Language of document : ECLI:EU:T:2002:66

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 mars 2002 (1)

«Fonctionnaires - Concours interne - Non-admission à concourir - Expérience professionnelle requise»

Dans les affaires jointes T-357/00, T-361/00, T-363/00 et T-364/00,

Justina Martínez Alarcón, Antonio Cherenti, Luigia Dricot , Sophie Van Weyenbergh, fonctionnaires de la Commission des Communautés européennes, demeurant respectivement à Bruxelles (Belgique), à Thuin (Belgique), à Overijse (Belgique) et à Tervuren (Belgique), représentés par Me C. Mourato, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes H. Tserepa-Lacombe et F. Clotuche-Duvieusart, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant, notamment, pour objet des demandes d'annulation des décisions portant rejet de la candidature des requérants au concours interne COM/TB/99,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 4 décembre 2001,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1. Avis de concours en cause

1.
    Le 5 juillet 1999, la Commission a publié l'avis de concours interne COM/TB/99 sur épreuves pour la constitution d'une liste de réserve, notamment, d'assistants adjoints relevant de la carrière B 4/B 5 (ci-après l'«avis de concours»). Selon le point I de l'avis de concours, les fonctions correspondant à l'emploi d'assistant adjoint (B 5/B 4) sont celles d'un «fonctionnaire d'application qui, sous contrôle, effectue des travaux de bureau courants».

2.
    Le point II de l'avis de concours, établissant les conditions d'admission au concours, est rédigé comme suit:

«Le concours est ouvert aux candidats qui justifient remplir les conditions suivantes:

[...]

d) les candidats auront acquis, postérieurement à l'obtention du diplôme donnant accès au concours, une expérience professionnelle d'un niveau équivalent à celui correspondant aux fonctions visées au point I

-     et d'une durée minimale de 3 ans dont au moins 2 ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau B 5/B 4;

-     et d'une durée minimale de 12 ans dont au moins 2 ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau B 3/B 2;

-     et d'une durée minimale de 22 ans dont au moins 2 ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau B 1.

[...]»

3.
    En vertu du point V de l'avis de concours, tout candidat pouvait, en cas de non-admission, demander, dans un délai de quinze jours, le réexamen de sa candidature, auquel cas le jury procédait au réexamen dans un délai de quinze jours après la date limite pour l'introduction de la demande.

4.
    Le délai pour le dépôt des candidatures, initialement fixé au 30 juillet 1999 (point XII de l'avis de concours), a ultérieurement été prolongé jusqu'au 22 décembre 1999.

5.
    Selon le point XII de l'avis de concours, «le formulaire d'acte de candidature doit [...] être accompagné des photocopies des documents - notamment des diplômes et des certificats prouvant la durée et le niveau de l'expérience professionnelle - justifiant que le candidat remplit les conditions d'admission à concourir permettant au jury de vérifier l'exactitude des indications données par le candidat dans l'acte de candidature». Ce point XII mentionne ce qui suit:

«Pour la constitution de leur dossier, les candidats ne pourront se référer à des documents, actes de candidatures ou fiches de renseignements déjà déposés à l'occasion de candidatures antérieures. En outre, les candidats ne pourront se référer aux documents qui se trouvent dans leur dossier personnel.»

2. Situation personnelle et candidature de Mme Martínez Alarcón, requérante dans l'affaire T-357/00

6.
    Cette requérante a été nommée, en 1987, fonctionnaire de la Commission en qualité de dactylographe et classée au grade C 4. Depuis le 1er janvier 1995, elle est fonctionnaire de grade C 2.

7.
    Le 15 décembre 1999, elle a déposé sa candidature au concours COM/TB/99 pour l'emploi d'assistant adjoint (B 5/B 4).

8.
    Par note du 28 janvier 2000, cette requérante a été informée que sa candidature n'avait pas été admise au motif que, «contrairement aux stipulations de l'avis de concours, l'expérience professionnelle acquise dans une catégorie, en ce qui concerne les fonctionnaires, les agents temporaires, les agents auxiliaires, ou dans un grade, dans le cas des agents locaux, autre que celle visée par l'avis de concours, n'est pas considérée [comme étant] de niveau équivalent à celui des fonctions à exercer telles que décrites au point I dudit avis».

9.
    Par note du 8 février suivant, elle a demandé le réexamen de son dossier en faisant valoir qu'elle possédait l'expérience requise.

10.
    Par note du 24 février 2000, le jury, après avoir indiqué qu'il avait vérifié le dossier de l'intéressée avec soin, a confirmé sa décision initiale la concernant en lui précisant:

«[C]ontrairement au point II, [sous] d), de l'avis de concours, vous n'avez pas travaillé au moins deux ans au sein des institutions ou organismes communautaires en tant qu'assistant adjoint (B 5/B 4), assistant (B 3/B 2) ou assistant principal (B 1).»

11.
    Le 28 avril suivant, cette requérante a introduit une réclamation qui a fait l'objet d'une décision de rejet implicite, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), intervenue le 28 août 2000.

12.
    Le 18 décembre 2000, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») a explicitement rejeté cette réclamation.

3. Situation personnelle et candidature de M. Cherenti, requérant dans l'affaire T-361/00

13.
    Ce requérant est entré au service de la Commission en tant qu'agent temporaire de grade C 5 en 1993. En 1999, il a été nommé fonctionnaire en qualité de dactylographe et classé au grade C 4.

14.
    Le 21 décembre 1999, il a déposé sa candidature au concours COM/TB/99 pour le poste d'assistant adjoint (B 5/B 4).

15.
    Par note du 28 janvier 2000, ce requérant a été informé que, «après examen de [son] dossier par le jury», sa candidature n'avait pas été admise. Le motif avancé à cet égard était le même que celui avancé dans l'affaire T-357/00 (voir point 8 ci-dessus).

16.
    Le 28 avril suivant, il a introduit une réclamation qui a fait l'objet d'une décision explicite de rejet datée du 7 septembre 2000.

