Language of document : ECLI:EU:T:2022:506

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Environnement – Règlement (UE) n° 517/2014 – Gaz à effet de serre fluorés – Mise sur le marché – Mise en libre pratique – Registre électronique des quotas de mise sur le marché d’hydrofluorocarbones – Décision d’inscription – Autorisation d’utiliser un quota »

Dans l’affaire T‑123/21,

Stowarzyszenie chłodnictwa klimatyzacji i pomp ciepła, établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me A. Galos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme E. Sanfrutos Cano et M. M. Rynkowski, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Stowarzyszenie chłodnictwa klimatyzacji i pomp ciepła, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 15 décembre 2020 (ci-après la « décision attaquée ») portant inscription au registre électronique des quotas de mise sur le marché d’hydrofluorocarbones (HFC) (ci-après le « registre HFC ») de la réduction de ses quotas en application de l’article 25, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 517/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) n° 842/2006 (JO 2014, L 150, p. 195).

 Antécédents du litige

2        Les HFC sont une catégorie de gaz à effet de serre fluorés utilisés, notamment, dans les systèmes de réfrigération et de climatisation, dans les aérosols et dans la fabrication de mousses isolantes.

3        Dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, l’Union européenne est devenue partie à la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone et au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (ci-après le « protocole de Montréal ») par la décision 88/540/CEE du Conseil, du 14 octobre 1988, concernant la conclusion de la convention de Vienne pour la protection de la couche d’ozone et du protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO 1988, L 297, p. 8). Par la suite, plusieurs amendements au protocole de Montréal ont été approuvés par l’Union, le dernier l’ayant été par la décision (UE) 2017/1541 du Conseil, du 17 juillet 2017, relative à la conclusion, au nom de l’Union européenne, de l’amendement de Kigali au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d’ozone (JO 2017, L 236, p. 1).

4        Par ailleurs, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement n° 517/2014.

5        Dans le cadre du règlement n° 517/2014, la réduction progressive des quantités de HFC qui peuvent être mises sur le marché de l’Union a été considérée comme le moyen le plus efficace et présentant le meilleur rapport coût-efficacité pour réduire les émissions de ces substances à long terme.

6        Pour mettre en œuvre cette réduction progressive, le règlement n° 517/2014 prévoit que la Commission doit notamment déterminer, chaque année, une quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union ainsi que les quotas de HFC que les producteurs ou les importateurs sont autorisés à mettre sur le marché.

7        À cet égard, l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 définit la mise sur le marché comme étant « la fourniture à un tiers ou la mise à disposition d’un tiers dans l’Union, pour la première fois, à titre onéreux ou à titre gratuit, ou l’utilisation pour son propre compte dans le cas d’un producteur, y compris la mise en libre pratique dans l’Union ».

8        En vertu de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 517/2014, les entreprises auxquelles des quotas ont été alloués doivent communiquer à la Commission un rapport annuel renseignant, notamment, les quantités de HFC qu’elles produisent ou qu’elles importent dans l’Union. De plus, au titre de l’article 19, paragraphe 6, dudit règlement, chaque entreprise qui, en vertu de son paragraphe 1, a déclaré la mise sur le marché de 10 000 tonnes équivalent CO2 ou plus de HFC au cours de l’année civile précédente fait en sorte que l’exactitude de ces informations soit vérifiée par un vérificateur indépendant.

9        Par ailleurs, aux termes de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, les entreprises qui ont dépassé le quota de mise sur le marché de HFC qui leur a été alloué conformément à l’article 16, paragraphe 5, dudit règlement ou qui l’ont transféré conformément à l’article 18 du même règlement ne se voient allouer qu’un quota réduit pour la période d’allocation qui suit la mise en évidence du dépassement, la réduction correspondant à 200 % de la quantité dépassant le quota.

