Language of document : ECLI:EU:T:2022:810

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

14 décembre 2022 (*)

« Subventions – Importations de biodiesel originaire d’Indonésie – Règlement d’exécution (UE) 2019/2092 – Droit compensateur définitif – Article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) 2016/1037 – Sous-cotation des prix – Pression sur les prix – Article 8, paragraphe 5, du règlement 2016/1037 – Lien de causalité – Article 3, point 2, et article 6, sous d), du règlement 2016/1037 – Avantage – Article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement 2016/1037 – Transfert direct de fonds – Article 7 du règlement 2016/1037 – Calcul du montant de l’avantage – Article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement 2016/1037 – Menace de préjudice important – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑138/20,

PT Ciliandra Perkasa, établie à Jakarta-Ouest (Indonésie), représentée par Mes F. Graafsma, J. Cornelis et E. Rogiest, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Kienapfel, G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

European Biodiesel Board (EBB), établi à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes M.-S. Dibling et L. Amiel, avocats,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise, P. Nihoul, Mme R. Frendo et M. J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 14 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, PT Ciliandra Perkasa, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/2092 de la Commission, du 28 novembre 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 317, p. 42, ci-après le « règlement attaqué »), dans la mesure où ce règlement la concerne.

 Antécédents du litige

2        La requérante est une société indonésienne qui produit et exporte du biodiesel vers l’Union européenne.

3        Le 19 novembre 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 1194/2013, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de biodiesel originaire de l’Argentine et de l’Indonésie (JO 2013, L 315, p. 2), qui a appliqué à la requérante un droit antidumping définitif.

4        Le 25 novembre 2013, la Commission européenne a adopté le règlement (UE) no 1198/2013 clôturant la procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Argentine et d’Indonésie et abrogeant le règlement (UE) no 330/2013 soumettant ces importations à enregistrement (JO 2013, L 315, p. 67).

5        Le 15 septembre 2016, le Tribunal a annulé l’article 1er du règlement d’exécution no 1194/2013 dans la mesure où il concernait la requérante (arrêt du 15 septembre 2016, PT Ciliandra Perkasa/Conseil, T‑120/14, EU:T:2016:501).

6        Le 25 janvier 2018, à la suite d’une demande de la République d’Indonésie, le groupe spécial de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a rendu un rapport concernant les mesures antidumping imposées par le règlement d’exécution no 1194/2013 sur les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie [rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Union européenne – Mesures antidumping sur le biodiesel originaire d’Indonésie », adopté le 25 janvier 2018 (WT/DS 480/R), ci-après le « rapport du groupe spécial “UE-biodiesel (Indonésie)” »]. Le groupe spécial de l’OMC a conclu que l’Union avait agi de manière incompatible avec plusieurs dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) et de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3).

7        Le 22 octobre 2018, European Biodiesel Board (EBB ) a saisi la Commission d’une plainte conformément à l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55), tel que modifié par le règlement (UE) 2018/825 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2018 (JO 2018, L 143, p. 1) (ci-après le « règlement de base »). Selon cette plainte, les importations de biodiesel originaire d’Indonésie faisaient l’objet de subventions et causaient de ce fait un préjudice à l’industrie de l’Union.

8        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 6 décembre 2018 (JO 2018, C 439, p. 16), la Commission a ouvert une procédure antisubventions concernant les importations de biodiesel originaire d’Indonésie.

9        Le produit visé par l’enquête correspond aux « esters monoalkyles d’acides gras et/ou aux gazoles paraffiniques obtenus par synthèse et/ou hydrotraitement, d’origine non fossile, communément dénommés “biodiesel”, purs ou sous forme de mélange, originaires d’Indonésie » (ci-après le « produit concerné »).

10      Le biodiesel produit en Indonésie est principalement de l’ester méthylique d’huile de palme (ci-après l’« EMP »), qui est dérivé de l’huile de palme brute (ci-après l’« HPB »). Le biodiesel produit dans l’Union, en revanche, est essentiellement de l’ester méthylique de colza (ci-après l’« EMC »), mais il est aussi obtenu à partir d’autres matières premières, dont l’HPB.

11      L’EMP et l’EMC appartiennent tous deux à la catégorie des esters monoalkyles d’acides gras. Le terme « ester » fait référence à la transestérification des huiles végétales, à savoir le mélange de l’huile avec de l’alcool, ce qui produit le biodiesel et, en tant que sous-produit, la glycérine. L’adjectif « méthylique » renvoie au méthanol, l’alcool le plus couramment utilisé dans ce processus. Les esters monoalkyles d’acides gras sont également connus sous le nom d’« esters méthyliques d’acides gras » (ci-après les « EMAG »). Bien que l’EMP et l’EMC soient tous deux des EMAG, ils ont des propriétés physiques et chimiques en partie différentes, et notamment une température limite de filtrabilité (ci-après la « TLF ») différente. La TLF correspond à la température à laquelle un carburant bouche un filtre à carburant, du fait de la cristallisation ou de la gélification de certains de ses composants. Pour l’EMC, la TLF peut être de – 14 °C tandis que, pour l’EMP, elle est d’environ 13 °C. Sur le marché, le biodiesel ayant une TLF particulière est souvent décrit comme EMAG X, par exemple EMAG 0 ou EMAG 5.

12      L’enquête relative aux subventions et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er octobre 2017 et le 30 septembre 2018 (ci-après la « période d’enquête »). L’analyse des tendances utiles pour la détermination du préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la fin de la période d’enquête. Le cas échéant, la Commission a également examiné des données postérieures à la période d’enquête.

13      Le 18 janvier 2019, la requérante a présenté ses réponses au questionnaire antisubventions que lui avait adressé la Commission, réponses qu’elle a complétées le 1er mars 2019. La Commission a procédé à des vérifications sur place dans les locaux de la requérante en Indonésie, du 25 au 29 mars 2019.

14      Le 12 août 2019, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/1344, instituant un droit compensateur provisoire sur les importations de biodiesel originaire d’Indonésie (JO 2019, L 212, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le droit compensateur provisoire applicable à la requérante était de 8 %.

15      Le 28 août 2019, la requérante a formulé ses observations sur les documents de la notification provisoire. Une audition avec la Commission s’est tenue le 6 septembre 2019.

16      Le 4 octobre 2019, la Commission a communiqué les faits et les considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer des mesures compensatoires définitives sur le biodiesel originaire d’Indonésie. La requérante a formulé ses observations sur ceux-ci le 14 octobre 2019. Des auditions se sont tenues le 14 octobre 2019 en présence du conseiller-auditeur et le 17 octobre 2019.

17      À l’issue de la procédure antisubventions, la Commission a adopté le règlement attaqué par lequel elle a confirmé les conclusions qu’elle avait tirées dans le règlement provisoire. Elle a considéré que les pouvoirs publics indonésiens avaient soutenu l’industrie du biodiesel par le biais de subventions au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base. La Commission a retenu que ce soutien avait eu lieu au moyen de certains programmes. Il s’agissait, notamment, du fait que le Fonds de plantation des palmiers à huile, un organisme public, versait aux producteurs de biodiesel ayant livré du biodiesel à des sociétés désignées en tant qu’« entités de Petrofuel » la différence entre le prix de référence du diesel minéral, payé par ces entités, et le prix de référence pour le biodiesel fixé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. Aussi, la Commission a conclu que les pouvoirs publics indonésiens avaient chargé les producteurs d’HPB, matière première que les producteurs de biodiesel achetaient afin de la transformer en biodiesel, de fournir cette matière première moyennant une rémunération moins qu’adéquate, ou leur avaient ordonné de le faire, notamment par le biais de restrictions à l’exportation et du contrôle des prix, par l’intermédiaire du groupe de sociétés publiques PT Perkebunan Nusantara.

18      Le droit compensateur définitif applicable à la requérante était de 8 %.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

20      La Commission, soutenue par EBB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      À l’appui de son recours, la requérante invoque en substance six moyens, tirés :

–        le premier, de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation ;

–        le deuxième, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, dans l’analyse du lien de causalité ;

–        le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement de base, entachant la conclusion de la Commission relative à l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds ;

–        le quatrième, de la violation de l’article 7 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile ;

–        le cinquième, de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dans la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important ;

–        le sixième, de la violation des droits de la défense de la requérante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation

22      Le premier moyen est divisé en deux branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.

 Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’absence de prise en compte de l’ensemble des données pertinentes dans la détermination de la sous-cotation

23      Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, car le calcul de la sous-cotation n’est pas fondé sur des éléments de preuve positifs et ne découle pas d’un examen objectif. Plus précisément, dans le cadre de son premier grief, elle fait valoir que la première méthode utilisée par la Commission aux fins du calcul de la sous-cotation des prix méconnaît le fait qu’une concurrence directe ne peut pas exister entre l’EMP importé d’Indonésie et l’EMP produit dans l’Union, le premier étant utilisé comme un intrant pour produire un mélange de biodiesel et le second étant directement mélangé à du diesel minéral. Dans le cadre de son deuxième grief, la requérante soutient que la deuxième méthode, qui consiste à comparer les importations d’EMP en provenance d’Indonésie aux ventes d’EMP produit dans l’Union ainsi que de biodiesel ayant une TLF de 0 °C (ci-après l’« EMAG 0 ») produit dans l’Union, ne tient pas non plus compte du fait que le biodiesel indonésien est un intrant pour produire de l’EMAG 0 et qu’il ne peut pas être utilisé dans certaines régions froides de l’Union à cause de son niveau élevé de TLF. Dans le cadre de son troisième grief, la requérante avance que la troisième méthode, qui consiste à comparer l’ensemble des importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’ensemble des ventes de biodiesel dans l’Union sans ajustement du prix, ne tient pas compte des différences de prix des types de biodiesel en fonction de leur niveau de TLF.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 63 et jurisprudence citée).

25      Ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antisubventions. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 149 et jurisprudence citée). Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antisubventions (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46 et jurisprudence citée).

