Language of document : ECLI:EU:T:2015:481

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 juillet 2015 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale CAMOMILLA – Marque nationale figurative antérieure Camomilla – Motif absolu de refus – Article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence de mauvaise foi du titulaire de la marque communautaire – Motif relatif de refus – Usage sérieux de la marque antérieure – Éléments de preuve complémentaires produits devant la chambre de recours »

Dans l’affaire T‑100/13,

CMT Compagnia manifatture tessili Srl (CMT Srl), établie à Naples (Italie), représentée par Mes G. Floridia, R. Floridia, M. Franzosi et G. Rubino, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Camomilla SpA, établie à Buccinasco (Italie), représentée par Mes A. Tornato et M. Mussi, avocats,

partie intervenante

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 novembre 2012 (affaire R 1616/2011-1), relative à une procédure de nullité entre CMT Compagnia manifatture tessili Srl (CMT Srl) et Camomilla SpA,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2013,

vu la décision du 4 décembre 2013 constatant le dépôt hors délai du mémoire en réponse de l’OHMI et refusant le versement au dossier de celui-ci,

vu la décision du 13 janvier 2014 refusant d’autoriser le dépôt d’un mémoire en réplique,

à la suite de l’audience du 28 janvier 2015, à laquelle l’OHMI n’a pas été autorisé à prendre la parole,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 juillet 2008, l’intervenante, Camomilla SpA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal CAMOMILLA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 3, 9, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 27, 28, 30 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Dentifrices ; préparations pour blanchir, et autres substances pour lessiver ; préparation pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser » ;

–        classe 9 : « Lunettes, leurs pièces et accessoires tels que chaînettes, porte-lunettes ; porte-téléphones cellulaires ; casques de protection ; casques de motos ; machines à calculer ; disques compacts ; DVD ; supports d’enregistrement magnétiques et/ou optiques ; appareils et instruments d’enseignement ; ordinateurs matériel informatique et logiciels » ;

–        classe 11 : « Lampes et lampadaires ; appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires » ;

–        classe 14 : « Articles de joaillerie et de bijouterie composés de matériaux précieux ou non, boutons de manchettes et fixe-cravates, bijoux et leurs imitations, horlogerie, pièces et accessoires » ;

–        classe 16 : « Articles de papeterie, carton et produits en ces matières non compris dans d’autres classes, boîtes en papier et en carton, porte-blocs, crayons, porte-mines, stylos à bille, stylos à pointe synthétique, rollers, marqueurs, surligneurs, stylos, pastels, pastels à la cire et à l’huile, crayons noirs et de couleur, craies blanches et de couleur, stylos en fibre, albums photographiques, agendas, petits agendas, porte-photographies, sachets, gommes, couleurs à l’huile et aquarelles, encres, matériel de bureau, pour la peinture et le dessin artistique, étuis, cire, plasticine, argile, pâte à modeler colorée, matériel pour l’instruction et l’enseignement, matières plastiques pour l’emballage, photographies, plaques à encrer pour incisions, clichés, tableaux, tables de dessin, papier et article en papier tels que mouchoirs, serviettes, nappes ; adhésifs pour la papeterie ; adhésifs ; adhésifs pour collection ; autocollants (pour automobiles) ; étiquettes autocollantes ; produits de l’imprimerie » ;

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies et cannes ; fouets et sellerie ; parasols ; parasol de plage ; sacs à dos, étuis pour clés (maroquinerie), porte-documents, portefeuilles, porte-monnaie non en métaux précieux, sacs, mallettes destinées à contenir des articles de toilette ; étuis, trousses » ;

–        classe 20 : « Meubles ; miroirs et cadres ; divans ; fauteuils ; chaises longues ; produits non compris dans d’autres classes en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés en toutes ces matières ou en matières plastiques ; garde-manger » ;

