Language of document : ECLI:EU:T:2022:388

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

22 juin 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance – Marque de l’Union européenne verbale BUCANERO – Usage sérieux de la marque – Article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), et article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 – Forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif – Preuve de l’usage sérieux »

Dans l’affaire T‑29/21,

Beveland, SA, établie à Sant Joan les Fonts (Espagne), représentée par Me J. Carbonell Callicó, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Super B, SL, établie à Talavera de la Reina (Espagne), représentée par Me K. Guridi Sedlak, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 5 novembre 2020 (affaire R 1046/2020-5), relative à une procédure de déchéance entre Beveland et Super B,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, T. Perišin (rapporteure) et M. P. Zilgalvis, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 19 février 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 11 octobre 1996, les prédécesseurs en droit de l’intervenante, Super B, SL, ont présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2007, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BUCANERO.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, après la limitation intervenue le 7 janvier 2000, des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent pour chacune de ces classes à la description suivante :

–        classe 32 : « Eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques ; boissons de fruits et jus de fruits ; sirops et autres produits pour préparer des boissons, à l’exception de ceux concernant les bières » ;

–        classe 33 : « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée le 2 février 1998 au Bulletin des marques communautaires no 7/1998. Le 18 décembre 2000, le signe mentionné au point 2 ci-dessus a été enregistré en tant que marque de l’Union européenne sous le numéro 390641.

5        Le 14 janvier 2019, la requérante, Beveland, SA, a déposé une demande en déchéance de la marque enregistrée pour tous les produits susmentionnés. Les motifs de la demande en déchéance étaient ceux visés à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001.

6        Le 22 mai 2019, l’intervenante a présenté des preuves de l’usage de la marque contestée.

7        Par décision du 25 mars 2020, la division d’annulation a prononcé la déchéance partielle de la marque contestée, à compter du 14 janvier 2019. Elle a conclu que l’enregistrement de la marque contestée devait être uniquement maintenu pour les « produits pour préparer des mojitos », relevant de la classe 32, et le « rhum » et les « mojitos », relevant de la classe 33 (ci-après « les produits en cause »).

8        Le 25 mai 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 5 novembre 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que les éléments de preuve fournis par l’intervenante démontraient de manière suffisante l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits mentionnés au point 7 ci-dessus.

10      Premièrement, s’agissant de la période pertinente de cinq ans ayant précédé la date de l’introduction de la demande en déchéance pour laquelle l’usage sérieux de la marque contestée devait être démontré, la chambre de recours a constaté que celle-ci s’étendait du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2019, inclus.

11      Deuxièmement, s’agissant de la nature de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours a souscrit aux conclusions de la division d’annulation en ce qu’elle a réfuté les allégations de la requérante visant à établir que l’usage de la marque contestée en association avec des éléments verbaux supplémentaires avait altéré son caractère distinctif.

12      Troisièmement, s’agissant de l’appréciation des éléments de preuve, la chambre de recours a considéré que ceux-ci étaient suffisants pour prouver le lieu, la durée et la portée de l’usage de la marque contestée, pour les produits en cause  et que cet usage constituait un usage sérieux pour la période pertinente et le territoire pertinent, à savoir l’Espagne.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, en prononçant explicitement la déchéance de la marque contestée pour l’ensemble des produits relevant des classes 32 et 33 pour lesquels elle a été enregistrée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens afférents à la procédure devant le Tribunal et à la procédure de déchéance devant l’EUIPO.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation des articles 18 et 58 du règlement 2017/1001, en ce que la chambre de recours aurait à tort conclu à l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée pour les produits en cause, à savoir les « produits pour préparer des mojitos », relevant de la classe 32, et le « rhum » et les « mojitos », relevant de la classe 33.

16      Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et s’il n’existe pas de justes motifs pour le non-usage.

17      En vertu de l’article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1), applicable aux procédures de déchéance conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement délégué 2018/625, la preuve de l’usage d’une marque doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 97, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

18      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits et des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir arrêt du 31 janvier 2019, Pandalis/EUIPO, C‑194/17 P, EU:C:2019:80, point 83 et jurisprudence citée).

19      Dans l’interprétation de la notion d’usage sérieux, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque contestée doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise, ni même à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 27 et jurisprudence citée].

20      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par ladite marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché ainsi que l’importance et la fréquence de l’usage de cette marque [arrêt du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, EU:T:2004:225, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43].

21      L’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de cette marque sur le marché concerné. Dès lors, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents au cas d’espèce et qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte [arrêt du 8 juillet 2020, Euroapotheca/EUIPO – General Nutrition Investment (GNC LIVE WELL), T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 35].

22      Dans le cadre de l’appréciation des preuves de l’usage sérieux d’une marque, il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque concernée. Il en va ainsi, par exemple, lorsque cet élément vient s’ajouter à d’autres éléments de preuve [voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Inter-Union Technohandel/OHMI – Gumersport Mediterranea de Distribuciones (PROFLEX), T‑278/12, EU:T:2014:1045, points 64 à 69, et du 7 septembre 2016, Victor International/EUIPO – Ovejero Jiménez et Becerra Guibert (VICTOR), T‑204/14, non publié, EU:T:2016:448, point 74].

23      En l’espèce, il y a lieu de relever que, la demande en déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 14 janvier 2019, la période de cinq années visée à l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 s’étendait, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 25 de la décision attaquée, du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2019.

24      Afin d’examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments de preuve suivants, produits par l’intervenante :

–        annexe 1 : des factures pour l’achat d’étiquettes portant, notamment, les mentions « BUCANERO RON AÑEJO 70 CL », « MOJITO BUCANERO », « CONCENTRADO MOJITO BUCANERO », « RON BUCANERO MAR. », « RON BUCANERO DOMINICANO », datées du 21 mai 2014 au 11 juin 2018 (ci-après les « factures d’achat d’étiquettes ») ;

–        annexe 2 : des factures pour la prestation de services de publicité (ci-après les « factures de marketing »). Seules quelques-unes d’entre elles, plus précisément treize, font référence au signe BUCANERO ou au signe MOJITO BUCANERO. Parmi celles-ci, douze datent de la période de référence et une date d’avant cette période (de 2013) ;

–        annexe 3 : des factures pour la vente de produits sous couvert des marques RON BUCANERO DOMINICANO et MOJITO BUCANERO (ci-après les « factures de vente »), ventilées par trimestre et année de la période 2014-2019, adressées à des entreprises distributrices. Dans la description des produits, il est fait référence aux signes RON BUCANERO DOMINICANO, MOJITO BUCANERO et CONCENTRADO MOJITO BUCANERO ;

–        annexe 4 : des images d’étiquettes, des fiches de produit, des catalogues et des images de produits BUCANERO, à savoir de mojitos (cocktail élaboré à base de menthe, de citron vert, de sucre et de rhum), de concentré sans alcool pour mojitos et de rhum vieux (ci-après les « images »). Une partie de ces preuves, comme les catalogues contenant des images de produits, datent de Noël 2014. Il y a également des images du site Internet de Destilerías J. Borrajo montrant des images de produits pour préparer des boissons, des boissons alcooliques et non alcooliques commercialisées sous d’autres marques telles que MULATA, JALISCO, SANZ ou CHARLY’S ;

25      L’argumentation de la requérante revient à critiquer tour à tour chacun des éléments de preuve produits afin de dénoncer leur pertinence ou leur valeur probante en l’espèce. Elle déduit des prétendues lacunes de ceux-ci que la chambre de recours ne s’est pas fondée sur des éléments concrets et objectifs qui prouvaient l’utilisation effective et suffisante de la marque contestée, mais sur des probabilités ou des présomptions, ce qui, dès lors, entacherait d’illégalité l’examen par lequel la chambre de recours a conclu à l’usage sérieux de la marque contestée.