26      Le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64).

27      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice de l’industrie de l’Union se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur ladite industrie. En ce qui concerne plus particulièrement l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner s’il y a bien eu, pour ces importations, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 236 et 237).

28      Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 238). La méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 2, sous c), du règlement de base, même si celui-ci peut être composé de différents types de produits (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 73 et 74 et jurisprudence citée, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, point 64, suivies par la Cour dans cette affaire).

29      Le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions, inscrite audit article 8, paragraphe 1, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de ladite industrie lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 239).

30      De façon schématique, dans le cadre de la détermination de la sous-cotation, les institutions procèdent à une comparaison des prix de l’Union avec les prix ajustés des importations, de façon à obtenir une marge de sous-cotation exprimée sous forme de pourcentage (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 65).

31      Dans ce contexte, il convient de relever que l’analyse de la sous-cotation des prix implique l’appréciation de situations économiques complexes et le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 78 et 107, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, points 27 à 30, suivies par la Cour dans cette affaire).

32      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner la première branche du premier moyen.

–       Sur la première méthode de calcul

33      Aux termes du considérant 234 du règlement attaqué, la première méthode de calcul de la sous-cotation des prix « a consisté à comparer les importations d’EMP originaire d’Indonésie aux ventes d’EMP produit dans l’Union européenne », « [l]es marges de sous-cotation [s’échelonnant] entre 6,0 % et 11,6 % ». Le considérant 235 du règlement attaqué précise que « la comparaison exacte a porté sur l’EMP à une [TLF] de + 13 originaire d’Indonésie et l’EMP à une TLF de + 10 produit par l’industrie de l’Union », que « [l]’EMP présentant une TLF de + 10 n’a pas été mélangé pour atteindre cette TLF », qu’« un additif coûtant moins de 1 [euro] par tonne, soit environ 0,1 % du coût de production, a été ajouté au biodiesel », et que « [l]a Commission estime qu’il est inutile de procéder à un ajustement pour cet additif vu qu’il n’aurait aucune incidence sur les calculs ».

34      Selon le considérant 293 du règlement provisoire, cette comparaison couvrait environ 20 % de toutes les ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon.

35      Il ressort du considérant 292 du règlement provisoire que cette comparaison porte sur le même produit du côté des importations en provenance d’Indonésie et de l’industrie de l’Union, à savoir le biodiesel à base d’huile de palme pur. Ce point n’est pas contesté par la requérante.

36      La Commission a également précisé, au considérant 242 du règlement attaqué, qu’elle n’avait observé aucune différence de prix entre ces produits. En outre, elle a relevé, dans le même considérant, que les offres concernant l’EMP pur ne faisaient aucune référence à la TLF effective du produit, indiquant simplement qu’il s’agissait d’EMP. La requérante ne produisant aucun élément susceptible d’infirmer ces constatations, la Commission en a déduit à juste titre que tous les EMP étaient vendus à des prix similaires indépendamment de leur TLF précise. En ce qui concerne la relation de concurrence entre les deux produits, le règlement attaqué indique, au considérant 228, qu’un examen des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon a montré des ventes importantes d’EMP pur directement aux raffineries de diesel minéral, en concurrence directe avec les importations d’EMP pur originaire d’Indonésie. Le fait que, selon le considérant 290 du règlement provisoire, l’EMP pur n’est « normalement pas » mélangé avec le diesel minéral, mais avec d’autres biodiesels ayant un niveau de TLF plus faible d’abord pour produire un mélange à TLF de 5 °C ou à TLF de 0 °C, qui est ensuite mélangé avec du diesel minéral, ne saurait exclure que ce produit soit vendu directement aux raffineries de diesel minéral.

37      L’argument de la requérante selon lequel l’EMP importé est utilisé comme un intrant pour produire un mélange de biodiesel alors que l’EMP produit dans l’Union est directement mélangé au diesel minéral et que, en conséquence, il ne pourrait pas exister de concurrence directe entre les deux n’est pas étayé par des éléments de preuve et semble être fondé sur une lecture erronée du règlement attaqué.

38      En effet, le fait que le considérant 253 du règlement attaqué mentionne que l’EMP produit dans l’Union est vendu directement aux compagnies pétrolières ne signifie pas que l’EMP importé ne l’est pas. Au contraire, cette hypothèse est explicitement mentionnée au considérant 228 du règlement attaqué où la Commission a expliqué l’existence d’une concurrence directe entre les deux produits en précisant qu’« [u]n examen des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon a[vait] montré des ventes importantes d’EMP pur directement aux raffineries de diesel minéral, en concurrence directe avec les importations d’EMP pur originaire d’Indonésie ». Comme le souligne à juste titre la Commission, le considérant 254 dudit règlement affirme seulement que « [l]a Commission ne conteste pas que l’EMP soit également importé dans l’Union pour être mélangé à d’autres biodiesels ».

39      Dès lors, la requérante reste en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans le règlement provisoire et entérinée dans le règlement attaqué. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62 et jurisprudence citée).

40      Il découle de ce qui précède que la Commission a pris en compte, avec la première méthode de calcul, le type et les propriétés physiques des produits à comparer, ainsi que leurs utilisations et leur rapport de concurrence. Elle a ainsi procédé à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union lors des ventes effectuées sur le territoire de l’Union, comme cela est exigé par la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus.

41      Partant, les arguments de la requérante concernant la première méthode de calcul doivent être rejetés.

–       Sur la deuxième méthode de calcul

42      Aux termes du considérant 245 du règlement attaqué, la deuxième méthode de calcul de la sous-cotation des prix « consistait à augmenter la quantité de biodiesel produit dans l’Union qui était comparée aux importations en provenance d’Indonésie en incluant dans la comparaison les ventes de biodiesel EMAG 0 par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon ».

43      Les considérants 246 à 248 règlement attaqué précisent que :

« (246) Pour comparer les ventes d’EMAG 0 dans l’Union aux importations d’EMP en provenance d’Indonésie à l’échelle nationale, le prix de vente d’EMAG 0 dans l’Union a été ajusté et, par conséquent, ramené au niveau du prix de vente de l’EMP dans l’Union afin de prendre en compte la valeur marchande des différences de propriétés physiques.

(247) Afin de clarifier le calcul, à la demande des parties présentant des observations, il est précisé que le prix visé ci-dessus aux fins de la réduction était de l’ordre de 100 à 130 [euros] par tonne. En outre, pour clarifier le calcul, il convient de préciser que les 55 % de l’ensemble des ventes de l’industrie de l’Union couverts par cette comparaison comprennent aussi bien l’EMP que l’EMAG 0 […].

(248) La marge nationale de sous-cotation obtenue selon cette méthode était de 7,4 %. »

44      Il apparaît à la lecture du règlement attaqué que la Commission a élargi le périmètre de la comparaison effectuée lors de la première méthode de calcul pour inclure, du côté des ventes de l’industrie de l’Union, aussi bien l’EMP que l’EMAG 0. À cette fin, les prix de l’EMAG 0 ont été ajustés à la baisse, au niveau du prix de vente de l’EMP, pour tenir compte de la valeur marchande des différences de propriétés physiques.

45      La requérante reproche à la Commission de ne pas tenir compte du fait que le biodiesel indonésien est un intrant pour produire du biodiesel de TLF de 0 °C et qu’il ne peut pas être utilisé dans certaines régions froides de l’Union à cause de son niveau élevé de TLF. À l’appui de ses allégations, elle invoque des rapports du groupe spécial de l’OMC, et notamment le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) » qui a signalé, au point 7.158, « la complexité dans les rapports de concurrence entre l’EMP et le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 degré, étant donné que l’EMP indonésien est un intrant pour le biodiesel mélangé, y compris le biodiesel mélangé ayant une TLF de 0 degré ».

46      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les interprétations de l’accord sur les subventions et les mesures compensatoires figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 156, ci-après l’« accord SMC »), adoptées par cet organe, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 1er mars 2005, Van Parys, C‑377/02, EU:C:2005:121, point 54, et du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 419).

47      Toutefois, la Cour souligne également que le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969, implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord SMC, tenir compte de l’interprétation des différentes dispositions de cet accord que l’organe de règlement des différends de l’OMC a adoptée (voir, par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 32, et conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, point 24, suivies par la Cour dans cette affaire). Ainsi, rien ne s’oppose à ce que le Tribunal y fasse référence dès lors qu’il s’agit de procéder à l’interprétation des dispositions du règlement de base qui correspondent à des dispositions de l’accord SMC (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 103).

48      En tout état de cause, tout d’abord, la Commission a souligné à juste titre, aux considérants 251 et 252 du règlement attaqué, le changement dans la structure de l’industrie de l’Union qui, désormais, produit également de l’EMP. La situation du marché a ainsi été modifiée par rapport à celle qui avait motivé l’analyse, exposée au point 45 ci-dessus, figurant dans le rapport du groupe spécial « UE-biodiesel (Indonésie) ».

49      Ensuite, et contrairement aux allégations de la requérante, il ressort du considérant 246 du règlement attaqué que la Commission a effectivement pris en compte la valeur marchande des différences de propriétés physiques lorsqu’elle a ajusté le prix de vente dans l’Union de l’EMAG 0 afin de procéder à la comparaison. En outre, la requérante ne remet pas en cause l’ajustement du prix de l’EMAG 0 fait par la Commission. Au contraire, elle utilise cet ajustement en tant que point de départ pour proposer son propre calcul pour la sous-cotation des prix pour l’ensemble des ventes de biodiesel dans l’Union.