4. Situation personnelle et candidature de Mme Dricot, requérante dans l'affaire T-363/00

17.
    Cette requérante a été nommée, en 1978, fonctionnaire de la Commission en qualité de dactylographe et classée au grade C 5. Depuis le 1er avril 1999, elle est fonctionnaire de grade C 1.

18.
    Le 15 décembre 1999, elle a déposé sa candidature au concours COM/TB/99 pour l'emploi d'assistant adjoint (B 5/B 4).

19.
    Par note du 28 janvier 2000, cette requérante a été informée que sa candidature n'avait pas été admise. Le motif avancé à cet égard était le même que celui avancé dans l'affaire T-357/00 (voir point 8 ci-dessus).

20.
    Par note du 11 février 2000, elle a demandé le réexamen de son dossier en faisant valoir qu'elle possédait l'expérience requise.

21.
    Par note du 24 février 2000, le jury, après avoir précisé qu'il avait vérifié le dossier de l'intéressée avec soin, a confirmé sa décision initiale en relevant que, «contrairement au point II [, sous]d) de l'avis de concours, [l'intéressée] n'av[ait]pas travaillé au moins deux ans au sein des institutions ou organismes communautaires en tant qu'assistant adjoint (B 5/B 4), assistant (B 3/B 2) ou assistant principal (B 1)».

22.
    Le 28 avril 2000, cette requérante a introduit une réclamation qui a fait l'objet d'une décision de rejet implicite, en vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut, intervenue le 28 août 2000.

23.
    Le 18 décembre 2000, l'AIPN a explicitement rejeté la réclamation.

5. Situation personnelle et candidature de Mme Van Weyenbergh, requérante dans l'affaire T-364/00

24.
    La requérante a été nommée, en 1991, fonctionnaire de la Commission en qualité de dactylographe et classée au grade C 5. Depuis le 1er avril 1999, elle est fonctionnaire de grade C 3.

25.
    Cette requérante a exercé des fonctions d'archiviste/documentaliste successivement à la direction générale «Europe et nouveaux États indépendants, politique étrangère et de sécurité commune, service extérieur» (DG IA) de la Commission et, du 1er janvier 1997 au 15 septembre 1999, au cabinet de Sir Leon Brittan, vice-président de la Commission, ainsi que, à partir du 16 septembre 1999, au cabinet de M. Busquin, membre de la Commission.

26.
    Le 27 juillet 1999, elle a déposé sa candidature au concours COM/TB/99 pour l'emploi d'assistant adjoint (B 5/B 4).

27.
    Par note du 15 octobre suivant, cette requérante a été informée que sa candidature n'avait pas été admise. Le motif avancé à cet égard était le même que celui avancé dans l'affaire T-357/00 (voir point 8 ci-dessus).

28.
    Par note du 20 octobre 1999, elle a demandé le réexamen de son dossier en faisant valoir qu'elle possédait l'expérience professionnelle requise.

29.
    Par note du 22 novembre 1999, le jury a confirmé sa décision initiale en relevant ce qui suit:

«[L'intéressée] n'[a]pas deux ans d'expérience au niveau B dans les institutions ou organismes communautaires. [Son] expérience professionnelle acquise au sein des institutions ou organismes communautaires est de niveau C.»

30.
    Le délai pour le dépôt des candidatures ayant été prolongé jusqu'au 22 décembre 1999 (voir point 4 ci-dessus), cette requérante s'est, le 21 décembre 1999, portée à nouveau candidate au concours COM/TB/99 pour l'emploi d'assistant adjoint (B 5/B 4).

31.
    Par note du 28 janvier 2000, le jury, «après avoir réexaminé [son] dossier», a confirmé sa décision de ne pas admettre cette requérante à concourir «pour la raison communiquée dans ses lettres du 15/10/1999 et 22/11/1999». En effet, «contrairement au point II [, sous] d) de l'avis de concours, [l'intéressée] n'[a] pas travaillé au moins deux ans au sein des institutions ou organismes communautaires en tant qu'assistant adjoint (B 5/B 4), assistant (B 3/B 2) ou assistant principal (B 1)».

32.
    Le 28 avril suivant, cette requérante a introduit une réclamation qui a fait l'objet d'une décision explicite de rejet datée du 9 octobre 2000.

Procédures

33.
    Par requêtes enregistrées au greffe du Tribunal le 27 novembre 2000, les requérants ont introduit les présents recours.

34.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction. Il a, toutefois, invité la Commission à produire, dans l'affaire T-357/00, l'acte de candidature avec les pièces justificatives de la requérante et, dans toutes les affaires, sa décision SEC (96) 1940/6, du 13 novembre 1996, concernant sa nouvelle politique à l'égard des agents temporaires. Il a été satisfait à cette demande dans le délai imparti.

35.
    Par ordonnance du président de la deuxième chambre du 6 novembre 2001, les quatre affaires ont été jointes, en application de l'article 50 du règlement de procédure, aux fins de la procédure orale et de l'arrêt.

36.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 4 décembre 2001.

Conclusions des parties

37.
    Dans l'affaire T-357/00, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal, annuler les décisions du jury des 28 janvier et 24 février 2000 la concernant ainsi que la décision implicite de l'AIPN du 28 août 2000 portant rejet de sa réclamation;

-    à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui payer une somme de 3 160 000 francs belges (BEF) (78 334,35 euros) à titre de dommages et intérêts matériels et moraux;

-    condamner la Commission aux dépens.

38.
    Dans l'affaire T-361/00, le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal, annuler la décision du jury du 28 janvier 2000 le concernant et la décision de l'AIPN du 7 septembre 2000 portant rejet de sa réclamation;

-    à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui payer une somme de 7 350 000 BEF (182 201,74 euros) à titre de dommages et intérêts matériels et moraux;

-    condamner la Commission aux dépens.

39.
    Dans l'affaire T-363/00, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal, annuler les décision du jury des 28 janvier et 24 février 2000 la concernant ainsi que la décision implicite de l'AIPN du 28 août 2000 portant rejet de sa réclamation;

-    à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui payer une somme de 500 000 BEF (12 394,68 euros) à titre de dommages et intérêts matériels et moraux;

-    condamner la Commission aux dépens.