26      Par une telle argumentation, il convient de constater que la requérante tend à réfuter les conclusions de la chambre de recours concernant trois des quatre critères mentionnés au point 17 ci-dessus, à savoir la nature, la durée et l’importance de l’usage de la marque contestée. Ces conclusions doivent donc être vérifiées par le Tribunal.

 Sur la nature de l’usage

27      S’agissant du critère relatif à la nature de l’usage de la marque contestée, la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours par lesquelles elle a estimé que ladite marque avait fait l’objet, premièrement, d’un usage sous la forme enregistrée, deuxièmement, d’un usage pour les produits en cause et, troisièmement, d’un usage public et vers l’extérieur.

 Sur l’usage de la marque sous la forme enregistrée

28      La requérante conteste, en substance, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les variations de l’usage de la marque contestée, telles qu’elles peuvent être constatées parmi les éléments de preuve, n’altèrent pas le caractère distinctif de celle-ci dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

29      D’une part, selon la requérante, cette conclusion s’appliquerait d’emblée à l’usage du signe BUCANERO MOJITO, car celui-ci a fait l’objet d’un enregistrement en tant que marque de l’Union européenne par la titulaire de la marque contestée.

30      D’autre part, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’usage, par la titulaire de la marque contestée, des signes verbaux RON BUCANERO, MOJITOS BUCANERO, BUCANERO RON AÑEJO, RON BUCANERO DOMINICANO et CONCENTRADO DE MOJITO BUCANERO constituait un usage de la marque contestée au sens de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a) du règlement 2017/1001. Dès lors, les éléments de preuve faisant état de l’usage desdits signes verbaux ne sauraient être pertinents aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée. Ainsi, elle estime que devraient être d’emblée exclues les factures d’achat d’étiquettes, les factures de marketing, les factures de vente et les images sur lesquelles figurent de tels signes.

31      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les allégations de la requérante.

32      À titre liminaire, il importe d’établir qu’il résulte de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 que, s’agissant de l’obligation d’usage de la marque de l’Union européenne dans un délai de cinq ans à compter de son enregistrement, constitue également un usage « l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire ».

33      Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêts du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 22 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2016, hyphen/EUIPO – Skylotec (Représentation d’un polygone), T‑146/15, EU:T:2016:469, point 26  et jurisprudence citée].

34      Il y a lieu de préciser que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 vise l’hypothèse selon laquelle, notamment, une marque nationale ou de l’Union européenne enregistrée est utilisée dans le commerce sous une forme légèrement différente par rapport à la forme sous laquelle l’enregistrement a été effectué. Son objet, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en altérer le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée).

35      Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque la forme du signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susmentionnée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 27 et jurisprudence citée).

36      Ainsi, le constat d’une altération du caractère distinctif de la marque enregistrée requiert un examen du caractère distinctif et dominant des éléments ajoutés en se fondant sur les qualités intrinsèques de chacun de ces éléments ainsi que sur la position relative des différents éléments dans la configuration de la marque (voir arrêt du 13 septembre 2016, Représentation d’un polygone, T‑146/15, EU:T:2016:469, point 28 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, il convient de constater que la marque contestée est une marque verbale. Selon la jurisprudence, une marque verbale est une marque constituée exclusivement de lettres, de mots ou d’associations de mots, écrits en caractères d’imprimerie dans une police normale, sans élément graphique spécifique. Par conséquent, la protection qui découle de l’enregistrement d’une marque verbale porte sur le mot indiqué dans la demande d’enregistrement et non pas sur les aspects graphiques ou stylistiques particuliers que cette marque pourrait éventuellement revêtir [voir arrêt du 16 septembre 2013, Müller Boré & Partner/OHMI – Popp e.a. (MBP), T‑338/09, non publié, EU:T:2013:447, point 54 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, il est de jurisprudence constante que la présentation précise d’une telle marque n’a aucune importance. En effet, la représentation concrète d’une marque verbale n’est généralement pas de nature à modifier le caractère distinctif de ladite marque telle qu’enregistrée [voir arrêt du 23 septembre 2015, L’Oréal/OHMI – Cosmética Cabinas (AINHOA), T‑426/13, non publié, EU:T:2015:669, point 28 et jurisprudence citée].

–       Sur l’usage d’un autre signe enregistré en tant que marque

38      La requérante soutient, en substance, que la chambre de recours a erronément tenu compte des éléments de preuve sur lesquels figurait le signe BUCANERO MOJITO du fait de l’enregistrement de celui-ci en tant que marque de l’Union européenne par la titulaire de la marque contestée.

39      En l’espèce, il ressort du point 31 de la décision attaquée que, en application de l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001, la chambre de recours n’a pas exclu prima facie de son appréciation les éléments de preuve produits faisant état de l’usage de la marque BUCANERO MOJITO.

40      À l’instar de l’EUIPO, il convient de constater que l’article 18, paragraphe 1, second alinéa, sous a), du règlement 2017/1001 prévoit expressément que le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d’établir l’usage de celle-ci, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente est elle-même enregistrée en tant que marque (voir arrêt du 18 juillet 2013, Specsavers International Healthcare e.a., C‑252/12, EU:C:2013:497, point 27 et jurisprudence citée).

41      Certes, comme le fait valoir la requérante, il résulte du point 50 de l’arrêt du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE) (T‑194/03, EU:T:2006:65), que la titulaire de la marque contestée ne pourrait « se soustraire à l’obligation qui lui incombe de faire usage de cette marque en invoquant à son bénéfice l’utilisation d’une marque similaire faisant l’objet d’un enregistrement distinct ».