–        classe 21 : « Ustensiles et récipients en céramique et/ou en porcelaine pour le ménage ou la cuisine, verrerie, porcelaine et faïence non compris dans d’autres classes, en particulier assiettes et verres, poêles et objets similaires, cafetières, autres que celles en métaux précieux et électriques, casseroles, casseroles en fer, articles de table, autres que ceux en métaux précieux, seaux à glace, aplatisseurs à viande, broches à poisson, conteneurs portables pour glace, filtres, moulins à poivre, sucriers, salières, autres que celles en métaux précieux, porte-serviettes et anneaux pour serviettes, plateaux, autres que ceux en métaux précieux, porte-cure-dents, autres que ceux en métaux précieux, corbeilles en bambou, batteurs, plateaux à riz, moulins à café et moulins à poivre, entonnoirs, bouteilles en verre pour la conservation d’aliments, pilons en bois, objets en terre cuite, ouvre-bouteilles, dessous de plats, louches, tamis, planches à hacher, bouteilles isolantes, rouleaux à pâtisserie, grils, cure-dents, presse-agrumes, moules à gaufres, autres qu’électriques, équipement pour nettoyer et lessiver, porte-savons, peignes, éponges, brosses, articles en papier, tels que assiettes et verres » ;

–        classe 24 : « Tissus, tissus en maille, produits textiles, accessoires pour produits textiles, couvertures et couvre-lits, draps, rideaux, essuie-mains, nappes, napperons, mouchoirs, feutres » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement) ; articles de chaussures ; chapellerie ; gants ; foulards ; châles ; peignoirs de bain » ;

–        classe 27 : « Tapis, paillassons, nattes, linoleum et autres revêtements de sols ; tentures murales non en matières textiles » ;

–        classe 28 : « Jeux et jouets, poupées, articles pour le sport et la gymnastique, équipements de sport, sacs spécialement adaptés à des équipements de sport, décorations pour arbres de Noël, cartes à jouer » ;

–        classe 30 : « Pâte, café, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel, moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices, glace à rafraîchir ; tous ces produits à l’exception de la camomille et des boissons à base de camomille » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques à l’exception des bières ; vins et vins mousseux catalans ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2009/017, du 11 mai 2009.

5        Le 9 septembre 2009, le signe a été enregistré en tant que marque communautaire sous le numéro 7077555.

6        Le 17 décembre 2009, la requérante, CMT Compagnia manifatture tessili Srl (CMT Srl), a présenté une demande en nullité de la marque communautaire verbale de l’intervenante, pour l’ensemble des produits pour lesquels elle avait été enregistrée.

7        Les motifs de nullité invoqués à l’appui de ladite demande étaient fondés sur les causes de nullité absolue visées à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et sur les causes de nullité relative visées à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009 et l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

8        La demande en nullité était fondée, quant aux causes de nullité relative, sur la marque figurative italienne reproduite ci-après :

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9        Cette marque a été déposée en Italie le 17 avril 1978 et enregistrée le 24 février 1986, sous le numéro 407266, pour désigner des produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements et accessoires du vêtement sous toutes ses formes ».

10      Par décision du 25 juillet 2011, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité, estimant que la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’usage, qu’il n’existait aucun risque de confusion, que ni la renommée de la marque nationale antérieure ni même la mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt n’avaient été prouvées.

11      Le 5 août 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

12      Par décision du 29 novembre 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours de la requérante.

13      En premier lieu, s’agissant de la cause de nullité fondée sur la mauvaise foi du demandeur [article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], la chambre de recours a estimé que les motifs exposés par la requérante étaient insuffisants et fondés sur des circonstances inexistantes. En substance, selon la chambre de recours, la requérante s’est bornée à prétendre, sans fournir aucune justification, que l’intervenante avait agi de mauvaise foi, laissant à cette dernière la charge de prouver sa bonne foi. La chambre de recours a indiqué que la charge de la preuve pèse, au contraire, sur la personne qui agit en nullité, laquelle doit donc exposer une argumentation en ce sens et produire des preuves à l’appui de son action, tandis qu’il appartient à la partie adverse de réfuter cette argumentation et ces preuves. La chambre de recours a conclu que la requérante n’avait pas prouvé de manière convaincante que l’intervenante était de mauvaise foi lors du dépôt de la marque, quand bien même celle-ci aurait eu connaissance de l’usage par des tiers d’une marque comportant le même mot à cette période en Italie, pour désigner des produits relevant de la classe 25.

14      En deuxième lieu, s’agissant de la cause de nullité fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a estimé qu’il fallait, à titre préliminaire, vérifier l’usage de la marque antérieure conformément à l’article 57 du règlement n° 207/2009, comme demandé par l’intervenante.