40.
    Dans l'affaire T-364/00, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    à titre principal, annuler la décision du jury du 28 janvier 2000 la concernant et la décision de l'AIPN du 9 octobre 2000 portant rejet de sa réclamation;

-    à titre subsidiaire, condamner la Commission à lui payer une somme de 2 941 667 BEF (72 922,02 euros) à titre de dommages et intérêts matériels et moraux;

-    condamner la Commission aux dépens.

41.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter tous les recours comme non fondés;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

En droit

1. Sur les demandes en annulation

42.
    Les demandes en annulation étant dirigées tant contre les décisions par lesquelles le jury a rejeté les candidatures des requérants au concours COM/TB/99 que contre les décisions de l'AIPN confirmant ces décisions du jury, il convient de préciser que, compte tenu de l'indépendance des jurys de concours, l'AIPN ne dispose pas du pouvoir d'annuler ou de modifier une décision prise par le jury (arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T-153/95, RecFP p. I-A-223 et II-663, point 78, et la jurisprudence citée). Par conséquent, les demandes d'annulation des décisions de l'AIPN portant confirmation des décisions du jury se confondent avec les demandes d'annulation des décisions du jury (ordonnance du Tribunal du 24 avril 2001, Pierard/Commission, T-172/00, Rec. p. I-A-91 et II-429, point 22).

43.
    À l'appui de leurs demandes en annulation, les requérants soulèvent des moyens qui se recoupent, dans leur substance, dans les quatre affaires. Le premier moyen est tiré d'une violation de l'avis de concours et d'une erreur manifeste d'appréciation. Le deuxième est tiré d'une violation des articles 4, 27 et 29, paragraphe 1, sous b), du statut ainsi que d'une violation du principe d'égalité de traitement. Le troisième est tiré d'un détournement de pouvoir.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'avis de concours et d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

44.
    Rappelant que le jury est lié par le texte de l'avis de concours en ce que celui-ci a pour objet de fixer le cadre de légalité du concours, les requérants font valoir que, afin de contrôler si le jury n'a pas dépassé les limites de ce cadre légal, il faut examiner quelles sont les conditions requises pour l'admission au concours et vérifier si le candidat non retenu ne satisfait effectivement pas à ces conditions.

45.
    Or, le point II, sous d), de l'avis de concours n'exigerait pas que l'expérience professionnelle requise doive avoir été acquise dans la catégorie et le grade visés par l'emploi à pourvoir. Il suffirait que cette expérience soit de niveau équivalent à celui des fonctions à exercer.

46.
    Selon les requérants, c'est donc à tort que leurs candidatures ont été rejetées au motif que l'expérience professionnelle requise par l'avis de concours devait avoir été acquise dans la catégorie B dont relève la fonction à pourvoir. Ce faisant, le jury aurait ajouté une condition qui ne figurait pas dans le texte de l'avis de concours tel qu'il a été publié.

47.
    Il résulterait clairement de leurs dossiers qu'ils ont, pendant au moins trois ans dont deux au sein de la Commission, effectué sous contrôle des travaux de bureau courants. À cet égard, ils invoquent l'arrêt du Tribunal du 11 février 1999, Carrasco Benítez/EMEA (T-79/98, RecFP p. I-A-29 et II-127, ci-après l'«arrêt Carrasco I», point 46).

48.
    D'ailleurs, le jury n'aurait jamais contesté le fait que les requérants ont acquis dans la catégorie C l'expérience professionnelle exigée par l'avis de concours. En effet, le jury aurait seulement déclaré que cette expérience ne pouvait être prise en considération dans la mesure où elle avait été acquise dans une catégorie inférieure, sans que le jury ait procédé à un examen détaillé des pièces versées avec les actes de candidature. Le jury se serait contenté de rejeter par principe la candidature des requérants.

49.
    Les requérants ajoutent que le fait de percevoir l'indemnité de secrétariat ne les empêche en rien d'effectuer des tâches relevant de la catégorie B, d'autant plus que cette indemnité est accordée automatiquement à tous les fonctionnaires de catégorie C. Par ailleurs, d'autres institutions communautaires, comme le Conseil, offriraient à toutes les personnes qui réussissent un concours interne de passage de la catégorie C vers la catégorie B une indemnité dite «différentiel remplaçant l'indemnité de secrétariat», laquelle correspond à la perte financière que subit le fonctionnaire nouvellement classé dans la catégorie B du fait de la perte de l'indemnité de secrétariat.

50.
    Les requérants en concluent que les décisions attaquées du jury violent l'avis de concours en ce qu'elles portent refus de prendre en compte l'expérience professionnelle acquise dans une catégorie inférieure à celle visée par la fonction à pourvoir. Le jury aurait ainsi commis une erreur manifeste d'appréciation.

51.
    Après avoir rappelé que l'AIPN jouit d'un large pouvoir discrétionnaire en vue d'apprécier l'expérience professionnelle antérieure (arrêt du Tribunal du 17 novembre 1998, Fabert-Goossens/Commission, T-217/96, RecFP p. I-A-607 et II-1841, point 43, et arrêt Carrasco I, point 39), la Commission soutient que, conformément à l'article 5 du statut, l'agent est présumé acquérir l'expérience professionnelle qui correspond à la nature et au niveau des fonctions rattachées à sa catégorie. Cette prééminence du classement par rapport aux considérations relatives à la nature des fonctions serait confirmée par la jurisprudence (arrêt Fabert-Goossens/Commission, précité, points 43 à 45, et arrêt Carrasco I, point 45) qui conforte la thèse selon laquelle le classement de l'intéressé dans une catégorie différente de celle mentionnée dans un avis de concours constitue une présomption selon laquelle l'expérience professionnelle acquise dans cette catégorie n'est pas de niveau équivalent à celui de l'expérience requise par cet avis.

