Language of document : ECLI:EU:T:2021:314

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

2 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale Teslaplatte – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑183/20,

Christian Schneider, demeurant à Leverkusen (Allemagne), représenté par Me R. Buttron, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Oliver Raths, demeurant à Männedorf (Suisse), représenté par Mes G. Jacobs et M. Maybaum, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 15 janvier 2020 (affaire R 247/2019-2), relative à une procédure de nullité entre M. Raths et M. Schneider,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli (rapporteure), présidente, MM. J. Schwarcz et C. Iliopoulos, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 18 août 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 20 août 2020,

à la suite de l’audience du 3 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 septembre 2012, le requérant, M. Christian Schneider, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé était le signe verbal Teslaplatte.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relevaient des classes 5, 6 et 10 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques à usage thérapeutique, produits médicaux, produits pharmaceutiques et préparations à usage médicinal ou pharmaceutique » ;

–        classe 6 : « Métaux communs et leurs alliages, produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, diagnostic (appareils pour le -) à usage médical, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

4        Le signe demandé a été enregistré en tant que marque communautaire le 14 mars 2013.

5        Le 13 janvier 2017, l’intervenant, M. Oliver Raths, a présenté une demande de nullité de la marque contestée pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        Les motifs invoqués à l’appui de cette demande étaient, d’une part, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et g), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), c), d) et g), du règlement 2017/1001], et, d’autre part, la cause de nullité absolue visée à l’article 52, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

7        Le 27 novembre 2018, la division d’annulation a rejeté intégralement la demande en nullité.

8        Le 28 janvier 2019, l’intervenant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 15 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours a partiellement accueilli le recours. En particulier, la chambre de recours a annulé la marque contestée sur le fondement de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, en considérant qu’elle avait un caractère descriptif en ce qui concerne les produits suivants (ci-après les « produits concernés ») :

–        classe 5 : « Produits médicaux » ;

–        classe 6 : « Produits métalliques, dans la classe 6, aluminium, aluminium (feuilles d’-), plaques en aluminium anodisé, teinté, doré ou argenté (compris dans la classe 6) » ;

–        classe 10 : « Appareils médico-techniques, médicaux (appareils et instruments -), tous les produits précités compris dans la classe 10 ; plaques métalliques, en particulier plaques d’aluminium pour application thérapeutique sur le corps à usage médical ».

 Conclusions des parties

10      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        réformer la décision attaquée, en ce sens que le recours de l’intervenant devant la chambre de recours est rejeté ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

12      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenant.

 En droit

13      À l’appui du recours, le requérant invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 27 septembre 2012, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

15      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, comme visant l’article 7, paragraphe 1, sous c), d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

16      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

17      Ces signes ou indications sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

18      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

19      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent [voir arrêt du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, EU:T:2005:373, point 37 et jurisprudence citée].

20      Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la seule date pertinente aux fins de l’examen d’une demande de nullité fondée sur l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 est celle du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée. Si des éléments postérieurs à cette date peuvent être pris en compte, cette prise en compte n’est possible qu’à la condition que ces éléments concernent la situation à la date du dépôt de la demande de marque [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2018, Devin/EUIPO – Haskovo (DEVIN), T‑122/17, EU:T:2018:719, point 25 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

21      La chambre de recours a considéré que les produits concernés s’adressaient tant au grand public qu’aux professionnels et que ce public faisait preuve d’un niveau d’attention allant de moyen à élevé. En particulier, l’attention du public était accrue pour les produits concernant la santé. La chambre de recours a indiqué que, la marque contestée étant composée de mots allemands, il convenait de prendre en compte le public germanophone.

22      Aucun élément au dossier ne permet de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par le requérant.

 Sur le caractère descriptif de la marque contestée

23      La chambre de recours a considéré que la marque contestée était composée par le terme « tesla », renvoyant à l’inventeur Nikola Tesla, dont les inventions sont souvent désignées par son nom de famille accompagné par le nom du produit, telles que la turbine Tesla et le transformateur Tesla (point 22 de la décision attaquée), et par le terme allemand « platte » signifiant « plaque » (point 23 de la décision attaquée). Ainsi, le terme d’ensemble « teslaplatte » désignerait une plaque inventée par Nikola Tesla ou renverrait à l’une de ses inventions (point 24 de la décision attaquée).