10      La requérante est inscrite sur le registre HFC depuis le 10 octobre 2014 en tant qu’importatrice de HFC en vrac.

11      La requérante s’est vu allouer des quotas de mise sur le marché de HFC pour les années 2015 à 2020, calculés sur la base de la déclaration des volumes de HFC qu’elle avait l’intention de mettre sur le marché, conformément à l’article 16, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014.

12      La requérante n’a déclaré aucune mise sur le marché de HFC pour les années 2015 et 2016 au titre de l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 517/2014. En 2017, elle a déclaré avoir mis sur le marché 34 047 tonnes équivalent CO2 de HFC.

13      Le 31 mars 2019, la requérante a présenté, conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 597/2014, son rapport annuel, dans lequel elle indiquait que la majorité des quantités de HFC qu’elle avait importées n’avait pas été mise en libre pratique.

14      Ce rapport n’a pas été accepté par la Commission. En effet, celle-ci a indiqué à la requérante que, contrairement à ce qu’elle avait fait, elle ne pouvait pas déclarer les quantités importées comme étant des stocks de quantités d’importation non mises sur le marché précédemment en renseignant la ligne 4H du tableau figurant en annexe du règlement d’exécution n° 1191/2014 de la Commission, du 30 octobre 2014, déterminant le format et les modalités de présentation du rapport visé à l’article 19 du règlement n° 517/2014 (JO 2014, L 318, p. 5).

15      La requérante n’ayant pas réagi, la Commission a inscrit sur le registre HFC le commentaire suivant :

« Votre rapport [annuel] n’a pas été finalisé. En outre, la déclaration des stocks du dernier quota semble incorrecte. Les stocks mis en libre pratique sont, par définition, mis sur le marché et ne peuvent donc pas être déclarés sous la rubrique 4H. Votre quota semble dépassé. »

16      Le 22 mai 2020, les autorités polonaises ont informé la Commission que la requérante avait dépassé son quota de mise sur le marché de HFC en 2018, en mettant sur le marché 149 857 tonnes équivalent CO2.

17      Le 3 juillet 2020, la Commission a adressé à la requérante une lettre dans laquelle elle constatait que, sur la base des informations communiquées par les autorités polonaises et compte tenu du fait que le quota qui lui avait été alloué pour l’année 2018 était de 11 650 tonnes équivalent CO2, elle avait dépassé ledit quota, ce dépassement étant de 138 207 tonnes équivalent CO2. La Commission indiquait que, en vertu de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, la sanction applicable dans un tel cas était de 276 414 tonnes équivalent CO2, soit 200 % de la quantité dépassant le quota. La Commission relevait en outre que, en contravention avec l’article 19 du règlement n° 517/2014, la requérante n’avait pas soumis de rapport annuel finalisé relatif aux activités liées aux HFC au titre des années 2018 et 2019. Elle sollicitait enfin la requérante afin qu’elle lui confirme l’exactitude des informations mentionnées dans cette lettre.

18      Par lettre du 31 juillet 2020, la requérante a contesté la teneur de la lettre de la Commission du 3 juillet 2020, en faisant notamment valoir que la seule introduction de HFC sur le territoire douanier de l’Union n’était pas de nature à entraîner une mise sur le marché de HFC au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. À cet effet, elle indiquait que les quantités de HFC mentionnées dans la lettre de la Commission du 3 juillet 2020 et se rapportant à l’année 2018 étaient stockées dans des entrepôts et destinées à être mises sur le marché, au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, à des dates ultérieures. Elle ajoutait que, en raison de la crise liée à la COVID-19, elle n’avait pas présenté, au titre de l’année 2019, le rapport annuel prévu par l’article 19 du règlement n° 517/2014.

19      Le 10 août 2020, la Commission a envoyé un courriel à la requérante lui indiquant que, en application de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, la mise en libre pratique de HFC équivalait à une mise sur le marché de HFC au sens de cette disposition. Elle ajoutait qu’elle lui adresserait ultérieurement une lettre plus détaillée concernant ce sujet.