50      Enfin, la Commission a également constaté, au considérant 254 du règlement attaqué, que l’EMP indonésien importé était utilisé comme « intrant » et était mélangé à d’autres biodiesels pour fabriquer, par exemple, l’EMAG 0, et a ajouté que « la quantité d’EMP importée dépend[ait] du prix de ces importations ainsi que de ses propriétés physiques, de sorte que le prix de l’EMP importé exer[çait] également une pression sur les prix des mélanges ». La Commission a ajouté que « [l]’EMP compt[ait] parmi les types de biodiesel les moins chers pouvant être utilisés dans des mélanges tels que l’EMAG 0 et l’EMAG ayant une TLF de 5 °C, qui [pouvaient] être utilisés sur une partie importante du marché de l’Union tout au long de l’année », et que, « [a]insi, les importations d’EMP [étaient] en concurrence directe avec d’autres types de biodiesel produits dans l’Union européenne qui seraient sinon mélangés en des quantités plus importantes pour obtenir le même mélange ». En outre, au considérant 297 du règlement provisoire, la Commission a expliqué que l’EMAG 0 incluait souvent jusqu’à 20 % d’EMP.

51      Il apparaît ainsi que la Commission a dûment pris en compte dans son analyse tant l’utilisation des produits que leurs relations concurrentielles.

52      Partant, la requérante n’établit pas que la sous-cotation des prix résultant de la deuxième méthode est manifestement erronée.

–       Sur la troisième méthode de calcul

53      Aux termes du considérant 256 du règlement attaqué, la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix « consistait à comparer les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’échelle du pays à l’ensemble des ventes de biodiesel des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon », « [l]a marge nationale de sous-cotation obtenue selon cette méthode [étant] de 17,1 % ».

54      La Commission a précisé, au considérant 270 du règlement attaqué, que ce calcul comparait l’EMP indonésien ayant une TLF de 13 °C à l’ensemble des ventes de la production de l’industrie de l’Union dans l’Union, qui incluait également l’EMP, et qu’aucune demande motivée et quantifiée d’ajustement n’avait été présentée.

55      La requérante soutient que cette méthode de calcul méconnaît totalement la différence en termes de niveau de TLF entre le biodiesel indonésien et le biodiesel vendu par les producteurs de l’Union et souligne l’importance, pour l’organe d’appel et le groupe spécial de l’OMC, de procéder aux ajustements nécessaires afin de garantir une comparaison valable des prix.

56      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 46 et 47 ci-dessus, les interprétations de l’accord SMC, adoptées par ces organes, ne sont pas susceptibles de lier le Tribunal dans son appréciation de la validité du règlement attaqué, même si le juge de l’Union doit en tenir compte.

57      Au demeurant, le groupe spécial de l’OMC a indiqué que « les prix comparés [devaient] correspondre à des produits et à des transactions qui [étaient] comparables si l’on [voulait] qu’ils fournissent une indication fiable de l’existence et de l’ampleur d’une sous-cotation dans les importations faisant l’objet d’un dumping ou subventionnées par rapport au prix du produit similaire national, sur laquelle on [pouvait] ensuite s’appuyer pour évaluer le lien de causalité entre les importations visées et le dommage causé à la branche de production nationale ». ll a ajouté que « [l]e pouvoir discrétionnaire de l’autorité [était] par ailleurs circonscrit par l’obligation générale […] selon laquelle la détermination de l’existence d’un dommage “se fondera[it] sur des éléments de preuve positifs et comportera[it] un examen objectif” » et qu’« [u]ne comparaison de prix qui n’étaient pas comparables ne satisferait pas, à notre avis, à la prescription imposant à l’autorité chargée de l’enquête de procéder à un “examen objectif” d’“éléments de preuve positifs” ». Le groupe spécial souligne que plusieurs facteurs déterminent le prix de vente dans une transaction donnée et que, en conséquence, la comparabilité des prix doit être assurée pour ce qui est des diverses caractéristiques des produits et transactions comparés. Ainsi, un facteur fondamental qui détermine le prix réside dans les caractéristiques physiques du produit et dans le cas où l’autorité chargée de l’enquête « procède à une comparaison des prix sur la base d’un “panier” de produits ou de transactions de vente, l’autorité doit s’assurer que les groupes de produits ou transactions comparés constituant les deux termes de l’équation sont suffisamment similaires pour que l’on puisse raisonnablement dire que tout écart de prix résulte d’une “sous-cotation du prix” et non pas simplement de différences dans la composition des deux paniers comparés », étant précisé que, « [e]n cas de divergence, l’autorité doit procéder à des ajustements afin de prendre en compte et corriger les différences pertinentes dans les caractéristiques physiques ou autres du produit » [rapport du groupe spécial de l’OMC intitulé « Chine – Mesures antidumping et compensatoires visant les produits à base de poulet de chair en provenance des États-Unis », adopté le 2 août 2013 (WT/DS 427/R, points 7.475, 7.476, 7.480 et 7.483)].

58      Il est constant que la Commission n’a pas procédé à des ajustements lors de la troisième méthode de calcul de la sous-cotation. Dès lors, il convient d’examiner si la comparaison entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union est équitable au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus et si la Commission n’a pas dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation dans l’analyse de la sous-cotation des prix qui implique l’appréciation de situations économiques complexes selon la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus.

59      À cet égard, il convient de relever que la Commission a précisé, dans son mémoire en défense, que le produit similaire de l’industrie de l’Union pris en compte pour cette comparaison avait un niveau de TLF qui variait entre – 20 °C et 10 °C. Elle considère qu’il n’existe pas, entre le prix et la TLF, une corrélation selon laquelle un écart de degrés entraîne une modification du prix en euros par tonne. Bien que la Commission ait pu estimer la valeur marchande des différences de propriétés physiques entre les ventes d’EMAG 0 dans l’Union et les importations d’EMP en provenance d’Indonésie et ajuster le prix des ventes d’EMAG 0 dans l’Union en conséquence, elle soutient ne pas avoir trouvé une approche raisonnable pour procéder à d’autres ajustements en ce qui concerne d’autres types de biodiesel, par exemple entre le biodiesel à base d’EMP et le biodiesel avec une TLF de – 14 °C.

60      Il est constant entre les parties que, pendant les mois d’été et dans les régions plus chaudes, des biodiesels à des niveaux supérieurs de TLF peuvent être vendus, tandis que, pendant les mois d’hiver et dans les régions plus froides, des biodiesels affichant un niveau de TLF inférieur sont requis. La quantité d’EMP utilisée dans un mélange dépend donc de la saison et de la situation géographique en Europe.

61      La Commission a ainsi observé une grande complexité du marché du biodiesel. Elle ne partage pas l’analyse de la requérante selon laquelle le niveau de TLF a, dans tous les cas, une incidence sur les prix. En effet, le niveau de TLF aurait une incidence sur les prix lorsque, en fonction de la saison et de la situation géographique, différents niveaux de TLF peuvent être en concurrence sur ce marché. Par exemple, le biodiesel ayant une TLF de 13 °C serait en concurrence avec le biodiesel ayant une TLF de 10 °C toute l’année dans plusieurs régions du sud de l’Europe. Cependant, une telle concurrence ne se traduirait pas automatiquement par une différence de prix. Ainsi, la Commission souligne que les ventes de l’Union d’EMP avec une TLF de 10 °C ont pu être comparées avec les importations d’EMP indonésien avec une TLF de 13 °C sans qu’un ajustement ait été nécessaire pour tenir compte d’éventuelles différences concernant le niveau de TLF. En revanche, dans certaines conditions climatiques, par exemple en hiver, dans le nord de l’Europe, le biodiesel ayant une TLF de 13 °C ne serait pas en concurrence avec le biodiesel ayant une TLF de – 10 °C, indépendamment de toute différence de prix, car le biodiesel ayant une TLF de 13 °C ne pourrait pas être utilisé dans ces conditions hivernales. La Commission en déduit que, si un ajustement du prix sur la base de la valeur marchande observée a été jugé nécessaire pour l’EMAG 0 qui est le produit le plus vendu par les producteurs de l’Union, il n’en va pas de même en ce qui concerne d’autres types de biodiesel à faibles niveaux de TLF qui ne sont pas forcément en concurrence directe, du point de vue des prix, avec les biodiesels présentant des niveaux plus élevés de TLF.

62      Il ressort des explications fournies par la Commission que la décision de ne pas procéder à des ajustements des prix, dans la troisième méthode de calcul, a été fondée sur des éléments objectifs, à savoir la complexité des relations concurrentielles entre les biodiesels à différents niveaux de TLF, la différence dans les conditions de marché pour les biodiesels à différents niveaux de TLF et l’absence de corrélation directe entre le niveau de TLF et le prix. Ces éléments sont de nature à fonder de manière plausible les conclusions de la Commission qui n’a pas dépassé en l’espèce sa large marge d’appréciation pour définir la méthode précise pour analyser la sous-cotation des prix.

63      Dans ce contexte, la requérante n’a pas démontré que l’ajustement sollicité était nécessaire pour rendre comparables le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, ainsi qu’il est exigé par la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 58).

64      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le calcul de la sous-cotation des prix alternatif proposé par la requérante dans la réplique. En s’appuyant sur des informations fournies par la Commission dans son mémoire en défense, la requérante propose un calcul de la sous-cotation qui, en appliquant un ratio de 10 ou de 13 euros par tonne (soit la même différence par unité que celle constatée par la Commission entre les prix du biodiesel ayant une TLF de 0 °C et ceux du biodiesel ayant une TLF de 10 °C) pour tenir compte de chaque degré de différence de TLF, aboutit à une sous-cotation moyenne de – 0,27 % seulement.

65      Force est de constater, ainsi que la requérante l’a concédé à l’audience, que cette méthode de calcul est fondée sur la présomption que l’ajustement de prix entre le produit ayant une TLF de 0 °C et le produit ayant une TLF de 10 °C retenu par la Commission dans la deuxième méthode de calcul peut servir de base pour procéder à des ajustements pour chaque degré de différence de TLF. Or, comme le souligne à juste titre la Commission dans la duplique, la requérante n’explique pas sur quelle base la différence entre la TLF de 0 °C et la TLF de 10 °C divisée par dix serait représentative de toute différence de prix par degré. En effet, une telle présomption ne saurait être acceptée pour des niveaux de TLF qui varient entre les – 20 °C et les 10 °C inclus dans le calcul proposé par la requérante sans qu’elle apporte des explications quant à la pertinence de son approche.

