Language of document : ECLI:EU:T:2010:70

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

4 mars 2010 (*)

« Dumping – Importations de chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam – Calcul de la valeur normale construite – Prix à l’exportation – Droits de la défense – Préjudice – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑410/06,

Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., Ltd, établie à Lishui (Chine), représentée par MM. I. MacVay, solicitor, R. Thompson, QC, et K. Beal, barrister,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J.-P. Hix, en qualité d’agent, assisté de MG. Berrisch, avocat,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet et T. Scharf, en qualité d’agents,

et par

Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC), établie à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes P. Vlaemminck, G. Zonnekeyn et S. Verhulst, puis par Mes Vlaemminck et A. Hubert, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle du règlement (CE) n° 1472/2006 du Conseil, du 5 octobre 2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1), dans la mesure où il la concerne,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas (rapporteur) et A. Dittrich, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 20 février 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), tel que modifié (ci-après le « règlement de base »), dispose :

« 1. Peut être soumis à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping lorsque sa mise en libre pratique dans la Communauté cause un préjudice.

2. Un produit est considéré comme faisant l’objet d’un dumping lorsque son prix à l’exportation vers la Communauté est inférieur au prix comparable, pratiqué au cours d’opérations commerciales normales, pour le produit similaire dans le pays exportateur. »

2        En ce qui concerne la détermination de l’existence d’un dumping, l’article 2 du règlement de base prévoit les règles applicables aux fins d’une comparaison entre la valeur normale du produit en question et le prix à l’exportation, la marge de dumping étant, selon le paragraphe 12 de la même disposition, le montant par lequel la valeur normale dépasse le prix à l’exportation.

3        L’article 2, paragraphe 1, premier et deuxième alinéas, et l’article 2, paragraphes 3 et 6, du règlement de base se lisent comme suit :

« 1. La valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur.

Lorsque l’exportateur dans le pays exportateur ne produit pas ou bien ne vend pas le produit similaire, la valeur normale est établie sur la base des prix d’autres vendeurs ou producteurs.

[…]

3. Lorsque aucune vente du produit similaire n’a lieu au cours d’opérations commerciales normales ou lorsque ces ventes sont insuffisantes ou lorsque, du fait de la situation particulière du marché, de telles ventes ne permettent pas une comparaison valable, la valeur normale du produit similaire est calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine, majoré d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire raisonnable ou sur la base des prix à l’exportation, pratiqués au cours d’opérations commerciales normales, vers un pays tiers approprié, à condition que ces prix soient représentatifs.

[…]

6. Les montants correspondant aux frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux, ainsi qu’aux bénéfices, sont fondés sur des données réelles concernant la production et les ventes, au cours d’opérations commerciales normales, du produit similaire par l’exportateur ou le producteur faisant l’objet de l’enquête. Lorsque ces montants ne peuvent être ainsi déterminés, ils peuvent l’être sur la base :

a)      de la moyenne pondérée des montants réels établis pour les autres exportateurs ou producteurs faisant l’objet de l’enquête à l’égard de la production et des ventes du produit similaire sur le marché intérieur du pays d’origine ;

b)      des montants réels que l’exportateur ou le producteur en question a engagés ou obtenus à l’égard de la production et des ventes, au cours d’opérations commerciales normales, de la même catégorie générale de produits sur le marché intérieur du pays d’origine ;

c)      de toute autre méthode raisonnable, à condition que le montant correspondant au bénéfice ainsi établi n’excède pas le bénéfice normalement réalisé par d’autres exportateurs ou producteurs lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine. »

4        S’agissant des conditions d’octroi du statut d’entreprise évoluant en économie de marché (ci-après le « SEM »), l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base prévoit :

« Dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de […] la République populaire de Chine […], la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi, sur la base de requêtes dûment documentées présentées par un ou plusieurs producteurs faisant l’objet de l’enquête […], que les conditions d’une économie de marché prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné […] »

5        L’article 2, paragraphes 8 et 9, premier alinéa, du règlement de base dispose :

« 8. Le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers la Communauté.

9. Lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation [… il] peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable. »

6        S’agissant de la détermination de l’existence d’un préjudice, l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base prévoit :

« 2. La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif : a) du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de la Communauté, et b) de l’incidence de ces importations sur l’industrie communautaire.

3. En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examinera s’il y a eu augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans la Communauté. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examinera s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie communautaire ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie communautaire au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important. »

7        Selon l’article 9, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, « [l]e montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie communautaire ».

8        L’article 20, paragraphes 1, 2, 4 et 5, du règlement de base dispose :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées. Les demandes d’information doivent être adressées par écrit immédiatement après l’institution des mesures provisoires et l’information doit être donnée par écrit aussitôt que possible.

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires.

[…]

4. L’information finale doit être donnée par écrit. Elle doit l’être, compte tenu de la nécessité de protéger les informations confidentielles, dès que possible et, normalement, un mois au plus tard avant la décision définitive ou la transmission par la Commission d’une proposition de décision finale conformément à l’article 9. Lorsque la Commission n’est pas en mesure de communiquer certains faits ou considérations à ce moment-là, cela doit être fait dès que possible par la suite. L’information ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure qui peut être prise par la Commission ou le Conseil et, lorsque cette décision se fonde sur des faits et considérations différents, ces derniers doivent être communiqués dès que possible.

5. Les observations faites après que l’information finale a été donnée ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l’urgence de l’affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours. »

 Antécédents du litige et règlement attaqué

9        La requérante, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., Ltd, est une société productrice de chaussures établie en Chine.

10      Les importations de chaussures en provenance de Chine relevant de certaines classes de la nomenclature combinée étaient soumises à un régime de contingents quantitatifs qui a expiré le 1er janvier 2005.

11      À la suite d’une plainte déposée le 30 mai 2005 par la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC), la Commission des Communautés européennes a ouvert une procédure antidumping concernant les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de Chine et du Viêt Nam. L’avis d’ouverture de cette procédure a été publié au Journal officiel de l’Union européenne du 7 juillet 2005 (JO C 166, p. 14, ci-après l’« avis d’ouverture »).

12      Le 23 mars 2006, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 553/2006 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 98, p. 3, ci-après le « règlement provisoire »).

13      Selon le considérant 9 du règlement provisoire, l’enquête relative au dumping et au préjudice a couvert la période comprise entre le 1er avril 2004 et le 31 mars 2005 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des éléments utiles à l’appréciation du préjudice a porté sur la période allant du 1er janvier 2001 au 31 mars 2005 (ci-après la « période considérée »).

14      Compte tenu de la nécessité d’établir une valeur normale pour ce qui concerne les produits des producteurs-exportateurs chinois et vietnamiens auxquels le SEM pourrait ne pas être accordé, une visite de vérification destinée à établir la valeur normale sur la base de données concernant un pays analogue, en l’occurrence la République fédérative du Brésil, a été effectuée dans les locaux de trois sociétés brésiliennes (considérant 8 du règlement provisoire).

15      Il résulte du considérant 57 du règlement provisoire que, dans le cadre de la détermination du dumping, la Commission a eu recours à la technique d’échantillonnage prévue à l’article 17 du règlement de base. À cette fin, elle a retenu un échantillon comprenant treize producteurs-exportateurs chinois représentant plus de 20 % du volume des exportations chinoises vers la Communauté européenne. Selon le considérant 8, sous c), du règlement provisoire, la requérante constitue la cinquième société dans la liste des producteurs-exportateurs chinois faisant partie de l’échantillon.

16      S’agissant du prix à l’exportation, la Commission a exposé, au considérant 130 du règlement provisoire, que, lorsque les ventes à l’exportation à destination de la Communauté étaient effectuées par l’intermédiaire de sociétés de négoce indépendantes, celui-ci était établi sur la base des prix du produit vendu à l’exportation aux sociétés de négoce par les producteurs concernés, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base (voir point 5 ci-dessus).

17      Selon le considérant 131 du règlement provisoire, la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation a été effectuée au niveau départ usine. Aux fins d’une comparaison équitable, il a été dûment tenu compte, sous forme d’ajustements, des différences affectant les prix et leur comparabilité, conformément à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base (considérant 132 du règlement provisoire).

18      S’agissant du préjudice, la Commission a examiné, notamment, la sous-cotation des prix à l’importation. À cette fin, les prix caf à l’importation, frontière communautaire, après dédouanement, ont été ajustés à la hausse pour tenir compte des coûts supportés dans la Communauté par les importateurs, tels que ceux relatifs à la conception, à la sélection des matières premières, etc., et ont été comparés aux prix de l’industrie communautaire au niveau départ usine et au même stade commercial. Cette comparaison a donné lieu à une marge de sous-cotation de 12,8 % pour les chaussures originaires de Chine (considérants 167 et 168 du règlement provisoire).

19      Par lettre du 7 avril 2006, la Commission a transmis à la requérante, en application de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 20, paragraphe 1, du règlement de base, respectivement, une copie du règlement provisoire et un document comportant des informations sur les détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des droits antidumping provisoires ont été imposés. La Commission a invité la requérante à lui transmettre ses commentaires éventuels sur ces documents pour le 8 mai 2006.

