Language of document : ECLI:EU:T:2021:313

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

2 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative GAMELAND – Marque de l’Union européenne verbale antérieure Gameloft – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Usage sérieux de la marque antérieure – Article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 – Limitation des services désignés dans la demande de marque »

Dans l’affaire T‑17/20,

adp Gauselmann GmbH, établie à Espelkamp (Allemagne), représentée par Me K. Mandel, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Palmero Cabezas, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Gameloft SE, établie à Paris (France), représentée par Me M. Decker, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 5 novembre 2019 (affaire R 2502/2018-5), relative à une procédure d’opposition entre Gameloft et adp Gauselmann,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei et M. R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2020,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 23 septembre 2020,

vu les observations sur cette demande de suspension présentées par l’EUIPO devant le Tribunal le 9 octobre 2020,

vu la décision du 15 octobre 2020 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 28 octobre 2020 et les réponses de la requérante et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 11 et le 13 novembre 2020,

vu les observations de l’EUIPO sur les réponses de la requérante et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal le 7 décembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 4 août 2016, la requérante, adp Gauselmann GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, après la limitation intervenue au cours de la procédure devant l’EUIPO, des classes 38, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 38 : « Transmission, transfert et livraison de données et d’autres informations ainsi que d’images pour des tiers » ;

–        classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; location d’appareils de jeu et de divertissement pour casinos ; préparation et coordination de jeux ; jeux d’argent ; organisation de loteries ; organisation de jeux sur l’internet, également en ligne et comme applications pour smartphones ; services de jeu proposés en ligne (à partir d’un réseau informatique) ; fourniture de contenus récréatifs et/ou éducatifs pour applications de dispositifs mobiles et ordinateurs ; réalisation d’un quiz à l’aide d’applications pour smartphones ; gestion de casinos ou de salles de jeux ou gestion de bureaux de paris ; gestion de salles de jeux, arcades et/ou casinos en ligne sur l’internet et plateformes de paris ; jeux de hasard sur l’internet ; mise à disposition d’installations de loisirs » ;

–        classe 42 : « Développement et location d’ordinateurs, appareils pour le traitement de l’information ; conseils techniques pour l’utilisation de machines automatiques, d’ordinateurs, d’équipements de traitement de données et d’installations d’alarme et de surveillance ; programmation informatique ; services d’une banque de données, à savoir compilation, stockage, actualisation, analyse de données ; fourniture d’espace de stockage électronique pour des données, programmes, informations, son et image ; traitement de l’information pour le compte de tiers ; services de designer, à savoir équipement et décoration de locaux commerciaux pour des tiers, en particulier d’auberges et de salles de jeux, y compris la planification ainsi que les conseils techniques et conceptuels ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/248, du 30 décembre 2016.

5        Le 13 janvier 2017, l’intervenante, Gameloft SE, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure Gameloft, enregistrée le 13 décembre 2006 sous le numéro 002473767, désignant notamment des produits et des services relevant des classes 9, 35, 38, 41 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, supports d’enregistrement magnétiques, jeux pour micro-ordinateurs, jeux vidéo » ;

–        classe 35 : « Télécommunications, services de messageries électroniques, de conservation, de transmission de messages, de conférence accessibles par des réseaux électroniques ou par d’autres moyens de communication en ligne, services de communication en ligne » ;

–        classe 38 : « Services de télécommunications, services de communication par terminaux d’ordinateurs, communications radiophoniques, télégraphiques, téléphoniques, numériques, pour la télévision numérique ou interactive ; services de télécommunication par Internet, Intranet, Internet pour et par téléphones portables, par réseaux numériques par satellite, câble et voie terrestre, services de transmission d’informations télématiques, services permettant à une personne d’envoyer ou de recevoir des informations, des programmes, des fichiers ou des données informatiques ; services permettant ou participant à la diffusion de programmes de radio ou de télévision interactive ou pas ; services de téléphonie sans fil, services de diffusion et de transmission de jeux vidéo vers et depuis un téléphone portable, un assistant personnel numérique ou un ordinateur, un décodeur numérique ou analogique, permettant d’accéder à un site ou à un portail après connexion sur le réseau Internet, connexion à un réseau de télécommunications pour télécharger des jeux vidéo, scénarios et vidéographie interactifs par réseau de télécommunication, messagerie électronique » ;

