Language of document : ECLI:EU:T:2021:155

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 mars 2021 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un élément de construction d’une boîte de jeu de construction – Motif de nullité – Non-respect des conditions de protection – Article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 6/2002 – Caractéristiques de l’apparence d’un produit exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci – Caractéristiques de l’apparence d’un produit devant nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour servir à l’interconnexion avec d’autres produits – Dessins ou modèles ayant pour objet de permettre l’assemblage ou la connexion multiples des produits interchangeables à l’intérieur d’un système modulaire – Article 8, paragraphes 1 à 3, du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑515/19,

Lego A/S, établie à Billund (Danemark), représentée par Mes V. von Bomhard et J. Fuhrmann, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Delta Sport Handelskontor GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes C. Klawitter et L.-E. Appel, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 10 avril 2019 (affaire R 31/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Delta Sport Handelskontor et Lego

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 10 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er octobre 2019,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties du 15 mai 2020,

à la suite de l’audience du 23 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 2 février 2010, la requérante, Lego A/S, a présenté une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle communautaire dont l’enregistrement a été demandé et qui est contesté en l’espèce est représenté dans les vues suivantes :

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3        Les produits auxquels le dessin ou modèle est destiné à être appliqué relèvent de la classe 21.01 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondent  à la description suivante : « éléments de construction d’une boîte de jeu de construction ».

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 2 février 2010 en tant que dessin ou modèle communautaire sous le numéro 1664368-0006 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 32/2010, du 11 février 2010.

5        Le 8 décembre 2016, l’intervenante, Delta Sport Handelskontor GmbH, a introduit, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande de nullité du dessin ou modèle contesté.

6        Le motif invoqué au soutien de la demande était celui visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec les articles 4 à 9 du même règlement. En particulier, l’intervenante a soutenu que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit et, de ce fait, étaient exclues de la protection conformément à l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

7        Le 30 octobre 2017, la division d’annulation de l’EUIPO a rejeté la demande de nullité. En particulier, elle a considéré que la fonction technique du bloc de construction était de s’emboîter dans d’autres blocs de construction à des fins de jeux et que l’intervenante n’avait pas prouvé que le fait de remplir cette fonction était le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté. Afin de réfuter l’argument de l’intervenante selon lequel la liberté du créateur des briques de construction serait limitée, en l’espèce, en raison de l’interopérabilité des éléments, la division d’annulation a notamment relevé que le jeu de construction correspondait à la définition du système modulaire et qu’il n’y avait pas lieu d’exclure de la protection le dessin ou le modèle contesté pour des raisons d’interopérabilité.

8        Le 5 janvier 2018, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 55 à 60 du règlement no 6/2002, contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 10 avril 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours en annulant la décision de la division d’annulation et en déclarant la nullité du dessin ou modèle contesté.

10      En substance, elle a considéré que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

11      Dans un premier temps, la chambre de recours a relevé que le produit concerné par le dessin ou modèle contesté était une brique de construction faisant partie d’un ensemble plus vaste de briques et qu’elle était destinée à être assemblée avec d’autres briques du jeu pour construire des objets. Par conséquent, la fonction technique que doit remplir cette brique était la capacité d’être assemblée, d’une manière suffisamment stable, avec d’autres briques du jeu en vue de former une construction.

12      Dans un deuxième temps, elle a identifié les caractéristiques de l’apparence du produit, à savoir, premièrement, la rangée de pastilles sur la face supérieure de la brique, deuxièmement, la rangée de cercles plus petits sur la face inférieure de la brique, troisièmement, les deux rangées de cercles plus grands sur la face inférieure de la brique, quatrièmement, la forme rectangulaire de la brique, cinquièmement, l’épaisseur des parois de la brique et, sixièmement, la forme cylindrique des pastilles.

13      Dans un troisième temps, la chambre de recours a estimé que toutes les caractéristiques qu’elle a identifiées et que la requérante a approuvées étaient exclusivement imposées par la fonction technique de la brique de construction, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage. Elle a également observé que la requérante, tout en contestant que les caractéristiques de l’apparence soient exclusivement imposées par la fonction technique, n’avait pas cité une seule considération autre que technique qui aurait pu déterminer l’aspect visuel de ces caractéristiques.

14      En réponse à un argument de la requérante selon lequel aucun fait ou élément de preuve objectif démontrant le caractère exclusivement technique des caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté n’aurait été produit en l’espèce, la chambre de recours a relevé que l’intervenante avait présenté tant devant la division d’annulation que devant la chambre de recours des explications convaincantes, étayées par des illustrations, quant à la manière dont les briques du jeu sont assemblées et dont chacune des caractéristiques de son apparence permet d’emboîter et de démonter ces briques.

15      En outre, la chambre de recours a considéré que les conclusions de la grande chambre de recours, confirmées par le Tribunal [arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T‑270/06, EU:T:2008:483] et la Cour (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516) dans l’affaire concernant la demande de marque no 107029 pouvaient être transposées mutatis mutandis au dessin ou modèle contesté, compte tenu du fait que les caractéristiques de l’apparence de la brique que la requérante a tenté d’enregistrer comme une marque tridimensionnelle étaient également présentes dans la brique dans laquelle doit être incorporé le dessin ou modèle contesté.

II.    Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’annulation rejetant la demande de nullité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

17      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité de l’annexe A-14 de la requête

18      L’intervenante fait valoir que l’annexe A-14 de la requête est produite pour la première fois devant le Tribunal. Elle estime que cet élément doit être écarté au motif que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de preuves présentées pour la première fois devant lui.