66      La requérante fait également valoir, premièrement, que des demandes motivées d’ajustement avaient été proposées à la Commission et, deuxièmement, que si elle n’a pas présenté d’autres calculs, cela proviendrait du fait que la Commission ne lui avait pas fourni les informations nécessaires à cette fin. La requérante n’invoque toutefois pas une violation de ses droits de la défense dans ses écritures résultant de cette absence d’information.

67      À cet égard, il convient de relever que, concernant le premier point soulevé par la requérante, il ressort des documents qu’elle invoque que sa proposition d’ajustement, tout comme celle des pouvoirs publics indonésiens, concernaient la première méthode de calcul de la sous-cotation et la comparaison entre l’EMP avec une TLF de 13 °C et l’EMP avec une TLF de 10 °C. Dès lors, ces propositions ne concernaient pas la troisième méthode de calcul et la requérante n’explique pas en quoi elles seraient pertinentes dans ce contexte.

68      Concernant le second point soulevé par la requérante, il est constant entre les parties que la Commission n’avait pas divulgué, au cours de l’enquête, les fourchettes des ventes de l’industrie de l’Union par niveau de TLF en dépit des demandes de la requérante.

69      À cet égard, il convient de relever que le règlement provisoire fournissait déjà des informations concernant les ventes de l’industrie de l’Union par TLF. Ainsi, selon les considérants 295 et 296 du règlement provisoire et le considérant 247 du règlement attaqué, 20 % des ventes de l’Union ont une TLF de 10 °C et 35 % des ventes de l’Union ont une TLF de 0 °C (le total de la deuxième méthode, soit 55 %, moins le pourcentage qui correspond à l’EMP avec une TLF de 10 °C, soit 20 %). Cette information laissait déjà apparaître que les ventes de l’Union autres que celles relatives à la TLF de 10 °C et à la TLF de 0 °C étaient d’environ 45 %. Par ailleurs, les explications fournies au considérant 247 du règlement attaqué et au considérant 295 du règlement provisoire permettent de déduire qu’une grande partie de ces 45 % seraient relatifs à de la TLF négative, comme le relève d’ailleurs la requérante dans la requête. La requérante disposait ainsi des informations qui lui permettaient de comprendre les calculs de la Commission et de présenter, sur cette base, des alternatives à ces calculs. Son argument doit, dès lors, être rejeté.

70      À supposer que la critique de la requérante relative à la troisième méthode soit accueillie, au motif que la Commission se serait abstenue, à tort, de procéder aux ajustements qu’impliquaient les différences entre les produits, le constat par la Commission de l’existence d’une sous-cotation, telle que mise en évidence par les première et deuxième méthodes, dont les résultats n’ont pas été remis en cause, resterait fondé. Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient, en tout état de cause, de rejeter les arguments de la requérante et, partant, l’ensemble de la première branche du premier moyen.

 Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de l’absence de détermination de la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble et du fait d’avoir retenu à tort l’existence d’une pression sur les prix

71      Dans le cadre de la seconde branche, qui comporte deux griefs, la requérante soutient, dans le cadre de son premier grief, que la Commission n’a pas établi la sous-cotation des prix pour le produit de l’industrie de l’Union dans son ensemble. Dans le cadre de son second grief, elle fait valoir que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie n’exercent pas une pression sur les prix du marché de l’Union.

–       Sur la détermination de la sous-cotation des prix pour le produit dans son ensemble

72      Il convient de relever qu’il découle de l’article 1er du règlement de base, intitulé « Principes » et qui vise, à son paragraphe 1, « tout produit dont la mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice », que l’enquête antisubventions concerne un produit spécifique. Ce « produit considéré » est défini par les institutions de l’Union lors de l’ouverture de cette enquête. Ainsi, l’article 2, sous c), dudit règlement définit le « produit similaire » comme un produit identique, c’est-à-dire semblable à tous égards au produit considéré, ou, en l’absence d’un tel produit, un autre produit qui, bien qu’il ne lui soit pas semblable à tous égards, présente des caractéristiques ressemblant étroitement à celles du produit considéré.

73      L’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, nécessaire pour la détermination du préjudice en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, est déterminé sur la base du « produit considéré ». Pour déterminer cet effet est examiné, aux termes de l’article 8, paragraphe 2, de ce règlement, notamment, « s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet de subventions, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ».

74      C’est sur la base de la définition du « produit considéré », auquel renvoie la notion de « produit similaire », telle que proposée par les institutions de l’Union lors de l’ouverture de l’enquête, qu’est calculée la sous-cotation des prix (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 57).

75      Selon la jurisprudence, le règlement de base n’impose pas en lui-même que la notion de « produit considéré » vise nécessairement un produit envisagé comme un tout homogène et composé de produits similaires (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Portmeirion Group, C‑232/14, EU:C:2016:180, point 42). La définition du « produit considéré », lors de l’ouverture de l’enquête, n’interdit pas aux institutions de l’Union de subdiviser ce produit en types ou en modèles de produits distincts et de se fonder sur des comparaisons entre le prix du produit sur le marché de l’Union et le prix des importations, modèle par modèle ou type par type (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 59).

76      La requérante soutient qu’une obligation de la Commission d’établir la sous-cotation pour le « produit considéré » dans son ensemble peut se fonder sur une application par analogie des enseignements issus de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 60).

77      Toutefois, les enseignements tirés de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), portant sur l’interprétation de l’article 2, paragraphe 11, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21), ne sont pas transposables à l’analyse de l’incidence sur les prix de l’industrie de l’Union des importations faisant l’objet d’un dumping, analyse prévue par l’article 3, paragraphes 2 et 3, de ce règlement, dont l’équivalent dans le règlement de base en matière d’antisubventions est l’article 8, paragraphes 1 et 2. En effet, il convient de relever une différence fondamentale entre la détermination de la marge de dumping et l’analyse, aux fins de la détermination d’un préjudice, de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union tenant au fait que cette analyse implique une comparaison des ventes non pas d’une même entreprise, comme c’est le cas de la détermination de la marge de dumping qui est calculée sur la base des données du producteur-exportateur concerné, mais de plusieurs entreprises, à savoir les producteurs-exportateurs échantillonnés et les entreprises faisant partie de l’industrie de l’Union incluses dans l’échantillon (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 150 à 159, et les conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2021:533, points 136 à 139, suivies par la Cour dans cette affaire). La même conclusion est valable, mutatis mutandis, lorsqu’il s’agit d’établir la sous-cotation des prix en vertu du règlement de base en matière d’antisubventions. Les enseignements tirés de l’arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil (C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269), ne sauraient donc être transposés dans le présent litige.

78      En l’espèce, le considérant 27 du règlement attaqué renvoie pour la définition du produit concerné aux considérants 31 à 37 du règlement provisoire (voir points 9 à 11 ci-dessus).

79      La requérante fait valoir que, dans le cadre de la première méthode de calcul, la Commission a déterminé la sous-cotation des prix uniquement pour 20 % du total des ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon. Par ailleurs, dans le cadre de la deuxième méthode de calcul, l’analyse de la sous-cotation présenterait des lacunes, car elle ne prendrait pas en considération la grande complexité de la relation concurrentielle entre ces produits, et ne couvrirait que 55 % du total des ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon, tandis que la troisième méthode serait dépourvue de sens. Une telle approche permettrait des situations où l’existence d’une sous-cotation pour un petit pourcentage des ventes de l’industrie de l’Union serait extrapolée au reste des ventes de l’industrie de l’Union.

80      Force est de constater que cette argumentation de la requérante a comme point de départ le postulat que la troisième méthode de calcul de la sous-cotation des prix comparant les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie à l’ensemble des ventes de biodiesel des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon est erronée et que, dans la deuxième méthode de calcul qui présenterait des lacunes, l’analyse de la sous-cotation ne couvre que 55 % du total des ventes des producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon. Or, les arguments de la requérante en ce sens ont été rejetés par le raisonnement tenu à titre principal par le Tribunal lors de l’examen de la première branche du premier moyen. En effet, il convient de constater que la Commission a calculé la sous-cotation des prix d’abord pour 20 %, ensuite pour 55 % et finalement pour l’ensemble des ventes des producteurs de l’Union. Ainsi, comme le souligne à juste titre la Commission, aucune extrapolation à partir des constatations faites sur la base de 20 % des ventes de l’Union n’a été faite.

81      Dès lors, ce grief doit être rejeté. À supposer que la Commission se soit, à tort, fondée sur la troisième méthode de calcul de la sous-cotation, l’argumentation de la requérante ne pourrait davantage prospérer. En effet, l’utilisation de deux autres méthodes a permis à la Commission d’évaluer l’importance de la sous-cotation pour 55 % des ventes des producteurs de l’Union, c’est-à-dire une majorité des ventes, représentative de la situation sur l’ensemble du marché. La requérante, qui n’a pu établir que cette analyse serait manifestement viciée, ne peut donc valablement soutenir que le calcul de la sous-cotation serait manifestement erroné en ce qu’il procéderait d’une extrapolation abusive de données trop parcellaires ou représentant un petit pourcentage des ventes.

–       Sur la pression sur les prix

82      La requérante soutient que la Commission a retenu, à tort, que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie auraient pu exercer une pression sur les prix étant donné que l’EMP ne représente que 20 % du biodiesel avec une TLF de 0 °C et qu’entre 35 % et 45 % du biodiesel vendu sur le marché de l’Union a une TLF inférieure à zéro. Par ailleurs, le tableau 2 du règlement attaqué permettrait de constater que seuls 13 % de la baisse des coûts au cours de la période postérieure à l’enquête ont été répercutés sur les clients, prouvant ainsi que les importations en provenance d’Indonésie n’exercent aucune pression sur les prix des ventes de l’Union. L’analyse des éléments inclus dans le tableau 2 du règlement attaqué et le tableau 11 du règlement provisoire montrerait que la marge bénéficiaire des producteurs de l’Union est passée de – 1,8 % à 0,4 %.

