Language of document : ECLI:EU:T:2011:766

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 décembre 2011(*)

« Aides d’État – Régime d’aides accordées par les Pays-Bas en faveur des sociétés de logement social – Aides existantes – Décision acceptant les engagements de l’État membre – Décision déclarant une aide nouvelle compatible – Recours en annulation – Défaut d’affectation individuelle – Défaut d’intérêt à agir – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑203/10,

Stichting Woonpunt, établie à Beek (Pays-Bas),

Stichting Com.wonen, établie à Rotterdam (Pays-Bas),

Woningstichting Haag Wonen, établie à La Haye (Pays-Bas),

Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl, établie à Eindhoven (Pays-Bas),

représentées par Mes P. Glazener, E. Henny et T. Ottervanger, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. H. van Vliet, S. Noë et S. Thomas, en qualité d’agents, assistés de Me H. Gilliams, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 9963 final de la Commission, du 15 décembre 2009, relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projets au profit des sociétés de logement,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Les requérantes, Stichting Woonpunt, Stichting Com.wonen, Woningstichting Haag Wonen et Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl, sont des sociétés de logement (woningcorporaties, ci-après les « wocos ») établies aux Pays-Bas. Les wocos sont des organismes à but non lucratif qui ont pour mission de procéder à l’acquisition, à la construction et à la mise en location d’habitations destinées essentiellement à des personnes défavorisées et à des groupes socialement désavantagés. Les wocos exercent également d’autres activités telles que la construction et la mise en location d’appartements à des loyers plus élevés, la construction d’appartements destinés à la vente et la construction et la mise en location d’immeubles d’intérêt général.

2        Le 15 décembre 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 9963 final relative aux aides d’État E 2/2005 et N 642/2009 – Pays-Bas – Aide existante et aide spécifique par projets au profit des [wocos] (ci-après la « décision attaquée »).

3        En premier lieu, s’agissant de l’aide E 2/2005, en 2002, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission le système général d’aides d’État versées en faveur des wocos. La Commission ayant estimé que les mesures de financement des wocos pouvaient être qualifiées d’aides existantes, les autorités néerlandaises ont par la suite retiré leur notification.

4        Le 14 juillet 2005, la Commission a transmis aux autorités néerlandaises une lettre au titre de l’article 17 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [87 CE] (JO L 83, p. 1), qualifiant le système général d’aides d’État versées en faveur des wocos d’aides existantes (aide E 2/2005) et exprimant des doutes quant à leur compatibilité avec le marché commun. À titre préliminaire, la Commission a indiqué que les autorités néerlandaises devaient modifier la mission de service public confiée aux wocos, de sorte que le logement social soit destiné à un groupe cible clairement défini de personnes défavorisées ou de groupes socialement désavantagés. Elle a relevé que toutes les activités commerciales des wocos devaient être réalisées aux conditions du marché et ne devaient pas bénéficier d’aides d’État. Enfin, elle a indiqué que l’offre de logements sociaux devait être adaptée à la demande des personnes défavorisées ou des groupes socialement désavantagés.

5        À la suite de l’envoi de cette lettre, la Commission et les autorités néerlandaises ont entamé des négociations afin de mettre le régime d’aides en conformité avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

6        Le 16 avril 2007, l’Association des investisseurs institutionnels en immobilier des Pays-Bas (Vereniging van Institutionele Beleggers in Vastgoed, Nederland, ci-après l’« IVBN ») a déposé une plainte auprès de la Commission concernant les aides accordées aux wocos. En juin 2009, Vesteda Groep BV s’est associée à cette plainte.

7        Par lettre du 3 décembre 2009, les autorités néerlandaises ont proposé à la Commission des engagements visant à modifier le système général d’aides d’État en faveur des wocos.

8        Les mesures contenues dans le système général d’aides d’État versées par les Pays-Bas en faveur des wocos et visées dans la procédure E 2/2005 sont les suivantes :

a)       des garanties de l’État pour des prêts accordés par le Fonds de garantie pour la construction de logements sociaux ;

b)       des aides du Fonds central du logement, aides par projet ou aides à la rationalisation sous forme de prêts à taux préférentiels ou de subventions directes ;

c)       la vente par les municipalités de terrains à des prix inférieurs aux prix du marché ;

d)       le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten.