19      À cet égard, il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 61 du règlement no 6/2002, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des éléments présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 24 octobre 2019, Atos Medical/EUIPO – Andreas Fahl Medizintechnik-Vertrieb (Patchs médicaux), T‑559/18, non publié, EU:T:2019:758, point 18 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, il convient de constater que l’annexe A-14 de la requête contient deux décisions de la troisième chambre de recours du 9 juin 2017 et du 4 avril 2019, relatives à la procédure de nullité d’un autre dessin ou modèle dont la requérante est titulaire qui correspond à une brique du jeu comportant une pastille unique sur la surface supérieure.

21      Bien que produits pour la première fois devant le Tribunal, ces documents ne sont pas des preuves proprement dites, au sens notamment de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal, mais concernent la pratique décisionnelle de l’EUIPO, à laquelle, même si ladite pratique est postérieure à la procédure devant l’EUIPO, une partie a le droit de se référer pour la première fois devant le Tribunal [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 octobre 2017, Alpirsbacher Klosterbräu Glauner/EUIPO (Klosterstoff), T‑844/16, EU:T:2017:759, point 57 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que les décisions de l’EUIPO, produites en annexe A‑14 de la requête, sont recevables en l’espèce.

B.      Sur le premier chef de conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée

22      À l’appui de son premier chef de conclusions visant à l’annulation de la décision attaquée, la requérante invoque trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement et, le troisième, de la violation de l’article 62 du même règlement.

1.      Sur la violation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002

23      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que la décision attaquée ne fait pas mention de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 alors qu’elle a invoqué cette disposition au cours de la procédure devant la chambre de recours. Par conséquent, ce moyen doit être regardé comme étant tiré d’une erreur de droit relative au refus, par la chambre de recours, de faire application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

24      La requérante fait valoir que le dessin ou modèle contesté relève de l’exception visée à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 et ne pouvait donc être annulé en l’espèce. Selon elle, il convient d’interpréter cette disposition comme une exception à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 soit directement, soit par l’intermédiaire de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement. S’il était considéré que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 constitue une dérogation uniquement à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement et que cette dernière n’était pas une lex specialis par rapport à l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, les paragraphes 2 et 3 de l’article 8 seraient rendus inopérants en contradiction avec l’objectif de la législation, à savoir la protection des systèmes modulaires. Par la première branche du deuxième moyen, elle soutient que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 n’était pas applicable en l’espèce. 

25      L’EUIPO rejette les arguments de la requérante et soutient, à titre principal, que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 n’était pas applicable en l’espèce et, à titre subsidiaire, que, même si cette disposition était applicable, son invocation par la requérante pour la première fois devant la chambre de recours était, en tout état de cause, tardive.

26      En particulier, l’EUIPO soutient que la demande en nullité de l’intervenante était fondée uniquement sur l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, de sorte que la division d’annulation ne pouvait examiner le respect de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, sans méconnaître l’article 63, paragraphe 1, dudit règlement. Tout en admettant que certaines caractéristiques de l’apparence exclusivement imposées par une fonction technique au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 puissent constituer un raccord mécanique au sens de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, il soutient que cette dernière disposition n’est pas pour autant automatiquement applicable en sus de la disposition invoquée par la partie intervenante. Lors de l’audience, l’EUIPO a ajouté que l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 viserait des raccords mécaniques pour lesquels les considérations visuelles ont joué un rôle et qui, de ce fait, ne relèveraient pas de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

27      L’intervenante, quant à elle, soutient, en substance, que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 ne s’applique pas en l’espèce, de sorte qu’il n’y aurait pas lieu d’examiner la question de savoir si cette disposition constitue une lex specialis par rapport à l’article 8, paragraphe 1, du même règlement. En particulier, elle fait valoir que l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 vise la protection des produits formant un système modulaire dans son intégralité, alors que le produit auquel est incorporé le dessin ou modèle contesté ne constitue pas un produit dans son intégralité, à savoir l’ensemble de la boîte de jeu de construction, mais seulement une petite partie de celui-là.

28      Il y a lieu de rappeler que, aux termes du considérant 10 du règlement no 6/2002, l’innovation technologique ne devrait pas être entravée par l’octroi de la protection des dessins ou modèles à des caractéristiques imposées exclusivement par une fonction technique, étant entendu qu’il n’en résulte pas qu’un dessin ou modèle doive présenter un caractère esthétique. De même, l’interopérabilité de produits de fabrications différentes ne devrait pas être entravée par l’extension de la protection aux dessins ou modèles des raccords mécaniques. Par conséquent, les caractéristiques d’un dessin ou modèle qui sont exclues de la protection pour ces motifs ne devraient pas être prises en considération pour apprécier si d’autres caractéristiques de ce dessin ou modèle remplissent les conditions d’obtention de la protection.

29      Ainsi, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

30      L’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, pour sa part, prévoit qu’un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui doivent nécessairement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes pour que le produit dans lequel est incorporé ou auquel est appliqué le dessin ou modèle puisse mécaniquement être raccordé à un autre produit, être placé à l’intérieur ou autour d’un autre produit, ou être mis en contact avec un autre produit, de manière que chaque produit puisse remplir sa fonction (ci-après les « caractéristiques d’interconnexion »).

31      Quant à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, il est l’expression du considérant 11 du même règlement selon lequel les raccords mécaniques de produits modulaires peuvent constituer un élément important des caractéristiques innovatrices de produits modulaires et un atout précieux pour leur commercialisation, de sorte qu’ils devraient être admis à bénéficier de la protection.