15      À cet égard, la chambre de recours a, tout d’abord, précisé que l’usage devait être démontré uniquement en ce qui concerne les produits énoncés dans l’enregistrement, à savoir les « vêtements et accessoires du vêtement sous toutes ses formes ».

16      La chambre de recours a examiné un premier groupe de documents, dénommé le « document n° 3 », annexé par la requérante à sa demande en nullité. S’agissant de ce premier groupe de documents, la chambre de recours a considéré que la documentation fournie était insuffisante pour prouver l’usage conformément à l’article 57 du règlement n° 207/2009, en ce qu’elle ne concernait qu’en partie la période de référence et du fait qu’il existait une ambiguïté concernant le signe utilisé en tant que marque du produit.

17      La chambre de recours a, ensuite, examiné un deuxième groupe de documents fournis par la requérante sur invitation de la division d’annulation. S’agissant de ce deuxième groupe de documents, la chambre de recours a estimé qu’il était insuffisant et incohérent pour prouver l’usage de la marque antérieure. En effet, selon la chambre de recours, la preuve apportée par la requérante ne permettait pas de se rendre compte de la manière dont le consommateur final percevait cette marque. Elle a rappelé que le consommateur devait être en mesure de voir la marque sur le produit et pas seulement dans la publicité.

18      S’agissant de la violation des droits de la défense prévus à l’article 75 du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a estimé que la requérante avait eu à deux reprises l’occasion de fournir la preuve de l’usage et que, de ce fait, elle avait produit les preuves les plus efficaces dont elle disposait. La chambre de recours a rappelé également que l’OHMI n’était pas tenu de communiquer d’avance la décision qu’elle entend prendre concernant une question précise.

19      Enfin, s’agissant d’un troisième groupe de preuves déposé par la requérante seulement devant la chambre de recours, cette dernière a considéré, en substance, sur la base de l’arrêt du 22 septembre 2011, Cesea Group/OHMI – Mangini & C. (Mangiami) (T‑250/09, EU:T:2011:516, point 26), que la production de ces nouveaux documents ne pouvait être admise que dans l’hypothèse de « nouveaux éléments », les rendant nécessaires. À la lumière du fait que le raisonnement de la division d’annulation ayant conduit à la constatation de l’insuffisance de la preuve de l’usage de la marque antérieure ne pouvait être considéré, en lui-même, comme un élément nouveau justifiant la présentation de preuves supplémentaires présentées pour la première fois devant la chambre de recours, celle-ci a conclu que la nature des nouveaux éléments de preuve, en particulier les photographies des produits portant la marque, les copies des factures de vente et les déclarations des parties, justifiait que ces preuves soient communiquées dans le délai imparti par la division d’annulation.

20      À la lumière de ces circonstances, la chambre de recours a considéré que, compte tenu de l’insuffisance des preuves de l’usage, la demande en nullité fondée sur les causes de nullité relative devait être rejetée.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, et dans la seule hypothèse où le Tribunal devrait qualifier d’irrecevables les documents produits dans le cadre du recours formé devant la chambre de recours et les considérer comme étant essentiels pour faire droit au recours, annuler la décision attaquée pour non-respect du principe du contradictoire et des droits de la défense et renvoyer l’affaire devant la division d’annulation afin qu’elle statue au fond ;

–        en tout état de cause, inviter l’OHMI à prendre les mesures nécessaires afin de se conformer à l’arrêt du Tribunal ;

–        condamner l’OHMI à supporter les dépens encourus au cours de la présente procédure et l’intervenante à supporter les dépens encourus dans le cadre des procédures devant la division d’annulation et la chambre de recours.

22      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante à l’ensemble des dépens en ce compris ceux supportés par l’intervenante.

  En droit

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions de la requérante

23      Il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union européenne contre la décision d’une chambre de recours de l’OHMI, ce dernier est tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’OHMI, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du juge de l’Union [arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec, EU:T:2007:219, point 20, et du 27 juin 2013, Repsol YPF/OHMI – Ajuntament de Roses (R), T‑89/12, Rec, EU:T:2013:335, point 15].

24      Partant, ce chef de conclusions de la requérante est irrecevable.

 Sur le fond

25      Au soutien de sa demande en annulation de la décision attaquée, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, en premier lieu, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, en deuxième lieu, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), du même règlement et, en troisième lieu, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), du même règlement.

