Language of document : ECLI:EU:T:2022:380

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 juin 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale HYPERCORE – Marque de l’Union européenne figurative antérieure HIPERCOR – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑356/21,

Future Motion, Inc., établie à Santa Cruz, Californie (États-Unis), représentée par Me F.-M. Orou, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Ivanauskas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me J. L. Rivas Zurdo, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 26 avril 2021 (affaire R 1229/2020-1), relative à une procédure d’opposition entre El Corte Inglés et Future Motion,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, présidente, P. Škvařilová‑Pelzl (rapporteure) et M. I. Nõmm, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Future Motion, Inc., demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 avril 2021 (affaire R 1229/2020-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 5 juin 2017, la requérante, Future Motion, Inc., a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1360694. La marque qui a fait l’objet de l’enregistrement international désignant l’Union est la marque verbale Hypercore.

3        Le 17 août 2017, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) a reçu notification de l’enregistrement international désignant l’Union, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

4        Les produits pour lesquels la protection dans l’Union a été demandée relèvent de la classe 12 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Véhicules, à savoir planches à roulettes motorisées électroniques ; moteurs pour planches à roulettes motorisées électroniques ; moteurs électriques pour véhicules terrestres ; moteurs électriques pour véhicules électriques ».

5        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 156/2017, du 18 août 2017.

6        Le 30 novembre 2017, l’intervenante, El Corte Inglés, SA, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés au point 4 ci-dessus.

7        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne figurative no 12185237, reproduite ci-après, déposée le 1er octobre 2013 et enregistrée le 29 janvier 2014 :

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8        La marque antérieure citée au point 7 ci-dessus a été enregistrée pour des services relevant de la classes 35 et correspondant à la description suivante : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; services de vente en gros, au détail et via des réseaux informatiques mondiaux d’appareils et d’instruments électriques, électroniques, scientifiques, nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d’enseignement, d’appareils et d’instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l’accumulation, la régulation ou le contrôle du courant électrique, d’appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction du son ou des images, de supports d’enregistrement magnétiques, de disques acoustiques, d’appareils à prépaiement, d’équipements pour le traitement de l’information, d’ordinateurs, d’appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et d’appareils sanitaires, de vêtements, de chaussures, de chapellerie, de produits alimentaires, de viande, de poisson, de volaille et de gibier, de fruits et de légumes conservés, congelés, séchés et cuits, d’œufs, de lait et de produits laitiers, d’huiles et de graisses comestibles, de café, de thé, de cacao, de sucre, de riz, de tapioca, de sagou, de pâtisserie et de confiserie, de glaces comestibles, de miel, de sel, de vinaigre, de sauces (condiments), de produits agricoles, horticoles et forestiers, d’animaux vivants, de fruits et de légumes frais, de semences, de plantes et de fleurs naturelles, d’aliments pour animaux, de malt, de bières, d’eaux minérales et gazeuses et d’autres boissons non alcooliques, de jus de fruits, de sirops et d’autres préparations pour faire des boissons, de boissons alcoolisées ».

9        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

10      Par décision du 17 avril 2020, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité au motif que, d’une part, les produits et les services visés par les marques en conflit étaient différents, de sorte que l’une des conditions nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 n’était pas remplie en l’espèce, et, d’autre part, l’intervenante n’avait pas démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

11      Le 16 juin 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

12      Par décision du 26 avril 2021 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours introduit devant elle par l’intervenante, annulé la décision de la division d’opposition, refusé la désignation de l’Union dans l’enregistrement international no 1360694 pour tous les produits visés au point 4 ci-dessus et condamné la requérante aux dépens devant l’EUIPO.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

14      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le droit applicable ratione temporis

15      Conformément à l’article 3, paragraphe 4, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989, la date à laquelle l’enregistrement international désignant l’Union est obtenu correspond à la date d’introduction, auprès de l’office qui en a été saisi, de la demande d’enregistrement de la marque dont la protection est recherchée sur tout le territoire des parties à l’arrangement de Madrid.