20      Par courrier électronique du 27 avril 2006, la requérante s’est plainte du caractère lacunaire des informations figurant dans le document d’information intermédiaire en mettant l’accent sur les données relatives aux ajustements des prix aux fins du calcul du dumping et de la sous-cotation. La requérante a réitéré ces griefs dans ses observations écrites soumises le 8 mai 2006.

21      Par courrier électronique du 16 mai 2006, la requérante a souligné, notamment, que l’ajustement de son prix à l’exportation de 15 % au titre de dépenses de recherche et de développement était inférieur aux frais réels engagés à ce titre, puisqu’il ne prenait pas en compte les frais et les marges importantes des sociétés de négoce, par l’intermédiaire desquelles certains producteurs chinois acheminent leur production vers le marché européen.

22      Par lettre du 7 juillet 2006, la Commission a transmis à la requérante, en application de l’article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement de base, un document d’information finale sur les faits et considérations essentiels fondant la proposition d’imposer des droits antidumping définitifs.

23      Sous le titre H de ce document, la Commission a exposé ses considérations quant aux mesures antidumping définitives qui seraient proposées au Conseil de l’Union européenne. S’agissant du type de mesures, la Commission a exposé, premièrement, que des engagements de la part des producteurs de ne pas vendre au-dessous du niveau de prix qui aurait éliminé le préjudice important que subissait l’industrie communautaire ne constituaient pas des mesures appropriées et, deuxièmement, qu’il y avait lieu d’appliquer un système de droits différés (points 278 à 291 du document d’information finale).

24      En ce qui concerne le système de droits différés, la Commission a relevé que le volume des importations avait eu un effet préjudiciable important sur l’industrie communautaire à partir du 1er janvier 2005, date d’expiration du régime de contingents (voir point 10 ci-dessus). En effet, durant les trois premiers mois de l’année 2005, inclus dans la période d’enquête (voir point 13 ci-dessus), l’industrie communautaire aurait connu, proportionnellement, le déclin le plus marqué au cours de la période considérée en ce qui concerne plusieurs indicateurs économiques, tels que la rentabilité, les prix de vente, les parts de marché, les ventes, l’emploi et la production. Dans ces conditions, la Commission a accordé une attention particulière à l’élément quantitatif des pratiques de dumping dans la détermination de l’existence d’un préjudice. Ainsi, elle a considéré que seules les importations dépassant un certain volume étaient à l’origine d’un préjudice et que, dès lors, une intervention sous forme de droits ad valorem n’était pas nécessaire pour rétablir des conditions de concurrence loyale. Partant, des droits antidumping seraient à appliquer uniquement aux quantités de produits importés au-delà d’un certain volume annuel. En l’espèce, un tel système de droits différés serait adéquat aux fins de l’élimination du préjudice, dans la mesure où il prendrait en compte les effets du régime de contingents et où il équilibrerait les intérêts des parties concernées. Ce serait donc aux importations de plus de 140 millions de paires de chaussures par an en provenance de Chine que les droits antidumping proposés devraient s’appliquer. Ce volume reflétait l’appréciation de la Commission sur les importations en provenance de Chine en 2005, en tenant compte des quantités importées en 2004 (points 285 à 287 et 291 du document d’information finale).

25      Ainsi, la Commission a proposé l’imposition d’un droit antidumping définitif, égal à la marge d’élimination du préjudice, aux importations de plus de 140 millions de paires de chaussures par an originaires de Chine. Cette marge était établie au niveau de la sous-cotation des prix de référence, à savoir 23 % (point 293 du document d’information finale).

26      Par lettre du 10 juillet 2006, la Commission a complété le document d’information finale avec des considérations concernant la situation de la requérante et relatives à l’octroi du SEM, au calcul de la valeur normale ainsi qu’au calcul du préjudice. S’agissant du calcul de la valeur normale, la Commission a indiqué qu’elle utiliserait les données provenant de la comptabilité de la requérante afin de déterminer le coût de production. Toutefois, afin de déterminer le montant des frais de vente, des dépenses administratives, des autres frais généraux et la marge bénéficiaire, la Commission a utilisé des données provenant de deux autres entreprises chinoises ayant effectué des ventes domestiques représentatives et ayant bénéficié du SEM dans le cadre d’enquêtes récentes. Il est résulté du calcul effectué une marge de dumping de 9,7 %.

27      S’agissant du calcul du préjudice, la Commission a indiqué, dans la lettre du 10 juillet 2006, qu’il lui était impossible de prendre en compte, afin d’établir le prix caf, frontière communautaire, et, dès lors, la marge de sous-cotation, la marge bénéficiaire de la société de négoce acheminant la production de la requérante vers le marché communautaire, parce que cette société n’avait pas coopéré à l’enquête. En outre, la prise en compte de cette marge bénéficiaire ne serait pas nécessaire, étant donné que la Commission avait ajusté à la baisse la valeur normale établie sur la base des données en provenance du Brésil afin d’en soustraire les coûts supportés par cette société de négoce (marketing, recherche et développement, etc.). La Commission a invité la requérante à lui transmettre ses commentaires pour le 18 juillet 2006.

28      La requérante a présenté ses commentaires notamment par lettre du 18 juillet 2006 et a contesté tant la construction de la valeur normale que la détermination du prix caf à l’importation, frontière communautaire, qui, selon elle, devait être majoré de la marge bénéficiaire réalisée par la société de négoce acheminant sa production sur le marché communautaire. En outre, la requérante s’est plainte du fait que la Commission ne lui avait communiqué ni les données chiffrées ayant servi de base pour le calcul des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux ainsi que de la marge bénéficiaire ni les secteurs d’activités des entreprises dont émanaient ces données.

29      Par lettre du 28 juillet 2006, la Commission a transmis à la requérante un document d’information finale additionnel. Selon ses deux premiers alinéas, ce document avait pour objet d’informer les parties intéressées d’un changement à l’égard de la configuration des droits antidumping définitifs qui seraient proposés. La direction générale (DG) « Commerce » de la Commission aurait examiné les observations formulées par certaines parties intéressées quant au système de droits différés initialement envisagé (voir points 23 à 25 ci-dessus). Par le biais de ce document, la Commission a abandonné l’idée d’un tel système. Dans le cadre de sa nouvelle approche, la Commission a souligné que l’augmentation véritablement préjudiciable des importations avait eu lieu durant l’année 2004, et ce jusqu’à la fin de la période d’enquête, et que 2005 avait été la première année durant laquelle les importations de chaussures en provenance de Chine n’étaient plus soumises à un régime de contingents. De plus, la Commission a établi un volume d’importations non préjudiciable en se fondant sur les importations originaires de Chine et du Viêt Nam en 2003, à savoir 109 millions de paires de chaussures. Conformément à cette nouvelle approche, l’impact économique de ce volume devait être pris en considération dans la détermination du niveau d’élimination du préjudice. Ainsi, d’une part, le niveau d’élimination du préjudice a été abaissé afin de tenir compte du volume d’importations non préjudiciable et, d’autre part, les droits définitifs ont été appliqués à partir de la première paire importée. Selon cette méthode, prévoyant quatre étapes exposées dans ce document, la Commission a conclu, pour les importations en provenance de Chine, sur la base de la « règle du droit moindre », à l’imposition d’un droit antidumping définitif égal au niveau requis pour l’élimination du préjudice, en l’occurrence 16,5 %. Toutefois, en ce qui concerne les importations de chaussures issues de la production de la requérante, la Commission a proposé, toujours conformément à la « règle du droit moindre », l’imposition d’un droit de 9,7 %, soit égal à sa marge de dumping.

30      Aux fins de la formalisation de cette nouvelle proposition, la Commission a annexé à la lettre du 28 juillet 2006 les points devant figurer sous le nouveau titre H du document d’information finale et remplacer ceux figurant sous le titre correspondant de ce dernier (voir point 23 ci-dessus). La Commission a exposé, aux points 278 et 279 devant figurer sous le nouveau titre H du document d’information finale, que seules les importations excédant un certain volume avant l’expiration du régime de contingents pouvaient causer un préjudice important, si bien que, dans le cadre de la détermination du niveau d’élimination du préjudice sur la base des résultats de la période d’enquête, le fait que certaines quantités importées n’avaient pas causé de préjudice devait être pris en considération. Par conséquent, les quantités qui ne causaient pas de préjudice important devaient être prises en considération dans la détermination du niveau d’élimination du préjudice. Au point 280 du même document, la Commission a exposé la méthode qui avait été mise en œuvre.

31      Par courrier électronique du 2 août 2006, la requérante a communiqué ses commentaires sur le document d’information finale additionnel, en faisant observer cependant que ni le temps imparti ni les informations fournies par la Commission à cet effet étaient suffisants.