32      Ainsi, aux termes de cette disposition, par dérogation au paragraphe 2, un dessin ou modèle communautaire confère des droits sur un dessin ou modèle répondant aux conditions fixées aux articles 5 et 6, qui a pour objet de permettre l’assemblage ou la connexion multiples de produits interchangeables à l’intérieur d’un système modulaire.

33      À cet égard, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 constitue une exception à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement permettant de protéger les dessins ou modèles visant les produits qui font partie d’un système modulaire en dépit de leurs éventuels caractéristiques d’interconnexion.

34      Il convient de rappeler que, à l’appui de sa demande de nullité, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, l’intervenante a invoqué l’article 8, paragraphe 1, du même règlement. La chambre de recours, contrairement à la division d’annulation, a estimé que toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté étaient exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit. Or, cette fonction technique est de permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

35      À cet égard, il y a lieu de relever que la division d’annulation, sans avoir apprécié les conditions d’application de l’article 8, paragraphes 2 et 3, du règlement no 6/2002, a considéré que le produit visé par le dessin ou modèle contesté constituait un élément d’un système modulaire. Ce faisant, la division d’annulation a laissé entendre que le dessin ou modèle contesté pouvait remplir les conditions de protection de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

36      De même, la requérante, dans ses observations sur le mémoire exposant les motifs du recours de l’intervenante, déposées devant la chambre de recours, en citant les considérations de la décision de la division d’annulation,  a invoqué le bénéfice de  l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.  

37      Or, force est de constater que la chambre de recours n’a pas examiné la pertinence de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, pourtant invoqué par la requérante devant elle.

38      Ainsi, en l’espèce, il convient d’examiner la question de savoir si la chambre de recours devait apprécier les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. Pour cela, avant de s’interroger sur la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté peuvent relever de l’exception prévue par l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, il y a lieu d’examiner la question de savoir si le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 pouvait être invoqué pour la première fois devant la chambre de recours.

a)      Sur la tardiveté de l’invocation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 par la requérante

39      À titre liminaire, il convient de considérer, à l’instar de l’EUIPO, que c’est au titulaire du dessin ou modèle contesté qu’il incombe d’invoquer le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. En effet, il convient de rappeler que cette disposition prévoit une exception à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, excluant du champ de cette disposition les caractéristiques d’interconnexion des dessins ou modèles, qui tout en remplissant les conditions fixées aux articles 5 et 6, du même règlement, permettent l’assemblage ou la connexion multiples de produits interchangeables à l’intérieur d’un système modulaire.

40      Toutefois se pose la question de savoir à quel stade de procédure administrative le titulaire d’un dessin ou modèle contesté peut invoquer le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 et, en particulier, s’il peut le faire pour la première fois devant la chambre de recours.

41      À cet égard, l’EUIPO soutient que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 doit nécessairement être invoqué par le titulaire du dessin ou modèle contesté, dans la mesure où il constitue « un moyen de défense », et que cette disposition ne peut être invoquée, pour la première fois, devant la chambre de recours. Il se réfère à l’article 108 du règlement no 6/2002 selon lequel les règlements de procédure des chambres de recours s’appliquent aux recours dont sont saisies ces instances en vertu de ce règlement. Ainsi, le règlement de procédure des chambres de recours serait le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission du 5 mars 2018 complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). L’EUIPO cite, en particulier, l’article 27, paragraphe 3, de ce règlement qui précise que l’examen du recours porte sur les revendications ou demandes soulevées en temps utile devant la première instance pour pouvoir être examinées par la chambre de recours.

42      En réponse à la question écrite du Tribunal, la requérante a soutenu, lors de l’audience, que l’invocation de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 devant la chambre de recours n’était pas tardive étant donné qu’il n’existerait aucun délai pour invoquer cette disposition. Elle a notamment fait valoir que la portée de l’article 27, paragraphe 3, du règlement 2018/625 est très limitée en ce qu’il s’applique uniquement aux cas précis visés par cette disposition, parmi lesquels ne figure pas l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. En conséquence, une interprétation par analogie ne serait pas possible en l’espèce. Enfin, la requérante a estimé que l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625 ne s’appliquerait pas davantage en l’espèce.

43      L’intervenante, pour sa part, soutient que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 doit être invoqué en temps utile devant la première instance et que son invocation par la requérante, en l’espèce, était tardive tant en vertu de l’article 27, paragraphe 3, du règlement 2018/625 que d’une application large de l’article 27, paragraphe 4, dudit règlement, applicables en l’espèce en vertu de l’article 108, du règlement no 6/2002. Elle ajoute que, afin de bénéficier de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, le titulaire du dessin ou modèle contesté doit démontrer la nouveauté et le caractère individuel dudit dessin ou modèle. Or, la présentation des éléments de preuve en ce sens pour la première fois devant la chambre de recours retarderait, de manière disproportionnée, la procédure devant ladite chambre.

44      À cet égard, il convient de relever que, certes en vertu de l’article 108 du règlement no 6/2002, les dispositions du règlement 2018/625, relatives à la procédure devant les chambres de recours, sont également applicables aux recours visant les décisions mentionnées à l’article 55 du règlement no 6/2002.

45      Toutefois, force est de constater que l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 n’est pas expressément visé par les dispositions du règlement 2018/625 et notamment par son article 27, paragraphe 3. Cette dernière disposition vise trois types de revendications ou demandes particulières qui doivent être présentées en temps utile dans la procédure devant l’instance de l’EUIPO qui a adopté la décision faisant l’objet du recours. Or, les demandes relatives à l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 ne sont pas visées par ladite disposition, de sorte qu’elle ne saurait être applicable aux circonstances de l’espèce.

