Language of document : ECLI:EU:T:2022:403

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 juin 2022 (*)

« Culture – Programme ‟Europe créativeˮ (2014 à 2020) – Sous-programme ‟Médiaˮ – Appel à propositions EACEA/05/2018 – Décision de l’EACEA rejetant la candidature de la requérante pour non-respect des conditions d’éligibilité – Décision de la Commission rejetant le recours administratif relatif à la décision de l’EACEA – Notion d’entreprise européenne – Subvention ouverte uniquement aux candidats détenus, directement ou par participation majoritaire, par des ressortissants des États membres de l’Union ou par des ressortissants des autres pays européens participant au sous-programme – Erreurs d’appréciation – Défaut d’examen des documents annexés à la proposition – Proportionnalité » 

Dans l’affaire T‑641/20,

Leonine Distribution GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me J. Kreile, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. W. Farrell et Mme A. Katsimerou, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA), représentée par MM. H. Monet, N. Sbrilli et Mme V. Kasparian, en qualité d’agents,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Leonine distribution GmbH, demande l’annulation de la décision d’exécution C(2020) 5515 final de la Commission, du 10 août 2020, rejetant le recours administratif introduit, au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement (CE) no 58/2003 du Conseil, du 19 décembre 2002, portant statut des agences exécutives chargées de certaines tâches relatives à la gestion de programmes communautaires (JO 2003, L 11, p. 1), contre la décision de l’Agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) du 12 mai 2020 rejetant sa demande de subvention présentée dans le cadre de l’appel à propositions « Soutien à la distribution de films non nationaux – Système d’aide automatique à la distribution » (EACEA/05/2018) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société de droit allemand, qui exerce ses activités dans le secteur de la distribution d’œuvres cinématographiques.

3        En vertu de la décision d’exécution 2013/776/UE de la Commission, du 18 décembre 2013, instituant l’EACEA et abrogeant la décision 2009/336/CE (JO 2013, L 343, p. 46), l’EACEA a pour mission de gérer les programmes de l’Union européenne dans les domaines de l’éducation, de l’audiovisuel et de la culture.

4        Agissant sous le contrôle de la Commission européenne, l’EACEA intervient dans le respect du règlement no 58/2003.

5        Dans le cadre de la mise en œuvre des programmes européens, la Commission a confié à l’EACEA certaines tâches de gestion du programme « Europe créative », mis en place par le règlement (UE) no 1295/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2013, établissant le programme « Europe créative » (2014 à 2020) et abrogeant les décisions no 1718/2006/CE, no 1855/2006/CE et no 1041/2009/CE (JO 2013, L 347, p. 221).

6        Le programme « Europe créative » est un programme de soutien au secteur culturel et créatif au sein de l’Union. Il comprend, en particulier, le sous-programme « Média », lequel a été confié à l’EACEA pour le compte de la Commission.

7        Dans le cadre du sous-programme « Média », l’EACEA a publié, le 12 juin 2018, l’appel à propositions EACEA/05/2018 : « Soutien à la distribution de films non nationaux – Système d’aide automatique à la distribution » (ci-après l’« appel à propositions litigieux »).

8        Le 5 novembre 2018, la requérante a présenté sa candidature dans le cadre de l’appel à propositions litigieux.

9        L’appel à propositions litigieux était accompagné de lignes directrices prises sur le fondement du règlement no 1295/2013 (ci-après les « lignes directrices »). Le point 6.1 des lignes directrices définit les critères d’éligibilité des candidats au financement. Ces derniers doivent, en particulier, être des « entreprises européennes » au sens de ces dispositions.

10      Le 20 mai 2019, l’EACEA a informé la requérante qu’elle avait été sélectionnée pour l’octroi d’une subvention dans le cadre de l’appel à propositions litigieux.

11      Le 25 juin 2019, soit avant la signature de la convention de subvention, la requérante a informé l’EACEA d’un changement dans la composition et la structure de son actionnariat. Elle a apporté, le jour suivant, des précisions quant au transfert de propriété qui avait été réalisé.

12      Le 16 juillet 2019, l’EACEA a demandé à la requérante des informations complémentaires concernant la nationalité, les noms et le pourcentage d’actions détenues par ses différents actionnaires.

13      Par décision du 14 août 2019, l’EACEA, après avoir reçu la réponse de la requérante à la demande d’informations complémentaires, a refusé de lui octroyer la subvention et a indiqué que la candidature n’était pas admissible en raison du transfert de propriété de la requérante (ci-après la « décision du 14 août 2019 »).

14      L’EACEA a considéré que l’examen de la structure de l’actionnariat de la requérante permettait de constater que celle-ci, de manière indirecte, était détenue, au final, par un actionnaire majoritaire, KKR European Fund IV L.P., établi aux Îles Caïmans, lui-même détenu directement par KKR & Co. Inc., entité établie aux États-Unis.

15      L’EACEA en a conclu que la majorité des actions au capital de la requérante était détenue par une entité qui n’était pas ressortissante d’un État membre de l’Union ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média ». Dans ces conditions, elle a considéré que la requérante ne pouvait pas être regardée comme une « entreprise européenne », au sens du point 6.1 des lignes directrices. En conséquence, elle a estimé que la requérante ne remplissait pas les critères d’éligibilité posés par cette disposition et a rejeté la demande de financement.

16      Le 16 septembre 2019, la requérante a demandé à l’EACEA un réexamen de la décision du 14 août 2019.

17      Le 6 février 2020, l’EACEA a retiré la décision du 14 août 2019 et invité la requérante à faire valoir ses observations.

18      Par la décision du 12 mai 2020, après avoir recueilli les observations de la requérante, l’EACEA a estimé, au vu des éléments fournis, que la majorité des actions au capital de la requérante était détenue, au final, par KKR European Fund IV, qui ne pouvait être regardé comme une « entreprise européenne » au sens du point 6.1 des lignes directrices. Elle a souligné que la requérante n’avait pas fourni d’informations suffisantes pour apprécier la structure de son actionnariat, ni précisé, en particulier, la nationalité de l’ensemble de ses actionnaires et le pourcentage d’actions détenues par chacun d’entre eux. Elle a conclu que la requérante ne remplissait pas les critères d’éligibilité posés par cette disposition et a confirmé son refus initial de lui accorder la subvention sollicitée.

19      Le 12 juin 2020, la requérante a introduit auprès de la Commission un recours administratif tendant au contrôle de la légalité de la décision de l’EACEA du 12 mai 2020 au titre de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 58/2003.

20      Par la décision attaquée, et après avoir recueilli les observations de la requérante, la Commission a rejeté le recours administratif visé au point 19 ci-dessus et a confirmé la légalité de la décision de l’EACEA du 12 mai 2020.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

23      L’EACEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris à ceux exposés par la partie intervenante.

 En droit

24      La requérante soulève, en substance, quatre moyens à l’appui du recours.

25      Le premier moyen est tiré de l’erreur de droit que la Commission a commise dans la définition de la notion d’« entreprise européenne » au sens du point 6.1 des lignes directrices. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur d’appréciation que la Commission a commise dans l’application au cas d’espèce dudit point. Le troisième moyen est tiré d’un défaut d’examen. Le quatrième et dernier moyen est tiré de la méconnaissance par la Commission du principe de proportionnalité.