 Sur la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

26      La requérante fait valoir que l’erreur commise à la fois par la division d’annulation et par la chambre de recours est de ne pas avoir tenu compte des particularités de l’affaire en cause et d’avoir, par voie de conséquence, appliqué le principe traditionnel selon lequel la simple connaissance de la marque antérieure ne suffit pas à établir la mauvaise foi du demandeur.

27      Dans le cas d’espèce, selon la requérante, aux fins de la constatation de la mauvaise foi lors du dépôt postérieur de la même marque en tant que marque communautaire, il y avait lieu de prendre en considération des circonstances qui font abstraction, et qui sont en tout cas distinctes, de la connaissance pure et simple de la marque antérieure par le titulaire.

28      Les circonstances pertinentes, dans le cas d’espèce, seraient celles qui découlent du contentieux excessivement long ayant opposé pendant des années la requérante et l’intervenante, tant sur le plan national que sur le plan de l’Union, concernant la propriété de la marque Camomilla en tant que signe distinctif pour les vêtements et les accessoires du vêtement. Ce contentieux aurait dû amener la chambre de recours à conclure que l’intervenante, par le dépôt de ses marques communautaires, n’avait pas pour objectif d’obtenir un droit légitime, mais celui de s’approprier la marque Camomilla déjà enregistrée et utilisée par la requérante.

29      L’intervenante conteste les arguments de la requérante.

30      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que le régime d’enregistrement d’une marque communautaire repose sur le principe du « premier déposant », inscrit à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 207/2009. En vertu de ce principe, un signe ne peut être enregistré en tant que marque communautaire que pour autant qu’une marque antérieure n’y fasse pas obstacle, qu’il s’agisse d’une marque communautaire, d’une marque enregistrée dans un État membre ou par l’Office Benelux de la propriété intellectuelle, d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre ou encore d’une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans l’Union. En revanche, sans préjudice d’une éventuelle application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, la seule utilisation par un tiers d’une marque non enregistrée ne fait pas obstacle à ce qu’une marque identique ou similaire soit enregistrée en tant que marque communautaire, pour des produits ou des services identiques ou similaires [arrêt du 14 février 2012, Peeters Landbouwmachines/OHMI – Fors MW (BIGAB), T‑33/11, Rec, EU:T:2012:77, point 16 ; voir, également, arrêt du 11 juillet 2013, SA.PAR./OHMI – Salini Costruttori (GRUPPO SALINI), T‑321/10, Rec, EU:T:2013:372, point 17 et jurisprudence citée].

31      L’application de ce principe est nuancée, notamment, par l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en vertu duquel la nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l’OHMI ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque. Il incombe au demandeur en nullité qui entend se fonder sur ce motif d’établir les circonstances qui permettent de conclure que le titulaire d’une marque communautaire était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande d’enregistrement de cette dernière (arrêt BIGAB, point 30 supra, EU:T:2012:77, point 17 ; voir, égalemet, arrêt GRUPPO SALINI, point 30 supra, EU:T:2013:372, point 18 et jurisprudence citée).

32      La notion de « mauvaise foi » visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est ni définie, ni délimitée, ni même décrite d’une quelconque manière dans la législation [arrêt du 1er février 2012, Carrols/OHMI – Gambettola (Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL), T‑291/09, Rec, EU:T:2012:39, point 44].

33      Il convient d’observer que, dans l’arrêt du 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (C‑529/07, Rec, EU:C:2009:361, point 53, ci-après l’« arrêt Lindt Goldhase »), la Cour a apporté plusieurs précisions sur la manière dont il convenait d’interpréter la notion de mauvaise foi, telle qu’elle était visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

34      Selon la Cour, aux fins de l’appréciation de l’existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de cette disposition, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce et existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise, dans au moins un État membre, un signe identique ou similaire pour un produit ou service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé (arrêt Lindt Goldhase, point 33 supra, EU:C:2009:361, point 53).

35      Cela étant, il ressort de la formulation retenue par la Cour dans ledit arrêt que les facteurs qui y sont énumérés ne sont que des illustrations parmi un ensemble d’éléments susceptibles d’être pris en compte à l’effet de se prononcer sur l’éventuelle mauvaise foi d’un demandeur d’enregistrement au moment du dépôt de la demande de marque (arrêts BIGAB, point 30 supra, EU:T:2012:77, point 20 ; du 13 décembre 2012, pelicantravel.com/OHMI – Pelikan (Pelikan), T‑136/11, EU:T:2012:689, point 26, et GRUPPO SALINI, point 30 supra, EU:T:2013:372, point 22).