9        Dans la décision attaquée, la Commission a qualifié chacune de ces mesures d’aides d’État et a considéré que le système néerlandais de financement du logement social constituait une aide existante, celui-ci ayant été créé avant l’entrée en vigueur du traité CE aux Pays-Bas et les réformes postérieures n’ayant pas entraîné de changement substantiel.

10      Au considérant 41 de la décision attaquée, la Commission a indiqué :

« Les autorités néerlandaises se sont engagées à modifier le fonctionnement des wocos et les mesures leur conférant des avantages. S’agissant de différentes modifications, les autorités néerlandaises ont présenté des projets de dispositions à la Commission. Les nouvelles règles font l’objet d’un nouveau décret ministériel entré en vigueur le 1er janvier 2010 et d’une nouvelle loi sur le logement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2011. […] »

11      La Commission a examiné la compatibilité de l’aide E 2/2005 relative au système de financement des wocos tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises. Elle a conclu, au considérant 72 de la décision attaquée, que « les aides versées au titre des activités de logement social, i.e. liées à la construction et à la mise en location d’habitations destinées à des particuliers, y compris la construction et l’entretien d’infrastructures auxiliaires, […] sont compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE ». En conséquence, la Commission a accepté les engagements pris par les autorités néerlandaises.

12      En second lieu, s’agissant de l’aide N 642/2009, le 18 novembre 2009, les autorités néerlandaises ont notifié un nouveau régime d’aides pour la rénovation des quartiers urbains en déclin, qualifié d’« aide spécifique par projet destinée à certains districts », dont les wocos intervenant dans les quartiers sélectionnés sont les bénéficiaires. Ce nouveau régime d’aides doit être accordé selon les mêmes conditions que celles prévues pour les mesures relevant du régime d’aides existant, tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises.

13      L’aide N 642/2009 prendra la forme de subventions directes versées par le Centraal Fonds Volkshuisvesting (Fonds central du logement) pour la réalisation de projets spécifiques relatifs à la construction et à la mise en location de logements dans des zones géographiques limitées correspondant aux communautés urbaines les plus démunies. Elle sera financée par une taxe nouvelle payée par les wocos exerçant leurs activités en dehors des zones urbaines sensibles.

14      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’aide N 642/2009 était compatible avec le marché commun. Elle a estimé que « [l]es aides versées au titre des activités de construction et de mise en location de logements destinés à des particuliers, y compris de construction et d’entretien des infrastructures annexes, et de construction et de mise en location d’immeubles d’intérêt général sont compatibles avec l’article 106, paragraphe 2, TFUE ». En conséquence, elle a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard des nouvelles mesures notifiées.

 Procédure

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2010, les requérantes ont introduit, en vertu de l’article 263 TFUE, un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

16      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 9 et 19 août 2010, Vesteda Groep et l’IVBN ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

17      Ces demandes d’intervention ont été signifiées aux parties conformément à l’article 116, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Les requérantes ont soulevé, dans les délais impartis, des objections à l’encontre des demandes déposées par Vesteda Groep et l’IVBN.

 Conclusions des parties

18      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

20      Dans la réplique, les requérantes concluent, en outre, à ce qu’il plaise au Tribunal de prendre les mesures d’instruction suivantes :

–        ordonner à la Commission de produire toutes les pièces et de fournir toutes les informations qui présentent une importance pour déterminer de quelle manière la Commission est intervenue dans l’établissement d’un plafond de revenus ;

–        ordonner à la Commission de fournir les noms des fonctionnaires de la Commission qui sont intervenus dans le traitement de cette affaire et qui pourraient en cette qualité confirmer ou non les affirmations de la Commission concernant l’introduction d’un plafond de revenus ;

–        ordonner une audition de témoins afin d’entendre lesdits fonctionnaires de la Commission.

 En droit

21      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, à la suite de l’introduction du présent litige, la Commission a adopté, le 30 août 2010, la décision C (2010) 5841 final, relative à l’aide d’État E 2/2005, modifiant les points 22 à 24 de la décision attaquée. Dans cette décision modificative, la Commission a considéré que, sur la base des éléments de preuve disponibles, elle ne pouvait pas conclure que la mesure d) visée dans la décision attaquée, c’est-à-dire le droit d’emprunter auprès de la Bank Nederlandse Gemeenten, remplissait tous les critères d’une aide d’État.

22      Aux termes de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal, statuant dans les conditions prévues à l’article 114, paragraphes 3 et 4, du même règlement, peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public.