32      Par lettre du 22 août 2006, la Commission a informé la requérante que les entreprises dont émanaient les données relatives aux frais de vente, aux dépenses administratives et aux autres frais généraux ainsi qu’à la marge bénéficiaire relevaient des secteurs des produits chimiques et de l’ingénierie. Dans cette lettre, la Commission a confirmé que, malgré la différence entre ces secteurs, les données utilisées étaient « raisonnables » et « comparables aux types de frais encourus » par la requérante.

33      Le 5 octobre 2006, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 1472/2006, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certaines chaussures à dessus en cuir originaires de la République populaire de Chine et du Viêt Nam (JO L 275, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »). En vertu du règlement attaqué, le Conseil a institué un droit antidumping définitif sur les importations de chaussures à dessus en cuir naturel ou reconstitué, à l’exclusion des chaussures de sport, des chaussures à technologie spéciale, des pantoufles et d’autres chaussures d’intérieur et de chaussures avec coquille de protection originaires de Chine et relevant de plusieurs codes de la nomenclature combinée (article 1er du règlement attaqué). Selon l’article 3 du règlement attaqué, celui-ci était applicable pendant une période de deux ans.

34      Selon les considérants 71 et 72 du règlement attaqué, la requérante, qui a été retenue dans l’échantillon des producteurs chinois sur lequel a porté l’enquête, s’est vu accorder le SEM. Ce statut lui avait été refusé au stade du règlement provisoire au motif qu’elle n’était pas libre de déterminer le volume de ses ventes sans intervention significative de l’État. Toutefois, la requérante a présenté par la suite des éléments de preuve démontrant que cette circonstance n’était pas établie.

35      Selon le considérant 98 du règlement attaqué, le calcul de la valeur normale, en ce qui concerne la requérante, devait être effectué sur la base des données relatives à ses ventes domestiques et à ses coûts de production. Cependant, selon le considérant 99 du règlement attaqué, en l’absence de ventes sur le marché intérieur chinois au cours de la période d’enquête, la valeur normale n’a pas pu être établie sur la base des prix intérieurs de la requérante, conformément à l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base. De plus, eu égard au fait qu’aucun autre producteur chinois faisant partie de l’échantillon n’aurait obtenu le SEM, ce qui aurait rendu impossible l’application de l’article 2, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement de base, les institutions auraient dû construire la valeur normale sur la base des coûts de production de la requérante majorés d’un montant raisonnable pour les frais de vente, les dépenses administratives et les autres frais généraux ainsi que d’une marge bénéficiaire raisonnable, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base (considérants 100 et 101 du règlement attaqué).

36      Étant donné que la requérante n’aurait réalisé aucune vente domestique et qu’aucun autre producteur chinois n’aurait obtenu le SEM, les frais de vente, les dépenses administratives, les autres frais généraux et la marge bénéficiaire auraient dû être déterminés sur la base d’une méthode raisonnable, conformément à l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base (voir point 3 ci-dessus). À cette fin, la Commission aurait eu recours aux données provenant d’autres producteurs-exportateurs chinois qui avaient obtenu, dans le cadre d’autres enquêtes, le SEM et qui ont réalisé des ventes domestiques au cours d’opérations commerciales normales, conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement de base (considérants 102 et 103 du règlement attaqué).

37      S’agissant du prix à l’exportation et de sa comparaison avec la valeur normale, le Conseil a confirmé, aux considérants 123 et 138 du règlement attaqué, les appréciations de la Commission figurant aux considérants 128 à 133 du règlement provisoire (voir points 16 et 17 ci-dessus).

38      Selon le considérant 146 du règlement attaqué, la marge de dumping, exprimée en pourcentage du prix caf à l’importation, frontière communautaire, a été fixée pour la requérante à 9,7 %.

39      En ce qui concerne la sous-cotation des prix, le Conseil a dû revoir à la baisse l’ajustement des prix à l’importation (voir point 18 ci-dessus), au vu du fait, notamment, que la majorité des importateurs n’auraient pas pu étayer par des éléments de preuve l’affirmation selon laquelle leurs coûts de recherche et de développement atteignaient ceux retenus au stade provisoire. Ainsi, le Conseil a procédé à un nouveau calcul qui a donné lieu à une marge de sous-cotation des prix de 13,5 % pour des chaussures originaires de Chine (considérants 180 à 182 du règlement attaqué).

40      S’agissant du niveau de droits nécessaire aux fins de l’élimination du préjudice occasionné par les importations en provenance de Chine, le Conseil a exposé aux considérants 296 à 301 du règlement attaqué, en reprenant les points 275 à 280 figurant sous le nouveau titre H du document d’information finale et annexés au document d’information finale additionnel, qu’il y avait lieu de tenir compte des particularités de la présente procédure, et notamment de l’existence du régime de contingents jusqu’au 1er janvier 2005. Le régime de contingents ayant empêché l’industrie communautaire de subir un préjudice important, alors que l’accroissement des importations après l’expiration de ce régime aurait eu un effet préjudiciable particulièrement sensible, le Conseil a considéré que seules les importations dépassant un certain volume avant la suppression du régime de contingents pouvaient causer un préjudice important. Par conséquent, le seuil de préjudice, déterminé sur la base des résultats de la période d’enquête, devait prendre en considération le fait que certains volumes d’importations n’avaient pas causé de préjudice important. Cette opération, qui a été fondée sur la valeur des volumes importés en 2003, a abouti, pour les importations en provenance de Chine, à un seuil de préjudice de 16,5 % au lieu du seuil de 23 % qui aurait été appliqué, selon le considérant 295 du règlement attaqué, si le Conseil n’avait pas tenu compte des particularités de la présente affaire.

41      Cependant, conformément à la « règle du droit moindre » (voir point 7 ci-dessus), le niveau du droit définitif a été fixé, en ce qui concerne la requérante, sur la base de sa marge de dumping, qui était inférieure au niveau de droit requis pour l’élimination du préjudice. Par conséquent, le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière communautaire, avant dédouanement, a été établi, pour les chaussures issues de la production de la requérante, à 9,7 % (considérants 302, 323 et 324 et article 1er, paragraphe 3, du règlement attaqué).

 Procédure et conclusions des parties

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2006, la requérante a introduit le présent recours.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 avril 2007, la Commission a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

44      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 avril 2007, la CEC a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Conseil.

45      Par ordonnance du 2 août 2007, le président de la deuxième chambre du Tribunal a admis les demandes en intervention formulées par la Commission et la CEC.

46      La CEC a déposé son mémoire en intervention le 17 août 2007.

47      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

48      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, la requérante et le Conseil ont été invités à répondre par écrit à deux questions.

49      Par lettres reçues le 2 février 2009, ces parties ont déféré aux mesures d’organisation de la procédure prises par le Tribunal.

50      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 20 février 2009.

51      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

52      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

54      La CEC conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens liés à son intervention.

 En droit

55      Au soutien de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés respectivement :

–        de la violation de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base ainsi que de la violation de ses droits de la défense s’agissant du calcul de sa marge de dumping ;

–        de la violation de l’article 3 du règlement de base et d’un défaut de motivation ;

–        de la violation de ses droits de la défense ainsi que d’un défaut de motivation en ce qui concerne le type des droits définitifs appliqué ;

–        d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation concernant le préjudice subi par l’industrie communautaire.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base ainsi que de la violation des droits de la défense s’agissant du calcul de la marge de dumping

 Arguments des parties

56      La requérante estime que, en utilisant des marges bénéficiaires provenant de deux exportateurs chinois appartenant à des secteurs tout à fait différents du sien afin de déterminer sa marge bénéficiaire, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 2 du règlement de base.

57      À cet égard, la requérante rappelle que le droit antidumping de 9,7 % appliqué à ses produits a été établi sur la base de sa marge de dumping individuelle, en vertu de la « règle du droit moindre » (voir points 7 et 41 ci-dessus).

58      En l’espèce, la Commission aurait déterminé le bénéfice de la requérante sur la base d’une moyenne des bénéfices relevés lors de deux procédures antidumping antérieures portant sur les secteurs des produits chimiques et de l’ingénierie (voir point 26 ci-dessus). Or, de toute évidence, les chaussures à dessus en cuir ne relèveraient pas de la même catégorie générale que les produits chimiques ou de l’ingénierie, ce que le Conseil ne contesterait pas. La Commission aurait reconnu, dans sa correspondance, que lesdits secteurs étaient différents de celui des chaussures.