36      Il y a donc lieu de considérer que, dans le cadre de l’analyse globale opérée au titre de l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il peut également être tenu compte de la logique commerciale dans laquelle s’est inscrit le dépôt de la demande d’enregistrement du signe en tant que marque communautaire, ainsi que de la chronologie des événements ayant caractérisé ledit dépôt (voir, en ce sens, arrêts BIGAB, point 30 supra, EU:T:2012:77, point 21, et GRUPPO SALINI, point 30 supra, EU:T:2013:372, point 30).

37      C’est notamment à la lumière des considérations qui précèdent et pour autant qu’elles s’appliquent à la présente affaire qu’il y a lieu de contrôler la légalité de la décision attaquée, en ce que la chambre de recours a rejeté le motif de nullité fondé sur la prétendue mauvaise foi de l’intervenante au moment du dépôt de la demande de la marque contestée.

38      En l’espèce, il y a lieu de relever que, comme la chambre de recours l’a indiqué à juste titre au point 42 de la décision attaquée, la simple connaissance du titre d’autrui ne caractérise pas la mauvaise foi. L’appréciation de l’existence de la mauvaise foi requiert la prise en considération de l’intention de la personne au moment du dépôt de la marque (arrêt Lindt Goldhase, point 33 supra, EU:C:2009:361, points 40 et 41).

39      À cet égard, la requérante se limite à affirmer, en substance, que les litiges entre l’intervenante et elle-même prouvent de manière évidente l’existence de l’intention consciente et fautive de l’intervenante de s’approprier la marque Camomilla déjà enregistrée et utilisée par la requérante. Ces différends prouveraient que le dépôt de la marque communautaire a été effectué dans la seule intention de renforcer la marque nationale parallèle, en étendant la protection à des produits incompatibles avec ceux de la requérante.

40      La requérante soutient que l’intervenante a tenté de « neutraliser la marque italienne antérieure » et de s’approprier, au niveau de l’Union et donc également en Italie, une marque qui ne lui appartenait pas et d’entraver l’accès de la requérante au marché, en bloquant ainsi son activité commerciale.

41      Or, il y a lieu de relever qu’un litige entre différents titulaires de marques au niveau national ne constitue pas en soi la preuve objective de la mauvaise foi de l’une des parties qui a voulu enregistrer sa marque également au niveau de l’Union.

42      De même, aucun élément susceptible de prouver que la requérante entendait introduire commercialement sa marque au niveau de l’Union dans les secteurs commerciaux en question, ni que l’intervenante était au courant de cette intention au moment du dépôt de la marque communautaire contestée, n’a été relevé.

43      Il convient de rappeler, en outre, que la bonne foi est présumée jusqu’à preuve du contraire (arrêt Pelikan, point 35 supra, EU:T:2012:689, point 57) et, partant, il ne peut être conclu que le titulaire d’une marque communautaire était de mauvaise foi sur la base de simples présomptions, mais la personne qui invoque une telle circonstance doit la prouver sur la base d’éléments objectifs sur lesquels il est possible de fonder une appréciation certaine des intentions de l’autre partie.

44      Il s’ensuit que les affirmations de la requérante, non corroborées par des éléments de preuve objectifs des intentions frauduleuses de l’intervenante, ne sont pas suffisantes pour établir la mauvaise foi de cette dernière.

45      Les autres arguments de la requérante ne sauraient non plus remettre en cause cette conclusion.

46      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’enregistrement contesté aurait pour effet de « neutraliser » la marque italienne antérieure, il y a lieu de relever que la chambre de recours a, à juste titre, dans la décision attaquée, exclu toute possibilité que l’enregistrement de la marque communautaire ait pour effet de « paralyser » ou de préjudicier autrement le droit d’exclusivité attaché à la marque antérieure. L’enregistrement communautaire postérieur ne saurait en effet prévaloir sur le droit national antérieur, celui-ci pouvant, au contraire, être déclaré nul dans l’hypothèse d’un risque de confusion ou de toute autre violation dudit droit antérieur constituant une cause de nullité.

