Language of document : ECLI:EU:T:2021:527

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

1er septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Limbic® Types – Motifs absolus de refus – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Renvoi devant la grande chambre de recours – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] – Erreur de droit – Examen d’office des faits – Article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Autorité de la chose jugée – Article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001 – Composition de la grande chambre de recours »

Dans l’affaire T‑96/20,

Gruppe Nymphenburg Consult AG, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me R. Kunze, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Hanf, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la grande chambre de recours de l’EUIPO du 2 décembre 2019 (affaire R 1276/2017-G), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Limbic® Types comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, D. Spielmann (rapporteur), U. Öberg, Mme O. Spineanu‑Matei et M. R. Mastroianni, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 22 mai 2020,

vu la question écrite du Tribunal aux parties du 18 novembre 2020,

à la suite de l’audience du 16 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 novembre 2013, la requérante, Gruppe Nymphenburg Consult AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement est demandé est le signe verbal Limbic® Types.

3        Les produits et services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 35 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Produits de l’imprimerie, en particulier livres, périodiques, journaux et brochures dans les domaines des conseils aux entreprises et des conseils en gestion des ressources humaines, ainsi que manuels sur les marques » ;

–        classe 35 : « Publicité ; conseils aux entreprises et en ressources humaines, en particulier dans les domaines du développement de marques, du positionnement des marques, du développement de la culture d’entreprise, du développement de modèles, de la sélection du personnel, de la motivation des collaborateurs, de la publicité et du marketing, de la présentation d’articles et des études de marché » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; conférences, formation et éducation dans les domaines du développement de marques, du positionnement des marques, du développement de la culture d’entreprise, du développement de modèles, de la sélection du personnel, de la motivation des collaborateurs, de la publicité et du marketing, de la présentation d’articles et des études de marché ; publication de livres, revues, journaux et brochures dans les domaines des conseils aux entreprises et conseils en gestion des ressources humaines ainsi que manuels sur les marques ».

4        Par décision du 30 mai 2014, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du même règlement (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), en ce qui concerne les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        Le 29 juillet 2014, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 23 juin 2015, la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré que le signe Limbic® Types était descriptif des produits et des services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2015, la requérante a introduit un recours contre la décision du 23 juin 2015, enregistré sous le numéro T‑516/15.

8        Par arrêt du 16 février 2017, Gruppe Nymphenburg Consult/EUIPO (Limbic® Types) (T‑516/15, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2017:83), le Tribunal a accueilli le recours de la requérante et annulé la décision du 23 juin 2015, motif pris d’appréciations erronées de la chambre de recours concernant le caractère descriptif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

9        Par décision du présidium des chambres de recours du 16 juin 2017, l’affaire a été renvoyée devant la grande chambre de recours, sous la référence R 1276/2017-G, pour qu’il soit statué de nouveau. La requérante a été informée de ce renvoi par communication du greffe des chambres de recours du 2 août 2017.

10      Par communication du 29 mai 2018, la grande chambre de recours a fait savoir à la requérante qu’elle considérait que les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 faisaient obstacle à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services en cause et lui a demandé de présenter ses observations. La requérante a déféré à cette demande le 21 septembre 2018.

11      Par décision du 2 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la grande chambre de recours a rejeté le recours. Premièrement, elle a considéré que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait jugé que les preuves sur lesquelles la première chambre de recours s’était fondée, dans sa décision du 23 juin 2015, n’étaient pas suffisantes pour conclure au caractère descriptif de la marque demandée. Dès lors, dans la mesure où elle a estimé qu’il existait des faits et des preuves supplémentaires, elle en a déduit qu’il lui appartenait, en vertu de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, de statuer de nouveau sur le caractère descriptif de la marque demandée. Deuxièmement, aux fins d’apprécier ledit caractère descriptif, elle a, tout d’abord, relevé que les produits et les services en cause étaient destinés au grand public ainsi qu’aux professionnels du conseil aux entreprises, du conseil en gestion des ressources humaines, de la publicité, du marketing, des ressources humaines, de la gestion d’entreprise, de la formation professionnelle, du sport professionnel, du coaching, du divertissement et de la culture. Ensuite, elle a constaté que la marque demandée se traduisait par « types limbiques » et a considéré que cette marque serait comprise par le public pertinent anglophone comme désignant, en substance, une classification des individus selon des profils ou des types de personnalité établis sur la base d’informations relatives au système limbique. Enfin, elle a déduit de ses constatations que la marque demandée était descriptive des produits et des services en cause. Troisièmement, elle a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif. En conséquence, elle a rejeté le recours.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante soulève six moyens tirés, le premier, de violations des formes substantielles, le deuxième, d’une violation de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, le troisième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, le quatrième, d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, le cinquième, d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, de ce règlement et, le sixième, d’une violation de l’article 96 dudit règlement.