42      Cependant, ainsi que l’intervenante l’observe à juste titre, les circonstances ayant donné lieu à l’arrêt du 23 février 2006, BAINBRIDGE (T‑194/03, EU:T:2006:65), résultaient de l’allégation d’une protection étendue que conférerait l’invocation d’une « famille » ou d’une « série » de marques afin de permettre à son titulaire de s’opposer à l’enregistrement d’une marque. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque la procédure en cause est celle d’une demande en déchéance. En conséquence, la requérante ne saurait utilement se prévaloir de l’arrêt du 23 février 2006, BAINBRIDGE (T‑194/03, EU:T:2006:65, point 50).

43      Force est donc de constater que le fait que le signe BUCANERO MOJITO ait été enregistré par la titulaire de la marque contestée est dépourvu de pertinence aux fins de l’examen de l’usage sérieux de cette dernière.

–       Sur l’usage des variations litigieuses de la marque contestée

44      La requérante soutient, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a tenu compte de l’usage des signes verbaux RON BUCANERO, MOJITOS BUCANEROS, BUCANERO RON AÑEJO, RON BUCANERO DOMINICANO et CONCENTRADO DE MOJITO BUCANERO aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée.

45      Au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, d’une part, que les éléments supplémentaires « ron », « dominicano », « añejo », « mojito », « concentrado de mojito » décrivaient les produits « rhum », « mojito » et « produits pour préparer des mojitos », couverts par la marque contestée. Elle a observé à cette fin que les termes « ron » et « mojito » désignaient directement de tels produits, puisqu’ils faisaient référence au nom d’une boisson alcoolique courante dont l’équivalent dans d’autres langues était connu, en particulier lorsque de tels noms étaient associés à ces boissons. La chambre de recours a estimé également que l’élément « dominicano » renvoyait à un pays communément connu et pourrait être interprété par le public pertinent comme une indication de l’origine géographique des produits concernés et que les éléments « añejo » et « concentrado de mojito » faisaient référence à d’autres caractéristiques, comme l’ancienneté ou les ingrédients des produits « rhum » et « produits pour préparer des mojitos ». Elle a ainsi conclu que les éléments supplémentaires litigieux étaient de nature purement secondaire, parce qu’ils ne permettaient pas, à eux seuls, d’identifier l’origine commerciale des produits en cause.

46      D’autre part, la chambre de recours a estimé que le terme « bucanero » n’était pas un élément décrivant les produits désignés par la marque contestée et qu’il demeurait l’élément verbal dominant des signes en cause, à partir duquel le public pertinent était en mesure de différencier ladite marque d’autres marques sur le marché de référence. Elle a observé que la marque contestée était distinctive pour les produits en cause, notamment du fait de la signification de l’élément « bucanero », qui désignait en espagnol un « pirate qui, aux XVIIe et XVIIIe siècles, se livrait au pillage des possessions espagnoles d’outre-mer ».

47      Ainsi, au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, bien que l’usage de la marque enregistrée variât dans certains éléments de preuve, ce fait n’avait pas d’incidence sur son caractère distinctif.

48      À cet égard, il convient de constater, au vu des éléments de preuve produits par l’intervenante, tels que les factures de vente et les factures d’achat d’étiquettes ainsi que les images, que, d’une part, l’élément « ron » est visible sur des étiquettes destinées à être apposées sur les bouteilles de rhum commercialisées par la titulaire de la marque contestée. D’autre part, les termes « mojito » et « concentrado de mojito » sont également employés sur les bouteilles contenant de tels produits, à savoir, pour le premier, un cocktail élaboré à base de menthe, de citron vert, de sucre, de rhum et de soda et, pour le second, une solution concentrée à laquelle s’ajoute du rhum et du soda afin d’obtenir un mojito. La chambre de recours a donc conclu à juste titre que de tels éléments décrivaient directement les produits en cause et ne pouvaient donc être en mesure d’indiquer leur origine commerciale.

49      Quant aux éléments « dominicano » et « añejo », qui peuvent également être observés sur les étiquettes apposées sur les bouteilles de rhum commercialisées par la titulaire de la marque contestée, la conclusion de la chambre de recours au point 39 de la décision attaquée selon laquelle de tels éléments visent les caractéristiques des produits en cause doit également être approuvée.

50      En effet, le rhum est un alcool produit à partir de cannes à sucre et dont les Caraïbes sont historiquement d’importants producteurs, notamment du fait de la production locale de sucre. En l’occurrence, l’élément « dominicano » est un adjectif renvoyant à la République dominicaine, qui est un pays situé dans les Caraïbes et qui produit traditionnellement du rhum. À l’instar d’autres eaux-de-vie, les arômes du rhum se développent, notamment, en fonction de son vieillissement, ce qui est une caractéristique à laquelle l’élément « añejo » se réfère directement. Dès lors, il convient de constater que les éléments « dominicano » et « añejo » décrivent les caractéristiques du produit en cause et ne sauraient donc indiquer leur origine commerciale.

51      Dès lors, il convient de constater que les appréciations de la chambre ne sont pas entachées d’erreur.

52      Les autres arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause lesdites appréciations.

53      En premier lieu, s’agissant du signe BUCANERO MOJITO, la requérante avance que celui-ci forme un ensemble verbal qui diffère sur les plans visuel et phonétique de la marque contestée.

54      À cet égard, il suffit de constater, d’une part, qu’une telle argumentation se bornant à dénoncer le fait que le signe BUCANERO MOJITO forme un ensemble verbal qui diffère sur les plans visuel et phonétique de la marque contestée n’établit pas à suffisance de droit, notamment au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 32 à 37 ci-dessus, dans quelle mesure la chambre de recours aurait commis une erreur d’appréciation.

55      De même, la requérante renvoie à différentes décisions de la chambre de recours de l’EUIPO dans lesquelles l’usage dans le commerce de la marque contestée a été considéré comme altérant de façon substantielle la forme sous laquelle une telle marque avait été enregistrée.

56      À cet égard, il y a lieu d’établir que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et qu’il n’est pas lié par des décisions antérieures prises dans d’autres affaires. En effet, la légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2017/1001 et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci. En outre, dans le cadre de son contrôle de légalité, le Tribunal n’est pas lié par la pratique décisionnelle de l’EUIPO [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 39 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’une telle argumentation est inopérante.

57      En second lieu, s’agissant du signe BUCANERO DOMINICANO, la requérante allègue que, d’une part, celui-ci forme un ensemble verbal qui diffère sur les plans visuel et phonétique de la marque contestée. D’autre part, la requérante estime que le terme « dominicano » renverrait strictement au terme « bucanero ».

58      À titre liminaire, il y a lieu de constater que ni la décision attaquée ni les éléments de preuve versés au dossier administratif de l’EUIPO ne comportent la mention de l’usage d’un signe limité aux éléments « bucanero dominicano » ou de documents qui feraient état d’un tel usage limité. De tels éléments sont systématiquement employés en association avec le terme « ron », dont il est constant qu’il désigne directement, en espagnol, le produit du même nom.