–        classe 41 : « Éducation et divertissement » ;

–        classe 42 : « Services d’accès et de location de temps d’accès à des jeux vidéo par un réseau de télécommunication et pour un serveur, y compris le réseau Internet et le réseau de télévision par câble, satellite ou voie terrestre ; services de location de temps d’accès à des réseaux de télécommunications et à des sites Internet et la télévision numérique ou analogique ou interactive ; programmation et programmes pour ordinateurs, périphériques, cartes à puces, Internet, Intranet, Internet pour téléphones portables, assistants personnels numériques, ordinateurs et décodeurs de télévision numérique ou analogique ; conception et réalisation de jeux pour décodeurs de télévision numérique ou analogique pour téléphones portables, pour assistants personnels numériques ou pour ordinateurs ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        À la suite de la demande formulée par la requérante, l’EUIPO a invité l’intervenante à apporter, au titre de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition pour tous les produits et les services pour lesquels elle était enregistrée et sur lesquels l’opposition était fondée. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 26 octobre 2018, la division d’opposition a accueilli l’opposition à l’égard des services visés au point 3 ci-dessus, au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

10      Le 18 décembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 5 novembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. D’une part, elle a considéré que les éléments de preuve produits par la requérante dans le cadre de la procédure d’opposition et pris dans leur ensemble suffisaient à établir l’usage sérieux de la marque antérieure en ce qui concerne les « jeux pour micro-ordinateurs, jeux vidéo », relevant de la classe 9, ainsi que le « divertissement », relevant de la classe 41. D’autre part, elle a constaté que, compte tenu du caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque antérieure, une partie non négligeable du public pertinent considérera que les services en cause, qui sont identiques ou similaires, proviennent de la même entreprise ou, à tout le moins, d’entreprises économiquement liées. En effet, selon la chambre de recours, les différences entre les signes en conflit ne sont pas en mesure d’exclure l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

II.    Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        ordonner qu’il soit fait droit à la demande d’enregistrement ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la détermination du règlement applicable ratione temporis

15      Compte tenu de la date de la demande d’enregistrement en cause, en l’occurrence le 4 août 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, le présent litige est régi par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001. 

16      Dès lors, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 faites par la chambre de recours et les parties dans leurs écritures comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

B.      Sur la limitation des services visés par la marque demandée

17      Par sa demande déposée au greffe du Tribunal le 23 septembre 2020, la requérante a demandé la suspension de la procédure de recours au motif que, le 22 septembre 2020, elle a déposé auprès de l’EUIPO une demande d’enregistrement de limitation de la liste des services visés par la marque demandée (ci-après la « limitation des services »), de sorte que l’enregistrement de cette dernière était désormais sollicité pour les services relevant des classes 38, 41 et 42, correspondant à la description suivante :

–        classe 38 : « Transmission, transfert et fourniture pour le compte de tiers de données et d’autres informations et images en lien avec des machines automatiques » ;

–        classe 41 : « Enseignement en lien avec des machines automatiques ; fourniture de formations en lien avec des machines automatiques ; divertissements en lien avec des machines automatiques ; activités sportives et culturelles en lien avec des machines automatiques ; location de machines à sous et de machines de divertissement pour casinos, en lien avec des machines automatiques ; organisation et conduite de jeux en lien avec des machines automatiques ; jeux d’argent en lien avec des machines automatiques ; exploitation de loteries en lien avec des machines automatiques ; exploitation de jeux sur l’internet, y compris en ligne et sous la forme d’applications pour smartphones en lien avec des machines automatiques ; jeux en ligne (sur l’internet) en lien avec des machines automatiques ; fourniture de contenus récréatifs et/ou éducatifs pour applications pour dispositifs mobiles et ordinateurs en lien avec des machines automatiques ; conduite de jeux de questions-réponses par le biais d’applications pour smartphones en lien avec des machines automatiques ; fourniture d’installations de casinos (jeux d’argent), de bureaux de paris en lien avec des machines automatiques ; exploitation d’établissements de jeux d’argent, d’arcades et/ou de casinos en ligne sur l’internet et de plates-formes de paris en lien avec des machines automatiques ; services de jeux d’argent sur l’internet en lien avec des machines automatiques ; fourniture d’installations récréatives en lien avec des machines automatiques » ;