 Observations liminaires

15      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 15 novembre 2013, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

16      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par la requérante dans l’argumentation soulevée à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

17      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi, selon la date des évènements concernés, par les dispositions procédurales des règlements no 207/2009 et 2017/1001.

 Sur le premier moyen, tiré de violations des formes substantielles

18      Au soutien de ce moyen, la requérante soulève trois griefs.

 Sur les premier et deuxième griefs, tirés de l’absence de communication et de l’insuffisance de motivation de la décision de renvoi devant la grande chambre de recours

19      Par le premier grief, la requérante soutient que la décision du 16 juin 2017 du présidium des chambres de recours, par laquelle l’affaire a été renvoyée devant la grande chambre de recours, ne lui a pas été communiquée en tant que telle, mais qu’elle a seulement été informée de cette décision par communication du 2 août 2017, en violation de l’article 165, paragraphe 3, sous a), de l’article 166, paragraphe 4, sous a), du règlement 2017/1001, de l’article 35, paragraphes 1 et 4, et de l’article 37, paragraphe 2, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1).

20      Par le deuxième grief, la requérante soutient que la décision du présidium des chambres de recours du 16 juin 2017 est entachée d’une violation de l’obligation de motivation, instituée par l’article 94 du règlement 2017/1001, dès lors que les raisons dudit renvoi, prévues à l’article 165 dudit règlement, n’y étaient pas mentionnées. Elle ajoute qu’une telle motivation était d’autant plus nécessaire dès lors que, d’une part, la première chambre de recours, qui avait adopté la décision du 23 juin 2015, visée au point 6 ci-dessus, était composée d’un seul membre et que, d’autre part, il n’était pas possible de savoir sur quel fondement l’affaire avait été déférée à la grande chambre de recours.

21      L’EUIPO conteste la recevabilité de ces griefs, au motif qu’ils ne seraient pas dirigés contre la décision attaquée, mais contre la décision du présidium des chambres de recours du 16 juin 2017, laquelle ne ferait pas grief à la requérante. Il en conteste également le bien-fondé et s’agissant du deuxième grief, le caractère opérant, au motif que les raisons du renvoi de l’affaire devant la grande chambre de recours avaient été portées à la connaissance de la requérante dans la communication du 29 mai 2018 et que celle-ci avait été invitée à formuler des observations en réponse à ladite communication.

22      Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours devant le juge de l’Union européenne n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours. Dans le cadre d’un tel recours, ne sont donc recevables que des moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours même [voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, EU:T:2005:200, point 59, et du 16 mai 2019, KID-Systeme/EUIPO – Sky (SKYFi), T‑354/18, non publié, EU:T:2019:333, point 99 et jurisprudence citée].

23      Force est de constater que les irrégularités invoquées par la requérante seraient de nature à affecter la décision du présidium des chambres de recours du 16 juin 2017, mais non la décision attaquée.

24      Dès lors, les premier et deuxième griefs du premier moyen sont irrecevables.

 Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 169, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

25      La requérante soutient que la composition de la grande chambre de recours ayant adopté la décision attaquée contrevenait aux dispositions de l’article 169, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, au motif qu’un membre de ladite chambre était l’unique membre de la chambre de recours ayant adopté la décision du 23 juin 2015.

26      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

27      Aux termes de l’article 169, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les membres des chambres de recours ne peuvent prendre part à une procédure de recours s’ils ont pris part à la décision qui fait l’objet du recours.

28      En outre, il convient de rappeler qu’un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique [voir arrêt du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, EU:T:2009:85, point 21 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, il convient de rappeler que l’enregistrement de la marque demandée a été refusé par la décision de l’examinateur de l’EUIPO du 30 mai 2014 et que, sur recours formé par la requérante, la première chambre de recours a confirmé le rejet de la demande d’enregistrement par décision du 23 juin 2015. Or, cette dernière décision a été annulée par l’arrêt d’annulation, devenu définitif, de sorte qu’elle a été rétroactivement éliminée de l’ordre juridique. Par conséquent, la décision faisant l’objet du recours, au sens de l’article 169, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, devant la grande chambre n’est pas la décision du 23 juin 2015, mais la décision de l’examinateur du 30 mai 2014.