46      Il en va de même de l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625, relatif à l’admission de faits invoqués ou preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours. À cet égard, il suffit de considérer que l’invocation de l’exception visée à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 ne saurait en aucun cas être considéré comme un fait ou une preuve au sens de l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625, de sorte que ce dernier est manifestement inapplicable en l’espèce.

47      Partant, il convient de constater qu’aucune disposition du règlement no 6/2002 ne s’oppose à ce que le bénéfice de l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement soit revendiqué, pour la première fois, devant la chambre de recours, en réaction à la décision de la division d’annulation ou au mémoire exposant les motifs du recours devant ladite chambre de l’autre partie à la procédure.

48      Il y a lieu d’observer, à cet égard, que, aux termes de l’article 60, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, à la suite de l’examen au fond du recours, la chambre de recours statue sur le recours et peut, ce faisant, exercer les compétences de l’instance qui a pris la décision attaquée, c’est‑à‑dire, en l’occurrence, se prononcer elle-même sur la demande en nullité en la rejetant ou en la déclarant fondée, confirmant ou infirmant en cela la décision attaquée devant elle. Il résulte de cette disposition que, par l’effet du recours contre une décision de la division d’annulation, la chambre de recours peut procéder à un nouvel examen complet du fond de la demande en nullité du dessin ou modèle contesté, tant en droit qu’en fait [voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2013, Beifa Group/OHMI–Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instruments d'écriture), T‑608/11, non publié, EU:T:2013:334, point 37 et jurisprudence citée]. Par conséquent, la chambre de recours est, notamment, compétente pour examiner les revendications du titulaire du dessin ou modèle contesté relatives au bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

49      Or, la chambre de recours ne saurait être dessaisie de cette compétence du simple fait que le titulaire du dessin ou modèle contesté a choisi de revendiquer le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, pour la première fois, dans le cadre de la procédure de recours [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 120].

50      Au vu de tous ces éléments, et dans la mesure où ni le règlement no 6/2002, ni le règlement de procédure des chambres de recours ne précisent les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement, il n’est pas possible de considérer que l’invocation de ladite disposition par la requérante, pour la première fois devant la chambre de recours, était tardive.

51      L’argument de l’intervenante selon lequel l’admission de l’invocation du bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 pour la première fois devant la chambre de recours rallongerait la procédure administrative ne saurait être retenu, étant donné que le refus, par les chambres de recours, d’examiner l’applicabilité de cette disposition peut avoir pour effet de priver le titulaire du dessin ou modèle contesté d’un droit qui lui a été conféré.

52      Il convient d’ajouter que, conformément à l’article 59, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, au cours de l’examen du recours, la chambre de recours invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans le délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les communications qui émanent des autres parties ou qu’elle leur a adressées. Cette disposition a notamment vocation à s’appliquer lorsque le titulaire d’un dessin ou modèle contesté invoque, pour la première fois devant la chambre de recours, le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

b)      Sur l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 3 du règlement no 6/2002 au dessin ou modèle contesté

53      À titre liminaire, il convient de relever que, à la différence du paragraphe 3, les paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du règlement no 6/2002 ne confèrent aucun droit sur un dessin ou modèle. Dès lors, afin de déterminer si l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 était applicable au dessin ou modèle contesté, il convient d’apprécier si ce dessin ou modèle, au regard de ses caractéristiques, relève d’autres dispositions de cet article, pour, le cas échéant, examiner si ces autres dispositions font obstacle à l’application du paragraphe 3 dudit article.

1)      Sur le lien entre les caractéristiques visées à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et celles visées à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement

54      Il convient de relever qu’en soutenant que le dessin ou modèle contesté relève de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, la requérante admet, à tout le moins implicitement, que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par ledit dessin ou modèle permettant l’interconnexion dudit produit relèvent de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement. En outre, par la première branche du deuxième moyen elle soutient, en particulier, que le dessin ou modèle contesté ne pouvait pas être annulé en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

55      En l’espèce, au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a identifié les caractéristiques de l’apparence du produit suivantes : premièrement, la rangée de pastilles sur la face supérieure de la brique, deuxièmement, la rangée de cercles plus petits sur la face inférieure de la brique, troisièmement, les deux rangées de cercles plus grands sur la face inférieure de la brique, quatrièmement, la forme rectangulaire de la brique, cinquièmement, l’épaisseur des parois de la brique et, sixièmement, la forme cylindrique des pastilles. Selon l’avis de la chambre de recours, ainsi qu’il ressort du point 47 de la décision attaquée, toutes ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique de la brique de construction, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

56      Sans préjudice de la question de savoir si l’ensemble des caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté sont exclusivement imposées par la fonction technique dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, il convient d’apprécier si les caractéristiques, telles que identifiées par la chambre de recours, relèvent de ladite disposition ou, comme le soutient la requérante, de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement.

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, la fonction ayant exclusivement déterminé l’apparence de l’ensemble des caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, identifiées par la chambre de recours, est selon ladite chambre, de permettre l’assemblage avec les autres briques et leur démontage.

58      Ainsi qu’il ressort, en substance, des considérations de la chambre de recours, énoncées aux points 34 à 46 de la décision attaquée, ladite fonction est le seul facteur ayant déterminé les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté.