24      Selon la chambre de recours, il ressortirait du dossier que Nikola Tesla aurait breveté un appareil utilisant « l’énergie du rayonnement » (il s’agirait d’un « récepteur d’énergie libre » captant non seulement les rayons du soleil, mais « aussi les rayons cosmiques »), que, sur la base de ce brevet, un tiers aurait « développé une plaque d’énergie servant à concentrer l’énergie positive, et lutter ainsi contre la souffrance physique et psychologique » (point 24 de la décision attaquée), que Nikola Tesla serait désigné comme étant l’inventeur des plaques d’énergie (point 25 de la décision attaquée) et que le terme « teslaplatte » serait utilisé pour désigner des plaques d’énergie fondées sur une invention de Nikola Tesla (point 27 de la décision attaquée). Il serait dépourvu de pertinence qu’il y ait d’autres termes pour désigner les plaques d’énergie (point 28 de la décision attaquée).

25      Ainsi, selon la chambre de recours, le terme « teslaplatte » décrirait la propriété des produits concernés d’être « une plaque d’énergie qui se charge d’énergie cosmique » selon le « principe du récepteur d’énergie libre » inventé par Nikola Tesla. Ce terme serait déjà utilisé par des tiers pour désigner les plaques d’énergie (point 29 de la décision attaquée) et les traductions de ce terme seraient utilisées dans d’autres langues pour indiquer lesdites plaques, ce qui serait un indice fort de son caractère descriptif (point 30 de la décision attaquée). Les produits concernés seraient formulés de façon si large qu’ils pourraient inclure les plaques d’énergie fonctionnant selon le principe du récepteur de l’énergie libre inventé par Nikola Tesla (point 32 de la décision attaquée).

26      Le requérant fait valoir que la décision attaquée repose sur l’hypothèse erronée que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques d’énergie. En particulier, les publications fondant cette hypothèse auraient été produites par l’intervenant et seraient dictées par ses intérêts. La chambre de recours les aurait présentées et interprétées à tort comme étant des éléments objectifs. L’intervenant serait un concurrent du requérant, titulaire d’une marque suisse identique couvrant pratiquement les mêmes produits. Or, lesdites publications ne permettraient pas d’établir objectivement que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques d’énergie. Ces publications auraient été publiées longtemps après l’enregistrement de la marque nationale allemande Teslaplatte du requérant. Il ne saurait donc être exclu que l’utilisation de la dénomination « teslaplatte » résulte de l’utilisation du signe du requérant. Lesdites publications ne permettraient pas d’établir que le terme « teslaplatte » serait une dénomination descriptive ou usuelle désignant les plaques d’énergie. Dans l’ensemble, lesdites publications contiendraient des informations contradictoires, des affirmations générales et non étayées concernant les brevets et ne fourniraient pas la preuve objective du caractère descriptif de la marque contestée. Le requérant ajoute que l’invention brevetée par Nikola Tesla n’est pas liée à une « plaque d’énergie ou plaque Tesla ». En effet, les plaques d’énergie n’auraient rien à voir avec l’énergie électrique, mais il s’agirait d’une énergie « au sens ésotérique du terme » et sans rapport avec la physique. Ces plaques seraient utilisées « dans le domaine de la chromothérapie et de la thérapie liée au système des chakras – une doctrine indienne ». Or, Nikola Tesla ne se serait pas occupé de ces questions ; il serait aberrant de le désigner comme l’inventeur des « plaques d’énergie ou plaques Tesla », pour en déduire qu’il s’agit d’une indication descriptive. Enfin, le requérant indique que la chambre de recours ne dispose d’aucune preuve de l’utilisation du terme « teslaplatte » par des tiers, ni de ses traductions dans d’autres langues qui lui conféreraient un caractère descriptif.

27      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments du requérant.