16      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement international désignant l’Union, à savoir le 5 juin 2017 (voir point 2 ci-dessus), qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable [voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2021, Zoom/EUIPO – Facetec (ZOOM), T‑204/20, non publié, EU:T:2021:391, point 17 et jurisprudence citée, et du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEØGRAPHICAL NØRWAY), T‑458/20, non publié, EU:T:2021:543, points 1 et 13 et jurisprudence citée], les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié.

17      Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, notamment l’article 94, paragraphe 1, dudit règlement.

18      Par suite, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que modifié, qui est d’une teneur identique.

 Sur le fond

19      À l’appui de son recours, la requérante soulève des moyens tirés, en substance, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que modifié, en ce que, dans la décision attaquée, la chambre de recours aurait violé l’obligation de motivation qui lui incombait ainsi que son droit d’être entendue et aurait conclu à tort, dans les circonstances de l’espèce, à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Ces moyens sont articulés en trois branches, tirées, la première, d’une appréciation erronée de la similitude des produits et des services visés par les marques en conflit, la deuxième, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit de la requérante d’être entendue ainsi que, à titre subsidiaire, d’une appréciation erronée concernant la similitude des marques en conflit et, la troisième, d’une violation de l’obligation de motivation et du droit de la requérante d’être entendue et, à titre subsidiaire, d’une appréciation erronée concernant le degré de caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que les facteurs interdépendants à prendre en compte pour l’analyse globale du risque de confusion.

20      L’EUIPO et l’intervenante concluent au rejet des trois branches des moyens et, partant, du recours pris dans son ensemble.

21      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que modifié, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

22      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a de ces marques et de ces produits ou services, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude desdites marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

23      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que modifié, un risque de confusion présuppose, à la fois, une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

24      En l’espèce, les parties au présent litige ne contestent pas les appréciations de la chambre de recours, dans la décision attaquée, d’où il ressort, implicitement ou expressément, que, d’une part, le territoire pertinent est celui de l’Union et, d’autre part, le public pertinent est constitué du grand public, dont le niveau d’attention sera supérieur à la moyenne lors de l’achat des produits et des services spécifiquement pris en compte par la chambre de recours (voir point 31 ci-après) (ci-après les « produits et services en cause »). Ces appréciations étant fondées, le Tribunal peut les confirmer et en tenir compte aux fins de l’examen des trois branches des moyens.

25      Aux fins de l’examen de la première branche, tirée d’une appréciation erronée de la similitude existant entre les produits et les services en cause, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services désignés par les marques en conflit, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

26      Dans certaines circonstances, une similitude peut être constatée entre des produits et des services [voir arrêt du 20 janvier 2021, Apologistics/EUIPO – Peikert (discount-apotheke.de), T‑844/19, non publié, EU:T:2021:25, point 39 et jurisprudence citée].

27      En particulier, il a déjà été jugé que, quand bien même les produits et les services qui devaient être comparés différaient quant à leur nature, à leur destination et à leur utilisation, ceux-ci pouvaient néanmoins être considérés comme présentant un certain degré de similitude lorsque les produits concernés étaient identiques à ceux sur lesquels portaient les services concernés ou lorsque les produits et les services concernés pouvaient être proposés dans les mêmes points de vente et empruntaient les mêmes canaux de distribution ou encore lorsqu’il existait un lien de complémentarité entre les produits et les services concernés (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2021, discount-apotheke.de, T‑844/19, non publié, EU:T:2021:25, points 44 à 48 et jurisprudence citée).

28      À ce dernier égard, il a notamment été précisé que les produits ou les services complémentaires étaient ceux entre lesquels il existait un lien étroit, en ce sens que l’un était indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs pouvaient penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombait à la même entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée). Cela impliquait que les produits ou les services complémentaires fussent susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présupposait qu’ils s’adressassent au même public (arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 58).

29      En l’espèce, il ressort du point 24 de la décision attaquée que, d’une part, la chambre de recours a interprété les termes « à savoir » figurant dans la liste des produits visés par la demande de protection, telle que citée au point 4 ci-dessus, en ce sens que celle-ci n’incluait pas tous types de véhicules, mais uniquement les « planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs pour planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs électriques pour véhicules terrestres » et les « moteurs électriques pour véhicules électriques ». Cette interprétation, qui, au demeurant, n’est pas contestée par les parties au présent litige, apparaît fondée et il n’y a pas lieu, en l’espèce, de la remettre en cause.