–        classe 42 : « Développement et location d’ordinateurs et d’équipements de traitement de données en lien avec des machines automatiques ; conseils techniques concernant l’utilisation de machines automatiques, d’ordinateurs en lien avec des machines automatiques, d’équipements de traitement de données en lien avec des machines automatiques, d’alarmes et d’installations de surveillance ; programmation informatique concernant l’utilisation de machines automatiques ; services de bases de données concernant l’utilisation de machines automatiques, à savoir la compilation, le stockage, la mise à jour et l’analyse de données relatives à des machines automatiques ; fourniture d’espace de mémoire électronique pour données, programmes, informations, sons et images concernant l’utilisation de machines automatiques ; traitement de données pour le compte de tiers concernant l’utilisation de machines automatiques ; services de designer, à savoir équipement et décoration de locaux commerciaux pour des tiers, en particulier d’auberges et de salles de jeux, y compris la planification ainsi que les conseils techniques et conceptuels ».

18      Dans ses observations, en date du 8 octobre 2020, sur la demande de suspension de la requérante, d’une part, l’EUIPO a indiqué que la limitation des services avait été acceptée et que la liste des services relevant des classes 38, 41 et 42, couverts par la marque demandée, correspondait à la description figurant au point précédent. D’autre part, il a précisé que ladite limitation modifiait l’objet du litige devant la chambre de recours et ne pouvait dès lors être prise en compte dans le recours. Le Tribunal a demandé à la requérante et à l’intervenante de se prononcer à cet égard dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure.

19      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure, la requérante soutient, contrairement à l’EUIPO, que la limitation des services ne modifie pas l’objet du litige en ce que la restriction de la liste des services a été effectuée de façon à rendre plus précise ladite liste, sans toutefois limiter l’étendue de la demande de marque.

20      L’intervenante et l’EUIPO estiment, en substance, que la limitation des services était possible, mais qu’elle ne peut pas être prise en considération par le Tribunal lors de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, laquelle doit être examinée exclusivement à la lumière de la liste initiale des services. Plus particulièrement, l’EUIPO fait valoir que la nouvelle énumération des services visés dans la demande de marque, relevant de la classe 38, à savoir les services de « [t]ransmission, transfert et fourniture pour le compte de tiers de données et d’autres informations et images en lien avec des machines automatiques », modifiait le contexte factuel initialement présenté devant la chambre de recours, ce qui aurait poussé cette dernière à décider, au point 83 de la décision attaquée, que les services relevant de la classe 38 et couverts par la marque demandée (« [t]ransmission, transfert et fourniture pour le compte de tiers de données et d’autres informations ») étaient similaires aux « jeux vidéo », relevant de la classe 9 et couverts par la marque antérieure.

21      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le demandeur peut à tout moment retirer sa demande de marque de l’Union européenne ou limiter la liste des produits ou services qu’elle contient. Lorsque la demande a déjà été publiée, le retrait ou la limitation sont également publiés.

22      Selon une jurisprudence constante, par souci d’économie de la procédure, le Tribunal peut tenir compte d’une limitation des produits et des services désignés dans la demande de marque, à condition que celle‑ci ne soit pas de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits ou les services non concernés par cette limitation. Ainsi, une limitation opérée, conformément à l’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée peut être prise en considération par le Tribunal lorsque le demandeur se borne strictement à réduire l’objet du litige en retirant certaines catégories de produits ou de services de la liste des produits et des services désignés dans la demande de marque. Dans la mesure où la chambre de recours doit apprécier l’existence du risque de confusion par rapport à chacun des produits et des services pour lesquels la marque de l’Union européenne est demandée, le simple retrait d’une ou de plusieurs catégories de produits et de services de la liste pour laquelle la demande de marque est introduite n’est pas, en principe, de nature à modifier le cadre factuel sur lequel a porté l’examen de la chambre de recours en ce qui concerne les produits et les services non concernés par cette limitation [voir arrêt du 30 avril 2015, Tecalan/OHMI – Ensinger (TECALAN), T‑100/14, non publié, EU:T:2015:251, point 31 et jurisprudence citée].