28      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la marque contestée est un signe verbal composé par l’élément verbal « teslaplatte », ayant la première lettre « t » majuscule. Le public pertinent germanophone percevra cet élément verbal comme résultant de la juxtaposition des mots « tesla » (avec la première lettre majuscule) et « platte ». Ainsi qu’il ressort du dictionnaire en ligne mentionné par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « platte » (platten au pluriel) est un mot allemand signifiant plaque, à savoir une pièce plate en matériau dur. Ainsi qu’il ressort de l’encyclopédie en ligne mentionnée par la chambre de recours dans la décision attaquée, le mot « tesla » est un mot désignant en allemand le nom de famille de l’ingénieur Nikola Tesla, ainsi que le nom de l’unité de mesure du champ magnétique, ce dernier découlant d’ailleurs du nom dudit ingénieur. Par ailleurs, il ne saurait être exclu que le public pertinent germanophone puisse attribuer au mot « tesla », pris individuellement, d’autres significations.

29      Par conséquent, indépendamment même de la signification individuelle du mot « tesla », il est constant que, dans son ensemble, l’élément verbal « teslaplatte » puisse être compris par le public germanophone comme signifiant « plaque tesla ».

30      S’agissant de la signification d’ensemble d’une telle expression au regard des produits concernés, en premier lieu, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, en substance, sur la base des pièces au dossier, que l’élément verbal « teslaplatte » (plaque tesla en français) désignait, pour certaines personnes, des plaques d’énergie.

31      À cet effet, la chambre de recours s’est appuyée, notamment, sur les livres mentionnés, dans la décision attaquée, en tant que documents B.2 et B.3, démontrant que l’expression « teslaplatte » était utilisée pour désigner les plaques d’énergie (points 27 et 29 de la décision attaquée), ce qui n’est pas remis en cause par les arguments du requérant visant à contester le caractère probant desdits livres.

32      D’une part, contrairement à ce qui est suggéré par le requérant, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, force est de constater que lesdits livres ne portent pas sur une situation postérieure à la date de dépôt de la marque contestée (27 septembre 2012). En effet, le livre mentionné en tant que document B.3 a été publié vingt jours avant le dépôt de la marque contestée (7 septembre 2012) et le livre mentionné en tant que document B.2, tout en ayant été publié deux mois et demi après le dépôt de la marque contestée (12 décembre 2012), ne peut que porter sur la situation préexistante au dépôt de la demande, compte tenu du temps naturel de publication d’un livre.

33      D’autre part, les autres arguments soulevés par le requérant à l’encontre de ces deux livres ne sauraient non plus convaincre. Tout d’abord, l’argument selon lequel lesdits livres ne seraient pas objectifs, car ils auraient été produits par l’intervenant et seraient ainsi dictés par ses intérêts doit être écarté, dès lors que la seule circonstance qu’un élément de preuve ait été produit par l’autre partie à la procédure n’indique rien, en soi, quant à son objectivité. Ensuite, les faits que le livre mentionné en tant que document B.2 ait eu un tirage réduit et ait été écrit sur la base des connaissances de l’auteur ne constituent pas des raisons empêchant de le prendre en compte, en l’absence de tout élément précis susceptible d’en remettre en cause la fiabilité. Le fait, invoqué par le requérant, que ce livre ferait état d’une dénomination des plaques d’énergie utilisée par l’intervenant (à savoir l’expression « crystalium platte », dont la traduction française serait « plaque de cristal ») ne démontre nullement que ce livre aurait été écrit dans l’intérêt de ce dernier. En outre, l’allégation selon laquelle il ne saurait être exclu que l’auteur du livre mentionné en tant que document B.3 « ait acheté auprès du requérant des plaques d’énergie revêtues de la marque [contestée] » est purement spéculative et est insusceptible de démontrer le caractère non probant dudit livre. Enfin, la circonstance alléguée par le requérant lors de l’audience que ces livres ne feraient partie d’aucune bibliothèque scientifique n’est nullement étayée et, en tout état de cause, ne saurait en remettre en cause la fiabilité.