52.
    La Commission estime, dès lors, que la formule une «expérience de niveau équivalent» figurant dans l'avis de concours a pour objet de pallier l'absence de classement formel dans le cas d'une expérience acquise à l'extérieur des institutions. En effet, l'avis de concours, tout en requérant une expérience minimale de trois ans, n'exigerait pas que toute cette période ait été accomplie au sein des institutions, mais uniquement une période de deux ans sur les trois exigés. Il serait donc raisonnable de recourir à la notion d'équivalence pour pallier l'absence de classement formel. En revanche, pour ce qui est de l'expérience à l'intérieur des institutions, il n'y aurait plus lieu de rechercher une équivalence au classement formel de l'intéressé, puisque l'on est en présence d'un classement qui le situe au niveau hiérarchique qui est le sien.

53.
    Il pourrait donc être facilement déduit du texte de l'avis de concours, sans qu'il y ait besoin d'y ajouter une condition supplémentaire, que la recherche du «niveau équivalent» est nécessaire pour l'appréciation de l'expérience acquise à l'extérieur, à défaut d'autres éléments de certitude, mais que cette recherche n'est pas indispensable pour l'appréciation de l'expérience acquise à l'intérieur de l'institution, puisque la présomption de l'équivalence établie par le classement formel constitue en elle-même l'élément de certitude naturellement recherchée par le jury.

54.
    La Commission admet que ladite présomption du niveau d'expérience professionnelle donnée par le classement formel n'a pas de caractère irréfragable, l'intéressé pouvant porter à l'appréciation de l'administration des éléments permettant à cette dernière de juger si l'expérience acquise est ou non de niveau équivalent à celui requis par un avis de concours (arrêt Carrasco I, point 46).

55.
    En l'espèce, le jury ne se serait pas soustrait à l'examen des pièces produites par les requérants, mais aurait examiné en détail les dossiers soumis par ceux-ci avant de prendre ses décisions définitives. Or, au vu de ces dossiers, on ne pourrait pas affirmer que les requérants avaient acquis des expériences professionnelles autres que celles d'un fonctionnaire de catégorie C, d'autant plus que le fait d'êtrefonctionnaire ou agent de catégorie C n'exclut nullement que l'on puisse se voir confier certaines responsabilités.

56.
    Sur ce dernier point, la Commission renvoie au tableau des descriptions des emplois types prévus à l'article 5 du statut, dont il ressort qu'un fonctionnaire de catégorie C peut exercer des fonctions d'exécution «exigeant qu'on fasse preuve d'initiative ou de responsabilité» (grade C 1) ou accomplir «des travaux administratifs pour lesquels il reçoit un minimum d'instructions et dont la réalisation nécessite de sa part du jugement et de la méthode» ou encore «des travaux à caractère technique qui nécessitent une formation et une qualification professionnelle sanctionnées en principe par un certificat d'aptitude professionnelle ou acquises à la suite de la pratique du métier» (grades C 2 ou C 3).

57.
    Selon la Commission, les fonctions ainsi décrites correspondent aux fonctions exercées par chacun des requérants, ces dernières pouvant parfaitement être assumées par un fonctionnaire de niveau C, étant donné qu'elles ne comportent pas de difficultés qui les mettraient au-delà des capacités de secrétaires de catégorie C.

58.
    L'effort déployé par chacun des requérants lors de leur candidature au concours COM/TB/99 aurait été loin d'être suffisant pour renverser la présomption selon laquelle l'expérience professionnelle acquise dans leur catégorie n'était pas de niveau équivalent à celui de l'expérience requise par l'avis de concours. En ce qui concerne plus particulièrement le cas de Mme Van Weyenbergh, la seule fois où cette requérante a mentionné que ses fonctions étaient du niveau correspondant à la catégorie B avant le dépôt de sa réclamation a eu lieu, de manière insuffisante, dans sa lettre du 20 octobre 1999 adressée au président du jury. Selon la Commission, ladite requérante décrit ses tâches en référence à ses fonctions de «responsable des archives», exercées (d'après son acte de candidature) seulement depuis septembre 1999. À supposer qu'elles soient de niveau B (quod non), l'intéressée ne justifierait aucunement d'une expérience pertinente de deux années, comme cela est requis par l'avis de concours.

59.
    La Commission ajoute que les requérants perçoivent tous l'indemnité de secrétariat. Les bénéficiaires de cette indemnité seraient les seuls fonctionnaires dont les tâches consistent à titre principal en l'emploi d'une machine ou d'un appareil comportant des frappes alphabétiques ou numériques ou dont l'activité principale consiste en la gestion d'un terminal informatique à condition de consacrer plus de la moitié du temps de travail à cette activité. L'indemnité de secrétariat ne ferait pas partie du traitement de base du fonctionnaire de catégorie C et ne serait pas garantie sur la base de l'article 46 du statut. Elle ne donnerait pas non plus lieu au versement d'une indemnité différentielle en cas de passage de catégorie.

Appréciation du Tribunal

60.
    Le présent moyen peut être résumé en ce sens que les requérants reprochent au jury et à l'AIPN d'avoir commis une erreur de droit en refusant, par principe, de prendre en considération l'expérience professionnelle qu'ils ont acquise en tant que fonctionnaires de catégorie C et d'avoir commis, dans chacun des quatres cas individuels, une erreur manifeste d'appréciation. Ainsi, les requérants contestent non pas la légalité des conditions d'admission au concours COM/TB/99 par rapport au statut ou à des principes de droit supérieurs, mais la seule application que le jury en a faite dans chacun des cas d'espèce.

61.
    À cet égard, il est de jurisprudence constante que, nonobstant son pouvoir d'appréciation en ce qui concerne les modalités et le contenu des épreuves d'un concours, le jury est lié par le texte de l'avis de concours tel qu'il a été publié. En effet, le rôle essentiel de l'avis de concours consiste à informer les intéressés, d'une façon aussi exacte que possible, de la nature des conditions requises pour occuper le poste dont il s'agit, afin de les mettre en mesure d'apprécier, d'une part, s'il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d'autre part, quelles pièces justificatives sont d'importance pour les travaux du jury et doivent, par conséquent, être jointes aux actes de candidature (voir, notamment, ordonnance du Tribunal du 3 avril 2001, Zaur-Gora et Dubigh/Commission, T-95/00 et T-96/00, RecFP p. I-A-79 et II-379, point 47, et la jurisprudence citée).