30      De surcroît, l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625 dispose :

« Lorsqu’une décision d’une chambre de recours sur une affaire a été annulée ou réformée par un arrêt définitif du Tribunal […], le président des chambres de recours, en vue de se conformer à cet arrêt conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001, réattribue l’affaire conformément au paragraphe 1 du présent article à une chambre de recours qui n’est pas composée des membres qui avaient adopté la décision annulée, sauf lorsque l’affaire est déférée à la grande chambre de recours […] »

31      Partant, dans la mesure où, en l’espèce, l’affaire a été renvoyée à la grande chambre de recours, celle-ci pouvait inclure l’unique membre de la chambre de recours ayant adopté la décision du 23 juin 2015.

32      Il résulte de ce qui précède que la composition de la grande chambre de recours ayant adopté la décision attaquée n’était affectée d’aucun vice de nature à entacher d’illégalité ladite décision. Dès lors, le troisième grief et, partant, le premier moyen, doivent être écartés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’autorité de la chose jugée

33      La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée a été adoptée en violation de l’autorité de la chose jugée, au regard de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, en ce que la grande chambre de recours ne se serait pas conformée à son obligation de prendre les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt d’annulation, et qu’elle aurait, par conséquent, violé l’autorité absolue de chose jugée attachée aux motifs et au dispositif de cet arrêt. En effet, dans cet arrêt, le Tribunal aurait conclu que la marque demandée n’était pas descriptive des produits en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, et non que la chambre de recours n’avait pas établi à suffisance de droit le caractère descriptif de cette marque. Le Tribunal ayant ainsi statué sur le fond, la requérante en déduit que la grande chambre de recours ne pouvait valablement procéder à un nouvel examen dudit caractère descriptif.

34      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. En premier lieu, il soutient que la décision du 23 juin 2015 a été annulée, et non réformée, par l’arrêt d’annulation, de sorte que ledit arrêt ne faisait pas obligation à l’EUIPO d’autoriser l’enregistrement de la marque demandée. Dans le respect de la répartition des compétences incombant respectivement au Tribunal et à l’EUIPO, l’arrêt d’annulation ne contiendrait pas de constatation définitive relative à l’aptitude à l’enregistrement de la marque demandée, à l’existence ou à l’inexistence du motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Il ressortirait uniquement de l’arrêt d’annulation que les preuves sur lesquelles reposaient les appréciations portées par la première chambre de recours dans la décision du 23 juin 2015 étaient insuffisantes pour conclure que la marque était descriptive des produits et des services en cause.

35      En deuxième lieu, l’EUIPO soutient que l’obligation d’examen d’office des faits qui lui incombe en vertu de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 s’applique, concernant les motifs absolus de refus d’enregistrement, jusqu’à la date de l’enregistrement et que, en vertu de l’article 45, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, il peut reprendre, à tout moment avant l’enregistrement et de sa propre initiative, l’examen d’un motif absolu de refus si des faits nouveaux résultant d’observations de tiers, de constatations faites au cours d’une procédure d’opposition ultérieure ou, comme en l’espèce, à la suite d’un arrêt d’annulation devenu définitif, le justifient.

36      En troisième lieu, l’EUIPO soutient que c’est à tort que la requérante reproche à la grande chambre de recours d’avoir réexaminé le caractère descriptif de la marque demandée, car l’examen réalisé par ladite chambre portait sur des éléments de fait et des preuves différents de ceux sur la base desquels avait été fondée la décision du 23 juin 2015.

37      À titre liminaire, il convient de rappeler que, l’arrêt d’annulation n’ayant pas fait l’objet d’un pourvoi, il est devenu définitif.

38      En outre, la jurisprudence a déjà souligné l’importance que revêtait, tant dans l’ordre juridique de l’Union que dans les ordres juridiques nationaux, le principe de l’autorité de la chose jugée. En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (voir arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 86 et jurisprudence citée).

39      Par ailleurs, en vertu de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, l’EUIPO est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union.