59      Premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel les termes « bucanero dominicano » forment un ensemble verbal qui diffère sur les plans visuel et phonétique de la marque contestée, il suffit de constater que les arguments avancés à cet égard sont identiques à ceux avancés concernant l’usage du signe BUCANERO MOJITO. Ils doivent ainsi être écartés pour les mêmes motifs que ceux contenus aux points 54 à 56 ci-dessus.

60      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel le terme « dominicano » renverrait strictement au terme « bucanero », la requérante affirme qu’un tel terme supplémentaire altèrerait le caractère distinctif de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée en ce que le terme « dominicano » ne constituerait pas une indication de la provenance géographique des produits en cause, mais plutôt modifierait les qualités intrinsèques de la marque contestée. 

61      À cet égard, tout d’abord, ainsi qu’il résulte du point 58 ci-dessus, par une telle allégation, il y a lieu de comprendre que la requérante estime que, dans le signe RON BUCANERO DOMINICANO, le terme « dominicano » ne serait pas l’adjectif du substantif « ron », mais celui du substantif « bucanero ».

62      Ensuite, il convient de rappeler qu’il a été relevé aux points 49 et 50 ci-dessus que l’emploi du terme « dominicano » en association avec le rhum décrit la provenance géographique de ce produit.

63      Enfin, certes, les factures de vente de ce produit se bornent à faire mention du signe RON BUCANERO DOMINICANO, ce qui, compte tenu de la terminaison de l’adjectif « dominicano », ne permet pas d’établir avec certitude si celui-ci renvoie au terme « ron » ou bien au terme « bucanero ». Cependant, la façon dont le terme « dominicano » est employé lors de la commercialisation du produit « rhum » peut être constatée à partir des images. Particulièrement, les étiquettes qui sont apposées sur celui-ci mentionnent « ron bucanero añejo – ron de la República Dominicana ».

64      Or, dans une telle mention, l’adjectif « Dominicana » renvoie au substantif « República ». Dans ces conditions, force est donc de constater que considérer que, dans l’emploi du signe RON BUCANERO DOMINICANO, le terme « dominicano » renverrait au terme « bucanero » relèverait d’une compréhension erronée, et ce d’autant plus que, en association avec le rhum, le terme « dominicano » renvoie à l’origine dudit produit. Une telle argumentation ne peut donc raisonnablement être soutenue.

65      Partant, il convient de constater que les allégations de la requérante tendant à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours quant à l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée doivent être écartées.

66      Par voie de conséquence, c’est à juste titre que la chambre de recours a inclus dans son examen de l’usage sérieux de la marque contestée les éléments de preuve faisant état des usages des signes RON BUCANERO, MOJITOS BUCANERO, BUCANERO RON AÑEJO, RON BUCANERO DOMINICANO et CONCENTRADO DE MOJITO BUCANERO.

 Sur l’usage pour les produits en cause

67      Il ressort de l’argumentation de la requérante qu’elle conteste la conclusion, énoncée au point 54 de la décision attaquée, selon laquelle la titulaire de la marque contestée a prouvé l’usage sérieux de cette marque pour les produits en cause, à savoir les « produits pour préparer des mojitos », relevant de la classe 32, et le « rhum » et les « mojitos », relevant de la classe 33.

68      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les allégations de la requérante.

69      En l’espèce, la chambre de recours a souscrit aux conclusions de la division d’annulation établissant que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage pour les produits en cause. Au point 53 de la décision attaquée, elle a estimé que, en particulier, « les factures accompagnées d’images et d’étiquettes des différents produits » suffisaient à l’appui de cette conclusion.

70      En premier lieu, la requérante avance que les factures d’achat d’étiquettes qui ont pour objet l’acquisition d’étiquettes sur lesquelles figurent les mentions « mojito bucanero » et « mojitos bucanero » ne pourraient en aucun cas permettre d’établir un usage de la marque contestée pour le produit « rhum », relevant de la classe 33, et qu’elles ne peuvent prouver, tout au plus, que l’usage pour les produits « mojito » et « préparations pour mojito ». Elle fait remarquer que d’autres factures relatives à l’achat d’étiquettes sur lesquelles figurent les mentions « ron bucanero » ou « bucanero ron » ne concernent quant à elles qu’un seul produit, à savoir le rhum. De même, elle estime que les factures de marketing concernant la marque MOJITO BUCANERO ne sauraient attester un usage de la marque contestée. Également, elle fait valoir que les factures de vente ne seraient pas pertinentes aux fins de démontrer la vente du produit « rhum », car aucune ne se limiterait à la mention de l’élément « bucanero ».

71      À cet égard, de telles allégations ne sauraient être retenues, car, d’une part, il résulte des constatations formulées ci-dessus, concernant l’usage de la marque contestée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que sa titulaire commercialise ces trois types de produits sous différentes variations par lesquelles le produit en cause est décrit et que, d’autre part, de telles variations demeurent pertinentes aux fins de l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée. De telles allégations sont donc dépourvues de pertinence et doivent être écartées.

72      En second lieu, la requérante fait valoir, en substance, que certains éléments de preuve sont insuffisants pour démontrer l’usage de la marque contestée pour les produits en cause.

73      Premièrement, s’agissant des factures d’achat d’étiquettes, la requérante soulève qu’aucune d’entre elles ne vise l’acquisition d’étiquettes sur lesquelles figurent les éléments « concentrado mojito » ou « concentrado mojito bucanero » ou d’étiquettes similaires, tandis que la chambre de recours a considéré que de tels produits permettaient de conclure que la marque enregistrée avait fait l’objet d’un usage sérieux pour les « produits pour préparer des mojitos », relevant de la classe 32. S’agissant des factures de vente, la requérante allègue que celles-ci seraient uniquement en mesure de prouver la vente du produit « rhum », relevant de la classe 33, et qu’aucune d’entre elles n’attesterait l’usage de la marque contestée pour les « produits pour préparer des mojitos ».

74      À cet égard, force est de constater que de telles affirmations sont soit dépourvues de pertinence en ce qui concerne les factures d’achat d’étiquettes, soit manquent en fait en ce qui concerne les factures de vente. En effet, ces dernières démontrent, en tout état de cause, de façon régulière tout au long de la période pertinente, de nombreuses ventes de produits « concentrado de mojito bucanero », c’est-à-dire ceux correspondant à la description « produits pour préparer des mojitos » couverte par la marque contestée.

75      Deuxièmement, s’agissant des factures de marketing, la requérante estime que celles-ci ne permettent pas d’établir un usage pour les produits désignés par la marque contestée, car, ainsi qu’il résulterait des allégations de la titulaire de la marque contestée durant la procédure, elles concernent « des produits et services de marketing publicitaire en lien avec l’activité de commercialisation de boissons ».