62.
    S'agissant plus particulièrement d'une condition d'admission relative à l'expérience professionnelle telle que celle qui fait l'objet des présents litiges, il a, certes, été jugé que la fonction de l'avis de concours, visant à «informer les intéressés d'une façon aussi exacte que possible», ne s'oppose pas à ce que soit laissé au jury la responsabilité d'apprécier cas par cas si l'expérience professionnelle invoquée par chaque candidat correspond au niveau requis par le statut et par l'avis de concours (voir, notamment, arrêts de la Cour du 12 juillet 1989, Belardinelli e.a./Cour de justice, 225/87, Rec. p. 2353, point 13, et du Tribunal du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T-214/99, RecFP p. I-A-257 et II-1169, ci-après l'«arrêt Carrasco II», point 69). Toutefois, l'appréciation concrète du niveau d'une expérience professionnelle doit avoir lieu dans le cadre tracé par le texte de l'avis de concours et ne saurait aucunement autoriser le jury à ajouter à ce dernier une condition qui n'y figure pas en réalité.

63.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'interpréter le texte de l'avis de concours en ce qui concerne l'expérience professionnelle requise en l'espèce.

64.
    À cet égard, il y a lieu de constater que la condition d'admission figurant au point II, sous d), de l'avis de concours exige, dans la mesure pertinente pour les présents litiges, premièrement, que les candidats aient acquis une expérience professionnelle «d'un niveau équivalent à celui correspondant aux fonctions visées au point I». Or, ledit point I définit notamment la nature des fonctions inhérentes à certains emplois types, telles que - pour un assistant adjoint relevant de la carrière B 5/B 4 - celles d'un «fonctionnaire d'application qui, sous contrôle, effectue des travaux de bureau courant».

65.
    Il en résulte que, pour ce qui est de l'évaluation de l'expérience professionnelle requise, le renvoi opéré par le point II, sous d), de l'avis de concours vise non pas l'affectation formelle des candidats, mais la nature des fonctions exercées. Cette partie dudit point n'autorise donc pas l'interprétation, défendue par la Commission, selon laquelle l'expérience doit avoir été formellement acquise dans un emploi statutaire de la catégorie B.

66.
    Il en va de même pour ce qui est, deuxièmement, du critère supplémentaire selon lequel l'expérience professionnelle requise doit avoir été «d'une durée minimale de trois ans dont au moins deux ans au sein des institutions ou organismes communautaires pour le niveau B 5/B 4».

67.
    D'une part, la mention du «niveau B 5/B 4» ne sert qu'à faire une distinction, dans les conditions d'admission au concours COM/TB/99, entre le premier type d'emplois à pourvoir - concernant les candidats postulant aux fonctions relatives à la carrière B 5/B 4 - et les deux autres types d'emplois à pourvoir - concernant les candidats postulant aux fonctions relatives, respectivement, à la carrière B 3/B 2 et à la carrière B 1 -, ces derniers emplois exigeant une expérience professionnelle minimale, respectivement, de 12 et de 22 ans. Or, la question de l'équivalence entre l'expérience professionnelle requise et les fonctions visées au point I fait exclusivement l'objet de la première partie du point II, sous d). Dès lors, la mention «B 5/B 4» dans la deuxième partie dudit point ne saurait être interprétée comme exigeant formellement une expérience dans un emploi statutaire de grade B 5 ou B 4.

68.
    D'autre part, la formule, inscrite au point II, sous d), de l'avis de concours, prévoyant une expérience professionnelle «au sein des institutions ou organismes communautaires» est une des plus larges possibles pour désigner n'importe quel type d'activité exercée par les candidats à l'intérieur d'une institution communautaire.

69.
    Aucun des arguments avancés par la Commission en sens contraire ne saurait être retenu.

70.
    Ainsi, la distinction suggérée par la Commission entre l'expérience professionnelle acquise à l'extérieur des institutions communautaires, impliquant une appréciation libre de l'équivalence entre les fonctions correspondantes et celles pertinentes, et l'expérience professionnelle acquise à l'intérieur de ces institutions, cette dernière devant être établie par le seul classement formel des intéressés, ne trouve aucun appui dans le texte de l'avis de concours. Si la Commission soutient, dans ce contexte, que les jurys ont besoin d'un critère certain tel que le classement formel, il suffit de relever que rien n'aurait en l'espèce empêché l'AIPN de procurer au jury la certitude voulue en choisissant des critères plus restrictifs.

71.
    La Commission ne peut non plus utilement invoquer la prééminence du classement formel par le renvoi à l'arrêt Fabert-Goossens/Commission, précité (point 45), selon lequel l'AIPN ne dépasse pas les limites de son pouvoir d'appréciation lorsque, pour déterminer le niveau de l'expérience professionnelle acquise par un fonctionnaire auprès d'une institution communautaire, elle se réfère à la catégorie de l'emploi formellement occupé auprès de cette institution. En effet, cette jurisprudence concerne le classement en grade et en échelon lors de l'entrée en service sur la base des articles 31 et 32 du statut. Or, dans le cadre de ces dispositions, l'AIPN n'est pas liée par des conditions telles que celles qui figurent dans un avis de concours. Le raisonnement développé dans l'arrêt cité n'est donc pas en contradiction avec la constatation, faite ci-dessus, selon laquelle le point II, sous d), de l'avis de concours ne vise pas l'affectation formelle des candidats.