26      La Commission, soutenue par l’EACEA, considère que l’ensemble des moyens de la requérante doivent être rejetés.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit dans l’interprétation de la notion d’entreprise européenne au sens du point 6.1 des lignes directrices

27      La requérante soutient que la Commission a interprété de manière erronée la notion d’entreprise européenne au sens du point 6.1 des lignes directrices, relatif aux critères d’éligibilité des candidats au financement.

28      La requérante estime, en premier lieu, et en substance, que seule la participation directe, qu’elle soit totale ou majoritaire, des actionnaires au capital de la société candidate est pertinente pour apprécier son éligibilité au financement prévue par l’appel à propositions litigieux. En particulier, la notion de participation majoritaire prévue au point 6.1 des lignes directrices ne saurait être interprétée comme renvoyant à celle de participation indirecte au capital de la société candidate pour apprécier son éligibilité au sens de ces dispositions.

29      En second lieu, la requérante observe que le point 6.1 des lignes directrices ne prévoit aucune règle portant sur la façon dont il conviendrait de déterminer la « nationalité » d’une entreprise et soutient que l’expression « entreprise européenne » qui y figure doit donc être interprétée comme désignant une entreprise qui, d’une part, a été établie en Europe ou dans un pays européen participant au sous-programme « Média », y est enregistrée, y a sa direction et y exerce ses activités et, d’autre part, distribue des œuvres audiovisuelles européennes et des films européens en Europe.

30      La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’ensemble des arguments de la requérante.

 Observations liminaires

31      Il convient d’observer que le considérant 1 du règlement no 1295/2013 rappelle que le traité FUE donne pour mission à l’Union de contribuer à l’épanouissement des cultures des États membres dans le respect de leur diversité nationale et régionale, tout en veillant à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées.

32      Dans ce cadre, le règlement no 1295/2013 établit, conformément à ses articles 1er et 2, « un programme intitulé “Europe créative” en faveur des secteurs culturels et créatifs européens […] mis en œuvre pour la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 31 décembre 2020 ».

33      Les objectifs généraux du programme « Europe créative » sont, conformément à l’article 3 du règlement no 1295/2013, d’une part, de « sauvegarder, développer et promouvoir la diversité culturelle et linguistique européenne et promouvoir le patrimoine culturel de l’Europe » et, d’autre part, de « renforcer la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens, notamment celle du secteur audiovisuel, en vue de favoriser une croissance intelligente, durable et inclusive ».

34      Conformément à l’article 4 du règlement no 1295/2013, les objectifs spécifiques assignés au programme « Europe créative » consistent à soutenir la capacité des secteurs culturels et créatifs à opérer à l’échelle transnationale et internationale, à promouvoir la circulation transnationale des œuvres culturelles et créatives, à renforcer de manière durable la capacité financière des petites et moyennes entreprises et des micro, petites et moyennes organisations dans les secteurs culturels et créatifs et à favoriser l’élaboration des politiques, l’innovation, la créativité, le développement des publics ainsi que la création de nouveaux modèles commerciaux et de gestion.

35      Conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement no 1295/2013, le programme « Europe créative » reconnaît « la valeur intrinsèque et économique de la culture » et soutient, à cette fin, « les actions et les activités présentant une valeur ajoutée européenne dans les secteurs culturels et créatifs ».

36      Le programme « Europe créative », ainsi qu’il a été précisé au point 6 ci-dessus, contient un sous-programme « Média », prévu à l’article 6, sous b), du règlement no 1295/2013. Il est ouvert à la participation des États membres, conformément à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. Sont également admis à y participer d’autres pays européens, limitativement énumérés au paragraphe 3 dudit article, à condition que ces pays « versent des crédits supplémentaires et, en ce qui concerne le sous-programme “Média”, qu’ils remplissent les conditions énoncées dans la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil ».

37      L’article 9 du règlement no 1295/2013 définit les priorités du sous-programme « Média ». Ces priorités concernent, d’une part, le domaine du renforcement des capacités du secteur audiovisuel européen à opérer au niveau transnational et, d’autre part, celui de la promotion de la circulation transnationale.

38      L’ensemble des actions financées par le programme « Europe créative » bénéficient, en général, de subventions, dont l’utilisation est réglementée par l’article 22 du règlement no 1295/2013, lequel renvoie au règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1).

39      Ainsi, conformément à l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 1295/2013, « la Commission met en œuvre le programme “Europe créative” conformément au règlement [no 966/2012] ». Le paragraphe 2 dudit article prévoit, dans ce cadre, que cette institution « adopte, par voie d’actes d’exécution, un programme de travail annuel concernant les sous-programmes » et précise que, « [e]n ce qui concerne les subventions, le programme de travail annuel établit les priorités, les critères d’éligibilité, de sélection et d’octroi, ainsi que le taux de cofinancement maximal ».

40      À cet égard, l’annexe à la décision d’exécution C(2017)6002 de la Commission, du 6 septembre 2017, relative à l’adoption du programme de travail annuel 2018 pour la mise en œuvre du programme « Europe créative », telle que modifiée par la décision d’exécution C(2018)2290 de la Commission, du 23 avril 2018 (ci-après l’« annexe au programme de travail annuel 2018 »), souligne, dans sa première partie, consacrée aux objectifs et au cadre politique dudit programme, le double objectif, tant sociétal qu’économique, assigné à ce dernier, lequel contribue aux priorités politiques de la Commission, notamment en ce qui concerne les emplois, la croissance, l’investissement et le marché unique numérique.

41      L’annexe au programme de travail annuel 2018 indique, dans sa seconde partie, relative à la mise en œuvre du programme « Europe créative », que les appels à propositions adoptés dans ce cadre sont financés, en particulier, au titre de la ligne budgétaire intitulée « Renforcement de la capacité financière des [petites et moyennes entreprises] et des organisations dans les secteurs de la culture et de la création européennes ».

42      L’annexe au programme de travail annuel 2018 rappelle que certaines actions de gestion du programme « Europe créative », ainsi qu’il a été précisé au point 5 ci-dessus, ont été déléguées à l’EACEA. Elle précise, à ce titre, que les appels à propositions gérés par l’EACEA font référence aux lignes directrices du programme « Europe créative ». Elle indique que les lignes directrices « fournissent des informations détaillées sur les procédures d’application et de sélection, les critères et les autres modalités relatives aux appels à propositions et visent à aider les intéressés à développer des projets ou à recevoir un soutien financier au titre du programme ainsi qu’à les aider à comprendre ses objectifs et les actions qu’il soutient ».

43      Dans ce cadre, l’appel à propositions litigieux dispose, au point 2, relatif aux critères d’éligibilité des candidats, que « [l]es candidats doivent être des distributeurs de films/de cinéma européens [et] doivent être établis dans l’un des pays qui participent au sous-programme “Média” et détenus, directement ou par une participation majoritaire, par des ressortissants de ces pays ». Il précise que sont, en particulier, éligibles à ce titre, sous certaines conditions, « les États membres de l’Union européenne ainsi que les pays et territoires d’outre-mer qui sont éligibles à participer au programme conformément à l’article 58 de la décision 2001/822/CE du Conseil ».

44      À cet égard, le point 6, relatif aux critères d’éligibilité, des lignes directrices précise ce qui suit : 

« 6. CRITÈRES D’ÉLIGIBILITÉ

Les candidatures qui respectent les critères suivants feront l’objet d’une évaluation approfondie.

6.1. Candidats éligibles

Les candidats doivent être des entreprises européennes de distribution cinématographique/en salles.