23      Lorsque, en revanche, cette limitation conduit à une modification de l’objet du litige, en ce qu’il en résulte l’introduction d’éléments nouveaux qui n’avaient pas été soumis à l’examen de la chambre de recours aux fins de l’adoption de la décision attaquée, elle ne peut pas, en principe, être prise en compte par le Tribunal. Tel est le cas lorsque la limitation des produits et des services consiste en des spécifications susceptibles d’influer sur l’appréciation de la similitude des produits et des services ou sur la détermination du public ciblé et de modifier, par conséquent, le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2015, TECALAN, T‑100/14, non publié, EU:T:2015:251, point 32 et jurisprudence citée).

24      En l’espèce, il y a lieu de relever que la limitation des services a consisté en l’ajout de la spécification « en lien avec des machines automatiques » dans la liste des services couverts par la marque demandée. À cet égard, ainsi que l’a relevé à juste titre l’EUIPO (voir point 20 ci-dessus), il y a lieu de constater que, d’une part, ladite spécification est susceptible d’influer sur l’appréciation de la similitude des produits et des services et que, d’autre part, elle pourrait avoir pour effet de modifier la composition du public pertinent. Par conséquent, il y a lieu de relever que ladite limitation modifie le cadre factuel qui avait été présenté devant la chambre de recours.

25      Dès lors, la limitation des services sollicitée par la requérante conduit à une modification de l’objet du litige, de sorte qu’elle doit être rejetée comme étant irrecevable.

C.      Sur le fond

26      À l’appui de son recours, la requérante soulève, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, le second, d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure.

27      Il convient d’examiner tout d’abord le second moyen.

1.      Sur le second moyen, tiré d’une erreur d’appréciation de la chambre de recours concernant la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure

28      Dans le cadre de ce moyen, la requérante soutient, en substance, que l’intervenante n’a pas démontré l’usage sérieux de la marque antérieure à l’égard des produits et des services pour lesquels elle est enregistrée. D’une part, elle fait valoir que les preuves produites concernent des services d’édition de logiciels de divertissement multimédias pour lesquels la marque antérieure n’est pas enregistrée et qui, selon la base de données TMclass, ne sont pas inclus dans les services d’« [é]ducation et [de] divertissement », relevant de la classe 41 et couverts par la marque antérieure. D’autre part, elle soutient que le grand public n’est pas en mesure d’associer les « jeux vidéo », relevant de la classe 9, à la marque antérieure puisqu’il comprendra qu’il s’agit d’un éditeur de jeux vidéo qui gère son activité sous un tel nom.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et renvoient, en substance, à la motivation de la décision attaquée.

30      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les éléments de preuve produits ne démontrent l’usage de la marque antérieure que pour des services d’édition de logiciels de divertissement multimédias, lesquels ne feraient pas partie des services d’« [é]ducation et [de] divertissement » couverts par cette marque, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que l’intervenante développe, publie et fournit aussi des jeux vidéo qui peuvent être joués en ligne et qui constituent une sous-catégorie des services de divertissement relevant de la classe 41 que revendique la requérante.

31      Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO et de l’intervenante, s’agissant de la référence faite par la requérante à l’outil de classification des produits et des services TMclass, que, comme cela est d’ailleurs indiqué dans les spécifications de cet outil, celui-ci ne fait pas partie de la classification de Nice et n’a aucun effet juridique dans l’examen des marques ou dans la comparaison des produits et des services [arrêt du 30 septembre 2015, Gat Microencapsulation/OHMI – BASF (KARIS), T‑720/13, non publié, EU:T:2015:735, point 44]. L’argumentation de la requérante relative à l’outil de classification TMclass ne saurait donc valablement prospérer.

32      En second lieu, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le signe Gameloft ferait référence à la dénomination sociale de l’intervenante et non à la marque antérieure, il convient de rappeler que, lorsqu’une marque verbale, comme en l’espèce, constitue également une dénomination sociale, il n’est pas exclu que la dénomination sociale soit utilisée en tant que marque [voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, Cactus/OHMI – Del Rio Rodríguez (CACTUS OF PEACE CACTUS DE LA PAZ), T‑24/13, non publié, EU:T:2015:494, point 62 et jurisprudence citée]. Cependant, il ressort de la jurisprudence qu’une dénomination sociale a pour objet d’identifier une société et n’a pas en soi pour finalité de distinguer des produits ou des services. Dès lors, il est considéré qu’il y a usage pour des produits ou des services lorsqu’un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale sur les produits qu’il commercialise ou lorsque, même en l’absence d’apposition, le tiers utilise ledit signe de telle façon qu’il s’établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2007, Céline, C‑17/06, EU:C:2007:497, points 21 à 23).