34      En revanche, bien que la chambre de recours se soit référée également au livre mentionné en tant que document B.1 (point 29 de la décision attaquée), ce dernier ne saurait être pris en compte, dès lors qu’il a été publié quatre ans après le dépôt de la marque contestée (15 décembre 2016) et qu’aucun élément présenté devant le Tribunal ne permet de considérer qu’il refléterait les connaissances existantes à la date du dépôt de ladite marque. Il en va d’ailleurs de même pour les annexes 29, 30 et 39 mentionnées par la chambre de recours (point 29 de la décision attaquée), lesquelles sont des extraits de sites Internet datant de janvier 2017 (point 4 de la décision attaquée).

35      En outre, force est de constater qu’une telle compréhension de l’élément verbal « teslaplatte » est corroborée par les explications fournies par le requérant lui-même dans la requête, lorsqu’il explique que la « dénomination “Teslaplatten” » (la dénomination « plaques Tesla » en français) serait utilisée « depuis plus de 40 ans pour désigner des plaques d’énergie ». Elle est corroborée aussi par la signification littérale des mots composant ledit élément verbal, ceux-ci pouvant effectivement désigner une plaque magnétique ou magnétisée ou, en d’autres termes, une plaque ayant une énergie ou force magnétique, dès lors que le mot « tesla » est le nom de l’unité de mesure du champ magnétique.

36      Par conséquent, dans la mesure où les arguments du requérant doivent être compris comme visant à soutenir que l’expression « plaque Tesla » ne pourrait pas désigner une plaque d’énergie, ces arguments manquent en fait et doivent être écartés. Certes, le requérant fait valoir qu’une telle dénomination ne serait pas usuelle. Toutefois, à cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la chambre de recours n’a pas fait application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement no 207/2009, concernant les marques composées exclusivement de signes ou d’indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce, et a rappelé, à juste titre, que l’application du motif sous c) de la même disposition ne supposait pas que le signe soit devenu usuel.

37      Par ailleurs, eu égard à la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus, force est de constater que la compréhension de la marque contestée comme renvoyant à une plaque d’énergie était possible au moment du dépôt de cette marque, dès lors que, outre le fait que les documents B.2 et B.3 concernent ladite période (voir point 32 ci-dessus), le requérant lui-même indique que la dénomination « teslaplatte » était utilisée depuis plus de 40 ans pour désigner les plaques d’énergie et que cela rejoint l’affirmation de l’intervenant selon laquelle la dénomination « teslaplatte » faisait l’objet d’un usage important et purement descriptif depuis les années 1990.

38      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a ajouté que les plaques d’énergie étaient « censées servir à la guérison des maladies et à l’amélioration générale de l’état de santé » ou avaient l’objectif « de prévenir, soulager ou guérir les maladies » et qu’elles étaient obtenues à travers le traitement de plaques métalliques par un « processus d’anodisation ». Or, le requérant ne remet en cause aucune de ces explications concernant la nature et les caractéristiques des plaques d’énergie, ses arguments visant plutôt à soutenir que les pièces au dossier ne permettraient pas de démontrer objectivement que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques d’énergie. Au contraire, dans la requête, le requérant explique qu’une plaque d’énergie serait une plaque métallique dotée d’une énergie « au sens ésotérique » utilisée « dans le domaine de la chromothérapie et de la thérapie liée au système des chakras – une doctrine indienne ».

39      Il en découle, en d’autres termes, que l’élément verbal constituant la marque contestée peut être compris comme désignant certains produits métalliques utilisés à des fins thérapeutiques, appelés également plaques d’énergie, et ce indépendamment même de la question de savoir qui en est leur inventeur, question qui est dépourvue de pertinence dans le cadre du présent litige et qu’il n’appartient pas au Tribunal de trancher, bien que la chambre de recours ait pu considérer que lesdites plaques étaient liées à une invention de Nikola Tesla.