Entreprise européenne :

Entreprise détenue, soit directement, soit par participation majoritaire (c’est-à-dire la majorité des actions), par des ressortissants des États membres de l’Union […] ou par des ressortissants des autres pays européens participant au sous-programme “Média”, et enregistrée dans l’un de ces pays.

[…] »

45      Enfin, la section C.3 du formulaire électronique au moyen duquel le dossier de candidature doit être présenté, conformément au point 5 des lignes directrices (ci-après le « formulaire de candidature »), précise que, « [s]i certains actionnaires du candidat sont des entreprises, [celui-ci doit] communiquer à l’[EACEA] le nom de leurs actionnaires et indiquer précisément, sur une fiche explicative, les informations demandées pour prouver que l’entreprise est détenue, directement ou par participation majoritaire, par des citoyens des États membres de l’Union […] (ou par des citoyens d’autres États participant au programme “Média”) et établie dans ces pays ».

 Sur le bien-fondé du moyen

46      Il y a lieu, dans un premier temps, de définir la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, puis, dans un second temps, d’apprécier, au regard de cette définition, la légalité des motifs de la décision attaquée, compte tenu des arguments soulevés par la requérante.

47      Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, lors de l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci et des objectifs qu’elle poursuit, mais également de son contexte ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit de l’Union [voir arrêt du 11 mars 2020, X (Recouvrement de droits additionnels à l’importation), C‑160/18, EU:C:2020:190, point 34 et jurisprudence citée].

48      En l’espèce, s’agissant, tout d’abord, des termes de la disposition en cause, il ressort clairement du libellé du point 6.1 des lignes directrices, lu à la lumière de la section C.3 du formulaire de candidature, que, pour être éligible au financement prévu dans le cadre de l’appel à propositions litigieux, une entreprise doit, d’une part, être détenue par des ressortissants, à savoir des citoyens (c’est-à-dire des personnes physiques), originaires des États membres de l’Union ou des autres pays européens participant au sous-programme « Média », et, d’autre part, être enregistrée ou établie dans l’un de ces pays.

49      Dès lors, indépendamment des modalités concernant la détention du capital de l’entreprise éligible, que ce capital soit détenu directement ou par participation majoritaire, au sens du point 6.1 des lignes directrices, une entreprise ne saurait être éligible qu’à la condition expresse d’être détenue par une ou plusieurs personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États ou de l’un des pays cités au point 48 ci-dessus.

50      À cet égard, contrairement à ce que fait valoir, en substance, la requérante, la notion d’entreprise détenue au sens du point 6.1 des lignes directrices ne saurait être regardée comme impliquant qu’une telle entreprise fût « contrôlée » dans la gestion de ses activités quotidiennes par un ou plusieurs ressortissants, au sens de cette disposition. Le libellé dudit point ne renvoie expressément qu’à la notion de participation dans les modalités de détention du capital de l’entreprise européenne.

51      Le point 6.1 des lignes directrices ne saurait ainsi être interprété, en l’absence de toute référence expresse en ce sens, comme renvoyant également à la notion de contrôle, alors que le droit de l’Union opère une distinction essentielle entre cette notion et la notion de participation dans la mesure où, conformément au règlement (CE) no 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO 2004, L 24, p. 1), le contrôle sur une entreprise peut être exercé par un actionnaire qui détiendrait moins de la majorité des actions au capital de cette même entreprise.

52      En outre, la requérante n’apporte, en l’espèce, aucun élément de nature à établir, ainsi qu’elle le soutient, que « la question de savoir si et dans quelle mesure d’autres sociétés ou actionnaires peuvent exercer un contrôle sur la société candidate doit également constituer un aspect déterminant ».

53      Dans la mesure où le libellé du point 6.1 des lignes directrices prévoit, expressément, que la notion de participation majoritaire au capital de l’entreprise candidate renvoie à la détention de la majorité des actions de cette entreprise, une telle hypothèse sera remplie, a fortiori, dans le cas où la participation majoritaire, au sens de cette disposition, conduirait à la détention de la totalité des actions de cette même entreprise.

54      S’agissant, ensuite, de la finalité des lignes directrices, il y a lieu de rappeler qu’elles ont été prises sur le fondement du règlement no 1295/2013, ainsi qu’il ressort du point 1 de ces dispositions, et qu’elles répondent aux objectifs du sous-programme « Média » dans le domaine de la promotion de la circulation transnationale, repris au point 2.1 desdites dispositions, par un soutien apporté à la distribution cinématographique et à la mise en œuvre d’activités transnationales de marketing, de valorisation des marques, de distribution et de projection d’œuvres audiovisuelles.

55      À ce titre, conformément au point 2.2 des lignes directrices, le système d’aide automatique à la distribution de films, visé dans l’appel à propositions litigieux, a pour objet d’encourager et de soutenir la distribution transnationale la plus large possible de films européens récents en fournissant des fonds aux distributeurs, en vue d’un nouvel investissement dans la promotion et la distribution des films ainsi soutenus. Ce système vise, également, à encourager le développement des liens entre les secteurs de la production et de la distribution améliorant ainsi la compétitivité des entreprises européennes.

56      S’agissant, enfin, du contexte dans lequel le point 6.1 des lignes directrices s’inscrit, il convient de relever que la section C.3 du formulaire de candidature, visé au point 5 desdites dispositions, prévoit, ainsi qu’il a été constaté au point 45 ci-dessus, expressément, l’hypothèse dans laquelle pourra être reconnue éligible au financement une entreprise détenue de manière indirecte par une pluralité d’entreprises actionnaires, puisque, dans ce cas, ledit formulaire exige que le candidat transmette les informations demandées pour prouver que l’entreprise est détenue, directement ou par participation majoritaire, par des citoyens des États membres de l’Union ou des autres États participant au sous-programme « Média ».

57      Dans ces conditions, compte tenu des termes du point 6.1 des lignes directrices, de l’objectif du système d’aide automatique de soutien à la distribution transnationale la plus large possible de films européens et du contexte dans lequel ladite disposition s’insère, il convient d’interpréter la notion d’entreprise européenne, au sens de cette disposition, comme se référant à une entreprise dont la majorité ou la totalité des actions est détenue par une ou plusieurs personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États ou de l’un des pays mentionnés audit point, soit que cette ou ces personnes physiques détiennent directement le capital de ladite entreprise, lorsque aucun niveau d’actionnariat n’existe entre cette ou ces personnes physiques et l’entreprise concernée, soit que celle-là ou celles-ci y participent de manière indirecte à travers une pluralité d’entreprises actionnaires.

58      Dans ce cadre, la subvention accordée au titre de l’appel à propositions litigieux ouvert en application du sous-programme « Média » bénéficie, de la manière la plus large possible, aux entreprises détenues par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant audit sous-programme, de sorte que l’Union, conformément à la mission qui lui est confiée par le traité FUE, reprise au considérant 1 du règlement no 1295/2013, et rappelée au point 31 ci-dessus, veille notamment à assurer les conditions nécessaires à la compétitivité de son industrie.

59      Une telle interprétation répond, contrairement à ce que soutient la requérante, aux objectifs tant généraux que spécifiques, fixés par le règlement no 1295/2013, en vertu desquels le programme « Europe créative » vise, en particulier, ainsi qu’il résulte des points 33 et 34 ci-dessus, à renforcer la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens, à travers le renforcement durable de la capacité financière des entreprises présentes dans ces mêmes secteurs.