23      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et, en conséquence, décide de statuer sans ouvrir la procédure orale.

24      La Commission, sans formellement soulever une exception d’irrecevabilité, conteste, dans le mémoire en défense et la duplique, la recevabilité de la demande d’annulation. Premièrement, elle fait valoir que les requérantes ne sont pas individuellement concernées, au sens de l’article 263 TFUE, en ce que le recours est dirigé contre la partie de la décision attaquée relative à l’aide E 2/2005. Deuxièmement, elle considère que les requérantes n’ont pas d’intérêt à agir en ce que le recours est dirigé contre la partie de la décision attaquée relative à l’aide N 642/2009.

25      En premier lieu, s’agissant de la recevabilité de la demande en annulation de la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

26      Selon cette disposition, toute personne physique ou morale peut former un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions adressées à une autre personne qui la concernent directement et individuellement.

27      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire le Royaume des Pays-Bas.

28      Il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, des tiers ne sauraient être concernés individuellement par une décision adressée à une autre personne que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire de la décision (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 29 avril 2004, Italie/Commission, C-298/00 P, Rec. p. I-4087, point 36).

29      Selon une jurisprudence également constante, une entreprise ne saurait, en principe, être recevable à introduire un recours en annulation d’une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard d’un requérant, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission, 67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, point 15, et Italie/Commission, point 28 supra, point 37 ; arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Acegas/Commission, T‑309/02, Rec. p. II‑1809, point 47).

30      Il en va de même lorsque, comme en l’espèce, le recours vise à l’annulation d’une décision par laquelle la Commission, prenant acte des engagements pris par les autorités néerlandaises, a déclaré compatibles avec le marché commun les modifications apportées au régime d’aides existant relatif au système général de financement des wocos.

31      Il y a lieu de relever que l’attribution de la qualité de wocos répond à des critères objectifs. En effet, comme le relèvent les requérantes, la qualité de wocos est accordée par un système d’agrément prévu par l’article 70, paragraphe 1, de la loi sur le logement de 1901 (Woningwet). Cet agrément est octroyé par arrêté royal aux institutions qui répondent à certaines conditions objectives : avoir la forme juridique d’une association ou d’une fondation, ne pas avoir de but lucratif, avoir pour seul objet une activité dans le domaine du logement social et utiliser son patrimoine dans l’intérêt du logement social. Les wocos constituent donc une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite.

32      La législation néerlandaise prévoyant la possibilité d’accorder la qualité de wocos en fonction de critères objectifs auxquels un nombre indéterminé d’opérateurs économiques sont susceptibles de répondre, l’agrément ministériel pourra être accordé à d’autres sociétés de logement après l’adoption de la décision attaquée. Ainsi, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que la qualité de wocos est susceptible de s’étendre à d’autres opérateurs après l’adoption de la décision attaquée, élargissant ainsi le cercle des bénéficiaires potentiels de l’aide E 2/2005 visée dans la décision attaquée.

33      En outre, il convient de rappeler que l’examen de la Commission portait sur un régime d’aides tel que modifié à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises et constituait un examen préalable de ce régime. Dès lors, l’ensemble des wocos sont seulement des bénéficiaires potentiels des différentes mesures d’aides, à savoir les mesures a), b) et c), citées au point 8 ci-dessus, contenues dans le régime d’aides E 2/2005 examiné par la Commission dans la décision attaquée, telle que modifiée par la décision du 30 août 2010. Les requérantes ne sauraient faire valoir la qualité de bénéficiaires effectifs des mesures d’aides contenues dans le régime E 2/2005 examiné dans la décision attaquée.

34      Ainsi, au regard du régime d’aides E 2/2005 visé dans la décision attaquée, les requérantes ont la qualité de bénéficiaires potentiels au même titre que toutes les wocos existantes ou à venir.

35      Il s’ensuit que la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005 concerne les requérantes au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique. Leur seule qualité de wocos, définie en fonction de critères objectifs, ne suffit dès lors pas pour établir qu’elles sont affectées individuellement par la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005.

36      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments des requérantes.

37      Les requérantes font valoir qu’elles sont toutes des institutions agréées, lesquelles sont les seules à pouvoir bénéficier de l’aide E 2/2005. Au moment de l’adoption de la décision attaquée, il aurait existé 410 institutions agréées qui étaient ou pouvaient être connues de la Commission. Elles font ainsi valoir qu’elles sont individuellement concernées par la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005 dans la mesure où elles appartiennent à un cercle fermé d’institutions dont le nombre et l’identité sont connus ou peuvent être fixés pour le passé et l’avenir. À cet égard, les requérantes invoquent la jurisprudence selon laquelle, lorsque l’acte attaqué affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes pouvaient être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 60).