40      Il est constant que, par la décision du 23 juin 2015, la chambre de recours avait refusé l’enregistrement de la marque demandée en raison du caractère descriptif de cette marque à l’égard des produits et des services en cause. Dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait accueilli le premier moyen du recours, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Par le point 1 du dispositif de cet arrêt, le Tribunal avait annulé la décision de la chambre de recours du 23 juin 2015.

41      Les motifs pour lesquels le Tribunal a accueilli le premier moyen du recours, qui figurent aux points 34 à 52 de l’arrêt d’annulation, sont les suivants :

« 34            [F]orce est de constater que la chambre de recours reste en défaut d’établir que le public pertinent en l’espèce établira immédiatement et sans réflexion un rapport concret et direct entre les produits et services en cause, d’une part, et le signe Limbic® Types, d’autre part.

35            Certes, le symbole “®” et le terme “types” pourront être compris par le public concerné, le premier représentant le signe désignant une marque enregistrée et le second constituant un terme courant anglais qui renvoie à la forme générale, la structure ou le caractère distinguant un type, un groupe ou une classe déterminée d’êtres vivants ou d’objets. La signification de ces deux éléments au regard du public pertinent, telle que retenue par la chambre de recours, n’est pas contestée par la requérante et doit être confirmée pour les mêmes raisons que celles exposées dans la décision attaquée.

36            Cependant, il ne suffit pas que l’un ou plusieurs des éléments composant un signe soient descriptifs ; le caractère descriptif doit être constaté pour le signe dans son ensemble, en ce compris, dans le cas d’espèce, le troisième terme, à savoir le mot “limbic” [voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2016, provima Warenhandels/OHMI – Renfro (HOT SOX), T‑543/14, non publié, EU:T:2016:102, point 29].

37            À cet égard, ainsi que l’a relevé l’EUIPO à l’instar de l’examinateur et de la chambre de recours, le terme “limbic”, tel que confirmé notamment par l’Oxford English Dictionary, se réfère au “système limbique” (limbic system en anglais) qui désigne une région du cerveau influant sur la régulation hormonale et le système neurovégétatif. La requérante a souscrit à cette définition lors de la procédure.

38            Toutefois, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que, comme la requérante le fait valoir à juste titre, la combinaison des trois termes composant la marque demandée est inhabituelle en ce qui concerne les produits et services en cause.

39            En effet, il ressort des différentes définitions du dictionnaire citées par l’examinateur et la chambre de recours que le terme “limbic” est normalement utilisé en anglais comme faisant partie des expressions connues “limbic system” ou “limbic lobe” qui décrivent une certaine partie du cerveau.

40            Or, en ce qui concerne la marque demandée, d’une part, le terme “limbic” a été retiré de l’expression qui lui confère normalement son sens. Ainsi, le terme “limbic” a été dénué de son sens clair et direct.

41            D’autre part, il figure dans la marque demandée en combinaison avec le symbole “®” et le terme “types”, c’est-à-dire une combinaison qui n’est pas courante ou habituelle dans la structure de l’anglais.

42            Ainsi, en raison du caractère inhabituel de la combinaison se rapportant aux produits et services concernés, la formulation de la marque proposée à l’enregistrement crée une impression qui s’éloigne de celle produite par la simple réunion des éléments qui la composent, ce qui est propre à conférer à la marque demandée un caractère non descriptif des produits et des services en cause (voir, en ce sens, la jurisprudence mentionnée au point 21 ci-dessus).

43            En second lieu, il y a lieu de constater, comme la requérante le fait également valoir à juste titre, que le terme “limbic” qui renvoie au système limbique constitue un terme médical se rapportant à la neurologie et donc un terme hautement spécialisé.

44            À cet égard, il y a lieu de relever que la chambre de recours s’est bornée à constater que le public pertinent comprenait la marque comme renvoyant aux différents types de personnalité, qui réagissaient différemment aux stimulations du système limbique.

45            Or, il n’est pas établi, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, que le public pertinent, qui n’inclut pas les professions médicales, comprendra le terme “limbic” immédiatement, sans autre réflexion, comme se référant à une partie du cerveau ou, à tout le moins, à la partie du cerveau influant sur la régulation hormonale et le système neurovégétatif. Il n’est pas non plus établi que le public pertinent percevra, sans autre réflexion, la combinaison des trois éléments constitutifs de la marque demandée comme véhiculant le sens de différents types de personnalité, qui réagissent différemment aux stimulations de la partie du cerveau influant sur la régulation hormonale et le système neurovégétatif et donc comme une indication descriptive des produits et des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques.