83      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement de base ne requiert pas d’apprécier l’effet d’une sous-cotation en tant que telle sur les prix de l’Union [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 174 (non publié)], mais l’effet plus global des importations faisant l’objet de subventions sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union.

84      En tout état de cause, la Commission, en s’appuyant sur les éléments contenus dans le tableau 11 du règlement provisoire repris dans le considérant 325 de celui-ci, a observé, au considérant 328 du règlement provisoire, qu’une sous-cotation d’environ 10 % avait exercé une forte pression à la baisse sur les prix, ce qui avait eu comme conséquence que l’industrie de l’Union n’avait pas pu bénéficier de la baisse des coûts de production au cours de la période d’enquête, car elle avait dû répercuter intégralement cette baisse sur ses clients pour éviter une perte de part de marché encore plus importante.

85      À cet égard, il convient de tenir compte des données du tableau 2 repris dans le considérant 325 du règlement attaqué et du tableau 11 repris dans le considérant 325 du règlement provisoire :

Industrie de l’Union (avant, pendant et après la période d’enquête)


2015

2016

2017

Période d’enquête

Octobre 2018 à juin 2019

Prix de vente unitaire moyen dans l’Union sur le marché total (en EUR/tonne)

715

765

832

794

790

Coût de production unitaire (en EUR/tonne)

728

767

827

791

760


86      Il ressort de ces données que, pendant et après la période d’enquête, le prix de vente de l’Union est supérieur aux coûts de production. Toutefois, cela n’exclut pas l’existence d’une pression sur les prix par les importations indonésiennes. En effet, il ressort également de ces données que, si la baisse des coûts de production (de – 4,35 % entre 2017 et la période d’enquête) a permis d’éviter une perte par rapport aux coûts, les prix de l’industrie de l’Union ont baissé davantage (de – 4,56 % entre 2017 et la période d’enquête), ce qui corrobore la conclusion de la Commission au considérant 399 du règlement attaqué que l’industrie de l’Union n’a pas pu bénéficier de la baisse des coûts au cours de la période d’enquête. En outre, force est de constater que les données reprises dans les tableaux mentionnés au point 85 ci-dessus concernent l’ensemble des ventes de l’Union et non seulement un pourcentage de ses ventes comme le prétend la requérante.

87      Ainsi, ces données étant de nature à fonder les conclusions de la Commission, il convient de considérer que, en l’espèce, celle-ci n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

88      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter ce grief, et, par suite, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que le règlement attaqué, dans son analyse du lien de causalité, violerait l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base

89      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante soutient que la Commission a fondé son analyse du lien de causalité entre les importations qui font prétendument l’objet d’une subvention et le préjudice causé à l’industrie de l’Union sur une conclusion erronée concernant la sous-cotation. Ainsi, la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, commise par la Commission dans la détermination de la sous-cotation des prix, entraînerait une violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

90      À cet égard, il suffit d’observer que le deuxième moyen est fondé sur la présomption que le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base lors du calcul de la sous-cotation des prix, serait accueilli. Puisque ce moyen a été écarté dans son intégralité, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte la sous-cotation constatée dans le règlement attaqué afin d’évaluer ses effets sur l’industrie de l’Union.

91      Dès lors, il convient d’écarter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission, en concluant à l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds, a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’article 3, point 1, sous a), i), et point 2, du règlement de base

92      Le troisième moyen repose sur deux branches, qui sont contestées par la Commission, soutenue par EBB.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que la Commission a qualifié de subventions les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile

93      Dans le cadre de la première branche, la requérante fait valoir que les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile ne constituent pas un transfert direct de fonds sous forme de subvention, mais un paiement pour l’achat du biodiesel.

94      Il convient de rappeler que l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base dispose qu’il existe une « contribution financière des pouvoirs publics du pays d’origine ou d’exportation » dans le cas où « une pratique des pouvoirs publics comporte un transfert direct de fonds (par exemple, sous forme de dons, de prêts et de participations au capital social) ».

95      L’objectif de l’article 3 du règlement de base est de définir la notion de « subvention » qui serait passible d’un droit compensateur.

96      Plus précisément, l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base définit la notion de « contribution financière » de manière à en exclure les mesures des pouvoirs publics qui ne relèvent pas de l’une des catégories énumérées dans cette disposition. C’est dans cette perspective que l’article 3, point 1, sous a), i) à iii), du règlement de base énumère des situations concrètes qui doivent être considérées comme comportant une contribution financière des pouvoirs publics, à savoir le transfert direct ou indirect de fonds, l’abandon de recettes publiques et la fourniture de biens ou de services ou l’achat de biens, tandis que l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base prévoit en son second tiret que le fait, pour les pouvoirs publics, de charger un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types ainsi énumérés sous i), ii) et iii) ou de lui ordonner de le faire équivaut à l’octroi par ces pouvoirs publics d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, sous a), du règlement de base (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 106).

97      Il apparaît, à la lecture de l’article 3, point 1, sous a), i), du règlement de base, et notamment de la formulation « une pratique des pouvoirs publics », que le transfert direct des fonds doit pouvoir être imputé aux pouvoirs publics. Toutefois, cette disposition ne contient aucune précision quant à l’origine des fonds transférés. Ainsi, dans son point 1, sous a), i), cet article inclut dans la notion de « contribution financière » une « pratique des pouvoirs publics » qui comporte un transfert direct de fonds, sans ajouter des exigences quant à l’origine de ces fonds. Le fait que l’origine des fonds est sans incidence sur la qualification d’une pratique des pouvoirs publics en tant que « contribution financière des pouvoirs publics » apparaît clairement dans l’hypothèse envisagée par le second tiret de l’article 3, point 1, sous a), iv), où les pouvoirs publics chargent un organisme privé d’exécuter certaines fonctions comme le transfert direct des fonds, ou lui ordonnent de le faire, sans préciser quelle doit être l’origine des fonds utilisés. Il ressort de ces dispositions que la notion de « contribution financière des pouvoirs publics » englobe tous les moyens pécuniaires que les pouvoirs publics peuvent effectivement utiliser. En outre, pour apprécier si un transfert direct de fonds peut justifier l’institution d’un droit compensateur, l’absence de contrepartie, ou de contrepartie équivalente, de la part de l’entreprise qui le reçoit doit être prise en compte.

98      En l’espèce, il résulte des considérants 30 à 33 du règlement attaqué et il n’est pas contesté que le Fonds de plantation des palmiers à huile est un organisme public. Cet organisme est utilisé pour soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par des organismes de l’État et a confié à une agence, l’Agence de gestion du Fonds (ci-après l’« agence de gestion ») le recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de palme qui constituent son financement (considérants 41 à 43 du règlement provisoire).

99      Aux termes des considérants 45 à 50 du règlement provisoire (également au considérant 37 du règlement attaqué), la procédure qui a été qualifiée par la Commission de « transfert direct de fonds » était la suivante :

« (45) Le règlement présidentiel 26/2016 prévoit plus précisément dans son article 9, paragraphe 1, que “[l]e directeur général d[e la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne l’entité de Petrofuel qui est chargée de l’achat de biodiesel conformément à l’article 4, dans le cadre du financement par l’agence de gestion […], en appliquant la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion […]” et dans son article 9, paragraphe 8, que “[s]ur la base de l’autorisation ministérielle visée au paragraphe 7, le directeur général [de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie] désigne, au nom du ministre : a. les producteurs de biodiesel qui participeront aux marchés publics pour le biodiesel ; et b. le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur de biodiesel”. […]

(46) Les producteurs de biodiesel qui choisissent de prendre part aux marchés et se sont vu attribuer un quota en vertu du règlement susmentionné sont tenus de vendre la quantité mensuelle de biodiesel fixée à l’“entité de Petrofuel”. À ce jour, les pouvoirs publics indonésiens ont désigné les sociétés suivantes comme entités de Petrofuel :

a) PT Pertamina (ci-après “Pertamina”), une compagnie pétrolière et gazière appartenant à l’État, et

b) PT AKR Corporindo Tbk (ci-après “AKR”), une compagnie pétrolière et gazière privée.

(47) L[e Fonds de plantation des palmiers à huile] prévoit un mécanisme de paiement spécifique au moyen duquel Pertamina (et pour quelques petits volumes, AKR) paie aux producteurs de biodiesel le prix de référence du diesel (au lieu du prix réel du biodiesel qui, au cours de la période d’enquête, aurait été supérieur), tandis que la différence entre ce prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel est versée par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel grâce aux fonds d[u Fonds de plantation des palmiers à huile].

(48) Le prix de référence pour le diesel comme pour le biodiesel est déterminé par le ministre de l’énergie et des ressources minérales […] comme suit :

a) Le prix de référence du diesel est basé sur les prix déclarés par Platts pour le pétrole à Singapour […] et sur le coût de production du diesel en Indonésie.

b) […] le prix de référence du biodiesel est basé sur le prix intérieur de l’HPB, auquel s’ajoutent les coûts de transformation […]

(49) Plus exactement, chaque producteur de biodiesel – y compris l'ensemble des producteurs-exportateurs – facture à Pertamina (ou AKR, selon le cas) le volume de biodiesel que l’acheteur est tenu d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange [selon laquelle, pour un certain nombre d’applications comme, par exemple, les transports publics, les opérateurs ont l’obligation d’utiliser comme carburant un mélange de diesel minéral et de biodiesel qui contient au moins 20 % de biodiesel], et Pertamina (ou AKR) paie au producteur le prix de référence du diesel pour la période concernée. […]

(50) Le producteur de biodiesel, afin d’obtenir le remboursement de la différence entre le prix payé par Pertamina et AKR (basé sur le prix de référence du diesel) et le prix de référence du biodiesel, envoie alors à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume, accompagnée d’une liste de documents. Une fois que l’agence de gestion a reçu la facture et vérifié les éléments qu’elle contient, elle verse au producteur de biodiesel concerné la différence entre le prix de référence du diesel (payé par Pertamina ou AKR, selon le cas) et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question. »

100    En premier lieu, la requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission a qualifié les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile de transfert direct de fonds sous forme de subvention et non de paiements effectués en contrepartie de la vente de biodiesel à PT Pertamina (ci-après « Pertamina »), puisque, Pertamina étant aussi un organisme public, elle faisait partie de l’État indonésien et, en tout état de cause, elle faisait partie, avec l’agence de gestion, d’une entité économique unique.