47      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré du fait que la chambre de recours n’aurait pas examiné le risque de confusion entre les marques en cause dans le cadre de la mauvaise foi, il suffit de relever que le risque de confusion en raison de la similitude ou même de l’identité des signes et des produits avec une marque antérieure, ne constitue pas en soi la preuve décisive de la mauvaise foi du demandeur, en l’absence de tout autre élément pertinent (voir, en ce sens, arrêt Pollo Tropical CHICKEN ON THE GRILL, point 32 supra, EU:T:2012:39, point 90).

48      À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), du même règlement

49      S’agissant, tout d’abord, de la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante soutient qu’elle a joint à sa demande en nullité une documentation très abondante dans le but de démontrer tant la renommée que l’usage sérieux de sa marque. Elle indique que cette documentation a été produite en trois tranches et que, en particulier, lors de son recours devant la chambre de recours, elle a complété la documentation produite précédemment dans le but de tenir compte des observations critiques de la division d’annulation.

50      En outre, la requérante rappelle que la production de documents en première instance n’aurait pas été tardive, si la division d’annulation l’avait permise en lui accordant le délai auquel elle avait droit conformément au principe du contradictoire et aux droits de la défense.

51      La requérante estime que la chambre de recours a commis une erreur en considérant qu’elle ne pouvait prendre en compte ce qui a été désigné comme étant la troisième tranche de documents et qu’elle ne pouvait exercer positivement son pouvoir d’accepter ces documents, dans la mesure où ils étaient complémentaires par rapport à ceux déjà produits en première instance dans le délai imparti.

52      L’intervenante relève qu’il convient de distinguer, d’une part, l’usage de la marque antérieure pour les services de distribution, non visés par l’enregistrement de la marque antérieure de la requérante, et, d’autre part, son usage pour les vêtements et accessoires du vêtement, les seuls produits à être visés par l’enregistrement de la marque antérieure de la requérante. En effet, il ne serait pas certain ni constant que la marque utilisée pour des services de distribution de chaussures et de vêtements désigne aussi des vêtements et des chaussures. En outre, il ressortirait de la documentation de la requérante elle-même qu’aucune preuve de la manière dont la marque serait utilisée concrètement pour les produits visés par l’enregistrement n’a été fournie et que la requérante vend des produits portant d’autres marques.

53      En outre, l’intervenante fait valoir que les critères et les conditions définis par le Tribunal pour autoriser à produire utilement des preuves nouvelles devant la chambre de recours prévoient que des « preuves initiales pertinentes » aient été produites en première instance, de sorte que l’opposant est seulement autorisé à « renforcer » ou à « clarifier » le contenu des preuves initiales en produisant des preuves complémentaires. Selon l’intervenante, dans le cas d’espèce, les preuves initiales produites par la requérante non seulement sont insuffisantes sur le plan de leur étendue, mais également ont été jugées avant tout non pertinentes du point de vue de la nature de l’usage et, plus particulièrement, du point de vue de l’usage pour des produits ou des services, l’OHMI ayant reconnu que la requérante n’avait pas été en mesure de démontrer l’usage de sa marque antérieure enregistrée pour les produits visés par l’enregistrement de la marque.

54      À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, qu’il ressort de l’article 42, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que, sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure ou également, aux termes du paragraphe 3 de cet article, d’une marque nationale antérieure qui a formé opposition doit apporter la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux, dans l’Union ou dans l’État membre où elle est protégée, pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou des services.

55      Selon une jurisprudence constante, la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux pour être opposable à une demande de marque communautaire consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il existe un juste motif économique à l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI - Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec, EU:T:2004:225, point 38, et du 30 novembre 2009, Esber/OHMI – Coloris Global Coloring Concept (COLORIS), T‑353/07, EU:T:2009:475, point 20].

56      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), qui est applicable mutatis mutandis dans les procédures de nullité en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure et se limite en principe à la production de pièces justificatives comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009.

57      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec, EU:C:2003:145, point 43).

58      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque antérieure doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de ladite marque (arrêt VITAFRUIT, point 55 supra, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 57 supra, EU:C:2003:145 point 43).

59      Bien que la notion d’usage sérieux s’oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé [arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, Rec, EU:T:2006:65, point 32], il n’en reste pas moins que l’exigence d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes.