38      Il convient de constater que les arrêts invoqués par les requérantes à l’appui de leur argumentation visant à démontrer qu’elles appartiennent à un cercle fermé de bénéficiaires ne sont pas pertinents.

39      Ainsi, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, point 37 supra, la Commission, dans la décision litigieuse adoptée en 2003, avait constaté l’incompatibilité avec le marché commun d’un régime fiscal applicable aux centres de coordination en Belgique. Pour les centres déjà agréés, la Commission avait limité les effets du régime au 31 décembre 2010. Dans cet arrêt, la Cour a estimé, premièrement, que les trente centres de coordination dont l’agrément a été renouvelé en 2001 et en 2002 étaient parfaitement identifiables au moment où la décision avait été adoptée, celle-ci fixant la fin de la période d’agrément à leur égard au 31 décembre 2010 au lieu de 2011 et 2012. Elle a considéré, deuxièmement, que les huit centres de coordination dont la demande de renouvellement était pendante formaient un cercle fermé de centres qui ne pouvaient plus obtenir de renouvellement d’agrément. La Cour a ainsi reconnu que ces centres de coordination étaient individuellement concernés. En raison de la fixation par la Commission d’une date limitant au 31 décembre 2010 les effets du régime d’aides pour les centres déjà agréés, la Cour a reconnu l’existence d’un cercle fermé de bénéficiaires identifiables au moment de l’adoption de la décision et qui ne pouvait être augmenté.

40      De même, dans l’arrêt du 17 janvier 1985, Piraiki-Patraiki e.a./Commission (11/82, Rec. p. 207), également invoqué par les requérantes, la Cour a reconnu l’existence d’un cercle fermé de bénéficiaires, ceux-ci étant identifiables au moment où la décision avait été adoptée et le cercle ne pouvant être augmenté. Dans cette affaire, des entreprises grecques productrices et exportatrices vers la France de filés de coton ont introduit un recours visant à l’annulation d’une décision de la Commission autorisant la République française à soumettre les importations de filés de coton en provenance de Grèce à un régime de quotas pour les mois de décembre 1981 et janvier 1982. La Cour a estimé que la seule qualité d’exportateurs vers la France de filés de coton d’origine grecque ne suffisait pas pour considérer que les requérantes étaient individuellement concernées par la décision litigieuse. Cependant, la Cour a considéré que le fait que certaines requérantes avaient conclu, avant l’adoption de la décision litigieuse, des contrats avec des clients français portant sur des quantités de filés de coton dépassant les quotas fixés dans la décision et dont la mise en œuvre était prévue pour les mois couverts par la décision constituait une situation de fait qui les caractérisait par rapport à toute autre personne concernée par cette décision, en ce que l’exécution de leurs contrats a été empêchée, en tout ou en partie, par l’adoption de la décision litigieuse (arrêt Piraiki-Patraiki e.a./Commission, précité, point 19).

41      Il ressort de cette jurisprudence que la reconnaissance de l’appartenance à un groupe fermé de bénéficiaires suppose que ce groupe ne peut plus être augmenté après l’adoption de la décision (voir également arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477, point 11, et conclusions de l’avocat général M. Léger sous l’arrêt Belgique et Forum 187/Commission, point 37 supra, Rec. I‑5487, point 195).

42      Or tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, comme cela a été indiqué aux points 31 à 34 ci-dessus, toutes les wocos, existantes ou à venir, sont potentiellement bénéficiaires des mesures d’aides contenues dans le régime E 2/2005 examiné par la Commission.

43      De même, l’arrêt du Tribunal du 28 novembre 2008, Hôtel Cipriani/Commission (T‑254/00, T‑270/00 et T‑277/00, Rec. p. II‑3269), invoqué par les requérantes est dénué de pertinence en l’espèce. Dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que les requérantes étaient individuellement concernées sur le fondement de la jurisprudence constante selon laquelle les bénéficiaires effectifs d’un régime d’aides sont individualisés par leur appartenance au cercle fermé de personnes spécialement affectées par l’ordre de récupération (point 96 de l’arrêt). Les bénéficiaires effectifs d’une aide individuelle octroyée au titre d’un régime d’aides, soumis à une obligation de récupération, constituent un cercle fermé et sont toujours parfaitement identifiables lors de l’adoption de la décision de la Commission.