101    À cet égard, premièrement, il convient d’observer qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire que Pertamina appartient à l’État indonésien. Toutefois, hormis le fait que Pertamina et l’agence de gestion appartiennent à l’État indonésien, la requérante n’invoque aucun élément de fait ou de droit au soutien de son allégation selon laquelle, conformément à la jurisprudence dont elle se prévaut (arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 52 à 55), ces entités agissent à l’intérieur d’un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes qui organise de cette manière un ensemble d’activités exercées, dans d’autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique. Au contraire, il est constant qu’une entreprise privée sans affiliation à l’État, PT AKR Corporindo Tbk (ci-après « AKR »), exerce les mêmes fonctions que Pertamina.

102    Deuxièmement, à supposer même que, contrairement aux conclusions de la Commission aux considérants 48 et 49 du règlement attaqué, Pertamina soit un organisme public, il s’agit d’une entité séparée du Fonds de plantation des palmiers à huile et de l’agence de gestion et rien n’indique que Pertamina agissait en tant qu’un seul et même acheteur de biodiesel avec l’agence de gestion et les pouvoirs publics indonésiens par le biais d’« actions combinées » de plusieurs organismes publics, comme le soutient la requérante. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission, Pertamina n’était pas une agence chargée par les pouvoirs publics d’exercer seulement certaines fonctions, mais une compagnie pétrolière et gazière qui exerçait les mêmes fonctions qu’AKR, une compagnie pétrolière et gazière privée, ainsi qu’il ressort du considérant 46 du règlement provisoire et du considérant 55 du règlement attaqué, ce qui n’a pas été contesté par la requérante. L’argument de la requérante mis en avant à l’audience, selon lequel il ressortirait des éléments du dossier soumis par la Commission que Pertamina et AKR ont été désignées par le gouvernement indonésien pour fournir du biodiesel, n’est pas susceptible d’altérer cette conclusion.

103    Au vu des considérations qui précèdent, il convient d’observer que, même si les allégations de la requérante selon lesquelles Pertamina était un organisme public étaient correctes, une telle erreur de la part de la Commission ne justifierait l’annulation du règlement attaqué que si elle était susceptible de mettre en question sa légalité, en invalidant l’ensemble de son analyse relative à l’existence d’une subvention (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 119), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

104    En deuxième lieu, la requérante présente une série d’arguments visant à établir que, si le Tribunal estime que Pertamina n’est pas un organisme public et qu’elle ne forme pas une entité économique unique avec les pouvoirs publics indonésiens, il convient alors de considérer qu’elle a été « chargée » ou qu’il lui a été « ordonné » par les pouvoirs publics indonésiens d’acheter du biodiesel au sens de l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base.

105    À cet égard, force est de constater que ce n’est pas le paiement du prix de référence du diesel par Pertamina en tant que contrepartie pour l’achat du biodiesel qui a été considéré par la Commission en tant que « transfert direct de fonds », mais le versement par l’agence de gestion, un organisme public, de la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé pour la période en question au producteur de biodiesel concerné. Dès lors, l’article 3, point 1, sous a), iv), du règlement de base, aux termes duquel une « contribution financière » existe si les pouvoirs publics « chargent un organisme privé d’exécuter une ou plusieurs fonctions des types énumérés aux points i), ii) et iii), qui sont normalement de leur ressort » ou lui « ordonnent de le faire, la pratique suivie ne différant pas véritablement de la pratique normale des pouvoirs publics », vise le comportement des organismes privés et n’est pas applicable en l’espèce.

106    En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’il existait une relation contractuelle entre elle et le Fonds de plantation des palmiers à huile qui subordonnait le paiement par ce dernier à la livraison du biodiesel à Pertamina. Il s’agirait d’un achat, pour lequel il n’est pas nécessaire que l’entité procédant au paiement des biens entre également en leur possession.

107    Sur ce point, il convient de relever que, au considérant 38 du règlement attaqué, la Commission a constaté que « les versements d[u Fonds de plantation des palmiers à huile] en faveur des producteurs de biodiesel ne pouvaient être considérés comme des paiements dus dans le cadre d’un contrat d’achat conclu entre les pouvoirs publics indonésiens et les producteurs de biodiesel, mais constituaient un transfert direct de fonds ».

108    Il ressort du contexte factuel de l’espèce, tel que présenté aux considérants 45 à 50 du règlement provisoire et au considérant 37 du règlement attaqué (voir point 99 ci-dessus) et qui n’est pas contesté par la requérante, que, dans le contexte du système conçu par le règlement présidentiel 26/2016, l’agence de gestion n’intervenait pas à la transaction entre les producteurs de biodiesel et Pertamina et AKR. En effet, c’est le directeur général de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie qui désignait, premièrement, les entités chargées de l’achat de biodiesel (en application de la politique définie par le comité directeur de l’agence de gestion) et, deuxièmement, au nom du ministre, les producteurs de biodiesel qui participaient aux marchés publics pour le biodiesel ainsi que le volume de biodiesel fixé pour chaque producteur. Le prix de référence pour le diesel comme pour le biodiesel était déterminé par le ministre de l’Énergie et des Ressources minérales. Ensuite, chaque producteur facturait à Pertamina ou AKR le volume de biodiesel que ces entreprises étaient tenues d’utiliser en vertu de l’obligation de mélange et ces dernières payaient au producteur le prix de référence du diesel. Ce n’était qu’après la fin de cette transaction que les producteurs de biodiesel envoyaient à l’agence de gestion une facture supplémentaire pour le même volume de biodiesel afin d’obtenir le versement de la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel, accompagnée d’une copie de la décision de la direction générale des nouvelles énergies, des énergies renouvelables et des économies d’énergie attestant qu’ils étaient autorisés à participer aux marchés du biodiesel et indiquant les quotas respectifs de biodiesel alloués, une copie du contrat d’achat de biodiesel conclu avec Pertamina ou AKR, le certificat signé par Pertamina ou AKR et le producteur de biodiesel concerné, revêtu du cachet des pouvoirs publics indonésiens et comportant les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel et au montant des frais de transport ainsi qu’une copie de l’accord conclu entre l’agence de gestion et le producteur de biodiesel concerné.

109    En outre, la Commission a également estimé, aux considérants 67 et 69 du règlement attaqué, et ce point n’a pas non plus été contesté par la requérante, que le prix de référence pour le biodiesel payé aux fournisseurs indépendants ne reflétait pas l’offre et la demande dans des conditions normales de marché, hors intervention des pouvoirs publics, et que le montant des coûts de transformation calculé par les pouvoirs publics indonésiens dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le prix de référence pour le biodiesel était excessif. La Commission a déduit de cette situation, au considérant 68 du règlement attaqué, que, sans ces paiements, les prix du biodiesel en Indonésie seraient plus faibles. Les versements effectués par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dès lors qu’ils sont calculés sur la base d’un prix de référence du biodiesel ne résultant pas de conditions normales de marché, ne sauraient être regardés comme un complément de prix que les producteurs seraient en droit d’obtenir en contrepartie de leurs livraisons à Pertamina ou AKR.

110    Sur la base de ces éléments de fait, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission, eu égard à son large pouvoir d’appréciation dans le domaine des mesures de défense commerciale qui porte également sur la détermination de l’existence d’une contribution financière au sens de l’article 3, point 1, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil, T‑556/10, non publié, EU:T:2012:537, points 34 et 35), a estimé, au considérant 37 du règlement attaqué, que les fonds versés par le Fonds de plantation des palmiers à huile « ne s’inscriv[ai]ent donc pas dans le cadre d’un contrat à titre onéreux (tel que l’achat de biodiesel par les pouvoirs publics en échange d’un prix) ». En effet, il ne ressort pas de la présentation des faits que le Fonds de plantation des palmiers à huile intervenait dans la transaction entre les producteurs de biodiesel et les « entités de Petrofuel », à savoir Pertamina et AKR, ni que ledit Fonds recevait une quelconque contrepartie pour les paiements qu’il effectuait. Ainsi, la nature de la transaction ne permet pas de conclure que les paiements effectués par ledit Fonds faisaient partie d’un schéma d’obligations réciproques.

111    Dans ce contexte, l’argument de la requérante selon lequel la notion de subventions soumises à des conditions doit être interprétée de façon restrictive est inopérant.

112    Par conséquent, l’ensemble de la première branche du troisième moyen doit être rejeté.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’une violation de l’article 3, point 2, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission lorsqu’elle a conclu à l’existence d’un avantage

113    Dans le cadre de la seconde branche, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les paiements versés par le Fonds de plantation des palmiers à huile constituent un avantage.

114    Dans le cadre de son premier grief, la requérante soutient que la Commission s’est fondée sur un scénario contrefactuel manifestement erroné lorsqu’elle a conclu que, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile et de ses versements, les producteurs de biodiesel n’auraient pas pu vendre leur produit sur le marché indonésien et que les prix du biodiesel seraient inférieurs. Le Fonds de plantation des palmiers à huile et l’obligation de mélange seraient deux outils juridiques distincts aux objectifs différents. En l’absence du premier, la seconde existerait tout de même et les mélangeurs seraient tenus d’acheter du biodiesel pour se conformer à l’obligation de mélange.