59      Or, la Cour a jugé que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 exclut la protection au titre du droit des dessins ou modèles communautaires des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce, même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 31). Par conséquent, de telles caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle, comme celles identifiées par la chambre de recours en l’espèce, qui sont exclusivement déterminées par la fonction permettant l’assemblage avec les autres briques et leur démontage, relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Autrement dit, dans le cas où la possibilité d’assembler le produit concerné par le dessin ou modèle contesté avec d’autres éléments de construction et de les démonter est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, ces dernières relèvent nécessairement de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

60      En outre, dans la mesure où, afin de remplir la fonction d’assemblage et de démontage du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, les caractéristiques de l’apparence de celui-ci, telles qu’identifiées par la chambre de recours, doivent être reproduites dans les dimensions exactes pour pouvoir être connectées, elles relèvent également de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement.

61      Il s’ensuit que des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle peuvent relever tant de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 que de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement dans la mesure où elles peuvent, à la fois, être exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit, à savoir permettre de connecter et déconnecter ledit produit et constituer des caractéristiques d’interconnexion.

62      Toutefois, force est de constater que toutes les caractéristiques d’interconnexion au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 ne sont pas nécessairement exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par un dessin ou modèle au sens de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, dans la mesure où l’interconnexion de ce produit peut ne pas être le seul facteur ayant déterminé l’apparence desdites caractéristiques.

63      En effet, ainsi que l’a soutenu l’EUIPO lors de l’audience, des caractéristiques d’interconnexion au sens de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 peuvent être conçues de sorte que des considérations visuelles aient joué un rôle et que, pour cette raison, lesdites caractéristiques ne relèveraient pas de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

64      Cette interprétation est également confirmé par les travaux préparatoires du règlement no 6/2002. Ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de l’article 9, paragraphe 2 de la proposition de la Commission du 3 décembre 1993 de règlement sur les dessins ou modèles communautaires COM (93) 342 final (JO 1994, C 29, p. 21), correspondant, en partie, à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002, le dessin ou modèle appliqué à des interconnexions qui doivent obligatoirement être reproduites dans leur forme et leurs dimensions exactes n’est pas susceptible de protection même s’il est arbitraire en ce sens que la forme et leurs dimensions ne sont pas dictées par leur fonction technique.

65      Il en découle que, selon la Commission, les caractéristiques de l’interconnexion ne sont pas nécessairement dictées exclusivement par la fonction technique du produit auquel le dessin ou modèle est appliqué et que, par conséquent, l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 vise une catégorie de caractéristiques d’interconnexion plus large que l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

66      Par ailleurs, il convient d’observer, à l’instar de l’EUIPO, que si toutes les caractéristiques d’interconnexion étaient exclusivement imposées par une fonction technique, il n’aurait pas été nécessaire pour le législateur de prévoir l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

67      Il s’ensuit que l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 vise toutes les caractéristiques d’interconnexion, dont certaines ne tomberaient pas sous le coup de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement, à savoir celles pour l’apparence desquelles des considérations d’une autre nature que technique ont existé.

68      Au vu des considérations qui précèdent, il existe un certain chevauchement entre les caractéristiques visées aux paragraphes 1 et 2 de l’article 8, du règlement no 6/2002, de sorte qu’une même caractéristique de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle peut relever à la fois de la description des caractéristiques visées au paragraphe 1 et au paragraphe 2, de l’article 8, du règlement no 6/2002. Il s’agirait des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle permettant la connexion dudit produit à un autre produit pour lesquelles cette fonction est le seul facteur ayant déterminé leur apparence.

2)      Sur l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 aux caractéristiques visées à la fois par les paragraphes 1 et 2, de l’article 8 dudit règlement

69      D’emblée, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, celui-ci peut être invoqué au bénéfice de caractéristiques visées à l’article 8, paragraphe 2, du même règlement.

70      Toutefois, ainsi qu’il a été constaté au point 68 ci-dessus, certaines caractéristiques d’interconnexion peuvent relever à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du règlement no 6/2002.

71      Or, s’il devait être considéré que l’EUIPO peut se contenter d’appliquer l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aux caractéristiques qui relèvent à la fois de cette disposition et de l’article 8, paragraphe 2, du même règlement, les paragraphes 2 et 3 de l’article 8 du règlement no 6/2002 seraient au moins partiellement privés de leur effet utile, ainsi que le soutient la requérante, dans la mesure où les demandeurs en nullité pourraient être encouragés à fonder leurs demandes en nullité exclusivement sur l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement, de sorte que le titulaire du dessin ou modèle contesté ne puisse invoquer le bénéfice de l’exception protégeant les systèmes modulaires.

72      Dans ces conditions il importe d’interpréter l’ensemble des dispositions de l’article 8 du règlement no 6/2002 de telle manière que leur effet utile soit préservé.

73      Ainsi, d’une part, considérer, comme l’a soutenu la requérante lors de l’audience, que seul l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 s’applique aux caractéristiques de l’apparence qui relèvent à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8, dudit règlement peut résulter en une surprotection des caractéristiques d’interconnexion se heurtant ainsi au considérant 10 du même règlement. En effet, en suivant l’interprétation préconisée par la requérante, lorsqu’un dessin ou modèle antérieur est exclusivement constitué par des caractéristiques de l’apparence relevant à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8, du règlement no 6/2002, mais que seul l’article 8, paragraphe 1 dudit règlement serait invoqué à l’appui de la demande en nullité, cette dernière serait rejetée.

74      Ainsi, afin d’atteindre les objectifs de ces dispositions énoncés au considérant 10 du règlement no 6/2002, lorsqu’une caractéristique de l’apparence relève à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8, de ce règlement, ces deux dispositions doivent pouvoir être appliquées.

75      Il en résulte, par ailleurs, que le grief de la requérante relatif à l’inapplicabilité de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aux caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté doit être rejeté.