33      En l’espèce, tout d’abord, la chambre de recours a relevé à juste titre que, s’il est vrai que les jeux proposés par l’intervenante portent des noms qui font référence à certains personnages spécifiques ou indiquent le thème du jeu, il n’en demeure pas moins que, sur le site Internet de l’intervenante ainsi que sur des sites de classements de jeux vidéo et de boutiques d’applications en ligne, le signe Gameloft figurait à proximité de la désignation desdits jeux vidéo ou applications. Cette circonstance est de nature à démontrer qu’il s’établit un lien entre ledit signe et les produits commercialisés ou les services fournis par l’intervenante, au sens de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, et que, partant, ce signe est utilisé en tant que marque.

34      Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté.

2.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

35      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir constaté à tort l’existence d’un risque de confusion en violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

a)      Observations liminaires

36      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

37      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

38      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

39      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union européenne, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits ou des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009  existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

40      Il convient également de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 78 et jurisprudence citée].

41      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent moyen.

b)      Sur le public pertinent

42      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

43      Par ailleurs, cette appréciation du risque de confusion doit être menée par rapport à la perception qu’en a la partie du public qui manifeste le niveau d’attention le moins élevé, étant donné qu’elle sera plus encline à la confusion [voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2014, Argo Group International Holdings/OHMI – Arisa Assurances (ARIS), T‑247/12, EU:T:2014:258, point 29].

44      En l’espèce, la chambre de recours, aux points 74, 78 et 79 de la décision attaquée, a considéré que, s’agissant des produits et des services compris dans les classes 9 et 41 ainsi que des autres services relevant des classes 38 et 42, le public pertinent se constituait à la fois du grand public et de professionnels se situant sur le territoire de l’Union et manifestant un niveau d’attention allant de moyen à élevé. En outre, en raison des termes anglais employés, la chambre de recours a tenu compte de la compréhension des signes par la partie anglophone dudit public. En ce qui concerne la « programmation informatique [et les] services d’une banque de données, à savoir compilation, stockage, actualisation, analyse de données », la chambre de recours a estimé que ceux-ci s’adressaient à un public de professionnels manifestant un niveau d’attention moyen. Cette appréciation n’a pas été contestée par les parties.

c)      Sur la comparaison des produits et des services en cause

45      La chambre de recours a considéré, en substance, que les services relevant des classes 38, 41 et 42, visés dans la demande d’enregistrement, étaient soit identiques soit similaires, certains l’étant à un faible degré, aux produits relevant de la classe 9 et aux services relevant de la classe 41, couverts par la marque antérieure. Cette appréciation de la chambre de recours n’a pas été contestée par les parties.

d)      Sur la comparaison des signes en conflit

46      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

47      Par ailleurs, il y a lieu d’observer que le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des facteurs pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2017, Aldi Einkauf/EUIPO – Weetabix (Alpenschmaus), T‑103/16, non publié, EU:T:2017:605, point 47 et jurisprudence citée].

48      La requérante conteste l’appréciation effectuée par la chambre de recours concernant le caractère distinctif des éléments composant les marques en conflit. En application de la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, il convient d’examiner les arguments de la requérante portant sur cette question avant de procéder à une comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

49      La chambre de recours a considéré, d’une part, que la marque antérieure était composée de l’élément verbal « gameloft » et, d’autre part, que la marque demandée se composait de l’élément verbal « gameland » en lettres stylisées de différentes couleurs ainsi que d’un élément figuratif représentant un soleil souriant.

1)      Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit

50      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

51      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

52      En l’espèce, tout d’abord, la chambre de recours a relevé, à juste titre, que la marque antérieure était constituée par le mot « gameloft » et que la marque demandée était composée de l’élément verbal « gameland », représenté en lettres majuscules grasses légèrement stylisées de couleurs verte, orange, jaune et rouge, ainsi que de l’image stylisée d’un soleil souriant positionné au-dessus de l’élément verbal.