72.
    Il convient d'ajouter que, même au regard des articles 31 et 32 du statut, le Tribunal a jugé que l'intéressé doit être autorisé à démontrer que le niveau réel des fonctions accomplies antérieurement à son classement en grade et en échelon était supérieur à la catégorie de l'emploi dans lequel il les a exercées (arrêt Carrasco I, point 46). En l'espèce, le jury était donc tenu de prendre en considération les éléments fournis par les requérants et destinés à prouver que leur expérience de fonctionnaires classés dans la catégorie C était en fait équivalente à une expérience professionnelle du niveau correspondant à celui de la catégorie B.

73.
    Il résulte de ce qui précède que la thèse, qui se reflète dans les décisions attaquées du jury, selon laquelle l'expérience professionnelle au sein des Communautés, pour être prise en considération, devait avoir été acquise dans un emploi statutaire formel correspondant au poste à pourvoir, en l'occurrence un emploi de catégorie B, n'est pas justifiée en droit.

74.
    Dès lors, le jury était tenu d'apprécier, sur la base de l'acte de candidature de chaque requérant et des pièces justificatives qui y étaient annexées, l'éventuelle équivalence par rapport aux fonctions visées par l'avis de concours de l'expérience professionnelle que les requérants avaient acquise au sein de la Commission en qualité de fonctionnaires classés dans la catégorie C.

75.
    À cet égard, il y a lieu de rappeler que les jurys disposent, en principe, d'un pouvoir discrétionnaire dans l'appréciation de l'expérience professionnelle antérieure des candidats, tant en ce qui concerne la nature et la durée de celle-ci que le rapport plus ou moins étroit qu'elle peut présenter avec les exigences du poste à pourvoir (arrêt Carrasco II, point 70). Au regard de ce pouvoir d'appréciation, il appartient au juge communautaire d'examiner si le jury a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la durée et du niveau de l'expérience professionnelle des requérants (arrêts de la Cour du 29 septembre 1976, Morello/Commission, 9/76, Rec. p. 1415, points 8 et 9, et du 4 février 1987, Maurissen/Cour des comptes, 417/85, Rec. p. 551, points 14 et 15).

76.
    Dans l'exercice de ce contrôle, le juge communautaire doit tenir compte de ce que le jury, lorsqu'il se prononce sur l'admission ou l'éviction des candidats, est autorisé, en principe, à limiter son examen aux seuls actes de candidature et aux pièces qui y sont annexées (arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, points 31 et 34, confirmé sur pourvoi par arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Burban/Parlement, C-255/90 P, Rec. p. I-2253), sans être tenu de procéder lui-même à des recherches afin de vérifier si les candidats satisfont à l'ensemble des conditions posées par l'avis de concours (arrêt Carrasco II, point 77, et la jurisprudence citée). En outre, lorsque les dispositions claires d'un avis de concours - telles que celles figurant dans le point XII de l'avis de concours (voir point 5 ci-dessus) - prescrivent sans équivoque l'obligation de joindre à l'acte de candidature des pièces justificatives, l'inexécution de cette obligation par un candidat ne saurait ni habiliter ni, à plus forte raison, obliger le jury ou l'AIPN à agir en contrariété avec cet avis de concours (arrêt du 31 mars 1992, Burban/Parlement, précité, point 12).

77.
    C'est à la lumière de ces éléments qu'il y a lieu d'examiner si le jury, après avoir vérifié les dossiers des requérants, a commis des erreurs manifestes d'appréciation en refusant d'admettre ces derniers à participer au concours COM/TB/99.

- Affaire T-364/00

78.
    En ce qui concerne le cas de Mme Van Weyenbergh, il convient de rappeler que l'acte de candidature de cette dernière, du 21 décembre 1999, indique, notamment, d'une part, qu'elle était «responsable des archives du cabinet de M. Busquin» du 16 septembre au 21 décembre 1999 et qu'elle assurait, pendant cette période, la gestion des archives, l'étude et l'organisation de la gestion du courrier du membre de la Commission ainsi que la participation à des réunions, et, d'autre part, qu'elle assurait la «gestion des archives du cabinet de Sir Leon Brittan» du 1er janvier 1997 au 15 septembre 1999 et s'occupait, pendant cette période, de l'organisation informatique du cabinet et qu'elle avait, en outre, assuré l'«organisation et [la] gestion des archives du Directeur général [de la DG IA]» du 1er mai 1993 au 31 décembre 1996.

79.
    À son acte de candidature ont été jointes, notamment, deux attestations relatives à la durée et au niveau de son expérience professionnelle. Dans la première, datée du 27 juillet 1999, M. Rogers, chef du cabinet de Sir Leon Brittan, déclare: «[Elle] assure la gestion des archives et de la documentation au sein du cabinet [...] depuis le 1er janvier 1997. Ces fonctions comprennent notamment la préparation du dossier pour les réunions hebdomadaires des chefs de cabinet et du collège des Commissaires ainsi que la gestion et le suivi des documents institutionnels et des dossiers [de Sir Leon Brittan]. Elle participe en outre aux réunions relatives à la gestion technique et informatique des documents pour lesquels elle effectue des comptes rendus. Elle travaillait auparavant à la Direction Générale IA [...] où elle a assuré la même nature de fonctions de niveau B entre le 1er mai 1993 et le 31décembre 1996.» Dans la seconde attestation, datée du 17 décembre 1999, M. Jacob, chef du cabinet de M. Busquin, déclare: «[Elle] est depuis le 16 septembre 1999 responsable des archives du Cabinet [...]. Ses fonctions comprennent notamment l'organisation, la mise en place et le suivi d'une structure au sein du cabinet pour la gestion optimale du courrier [...], la préparation et la mise à jour du dossier pour les réunions hebdomadaires des chefs de cabinet et du collège des Commissaires ainsi que la gestion complète de tous les documents institutionnels. En outre, [elle] participe aux réunions relatives à la gestion technique et informatique des documents [...]. Ses initiatives sont par ailleurs un des éléments moteurs de la constitution d'un groupe de travail [...], dont elle fait partie [...]. L'expérience professionnelle de Mme Van Weyenbergh est indubitablement d'un niveau équivalent à l'expérience d'un fonctionnaire B 5/B 4.»

