs, qui seraient prétendument à l’origine du préjudice de la requérante, d’une part, ne sont pas imputables à la réglementation litigieuse (voir point 93 ci-dessus) et, d’autre part, n’ont débuté, ainsi que la requérante elle-même l’affirme, que plusieurs années après l’entrée en vigueur de la réglementation litigieuse. Partant, il y a lieu de rejeter le recours en indemnité fondé sur la responsabilité de la Communauté en l’absence de comportement illégal de ses institutions.

189    Il en résulte que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

190    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du Conseil et de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Société des plantations de Mbanga SA (SPM) est condamnée aux dépens.


Martins Ribeiro

Wahl

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 novembre 2008.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

A –  Régime de 1993

1.  Règlement n° 404/93

2.  Règlement n° 1442/93

B –  Régime de 1999

1.  Règlement n° 1637/98

2.  Règlement n° 2362/98

C –  Régime de 2001

1.  Règlement n° 216/2001

2.  Règlement n° 2587/2001

3.  Règlement n° 896/2001

D –  Relations entre les États ACP et la Communauté

1.  Quatrième convention ACP-CEE

2.  Accord de Cotonou

E –  Cadre spécial d’assistance aux producteurs ACP

Faits à l’origine du litige

Procédure

Conclusions des parties

En droit

A –  Sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illégal du Conseil et de la Commission

1.  Observations liminaires

2.  Sur l’illégalité du comportement reproché au Conseil et à la Commission

a)  Sur le premier grief, relatif à l’établissement d’une législation qui favoriserait les pratiques anticoncurrentielles des opérateurs sur le marché communautaire

Sur la recevabilité

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

Sur le fond

–  Arguments des parties

–  Appréciation du Tribunal

b)  Sur le deuxième grief, tiré de la violation du principe de bonne administration et des omissions des institutions communautaires

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Sur le troisième grief, tiré de la violation du principe de confiance légitime et de sécurité juridique

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur le quatrième grief, tiré de la violation du principe de non-discrimination

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

e)  Sur le cinquième grief, tiré de la violation du principe du libre exercice des activités professionnelles

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

f)  Sur le sixième grief, tiré de la violation de l’article 87 CE

B –  Sur la responsabilité non contractuelle de la Communauté en l’absence de comportement illégal du Conseil et de la Commission

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.