59      Les institutions auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en utilisant les marges bénéficiaires enregistrées dans les deux secteurs susmentionnés. En effet, elles auraient pu utiliser soit la marge bénéficiaire que la requérante réalisait sur ses ventes à l’exportation (6,7 %), soit la marge bénéficiaire cible de 6 % établie pour l’industrie communautaire, soit la marge bénéficiaire d’au moins un autre producteur de l’échantillon réalisant des ventes significatives sur le marché chinois et n’ayant pas obtenu le SEM « sur la seule base d’une confusion concernant ses statuts ». La Commission serait tenue d’expliquer en quoi ses constatations concernant les statuts de cette société rendaient non fiables les données comptables de cette dernière, relatives à sa marge bénéficiaire réalisée sur le marché chinois. En outre, les institutions auraient pu utiliser la marge bénéficiaire de producteurs ne faisant pas partie de l’échantillon, si le Tribunal considère que, dans le cadre des recours introduits par ceux-ci, la Commission aurait dû examiner leurs demandes visant l’octroi du SEM ou d’un traitement individuel (ci-après le « TI »). L’argument selon lequel les institutions devraient donner plus d’importance au marché géographique et se fonder, dès lors, sur des ventes de produits différents effectuées en Chine au lieu de se fonder sur des ventes de produits similaires effectuées à l’étranger serait par ailleurs dépourvu de fondement. En effet, le Conseil n’aurait pas démontré l’existence d’une différence substantielle quant à la marge bénéficiaire en fonction de la destination des produits. Ainsi, les institutions n’auraient pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, ni évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise afin de déterminer la valeur normale d’une manière raisonnable.

60      La Commission aurait également violé les droits de la défense de la requérante en omettant de l’informer, dans un délai raisonnable, de son intention d’utiliser les frais de vente, les dépenses administratives, les autres frais généraux et la marge bénéficiaire des opérateurs appartenant à des secteurs différents du sien, et ce sans motiver à suffisance le rejet de la méthode raisonnable proposée par la requérante. La Commission n’aurait informé la requérante de son choix d’utiliser les données des entreprises relevant des secteurs des produits chimiques et de l’ingénierie que le 22 août 2006, c’est-à-dire après l’expiration du délai pour la présentation d’observations sur le document d’information finale additionnel. L’absence de communication des détails concernant les frais de vente, les dépenses administratives, les autres frais généraux et la marge bénéficiaire sur lesquels la Commission a basé ses calculs, malgré les demandes de la requérante, constituerait aussi une violation de ses droits de la défense. Ainsi, la Commission n’aurait pas mis la requérante en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité, la pertinence et le caractère raisonnable des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par elle s’agissant de l’existence du dumping et du préjudice. Il aurait été possible pour la Commission de communiquer ces éléments en omettant le nom des sociétés qui les lui avaient transmis. Enfin, la Commission n’aurait pas informé la requérante de sa position selon laquelle les marges bénéficiaires réalisées sur les ventes domestiques pouvaient différer de celles réalisées sur les ventes à l’exportation, la destination des produits jouant, selon la Commission, un rôle déterminant à cet égard, ni communiqué d’éléments démontrant l’existence d’une telle différence.

61      La requérante fait valoir que, sur 152 demandes de SEM/TI, la Commission n’en aurait examiné que douze, circonstance qui l’aurait privée de données pertinentes susceptibles d’être utilisées aux fins du calcul de sa marge bénéficiaire.

62      Quant à l’argument subsidiaire du Conseil portant sur la marge de dumping, au cas où ce moyen était accueilli (voir point 75 ci-après), la requérante souligne que l’institution défenderesse n’apporte aucun élément susceptible d’étayer la marge proposée de 2,6 %. Toutefois, la requérante se déclare disposée à prendre position sur le taux justifié du droit antidumping pour autant que le Conseil apporte des renseignements détaillés à cet égard.

63      Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur la violation alléguée de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base

64      Il y a lieu de relever d’emblée que l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base confère aux institutions une large marge d’appréciation pour choisir la méthode selon laquelle elles procéderont au calcul des frais de vente, des dépenses administratives et des autres frais généraux et d’une marge bénéficiaire dans le cadre du calcul de la valeur normale construite.

65      Dans ces conditions, le contrôle du juge communautaire porte sur le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (arrêts de la Cour du 22 octobre 1991, Nölle, C‑16/90, Rec. p. I‑5163, point 12, et du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, Rec. p. I‑2817, point 11 ; arrêt du Tribunal du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, Rec. p. II‑2243, point 62).

66      En outre, l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base prévoit que cette méthode doit être raisonnable. Ainsi, le juge communautaire ne saurait constater une erreur manifeste d’appréciation relative à la méthode choisie que si celle-ci est déraisonnable. Partant, l’existence d’autres méthodes raisonnables qui auraient pu être suivies à cet effet n’affecte pas la légalité de celle effectivement choisie, le juge communautaire ne pouvant pas substituer son appréciation à celle des institutions à cet égard.

67      Il résulte par ailleurs de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base que, lorsque les institutions font application de cette disposition afin de calculer une marge bénéficiaire raisonnable, elles ne sont pas obligées d’utiliser les données relatives à des produits de la même catégorie générale, mais doivent veiller à ce que la marge bénéficiaire établie selon une méthode raisonnable n’excède pas la marge bénéficiaire réalisée lors de la vente des produits de la même catégorie générale.

68      Ainsi, c’est à tort que la requérante prétend que le recours à des données relatives aux secteurs des produits chimiques et de l’ingénierie constitue une violation de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base au motif que les produits correspondants n’appartiennent pas à la même catégorie générale que les chaussures.

69      En ce qui concerne la méthode employée, il y a lieu de relever que, comme le fait valoir le Conseil, le choix s’y rapportant a été fait compte tenu de la nécessité d’établir des marges bénéficiaires réalisées sur le marché intérieur. Or, les bénéfices de la requérante ayant été réalisés sur des ventes à l’exportation, alors que les autres entreprises de l’échantillon ne s’étaient pas vu octroyer le SEM, les institutions étaient en droit de considérer que les données relatives à leurs marges bénéficiaires ne constituaient pas une base de calcul fiable. En conséquence, les institutions ne disposaient d’aucune donnée vérifiée concernant les ventes domestiques de chaussures dans des conditions de marché en Chine. En outre, les institutions étaient également en droit de considérer que l’utilisation, suggérée par la requérante, de la marge bénéficiaire cible de 6 % réalisée par l’industrie communautaire sur son propre marché n’était pas de nature à refléter la marge bénéficiaire réalisée par les producteurs chinois sur leur marché intérieur et de privilégier ainsi l’influence du lieu de vente du produit sur ladite marge.

70      Dans ces conditions, il appartenait aux institutions d’élaborer, en exerçant leur large pouvoir d’appréciation et compte tenu des données fiables et vérifiables dont elles pouvaient disposer, une méthode permettant de calculer une marge bénéficiaire raisonnable.

71      Ainsi, les institutions ont pu estimer, dans le cadre de la marge d’appréciation qui leur est réservée par l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base, qu’il était plus raisonnable d’utiliser les informations relatives à des bénéfices réalisés sur le marché chinois, par des entreprises de taille comparable à celle de la requérante, n’encourant pas de frais de vente ni de frais généraux particulièrement élevés, ayant également obtenu le SEM lors des enquêtes récentes sur des produits autres que des chaussures, et pour lesquelles les institutions disposaient de données fiables, que celles relatives à des bénéfices réalisés sur la vente de chaussures sur des marchés totalement différents. Or, la requérante n’a pas apporté d’élément tendant à prouver que cette considération était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. En outre, la méthode employée était la méthode disponible la plus appropriée aux fins de l’établissement d’une marge bénéficiaire raisonnable, étant donné l’absence d’autres renseignements à la disposition de la Commission.

72      S’agissant de la proposition de la requérante tenant à l’utilisation des données relatives à l’industrie communautaire, il convient de constater que, comme le fait valoir le Conseil, le marché communautaire de la chaussure n’est pas comparable au marché chinois et qu’il a de surcroît subi des distorsions en raison des importations chinoises et vietnamiennes ayant fait l’objet d’un dumping.

73      En ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission n’aurait pas tenu compte des informations présentées par des sociétés n’ayant pas fait partie de l’échantillon et dont les demandes de SEM/TI n’auraient, de ce fait, pas été examinées, il ne saurait être accepté, dès lors que la requérante n’indique pas en quoi la décision de ne pas examiner ces demandes serait entachée d’illégalité. En outre, le Tribunal a jugé dans son arrêt de ce jour, Brosmann Footwear (HK) e.a./Conseil (T‑401/06, non encore publié au Recueil, points 83 à 105), que cette décision était conforme au règlement de base.

74      S’il est vrai que, selon l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base, le montant correspondant au bénéfice établi selon une autre méthode raisonnable ne doit pas excéder le bénéfice normalement réalisé lors de ventes de produits de la même catégorie générale sur le marché intérieur du pays d’origine, il ne convient pas d’interpréter cette disposition en ce sens que les institutions seraient empêchées d’établir une marge bénéficiaire si elles ne disposent pas d’une base de calcul fiable concernant la marge bénéficiaire réalisée lors de ventes de produits de la même catégorie générale.