80.
    Confronté à ces attestations - établies par les chefs des cabinets dans lesquels la requérante a travaillé trois années, donc par des personnes qui comptaient parmi les mieux placées pour connaître le niveau réel des prestations de Mme Van Weyenbergh -, le jury n'avait aucune raison apparente de rejeter la candidature de la requérante pour insuffisance de l'expérience professionnelle requise. En effet, lesdites attestations indiquaient que cette requérante a assumé pendant plus de trois années des fonctions de niveau B au sein de la Commission. Si le jury doutait de la véracité des attestations en cause, il était tenu, avant de refuser d'admettre cette requérante au concours COM/TB/99 pour insuffisance d'expérience professionnelle, de prendre contact avec cette requérante et/ou les agents ayant fourni lesdites attestations ou d'interroger d'autres fonctionnaires compétents (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, Rec. p. 3199, points 18 à 20). Or, aucun élément du dossier ne permet de conclure que de telles démarches concrètes aient été entreprises par le jury ni que celui-ci ait remis en question la véracité des attestations en cause. Ce silence du jury ne saurait être valablement compensé par la référence générale faite par la Commission à la possibilité abstraite pour l'AIPN, en vertu des dispositions générales d'exécution de l'article 5 du statut, de confier même à un fonctionnaire relevant de la catégorie C des fonctions exigeant qu'il fasse preuve d'initiative ou de responsabilité.

81.
    En rejetant la candidature de cette requérante au seul motif que son expérience professionnelle était insuffisante, le jury a, dès lors, commis une erreur manifeste d'appréciation.

82.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par l'argument tiré de l'indemnité de secrétariat dont cette requérante bénéficie en l'espèce et dont le versement est limité au personnel classé dans la catégorie C (voir point 59 ci-dessus). À cet égard, il suffit de relever que le fait pour un fonctionnaire de se servir lui-même d'une machine à écrire ou d'un ordinateur n'exclut pas que la substance des fonctions exercées soit du niveau de la catégorie B ou même du niveau de la catégorie A.

83.
    Par conséquent, il y a lieu d'accueillir le premier moyen dans son intégralité. Il s'ensuit que la décision du jury du 28 janvier 2000 concernant Mme Van Weyenbergh et celle de l'AIPN du 9 octobre 2000 portant rejet de sa réclamation doivent être annulées, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens avancés par cette requérante.

- Affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00

84.
    Quant au cas de Mme Martínez Alarcón, il convient de rappeler que son acte de candidature du 15 décembre 1999 indique, notamment, qu'elle était «secrétaire gestionnaire» responsable du «suivi administratif de l'engagement des experts nationaux et [de la] participation à l'élaboration des sélections de la recherche» depuis le mois d'avril 1996 jusqu'au 15 décembre 1999 et qu'elle a été «secrétaire principale» en qualité de «secrétaire de direction» responsable du «suivi courrier, [de la] tenue agenda [et de l'] organisation des réunions, missions, etc.» de juin 1987 à mars 1996.

85.
    Les seuls documents annexés à l'acte de candidature qui ont trait à l'expérience professionnelle acquise au sein d'une institution communautaire sont la décision portant nomination de la requérante en qualité de secrétaire dactylographe, un bulletin de rémunération, une attestation de réussite à un cours de langue ainsi que l'attestation émise par un chef d'unité certifiant que la requérante a effectué, du 1er avril 1996 au 8 décembre 1998, exclusivement des tâches de gestion de personnel, d'organisation et de suivi des procédures de sélection d'agents temporaires.

86.
    Il est vrai que le rapport de notation de cette requérante pour la période du 1er juillet 1993 au 30 juin 1995 décrit ses fonctions comme étant celles d'une «assistante de secrétariat adjoint» et comporte l'appréciation d'ordre général selon laquelle la requérante «effectue en plus des travaux classiques de secrétaire [...] des tâches d'assistante de secrétariat». Toutefois, parmi les pièces justificatives annexées à l'acte de candidature, ce rapport de notation ne figurait pas.

87.
    Il y a lieu de constater que l'acte de candidature de cette requérante et les pièces justificatives y étant jointes ne comportent pas d'éléments suffisants permettant de conclure que cette requérante, malgré son classement dans la catégorie C, assumait pendant au moins trois ans des fonctions du niveau de la catégorie B. Cette requérante n'a donc pas fourni au jury des éléments prouvant que son expérience en tant que fonctionnaire de catégorie C correspondait en fait à une expérience professionnelle du niveau de la catégorie B (voir, en ce sens, arrêt Carrasco I, point 46).

88.
    Il résulte de ce qui précède que le jury n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'expérience acquise par Mme Martínez Alarcón.

89.
    Il en va de même en ce qui concerne les cas de M. Cherenti et de Mme Dricot. En effet, s'il est vrai que leurs actes de candidature, respectivement des 15 et 21 décembre 1999, font état des nombreuses tâches de secrétariat qu'ils ont exercées au sein de la Commission et que leurs rapports de notation qui y sont annexés, couvrant, notamment, la période allant de 1993 à 1997, confirment l'importance des fonctions assumées par ces deux requérants dans le cadre de leurs unités administratives respectives, ces documents ne comportent aucun élément d'appréciation qui laisserait penser que leurs fonctions dépasseraient le domaine des travaux de secrétariat et permettrait de conclure que les requérants, malgré leur classement dans la catégorie C, assumaient en fait des fonctions du niveau correspondant à celui de la catégorie B.

90.
    Par conséquent, le jury n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'expérience acquise par M. Cherenti et Mme Dricot.

91.
    Mmes Martínez Alarcón et Dricot ainsi que M. Cherenti n'ayant pas démontré que le niveau de leur expérience professionnelle correspondait au niveau requis par l'avis de concours, c'est à juste titre que le jury, par ses décisions du 28 janvier 2000, concernant M. Cherenti, et du 24 février 2000, concernant Mmes Martínez Alarcón et Dricot, ne les a pas admis à concourir. Dans ces circonstances, l'erreur de droit que le jury a commise en estimant que l'expérience professionnelle au sein des Communautés, pour être prise en considération, devait avoir été acquise dans un emploi statutaire formel relevant de la catégorie B (voir point 73 ci-dessus) n'est pas de nature à remettre en cause, à elle seule, la légalité des décisions du jury attaquées.