60      Les arguments de la requérante ne remettent pas en cause cette interprétation.

61      Premièrement, une entreprise « détenue par participation majoritaire », au sens du point 6.1 des lignes directrices, ne saurait se confondre avec une entreprise « détenue par participation directe majoritaire », sauf à méconnaître la portée de cette disposition.

62      De même, la notion d’entreprise détenue directement, au sens du point 6.1 des lignes directrices, ne saurait être interprétée en ce sens que, lorsque l’entreprise candidate est détenue directement par une ou plusieurs autres entreprises, cette entreprise candidate puisse être regardée, pour l’application de cette disposition, comme détenue directement par une ou plusieurs personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média ». Il en est ainsi dans la mesure où une personne physique ne saurait se confondre juridiquement avec une entreprise, laquelle peut constituer une personne morale distincte des personnes physiques qui la composent.

63      Au demeurant, alors que le règlement no 1295/2013 reconnaît expressément, en son article 5, rappelé au point 35 ci-dessus, la valeur économique de la culture, l’interprétation de la requérante conduirait potentiellement à faire financer, au titre d’un programme de l’Union, et sur une ligne budgétaire, ainsi qu’il ressort du point 41 ci-dessus, dédiée au renforcement de la capacité financière des entreprises dans les secteurs de la culture et de la création européennes, des actions et des activités ne présentant pas de valeur ajoutée européenne dans les secteurs culturels et créatifs, en faisant bénéficier des profits générés par de telles activités les actionnaires finals d’entreprises qui n’auraient la nationalité ni de l’un des États membres de l’Union, ni de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média ».

64      L’interprétation de la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, proposée par la requérante remettrait donc en cause la finalité même du programme de travail annuel 2018, telle qu’elle a été exposée au point 40 ci-dessus, qui est de contribuer aux priorités politiques de la Commission en ce qui concerne l’emploi, la croissance, l’investissement dans les secteurs culturels et créatifs européens, et son application affaiblirait la position concurrentielle des entreprises européennes et la capacité pour l’Union d’atteindre l’objectif du système d’aide automatique, qui est de fournir, ainsi qu’il a été rappelé au point 55 ci-dessus, des fonds aux distributeurs, en vue d’un nouvel investissement dans la promotion et la distribution de films européens.

65      En conséquence, la Commission a pu estimer sans erreur de droit, au point 77 de la décision attaquée, que, au regard de l’objectif général du programme « Europe créative », « les bénéfices générés par les activités liées aux actions financées dans le cadre du programme ne p[o]uv[ai]ent pas profiter directement aux actionnaires finals de pays tiers ou de pays tiers ne participant pas au sous-programme “Média”, car cela affaiblirait finalement la compétitivité des secteurs européens et créatifs ».

66      Deuxièmement, contrairement, à ce que prétend la requérante à cet égard, l’utilisation par l’entreprise bénéficiaire des subventions accordées, au titre de l’appel à propositions litigieux, dans le cadre du sous-programme « Média », laquelle se rapporte aux conditions d’éligibilité des actions susceptibles d’être financées à ce titre, telles qu’elles sont définies, en particulier, au point 6.2 des lignes directrices, est sans incidence sur l’appréciation, et pour l’application, des critères d’éligibilité qui se rapportent aux candidats, lesquels relèvent du point 6.1 de ces dispositions.

67      Dès lors, la circonstance qu’une telle entreprise utiliserait la subvention reçue conformément aux priorités du sous-programme « Média » fixées par l’article 9, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1295/2013 est inopérante pour apprécier si une entreprise remplit les conditions fixées au point 6.1 des lignes directrices, et si elle peut être regardée comme une « entreprise européenne », au sens de cette disposition.

68      Ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, les lignes directrices établissent les priorités du sous-programme « Média » dans le domaine de la promotion de la circulation transnationale. Ces priorités consistent, d’une part, à « soutenir la distribution cinématographique par des activités transnationales de marketing, de valorisation des marques, de distribution et de projection d’œuvres audiovisuelles » et, d’autre part, à « promouvoir la commercialisation, la valorisation des marques et la distribution transnationales d’œuvres audiovisuelles sur toutes les autres plateformes non cinématographiques ».

69      Si de telles priorités, telles qu’elles ont été rappelées aux points 54 et 55 ci-dessus, sont prises en compte dans l’interprétation du point 6.1 des lignes directrices, notamment pour en assurer une mise en œuvre la plus large possible, ainsi qu’il a été indiqué au point 58 ci-dessus, une telle interprétation, ainsi qu’il ressort du point 57 ci-dessus, ne saurait aller au-delà du libellé même de ces dispositions.

70      Le fait qu’une entreprise contribuerait, conformément à l’article 9, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement no 1295/2013, à « soutenir la distribution d’œuvres audiovisuelles européennes et de films européens et, en particulier, la distribution transfrontalière de films en Europe », ne permet ainsi d’apprécier ni si une telle entreprise est détenue par une personne physique ayant la nationalité d’un État membre de l’Union ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média », ni si une telle entreprise est établie ou enregistrée dans l’un de ces États ou l’un de ces pays.

71      Troisièmement, est en conséquence inopérant l’argument de la requérante selon lequel l’objectif assigné au sous-programme « Média », ainsi qu’il a été défini au point 70 ci-dessus, de « soutien à la distribution d’œuvres audiovisuelles européennes et de films européens », doit être interprété à la lumière des objectifs généraux et spécifiques du programme « Europe créative » définis à l’article 3, sous a), du règlement no 1295/2013 et à l’article 4, sous a) à c), du même règlement.

72      En tout état de cause, il ne saurait être déduit des objectifs assignés au programme « Europe créative », tels qu’ils sont repris aux articles dont se prévaut la requérante, et rappelés aux points 33 et 34 ci-dessus, que la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, doit être interprétée comme désignant une société enregistrée dans un État membre de l’Union ou dans un pays participant au sous-programme « Média » qui y aurait « sa direction de la création et y exerce[rait] ses activités et […] distribue[rait] des œuvres audiovisuelles européennes et des films européens en Europe (et probablement dans le monde entier) ».

73      Quatrièmement, même à supposer que l’interprétation prônée par la requérante fût de surcroît conforme à l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2010/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mars 2010, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels ») (JO 2010, L 95, p. 1), une telle circonstance serait inopérante pour apprécier la notion d’entreprise européenne au sens du point 6.1 des lignes directrices. Ni cette disposition ni aucune disposition du règlement no 1295/2013 sur le fondement duquel ces lignes directrices ont été prises ne renvoient à ladite directive pour définir ladite notion. En outre, la requérante n’apporte aucun élément pertinent pour démontrer que la décision attaquée, en ce qu’elle fait application dudit point, aurait dû tenir compte de cette directive.

74      À cet égard, l’article 2, paragraphe 3, de la directive « Services de médias audiovisuels » concerne les conditions pour qu’un fournisseur de services de médias soit considéré comme établi dans un État membre, c’est-à-dire les conditions d’établissement de ce fournisseur. Il ne saurait donc être retenu, en tout état de cause, et indépendamment de son champ d’application, pour interpréter la première condition posée par le point 6.1 des lignes directrices qui ne concerne pas le lieu d’établissement d’une entreprise européenne, mais la nationalité de ses détenteurs.