75      Il en résulte que cette branche du premier moyen doit être rejetée.

–       Sur la violation alléguée des droits de la défense

76      Il y a lieu de relever d’emblée que, à l’annexe II de sa lettre du 10 juillet 2006, la Commission a communiqué à la requérante les taux moyens des frais de vente, des dépenses administratives et d’autres frais généraux ainsi que la marge bénéficiaire en ajoutant que ces données provenaient d’entreprises chinoises ayant effectué des ventes domestiques représentatives et s’étant vu accorder le SEM. En outre, par sa lettre du 22 août 2006, la Commission a informé la requérante des secteurs dont relevaient les entreprises dont émanaient les informations relatives aux frais de vente, aux dépenses administratives et aux autres frais généraux ainsi qu’à la marge bénéficiaire. Dans ladite lettre, la Commission a également exposé que l’utilisation de ces données était justifiée aux motifs que les entreprises concernées étaient de taille comparable à celle de la requérante, qu’elles n’encouraient pas de frais de vente ni de frais généraux particulièrement élevés, qu’elles avaient également obtenu le SEM lors d’enquêtes récentes, que leurs marges bénéficiaires étaient semblables et qu’aucune donnée relative aux ventes domestiques de l’industrie chinoise de la chaussure n’était disponible en l’espèce.

77      Partant, il y a lieu de considérer que, par la lettre du 22 août 2006, la Commission a répondu aux demandes de renseignements complémentaires de la requérante concernant les chiffres relatifs aux frais généraux et à la marge bénéficiaire. La requérante ne saurait à cet égard reprocher à la Commission de lui avoir communiqué les secteurs auxquels appartenaient les entreprises dont les données avaient été utilisées après l’expiration du délai fixé pour présenter des observations sur le document d’information finale additionnel. En effet, il ne résulte pas de l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, que la Commission est obligée d’accorder un délai minimal de dix jours aux parties intéressées pour formuler des commentaires sur une lettre qu’elle envoie en réponse à leurs observations sur l’information finale. Tel aurait été uniquement le cas si la lettre du 22 août 2006 avait contenu des « faits et considérations essentiels sur la base desquels il était envisagé de recommander l’institution de mesures définitives » au sens de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base.

78      Or, il convient d’observer que les faits et considérations essentiels sur la base desquels la Commission a envisagé de recommander des mesures définitives ont été portés à la connaissance de la requérante dans le document d’information finale et dans le document d’information finale additionnel. En revanche, la lettre du 22 août 2006 ne contient que des explications complémentaires. En effet, la lettre du 22 août 2006 ne renferme aucune modification ni même adaptation mineure de l’approche suivie par la Commission.

79      Il convient d’ajouter que le fait que, dans sa lettre du 18 juillet 2006, la requérante a affirmé que le niveau de la marge bénéficiaire utilisée par la Commission pour établir la valeur normale était trop élevé, eu égard aux données qui seraient, selon elle, raisonnables pour l’industrie de la chaussure, atteste qu’elle savait que les données en cause provenaient d’autres secteurs que celui de la chaussure.

80      En outre, il résulte des points 68 à 74 ci-dessus que la Commission n’avait pas l’obligation de recourir aux données relatives à des produits relevant de la même catégorie générale. Partant, l’argument essentiel que la requérante a formulé dans sa lettre du 18 juillet 2006 et qu’elle a réaffirmé lors de l’audience, selon lequel l’accès aux données en cause devait lui permettre d’évaluer si celles-ci concernaient effectivement des produits relevant de la même catégorie générale, ne saurait prospérer.

81      L’argument de la requérante, selon lequel l’absence de communication des données sous-tendant les calculs de la Commission constituerait une violation de ses droits de la défense, ne saurait, par ailleurs, non plus être retenu. Sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la nature confidentielle desdites données, invoquée par le Conseil, force est de constater que ces données n’étaient pas indispensables à la requérante aux fins de l’exercice de ses droits de la défense. En effet, la requérante a elle-même suggéré à la Commission, sur la base de données qu’elle considérait comme raisonnables et actuelles, des taux moyens des frais de vente, des dépenses administratives et d’autres frais généraux ainsi qu’une marge bénéficiaire dans le cadre de son calcul alternatif de la valeur normale, figurant dans la lettre du 18 juillet 2006 et devant, selon elle, conduire à ce qu’aucune marge de dumping ne soit établie à son égard.

82      En tout état de cause, rien n’empêchait la requérante, à la suite de la lettre du 22 août 2006, de formuler des commentaires à la Commission. À cet égard, l’argument avancé par la requérante, selon lequel elle aurait pu essayer d’obtenir des données permettant d’expliquer les raisons pour lesquelles les marges bénéficiaires enregistrées dans ces secteurs étaient plus élevées que celles enregistrées dans l’industrie de la chaussure si elle avait été informée du choix des secteurs pris en considération à un stade plus précoce de la procédure, ne saurait être admis. En effet, la requérante n’a fourni au Tribunal aucun élément démontrant qu’elle avait entrepris des démarches visant à obtenir les données requises après la réception de la lettre de la Commission du 22 août 2006.

83      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été violés.

84      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3 du règlement de base

 Arguments des parties

85      La requérante souligne que la Commission a procédé au calcul d’une marge de préjudice individuelle résultant de ses exportations vers le marché communautaire. S’agissant de la détermination de son prix à l’exportation aux fins du calcul du préjudice, le Conseil n’aurait pas tenu compte, dans le règlement attaqué, du fait qu’elle vendait ses produits à des sociétés de négoce indépendantes qui jouent le rôle d’intermédiaires entre les producteurs chinois et les distributeurs installés dans le marché européen. De cette omission résulterait un prix à l’exportation inférieur au prix réel et, dès lors, une marge de sous-cotation des prix (et donc de préjudice) artificiellement surévaluée.

86      Selon la requérante, les sociétés de négoce indépendantes, telle que la société Pagoda, qui serait un négociant intermédiaire dans d’importantes ventes à destination du marché communautaire pour d’autres producteurs chinois et vietnamiens de chaussures et qui collaborerait avec elle pour ses ventes à destination d’autres marchés, supportent une partie importante du coût de production et de commercialisation, notamment en matière de marketing, d’organisation des exportations et de recherche et de développement. Ces coûts, ainsi que les marges bénéficiaires des sociétés de négoce, auraient dû être pris en compte afin de déterminer le prix caf, frontière communautaire, et, dès lors, de calculer la sous-cotation des prix et le préjudice résultant des exportations de la requérante.

87      En dépit du fait que la Commission connaissait le rôle et les marges bénéficiaires des sociétés de négoce de manière chiffrée, chiffres dont la fiabilité n’aurait pas été contestée, elle aurait manqué à son obligation de procéder à un examen objectif de l’ensemble des éléments pertinents aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice, conformément à l’article 3 du règlement de base et à l’article 3 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3). En effet, comme la requérante l’aurait allégué lors de la procédure administrative, il serait erroné d’utiliser, aux fins du calcul du préjudice, un prix à l’exportation fondé sur le prix fob Hong Kong sans y ajouter les frais pertinents pour établir le prix caf, frontière communautaire. Ainsi, l’ajout au prix fob Hong Kong des seuls frais d’assurance et de transport donnerait lieu à un prix à l’exportation plus bas que le prix réel, circonstance qui, elle aussi, aboutirait à la surévaluation de la marge de sous-cotation.

88      En l’occurrence, la Commission aurait soutenu, sans motiver son appréciation, que la prise en compte des marges des sociétés de négoce n’était pas nécessaire, puisque les données relatives à la valeur normale collectées au Brésil (voir point 14 ci-dessus) avaient été ajustées à la baisse afin d’en soustraire les éléments de coût que cette marge vise à couvrir (recherche et développement, marketing, etc.). Or, la Commission n’aurait fourni aucune autre précision quant aux éléments spécifiques du coût en question ni expliqué en quoi les données relatives à la valeur normale collectées au Brésil étaient pertinentes pour calculer la sous-cotation de la requérante, qui a obtenu le SEM et ne serait, dès lors, pas concernée par les données collectées dans ce pays. L’ajustement de 9,3 % du prix à l’exportation opéré par le Conseil au titre des dépenses de recherche et de développement serait, comme l’aurait allégué la requérante lors de la procédure administrative, inférieur à la marge bénéficiaire de 38 % que réaliserait Novi, la société de négoce acheminant la production de la requérante vers le marché européen. En outre, cet ajustement n’aurait pas pour objet de prendre en compte le rôle des sociétés intermédiaires de négoce.

89      En omettant de prendre en considération l’ensemble des frais supportés entre le prix fob de la requérante et l’arrivée à la frontière communautaire, d’une part, et en ne prenant pas en compte les marges bénéficiaires des sociétés de négoce indépendantes, telle que Pagoda, d’autre part, la Commission aurait donc effectué un calcul erroné de la marge de sous-cotation concernant la requérante. Un calcul correct aurait conduit à l’imposition d’un droit antidumping moindre, voire nul. Le fait que les producteurs européens ne recourent pas à d’autres sociétés pour la conception des modèles, les contrôles de qualité, la négociation des prix, la logistique, etc. ne saurait justifier l’absence de prise en compte de ces coûts encourus par la requérante aux fins du calcul du prix caf, frontière communautaire, de ses produits. En effet, ce ne serait que par référence à ce prix caf qu’il y aurait lieu d’apprécier l’existence d’une sous-cotation.