40      En effet, afin de déterminer si l’élément verbal constituant la marque contestée a un caractère descriptif au regard des produits concernés, la seule question pertinente est celle de savoir si ledit élément est susceptible de désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de production ou d’autres caractéristiques des produits concernés. À cet égard, il doit être rappelé qu’un signe verbal doit se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

41      Tel est le cas en l’espèce, dès lors que l’élément verbal « teslaplatte » (plaque tesla en français) peut désigner une plaque métallique ayant une utilisation thérapeutique, appelée également plaque d’énergie, et que les produits concernés couvrent non seulement les produits métalliques (ceux relevant de la classe 6), mais aussi les produits médicaux et les produits médico-techniques (ceux relevant des classes 5 et 10). En d’autres termes, l’élément verbal « teslaplatte » n’apparaît pas comme étant susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits concernés, mais plutôt comme étant susceptible de désigner la typologie de ces produits ou leurs caractéristiques en termes de composition (métallique), de propriétés et d’utilisation (thérapeutique).

42      En deuxième lieu, ainsi que l’a retenu la chambre de recours dans la décision attaquée, il est également possible que l’élément verbal « teslaplatte » (plaque tesla en français) soit perçu comme désignant non seulement la typologie des produits concernés ou leur composition, propriétés et utilisation, mais également un lien avec l’ingénieur Nikola Tesla, et ce indépendamment même de la question de savoir si un tel lien serait ou non exact.

43      En effet, une telle compréhension ne saurait être exclue, dès lors que, d’une part, ainsi que l’a souligné la chambre de recours dans la décision attaquée en se référant à une encyclopédie en ligne, le mot « tesla » correspond au nom de famille dudit ingénieur et les inventions de ce dernier peuvent être identifiées par la juxtaposition du nom du produit et de son nom de famille, comme c’est le cas pour le transformateur Tesla ou la turbine Tesla. Il pourrait donc en aller de même, dans la perception du public pertinent, pour la plaque Tesla.

44      D’autre part, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée (voir point 8, deuxième et troisième tirets, et point 25 de la décision attaquée), les livres en allemand mentionnés par la chambre de recours dans la décision attaquée en tant que documents B.2 et B.3 apparaissent faire état d’un lien en termes de brevet ou d’invention entre l’ingénieur Nikola Tesla et les plaques Tesla. Certes, le requérant soutient que, en ce qui concerne l’identité de l’inventeur des plaques d’énergie, ces livres seraient contredits par le livre mentionné en tant que document B.1, lequel se réfère à une autre personne. Toutefois, outre le fait que ce dernier livre ne saurait être pris en compte eu égard à sa date de publication (voir point 34 ci-dessus), il y a lieu d’observer que la question de la réelle origine de l’invention n’est pas pertinente dans le cadre du présent litige (voir point 46 ci-après).

45      En tout état de cause, il doit être relevé qu’une perception potentielle de la marque contestée par rapport aux produits concernés qui renverrait à l’ingénieur Nikola Tesla en tant que personnage lié aux plaques Tesla ne serait toujours pas susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits concernés, mais serait susceptible de désigner d’autres caractéristiques de ceux-ci, inhérentes notamment à leur éventuelle origine scientifique ou historique, et serait ainsi également descriptive.

46      Par ailleurs, la circonstance éventuelle que de telles caractéristiques soient réelles ou seulement imagées n’est pas susceptible de faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. En effet, il convient de rappeler que le critère pertinent pour évaluer le caractère descriptif de la marque contestée est la perception qu’en a le public pertinent [arrêt du 16 septembre 2008, ratiopharm/OHMI (BioGeneriX), T‑47/07, non publié, EU:T:2008:377, point 30]. Ainsi, le fait que la marque contestée décrive une caractéristique inexistante ou imagée n’exclut pas qu’elle soit perçue comme étant descriptive par le public pertinent [voir, par analogie, arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 21], ce dernier pouvant être amené à croire, par la force évocatrice de la marque, que cette caractéristique existe ou est réelle. Par conséquent, les arguments du requérant visant à soutenir que les publications mentionnées par la chambre de recours dans la décision attaquée ne permettraient pas d’établir de manière objective que Nikola Tesla serait l’inventeur des plaques Tesla doivent être écartés comme étant inopérants, puisque, afin de constater le caractère descriptif de la marque contestée, il est dépourvu de pertinence de savoir si ledit ingénieur est effectivement lié ou non à l’invention des plaques Tesla, ce qui importe est que le public pertinent, confronté à la marque contestée, puisse comprendre celle-ci comme faisant état de l’existence d’un lien entre ledit inventeur et les produits concernés, eu égard notamment aux éléments rappelés aux points 43 et 44 ci-dessus.