46            Enfin, le fait que les services en cause (relevant des classes 35 et 41) pourraient viser à informer sur les différents types limbiques et permettraient aux entreprises de déterminer leur meilleure stratégie de publicité et de vente en fonction des différents types de personnalité, comme la chambre de recours le considère aux points 22 et 23 de la décision attaquée, ne suffit pas pour considérer la marque demandée comme descriptive desdits services.

47            En effet, outre le fait que la marque demandée emploie un terme qui est utilisé dans une combinaison inhabituelle et qui est dénué de son sens clair et direct, il n’est pas établi que le professionnel moyen, notamment dans le domaine de la publicité, de la gestion commerciale et de la gestion des ressources humaines et d’entreprises, en présence d’un terme spécialisé de médecine, ne devra pas à tout le moins s’engager dans un processus d’interprétation, impliquant un délai de réflexion, pour comprendre le sens de la marque proposée pour les services en cause. Or, un tel processus d’interprétation est incompatible avec la reconnaissance du caractère descriptif dont la signification doit être immédiatement perçue sans autre réflexion [voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, Psytech International/OHMI – Institute for Personality & Ability Testing (16PF), T‑507/08, non publié, EU:T:2011:253, point 40].

48            De même, pour des raisons identiques (voir point 47 ci-dessus), il y a lieu de relever que, à supposer que les produits en cause dans le domaine des conseils aux entreprises et des conseils en gestion de ressources humaines (relevant de la classe 16) puissent informer sur les différents types limbiques et leur comportement et sur la meilleure façon de les cibler, comme la chambre de recours le considère au point 21 de la décision attaquée, ce constat ne suffit pas pour considérer la marque demandée comme descriptive desdits produits.

49            Par ailleurs, quant à l’appréciation du caractère descriptif de la marque demandée en ce qui concerne la compréhension qu’en a le grand public, il suffit de relever que, à la lumière des considérations qui précèdent, elle impliquera encore davantage un processus d’interprétation qui est incompatible avec le caractère descriptif d’une marque (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2011, 16PF, T‑507/08, non publié, EU:T:2011:253, point 43).

50            S’agissant de la jurisprudence invoquée par l’EUIPO selon laquelle un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits et des services concernés (arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32), il suffit de relever, à la lumière de ce qui précède, que la marque demandée ne véhicule pas une signification suffisamment claire et directe pour qu’elle puisse être considérée par le public pertinent comme descriptive des produits et des services en cause.

51            Il y a lieu de conclure que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe Limbic® Types sera compris par le public pertinent au sens de différents types de personnalité qui réagissent différemment aux stimulations du système limbique est erronée.

52            De même, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que ledit signe présentait un rapport suffisamment direct et concret avec les produits et services concernés dans les classes 16, 35 et 41. »

42      Ainsi qu’il a été rappelé au point 28 ci-dessus, un arrêt d’annulation opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique.

43      En outre, il a été jugé que l’autorité de la chose jugée ne s’attachait qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (voir arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 87 et jurisprudence citée).

44      Ainsi, pour se conformer à un arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 102 et jurisprudence citée].

45      En l’espèce, à la suite de l’arrêt d’annulation, le recours formé par la requérante contre la décision de l’examinateur du 30 mai 2014 est redevenu pendant devant l’EUIPO. Afin de se conformer à son obligation, découlant de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation, l’EUIPO devait faire en sorte que le recours aboutisse à une nouvelle décision d’une chambre de recours. La grande chambre de recours, à laquelle l’affaire a été renvoyée, a informé la requérante, par la communication du 29 mai 2018, qu’elle considérait que les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et sous c), du règlement no 207/2009 faisaient obstacle à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services en cause et qu’elle était habilitée à examiner de nouveau ces motifs de refus.

46      Dans la décision attaquée, la grande chambre de recours, se référant à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, a, tout d’abord, considéré que l’EUIPO n’était lié par le dispositif d’un arrêt que dans la mesure où les faits et les questions juridiques qui le sous-tendent étaient identiques. Elle a également affirmé que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait considéré que les preuves produites « jusqu’à présent » n’étaient pas suffisantes pour établir le motif absolu de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 et a cité les motifs de l’arrêt d’annulation, extraits des points 34, 45 à 48 de celui-ci, qu’elle estimait être de nature à soutenir cette affirmation. Considérant qu’elle pouvait s’appuyer sur de nouveaux éléments de preuve et se fonder sur les dispositions de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, elle en a déduit qu’un nouvel examen de l’aptitude à l’enregistrement de la marque demandée était permis et nécessaire, dans la mesure où les motifs décisifs de l’arrêt d’annulation ne s’opposaient pas à un réexamen, sur le fondement de nouvelles preuves, d’un motif absolu de refus. Partant, elle a considéré qu’elle était tenue de réexaminer ledit motif.