90      L’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil contre le présent moyen (voir points 91 et 92 ci-après) ne serait pas fondée, puisqu’elle reposerait sur des affirmations non vérifiables en l’absence d’un nouveau calcul de la part de la Commission. La question pertinente à cet égard serait celle de savoir si l’ajout d’une marge additionnelle de négociant d’environ 38 % au prix caf, frontière communautaire, de la requérante aurait conduit à une marge de préjudice inférieure à la marge de dumping de la requérante, ce qui serait tout à fait possible. En outre, contrairement à ce que suggère le Conseil (voir point 92 ci-après), s’agissant du présent moyen, la requête remplirait les conditions de forme requises par l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal.

91      Le Conseil tient à rappeler que, conformément à la « règle du droit moindre » (voir point 41 ci-dessus), le niveau du droit définitif a été fixé, en ce qui concerne la requérante, sur la base de sa marge de dumping (9,7 %), qui était inférieure au niveau de droit requis pour l’élimination du préjudice (16,5 %). Partant, le deuxième moyen ne pourrait influer sur la validité du règlement attaqué que s’il était démontré que le niveau d’élimination du préjudice devait être inférieur à la marge de dumping de la requérante. Or, même en tenant compte de la marge bénéficiaire de Novi, les marges de sous-cotation et de préjudice s’élèveraient respectivement à 28 % et à 20 % pour la requérante. Partant, ledit moyen serait « inopérant et irrecevable ».

92      Le Conseil fait également valoir que, s’agissant du deuxième moyen, la requête ne satisfait pas aux conditions de forme établies par l’article 44 du règlement de procédure. En effet, la requérante n’aurait pas exposé les faits sur lesquels repose son argumentation, ni expliqué en quoi les institutions auraient agi illégalement, mais se serait bornée à une série d’affirmations non étayées. Il s’agirait donc d’un moyen irrecevable.

93      Au demeurant, le Conseil réfute le bien-fondé en droit du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

94      Il convient de rappeler d’emblée que la « règle du droit moindre » a pour conséquence qu’un producteur auquel ont été imposés des droits antidumping ne saurait contester ceux-ci au motif que l’enquête a conclu à une marge de préjudice surévaluée au cas où le taux des droits a été fixé au niveau de la marge de dumping, lorsque ce dernier est inférieur aussi bien à la marge de préjudice faussement retenue qu’à la marge de préjudice réelle (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 octobre 1988, Brother Industries/Conseil, 250/85, Rec. p. 5683, point 24).

95      En l’espèce, ainsi qu’il résulte de la lettre de la Commission du 10 juillet 2006, et notamment de son annexe consacrée au calcul du préjudice, la sous-cotation relative au modèle exporté par la requérante sur le marché communautaire s’élève à 32,3 %, alors que la sous-cotation des prix de référence s’élève à 66 %. La requérante n’a contesté ni la méthode ni les chiffres utilisés aux fins de ce calcul.

96      De plus, il ressort des développements figurant sous le titre III de la lettre de la requérante du 18 juillet 2006 que les sociétés de négoce, par l’intermédiaire desquelles les producteurs chinois acheminent leur production vers le marché européen, réalisent une marge bénéficiaire de 25 à 38 %. Selon la requérante, cette marge aurait dû être ajoutée à son prix caf, frontière communautaire, ce qui aurait réduit la différence entre ce dernier prix et les prix de l’industrie communautaire et, dès lors, la marge de sous-cotation.

97      Or, il résulte des calculs que le Conseil a effectués dans le document annexé à la duplique que, même s’il avait majoré le prix caf, frontière communautaire, de la requérante d’une marge bénéficiaire de 38 % prétendument réalisée par Novi, la marge de sous-cotation des prix de référence aurait été établie à 20,05 % en tenant compte des quantités importées ne causant pas de préjudice important, c’est-à-dire à un niveau excédant celui de la marge de dumping de la requérante, sur la base de laquelle a été établi le droit définitif (9,7 %, voir point 41 ci-dessus). À cet égard, il y a lieu d’ajouter que, même en tenant compte du calcul alternatif présenté dans le cadre des réponses de la requérante aux questions écrites du Tribunal, selon lequel l’ajustement additionnel de 38 % est opéré après l’ajustement de 17,30 % effectué au titre des droits de douane, de recherche et de développement, etc., la marge de sous-cotation des prix de référence ainsi établie s’élève à 15,32 %, c’est-à-dire à un niveau supérieur au niveau d’élimination du préjudice.

98      Il en résulte que le deuxième moyen doit être rejeté comme inopérant.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 20 du règlement de base, de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation

 Arguments des parties

99      La requérante fait valoir que les institutions ne lui ont pas communiqué de manière adéquate la nouvelle analyse factuelle concernant le préjudice subi par l’industrie communautaire ni ne lui ont offert la possibilité de présenter ses commentaires sur cette nouvelle appréciation relative à la configuration des droits définitifs (voir points 29 et 30 ci-dessus). En outre, la Commission n’aurait pas suffisamment expliqué les raisons qui imposaient le changement de son analyse et l’emploi de données différentes de celles contenues dans sa première proposition.

100    Alors que, dans le document d’information finale du 7 juillet 2006, la Commission considérait que l’importation d’un volume de 140 millions de paires de chaussures par an n’avait pas d’effet préjudiciable pour l’industrie communautaire, elle aurait significativement abaissé ce chiffre à 41,5 millions de paires dans son document d’information finale additionnel du 28 juillet 2006, sans expliquer les raisons justifiant ce changement qui aurait eu l’« effet pervers » de renverser, par le biais d’une manipulation opérée sur la base des années de référence, la valeur des droits imposés entre la Chine et le Viêt Nam. S’agissant de leur ratio économique, les contingents instaurés par un système de droits différés seraient destinés à faire face aux pressions résultant du volume des importations qui néanmoins ne seraient pas considérées comme étant issues de pratiques déloyales, alors que les mesures antidumping seraient conçues pour répondre aux pratiques déloyales de dumping. Eu égard à ces différences, le délai de cinq jours octroyé par la Commission à la requérante pour présenter ses observations sur la nouvelle proposition serait insuffisant, ce dont la requérante se serait plainte durant la procédure administrative.

101    Le règlement attaqué, au considérant 301 duquel la dernière proposition de la Commission aurait été suivie, ne comporterait pas de motivation suffisante au regard de cette divergence et n’indiquerait pas les raisons justifiant l’application de la nouvelle méthode. En revanche, le considérant 301 du règlement attaqué se bornerait à reprendre les termes du point 280 du document d’information finale additionnel, qui ne contiendrait pas plus de renseignements. En outre, le document d’information finale additionnel ne contiendrait aucun chiffre ou calcul sous-tendant la méthode décrite au considérant 301 du règlement attaqué et ne permettrait pas d’expliquer le recours à des années, valeurs et volumes différents de ceux qui avaient été utilisés dans la première proposition. Les institutions auraient par ailleurs violé l’article 20 du règlement de base, qui exige la communication des détails sous-tendant les faits et les considérations essentiels sur la base desquels la Commission entend proposer l’adoption des mesures définitives. En effet, l’appréciation factuelle sous-tendant la nouvelle approche de la Commission n’aurait pas été expliquée ni justifiée.

102    Au surplus, la Commission aurait violé les droits de la défense de la requérante en ce qu’elle ne lui aurait pas permis de faire utilement valoir sa position sur un nombre de questions importantes, telles que le caractère raisonnable de la nouvelle proposition, l’exactitude et la pertinence des faits et des circonstances alléguées, les calculs effectués et les éléments présentés par la Commission à l’appui de ses conclusions sur le dumping et le préjudice subi par l’industrie communautaire. En effet, les deux systèmes seraient caractérisés par des différences fondamentales dans l’analyse factuelle sur laquelle ils sont fondés. Ces différences auraient donné lieu à des conséquences radicalement opposées pour les producteurs chinois et vietnamiens sans pour autant que la Commission ait expliqué comment elle était parvenue à ce résultat ni donné l’occasion aux intéressés d’exercer leurs droits de la défense.

103    La tentative du Conseil de minimiser les différences entre les deux propositions en exposant que le système adopté tiendrait compte du fait que seules des importations au-dessus de certains seuils en volume causent un préjudice impliquerait l’imposition de droits antidumping sur des importations qui ne causent pas de préjudice, ce qui serait contraire à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base. Le fait que la requérante ait pu formuler quelques observations à l’égard de ce système, dans un délai inférieur au délai minimal de dix jours prévu à l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base, ne saurait, par ailleurs, être retenu à l’encontre de celle-ci, ni remédier à l’insuffisance des informations fournies par la Commission. En effet, la question de savoir si le délai accordé par la Commission était adéquat aux fins du respect des droits de la défense de la requérante devrait être appréciée au regard de l’étendue du changement dans la méthode adoptée par la Commission ainsi que de l’absence de données ou d’explications sur la nouvelle appréciation juridique et factuelle. À cet égard, la requérante fait observer que, lorsque les institutions n’offrent pas d’explications adéquates sur la méthode et l’appréciation des faits qu’elles entreprennent, le fait d’avoir pu formuler quelques commentaires est d’une valeur limitée et n’implique pas qu’il a été satisfait aux exigences de l’article 20 du règlement de base, des principes généraux du droit communautaire ou du droit de l’OMC. De plus, la Commission aurait elle-même adopté un calendrier très restrictif, ce qui aurait exclu toute extension du délai accordé pour formuler des commentaires sur le document d’information finale additionnel. En outre, les discussions ayant duré plusieurs mois auraient porté sur le système de droits différés et non sur le système finalement adopté.