53      Ensuite, la chambre de recours a considéré, en se basant sur le Collins Dictionary en ligne, que l’élément verbal « game », commun aux signes en conflit, serait compris par le public pertinent comme étant « [une] activité ou un sport nécessitant généralement des compétences, des connaissances ou de la chance, dans lequel vous suivez des règles fixes et essayez de gagner contre un adversaire ou de résoudre un puzzle ». Elle ajoute que le mot « game » indique directement la destination, la nature ou l’objet de tous les produits et services en cause et, dès lors, doit être considéré comme non distinctif par rapport à ceux-ci. Puis, s’agissant en particulier de la marque antérieure, elle a relevé qu’elle se composait des termes « game » et « loft », ce dernier signifiant, selon le même dictionnaire, « espace à l’intérieur d’un toit » ou « appartement dans la partie supérieure d’un bâtiment tel qu’un entrepôt ou une usine qui a été converti pour que les gens y vivent ». Selon la chambre de recours, ledit signe serait compris, dans son ensemble, comme un loft pour les jeux, à savoir un endroit à l’intérieur où il est joué à un jeu. La chambre de recours a considéré, dès lors, que la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque limité en ce qu’elle faisait référence à la nature et à la destination des produits et des services concernés. Cet aspect n’a pas fait obstacle au constat ultérieur de son caractère distinctif élevé acquis par l’usage.

54      S’agissant de la marque demandée, la chambre de recours a considéré que son élément verbal était composé des termes « game » et « land », ce dernier signifiant, toujours selon le même dictionnaire, « partie du monde qui est constituée de terre plutôt que de mer ou d’air » ou encore « pays d’une manière poétique ou émotionnelle ». Partant, l’élément verbal « gameland » serait compris comme une terre, un grand espace où il serait joué à des jeux. Elle en a déduit que l’élément verbal de la marque demandée possédait un caractère distinctif limité en ce qu’elle faisait référence à la nature et à la destination des services en cause.

55      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré que le public pertinent percevrait la légère stylisation ainsi que les lettres de couleurs différentes de la marque demandée comme un simple élan décoratif dépourvu de caractère distinctif. Puis, elle a estimé que la représentation stylisée d’un soleil souriant était un élément commun permettant d’indiquer la joie, le plaisir ainsi qu’une aura ou un sentiment positif en général, et qui devait être considéré comme ayant un caractère distinctif limité. Enfin, la chambre de recours a estimé que l’élément verbal « gameland » de la marque demandée produisait une impression d’ensemble plus forte que les éléments figuratifs.

56      Premièrement, la requérante fait valoir que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, l’élément figuratif représenté par un soleil souriant présente un caractère distinctif étant donné qu’il ne ferait pas référence au concept de joie. En effet, en s’appuyant sur des décisions antérieures de l’EUIPO, elle soutient que la présence d’un soleil souriant ne permet pas de désigner la qualité, la particularité, l’origine ou toute autre caractéristique des services de télécommunication relevant de la classe 38 par rapport à ceux liés à l’éducation, au sport et à la culture, relevant de la classe 41, ainsi qu’aux services informatiques, relevant de la classe 42.

57      Deuxièmement, la requérante soutient que l’élément verbal « game » ne doit pas être pris en compte dans la comparaison des signes pour les produits relevant de la classe 9 et les services relevant de la classe 41. En effet, selon elle, cet élément, malgré sa position initiale dans le signe, ne retiendra pas l’attention du public pertinent, qui le percevra comme étant descriptif desdits produits et services. S’agissant des services de télécommunication relevant de la classe 38, d’une partie des services relevant de la classe 41 ainsi que de tous les services relevant de la classe 42, la requérante estime que ledit élément présente un caractère distinctif.

58      Enfin, troisièmement, la requérante considère que le terme « loft » de la marque antérieure et le terme « land » de la marque demandée constituent les éléments distinctifs et dominants desdites marques.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

60      En premier lieu, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, d’une part, l’élément verbal de la marque demandée aurait une influence plus forte sur la perception du public pertinent que son élément figuratif constitué d’un soleil souriant et que, d’autre part, même s’il ne serait pas négligeable dans l’impression d’ensemble produite par la marque antérieure, il serait simplement perçu comme un élément décoratif. Dès lors, il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que le caractère distinctif dudit élément figuratif est faible.