92.
    Il s'ensuit que le premier moyen, soulevé dans les affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00, doit être rejeté dans son ensemble.

93.
    L'examen du premier moyen a abouti à la conclusion que Mmes Martínez Alarcón et Dricot ainsi que M. Cherenti ne sont pas parvenus à prouver qu'ils remplissaient la condition d'admission, posée par l'avis de concours, qui avait trait à l'expérience professionnelle. Étant donné que cette preuve aurait dû être rapportée au plus tard à la date fixée pour le dépôt des candidatures et que cette date est dépassée depuis longtemps, c'est à titre définitif que ces requérants ont été exclus de la procédure du concours COM/TB/99 pour insuffisance de l'expérience professionnelle requise. Il résulte d'une jurisprudence constante qu'un requérant ne saurait avoir un intérêt légitime à l'annulation d'une décision dont il est d'ores et déjà certain qu'elle ne pourrait qu'être confirmée à nouveau (voir arrêt de la Cour du 20 mai 1987, Souna/Commission, 432/85, Rec. p. 2229, point 20; arrêts du Tribunal du 12 décembre 1996, Stott/Commission, T-99/95, Rec. p. II-2227, point 32, et du 13 décembre 2000, Panichelli/Parlement, T-130/98 et T-131/98, RecFP p. I-A-287 et II-1311, point 52, et la jurisprudence citée). Dès lors, il convient de constater que Mmes Martínez Alarcón et Dricot ainsi que M. Cherenti n'ont plus d'intérêt légitime à avancer d'autres moyens afin d'obtenir l'annulation des décisions du jury les concernant.

94.
    Il résulte de ce qui précède que les demandes en annulation présentées dans les affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00 doivent être rejetées.

II. Sur les demandes en indemnité

95.
    Les requérants font valoir qu'une annulation des décisions du jury attaquées devrait, en principe, entraîner l'annulation de la procédure ultérieure du concours COM/TB/99 et des résultats intervenus à sa suite ainsi qu'une nouvelle organisation de ce concours. Toutefois, dans l'hypothèse où le Tribunal jugerait qu'une telle conséquence constituerait une sanction excessive de l'irrégularité commise, l'allocation d'une indemnité constituerait la forme de réparation la plus appropriée. La réparation du dommage matériel et moral subi par les requérants du fait de ne pas avoir été admis au concours et d'avoir perdu une chance d'être promus devrait consister dans le paiement d'une indemnité compensant le retard potentiel qui en résultera pour leurs promotions ultérieures.

96.
    À cet égard, s'agissant des affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00, le Tribunal rappelle que les demandes en annulation ont été rejetées et que l'exclusion de Mmes Martínez Alarcón et Dricot ainsi que de M. Cherenti de la procédure de concours ne saurait donc être qualifiée d'irrégularité commise par le jury qui pourrait engager la responsabilité de la Commission. Étant donné que c'est à juste titre que lesdits requérants n'ont pas été admis à concourir, il ne saurait être question du paiement d'une indemnité compensant le retard potentiel qui résulterait de cette non-admission pour leurs promotions ultérieures.

97.
    S'agissant de l'affaire T-364/00, le Tribunal rappelle qu'il est de jurisprudence constante que, lorsqu'une procédure de concours a été entachée d'une irrégularité en ce qui concerne un candidat donné, il y a lieu de prendre en considération non seulement les intérêts de ce candidat, victime de l'illégalité, mais également les intérêts des tiers dont la confiance légitime pourrait être lésée si la demande en annulation de la procédure de concours était accueillie (arrêt de la Cour du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C-242/90 P, Rec. p. I-3839, point 14). En l'espèce, la mise en cause de l'ensemble du résultat du concours ou l'annulation des nominations intervenues constituerait une sanction excessive de l'irrégularité constatée ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 juin 1980, Oberthür/Commission, 24/79, Rec. p. 1743, points 11 et 13, et arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T-95/98, RecFP p. I-A-51 et II-219, point 57).

98.
    Il convient d'ajouter que, dans les circonstances propres à l'affaire T-364/00, l'annulation de la décision du jury rejetant la candidature de cette requérante au concours COM/TB/99 constitue, en elle-même, une réparation suffisante. En effet, les droits de cette requérante sont adéquatement protégés si le jury et l'AIPN reconsidèrent leurs décisions et trouvent une solution équitable à son cas (voir, toutparticulièrement, l'arrêt de la Cour du 18 février 1982, Ruske/Commission, 67/81, Rec. p. 661, point 13, ainsi que les arrêts Commission/Albani e.a., précité, point 13, et Gogos/Commission, précité, point 57).

99.
    Enfin, dans la mesure où Mme Van Weyenbergh vise à obtenir une indemnité compensant le retard qui pourrait intervenir dans sa promotion ultérieure, son action en indemnité est manifestement prématurée. En effet, rien ne permet d'affirmer que cette requérante, si elle avait été admise à concourir, aurait effectivement réussi le concours.

100.
    Il résulte de tout ce qui précède que les demandes en indemnité doivent être rejetées dans leur ensemble.

Sur les dépens

101.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Dans l'affaire T-364/00, la Commission ayant succombé en l'essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante dans cette affaire. Dans les affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00, les requérants ayant succombé, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

Dans l'affaire T-364/00:

1)    La décision du jury du 28 janvier 2000 portant rejet de la candidature de Mme Van Weyenbergh au concours interne COM/TB/99 et la décision de l'autorité investie du pouvoir de nomination du 9 octobre 2000 rejetant la réclamation introduite par la requérante sont annulées.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La Commission est condamnée aux dépens.

Dans les affaires T-357/00, T-361/00 et T-363/00:

1)    Les recours sont rejetés.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Moura Ramos
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Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.