76      À l’appui d’une telle allégation, la requérante fait tout d’abord remarquer que, parmi les 29 factures de marketing, douze d’entre elles ne font aucune mention de services de marketing en rapport avec la marque contestée. Elles seraient dépourvues de pertinence afin d’établir l’usage de la marque contestée, car certaines portent sur d’autres marques, d’autres concernent la fourniture de services de marketing en général ou d’autres encore ont pour objet des services tels que la « location de haut-parleurs et d’un microphone », le « paiement d’un parking pour la fira de Barcelone » ou la « fourniture d’électricité pour un stand de ladite foire ».

77      Pour ce qui est des 17 autres factures de marketing, la requérante note que la majorité d’entre elles n’indiquent pas à quelles marques elles se réfèrent, car elles porteraient sur des services de marketing et d’impression en général.

78      À cet égard, il suffit de constater qu’il résulte du point 53 de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas établi son examen de l’usage de la marque contestée pour les produits qu’elle désigne au vu de telles factures.

79      Troisièmement, s’agissant des images, la requérante estime que les images des produits en cause sont numérisées ou bien proviennent de pages Internet. Dans ces conditions, elles ne montreraient pas nécessairement les produits tels qu’ils sont effectivement commercialisés. Celles-ci auraient été préparées aux seules fins de contrecarrer la demande en déchéance.

80      À cet égard, il convient de relever que la requérante n’a pas avancé d’arguments concrets permettant de constater que les éléments de preuve numériques ne sont pas authentiques. De plus, outre le fait que les factures de vente font état de l’usage de la marque pour les produits en cause, il convient de constater que les représentations des produits en cause sont corroborées par plusieurs constatations.

81      D’une part, la représentation de la commercialisation des produits est cohérente parmi l’ensemble des éléments de preuve produits sur lesquels peuvent être identifiés les produits en cause ainsi que les étiquettes qui sont apposées dessus, dont des images sont également visibles. D’autre part, les produits en cause sont visibles sur des catalogues ainsi que des pages Internet, des prospectus ou des dépliants. Or, comme il peut être constaté dans les factures de marketing, ces catalogues, pages Internet, prospectus et dépliants ont fait l’objet de plusieurs facturations, durant la période pertinente, dans lesquelles la marque contestée est mentionnée. De même, ainsi qu’il peut être observé dans les factures d’achat d’étiquettes, celles-ci montrent que la titulaire de la marque contestée s’est procuré d’importantes quantités d’étiquettes pour des montants non négligeables, et ce à plusieurs reprises durant la période pertinente. Leur existence corrobore donc l’authenticité des images d’étiquettes et, dès lors, la figuration de la marque contestée sur les produits en cause lors de leur commercialisation.

82      Dès lors, il y a lieu de constater que, conformément au principe d’appréciation globale des éléments de preuve tel qu’énoncé au point 22 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a tenu compte des images et des pages Internet.

83      Eu égard à ce qui précède, il y a donc lieu de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que la marque enregistrée avait fait l’objet d’un usage pour les produits en cause.

 Sur l’usage public et vers l’extérieur

84      En substance, il ressort de l’argumentation de la requérante qu’elle conteste la conclusion énoncée au point 50 de la décision attaquée selon laquelle les éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée établissent que cette marque a fait l’objet d’un usage public et vers l’extérieur.

85      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les allégations de la requérante.

86      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’usage sérieux d’une marque exige que celle-ci soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 15 juillet 2015, Deutsche Rockwool Mineralwoll/OHMI – Recticel (λ), T‑215/13, non publié, EU:T:2015:518, point 21 et jurisprudence citée].

87      L’usage sérieux d’une marque suppose donc une utilisation de celle-ci sur le marché des produits ou des services protégés par cette marque et non seulement au sein de l’entreprise concernée. L’usage de la marque concernée doit porter sur des produits et des services qui sont déjà commercialisés ou dont la commercialisation, préparée par l’entreprise en vue de la conquête d’une clientèle, notamment dans le cadre de campagnes publicitaires, est imminente [arrêts du 3 juillet 2019, Viridis Pharmaceutical/EUIPO, C‑668/17 P, EU:C:2019:557, point 39, et du 14 mars 2017, IR/EUIPO – Pirelli Tyre (popchrono), T‑132/15, non publié, EU:T:2017:162, point 88 ; voir également, par analogie, arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, EU:C:2003:145, point 37].

88      En l’espèce, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que les factures d’étiquettes et de marketing ainsi que les images et photographies devaient être examinées conjointement aux factures de vente de produits afin d’établir l’usage public et extérieur de la marque contestée. Elle a noté que ces dernières faisaient état de grandes quantités de produits en cause vendus, en plus d’une fréquence soutenue des ventes de ces produits tout au long de la période pertinente. Elle en a ainsi conclu que l’ensemble des éléments de preuve produits par la titulaire de la marque contestée établissait que celle-ci avait fait l’objet d’un usage public et vers l’extérieur.

89      À cet égard, il convient d’emblée de constater que les factures de vente font état de la vente d’une quantité importante des produits en cause, et ce de façon constante durant l’ensemble de la période pertinente.

90      Dès lors, la conclusion de la chambre de recours quant à l’usage public et vers l’extérieur de la marque contestée est correcte.

91      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments de la requérante.

92      En premier lieu, la requérante estime que les factures de marketing ne sauraient être pertinentes, car elles feraient état d’une activité de négoce. Il y a lieu de comprendre qu’une telle activité, au contraire d’une activité de détail, ne permettrait pas d’établir l’usage de la marque contestée sur le marché, non seulement du fait que la titulaire de la marque contestée commercialiserait les produits vendus sous couvert de celle-ci parmi une panoplie d’autres produits de marque et du fait qu’elle ne commercialiserait pas les produits en cause auprès des consommateurs finals.

93      À cet égard, il suffit d’établir que l’usage public et vers l’extérieur ne signifie pas qu’il s’agit nécessairement d’un usage orienté vers les consommateurs finals. En effet, l’usage effectif de la marque de l’Union européenne concernée se rapporte au marché sur lequel le titulaire de ladite marque exerce ses activités commerciales et sur lequel il espère exploiter sa marque [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, Recaro/OHMI – Certino Mode (RECARO), T‑524/12, non publié, EU:T:2013:604, point 25].

94      Dès lors, la distinction entre une activité de négoce et une activité de vente au détail qui serait nécessaire, ainsi que la requérante le laisse entendre, afin d’établir si l’intervenante commercialisait les produits concernés auprès des consommateurs finals est inopérante, puisque chacune de ces hypothèses vise, par nature, à acquérir ou à maintenir une position sur le marché de référence. Au demeurant, ainsi qu’il ressort des points 62 et 73 de la décision attaquée, il n’est pas contesté que l’intervenante vend principalement sa production à des fournisseurs, ce qui n’est pas de nature à remettre en cause l’établissement de l’usage sérieux de la marque contestée.