76      D’autre part, s’agissant de l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, l’EUIPO a soutenu, lors de l’audience (voir point 63 ci-dessus), que, afin de bénéficier de l’exception prévue par ladite disposition, les caractéristiques d’interconnexion visées à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement ne doivent pas être exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par le dessin ou modèle en cause au sens de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement. Ainsi, en suivant l’argument de l’EUIPO, le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 pourrait être invoqué uniquement pour une fraction des caractéristiques visées à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement, à savoir celles qui ne relèvent pas de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

77      Toutefois, il y a lieu de considérer que, en l’absence d’indication contraire, l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 doit pouvoir être invoqué au bénéfice de toutes les caractéristiques visées au paragraphe 2, du même article.

78      Par conséquent, l’interprétation donnée par l’EUIPO lors de l’audience ne saurait être suivie, dans la mesure où elle est trop restrictive et ne permettrait pas, in fine, d’atteindre l’objectif énoncé au considérant 11 du règlement no 6/2002, à savoir la protection des raccords mécaniques de produits modulaires dans la mesure où seule une fraction des caractéristiques visées à l’article 8, paragraphe 2 dudit règlement pourraient potentiellement bénéficier de l’exception prévue à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement.

79      Par ailleurs, l’interprétation donnée par l’EUIPO in fine impliquerait que la division d’annulation ou la chambre de recours, lorsque seul l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 est invoqué par le demandeur en nullité, détermine, avant d’appliquer l’article 8, paragraphe 3, du même règlement, si les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle relevant de l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement remplissent les conditions de l’article 8, paragraphe 1, du même règlement, sous peine de favoriser une application asymétrique de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement.

80      Il s’ensuit que, afin de préserver l’effet utile de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, lorsque l’EUIPO, lors de l’examen d’une demande en nullité, fondée sur l’article 25, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, de ce règlement, constate que les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, relèvent, à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du même règlement et lorsque le titulaire du dessin ou modèle contesté invoque le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, de ce règlement, il doit examiner si ces caractéristiques sont susceptibles de bénéficier de la protection des systèmes modulaires au sens de cette dernière disposition, y compris lorsque le demandeur en nullité n’a pas invoqué l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement.

81      À cet égard, il convient de préciser que, l’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, lorsque les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle relèvent à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du même règlement ne saurait dépendre de la volonté du demandeur en nullité d’invoquer l’une ou l’autre de ces dernières dispositions.

82      Tel serait notamment le cas si, en présence des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle relevant à la fois des paragraphes 1 et 2 de l’article 8 du règlement no 6/2002, le titulaire du dessin ou modèle contesté serait privé de la possibilité d’invoquer le bénéfice de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement au seul motif que le demandeur en nullité, à l’appui de sa demande, s’était limité à invoquer l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

83      Par ailleurs, conformément aux considérations contenues au point 50 ci-dessus, l’obligation pesant sur l’EUIPO, constatée au point 80 ci-dessus, existe même si le bénéfice l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 est invoqué, par le titulaire du dessin ou modèle contesté, pour la première fois devant la chambre de recours.

84      Ainsi, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la chambre de recours devait apprécier si le dessin ou modèle contesté remplissait les conditions de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002. Dans la mesure où elle ne l’a pas fait, ainsi qu’il a été constaté au point 37 ci-dessus, elle a commis une erreur de droit. Partant, il y a lieu d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée.

85      Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 62 du règlement no 6/2002 à cet égard.

86      En revanche, dans la mesure où il n’est pas possible de préjuger l’issue de l’examen des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, il convient de poursuivre l’examen des arguments de la requérante, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, dudit règlement.

2.      Sur la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

87      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante invoque plusieurs griefs, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 par la chambre de recours.

88      Ainsi, premièrement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir erronément interprété les caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté et d’avoir considéré que la requérante avait approuvé la liste de ces caractéristiques. Deuxièmement, elle soutient que la chambre de recours a ignoré les aspects créatifs du dessin ou modèle contesté, notamment la surface lisse de deux côtés de la rangée de quatre pastilles de la face supérieure. Troisièmement, la requérante fait valoir que les considérations de la chambre de recours, relatives au caractère fonctionnel des « deux rangées de cercles plus grands sur la face inférieure de la brique » sont contradictoires et lacunaires. Enfin, quatrièmement, elle reproche à la chambre de recours d’avoir fait peser sur elle la charge de la preuve de l’absence d’une fonction purement technique du dessin ou modèle contesté, alors que l’intervenante n’avait pas réussi à prouver l’existence d’une telle fonction.

89      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante. S’agissant, en particulier, de l’allégation selon laquelle la liste des caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, dressée dans la décision attaquée, était incomplète, il fait valoir que, dans ses observations devant la chambre de recours, la requérante avait répété la liste desdites caractéristiques dressée par la division d’annulation sans l’approuver. Quant à la prise en compte de la surface lisse sur la face supérieure de la brique, l’EUIPO soutient que l’absence de pastilles constitue également une caractéristique technique. En particulier, il estime que l’absence de pastilles supplémentaires sur la face supérieure de la brique permettrait de pivoter deux briques lorsqu’elles sont raccordées par une seule pastille à la fin de la rangée, laissant ainsi la possibilité de former une courbe. En raison de l’absence de pastilles latérales, il serait également possible de construire des marches qui ne sont pas obstruées par les pastilles.