47      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, les examinateurs de l’EUIPO et, sur recours, les chambres de recours de l’EUIPO doivent procéder à l’examen d’office des faits afin de déterminer si la marque demandée relève ou non d’un des motifs de refus d’enregistrement. Il s’ensuit qu’ils peuvent être amenés à fonder leur décision sur des faits qui n’auraient pas été invoqués par le demandeur (arrêt du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, EU:C:2007:224, point 38).

48      De plus, aux termes de l’article 45, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, ainsi que de l’article 27, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, la chambre de recours a le droit de reprendre de sa propre initiative, à tout moment avant l’enregistrement, l’examen des motifs absolus de refus, si elle le juge opportun, y compris de soulever un motif de refus de la demande d’enregistrement de marque qui n’a pas encore été invoqué dans la décision faisant l’objet du recours [arrêt du 12 décembre 2019, Refan Bulgaria/EUIPO (Forme d’une fleur), T‑747/18, non publié, EU:T:2019:849, point 21].

49      Toutefois, l’EUIPO ne saurait exercer les compétences que lui confèrent ces dispositions que dans le respect de son obligation, visée à l’article l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt du juge de l’Union.

50      Ainsi, en l’espèce, la grande chambre de recours était en droit de procéder à un nouvel examen d’office des faits afin de déterminer si la marque demandée relevait ou non d’un motif absolu de refus d’enregistrement. Toutefois, dans le cadre de ce nouvel examen d’office, elle était tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt d’annulation, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci.

51      À cet égard, comme l’ont relevé à juste titre la grande chambre de recours dans la décision attaquée et l’EUIPO dans le mémoire en réponse, le Tribunal a considéré, en particulier aux points 45 à 48 de l’arrêt d’annulation, reproduits au point 41 ci-dessus, que certaines des appréciations portées par la première chambre de recours dans la décision du 23 juin 2015 n’étaient pas suffisamment étayées ou ne permettaient pas de considérer la marque demandée comme descriptive. Ce faisant, le Tribunal a considéré qu’elles ne permettaient pas de soutenir la conclusion de la première chambre de recours relative au caractère descriptif de la marque demandée.

52      De surcroît, par les motifs figurant aux points 50 à 52 de l’arrêt d’annulation, visés au point 41 ci-dessus, le Tribunal a statué sur le caractère descriptif des produits et des services en cause de la marque demandée, considérant que cette dernière en était dépourvue et que, partant, c’était à tort que le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 avait été opposé à l’enregistrement de cette marque.

53      Par conséquent, la question du caractère descriptif de la marque demandée doit être considérée comme un point de fait et de droit ayant été effectivement tranché par l’arrêt d’annulation, au sens de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus. À cet égard, les motifs figurant aux points 45 à 48 et 50 à 52 de l’arrêt d’annulation relatifs à l’absence d’un tel caractère ont été déterminants pour étayer le point 1 du dispositif dudit arrêt, qui a annulé la décision du 23 juin 2015 et en constituaient le soutien nécessaire. Partant, ils sont couverts par l’autorité de la chose jugée attachée à cet arrêt.

54      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de l’EUIPO selon lesquels le Tribunal n’aurait pas, dans l’arrêt d’annulation, limitativement identifié les faits pertinents pour apprécier l’aptitude à l’enregistrement de cette marque, ni par les arguments tirés de l’étendue de l’examen d’office des faits prévu à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, selon lesquels le contrôle exercé par le juge de l’Union s’effectuerait, par principe, exclusivement sur le fondement des faits et des preuves établis par la chambre de recours.

55      En effet, bien que, ainsi qu’il a été constaté, l’arrêt d’annulation comporte des motifs selon lesquels certaines appréciations de la première chambre de recours étaient insuffisamment étayées ou ne permettaient pas de considérer la marque demandée comme descriptive, cet arrêt contient également des motifs sanctionnant des appréciations erronées sur le fond de la part de cette chambre sur la base de faits établis. Ainsi, par l’arrêt d’annulation, le Tribunal a conclu que la décision de la première chambre de recours était entachée d’une erreur d’appréciation en ce qui concerne les conditions d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, quant au caractère descriptif de la marque demandée.