95      En second lieu, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours qui reviendrait à attribuer une valeur probante à des actes qu’elle qualifie de préparatoires que seraient les factures d’achat d’étiquettes, les factures de marketing – que la chambre de recours aurait considérées à tort comme relatives à des campagnes publicitaires – et les images.

96      Particulièrement, s’agissant des factures d’achat d’étiquettes, la requérante estime que, en toute hypothèse, la preuve de l’usage de la marque contestée par leur biais serait dénuée de pertinence afin d’établir son usage sérieux, car de tels éléments de preuve feraient état d’actes préparatoires relatifs à un usage interne de la marque contestée et non à un usage public dans la vie des affaires. Elle estime par voie de conséquence que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que ces factures avaient une valeur probante. Elle note également que, selon les directives d’examen de l’EUIPO, l’impression d’étiquettes ne constitue pas un usage dans la vie des affaires. Ainsi, la requérante allègue que les factures d’achat d’étiquettes ne constituent pas une preuve « valable » permettant d’établir l’usage de la marque contestée sur le marché de référence.

97      À cet égard, d’une part, dans la mesure où la requérante invoque les directives d’examen de l’EUIPO, il convient de rappeler que celles-ci ne constituent pas des actes juridiques contraignants pour l’interprétation des dispositions du droit de l’Union (voir arrêt du 6 juin 2019, Deichmann/EUIPO, C‑223/18 P, non publié, EU:C:2019:471, point 49 et jurisprudence citée). La légalité des décisions de la chambre de recours doit être appréciée uniquement sur la base du règlement 2017/1001, et non sur la base de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO [voir arrêt du 12 mai 2016, Red Lemon/EUIPO – Lidl Stiftung (ABTRONICX2), T‑776/14, non publié, EU:T:2016:291, point 60 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, il résulte  de la jurisprudence que la chambre de recours n’est pas liée par les directives d’examen de l’EUIPO (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2012, OHMI/Nike International, C‑53/11 P, EU:C:2012:27, point 57).

98      Il s’ensuit que l’argumentation de la requérante en ce qu’elle invoque les directives d’examen de l’EUIPO est inopérante et doit donc être écartée.

99      D’autre part, il suffit de constater qu’il ressort des points 48 à 50 de la décision attaquée que la chambre de recours a tenu compte des factures d’achat d’étiquettes et de marketing dans le cadre de son appréciation globale des éléments de preuve. Celles-ci ont été considérées comme pertinentes, car elles corroborent ce qu’attestent les factures de vente en ce qui concerne les produits en cause. Il en va de même s’agissant des images, car celles-ci permettent de représenter la façon dont les produits en cause sont commercialisés. Or, ainsi qu’il ressort des motifs énoncés au point 81 ci-dessus, les factures d’achat d’étiquettes et de marketing attestent à leur tour la représentation, figurant sur lesdites images, des produits en cause lorsque ceux-ci sont commercialisés.

100    Dès lors, indépendamment du fait que les factures d’achat d’étiquettes, les factures de marketing ou les images puissent être qualifiées d’actes préparatoires, conformément au principe d’appréciation globale des éléments de preuve énoncé au point 22 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a tenu compte de tels éléments de preuve afin de conclure à l’usage public et vers l’extérieur de la marque contestée.

 Sur la durée de l’usage

101    La requérante estime, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve fournis permettaient d’établir l’usage de la marque contestée durant la période pertinente.

102    L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

103    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001 n’exige pas un usage continu et ininterrompu de la marque contestée pendant la période pertinente, mais uniquement un usage sérieux au cours de celle-ci [voir arrêt du 3 octobre 2019, 6Minutes Media/EUIPO – ad pepper media International (ADPepper), T‑668/18, non publié, EU:T:2019:719, point 77 et jurisprudence citée].

104    En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 57 de la décision attaquée que, « bien que certains documents produits par la titulaire de la marque [contestée] ne soient, certes, pas datés ou pas datés de la période à prendre en considération, il y a[vait] lieu de souligner que la majorité des factures d’étiquettes et de marketing, (annexes 1 et 2), dat[ai]ent de février 2014 à juin 2018 » et que, « [en outre, les factures de vente (annexe 3) datées du 12 mars 2014 au 14 janvier 2019 permett[ai]ent de conclure que le signe BUCANERO et ses variations [avai]nt été utilisées de manière sérieuse et continue tout au long de la période de référence. »

105    À cet égard, il suffit de constater, à l’instar des motifs énoncés au point 89 ci-dessus, que les factures de vente montrent la commercialisation effective des produits en cause sur l’ensemble de la durée de la période pertinente, dans des volumes importants et avec une fréquence soutenue.

106    Dès lors, la chambre de recours a considéré à juste titre que la marque contestée avait fait l’objet d’un usage sérieux durant la période pertinente.

107    Cette conclusion n’est pas infirmée par les arguments de la requérante.

108    En premier lieu, la requérante affirme que seule une « minorité » des éléments de preuve date de la période pertinente  et que c’est à tort que la chambre de recours aurait affirmé qu’une « majorité » des éléments de preuve était datée et relevait de la période de référence.

109    À cet égard, il suffit d’observer que les factures de vente ont été déterminantes aux fins d’établir l’usage de la marque contestée durant la période pertinente. Certes, la plus éloignée d’entre elles est datée du 2 janvier 2014 et la dernière du 14 janvier 2019. Cependant, force est de constater que la plupart des factures de vente datent de la période pertinente. Leur nombre se compte à plusieurs centaines d’exemplaires et elles constituent clairement la majorité des éléments de preuves. Dès lors, une telle affirmation manque en fait.

110    En second lieu, la requérante conteste la pertinence de certains des éléments de preuve produits compte tenu de leur absence de datation.

111    Premièrement, s’agissant des factures d’achat d’étiquettes, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, formulée au point 57 de la décision attaquée, selon laquelle une majorité d’entre elles daterait de la période pertinente. Particulièrement, elle remarque que les factures relatives à des achats d’étiquettes « concentrado de mojito bucanero » datent du 14 mai 2013 et du 30 juillet 2013, tandis que la période pertinente s’étend du 14 janvier 2014 au 13 janvier 2019.

112    À cet égard, force est de constater qu’une telle affirmation manque en fait, car l’examen des éléments de preuve montre que 17 des 19 factures d’achat d’étiquettes datent de la période pertinente.

113    En effet, seules les deux factures d’achat d’étiquettes sur lesquelles figurent la mention « concentrado de mojito bucanero » ne datent pas de la période pertinente, car elles lui sont antérieures. Cependant, il y a lieu de relever que leur achat s’est effectué à raison de 10 000 unités dans les six à huit mois précédant le début de celle-ci.