115    À cet égard, il importe de relever que l’article 3 du règlement de base prévoit qu’une subvention est réputée exister en présence d’une « contribution financière » ou d’un « soutien des revenus ou […] des prix » des pouvoirs publics et si un « avantage » est ainsi conféré. Les articles 6 et 7 dudit règlement précisent les modalités de calcul de l’« avantage conféré ». Selon la jurisprudence, un avantage est accordé au bénéficiaire lorsque celui-ci se trouve dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la sienne en l’absence du régime de subvention. En outre, il ressort de l’article 3, points 1 et 2, du règlement de base que c’est uniquement dans le cas où une contribution financière des pouvoirs publics procure réellement un avantage à un producteur-exportateur qu’une subvention est réputée exister pour ce producteur-exportateur (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, points 195 et 210).

116    En l’espèce, la Commission a estimé, au considérant 65 du règlement attaqué, que le scénario contrefactuel correct n’était pas celui où, en l’absence du Fonds de plantation des palmiers à huile, les mélangeurs paieraient le prix de référence du biodiesel. Selon la Commission, sans l’obligation de mélange, sans le Fonds de plantation des palmiers à huile et sans ses paiements, les mélangeurs n’avaient aucun intérêt à acheter du biodiesel et les producteurs de biodiesel ne recevaient pas le complément correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et le prix de référence du biodiesel fixé par les pouvoirs publics indonésiens. La Commission a également considéré, comme indiqué au point 109 ci-dessus, que le prix de référence pour le biodiesel payé aux fournisseurs indépendants était excessif.

117    Il ressort du règlement provisoire que l’obligation de mélange a été introduite par le règlement 12/2015 du ministre de l’Énergie et des Ressources minérales (considérant 189). La même année 2015, le Fonds de subvention pour le biodiesel, qui fait partie du Fonds de plantation des palmiers à huile, a été créé par le règlement présidentiel 61/2015 (considérant 40) et l’agence de gestion s’est vu confier la mission de recouvrement des prélèvements à l’exportation sur les produits à base d’huile de palme qui constituaient le financement du Fonds de plantation des palmiers à huile (considérants 41 et 42). C’est par la même disposition (article 1, paragraphe 4, du règlement présidentiel 61/2015) que les pouvoirs publics indonésiens ont accordé à l’agence de gestion le droit d’utiliser les prélèvements à l’exportation et les taxes à l’exportation instituées sur l’HPB et ses dérivés et ont imposé l’obligation d’acheter et d’utiliser du biodiesel (considérant 60). Les fonds pour payer aux producteurs de biodiesel la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel provenaient des fonds ainsi alloués à l’agence de gestion.

118    Il apparaît que la mise en œuvre de l’obligation de mélange dans le système conçu par les pouvoirs publics indonésiens dépendait du financement par l’agence de gestion. Il s’agit d’un régime complexe mis en place par les pouvoirs publics indonésiens dans l’objectif de soutenir les achats de biodiesel par les entités désignées par les organismes de l’État, ainsi qu’il ressort des règlements présidentiels 24/2016 et 26/2016 (considérant 44 du règlement provisoire). Le scenario de l’existence de l’obligation de mélange sans le financement par l’agence de gestion est ainsi purement hypothétique et il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas avoir fondé son analyse sur celui-ci.

119    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation au sens de la jurisprudence citée aux points 24 et 25 ci-dessus, qui s’applique également à la détermination de l’existence d’un avantage accordé au bénéficiaire d’une subvention, que la Commission a considéré le régime comme un tout et a conclu, au considérant 71 du règlement attaqué, que son existence plaçait les producteurs de biodiesel dans une situation plus favorable que celle qui serait la leur autrement et leur conférait de ce fait un avantage.

120    En outre, la requérante n’a pas contesté la constatation de la Commission selon laquelle, dans ce régime, le montant des coûts de transformation dans le cadre de la formule utilisée pour déterminer le prix de référence pour le biodiesel était excessif (point 116 ci-dessus). Ainsi, comme le souligne à juste titre la Commission, le prix de référence du biodiesel pris en considération par l’agence de gestion pour déterminer le montant de ses versements aux producteurs de biodiesel ne reflète pas ce que serait le prix dans des conditions de marché. La Commission a pu en déduire, sans commettre d’erreur manifeste, que, grâce à cette contribution financière des pouvoirs publics, les bénéficiaires étaient mieux lotis qu’en l’absence de cette contribution, même dans le scénario contrefactuel proposé par la requérante.

121    Partant, il convient de rejeter le premier grief de la requérante.

122    Dans le cadre de son second grief, la requérante fait valoir que, à supposer même qu’un avantage ait été conféré, il a été entièrement répercuté sur les mélangeurs, Pertamina et AKR. Selon la requérante, le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile aurait été conçu pour soutenir les mélangeurs dans leurs achats de biodiesel et leur garantir de payer pour ce produit un prix inférieur au prix de référence du marché, et non pour avantager les producteurs de biodiesel.

123    À cet égard, force est de constater que les arguments de la requérante tendant à contester l’existence d’une contribution financière leur attribuant un avantage ont été rejetés (points 100 à 111 et 114 à 120 ci-dessus). Il est également constant que les paiements en cause, correspondant à la différence entre le prix de référence du diesel et celui du biodiesel, ont été versés par l’agence de gestion aux producteurs de biodiesel, dont la requérante. La requérante reste en défaut d’apporter des éléments suffisants qui indiqueraient qu’une partie de ces sommes ou de l’avantage tiré de leur paiement a été transférée à AKR et Pertamina. Or, une telle preuve est requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62). Le fait que le régime mis en place par les pouvoirs publics indonésiens ait pu être bénéfique également pour AKR et Pertamina ne signifie pas que l’avantage conféré aux bénéficiaires a été répercuté sur ces entreprises. En outre, même à supposer que les mélangeurs aient bénéficié de conditions d’achat avantageuses de biodiesel, en acquérant celui-ci au prix de référence du diesel et non au prix de référence du biodiesel, cette circonstance n’exclut pas que, dans le cadre du même régime, les producteurs de biodiesel aient bénéficié d’un autre avantage, résultant des versements effectués par l’agence de gestion.

124    Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le second grief et, partant, l’ensemble de la seconde branche du troisième moyen.

125    L’ensemble des arguments présentés dans le cadre du troisième moyen ayant été rejetés, ce moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7 du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation commises par la Commission dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile

126    L’argumentation de la requérante dans le cadre du quatrième moyen peut être divisée en deux griefs. Le premier grief concerne l’erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans le calcul du montant de l’avantage conféré par le régime du Fonds de plantation des palmiers à huile, en ne déduisant pas du montant de la subvention les prélèvements à l’exportation versés au Fonds de plantation des palmiers à huile et les coûts de transport. Le second grief est tiré de l’erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans le même calcul, en répartissant les paiements effectués par le Fonds de plantation des palmiers à huile sur le chiffre d’affaires total du biodiesel.

127    La Commission, soutenue par EBB, conteste ce moyen.

 Sur l’absence de déduction des prélèvements à l’exportation et des coûts de transport du montant de la subvention

128    L’article 7, paragraphe 1, du règlement de base dispose ce qui suit :

« [...] En établissant [le montant de subvention passible de mesures compensatoires], les éléments suivants peuvent être déduits de la subvention totale :

a)      tous frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention ou pour en bénéficier ;

b)      les taxes à l’exportation, droits ou autres charges prélevés à l’exportation du produit vers l’Union, destinés spécifiquement à la compensation de la subvention.

Lorsqu’une partie intéressée demande une telle déduction, il lui incombe d’apporter la preuve que cette demande est justifiée. »

129    À titre liminaire, il convient de souligner qu’il apparaît clairement, à la lecture de l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base, et notamment de la formulation « peuvent être déduits », que la Commission dispose d’une large marge d’appréciation dans l’application de cette disposition, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus. La déduction de ces éléments du montant de subvention passible de mesures compensatoires suppose que la partie intéressée prouve que sa demande de déduction est justifiée. Une fois que cette preuve a été apportée, la Commission doit procéder à la déduction demandée.

130    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû déduire du montant de la subvention passible de mesures compensatoires les prélèvements à l’exportation versés au Fonds de plantation des palmiers à huile, car ces prélèvements sont de nature différente des impôts habituels et sont liés à l’industrie de biodiesel en faisant partie de sa chaîne de valeur.

131    Force est de constater qu’aucun élément de preuve n’a été présenté par la requérante, conformément à la charge de preuve qui lui incombe en vertu de l’article 7, paragraphe 1, dernier alinéa, du règlement de base et de la jurisprudence citée au point 123 ci-dessus, permettant d’établir que les prélèvements à l’exportation en question étaient spécifiquement destinés à compenser la subvention. Au contraire, il ressort clairement du considérant 89 du règlement provisoire, et il n’a pas été contesté par la requérante, que le prélèvement à l’exportation ne concerne pas uniquement le biodiesel, mais l’« HPB et les produits en aval », dont le biodiesel. La requérante n’explique pas comment un prélèvement à l’exportation qui concerne plusieurs produits serait spécifiquement destiné à compenser la subvention dont bénéficie l’un de ces produits. En outre, le fait que ces prélèvements financent le Fonds de plantation des palmiers à huile et entrent dans la chaîne de valeur du biodiesel ne suffit pas pour établir qu’ils étaient spécifiquement destinés à compenser la subvention et, partant, que la Commission se serait méprise sur la portée de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base ou aurait entaché son analyse d’une erreur manifeste.