20      C’est dans ce contexte que la Commission a envoyé une lettre à la requérante, dans laquelle elle lui indiquait, en substance, que les autorités polonaises avaient constaté que, au cours de l’année 2018, elle avait importé 149 857 tonnes équivalent CO2 de HFC et qu’elle avait ainsi dépassé de 138 207 tonnes équivalent CO2 le quota de 11 650 tonnes équivalent CO2 qui lui avait été alloué pour cette période. À cet égard, la Commission indiquait que les HFC mis en libre pratique étaient mis sur le marché, au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. La Commission précisait que, une fois mis sur le marché, les HFC vendus à une entreprise n’étaient pas imputés sur le quota de mise sur le marché de HFC de cette entreprise. La Commission concluait que, en l’espèce et eu égard au dépassement de quota de la requérante en 2018, le montant de la sanction qui lui était infligée en vertu de l’article 25, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014 s’élevait à 276 414 tonnes équivalent CO2 de HFC et s’imputerait sur ses attributions à venir de quota de mise sur le marché de HFC jusqu’à ce que le montant total de la réduction soit atteint. Elle indiquait enfin à la requérante qu’elle transmettait une copie de cette lettre aux autorités polonaises afin qu’elles prennent toutes les mesures utiles en application de l’article 25, paragraphe 1, du règlement n° 517/2014.

21      Par la décision attaquée, le 15 décembre 2020, la Commission a inscrit sur le registre HFC, premièrement, que le montant total des pénalités infligées à la requérante s’élevait à 276 414 tonnes équivalent CO2 de HFC, deuxièmement, que le quota de la requérante pour l’année 2021 était réduit de 2 727 tonnes équivalent CO2 de HFC, de sorte qu’il s’élevait à 0 tonne équivalent CO2, et, troisièmement, que le montant restant à déduire s’élevait à 273 687 tonnes équivalent CO2 de HFC.

 Conclusions des parties

22      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer son recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

24      À titre liminaire, il convient de relever que, sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission soutient que le recours est irrecevable.

25      La Commission fait valoir que c’est la lettre mentionnée au point 20 ci-dessus, laquelle a, comme elle l’indique, été notifiée à la requérante le 10 novembre 2020, qui a fixé définitivement sa position s’agissant de la réduction du quota résultant de la sanction à compter de 2019, de sorte que cette lettre doit être considérée comme constituant une décision au sens de l’article 263 TFUE. L’information portée sur le registre HFC le 15 décembre 2020 ne constituerait que la mise en œuvre de cette décision antérieure. Partant, l’acte qui aurait dû être attaqué par la requérante est cette lettre et non l’information portée sur le registre HFC.

26      La requérante soutient que son recours est recevable.

27      Il convient de rappeler que le juge de l’Union est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours sans statuer préalablement sur sa recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52).

28      Or, en l’espèce, dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée les conclusions en annulation de la requérante, sans statuer préalablement sur la recevabilité du recours, ce dernier étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, non fondé.

 Sur le fond

29      Par son moyen unique invoqué au soutien de sa demande en annulation, la requérante invoque une violation de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. À l’appui de ce moyen unique, elle avance trois griefs.

30      Par son premier grief, la requérante soutient que l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 n’implique pas que la notion de « mise sur le marché » s’applique lorsque les HFC sont mis en libre pratique dans l’Union, dans des circonstances où les produits sont stockés sans pour autant être forcément destinés à être commercialisés au sein de l’Union.

31      Une telle interprétation serait confirmée par la version anglaise du règlement n° 517/2014, laquelle se référerait à la notion de « placing on the market », qui impliquerait une « mise sur le marché » pour une vente directe. Selon la requérante, l’interprétation de la Commission selon laquelle il y a « mise sur le marché » dès qu’une opération de dédouanement intervient doit donc être rejetée.