90      L’intervenante, pour sa part, estime que la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 en l’espèce. Elle ajoute que la requérante n’a pas été en mesure d’invoquer une seule considération qui serait d’une autre nature que la nécessité, pour les caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, de remplir leur fonction technique, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

91      Elle estime également avoir satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et que la chambre de recours pouvait se fonder sur les illustrations fournies lors de la procédure administrative pour tirer les conclusions relatives au caractère exclusivement technique des caractéristiques du produit concerné par le dessin ou modèle contesté.

92      Ainsi qu’il a été rappelé au point 29 ci-dessus, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l’apparence d’un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique.

93      À cet égard, il ressort de la jurisprudence citée au point 59 ci-dessus que l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 exclut la protection au titre du droit des dessins ou modèles communautaires des caractéristiques de l’apparence d’un produit lorsque des considérations d’une autre nature que la nécessité pour ledit produit de remplir sa fonction technique, en particulier celles liées à l’aspect visuel, n’ont joué aucun rôle lors du choix desdites caractéristiques, et ce, même s’il existe d’autres dessins ou modèles permettant d’assurer cette même fonction.

94      La Cour a précisé que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32).

95      Selon la Cour, l’appréciation de la question de savoir si les caractéristiques de l’apparence d’un produit relèvent de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 doit être effectuée au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d’espèce. Cette appréciation doit, notamment, être effectuée au regard du dessin ou modèle en cause, des circonstances objectives révélatrices des motifs qui ont présidé au choix des caractéristiques de l’apparence du produit concerné, des données relatives à son utilisation ou encore de l’existence de dessins ou modèles alternatifs permettant de réaliser la même fonction technique, pour autant que ces circonstances, ces données ou cette existence sont étayées par des éléments de preuve fiables (arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 36 et 37).

96      Il s’ensuit qu’un dessin ou modèle doit être déclaré nul si l’ensemble des caractéristiques de son apparence sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par ledit dessin ou modèle (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, point 32). Il en découle que si au moins une des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par un dessin ou modèle contesté n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de ce produit, le dessin ou modèle en cause ne saurait être annulé en application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

97      Cette dernière interprétation est également soutenue par l’exposé des motifs de l’article 9, paragraphe 1 de la proposition de la Commission du 3 décembre 1993 de règlement sur les dessins ou modèles communautaires, correspondant, en substance, à l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, selon lequel : « [i]l est toutefois peu vraisemblable que le dessin ou modèle soit totalement exclu de toute protection. En effet, ce sont très souvent seulement certaines caractéristiques spécifiques sans possibilité de variation qui sont dictés par la fonction. La disposition n’exclut donc pas la protection que dans la mesure où il n’y a aucune liberté d’introduire des éléments arbitraires ».

98      En outre, il ressort de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, du considérant 10 dudit règlement et de l’arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM (C‑395/16, EU:C:2018:172), que l’appréciation d’un dessin ou modèle communautaire au regard de la disposition susvisée comporte les étapes suivantes : en premier lieu, il convient de déterminer la fonction technique du produit concerné, en deuxième lieu, d’analyser les caractéristiques de l’apparence dudit produit au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, en troisième lieu, d’examiner, au regard de toutes les circonstances objectives pertinentes, si ces caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné, en d’autres termes, si la nécessité de remplir cette fonction technique est le seul facteur ayant déterminé le choix par le créateur de ces caractéristiques, des considérations d’une autre nature, en particulier celles liées à l’aspect visuel dudit produit, n’ayant joué aucun rôle lors du choix de ces caractéristiques (voir, en ce sens, arrêt du 8 mars 2018, DOCERAM, C‑395/16, EU:C:2018:172, points 26 et 31).

99      Par ailleurs, il convient de rappeler que, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60).

100    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante, tirés d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

101    En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 30 et 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le produit concerné par le dessin ou modèle contesté, à savoir une brique de jeu doit présenter des caractéristiques permettant de l’emboîter dans d’autres briques de jeu et que, par conséquent la fonction technique que ce produit doit remplir est la capacité d’être assemblé, d’une manière suffisamment stable, avec d’autres briques du jeu en vue de former une construction.

102    Par la suite, ainsi qu’il a été rappelé aux points 12 et 13 ci-dessus, la chambre de recours a identifié les caractéristiques de l’apparence du dessin ou modèle contesté (au nombre de six) et a considéré que l’ensemble de ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique du produit concerné par le dessin ou modèle contesté, à savoir permettre l’assemblage avec d’autres briques du jeu et le démontage.

103    À cet égard, la requérante reproche notamment à la chambre de recours, d’une part, d’avoir erronément interprété les caractéristiques du dessin ou modèle contesté et, d’autre part, d’avoir ignoré les aspects créatifs dudit dessin ou modèle en mentionnant en particulier la surface lisse de deux côtés de la rangée de quatre pastilles de la surface supérieure.

104    Ainsi qu’il ressort du point 55 ci-dessus, la chambre de recours a identifié, au point 32 de la décision attaquée, les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté.

105    Force est de constater que la surface lisse de la face supérieure du produit concerné par le dessin ou modèle contesté ne figure pas parmi les caractéristiques identifiées par la chambre de recours. Or, il s’agit d’une caractéristique de l’apparence dudit produit.

106    À cet égard, l’EUIPO a soutenu, lors de l’audience, que la surface du produit est un élément de celui-ci, caractérisé, en l’espèce, par l’absence des pastilles et ne devant pas être évalué à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Pour cette raison, il n’incombait pas au demandeur en nullité d’invoquer l’absence d’une caractéristique, mais au titulaire du dessin ou modèle contesté d’invoquer les proportions qui montreraient que ledit dessin ou modèle avait un effet visuel particulier par la surface de celui-ci. Il a ajouté qu’il est toujours possible de trouver des éléments d’un dessin ou modèle en soutenant qu’il s’agit d’une caractéristique technique et en reprochant, à la chambre de recours, de ne l’avoir pas pris en compte.