44      La situation n’est pas comparable en l’espèce. En effet, dans la décision attaquée en ce qu’elle concerne l’aide E 2/2005, la Commission a déclaré compatible avec le marché commun un régime d’aides dont toutes les wocos, actuelles et à venir, sont potentiellement bénéficiaires.

45      Dès lors, il y a lieu de considérer que les mesures d’aides contenues dans le régime E 2/2005 visé dans la décision attaquée ne concernent pas une catégorie de bénéficiaires identifiables au moment où la décision attaquée a été adoptée.

46      L’argument des requérantes selon lequel la possibilité pour de nouvelles institutions d’être agréées en tant que wocos après l’adoption de la décision attaquée serait purement théorique et selon lequel, le dernier agrément ayant été accordé en 2005, le risque que de nouvelles institutions soient agréées serait minime constitue une simple conjecture. À cet égard, il suffit de rappeler que le système d’agrément prévu par la législation néerlandaise n’exclut pas l’octroi à l’avenir de la qualité de wocos à d’autres institutions.

47      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, au moment où la décision attaquée a été adoptée, il existait seulement 410 wocos aux Pays-Bas, il doit être rappelé que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant il est constant que, comme en l’espèce, cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 novembre 2001, Antillean Rice Mills/Conseil, C‑451/98, Rec. p. I‑8949, point 52 ; ordonnance du Tribunal du 28 février 2005, von Pezold/Commission, T‑108/03, Rec. p. II‑655, point 46, et arrêt Acegas/Commission, point 29 supra, point 55).

48      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, même dans l’hypothèse où de nouvelles institutions seraient agréées comme wocos, ces dernières ne seraient pas affectées par la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005 de la même manière que les wocos existantes au moment de l’adoption de cette décision, il convient de relever que le régime d’aides visé dans la décision attaquée a été déclaré compatible pour l’avenir et que les nouvelles dispositions de la législation néerlandaise examinées par la Commission prévoient l’octroi d’aides à toutes les wocos, déjà existantes ou à venir, selon les mêmes conditions. Les wocos existantes et à venir se trouvent dans une situation identique en qualité de bénéficiaires potentiels de ce régime.

49      En outre, il y a lieu de rappeler qu’il ne suffit pas que certains opérateurs soient économiquement plus touchés par un acte que leurs concurrents pour qu’ils soient considérés comme individuellement concernés par cet acte (ordonnances du Tribunal du 15 septembre 1999, Van Parys e.a./Commission, T‑11/99, Rec. p.  II‑2653, point 50, et von Pezold/Commission, point 47 supra, point 45).

50      Un tel argument ne peut, en tout état de cause, pas prospérer dans la mesure où il vise uniquement à distinguer la situation des wocos existantes au moment où la décision attaquée a été adoptée de celle des wocos à venir. Il convient de rappeler que l’ensemble des wocos existantes constitue une catégorie d’opérateurs économiques définis en fonction de critères objectifs. Cet argument n’est donc pas de nature à établir que les requérantes se trouveraient, par rapport à toutes les wocos déjà existantes, dans une situation particulière de nature à les individualiser.

51      Il y a également lieu de relever que les requérantes ne prétendent pas être dans une situation les caractérisant par rapport aux autres wocos, c’est-à-dire par rapport à une catégorie de bénéficiaires potentiels de l’aide E 2/2005 visée dans la décision attaquée définie en fonction de critères généraux et abstraits. Comme le souligne la Commission, elles ne font pas valoir de caractéristiques propres de nature à les individualiser au sein de la catégorie générale des wocos qui existaient au moment où la décision attaquée a été adoptée.

52      Il résulte de ce qui précède que les requérantes ne se trouvent pas dans une situation de fait qui les caractériserait par rapport à tout autre opérateur économique et qu’elles ne sont donc pas individuellement concernées par la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide E 2/2005 au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

53      En second lieu, s’agissant de la recevabilité de la demande en annulation de la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide N 642/2009, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a déclaré cette aide nouvelle, notifiée par les autorités néerlandaises, compatible avec le marché commun.

54      La Commission fait valoir que les requérantes, en tant que bénéficiaires de l’aide N 642/2009, n’ont pas d’intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée, dans laquelle la Commission déclare cette aide compatible avec le marché commun.