30      D’autre part, la chambre de recours s’est limitée à constater que tous les produits visés par la demande de marque étaient similaires, à un faible degré, aux « services de vente au détail d’appareils et d’instruments pour l’accumulation du courant électrique », relevant de la classe 35, qui figuraient dans la liste des services couverts par la marque antérieure (voir point 8 ci-dessus).

31      Il résulte de ce qui précède que le présent recours et, en particulier, sa première branche ne peuvent valablement porter que sur la comparaison, par la chambre de recours, des « planches à roulettes motorisées électroniques », des « moteurs pour planches à roulettes motorisées électroniques », des « moteurs électriques pour véhicules terrestres » et des « moteurs électriques pour véhicules électriques », visés par la demande de marque, et des « services de vente au détail d’appareils et d’instruments pour l’accumulation du courant électrique », couverts par la marque antérieure.

32      Selon l’analyse effectuée par la chambre de recours aux points 15 à 24 de la décision attaquée, les produits et les services en cause étaient similaires, à un faible degré, dans la mesure où les appareils et les instruments pour l’accumulation du courant électrique, sur lesquels portaient les services de vente au détail visés par la marque antérieure, incluaient nécessairement les batteries (en particulier de type rechargeable) et les accumulateurs. Or, les produits en cause auraient normalement été équipés de batteries rechargeables et remplaçables, qui pouvaient être achetées et remplacées par leurs utilisateurs et étaient disponibles dans les mêmes points de vente, car, contrairement à ce qu’avait considéré la division d’opposition, il ne s’agissait pas de produits hautement spécialisés. Par conséquent, il se serait agi de produits complémentaires, qui se seraient adressés au même public, qui auraient pu provenir des mêmes entreprises ou d’entreprises liées et qui auraient emprunté les mêmes canaux de distribution. Les produits et les services en cause auraient donc, eux-mêmes, été disponibles dans les mêmes points de vente et, en substance, se seraient adressés au même public. Conformément à la jurisprudence et à la pratique antérieure des chambres de recours, ces produits et services auraient donc dû être considérés comme présentant un certain degré de similitude.

33      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir constaté, dans la décision attaquée, que les produits et les services en cause étaient différents.

34      D’une part, selon la requérante, la chambre de recours aurait dû tenir compte de ce que, conformément à la jurisprudence [arrêt du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, EU:T:2008:399, point 55], pour que des produits et des services puissent être considérés comme étant similaires, il faut que les produits soient similaires aux produits sur lesquels portent les services. Or, les appareils et les instruments pour l’accumulation du courant électrique, en particulier les batteries rechargeables, couverts par les services en cause, même s’ils constitueraient des pièces de rechange pour les produits en cause, ne seraient pas similaires à ces derniers.

35      D’autre part, la requérante estime que la chambre de recours a conclu de manière erronée à l’existence d’une complémentarité entre les produits et les services en cause. Conformément à la jurisprudence (arrêt du 24 septembre 2008, O STORE, T‑116/06, EU:T:2008:399, points 52 à 54), celle-ci aurait dû établir que le rapport entre les services et les produits concernés était caractérisé par un lien étroit, en ce sens que ces produits étaient indispensables ou, à tout le moins, importants pour le déploiement de ces services, ces derniers étant précisément fournis à l’occasion de la vente desdits produits.

36      L’EUIPO et l’intervenante réfutent les arguments de la requérante et concluent au rejet de la première branche, au motif que la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation, dans la décision attaquée, concernant la comparaison des produits et des services en cause.

37      D’une part, contrairement à ce que prétendrait la requérante, il pourrait exister une similitude entre un produit fini et ses pièces détachées ou de rechange. La jurisprudence citée par la requérante n’exclurait pas la possibilité de constater une telle similitude. Cela serait notamment possible lorsque tous les produits en cause partageraient des facteurs pertinents pour leur comparaison, notamment lorsque leurs producteurs, leurs vendeurs et leurs acheteurs pourraient être les mêmes. En outre, il existerait une complémentarité entre ces produits lorsque le composant concerné serait nécessaire à la bonne utilisation du produit final ou lorsque ce même composant ne pourrait remplir sa fonction sans être intégré dans le produit final. De même, selon la jurisprudence, des services de vente au détail de pièces détachées ou de rechange pourraient être considérés comme étant similaires aux produits finis incluant ces pièces [arrêt du 26 mars 2020, Alcar Aktiebolag/EUIPO – Alcar Holding (alcar.se), T‑77/19, non publié, EU:T:2020:126, point 41].