61      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante appuie ses arguments sur des décisions antérieures de l’EUIPO, il convient de rappeler que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [voir arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65 et jurisprudence citée, et du 12 avril 2016, Auyantepui Corp./EUIPO – Magda Rose (Mr Jones), T‑8/15, non publié, EU:T:2016:213, point 48 et jurisprudence citée].

62      En second lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’élément verbal « game », commun aux signes en conflit, est descriptif et donc dépourvu de caractère distinctif, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est protégée ou des produits et des services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible [voir arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 49 et jurisprudence citée].

63      Il convient de relever que, en application de la jurisprudence rappelée au point précédent, l’élément verbal « game », en dépit de son faible caractère distinctif, n’est pas négligeable dans l’impression produite par les signes en conflit et doit être pris en compte dans la comparaison des signes.

64      Enfin, en ce qui concerne le caractère distinctif des éléments verbaux « loft » de la marque antérieure et « land » de la marque demandée, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours au point 95 de la décision attaquée, que le premier de ces deux termes serait compris par les consommateurs comprenant l’anglais et d’après le Collins Dictionary en ligne comme un « espace à l’intérieur d’un toit » ou un « appartement dans la partie supérieure d’un bâtiment tel qu’un entrepôt ou une usine qui a été converti pour que les gens y vivent » et le second comme une « partie du monde qui est constituée de terre plutôt que de mer ou d’air » ou encore comme un « pays d’une manière poétique ou émotionnelle ». Il s’ensuit que les éléments verbaux « loft » et « land » présentent un caractère distinctif moyen pour les produits et les services en cause.

65      C’est en tenant compte des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si la comparaison des marques en conflit effectuée par la chambre de recours sur les plans visuel, phonétique et conceptuel est entachée d’erreurs.

2)      Sur la similitude visuelle

66      La chambre de recours a constaté que les marques en conflit coïncidaient par leurs cinq premières lettres, « g », « a », « m », « e » et « l », mais se distinguaient par leurs terminaisons, « oft » pour la marque antérieure et « and » pour la marque demandée, ainsi que par la stylisation présente dans la marque demandée. La chambre de recours a dès lors estimé, tout comme la division d’opposition, que les signes en conflit étaient visuellement similaires à un degré moyen.

67      La requérante ne formule pas expressément de conclusion sur la comparaison visuelle et se borne à indiquer, en substance, d’une part, que les signes en conflit se distinguent essentiellement par la présence d’un soleil humanisé et de lettres stylisées dans la marque demandée et, d’autre part, que les mots « loft » et « land » sont des éléments suffisamment différents pour exclure tout risque de confusion.

68      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

69      Il y a lieu de constater que chaque signe est composé d’éléments verbaux formés de deux mots accolés, dont le premier est identique dans les deux signes, à savoir « game », et le second est le mot « loft » pour la marque antérieure et « land » pour la marque demandée, ces derniers commençant tous deux par la lettre « l ». En outre, la séquence identique des cinq premières lettres « g », « a », « m », « e », « l », placée au début des deux marques, ainsi que le fait que lesdits éléments verbaux se composent du même nombre de lettres, comme l’a relevé à juste titre l’intervenante, introduisent des éléments de similitude visuelle entre les signes en conflit. La différence résultant de la présence du soleil souriant ainsi que de la stylisation des lettres de la marque demandée permet d’établir, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, l’existence d’une similitude visuelle moyenne entre lesdits signes.

3)      Sur la similitude phonétique

70      La chambre de recours a considéré que, sur le plan phonétique, les signes coïncidaient par la séquence identique de lettres « g », « a », « m », « e » et « l », que les dernières lettres respectives des marques en conflit, « t » et « d », créaient un son similaire, que les voyelles et les consonnes composant les éléments verbaux en conflit étaient similaires et qu’elles étaient prononcées en deux syllabes. La chambre de recours ajoute que les signes ne diffèrent que par le son de leurs groupes de lettres respectifs « of » et « an », de sorte que les signes en conflit présenteraient un degré de similitude phonétique « supérieur à la moyenne ». Cette appréciation n’a pas été contestée par les parties.