55      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du Tribunal du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, Rec. p. II‑1195, point 96, et la jurisprudence citée).

56      Dans la décision attaquée, la Commission a conclu que les nouvelles mesures d’« aide spécifique par projet destinée à certains districts » en faveur des wocos, notifiées par les autorités néerlandaises, constituaient des aides compatibles. Les requérantes, en leur qualité de wocos, sont donc les bénéficiaires potentiels de ces mesures d’aides déclarées compatibles.

57      Les requérantes font valoir qu’elles ont un intérêt à demander l’annulation de la décision attaquée, la Commission ayant déclaré l’aide N 642/2009 compatible uniquement dans la mesure où elle est soumise aux mêmes conditions d’octroi que les mesures d’aides relevant du régime d’aides existant E 2/2005. Les requérantes estiment que la décision attaquée comporte donc des effets juridiques défavorables pour elles, en tant que bénéficiaires, impliquant que les aides par projet ne peuvent plus être accordées que sous les conditions limitatives énumérées dans la décision attaquée.

58      Cet argument ne saurait être retenu dans la mesure où, s’agissant d’une aide nouvelle notifiée, la Commission a procédé à un examen préalable de l’aide, avant sa mise en œuvre. Les requérantes ne sauraient invoquer l’existence d’une situation antérieure où l’aide aurait été versée dans des conditions plus favorables que celles figurant dans la décision attaquée.

59      En outre, il y a lieu de rappeler que, dans la notification, les conditions d’octroi de l’aide N 642/2009 étaient celles prévues par la législation néerlandaise telle que modifiée à la suite des engagements pris par les autorités néerlandaises. C’est en tenant compte de ces conditions que la Commission a déclaré l’aide compatible. Rien ne garantit que, si les conditions avaient été différentes et plus favorables aux requérantes, la Commission se serait prononcée en faveur de la compatibilité de cette aide.

60      Par ailleurs, la jurisprudence invoquée par les requérantes n’est pas pertinente en l’espèce.

61      Ainsi, s’agissant de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Alitalia/Commission (T‑301/01, Rec. p. II‑1753), il suffit de constater que la décision de la Commission était une décision conditionnelle au sens de l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 659/1999, déclarant l’aide individuelle en faveur de la requérante compatible sous réserve du respect de certaines conditions et qui avait eu pour effet de soumettre le versement de la troisième tranche de l’aide à l’autorisation de la Commission.

62      S’agissant de l’arrêt du Tribunal du 10 avril 2008, Pays-Bas/Commission (T‑233/04, Rec. p. II‑591), il suffit de relever que le recours avait été introduit par un État membre. Or, l’article 263 TFUE fait une distinction nette entre le droit de recours en annulation des institutions communautaires et des États membres, d’une part, et celui des personnes physiques et morales, d’autre part, le deuxième alinéa de cet article ouvrant notamment à tout État membre le droit de contester, par un recours en annulation, la légalité des décisions de la Commission, sans que l’exercice de ce droit soit conditionné par la justification d’un intérêt à agir. Un État membre n’a donc pas à démontrer qu’un acte de la Commission qu’il attaque produit des effets juridiques à son égard pour que son recours soit recevable.

63      Dès lors, il y a lieu de considérer que l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle vise l’aide N 642/2009 n’est pas de nature à procurer un bénéfice aux requérantes et que celles-ci n’ont pas fait la preuve de leur intérêt à agir en annulation de cette décision.

64      Il ressort de tout de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter l’ensemble du recours comme irrecevable, sans qu’il soit besoin de statuer sur les demandes d’intervention de Vesteda Groep et de l’IVBN.

 Sur les dépens

65      En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les parties requérantes ayant succombé, il y a lieu de décider qu’elles supporteront, outre leurs propres dépens, ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

66      En vertu de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, Vesteda Groep et l’IVBN, demandeurs en intervention, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes en intervention de Vesteda Groep BV et de l’Association des investisseurs institutionnels en immobilier des Pays-Bas.

3)      Stichting Woonpunt, Stichting Com.wonen, Woningstichting Haag Wonen et Stichting Woonbedrijf SWS.Hhvl supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

4)      Vesteda Groep et l’Association des investisseurs institutionnels en immobilier des Pays-Bas, demandeurs en intervention, supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 16 décembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : le néerlandais.