107    Contrairement à ce qu’a laissé entendre l’EUIPO lors de l’audience, il convient de considérer que la surface lisse de la face supérieure de la brique de jeu est une caractéristique de l’apparence propre du produit concerné par le dessin ou modèle contesté et ne se limite pas à une simple « absence des pastilles sur la face supérieure de la brique ». Il s’ensuit qu’elle devait être retenue par la chambre de recours.

108    À cet égard, il est indifférent que la requérante n’ait pas invoqué, expressément, cette caractéristique devant la chambre de recours. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du dossier de l’EUIPO, elle l’avait invoquée devant la division d’annulation.

109    Or, ainsi qu’il est rappelé au point 99 ci-dessus, c’est au demandeur en nullité qu’il incombe de démontrer et à l’EUIPO de constater que l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par dessin ou modèle contesté sont exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit. L’interprétation suggérée par l’EUIPO lors de l’audience selon laquelle il incombait à la requérante d’invoquer que la surface lisse de la face supérieure de la brique de jeu n’est pas exclusivement imposée par la fonction technique de ladite brique en conséquence ne saurait être suivie.

110    Ne saurait pas davantage être suivi l’argument de l’EUIPO développé au point 26 de son mémoire en réponse selon lequel l’absence de pastilles, donnant lieu à une surface nécessairement lisse, constitue, de fait une caractéristique technique. Cette conclusion est fondée sur les considérations, contenues aux points 24 et 25 de son mémoire en réponse, selon lesquelles les bords lisses ont une fonction exclusivement technique dans la mesure où elle permet la construction de plusieurs figures (comme les courbes ou les marches) dont la construction ne serait pas possible si des pastilles additionnelles étaient présentes.

111    Force est de constater que la décision attaquée ne comporte pas de telles considérations.

112    À cet égard, il suffit que relever, à l’instar de l’objection soulevée par la requérante lors de l’audience,  que l’argumentation de l’EUIPO, contenue aux points 24 à 26 de son mémoire en réponse, ne saurait remédier à l’insuffisance de motivation de la décision attaquée dès lors qu’une décision doit se suffire à elle-même et sa motivation ne saurait résulter d’explications écrites ou orales données ultérieurement [voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2019, Gres de Aragón/EUIPO (GRES ARAGÓN), T‑624/18, non publié, EU:T:2019:868, point 39].

113    Quant à l’argument de l’EUIPO selon lequel il serait toujours possible d’invoquer une caractéristique du produit que la chambre de recours n’aurait pas examiné, il doit également être rejeté. En effet, ainsi qu’il ressort du point 96 ci-dessus, l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté doivent être exclusivement techniques pour que ledit dessin ou modèle soit annulé en vertu de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002.

114    Au vu de tout ce qui précède, la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 en l’espèce, dans la mesure où elle n’a pas identifié l’ensemble des caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté et, a fortiori, n’a pas établi que l’ensemble de ces caractéristiques étaient exclusivement imposées par la fonction technique de ce produit.

115    Dans ces conditions, il convient d’accueillir le présent moyen sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs de la requérante.

116    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir les premier et deuxième moyens de la requérante et d’annuler la décision attaquée dans son ensemble.

C.      Sur le deuxième chef de conclusions visant à la réformation de la décision attaquée

117    Par son deuxième chef de conclusions, la requérante demande de confirmer la décision de la division d’annulation rejetant la demande de nullité.

118    Il y a lieu de considérer que le deuxième chef de conclusions de la requérante tend à ce que le Tribunal prenne lui-même la décision que la chambre de recours aurait dû ou aurait pu prendre, c’est-à-dire la décision de rejeter le recours devant elle et de confirmer, par conséquent, la décision de la division d’annulation du 30 octobre 2017. En d’autres termes, il tend à l’exercice, par le Tribunal, du pouvoir de réformation de la décision de la chambre de recours, dont il est investi en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002 [voir arrêt du 13 mai 2015, Group Nivelles/OHMI – Easy Sanitairy Solutions (Caniveau d’évacuation de douche), T‑15/13, EU:T:2015:281, point 20 et jurisprudence citée].

119    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 61, paragraphe 3, du règlement no 6/2002, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2020, Bog-Fran/EUIPO – Fabryki Mebli "Forte" (Meubles), T‑159/19, non publié, EU:T:2020:77, point 45 et jurisprudence citée].

120    Toutefois, en l’espèce, les conditions de réformation ne sont pas réunies étant donné que la chambre de recours n’a pas établi l’ensemble des éléments de fait et de droit permettant au Tribunal de déterminer la décision qu’elle était tenue de prendre tant s’agissant de l’application de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 que de l’article 8, paragraphe 3, dudit règlement.

121    En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 114 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas identifié toutes les caractéristiques de l’apparence du produit concerné par le dessin ou modèle contesté et, par conséquent, n’a pas établi le caractère exclusivement technique de l’ensemble de ces caractéristiques.

122    D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 37 ci-dessus, la chambre de recours n’a pas examiné les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 6/2002.

123    Il s’ensuit que la demande en réformation, contenue, en substance, dans le deuxième chef de conclusions de la requérante, doit être rejetée.

IV.    Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 avril 2019 (affaire R 31/2018-3) est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’EUIPO et Delta Sport Handelskontor GmbH supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié des dépens exposés par Lego A/S.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 mars 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.