75      Cinquièmement, est également inopérant le grief de la requérante selon lequel la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, telle qu’elle est retenue par la Commission, contredit la notion d’œuvre européenne reprise dans le règlement no 1295/2013, en ce que cette notion d’entreprise européenne doit être interprétée au regard de la définition qui en est donnée à l’article 1er, paragraphe 1, sous n), de la directive « Services de médias audiovisuels », lu conjointement avec l’article 1er, paragraphe 3, de cette directive. Il en est de même de l’argument de la requérante selon lequel l’interprétation de cette dernière notion doit, en substance, tenir compte de l’objectif, poursuivi également par le règlement no 1295/2013, visant à protéger l’industrie cinématographique européenne, tel qu’il serait défini à l’article 16, paragraphe 1, de ladite directive.

76      D’une part, l’article 1er, paragraphe 1, sous n), de la directive « Services de médias audiovisuels » définit la notion d’œuvre européenne comme comprenant, notamment, « les œuvres originaires d’États membres » et « les œuvres originaires d’États tiers européens parties à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe et répondant aux conditions visées au paragraphe 3 ».

77      L’article 1er, paragraphe 3, de la directive « Services de médias audiovisuels » dispose ce qui suit :

« Les œuvres visées au paragraphe 1, [sous] n), […] sont des œuvres qui sont réalisées essentiellement avec le concours d’auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs des États visés dans ces dispositions et qui répondent à l’une des trois conditions suivantes :

i)      elles sont réalisées par un ou des producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États ;

ii)      la production de ces œuvres est supervisée et effectivement contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États ;

iii)      la contribution des coproducteurs de ces États est majoritaire dans le coût total de la coproduction, et celle-ci n’est pas contrôlée par un ou plusieurs producteurs établis en dehors de ces États. » 

78      Ainsi, la circonstance, invoquée par la requérante, qu’il découlerait de l’article 1er, paragraphe 3, de la directive « Services de médias audiovisuels » que « l’origine des individus impliqués et l’emplacement des sociétés de production » seraient déterminants dans la définition d’une œuvre européenne ne saurait, en tout état de cause, faire obstacle à la prise en compte, pour la définition d’une entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, de la structure de l’actionnariat d’une telle entreprise, alors que de telles dispositions de ladite directive n’ont ni pour objet ni pour effet de définir la nationalité des actionnaires de ces entreprises produisant ou distribuant des œuvres européennes au sens de ladite directive, ni les modalités de détention du capital de ces mêmes entreprises.

79      D’autre part, l’article 16, paragraphe 1, de la directive « Services de médias audiovisuels » dispose, quant à lui, que « [l]es États membres veillent chaque fois que cela est réalisable et par des moyens appropriés, à ce que les organismes de radiodiffusion télévisuelle réservent à des œuvres européennes une proportion majoritaire de leur temps de diffusion ». En tout état de cause, dans l’hypothèse même où un tel objectif serait également poursuivi et mis en œuvre, s’agissant des œuvres audiovisuelles, en particulier cinématographiques, par le règlement no 1295/2013, dans le cadre du programme « Europe créative », un tel objectif, qui concerne seulement la diffusion des œuvres européennes, ne saurait permettre, à lui seul, ni de définir la notion d’œuvre européenne en tant que telle, ni, a fortiori, d’établir que « la directive et le règlement ne p[ourraient] qu’être fondés sur une notion uniforme d’œuvre ».

80      À cet égard, la circonstance que la Commission, dans son rapport d’évaluation intermédiaire du programme « Europe créative » pour les années 2014 à 2020, adressé au Parlement européen et au Conseil, aurait souligné que le sous-programme « Média » « soutiendra[it] le renforcement de la promotion des œuvres européennes prévu par la directive ‟Services de médias audiovisuelsˮ » ne saurait non plus suffire pour établir que la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, devait tenir compte de celle d’œuvre européenne, au sens de cette directive.

81      Au demeurant, une entreprise ne saurait se confondre avec les produits ou les œuvres que celle-ci serait susceptible de produire ou de distribuer. La circonstance que les œuvres distribuées ou produites par une entreprise seraient réalisées par des « travailleurs résidant dans un ou plusieurs [États membres de l’Union ou un ou plusieurs États tiers européens, parties à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe] et […] par un ou des producteurs établis dans un ou plusieurs de ces États » ne saurait établir, à l’évidence, que le ou les détenteurs de cette même entreprise seraient des personnes physiques ayant la nationalité d’un État membre de l’Union ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média ».

82      Dès lors, la requérante n’est pas fondée à se prévaloir de la directive « Services de médias audiovisuels » pour soutenir que la notion d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, devrait être interprétée comme renvoyant « uniquement à la propriété directe, autrement dit à la participation directe des actionnaires ».

83      En conséquence, c’est sans erreur de droit que la Commission a pu considérer, ainsi qu’il ressort du point 80 de la décision attaquée, qu’une entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, devait être « considérée comme “détenue directement” par des ressortissants d’un État membre ou par des ressortissants d’un pays participant au sous-programme « Média » dans une situation où les actionnaires ultimes de l’entreprise dét[enaien]t directement [cette] entreprise, sans participation intermédiaire entre eux et [ladite] entreprise, alors qu’une entreprise [étai]t considérée comme étant “détenue à la majorité” dans une situation où les actionnaires au niveau ultime de la participation, c’est-à-dire les actionnaires qui la dét[enaien]t finalement, le f[aisaie]nt par l’intermédiaire d’un ou de plusieurs niveaux d’actionnaires intermédiaires ».

84      Compte tenu de tout ce qui précède, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation dans l’application au cas d’espèce du point 6.1 des lignes directrices

85      La requérante articule le présent moyen en trois branches. Elle soutient, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait être regardée comme « détenue directement », au sens du point 6.1 des lignes directrices, par Leonine Holding GmbH.

86      La Commission, soutenue par l’EACEA, considère que la présente branche doit être écartée.

87      En l’espèce, il ressort du dossier, notamment de l’annexe A.8 de la requête, que KKR European Fund IV détient 67,3 % du capital de KKR Show Aggregator L.P., lui-même détenant 93,2 % du capital de SHOW TopCo SCA, lequel détenant à son tour, directement et par le biais de sociétés intermédiaires, 96,5 % du capital de SHOW Holding SCA.

88      SHOW Holding détient 100 % du capital de Show German HoldCo GmbH, qui détient 100 % du capital de Show German AcquiCo GmbH, actuellement Leonine Holding.

89      Leonine Holding détient 100 % du capital de la requérante.

90      Il résulte ainsi de la structure capitalistique de la requérante, d’une part, que celle-ci est détenue par une chaîne d’entreprises actionnaires, d’autre part, compte tenu du taux de participation de chaque entreprise intermédiaire au capital de la suivante au sein de la chaîne d’actionnariat, telle qu’elle est décrite aux points 87 à 89 ci-dessus, que KKR European Fund IV détient, au final, par le biais desdites entreprises intermédiaires, au nombre desquelles fait partie, en dernier lieu, Leonine Holding, 60,5 % du capital de la requérante, soit la majorité des actions.

91      La requérante n’est donc pas détenue directement par des personnes physiques ayant la nationalité d’un État membre de l’Union ou d’un autre pays européen participant au sous-programme « Média » et Leonine Holding n’est ni son actionnaire majoritaire final, ni son seul actionnaire.

92      En outre, il ne ressort pas du dossier, et la requérante n’allègue pas, que les actionnaires de Leonine Holding seraient des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant au financement du sous-programme « Média ».