56      En outre, la compétence d’examen d’office des faits conférée à l’EUIPO ne saurait permettre à celui-ci de remettre en cause un point de fait et de droit qui a été effectivement tranché par le Tribunal, au sens de la jurisprudence rappelée au point 43 ci-dessus En effet, la circonstance que la grande chambre de recours ait fondé son examen du caractère descriptif de la marque demandée sur des éléments de fait dont la première chambre de recours n’avait pas tenu compte aux fins de sa décision du 23 juin 2015 n’est pas de nature à priver de leur autorité de la chose jugée les appréciations portées par le Tribunal sur le caractère descriptif de cette marque aux points 50 à 52 de l’arrêt d’annulation.

57      De surcroît, l’argument de l’EUIPO tiré d’une analogie entre l’étendue de son examen d’office des faits dans le cadre d’une demande d’enregistrement et d’une procédure de nullité pour motif absolu de refus doit être écarté. En effet, la circonstance, invoquée par l’EUIPO, selon laquelle la possibilité de déclarer la nullité d’une marque postérieurement à son enregistrement confirmerait que le législateur avait conscience de l’éventualité selon laquelle, au moment du premier examen de l’existence de motifs absolus de refus, l’ensemble des faits pertinents n’étaient pas nécessairement connus ou établis, n’implique pas que l’EUIPO puisse, dans le cadre de la procédure d’enregistrement d’une marque, méconnaître l’autorité de la chose jugée attachée aux appréciations portées par le juge de l’Union sur le caractère descriptif de cette marque, dans un arrêt ayant annulé une décision d’une chambre de recours s’étant prononcée dans le cadre de la procédure d’enregistrement.

58      Il résulte de ce qui précède que, en ayant rejeté la demande d’enregistrement de la marque demandée au motif que cette marque était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, la grande chambre de recours a violé l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt d’annulation et a ainsi méconnu les exigences de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

59      Dès lors, le deuxième moyen doit être accueilli.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

60      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en ayant considéré que la marque demandée ne présentait pas de caractère distinctif à l’égard des produits et des services en cause. En particulier, elle soutient que l’examen du caractère distinctif de cette marque repose sur des appréciations déjà portées dans le cadre de l’examen du caractère descriptif de ladite marque ainsi que sur l’affirmation selon laquelle cette marque est descriptive.

61      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante et renvoie à cet égard aux motifs de la décision attaquée.

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que, à supposer qu’un signe, objet d’une demande de marque de l’Union européenne, soit considéré par le Tribunal, contrairement à ce qu’avait décidé l’EUIPO, comme ne tombant pas sous le coup d’un des motifs absolus de refus d’enregistrement visés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, l’annulation par le Tribunal de la décision de l’EUIPO refusant l’enregistrement de ladite marque amènerait nécessairement l’EUIPO, auquel il incomberait de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal, à rouvrir la procédure d’examen de la demande de marque en question et à la rejeter lorsqu’il considère que le signe concerné tombe sous le coup d’un autre motif absolu de refus visé par cette même disposition [voir arrêt du 6 octobre 2011, Bang & Olufsen/OHMI (Représentation d’un haut-parleur), T‑508/08, EU:T:2011:575, point 33 et jurisprudence citée].

63      En effet, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 45 et jurisprudence citée).

64      Par conséquent, la grande chambre de recours était fondée, ainsi qu’elle l’a relevé, à examiner dans la décision attaquée le motif absolu de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, aux termes duquel sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

65      Selon la jurisprudence, il convient d’interpréter les motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 46).

66      Le caractère distinctif d’une marque signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir arrêt du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée).

67      La notion d’intérêt général sous-jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 48).

68      En outre, il y a lieu de rappeler que, certes, les signes descriptifs visés à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 sont également, sans préjudice de la possibilité d’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, dépourvus de caractère distinctif et que, selon la jurisprudence, si au moins une des significations potentielles du signe désigne une caractéristique des produits concernés, le signe est qualifié de descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 ainsi que, par conséquent, refusé à l’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, points 30 et 32).