38      D’autre part, il existerait bien, en l’espèce, une complémentarité entre les services de vente au détail des appareils et des instruments pour l’accumulation du courant électrique visés par la marque antérieure et les planches à roulettes motorisées électroniques et leurs moteurs visés par la marque demandée, qui sont équipés de batteries rechargeables. En effet, il existerait un lien étroit entre les services et les produits en cause, dans la mesure où les produits sur lesquels porteraient les services en cause seraient de même nature que les batteries rechargeables constituant un composant indispensable des produits en cause. Les premiers seraient donc complémentaires des secondes, au sens de la jurisprudence (arrêt du 24 septembre 2008, O STORE, T‑116/06, EU:T:2008:399, point 52). De plus, tous ces produits pourraient être achetés dans les mêmes points de vente, en tant que produits finis et pièces détachées ou de rechange, s’adresser au même public, provenir des mêmes fabricants ou de fabricants liés et partager les mêmes canaux de distribution. Dans ces circonstances, la chambre de recours pouvait à bon droit constater, dans la décision attaquée, l’existence d’un faible degré de similitude entre les produits visés par la marque demandée et les services de vente au détail des appareils et des instruments pour l’accumulation du courant électrique visés par la marque antérieure.

39      À cet égard, il y a lieu d’observer que, au point 24 de la décision litigieuse, la chambre de recours n’a pas prétendu que les produits sur lesquels portaient les services en cause, à savoir les appareils et les instruments pour l’accumulation du courant électrique, notamment les batteries rechargeables, étaient identiques aux produits en cause, à savoir les « planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs pour planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs électriques pour véhicules terrestres » et les « moteurs électriques pour véhicules électriques ». En outre, si elle a indiqué que les produits sur lesquels portaient les services en cause étaient complémentaires des produits en cause, elle n’a pas expressément constaté que tel était également le cas des produits et des services en cause. En pratique, la chambre de recours s’est bornée à constater que les produits et les services en cause étaient proposés dans les mêmes points de vente et, en substance, s’adressaient au même public, après avoir observé que les produits sur lesquels portaient les services en cause étaient complémentaires des produits en cause, s’adressaient au même public, pouvaient provenir des mêmes entreprises ou d’entreprises liées et partageaient les mêmes canaux de distribution.

40      Dans le cadre de l’examen de la première branche, il importe donc de vérifier si ces dernières constatations de la chambre de recours étaient ou non justifiées.

41      Dans ce cadre, il y a lieu d’observer que, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les « planches à roulettes motorisées électroniques » ainsi que, plus généralement, tous les véhicules terrestres électriques sont équipés d’un moteur électrique, dont le rôle est de convertir de l’énergie électrique en énergie mécanique, afin de propulser le véhicule, et d’un appareil ou d’un instrument pour l’accumulation de l’électricité de type « batterie », qui alimente ce moteur en énergie électrique. En principe, le moteur et la batterie électriques sont également associés à des éléments électroniques, qui régulent l’alimentation du moteur en électricité ainsi que l’utilisation et la recharge de la batterie. En outre, c’est à juste titre que la chambre de recours a observé que, d’une part, les batteries qui équipaient les « planches à roulettes motorisées électroniques » ainsi que, plus généralement, tous les véhicules terrestres électriques étaient, en principe, de type rechargeable et remplaçable et que, d’autre part, lesdites batteries et les moteurs qu’elles alimentaient en électricité n’étaient pas de nature hautement spécialisée, de sorte qu’ils pouvaient être achetés et remplacés directement par les utilisateurs des véhicules électriques qui en étaient équipés et étaient disponibles, en tant que pièces détachées, de rechange ou de secours, dans les mêmes points de vente que ceux où étaient proposés lesdits véhicules.