60      Pour examiner le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Certes, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (arrêt COLORIS, point 55 supra, EU:T:2009:475, point 24). Toutefois, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir, en ce sens, arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, EU:C:2008:234, point 36).

61      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve apportés par la requérante ne démontraient pas un usage sérieux de la marque antérieure pour des vêtements et des accessoires du vêtement.

62      En l’espèce, s’agissant de deux premiers groupes de documents produits par la requérante (voir les points 16 et 17 ci-dessus), la chambre de recours a estimé, aux points 55 à 57 et 60 à 62 de la décision attaquée, en confirmant la décision de la division d’annulation, que les éléments de preuve présentés par la requérante étaient insuffisants pour prouver l’usage sérieux de la marque antérieure.

63      Cette conclusion doit être approuvée.

64      À cet égard, il convient de relever que, s’il est certes vrai que la requérante a fourni à la division d’annulation une documentation très abondante dans le but de démontrer tant la renommée que l’usage sérieux de sa marque, il n’en reste pas moins que, comme l’a relevé la chambre de recours, les éléments de preuve ainsi fournis sont principalement constitués par du matériel publicitaire visant à la promotion du réseau de distribution en franchisage de l’entreprise plutôt que de ses produits.

65      En revanche, la documentation produite par la requérante ne contient pas de preuve de la manière dont la marque était utilisée concrètement pour les produits visés par l’enregistrement. Ladite documentation ne contient pas non plus des factures ou des informations sur le chiffre d’affaire sur les ventes réalisées pour les produits portant la marque antérieure en cause.

66      Dans ces conditions, la chambre de recours a, à juste titre, conclu que les deux premiers groupes de documents produits par la requérante étaient insuffisants pour fournir la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

67      S’agissant du troisième groupe de documents produit seulement devant la chambre de recours, il convient de rappeler, tout d’abord, que l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 dispose que l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.

68      Ainsi que l’a jugé la Cour, il découle du libellé de cette disposition que, en règle générale et sauf disposition contraire, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation, en application des dispositions du règlement nº 207/2009, et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits (arrêt du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec, EU:C:2007:162, point 42).

69      En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte (arrêt OHMI/Kaul, point 68 supra, EU:C:2007:162, point 43).

70      S’agissant, plus précisément, de la production de preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure dans le cadre de procédures de nullité, il y a lieu de relever que si l’article 57, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 prévoit que, sur requête du titulaire de la marque communautaire, le titulaire d’une marque communautaire antérieure, partie à la procédure en nullité, apporte la preuve de l’usage sérieux de celle-ci, à défaut de quoi la demande en nullité est rejetée, ledit règlement ne comporte pas de disposition à l’effet de préciser le délai dans lequel de telles preuves doivent être apportées.

71      En revanche, la règle 40, paragraphe 6, du règlement nº 2868/95 prévoit, à cet égard, que, dans le cas où une telle requête est présentée, l’OHMI demande au titulaire de la marque antérieure de fournir la preuve de l’usage de la marque ou de l’existence de justes motifs pour son non-usage au cours d’un délai qu’il précise.

72      En l’occurrence, la division d’annulation de l’OHMI a fait application de cette dernière disposition et a imparti à la requérante un délai aux fins de la production d’une telle preuve. Il est par ailleurs constant que, dans ce délai, la requérante a produit plusieurs documents pertinents qui n’ont toutefois pas été jugés suffisants pour prouver l’usage de la marque antérieure.

73      Ensuite, il convient de rappeler que cette règle 40, paragraphe 6, du règlement nº 2868/95 précise également, à sa deuxième phrase, que si la preuve de l’usage de la marque n’est pas apportée dans le délai ainsi imparti par l’OHMI, la demande en nullité est rejetée.

74      À cet égard, s’il découle, certes, du libellé de ladite disposition que, lorsqu’aucune preuve de l’usage de la marque concernée n’est produite dans le délai imparti par l’OHMI, le rejet de la demande en nullité doit être prononcé d’office par ce dernier, une telle conclusion ne s’impose en revanche pas lorsque des éléments de preuve de cet usage ont bien été produits dans ledit délai (voir, par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, Rec, EU:C:2013:484, point 28).