114    Or, il résulte de la jurisprudence que la durée de vie commerciale d’un produit s’étendant généralement sur une période donnée et la continuité de l’usage faisant partie des indications à prendre en compte pour établir que l’usage était objectivement destiné à créer ou à conserver une part de marché, les pièces ne relevant pas de la période pertinente, loin d’être dépourvues d’intérêt, doivent être prises en compte et évaluées conjointement avec les autres éléments, car elles peuvent apporter la preuve d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque concernée [voir arrêt du 16 juin 2015, Polytetra/OHMI – EI du Pont de Nemours (POLYTETRAFLON), T‑660/11, EU:T:2015:387, point 54 et jurisprudence citée].

115    Ainsi, la prise en considération de tels éléments de preuve portant sur un usage fait avant ou après la période pertinente est possible, en ce qu’elle permet de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque concernée ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de cette période. Cependant, de tels éléments de preuve ne peuvent être pris en considération que si d’autres éléments de preuve portant, eux, sur la période pertinente ont été produits [voir arrêt du 30 janvier 2020, Grupo Textil Brownie/EUIPO – The Guide Association (BROWNIE), T‑598/18, EU:T:2020:22, point 41 et jurisprudence citée].

116    En l’occurrence, la chambre de recours a constaté à juste titre que la titulaire de la marque contestée avait produit des factures de vente des produits en cause qui attestaient de leur vente dans des quantités importantes et fréquentes durant la période pertinente. Compte tenu de la date et des volumes d’achat d’étiquettes sur lesquelles figure la mention « concentrados de mojitos bucanero », il est au demeurant raisonnable de considérer que celles-ci ont été apposées sur les produits en cause aux fins de leur commercialisation durant la période pertinente.

117    Dès lors, un tel argument étant non fondé, il doit être écarté.

118    Deuxièmement, s’agissant des factures de marketing, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, formulée au point 57 de la décision attaquée, selon laquelle une majorité d’entre elles daterait de la période pertinente.

119    À cet égard, outre le fait que la durée de l’usage de la marque contestée est établie par les factures de ventes, il suffit de constater que l’ensemble des 29 factures de marketing date de la période pertinente, à l’exception de trois qui lui sont antérieures. En outre, parmi ces trois factures antérieures à la période pertinente, deux font état de facturations en vue de la participation de la titulaire de la marque contestée au « salón alimentaria » de 2014 à Barcelone (Espagne), lequel a eu lieu durant la période pertinente. La troisième fait état de l’impression, environ six mois avant le début de la période pertinente, d’une quantité non négligeable de prospectus mentionnant la marque contestée. Force est donc de constater que ces éléments de preuve, mis en relation, particulièrement, avec les factures de vente, permettaient de corroborer l’existence de l’usage de la marque contestée durant la période pertinente. Par conséquent, et ainsi qu’il résulte de la jurisprudence mentionnée aux points 114 et 115 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours ne les a pas exclus de son examen.

120    Troisièmement, s’agissant des images,  la requérante avance que l’ensemble des documents non datés, ou dont la date de diffusion est absente, ne devraient pas être pris en compte par la chambre de recours dans le cadre de son examen, au motif que leur pertinence ferait, dès lors, défaut. Particulièrement, elle dénonce le fait que la majorité des images ne sont pas extraites de catalogues et que celles-ci sont presque toutes dépourvues d’éléments indiquant leur date de publication et de diffusion.

121    Au soutien d’une telle allégation, la requérante fait valoir que les directives d’examen de l’EUIPO précisent, certes, que les preuves de l’usage produites qui ne contiennent pas d’indication de la date de l’usage peuvent, dans le cadre d’une appréciation globale, être pertinentes et prises en considération en combinaison avec d’autres éléments de preuve, mais qu’une telle « possibilité doit être considérée comme limitée aux secteurs du marché dans lesquels les échantillons de produits et de services ne portent pas d’indications de la date (décision du 5 septembre 2001, Palazzo, R 0608/2000-4, point 16) ». La requérante affirme, en conséquence, que le secteur des boissons alcoolisées ne devrait pas bénéficier de cette possibilité, car la présentation et l’étiquetage de ces produits comportent des indications sur la date de conditionnement. Étant donné que de tels produits doivent comporter des indications sur la date de conditionnement, la requérante fait remarquer que la titulaire de la marque contestée aurait dû être en mesure de présenter des images faisant état de la date de commercialisation sur le marché des produits en question, ce que la chambre de recours aurait exclu à tort de son appréciation.

122    À cet égard, tout d’abord, il résulte des motifs énoncés aux points 97 et 98 ci-dessus que ne saurait être retenue l’argumentation de la requérante en ce qu’elle vise les directives d’examen de l’EUIPO.

123    Du reste, il convient de relever que, en l’espèce, outre le fait que les factures de vente suffisent à établir l’usage de la marque contestée durant la période pertinente, la chambre de recours reconnaît, aux points 57 et 68 de la décision attaquée, que certaines des images ne sont pas datées et que, quand bien même celles-ci ne permettent pas à elles seules d’établir l’usage sérieux de la marque contestée, elles doivent néanmoins être prises en compte et évaluées conjointement avec les autres éléments de preuve, car elles peuvent apporter la preuve a posteriori d’une exploitation commerciale réelle et sérieuse de la marque contestée.

124    Au demeurant, ainsi que l’EUIPO le fait valoir, d’une part, des documents non datés peuvent, dans certains cas, être retenus pour établir l’usage d’une marque, pour autant qu’ils permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 16 décembre 2020, H.R. Participations/EUIPO – Hottinger Investment Management (JCE HOTTINGUER), T‑535/19, non publié, EU:T:2020:614, point 46 et jurisprudence citée].

125    D’autre part, c’est la prise en considération de l’ensemble des éléments de preuve soumis à l’appréciation de la chambre de recours qui doit permettre d’établir la preuve de l’usage sérieux de la marque concernée. Notamment, le Tribunal a déjà jugé que les étiquettes et les photographies des produits, des catalogues, du site Internet du titulaire de la marque de l’Union européenne concernée ou de son stand durant une foire alimentaire pouvaient avoir pour but de montrer la gamme de produits pour laquelle ladite marque était utilisée et la façon dont celle-ci apparaissait sur les produits en cause, ce qui ne nécessitait pas qu’elles soient datées [voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2015, Husky CZ/OHMI – Husky of Tostock (HUSKY), T‑287/13, EU:T:2015:99, point 68, et du 8 juillet 2020, GNC LIVE WELL, T‑686/19, non publié, EU:T:2020:320, point 45].

126    En l’occurrence, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 81 ci-dessus, force est de constater que les factures de marketing font état de plusieurs factures mentionnant la marque contestée, aux fins du développement d’un portail Internet de vente et de l’élaboration de catalogues, de prospectus, d’étiquettes et de dépliants. De telles factures, qui datent de la période pertinente, corroborent le fait que les produits en cause étaient commercialisés de façon conforme aux images produites par la titulaire de la marque contestée, et ce, compte tenu de la date desdites factures, durant la période pertinente. Cette constatation est elle-même renforcée par le volume considérable de l’achat d’étiquettes, ainsi que l’attestent les factures d’achat d’étiquettes, durant la période pertinente.