4)      Sur la similitude conceptuelle

71      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit, pris dans leur ensemble, faisaient référence à un concept identique, à savoir un « certain lieu ou espace où il est joué à un jeu » et que, compte tenu du caractère distinctif de leurs éléments, ils étaient conceptuellement similaires à un degré moyen.

72      La requérante, quant à elle, fait valoir que les mots « loft » et « land » se distinguent sur le plan conceptuel en ce que le premier fait référence à un espace intérieur construit pour l’homme dans la partie supérieure d’un bâtiment, alors que le second ferait référence à un terrain ouvert dans un espace naturel.

73      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

74      Il convient donc d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient conceptuellement similaires à un degré moyen.

75      Il y a lieu de relever, ainsi que l’a considéré à juste titre la chambre de recours, que les marques en conflit évoquent la notion de jeu du fait de leur élément commun « game ». De plus, les termes « loft » et « land » seront immédiatement compris par une partie significative du public pertinent comme véhiculant une signification claire et similaire, à savoir un lieu ou un espace où l’on peut jouer à un jeu. Partant, ils font référence au même concept. Quant à l’élément figuratif de la marque demandée représentant un soleil souriant, qui n’a pas d’équivalent dans la marque antérieure, il doit être considéré, ainsi qu’il a été indiqué au point 60 ci-dessus, comme un élément essentiellement décoratif. Dès lors, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que les signes en conflit sont conceptuellement similaires à un degré moyen.

76      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les marques en conflit présentent une similitude moyenne sur les plans visuel et conceptuel ainsi qu’une similitude supérieure à la moyenne sur le plan phonétique.

e)      Sur le risque de confusion

77      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

78      La chambre de recours a considéré, aux points 108 et 115 de la décision attaquée, que, compte tenu de l’interdépendance des facteurs et notamment du caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque antérieure, il y avait lieu de constater qu’au moins une partie non négligeable du public pertinent, composé de consommateurs anglophones moyens, pourrait être induite en erreur en pensant que les services identiques et similaires en cause provenaient de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

79      La requérante conteste l’existence d’un risque de confusion malgré la présence de l’élément verbal commun « game » figurant au début des deux marques en cause, dès lors que, d’une part, cet élément serait descriptif des produits et des services compris dans les classes 9 et 41, désignés par la marque antérieure et que, d’autre part, les éléments distinctifs « land » et « loft » seraient suffisamment différents pour exclure un tel risque.

80      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

81      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée aux points 37, 43 et 75 ci-dessus, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent, manifestant le niveau d’attention le moins élevé, a des signes en cause et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits et des services désignés.

82      Par ailleurs, il convient de souligner que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important et que les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (arrêt du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18).

83      Il résulte des considérations figurant aux points 42 à 76 ci-dessus, tout d’abord, que le public pertinent manifeste un niveau d’attention allant de moyen à élevé et que les produits et les services en cause sont soit identiques soit similaires, certains l’étant à un faible degré. En ce qui concerne les signes en conflit, bien qu’ils incluent, comme le fait valoir la requérante, des termes différents, respectivement « loft » et « land », ils présentent une similitude moyenne sur les plans visuel et conceptuel ainsi qu’une similitude moyenne à élevée sur le plan phonétique. En outre, le fait que l’élément verbal commun « game » des signes en conflit soit faiblement distinctif sera compensé par le caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque antérieure.

84      Dans ces circonstances, eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 79 à 81 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que le public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention moyen pourrait être amené à penser que les produits et services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement lorsqu’ils sont vendus sous les marques en conflit.

85      Étant donné que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait un risque de confusion, il y a lieu de rejeter le premier moyen et, partant, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante visant à ce que le Tribunal ordonne qu’il soit fait droit à sa demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne, dès lors qu’il présuppose qu’il soit fait droit au recours en annulation et qu’il n’est donc formé que si le recours aboutit dans son premier chef de conclusions [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2019, Aytekin/EUIPO – Dienne Salotti (Dienne), T‑107/18, non publié, EU:T:2019:114, point 84 et jurisprudence citée].

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      adp Gauselmann GmbH est condamnée aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.