75      En pareil cas, en effet, et à moins qu’il n’apparaisse que lesdits éléments sont dépourvus de toute pertinence aux fins d’établir l’usage sérieux de la marque, la procédure est appelée à suivre son cours. Ainsi, l’OHMI est notamment appelé, comme le prévoit l’article 57, paragraphe 1, du règlement nº 207/2009, à inviter les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter leurs observations sur les notifications qu’il leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties. Dans un tel contexte, si un rejet de la demande en nullité vient à être ultérieurement prononcé du fait d’une absence de preuve suffisante de l’usage sérieux de la marque antérieure, ce rejet procède non pas d’une application de la règle 40, paragraphe 6, du règlement nº 2868/95, disposition de nature essentiellement procédurale, mais exclusivement de l’application de la disposition de fond figurant à l’article 57, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 (voir, par analogie, arrêt New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 74 supra, EU:C:2013:484, point 29).

76      Il découle de ce qui précède que, lorsque, comme en l’espèce, des éléments de preuve considérés comme pertinents aux fins d’établir l’usage de la marque en cause ont été produits dans le délai imparti par l’OHMI en vertu de la règle 40, paragraphe 6, du règlement nº 2868/95, la production de preuves supplémentaires d’un tel usage demeure possible après l’expiration dudit délai. En pareil cas, il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte des preuves ainsi tardivement produites en faisant usage du pouvoir d’appréciation dont l’investit l’article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009 (voir, par analogie, arrêt New Yorker SHK Jeans/OHMI, point 74 supra, EU:C:2013:484, point 30).

77      Or, en l’espèce, contrairement à ce que soutient l’intervenante, la requérante a produit, dans le délai que lui a imparti la division d’annulation, des preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure qui toutefois n’ont pas été jugées suffisantes par la division d’annulation.

78      En outre, s’agissant de l’exercice du pouvoir d’appréciation de l’OHMI aux fins de la prise en compte éventuelle de preuves produites tardivement, il convient de relever qu’une telle prise en compte est, en particulier, susceptible de se justifier lorsque celui-ci considère que, d’une part, les éléments tardivement produits sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne le sort de la demande d’annulation formée devant lui et, d’autre part, le stade de la procédure auquel intervient cette production tardive et les circonstances qui l’entourent ne s’opposent pas à cette prise en compte (voir, par analogie, arrêt OHMI/Kaul, point 68 supra, EU:C:2007:162, point 44).

79      Or, à cet égard, il ressort du dossier que la prise en compte des éléments de preuve tardivement produits par la requérante, tels que les photographies des produits portant la marque antérieure et les copies des factures de vente, en complément des éléments de preuve qu’elle avait initialement produits, sont de prime abord susceptibles de revêtir une réelle pertinence en ce qui concerne l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure et que le stade de la procédure auquel était intervenue la production de ces éléments de preuve supplémentaires et les circonstances ayant entouré celle-ci ne s’opposaient pas à une telle production.

80      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’il ne ressort pas du dossier que la requérante ait abusé des délais impartis en recourant sciemment à des tactiques dilatoires ou en faisant manifestement preuve de négligence, mais que celle-ci s’était bornée à produire des pièces complémentaires après que les éléments de preuve qu’elle avait initialement produits avaient été jugés insuffisants par la division d’annulation.

81      Il résulte des considérations qui précèdent que la chambre de recours n’a pas fait un usage approprié du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 en considérant comme irrecevables les éléments de preuve complémentaires de l’usage de la marque antérieure présentés par la requérante devant elle.

82      Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir cette branche du deuxième moyen et d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens du recours.

 Sur les dépens

83      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

84      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

85      Par ailleurs, la requérante a conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens de l’ensemble de la procédure, y compris à ceux relatifs à la procédure devant la division d’annulation et à la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation. Partant, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’annulation, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable. S’agissant de la demande de la requérante visant à la condamnation de l’intervenante aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il appartiendra à cette dernière de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2011, ATB Norte/OHMI – Bricocenter Italia (Affiliato BRICO CENTER), T‑483/09, EU:T:2011:316, point 69].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 29 novembre 2012 (affaire R 1616/2011-1) est annulée.

2)      L’OHMI supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par CMT Compagnia manifatture tessili Srl (CMT Srl).

3)      CAMOMILLA SpA supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.