104    La requérante estime que, en raison des défaillances du document d’information finale additionnel et du délai insuffisant imparti, elle n’a pas eu la possibilité d’exposer à la Commission les raisons pour lesquelles l’approche adoptée était inappropriée ou déraisonnable ni de présenter son point de vue sur la méthode ou les données chiffrées sous-tendant la proposition contenue dans ce document.

105    Enfin, la requérante ajoute que, si elle avait été mise en mesure de manière adéquate de formuler des commentaires sur le document d’information finale additionnel, elle aurait avancé, premièrement, que le système proposé équivalait à une violation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, dans la mesure où il aboutit à l’imposition de droits antidumping à des importations qui ne causent pas de préjudice, deuxièmement, qu’une marge de préjudice individuelle aurait dû être calculée pour elle et, troisièmement, que la dernière proposition de la Commission était déraisonnable et disproportionnée, dans la mesure où l’appréciation factuelle révisée, qui n’aurait pas été expliquée ni justifiée, avait eu l’« effet pervers » de renverser la charge respective des mesures antidumping entre la Chine et le Viêt Nam.

106    Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

107    Par son troisième moyen, premièrement, la requérante fait valoir que les institutions ont violé l’article 20 du règlement de base aux motifs que la Commission, d’une part, n’a pas communiqué les éléments sur lesquels elle a fondé les calculs effectués dans le document d’information finale additionnel et, d’autre part, ne lui a pas imparti un délai suffisant et conforme au paragraphe 5 du même article afin de présenter des observations complètes sur sa nouvelle approche.

108    Deuxièmement, la requérante allègue que les institutions n’ont exposé ni dans les documents d’information finale ou d’information finale additionnel, ni dans le règlement attaqué les motifs qui justifiaient la méthode mise en œuvre afin de prendre en compte l’existence d’un volume d’importations ne causant pas de préjudice et consistant à amoindrir la marge de préjudice au lieu d’exonérer les importations non préjudiciables de l’imposition des droits antidumping. Ces circonstances seraient constitutives d’une violation des droits de la défense de la requérante ainsi que d’un défaut de motivation.

109    À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 20 du règlement de base prévoit des modalités relatives à l’exercice du droit des parties concernées, notamment des exportateurs, d’être entendues, lequel constitue un des droits fondamentaux reconnus par l’ordre juridique communautaire et comporte le droit d’être informé des principaux faits et considérations sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de droits antidumping définitifs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, Rec. p. I‑3187, point 15, et arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, Rec. p. II‑4137, point 55).

110    Dans ces conditions, il y a lieu d’interpréter les arguments de la requérante relatifs à la violation de l’article 20 du règlement de base comme se référant à une violation de ses droits de la défense, tels qu’ils sont consacrés par l’ordre juridique communautaire, y compris par cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 novembre 2002, Kundan et Tata /Conseil, T‑88/98, Rec. p. II‑4897, point 131).

111    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les entreprises concernées par une enquête précédant l’adoption d’un règlement antidumping doivent être mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son appréciation sur l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (arrêts de la Cour Al-Jubail Fertilizer/Conseil, point 109 supra, point 17, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, Rec. p. I‑8147, point 99 ; arrêts Champion Stationery e.a./Conseil, point 109 supra, point 55, et Kundan et Tata/Conseil, point 110 supra, point 132).

112    Il convient également de relever, dans ce contexte, que le caractère incomplet de l’information finale entraîne l’illégalité d’un règlement instituant des droits antidumping définitifs si, en raison de cette omission, les parties intéressées n’ont pas été en mesure de défendre utilement leurs intérêts. Tel serait notamment le cas lorsque l’omission porte sur des faits ou des considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires, auxquels une attention particulière doit être accordée dans l’information finale, selon l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base. Tel est également le cas, par identité de motifs, lorsque l’omission porte sur des faits ou des considérations différents de ceux sur lesquels se fonde une décision prise par la Commission ou le Conseil postérieurement à la communication du document d’information finale, ainsi qu’il ressort de l’article 20, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base.

113    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé aux points 23 à 25 ci-dessus, la Commission a d’abord préconisé, dans le document d’information finale, un système de droits différés, fondé sur le fait que seules les importations de plus de 140 millions de paires de chaussures par an causaient un préjudice au sens de l’article 3 du règlement de base. Cette appréciation s’appuyait sur l’existence du régime de contingents quantitatifs jusqu’au 1er janvier 2005, qui aurait empêché un tel préjudice, ainsi que sur un calcul des quantités qui auraient été importées de Chine en 2005. Selon cette proposition, un droit antidumping définitif devait être appliqué aux importations originaires de Chine au-delà de 140 millions de paires de chaussures par an. Ce droit était égal à la marge de sous-cotation des prix de référence, en l’occurrence 23 %.

114    Néanmoins, ainsi qu’il a été exposé aux points 28 et 29 ci-dessus, la Commission a modifié, dans le cadre du document d’information finale additionnel, sa proposition relative à la forme des droits nécessaire pour l’élimination du préjudice. Cette nouvelle approche reposait également sur l’existence d’un volume d’importations qui ne cause pas de préjudice au sens de l’article 3 du règlement de base. Cependant, selon le document d’information finale additionnel, tant la méthode de calcul de ce volume d’importations non préjudiciable que l’impact de ce volume sur la forme des droits définitifs proposés différaient de ceux évoqués dans le document d’information finale.

115    En particulier, dans le document d’information finale additionnel, premièrement, la Commission a rappelé que la marge de sous-cotation des prix de référence pour les importations en provenance de Chine s’élevait à 23 %. Deuxièmement, elle a établi que le volume des importations en provenance de ce pays pendant la période d’enquête s’élevait à 38 % des importations en provenance des deux pays ciblés. Ce pourcentage, appliqué à la totalité des importations en provenance de Chine et du Viêt Nam en 2003 (109 millions de paires de chaussures), correspondait à environ 41,5 millions de paires de chaussures, volume qui a été considéré comme ne causant pas de préjudice à l’industrie communautaire. Troisièmement, la Commission a estimé que ce volume représentait 28,26 % des importations en provenance de Chine en 2005. Enfin, quatrièmement, elle a réduit la marge de préjudice initialement établie (23 %) de 28,26 %, ce qui a donné lieu à une marge de préjudice « pondérée » de 16,5 %.

116    Il résulte de ce qui précède que les différences entre la méthode présentée dans le document d’information finale et celle présentée dans le document d’information finale additionnel sont les suivantes. Premièrement, au lieu d’établir le volume annuel d’importations non préjudiciable au niveau des importations en provenance de Chine en 2005, la Commission a établi ce volume annuel en multipliant les 109 millions de paires de chaussures importées en 2003 par 38 %. Il s’agit du pourcentage que représentaient les importations originaires de ce pays sur l’ensemble des importations en provenance des deux pays ciblés durant la période d’enquête. Deuxièmement, au lieu d’exonérer ce volume annuel, qualifié de non préjudiciable aux points 278 à 280 du document d’information finale additionnel, de l’application d’un droit antidumping, la Commission a choisi de tenir compte de ce volume en diminuant le niveau d’élimination du préjudice et en appliquant les droits antidumping à partir de la première paire importée.

117    À cet égard, il doit être constaté que le fait que la Commission a modifié son analyse à la suite des commentaires que les parties intéressées ont formulés sur le document d’information finale ne constitue pas, en soi, une violation des droits de la défense. En effet, ainsi qu’il résulte de l’article 20, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, le document d’information finale ne fait pas obstacle à toute décision ultérieure de la Commission ou du Conseil. Cette disposition se limite à imposer à la Commission le devoir de communiquer, dès que possible, les faits et considérations différents de ceux appuyant son approche initiale contenue dans le document d’information finale. C’est en effet par le biais de cet exposé que les intéressés sont en mesure de comprendre les motifs ayant amené les institutions à adopter une position différente.

118    Par conséquent, afin de déterminer si la Commission a respecté les droits de la requérante découlant de l’article 20, paragraphe 4, dernière phrase, du règlement de base, il y a encore lieu de vérifier si la Commission lui a communiqué les faits et considérations retenus aux fins de la nouvelle analyse sur le préjudice et sur la forme des mesures requises pour l’éliminer, pour autant que ceux-ci diffèrent de ceux retenus dans le document d’information finale (voir point 112 ci-dessus).