127    De même, s’agissant des images d’un stand, qui a manifestement été conçu à l’occasion d’une foire commerciale, un examen semblable permet d’aboutir à la même conclusion. En effet, il résulte de l’examen des factures de marketing que celles relatives à l’acquisition d’un stand et de divers équipements lors du « salón alimentaria » de 2014 permettent d’établir la date des images litigieuses prises lors de cet évènement. En effet, compte tenu de la cohérence entre les prestations fournies à l’occasion de cette foire et les images y ayant trait, il est raisonnable de considérer que celles-ci sont bien issues du « salón alimentaria » de 2014. En tout état de cause, si tel ne devait pas être le cas, les factures de marketing relatives à la participation au « salón alimentaria » de 2014 ainsi que celles relatives à différentes prestations aux fins de la promotion des produits en cause montreraient que la titulaire de la marque contestée y était présente et y a présenté les produits en cause.

128    Dès lors, les allégations de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours quant à la durée de l’usage de la marque contestée.

 Sur l’importance de l’usage

129    La requérante estime, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a conclu, au point 69 de la décision attaquée, que l’importance de l’usage de la marque contestée avait été suffisante pour que ce dernier soit qualifié de sérieux.

130    L’EUIPO et l’intervenante réfutent une telle allégation.

131    S’agissant de l’appréciation de l’importance de l’usage qui a été fait d’une marque contestée, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle les actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [voir arrêt du 8 novembre 2007, Charlott/OHMI – Charlo (Charlott France Entre Luxe et Tradition), T‑169/06, non publié, EU:T:2007:337, point 36 et jurisprudence citée].

132    En l’espèce, la chambre de recours considère que la titulaire de la marque contestée a démontré, au moyen des factures de vente s’étendant des années 2014 à 2019, la vente de quantités importantes de produits sous couvert de cette marque et un usage continu de ces produits. Elle ajoute que ces éléments ainsi que les autres, tels que les factures d’achat d’étiquettes, les factures de marketing et les images, donnent des informations précieuses permettant de considérer qu’il existe bien suffisamment de preuve de la commercialisation effective desdits produits.

133    À cet égard, il suffit de constater, à l’instar des motifs énoncés aux points 89 et 105 ci-dessus, que les factures de vente démontrent la vente des produits en cause dans des quantités importantes et à une fréquence soutenue durant l’ensemble de la période pertinente. Les factures d’étiquettes ainsi que les images permettent de corroborer l’usage de la marque contestée lors de telles ventes, car il est possible de constater au regard des conditions de commercialisation des produits en cause que la marque contestée figure sur ceux-ci.

134    Dès lors, cette conclusion n’est pas entachée d’erreur d’appréciation.

135    Les arguments de la requérante ne sauraient infirmer les conclusions de la chambre de recours.

136    En premier lieu, s’agissant des factures de marketing, la requérante fait valoir que, lorsque celles-ci mentionnent le terme « bucanero », elle constate que nombre d’entre elles concernent la marque MOJITO BUCANERO. Il en résulterait, par voie de conséquence, dès lors que les factures désignant la marque MOJITO BUCANERO ne seraient pas prises en compte, un « très faible » investissement de la part de l’intervenante dans l’édition et l’impression de matériels pour la marque BUCANERO ainsi qu’un montant d’environ 30 % des factures faisant strictement référence à la marque BUCANERO.

137    À cet égard, il suffit d’observer que, en l’espèce, les factures de vente permettent de constater l’importance de l’usage de la marque contestée. Les factures de marketing sont seulement de nature à corroborer cette constatation. Partant, les allégations de la requérante relatives à ces dernières ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours.

138    Au demeurant, il résulte de la conclusion figurant au point 66 ci-dessus, concernant l’usage de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la prémisse de l’argumentation de la requérante est non fondée. En conséquence, l’allégation selon laquelle le montant d’investissement dans l’édition et l’impression de matériel serait prétendument « très faible » ne saurait prospérer, étant donné qu’elle repose sur une prémisse erronée.

139    En second lieu, la requérante allègue, en s’appuyant sur l’arrêt du 11 mars 2003, Ansul (C‑40/01, EU:C:2003:145, point 43), que la fourniture de la preuve de l’usage était « extrêmement simple », car la marque contestée est destinée à être utilisée dans le secteur des boissons alcoolisées, lesquelles sont vendues via des canaux de grande consommation et à un prix modéré. Ainsi, du fait de telles caractéristiques dans ce secteur, la titulaire de la marque contestée aurait pu démontrer l’usage de celle-ci « de manière évidente et incontestable, en produisant un très grand nombre de factures, de déclarations de distributeurs et de clients, de publicités parues dans les médias, de publications dans les réseaux sociaux, de vidéo sur YouTube, etc. ».

140    À cet égard, il importe de relever, comme il est énoncé au point 22 ci-dessus, qu’il ne s’agit pas d’analyser chacune des preuves de façon isolée, mais conjointement, afin d’en identifier le sens le plus probable et le plus cohérent. Ainsi, même si la valeur probante d’un élément de preuve est limitée, dans la mesure où, pris isolément, il ne démontre pas avec certitude si les produits concernés ont été mis sur le marché et comment ils l’ont été, et si cet élément n’est dès lors pas décisif à lui seul, il peut néanmoins être pris en compte dans l’appréciation globale du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée.

141    Dès lors, à l’instar de l’intervenante, la pertinence de la nature des éléments de preuve, pris individuellement, ne saurait être préjugée en fonction de caractéristiques présupposées du secteur concerné, ni ne doit correspondre à une stratégie publicitaire déterminée. Ce sont, au contraire, les indications que les éléments de preuve dans leur ensemble permettent d’extraire qui doivent être examinées au regard des critères visant à établir l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne, dont les caractéristiques du secteur concerné.

142    De plus, à supposer que les caractéristiques du secteur des boissons alcooliques telles que décrites par la requérante soient avérées, force est de constater que cette question est dépourvue de pertinence en l’espèce. En effet, il suffit de relever, à l’instar de la chambre de recours, le volume, la fréquence et la continuité des ventes que les factures de vente démontrent. Ces indications, qui sont corroborées par les autres éléments de preuve, établissent de manière suffisante que la titulaire de la marque contestée a fait un usage de celle-ci aux fins de créer ou de conserver un débouché pour les produits en cause et que cet usage ne constitue pas un usage à caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.

143    Une telle argumentation n’est donc pas susceptible de remettre en cause les conclusions de la chambre de recours.

144    Il résulte des considérations qui précèdent que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur d’appréciation.

145    Partant, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

147    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Beveland, SA est condamnée aux dépens.

Costeira

Perišin

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.