32      À cet égard, la requérante invoque le règlement (UE) n° 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1 et rectificatif JO 2013, L 287, p. 90, ci-après le « code des douanes de l’Union »), lequel a abrogé et remplacé le règlement (CE) n° 450/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, établissant le code des douanes communautaire (code des douanes modernisé) (JO 2008, L 145, p. 1). Elle affirme que la notion de « régime douanier », définie à l’article 5, point 16, du code des douanes de l’Union, exclut que la notion de « mise sur le marché » utilisée dans le règlement n° 517/2014 puisse équivaloir à celle de « mise en libre pratique » désignée en anglais par l’expression « release for free circulation ».

33      Par son deuxième grief, la requérante soutient que l’interprétation de la notion de « mise sur le marché » doit être conforme à la finalité du règlement n° 517/2014. La requérante relève que ledit règlement a été adopté dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre. Il résulterait de ses considérants 13 et 14 qu’il a pour objectif de réduire progressivement les quantités de HFC qui peuvent être mises sur le marché de l’Union afin de réduire les émissions de ces substances à long terme. Selon la requérante, il est difficile de comprendre que la simple importation du produit et son stockage aient un impact sur les émissions de gaz à effet de serre tant qu’ils ne sont pas revendus, c’est-à-dire, selon l’interprétation qu’elle en fait, tant qu’ils ne sont pas effectivement mis sur le marché.

34      Par son troisième grief, la requérante soutient que, dès lors qu’un opérateur ne peut désigner, au stade de la déclaration douanière, la destination à venir des produits, il y a lieu de distinguer entre les HFC fournis ou mis à la disposition d’un tiers dans l’Union, qui doivent être imputés sur les quotas de mise sur le marché de HFC alloués, et ceux qui entrent dans le champ d’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, qui ne doivent pas l’être. Selon la requérante, toute autre interprétation reviendrait à entraver l’exercice de la liberté d’entreprise, dans la mesure où les opérateurs économiques ne pourraient pas acheter davantage de produits en vue de les revendre à l’avenir dans l’Union ou de les exporter vers des États tiers.

35      Une telle interprétation serait confirmée par la lecture de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, qui prévoit, notamment, à son point c) que les quantités destinées à l’exportation ne sont pas imputées sur les quotas de mise sur le marché de HFC alloués, de sorte que ce serait à tort que la Commission n’aurait pas appliqué cette exception.

36      La Commission conclut au rejet de l’ensemble des griefs soulevés par la requérante.

37      Par les trois griefs de son moyen unique, qu’il convient d’analyser ensemble, la requérante fait, en substance, valoir que des HFC « mis en libre pratique » ne sauraient être considérés comme étant « mis sur le marché », au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, lorsqu’ils sont uniquement stockés, sans être utilisés ni mis à la disposition de tiers au sein de l’Union, et qu’ils sont susceptibles d’être éventuellement exportés, comme cela est prévu par l’article 15, paragraphe 2, sous c), du même règlement.

38      À cet égard, il y a lieu de relever que la notion de « mise en libre pratique », qui est utilisée à l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, constitue l’un des trois régimes douaniers déterminés par l’article 5, point 16, du code des douanes de l’Union.

39      En outre, l’article 201 du code des douanes de l’Union, dont la rédaction est similaire à celle de l’article 129 du règlement n° 450/2008, prévoit que la mise en libre pratique implique la perception des droits à l’importation dus, la perception, le cas échéant, d’autres impositions, selon les dispositions pertinentes en vigueur en matière de perception desdites impositions, l’application des mesures de politique commerciale ainsi que des mesures de prohibition ou de restriction, pour autant qu’elles n’aient pas été appliquées à un stade antérieur, et l’accomplissement des autres formalités prévues pour l’importation des marchandises. Elle confère le statut douanier de marchandise de l’Union à une marchandise qui ne l’était pas antérieurement.

40      Or, il y a lieu de relever que le Tribunal a déjà jugé, alors que le règlement n° 450/2008 était encore applicable, que la notion de « mise en libre pratique » utilisée à l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 devait être interprétée comme étant celle définie par l’article 129 du règlement n° 450/2008.