93      Enfin, est sans incidence, pour l’application du point 6.1 des lignes directrices, la circonstance que Leonine Holding exercerait le « contrôle stratégique, opérationnel et éditorial » sur la requérante. Il ressort, en effet, du point 50 ci-dessus, que le libellé de cette disposition ne renvoie expressément qu’à la notion de participation dans les modalités de détention du capital de l’entreprise candidate et qu’elle ne saurait être interprétée, en l’absence de toute référence expresse en ce sens, et compte tenu du droit de l’Union applicable, ainsi qu’il a été précisé au point 51 ci-dessus, comme renvoyant, également, à la notion de contrôle invoquée par la requérante.

94      Dans ces conditions, compte tenu de la définition d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, ainsi qu’elle est reprise au point 57 ci-dessus, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle devait être regardée, pour l’application de ces dispositions, comme détenue directement par Leonine Holding.

95      La requérante soutient, en deuxième lieu, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en estimant qu’elle ne pouvait, en substance, être regardée comme « détenue par participation majoritaire » par KKR European Fund IV, son actionnaire final, pour l’application du point 6.1 des lignes directrices.

96      La Commission, soutenue par l’EACEA, considère que la présente branche doit être écartée.

97      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon le point 5 des lignes directrices, relatif aux « Exigences en matière d’éligibilité », les dossiers de candidature déposés dans le cadre de l’appel à propositions litigieux doivent être présentés au moyen du formulaire de candidature, lequel est disponible sur l’internet à l’adresse indiquée au point 14.3 de ces lignes directrices. Ce dernier point précise que « [l]es candidats devront veiller à ce que tous les documents demandés et mentionnés dans le formulaire [de candidature] y soient joints ».

98      La section C.3, intitulée « Actionnariat », du formulaire de candidature présente un tableau destiné à présenter la structure de l’actionnariat du candidat, en précisant, pour chaque actionnaire, le nom, la nationalité ainsi que le pourcentage détenu au capital de la société candidate.

99      La section C.3 du formulaire de candidature précise que, « [s]i les informations fournies ne sont pas suffisantes, le distributeur peut être considéré comme inéligible ».

100    Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que l’EACEA doit être en mesure de se prononcer en toute connaissance de cause sur les circonstances démontrant la conformité aux critères d’éligibilité.

101    Une information aussi complète et adaptée que possible de l’EACEA est, en effet, la seule compatible avec le principe de bonne gestion financière et de contrôle de l’utilisation des moyens budgétaires de l’Union aux fins prévues. Une information incomplète ou erronée fournie par le demandeur ne saurait ainsi conduire l’EACEA à recommander à la Commission le financement de la distribution d’un film, alors qu’il existerait un doute sur la question de savoir si le distributeur satisfait aux conditions posées par la réglementation applicable (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, Italian International Film/EACEA, T‑676/13, EU:T:2016:62, point 63).

102    En l’espèce, la requérante a déclaré, dans le formulaire de candidature, être détenue à 100 % par une société allemande dénommée RTL Television GmbH.

103    Après le changement intervenu dans la structure de son actionnariat, relevé au point 11 ci-dessus, la requérante a communiqué à l’EACEA un aperçu des différentes participations à son capital, tel qu’il est présenté à l’annexe A.8 de la requête. Elle a, également, transmis un extrait de son inscription au registre du commerce, ainsi qu’un document intitulé « Note explicative portant sur l’acquisition d’Universum/Leonine Distribution », tel qu’il est reproduit dans l’annexe A.9 de la requête. Elle précise, à cet égard, que cette note « décri[t] l’exercice d’un contrôle éditorial, stratégique et opérationnel par Show German AcquiCo Gmbh [devenue Leonine Holding] ainsi que la poursuite de l’engagement d’Universum [devenue la requérante elle-même] dans la distribution de films européens ».

104    Ainsi qu’il a été précisé au point 12 ci-dessus, l’EACEA a demandé des informations complémentaires à la requérante par un courriel du 16 juillet 2019. Ces informations devaient lui permettre d’établir la structure de l’actionnariat de la requérante, et de savoir si celle-ci était « détenue directement ou par participation majoritaire par des ressortissants de pays participant au sous-programme “Média” ». À cette fin, l’EACEA invitait la requérante à fournir un « document officiel, daté et signé par [son] représentant légal […], énumérant les actionnaires, leur nationalité et le pourcentage d’actions ». Elle soulignait qu’une telle demande d’informations concernait également « toute entreprise figurant sur la liste des actionnaires » ainsi que, le cas échéant, tout actionnaire de ces mêmes actionnaires.

105    Par un courriel du 29 juillet 2019, la requérante a répondu, en substance, à l’EACEA que, dans la mesure où elle était détenue par des fonds d’investissement participatifs privés, il existait, aux différents niveaux de participation, un grand nombre d’actionnaires ou de commanditaires, et qu’il ne lui semblait pas « nécessaire d’identifier et d’énumérer ces investisseurs passifs/minoritaires dans la mesure où ils ne [pouvaient] exercer aucune forme de contrôle ». Elle invitait l’EACEA à préciser la définition qu’elle donnait de la notion de participation majoritaire et suggérait de lui fournir les informations « sous la forme d’un tableau d’entreprise, plus détaillé, [et] signé par un représentant légal de la société comme demandé ».

106    Par un courrier du 6 février 2020, après avoir retiré sa décision de refus opposée à la demande initiale de la requérante, l’EACEA, ainsi qu’il a été constaté aux points 16 et 17 ci-dessus, a invité celle-ci, dans le cadre du réexamen de sa demande, à faire valoir ses observations en lui suggérant de porter une attention particulière « sur l’illustration de l’ensemble de la structure de [sa] propriété et de toutes les entreprises détenant directement et/ou indirectement des actions dans celle-ci, en mettant en évidence tous les liens entre les entités, le pourcentage de participation et la nationalité de tous les actionnaires ».

107    Dans sa réponse du 5 mars 2020, présentée comme une demande de réexamen, la requérante a expliqué, en substance, ainsi qu’il ressort de la partie « Résumé » de sa réponse, qu’elle n’était détenue, ni en totalité ni en majorité, par un actionnaire final. En particulier, elle a rappelé que « KKR & Co. Inc., [entité établie à New York (États-Unis)] n’[était]pas [son]propriétaire final […] mais seulement le commandité indirect de KKR European Fund IV, [entité établie aux Îles] Caïmans, dans lequel elle ne dét[enait] ni directement ni indirectement la majorité des actions », ajoutant que « [l]a majorité des parts de ce fonds [étaient] détenues par un nombre élevé d’investisseurs passifs, dont chacun dét[enait] des participations minoritaires ». Elle indiquait, en substance, que toutes les décisions stratégiques la concernant était prises en Allemagne et qu’elle participait activement à la distribution d’œuvres audiovisuelles en Europe.

108    Ensuite, dans le cadre du recours administratif du 12 juin 2020 introduit au titre de l’article 22 du règlement no 58/2003 et tendant au contrôle de la légalité de la décision de l’EACEA du 12 mai 2020, la requérante a, en substance, repris son argumentation développée précédemment à l’encontre du refus initial opposé par l’EACEA, telle que reprise, pour l’essentiel, dans le cadre du présent recours.

109    À l’appui du recours administratif, repris à l’annexe A.18 de la requête, la requérante a fourni un certain nombre de documents. Parmi ceux-ci, elle a, en particulier, adressé à la Commission un aperçu des différentes participations à son capital, présenté à l’annexe A.8 de la requête ; une note explicative, reprise à l’annexe A.9 de la requête ; un extrait du registre du commerce attestant de son changement de dénomination sociale, figurant dans l’annexe A.14 de la requête ; la copie de l’accord de contrôle avec Leonine Holding, figurant dans l’annexe A.10 de la requête.