119    À cet égard, tout d’abord, la Commission a exposé dans le document d’information finale additionnel que sa nouvelle proposition permettrait de ne pas opérer de distinctions parmi les différentes catégories d’importateurs.

120    S’agissant, ensuite, des éléments sur la base desquels la Commission a procédé à l’ajustement de la marge de préjudice de 23 à 16,5 %, c’est à tort que la requérante fait valoir qu’elle n’y a pas eu accès. En effet, la méthode décrite au point 115 ci-dessus concernant l’ajustement de la marge de préjudice en tenant compte d’un volume d’importations non préjudiciable figure dans le document d’information finale additionnel. Il est vrai que ce document ne donne pas d’information sur le volume exact des importations en provenance de Chine en 2005, qui permettrait de vérifier que le pourcentage de 28,26 % correspond à la réalité. Néanmoins, étant donné que, selon la Commission, les 41,5 millions de paires de chaussures représentent 28,26 % de la totalité des importations en provenance de Chine en 2005, il peut en être déduit que ces importations se sont élevées à 146,85 millions de paires de chaussures. Ce calcul a d’ailleurs été repris par la requérante elle-même dans son courrier électronique du 2 août 2006 (voir point 31 ci-dessus).

121    Il résulte des considérations qui précèdent que la Commission a communiqué à la requérante le raisonnement qu’elle a suivi afin de calculer la marge de préjudice en tenant compte d’un volume d’importations non préjudiciable. Elle a aussi exposé l’ensemble des éléments chiffrés qu’elle a estimés comme étant pertinents à cet effet, si bien que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été violés à cet égard.

122    Il y a aussi lieu de souligner que le moyen de la requérante, tel qu’il a été développé dans la requête, est tiré de la violation de ses droits de la défense et non de la violation de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base. Il en résulte que la question de savoir si le système adopté dans le règlement attaqué est compatible avec l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, en ce qu’il imposerait des droits antidumping à des importations inférieures au seuil annuel ayant été considéré comme ne causant pas de préjudice, n’a pas été soumise en tant que telle au contrôle du Tribunal.

123    Quant au délai imparti, les parties s’accordent sur le fait qu’il expirait le 2 août 2006.

124    En accordant à la requérante un délai inférieur à dix jours afin de commenter le document d’information finale additionnel, la Commission a enfreint l’article 20, paragraphe 5, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt Champion Stationery e.a./Conseil, point 109 supra, point 80). Néanmoins, cette circonstance ne saurait, en elle-même, conduire à l’annulation du règlement attaqué. En effet, il faut encore établir que le fait de disposer d’un délai inférieur au délai légal a été de nature à affecter concrètement ses droits de la défense dans le cadre de la procédure en cause (voir, en ce sens, arrêt arrêt du Tribunal du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, Rec. p. II‑3663, point 331).

125    À cet égard, il convient de relever que la requérante a rappelé, dans le cadre de son courrier électronique du 2 août 2006, les calculs de la Commission et qu’elle a présenté un calcul alternatif qui aurait abouti à un résultat différent et, selon elle, équitable. Partant, la requérante a compris le raisonnement de la Commission et a été aussi en mesure de lui proposer une autre approche sans demander une extension du délai imparti. Dans ces conditions, il convient de constater qu’elle a été en mesure de faire valoir utilement son point de vue.

126    Il en résulte que les droits de la défense de la requérante n’ont pas été violés.

127    Par identité de motifs, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante tirée d’un défaut de motivation concernant la méthode mise en œuvre pour le calcul du niveau d’élimination du préjudice. En effet, la motivation du règlement attaqué doit être appréciée en tenant compte notamment des informations qui ont été communiquées à la requérante et des observations qu’elle a soumises durant la procédure administrative (arrêt du Tribunal du 15 décembre 1999, Petrotub et Republica/Conseil, T‑33/98 et T‑34/98, Rec. p. II‑3837, point 107).

128    En l’occurrence, ainsi qu’il a été relevé au point 40 ci-dessus, les considérants 296 à 301 du règlement attaqué contiennent les appréciations ayant amené le Conseil à l’adoption du système finalement mis en œuvre. Par conséquent, eu égard au fait que la Commission a communiqué à la requérante le raisonnement qu’elle a suivi afin de calculer la marge de préjudice en tenant compte d’un volume d’importations non préjudiciable et qu’elle lui a également exposé l’ensemble des éléments chiffrés qu’elle a estimés comme étant pertinents à cet effet (voir points 119 à 121 ci-dessus), il y a lieu de conclure que le règlement attaqué est motivé à suffisance de droit.

129    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation concernant le préjudice subi par l’industrie communautaire

 Arguments des parties

130    La requérante estime que la décision relative au préjudice n’est pas fondée sur une période suffisamment longue d’importations normales et, dès lors, ne repose pas sur des données fiables et objectives. En effet, étant donné que la période d’enquête s’étend du 1er avril 2004 au 31 mars 2005, la Commission aurait acquis la conviction que l’accroissement des importations après l’expiration du régime de contingents a eu un effet préjudiciable particulièrement sensible pour l’industrie communautaire en ne prenant en compte qu’une période de trois mois, à savoir le premier trimestre de 2005. Les indices manifestes de l’existence d’un préjudice important en 2004 auxquels fait référence la Commission au point 277 figurant sous le nouveau titre H du document d’information finale additionnel ne signifieraient pas qu’un préjudice important ait effectivement été occasionné en 2004. L’absence de préjudice important en 2004 serait corroborée par le fait que l’augmentation des importations de cette année a été faible par rapport à 2003 et confirmée par le point 285 du document d’information finale. Contrairement à ce que fait valoir le Conseil, les contingents quantitatifs n’auraient pas pour objet une protection contre des importations faisant l’objet d’un dumping. En outre, l’analyse des facteurs de préjudice pour 2003 ne serait pas pertinente, puisque, comme l’aurait admis la Commission, à cette époque, il n’existait pas de dumping préjudiciable.

131    Or, les trois premiers mois de 2005 constitueraient la période initiale d’ouverture d’un marché soumis pendant plus de douze années à l’application d’un régime de contingents quantitatifs strict. Ainsi que la Commission l’aurait relevé dans le document d’information finale, cette période suivant l’expiration du régime de contingents aurait été artificiellement faussée par des attentes liées à cet événement. Le règlement attaqué serait donc fondé sur des données relatives à une période courte qui ne pouvait pas fournir d’éléments fiables du fait de la levée des contingents. Il en résulterait que le Conseil a violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base.

132    Le Conseil, soutenu par la Commission et la CEC, conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

133    Premièrement, il y a lieu de relever que l’institution de droits antidumping ne constitue pas une sanction d’un comportement antérieur, mais une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping. Ainsi, il est nécessaire de mener l’enquête sur la base d’informations aussi actuelles que possible afin de pouvoir fixer des droits antidumping qui sont propres à protéger l’industrie communautaire contre les pratiques de dumping (arrêt Industrie des poudres sphériques/Conseil, point 111 supra, points 91 et 92, et arrêt du Tribunal du 14 novembre 2006, Nanjing Metalink/Conseil, T‑138/02, Rec. p. II‑4347, point 60).

134    Ainsi, lorsque les institutions constatent que les importations d’un produit assujetti jusqu’alors à des restrictions quantitatives augmentent après l’expiration desdites restrictions, elles peuvent tenir compte de cet accroissement aux fins de leur appréciation du préjudice subi par l’industrie communautaire.

135    Deuxièmement, ainsi que le Conseil le fait observer, l’appréciation de la Commission figurant au point 283 du document d’information finale, selon laquelle le volume des produits importés a augmenté après l’expiration du régime de contingents, ne démontre pas que les institutions se sont fondées uniquement sur cet élément quantitatif pour conclure à l’existence d’un préjudice.

136    Enfin, ainsi qu’il résulte des considérants 162, 168 à 170, 187 à 206 et 216 à 240 du règlement attaqué, les institutions ont pris en compte plusieurs facteurs, concernant le préjudice et le lien de causalité, relatifs non seulement au dernier trimestre de la période d’enquête, mais aussi à la période considérée.

137    Il en résulte que le quatrième moyen doit également être écarté.

138    Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

139    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

140    Conformément à l’article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Commission et la CEC supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foshan City Nanhai Golden Step Industrial Co., Ltd supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3)      La Commission européenne et la Confédération européenne de l’industrie de la chaussure (CEC) supporteront leurs propres dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Dittrich

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mars 2010.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Antécédents du litige et règlement attaqué

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base ainsi que de la violation des droits de la défense s’agissant du calcul de la marge de dumping

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

– Sur la violation alléguée de l’article 2, paragraphe 6, sous c), du règlement de base

– Sur la violation alléguée des droits de la défense

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3 du règlement de base

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 20 du règlement de base, de la violation des droits de la défense et d’un défaut de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation concernant le préjudice subi par l’industrie communautaire

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.