41      En effet, aux points 54 et 55 de l’arrêt du 24 juin 2015, GHC/Commission (T‑847/14, EU:T:2015:428), le Tribunal a jugé que les quantités de HFC importées par la partie requérante en l’espèce, qui répondaient aux conditions fixées par l’article 129 du règlement n° 450/2008, devaient être considérées comme ayant été mises en libre pratique et, partant, comme « mises sur le marché », conformément à l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. Il a ainsi considéré qu’il ne ressortait pas et qu’il ne pouvait pas être déduit de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 que, pour être considérées comme étant « mises sur le marché », les quantités de HFC mises en libre pratique devaient en outre avoir fait l’objet d’une vente effective, de sorte que seraient exclues les quantités mises en libre pratique stockées et non encore vendues, aucune autre disposition du règlement n° 517/2014 ne permettant d’ailleurs de soutenir une telle interprétation dudit article.

42      Dans la mesure où le législateur de l’Union a, à l’article 201 du code des douanes de l’Union, repris dans leur intégralité les termes de l’article 129 du règlement n° 450/2008, l’interprétation de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 donnée dans l’arrêt du 24 juin 2015, GHC/Commission (T‑847/14, EU:T:2015:428), est transposable en l’espèce dans le cadre de l’application du code des douanes de l’Union.

43      Il y a lieu, en conséquence, de considérer que, dès qu’il y a mise en libre pratique au sens du code des douanes de l’Union, les HFC sont considérés comme étant mis sur le marché au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. Par la mise en libre pratique, ces HFC deviennent, en effet, des marchandises de l’Union et, pouvant ainsi être revendus sur ce territoire, ont vocation à être imputés sur le quota de mise sur le marché de HFC alloué, indépendamment du fait que, par la suite, ils puissent notamment être exportés vers un État tiers.

44      La conclusion selon laquelle la mise en libre pratique de HFC, au sens du code des douanes de l’Union, implique leur mise sur le marché, au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, est d’autant plus justifiée que, à défaut d’une telle interprétation, la référence faite dans ces dispositions à la notion de mise en libre pratique serait dénuée de tout effet utile. En effet, sauf en ce qui concerne le troisième cas mentionné par l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, à savoir lorsqu’un producteur consomme les HFC qu’il a produits dans l’Union, les deux premiers cas mentionnés par ces dispositions, à savoir, d’une part, la fourniture de HFC à un tiers et, d’autre part, la mise à disposition d’un tiers de HFC dans l’Union, pour la première fois, à titre onéreux ou à titre gratuit, impliquent nécessairement la mise en libre pratique des HFC lorsqu’ils sont importés depuis un État tiers, de sorte que la référence faite à cette notion doit être considérée comme constituant un cas autonome de mise sur le marché de HFC.

45      Les allégations de la requérante ne sauraient remettre en cause les éléments mentionnés aux points 38 à 44 ci-dessus.

46      En effet, premièrement, il est indifférent que ni l’article 5, point 16, ni l’article 201 du code des douanes de l’Union ne se réfèrent au régime de mise sur le marché prévu par l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, dès lors que c’est cette disposition qui, pour définir la notion de « mise sur le marché », se réfère à la notion douanière de « mise en libre pratique » et non l’inverse.

47      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, toutes les versions linguistiques d’un acte de l’Union doivent, par principe, se voir reconnaître la même valeur. Afin de préserver l’unité d’interprétation du droit de l’Union, il importe dès lors, en cas de divergences entre ces versions, d’interpréter la disposition concernée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 20 février 2018, Belgique/Commission, C‑16/16 P, EU:C:2018:79, point 49 et jurisprudence citée).

48      En l’espèce, il convient de rappeler que tant la version anglaise, dont se prévaut pourtant la requérante, que les versions française et italienne de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 et de l’article 201 du code des douanes de l’Union mettent en évidence que, par la notion de « mise sur le marché » (« placing on the market » en anglais et « immissione in commercio » en italien) est visé le fait que les HFC sont fournis à titre gratuit ou onéreux à un tiers, utilisés ou mis en libre pratique (« release for free circulation » en anglais et « in libera pratica nell’Unione » en italien).