110    Enfin, par courriel du 15 juillet 2020, repris à l’annexe A.19 de la requête, la requérante a informé la Commission de « la coopération envisagée [par Leonine Holding] avec la société Mediawan Alliance, nouvellement fondée », et expliqué que ce projet illustrait sa volonté de renforcer la culture cinématographique européenne en nouant des « coopérations nouvelles avec des partenaires européens, conformément à la volonté du législateur européen exprimée aux articles 3, 4 et 9 du règlement [no 1295/2013] ».

111    Il convient de constater qu’aucun des documents transmis par la requérante ne permet d’apprécier de manière précise la structure capitalistique actuelle de cette dernière.

112    En particulier, il ne ressort d’aucun des documents en cause que la requérante, contrairement à ce qu’exigeaient les dispositions de la section C.3 du formulaire de candidature, rappelées aux points 45 et 98 ci-dessus, a fourni les noms de l’ensemble de ses actionnaires ainsi que leur nationalité et les taux de participation de ces derniers à son capital. De telles informations étaient, cependant, suffisamment claires et précises pour que, contrairement à ce que la requérante a entendu soutenir devant l’EACEA, ainsi qu’il ressort du point 104 ci-dessus, elles puissent être facilement identifiées et communiquées.

113    Or, alors que ces éléments sur la structure de son actionnariat lui ont été demandés explicitement à plusieurs reprises au cours de la procédure, la requérante s’est bornée, pour l’essentiel, à communiquer une simple vue d’ensemble de sa structure capitalistique dont il ressort, seulement, que KKR European Fund IV est son actionnaire final majoritaire et que cette entité, établie aux Îles Caïmans, a pour commandité une société ayant son siège social à New York. S’il ressort de l’annexe A.8 de la requête que plus de 85 investisseurs détiennent une participation au capital de KKR European Fund IV, aucun élément au dossier ne permet de corroborer l’assertion de la requérante selon laquelle ledit capital est détenu par une majorité d’investisseurs européens et de déterminer leur taux de participation respectif afin de vérifier que la majorité des actions serait effectivement détenue par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média ».

114    Dès lors que les seuls éléments fournis par la requérante ne permettaient pas à l’EACEA de conclure que KKR European Fund IV était détenu par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des États membres de l’Union ou de l’un des autres pays européens participant au sous-programme « Média », la Commission a donc pu conclure, à juste titre, ainsi qu’il ressort des points 84 et 85 de la décision attaquée, que l’EACEA n’avait pas été en mesure de vérifier, en l’absence d’informations détaillées sur les actionnaires dudit fonds, concernant en particulier leur nationalité et le pourcentage d’actions détenues, si la requérante était détenue, par participation majoritaire, par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un desdits États ou desdits pays.

115    Dans ces conditions, les arguments invoqués par la requérante pour établir qu’elle devait être regardée comme détenue par participation majoritaire par KKR European Fund IV pour l’application du point 6.1 des lignes directrices sont, en tout état de cause, dénués de pertinence.

116    Tout d’abord, est ainsi sans incidence, pour apprécier le respect des conditions de présentation de la candidature de la requérante, telles qu’elles sont définies à la section C.3 du formulaire de candidature, la circonstance, à la supposer exacte, que, en application de la « section 29, cinquième phrase, du traité […] d’État sur la radiodiffusion [dans l’Allemagne réunifiée du 31 août 1991] » et des « lignes directrices de la commission allemande sur les concentrations dans le secteur des médias, concernant l’exemption de l’obligation de notifier des modifications mineures apportées aux participations dans des sociétés cotées, du 14 juillet 1997, telles que modifiées le 10 janvier 2017 », des modifications mineures apportées aux participations dans le capital de sociétés de radiodiffusion, de sociétés cotées ou des fonds d’investissement privés ne feraient pas l’objet de notification aux autorités nationales compétentes.

117    Ensuite, la circonstance que « l’engagement financier de KKR European Fund IV […] dans Leonine Group (auparavant Show Group) soutien[drait]et renforce[rait] les objectifs du règlement no 1295/2013 » ne saurait utilement être prise en compte pour apprécier si ledit fonds, en tant qu’actionnaire majoritaire final de la requérante, permettrait à celle-ci, pour l’application du point 6.1 des lignes directrices, d’être regardée comme détenue par participation majoritaire par des personnes physiques ayant la nationalité de l’un des pays participant au sous-programme « Média ».

118    En outre, est également sans incidence la circonstance que les Îles Caïmans, où ledit fonds est enregistré, feraient partie des pays et territoires d’outre-mer associés à l’Union, en vertu des dispositions combinées de l’article 198 TFUE et de son annexe II ainsi que des dispositions combinées de l’article 1er et de l’annexe I A de la décision 2001/822/CE du Conseil, du 27 novembre 2001, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne (« décision d’association outre-mer ») (JO 2001, L 314, p. 1).

119    Par ailleurs, est également sans incidence pour l’application des critères d’éligibilité définis au point 6.1 des lignes directrices, la circonstance, à la supposer exacte, que KKR European Fund IV remplirait « les conditions établies par la Commission pour les holdings de sociétés d’investissement dans les sociétés européennes », telles qu’elles seraient définies au point 5.2,  paragraphe 44, de la communication de la Commission sur les lignes directrices interprétatives relatives au règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil – Règles en matière de propriété et de contrôle des transporteurs aériens de l’UE (JO 2017, C 191, p. 1). Ledit règlement régit les licences des transporteurs aériens de l’Union ainsi que le droit de ces transporteurs d’exploiter des services aériens au sein de l’Union et ne saurait donc avoir ni le même objet ni le même champ d’application que les lignes directrices, ce que la requérante reconnaît elle-même.

120    Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la Commission a commis une erreur en estimant qu’elle ne pouvait être regardée comme « détenue par participation majoritaire » par KKR European Fund IV, son actionnaire final, pour l’application du point 6.1 des lignes directrices.

121    La requérante soutient, en troisième et dernier lieu, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en refusant de la qualifier d’entreprise européenne pour ne pas avoir tenu compte, en substance, de l’utilisation passée et future des fonds versés au titre du financement du sous-programme « Média ».

122    La Commission, soutenue par l’EACEA, considère que la présente branche doit être écartée.

123    À cet égard, sont sans incidence la circonstance que les fonds versés auraient été utilisés pour la distribution de productions européennes en Europe ou celle que les bénéfices générés auraient été, à leur tour, investis dans la circulation de films européens à travers l’Europe.

124    De même est dénuée de pertinence, pour apprécier si la requérante pouvait être regardée comme une entreprise européenne, la circonstance que celle-ci aurait activement participé au financement de créations européennes pendant des décennies, à travers, notamment, la distribution de films français et de films présentés dans le cadre de festivals internationaux, ou aurait créé des emplois en Europe, alors que, au surplus, à supposer même qu’elle ait rempli par le passé les critères d’éligibilité pour être candidate, une telle circonstance passée ne saurait préjuger de la vérification de son éligibilité pour le programme en cause.

125    Il en va également de l’allégation de la requérante selon laquelle elle aurait été en mesure de « sauvegarder la diversité culturelle et de soutenir la compétitivité des secteurs culturels et créatifs européens », et de « contribuer […] à créer une pluralité de sources médiatiques et à lutter contre la concentration médiatique en Europe ».