47      En outre, lors de l’audience, le requérant a allégué que certaines caractéristiques des plaques métalliques qu’il commercialise, telles que leur chargement en énergie cosmique ou la possibilité de transférer une telle énergie aux personnes à des fins thérapeutiques, ne seraient pas des caractéristiques objectives ou démontrables scientifiquement, mais relèveraient d’une croyance ou d’une narration mythologique liée à la commercialisation desdites plaques. Or, un tel argument ne fait pas non plus obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009. Tout d’abord, ledit argument procède d’une confusion entre les prétendues caractéristiques des produits concrètement commercialisés par le requérant et les caractéristiques des produits concernés, car c’est uniquement à l’égard de ces derniers qu’il y a lieu de déterminer la perception de la marque contestée par le public pertinent. Ensuite, s’il ressort de la jurisprudence que, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, une caractéristique doit être objective et inhérente à la nature des produits concernés [voir, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 44], tel est bien le cas en l’espèce, dès lors que les produits concernés sont des produits métalliques, des produits médicaux et des appareils médico-techniques et que la marque contestée peut précisément désigner une plaque métallique ayant une visée thérapeutique (point 41 ci-dessus).

48      Il découle de ces éléments que le public pertinent germanophone faisant preuve d’un niveau d’attention allant de moyen à élevé au regard des produits concernés, confronté à la marque contestée, pourra comprendre celle-ci comme désignant la typologie ou les caractéristiques desdits produits, et non pas leur origine commerciale.

49      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la marque contestée avait un caractère descriptif au regard des produits concernés. Au demeurant, il y a lieu de relever que le requérant n’a pas fait valoir, ni a fortiori démontré, que la marque contestée disposait, en raison de son usage, d’un caractère distinctif faisant obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

50      Les circonstances invoquées par le requérant selon lesquelles, d’une part, le requérant serait titulaire d’une marque nationale allemande Teslaplatte et, d’autre part, l’intervenant serait titulaire d’une marque nationale suisse Teslaplatte, à les supposer même avérées, ne sont pas susceptibles de faire obstacle à l’application dudit motif de refus.

51      En effet, premièrement, il convient de rappeler que le régime de l’Union européenne des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Ainsi, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation de l’Union pertinente. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision intervenue dans un État membre ou dans un pays tiers admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [arrêt du 13 juillet 2017, Ecolab USA/EUIPO (ECOLAB), T‑150/16, non publié, EU:T:2017:490, point 43].

52      Par conséquent, l’éventuelle existence des marques Teslaplatte du requérant et de l’intervenant, respectivement, en Allemagne et en Suisse ne constitue pas une circonstance permettant de faire obstacle à l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009.

53      Secondement, dans la mesure où la référence à la marque nationale allemande Teslaplatte du requérant doit être comprise en ce sens que l’utilisation de la dénomination « teslaplatte » découlerait de l’utilisation de cette marque nationale, d’une part, il y a lieu de relever que le présent litige ne porte pas sur ladite marque nationale, mais sur la marque contestée. D’autre part, ainsi qu’il a déjà été relevé, devant les instances de l’EUIPO, le requérant n’a pas fait valoir, ni a fortiori démontré, que l’élément verbal constituant la marque contestée aurait joui, en raison de son usage, d’un caractère distinctif ou d’une notoriété tels que le public pertinent l’aurait associé à une origine commerciale donnée.

54      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique du requérant comme étant non fondé, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité, contestée par l’EUIPO et par l’intervenant, de certaines annexes ou arguments présentés par le requérant.

55      Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

57      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Christian Schneider est condamné aux dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.