49      Or, dans chacune de ces trois versions linguistiques, notamment dans la version anglaise, la notion de « mise en libre pratique » est mentionnée et définie par l’article 5, point 16, et par l’article 201 du code des douanes de l’Union. Ainsi, la requérante ne saurait se prévaloir de divergences linguistiques impliquant qu’il n’y aurait pas lieu de se référer au code des douanes de l’Union pour déterminer la notion de « mise en libre pratique » figurant à l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014. En tout état de cause et à supposer même que la divergence linguistique dont fait état la requérante soit établie, il y a lieu d’interpréter l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément, de sorte que, pour les raisons mentionnées aux points 40 à 44 ci-dessus, une quantité de HFC ayant fait l’objet d’une mise en libre pratique, au sens du code des douanes de l’Union, doit être considérée comme ayant été mise sur le marché, au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014.

50      Troisièmement, il est vrai que l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014, invoqué par la requérante dans la requête, prévoit six exceptions en ce qui concerne l’imputation des HFC sur les quotas de mise sur le marché annuels alloués aux producteurs ou aux importateurs de HFC, notamment et en substance, lorsque les HFC sont importés en vue de leur destruction, lorsqu’ils ont vocation à faire l’objet d’une exportation hors de l’Union et n’ont pas été mis au préalable à la disposition d’un tiers au sein de l’Union ou encore lorsqu’ils ont vocation à être utilisés dans des équipements militaires.

51      Il y a toutefois lieu de relever que, en l’espèce, la requérante ne s’est prévalue à aucun moment avant l’adoption de la décision attaquée de l’une des exceptions prévues à l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014, en particulier de celle prévue à l’article 15, paragraphe 2, sous c), dudit règlement et relative aux exportations directes de HFC vers des États tiers.

52      En effet, la requérante n’allègue ni ne prouve que, dans le rapport annuel établi conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 517/2014, elle a communiqué les informations prévues à la rubrique 5 du règlement d’exécution n° 1191/2014, laquelle permet aux producteurs et aux importateurs de HFC de déclarer à la Commission la quantité et la nature de l’exception sollicitée au titre de l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014.

53      Au contraire, le commentaire inscrit par la Commission sur le registre HFC, mentionné au point 15 ci-dessus, met en évidence que celle-ci a considéré que c’était à tort que la requérante avait, dans le rapport annuel qu’elle lui avait transmis, inscrit l’ensemble de son stock à la ligne 4H du tableau figurant en annexe du règlement d’exécution n° 1191/2014, laquelle correspond à des stocks de HFC non mis sur le marché, car non mis en libre pratique.

54      De plus, aucun élément du dossier ne permet de considérer que, lors de l’instruction administrative de son dossier par la Commission, la requérante s’est prévalue de l’une des exceptions prévues par l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014, ce qu’elle aurait dû faire dans le cadre d’une coopération loyale afin de permettre à la Commission de se prononcer sur la question. C’est ainsi que, dans sa lettre du 31 juillet 2020 mentionnée au point 18 ci-dessus, la requérante a uniquement fait valoir que les HFC qu’elle avait importés étaient stockés et que, n’ayant pas encore été mis sur le marché, ils ne devaient pas être considérés comme tels. Elle n’a en revanche pas invoqué le bénéfice de l’une des exceptions prévues par l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014.

55      En tout état de cause, il convient de relever que les dispositions de l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014 doivent être lues conjointement avec celles de l’article 12, paragraphes 7 à 12, du même règlement.

56      En effet, les dispositions de l’article 12, paragraphes 7 à 12, du règlement n° 517/2014 prévoient, en substance, l’obligation, dès le stade de la mise sur le marché de HFC, d’étiqueter leur conteneur en vue d’indiquer la finalité à laquelle ils sont destinés au regard de l’une des six exceptions prévues par l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du même règlement.