126    L’ensemble de ces circonstances et de ces arguments, ainsi qu’ils ont été exposés aux points 123 à 125 ci-dessus, ne concernent, en effet, ni la première, ni la seconde des deux conditions pour être qualifiée d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, telles qu’elles sont reprises au point 48 ci-dessus.

127    En conséquence, c’est sans erreur d’appréciation que la Commission, confirmant la décision de l’EACEA du 12 mai 2020, a considéré que la requérante ne pouvait être regardée comme une entreprise européenne au sens du point 6.1 des lignes directrices.

128    Compte tenu de tout ce qui précède, la Commission n’a commis aucune erreur dans l’application des dispositions du point 6.1 des lignes directrices au cas de la requérante en concluant, au point 96 de la décision attaquée, que l’EACEA avait agi conformément aux règles applicables en décidant de considérer la requérante comme inéligible et en refusant de signer la convention de subvention.

129    Le deuxième moyen doit donc être écarté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut d’examen 

130    La requérante soutient, en substance, que la Commission a entaché la décision attaquée d’un défaut d’examen en n’ayant pas tenu compte de l’ensemble des éléments qu’elle avait produits devant l’EACEA et dans le cadre du recours administratif.

131    Tout d’abord, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte des éléments et des arguments produits pour établir qu’elle était en mesure d’atteindre les objectifs du programme « Europe créative », en particulier ceux du sous-programme « Média » visant, en substance, à soutenir la diffusion d’œuvres cinématographiques européennes. En particulier, elle estime que la Commission n’a pas tenu compte, dans le cadre de l’examen, de son comportement passé, à savoir l’utilisation des fonds reçus toujours conformément aux objectifs dudit programme.

132    Or, à cet égard, ainsi qu’il a été constaté aux points 67 à 71 ci-dessus, la circonstance que la requérante serait en mesure d’atteindre les objectifs du programme « Europe créative », comme le prouverait son implication passée dans le financement du secteur culturel européen, est sans incidence quant à la conclusion de la Commission de ne pas la qualifier d’entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices. À supposer que la Commission n’ait pas suffisamment tenu compte de tels arguments, une telle circonstance est donc inopérante sur la légalité de la décision attaquée.

133    En tout état de cause, ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, il ressort de la motivation de la décision attaquée que les arguments de la requérante, qui font l’objet des points 23 à 44 de cette décision, et tels qu’ils sont en particulier repris aux points 34 à 40 de la même décision, ont été effectivement pris en compte dans le cadre de l’appréciation de la Commission, telle qu’elle est détaillée aux points 76 à 95 de ladite décision, en particulier à ses points 76 à 79 et 89 à 91.

134    Ensuite, la requérante soutient que la Commission n’a pas tenu compte de la circonstance que KKR European Fund IV était enregistré aux Îles Caïmans. Cependant, cette circonstance étant inopérante pour apprécier la qualification de la requérante comme entreprise européenne, au sens du point 6.1 des lignes directrices, ainsi qu’il a été constaté au point 118 ci-dessus, est également inopérante en ce qui concerne la question de savoir si la requérante pouvait être regardée comme détenue par participation majoritaire par ledit fonds pour l’application desdites dispositions.

135    Enfin, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte, dans le cadre du recours administratif introduit en vertu de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 58/2003, des éléments qu’elle lui avait présentés pour la première fois le 15 juillet 2020.

136    Or, il suffit de rappeler, à cet égard, que les éléments transmis par la requérante le 15 juillet 2020 concernent, ainsi qu’il a été exposé au point 110 ci-dessus, la collaboration envisagée entre Leonine Holding et la société Mediawan Alliance. Ils sont donc sans incidence sur l’appréciation des critères d’éligibilité à l’appel à propositions litigieux en application du point 6.1 des lignes directrices, ainsi qu’il ressort des points 110 et 112 ci-dessus.

137    Indépendamment de la question de leur recevabilité dans le cadre de l’examen introduit sur le fondement de l’article 22, paragraphe 1, du règlement no 58/2003, le grief tiré de l’absence d’examen de la part de la Commission des éléments transmis par la requérante le 15 juillet 2020 doit donc être rejeté comme inopérant.

138    Compte tenu de tout ce qui précède, le troisième moyen doit être écarté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance du principe de proportionnalité

139    La requérante soutient, en substance, que, afin de s’assurer que les fonds du sous-programme « Média » avaient été utilisés conformément aux objectifs du règlement no 1295/2013, il aurait suffi à la Commission d’accorder la subvention sollicitée sous réserve, pour elle, d’en justifier a posteriori l’emploi, sinon à devoir en rembourser le montant.

140    La requérante estime donc que, dans ces conditions, le rejet pur et simple de sa demande de financement « sans examiner l’utilisation effective des fonds ou sans subordonner l’octroi à la condition résolutoire que les fonds soient utilisés conformément à la [réglementation] » violerait le principe de proportionnalité, consacré expressément par l’article 5, paragraphe 4, TUE.

141    La Commission, soutenue par l’EACEA, conteste l’argumentation de la requérante.

142    Il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés. Ce principe est rappelé à l’article 5, paragraphe 4, TUE ainsi qu’à l’article 1er du protocole (no 2) sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité UE et au traité FUE (arrêts du 4 juin 2020, Hongrie/Commission, C‑456/18 P, EU:C:2020:421, point 41, et du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 142).

143    Or, il suffit de constater qu’aucune des dispositions de la réglementation applicable au présent litige, telle qu’elle est rappelée aux points 31 à 45 ci-dessus, dont la requérante ne prétend pas qu’elle serait contraire, par elle-même, au principe général du droit de l’Union dont elle se prévaut, ne prévoit, en tout état de cause, contrairement à ce que celle-ci prétend, la possibilité, et a fortiori l’obligation, d’accorder un financement provisoire à toute entreprise candidate à l’appel à propositions litigieux, sous la réserve d’en vérifier ultérieurement l’utilisation effective conformément aux objectifs du règlement no 1295/2013. L’octroi de la subvention est, en effet, conditionné au respect des conditions d’éligibilité applicables aux candidats et non pas, en tout état de cause, à la vérification a posteriori de l’utilisation de la subvention accordée au titre de l’appel à propositions litigieux.

144    À cet égard, la possibilité de résilier la convention de subvention signée avec un bénéficiaire, en cas de changement dans la situation financière ou juridique de ce dernier susceptible d’affecter sa mise en œuvre, ne saurait, de toute évidence, et contrairement à ce que soutient la requérante, signifier que la subvention peut, sinon doit, être octroyée, en cas de doute, à titre provisoire, à tout candidat, même non éligible.

145    En l’espèce, la requérante a été invitée à plusieurs reprises à préciser le contenu de sa candidature afin que l’EACEA soit en mesure d’apprécier si elle remplissait les conditions d’éligibilité définies au point 6.1 des lignes directrices. En l’absence d’éléments suffisants pour apprécier l’éligibilité de sa candidature sur ce point, la Commission était tenue de confirmer la position de l’EACEA de rejeter la candidature de la requérante à l’appel à propositions litigieux sans que la circonstance qu’elle n’ait pas tenu compte de l’utilisation envisagée des fonds sollicités puisse, en conséquence, révéler, pour un tel motif, le caractère disproportionné de la décision attaquée.

146    Compte tenu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être écarté et, en conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

147    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

148    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

149    L’EACEA supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Leonine Distribution GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      L’agence exécutive européenne pour l’éducation et la culture (EACEA) supportera ses propres dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.