42      Cependant, il importe de souligner que les batteries de type rechargeable produites en tant que pièces détachées, de rechange ou de secours pour des planches à roulettes motorisées électroniques déterminées sont des produits accessoires, dont l’unique usage est d’assurer le fonctionnement du véhicule terrestre électrique dans la composition ou la structure duquel elles entrent et duquel elles sont strictement complémentaires. Ces batteries sont généralement produites soit directement par le producteur des planches à roulettes motorisées électroniques dont elles forment une partie intégrante, soit par une entreprise qui lui est étroitement liée. Elles s’adressent à un public déterminé, constitué des producteurs et des acheteurs des planches à roulettes motorisées électroniques auxquelles ces batteries sont destinées à être incorporées. Les services de vente au détail de ce type de batteries sont étroitement liés aux services de vente et de conseil ou aux services après-vente portant sur des planches à roulettes motorisées électroniques spécifiques.

43      Par conséquent, les batteries de type rechargeable destinées, en tant que pièces détachées, de rechange ou de secours, à être incorporées à des planches à roulettes motorisées électroniques déterminées et les services portant sur ces batteries se distinguent des appareils et des instruments pour l’accumulation du courant électrique, sur lesquels portent les services visés par la marque antérieure. Ces derniers constituent plutôt des produits à part entière, qui sont destinés à faire fonctionner, de manière indifférenciée, tout type d’appareils électriques et peuvent ainsi servir à de multiples usages.

44      Contrairement aux batteries de type rechargeable conçues en tant que pièces détachées, de rechange ou de secours, ces produits standards sont disponibles dans tous les types de commerces et s’adressent à un ensemble, large et indéterminé, de consommateurs professionnels ou issus du grand public. Les services de vente au détail des appareils et des instruments pour l’accumulation du courant électrique visés par la marque antérieure ne peuvent donc pas être considérés comme portant sur des produits identiques à ceux visés par la marque demandée, comme étant proposés dans les mêmes points de vente ou comme empruntant les mêmes canaux de distribution, au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus. De même, ces services, dès lors qu’ils ne sont pas étroitement liés au fonctionnement d’un appareil électrique déterminé, entretiennent un lien trop lâche avec les appareils électriques en général et, a fortiori, les appareils électriques spécifiques visés par la marque demandée pour qu’un rapport de complémentarité, au sens de la jurisprudence rappelée au point 28 ci-dessus, puisse être constaté en l’espèce.

45      Partant, c’est à tort que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les services en cause, à savoir les « services de vente au détail d’appareils et d’instruments pour l’accumulation du courant électrique », étaient proposés dans les mêmes points de vente et, en substance, s’adressaient au même public que les produits en cause, à savoir les « planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs pour planches à roulettes motorisées électroniques », les « moteurs électriques pour véhicules terrestres » et les « moteurs électriques pour véhicules électriques ».

46      C’est donc également à tort, au vu de la jurisprudence citée aux points 27 et 28 ci-dessus, que la chambre de recours a conclu que ces produits et services présentaient un certain degré de similitude, fût-il faible, alors que les services en cause portaient sur une catégorie de produits distincts des produits en cause et qui n’entretenaient pas, avec ces derniers, un lien étroit de complémentarité, de sorte que le public pertinent n’aurait pas été incité à penser que les services et les produits en cause pouvaient avoir une origine commerciale commune.

47      Il s’ensuit que l’appréciation de la chambre de recours, au point 24 la décision attaquée, selon laquelle les produits et les services en cause étaient similaires à un faible degré est entachée d’une erreur qui vicie intégralement cette décision, dans la mesure où, en l’absence de celle-ci, la chambre de recours aurait dû constater que les produits et les services en cause étaient différents, de sorte que l’une des conditions nécessaires pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel que modifié, faisait défaut.

48      Ainsi, il y a lieu d’accueillir la première branche et, sans qu’il soit besoin d’examiner les deuxième et troisième branches, de faire droit au recours en annulant la décision attaquée.

 Sur les dépens

49      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

50      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

51      En application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 26 avril 2021 (affaire R 1229/2020-1) est annulée.

2)      L’EUIPO est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Future Motion, Inc.

3)      El Corte Inglés, SA supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.