69      Toutefois, cette jurisprudence établie dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 n’est pas transposable par analogie à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de ce règlement lorsque le caractère distinctif de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n207/2009, est mis en question pour d’autres raisons que son caractère descriptif (arrêt du 3 septembre 2020, achtung!/EUIPO, C‑214/19 P, non publié, EU:C:2020:632, point 36).

70      En l’espèce, la grande chambre de recours a relevé que le public pertinent spécialisé considérerait la marque demandée comme véhiculant un message factuel purement informatif, et non comme un signe commercial, pour des publications relevant des classes 16 et 41, des services dans les domaines du divertissement, du sport et de la culture ainsi que de la formation et de la formation continue, relevant de la classe 41, et des services dans les domaines du marketing, des conseils aux entreprises et des conseils en gestion des ressources humaines, relevant de la classe 35, dans lesquels il est question de la création ou de l’utilisation de profils de personnalité sur la base du système limbique.

71      La grande chambre de recours a ajouté qu’il en allait de même pour le public professionnel des domaines de la culture, du sport et du divertissement, lequel présumerait simplement que les services en cause prennent en compte les connaissances les plus récentes sur les différents types limbiques et représentent donc une valeur ajoutée par rapport aux services traditionnels du même type.

72      En outre, la grande chambre de recours a rejeté un argument de la requérante fondé sur l’arrêt du 5 juillet 2012, Deutscher Ring/OHMI (Deutscher Ring Sachversicherungs-AG) (T‑209/10, non publié, EU:T:2012:347), aux motifs que l’affaire ayant conduit à cet arrêt concernait un signe et des produits et des services différents et que ledit signe serait compris comme une dénomination de fantaisie tandis que le signe demandé avait une signification clairement descriptive.

73      Enfin, la grande chambre de recours a considéré que la suite de mots qui compose la marque demandée ne comportait aucune modification graphique ou sémantique, de sorte qu’elle ne présente aucune caractéristique susceptible de rendre la marque demandée, prise dans son ensemble, apte à distinguer ses produits et ses services de ceux d’autres entreprises.

74      Force est de constater que les motifs, visés aux pointso70 et 71 ci-dessus, par lesquels la grande chambre de recours a considéré que la marque demandée serait comprise comme un message factuel à caractère purement informatif visent à établir, le cas échéant, un éventuel caractère descriptif de cette marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, en ce que la marque demandée pourrait servir, dans le commerce, pour désigner, en particulier, la qualité, la destination ou d’autres caractéristiques des produits et des services en cause, au sens de cette disposition.

75      En outre, la grande chambre de recours a rappelé qu’elle considérait que la marque demandée avait une signification clairement descriptive.

76      Quant au motif rappelé au pointo73 ci-dessus, d’une part, il repose sur les conclusions erronées de la grande chambre de recours selon lesquelles la marque demandée présente une caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. D’autre part, il démontre l’utilisation d’un critère erroné afin d’évaluer si la marque demandée pouvait être enregistrée, critère selon lequel un signe composé d’éléments descriptifs pourrait réunir les conditions d’enregistrement s’il existe un écart perceptible entre le signe et la simple somme des éléments qui le composent. En effet, si un tel critère permet d’exclure l’utilisation d’une marque pour décrire un produit ou un service, toutefois, il ne permet pas de déterminer si une marque peut garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service qu’elle désigne.

77      Il résulte de ce qui précède que la grande chambre de recours n’a pas procédé à un examen du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 indépendant de celui du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement, en fondant son raisonnement sur la prémisse du caractère descriptif de la marque demandée au sens de cette dernière disposition, et a, par conséquent, omis de prendre en compte l’intérêt général que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 vise spécifiquement à protéger. Ce faisant, elle a commis une erreur de droit dans l’application de cette dernière disposition.

78      Dès lors, il convient d’accueillir le quatrième moyen.

79      Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans son ensemble, sans qu’il soit besoin de statuer sur les cinquième et sixième moyens, respectivement tirés d’une violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et d’une violation de l’article 96 dudit règlement. Il n’est pas davantage besoin de statuer sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, dès lors que, ainsi qu’il a été relevé au pointo53 ci-dessus, les appréciations portées par le Tribunal sur le caractère descriptif de la marque en cause dans l’arrêt d’annulation étaient revêtues de l’autorité de la chose jugée.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision de la grande chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 2 décembre 2019 (affaire R 1276/2017-G) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné aux dépens.

Papasavvas

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

 

      Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.