57      Cela implique que, dès le stade de la mise sur le marché et donc, pour les raisons mentionnées aux points 38 à 44 ci-dessus, au stade de la mise en libre pratique, les importateurs de HFC dont l’utilisation finale correspond à l’une des exceptions prévues par l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du règlement n° 517/2014 doivent les identifier comme faisant l’objet de l’une de ces exceptions et les signaler comme tels par l’étiquetage de leurs conteneurs.

58      Or, la requérante, si elle se prévaut des dispositions de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 517/2014, n’a toutefois jamais, ni au cours de l’instruction administrative de son dossier, ni devant le Tribunal, indiqué de manière certaine et déterminée l’usage auquel elle destinait les quantités de HFC importées. Au contraire, elle indique qu’elle stocke ces HFC pour une durée indéterminée sans connaître leur affectation finale et définitive, tout en se laissant la liberté de décider par la suite de ce qu’elle en fera. De plus, la requérante n’étaye nullement son affirmation selon laquelle il est impossible pour un importateur de déterminer, au stade du dédouanement, l’usage qu’il fera des HFC qu’il importe.

59      Ainsi, dès lors que la requérante n’a, ni dans le rapport annuel communiqué conformément à l’article 19, paragraphe 1, du règlement n° 517/2014, ni au cours de l’instruction administrative de son dossier, déclaré l’usage spécifique auquel elle destinait les HFC qu’elle importait au regard des exceptions prévues par l’article 15, paragraphe 2, sous a) à f), du même règlement, pas plus qu’elle ne l’a indiqué au cours de la présente procédure, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014 lu à la lumière de l’article 15, paragraphe 2, du même règlement.

60      Par ailleurs, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle, si la mise en libre pratique des HFC impliquait leur mise sur le marché au sens de l’article 2, point 10, du règlement n° 517/2014, cela serait de nature à porter atteinte à la liberté d’entreprendre, il y a lieu de relever que, en application de l’article 15, paragraphe 1, alinéa 2, du règlement n° 517/2014, il appartient aux producteurs et aux importateurs de HFC de veiller à ce que les quantités de HFC qu’ils mettent sur le marché n’excèdent pas le quota annuel qui leur a été alloué, à charge pour eux, si tel est le cas, de se faire transférer des quotas pour la mise sur le marché de HFC en vrac, conformément à l’article 18, paragraphe 1, du même règlement.

61      Enfin, il y a lieu de relever que les conditions strictes relatives à la mise sur le marché de HFC sont justifiées par l’objet même du règlement n° 517/2014 qui, comme le confirme son considérant 13, est de réduire de manière progressive les quantités de HFC mises sur le marché de l’Union afin de réduire les émissions de ces substances sur le long terme.

62      À cet égard, l’argument de la requérante selon lequel l’interprétation téléologique du règlement n° 517/2014 impliquerait que la mise en libre pratique de HFC n’entraîne pas systématiquement leur mise sur le marché et donc leur imputation sur les quotas de mise sur le marché de HFC alloués doit être rejeté.

63      En effet, la mise en libre pratique, en conférant aux HFC la qualité de marchandises de l’Union, augmente la quantité de HFC présente et commercialisée sur le territoire de l’Union, indépendamment du fait que ceux-ci soient, en l’état, rejetés ou non dans la nature.

64      C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’article 1er, point 6, du protocole de Montréal auquel l’Union est partie et qui définit la notion de « consommation » comme étant « la production augmentée des importations, déduction faite des exportations de substances réglementées [dont font partie les HFC] ». Ainsi, le protocole de Montréal, en intégrant les importations dans la définition et dans le calcul de consommation de HFC, confirme l’interprétation faite au point 41 ci-dessus.

65      Eu égard à ce qui précède et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du recours, il y a lieu de rejeter celui-ci comme étant non fondé.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

67      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Stowarzyszenie chłodnictwa klimatyzacji i pomp ciepła est condamnée aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.