132    Ainsi, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

133    En second lieu, la requérante soutient que les coûts de transport étaient nécessaires, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, afin de livrer le biodiesel et recevoir ainsi le versement de la part du Fonds de plantation des palmiers à huile et qu’ils auraient dû être déduits du montant de subvention passible de mesures compensatoires. La Commission se serait fondée, à tort, sur sa communication sur le calcul du montant des subventions dans le cadre des enquêtes antisubventions (JO 1998, C 394, p. 6, ci-après les « lignes directrices sur le calcul du montant des subventions »), un document dépourvu de valeur contraignante, afin de ne pas déduire les coûts de transport en tant que coûts non obligatoires qui étaient payés à des entreprises privées.

134    À cet égard, il convient de relever que les lignes directrices constituent un instrument destiné à préciser, dans le respect des règles de droit de rang supérieur, les critères que la Commission compte appliquer dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans le calcul du montant des subventions passibles de mesures compensatoires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, EU:T:2006:75, point 49). Il en découle que, lorsqu’elle adopte des lignes directrices, la Commission ne saurait se départir du texte de rang supérieur dont elle précise les critères d’application.

135    En outre, selon la jurisprudence, en adoptant des règles de conduite visant à produire des effets externes, comme c’est le cas des lignes directrices qui visent des opérateurs économiques, et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, l’institution en question s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de voir ses décisions censurées, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime. Il ne saurait dès lors être exclu que, sous certaines conditions et en fonction de leur contenu, de telles règles de conduite ayant une portée générale puissent déployer des effets juridiques (voir, par analogie, arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, points 210 et 211).

136    Les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions prévoient, sous le titre « G. Éléments déductibles du montant de la subvention », que « les seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête », qu’« [i]l faut prouver que ces paiements sont obligatoires pour recevoir la subvention » et que « [l]es paiements effectués à des parties privées telles que des juristes ou des comptables dans le cadre de la demande de subvention ne sont pas déductibles ».

137    Ces précisions sont compatibles avec le texte de rang supérieur qu’elles sont censées expliciter. Premièrement, la précision qu’il faut prouver que les frais et coûts déductibles sont « obligatoires pour recevoir la subvention » est conforme à la condition prévue par l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, à savoir que les coûts et les frais déductibles doivent être « nécessairement encourus » pour pouvoir bénéficier de la subvention. Deuxièmement, la précision que « les seuls frais et coûts pouvant normalement être déduits sont ceux qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête » est également compatible avec cette disposition. Compte tenu de la large marge d’appréciation de la Commission en la matière, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, la Commission n’a pas, contrairement à ce que soutient la requérante, limité à tort les frais et les coûts déductibles lorsqu’elle a précisé par les lignes directrices que les « frais de dossier ou autres coûts nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base étaient ceux « qui sont directement payés aux pouvoirs publics pendant la période d’enquête ».

138    Partant, c’est à bon droit que la Commission, a appliqué, aux considérants 87 à 92 du règlement attaqué, les lignes directrices sur le calcul du montant des subventions à la demande de déduction des coûts de transport.

139    Or, en l’espèce, premièrement, la requérante ne fait pas valoir que les frais de transport pour la livraison du biodiesel ont été payés directement aux pouvoirs publics indonésiens pendant la période d’enquête. Deuxièmement, son argument tiré de ce que les versements du Fonds de plantation des palmiers à huile étaient subordonnés à la livraison du biodiesel et, dès lors, que les frais de transport afférents étaient « nécessairement encourus pour avoir droit à la subvention » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous a), du règlement de base, ne saurait être accepté. En effet, ces frais étaient liés exclusivement à l’exécution du contrat de vente entre la requérante et Pertamina ou AKR. Le fait que, afin de recevoir les versements par l’agence de gestion, les producteurs de biodiesel devaient joindre à leur facture une série de justificatifs y compris les informations relatives au lieu de livraison, au volume et au type de biodiesel fourni et au montant des frais de transport ne signifie pas que ces frais étaient « obligatoires pour recevoir la subvention » au sens des lignes directrices sur le calcul du montant des subventions et n’altère pas cette conclusion.

140    En conséquence, il convient de rejeter ces arguments.

 Sur la répartition du montant de la subvention sur le chiffre d’affaires total du biodiesel

141    L’article 7, paragraphe 2, du règlement de base dispose que, « [l]orsque la subvention n’est pas accordée par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées, le montant de la subvention passible de mesures compensatoires est déterminé en répartissant, de façon adéquate, la valeur de la subvention totale sur le niveau de production, de vente ou d’exportation du produit en question au cours de la période d’enquête ».

142    Il ressort des dispositions figurant sous le titre « b) Dénominateur utilisé aux fins de la répartition du montant de la subvention », qui figure lui-même sous le titre « F. Période d’enquête pour le calcul de la subvention : imputation contre répartition » des lignes directrices sur le calcul du montant des subventions, que, « ii) Pour les subventions autres qu’à l’exportation, les ventes totales (intérieures et à l’exportation) doivent être utilisées comme dénominateur, puisque ces subventions sont accordées tant sur les ventes intérieures que sur les ventes à l’exportation ».

143    En l’espèce, au considérant 81 du règlement provisoire, confirmé au considérant 100 du règlement attaqué, la Commission a réparti les montants des subventions sur le chiffre d’affaires total généré par les ventes de biodiesel des producteurs-exportateurs au cours de la période d’enquête, chiffre d’affaires incluant les ventes intérieures et les ventes à l’exportation.

144    La requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste en répartissant le montant des versements reçus par le Fonds de plantation des palmiers à huile sur le chiffre d’affaires total de ses ventes de biodiesel. Selon elle, ces montants auraient dû être répartis uniquement sur les ventes de biodiesel sur le marché intérieur indonésien, qui seraient les seules justifiant l’obtention des versements par le Fonds de plantation des palmiers à huile.

145    Toutefois, premièrement, les subventions n’étant pas accordées par référence aux quantités fabriquées, produites, exportées ou transportées, la Commission, en répartissant les montants des subventions sur le chiffre d’affaires total généré par les ventes, au cours de la période d’enquête, du produit concerné, à savoir le biodiesel, s’est conformée à l’article 7, paragraphe 2, du règlement de base. Deuxièmement, et puisque, en l’espèce, les subventions en question ne sont pas des subventions à l’exportation, la Commission a agi conformément aux lignes directrices sur le calcul du montant des subventions en utilisant comme dénominateur les ventes totales (intérieures et à l’exportation) de ce produit. Comme le souligne à juste titre la Commission, les versements du Fonds de plantation des palmiers à huile ne limitaient pas leurs effets sur le marché intérieur indonésien, mais constituaient un soutien apporté aux producteurs de biodiesel et pouvaient également leur conférer un avantage sur les ventes à l’exportation. L’argument de la requérante présenté dans ses écritures et à l’audience, selon lequel, si le principe que l’argent est un bien fongible devait être appliqué, l’avantage devrait être réparti sur toutes les ventes, n’est pas de nature à altérer cette conclusion, mais plutôt à la conforter. En effet, un tel argument revient à accepter que la répartition devrait se faire sur une base plus large que les seules ventes de biodiesel sur le marché intérieur.

146    Il s’ensuit que l’approche consistant à prendre en compte le chiffre d’affaires total des ventes du biodiesel est appropriée et n’apparaît donc pas manifestement erronée.

147    Par ailleurs, la requérante soutient que, en ne répondant pas, dans le règlement attaqué, à son argument selon lequel le montant de la subvention aurait dû être réparti sur leur chiffre d’affaires total, la Commission a violé son obligation de motivation.

148    Selon une jurisprudence constante, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés, mais il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 280). Ainsi, la Commission n’est pas tenue de répondre, dans la motivation du règlement provisoire ou définitif, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 256 et jurisprudence citée). Par ailleurs, la Commission n’est pas tenue de motiver spécialement, dans le règlement instituant un droit compensatoire définitif, l’absence de prise en considération des différents arguments avancés par les parties au cours de la procédure administrative. Il suffit que ce règlement contienne une justification claire des principaux éléments intervenus dans son analyse, dès lors que cette justification est susceptible d’éclairer les raisons pour lesquelles la Commission a écarté les arguments pertinents invoqués sous cet aspect par les parties lors de la procédure administrative (voir, par analogie, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 90).

149    Toutefois, lorsque, dans une affaire d’antisubventions, les intéressés insistent durant la procédure administrative pour obtenir des réponses ou des éclaircissements concernant des modalités essentielles des calculs effectués par les institutions, il y a lieu de considérer que ces dernières doivent d’autant plus motiver leur décision de manière telle que les intéressés soient en mesure de comprendre les calculs ainsi effectués (voir, par analogie, arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 127). En outre, la motivation d’un acte doit figurer dans le corps même de celui-ci et ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, résulter des explications écrites ou orales données ultérieurement, alors qu’il fait déjà l’objet d’un recours devant le juge de l’Union (arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 91)

150    En l’espèce, il est constant que la requérante a fait valoir lors de la procédure administrative, à titre subsidiaire, que le montant de la subvention devrait être réparti sur son chiffre d’affaires total, incluant tant le biodiesel que les autres produits et que le règlement attaqué ne répond pas explicitement à cet argument. Toutefois, il apparaît clairement à la lecture du considérant 81 du règlement provisoire, dont l’analyse a été confirmée par le règlement attaqué, que la répartition a eu lieu conformément à l’article 7, paragraphe 2, du règlement de base, qui prévoit la répartition de la valeur de la subvention totale sur le niveau de production de vente ou d’exportation du « produit en question », qui est, en l’espèce, le biodiesel.

151    Il ressort que cette justification est susceptible d’éclairer les raisons pour lesquelles la Commission a écarté les arguments invoqués sous cet aspect par les parties lors de la procédure administrative conformément à la jurisprudence citée au point 148 ci-dessus.

152    En outre, la méthode de la répartition du montant de la subvention ressort à suffisance de droit du considérant 100 du règlement attaqué et du considérant 81 du règlement provisoire, ce qui a permis à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre ses droits et au juge de l’Union d’exercer son contrôle, comme il ressort des points 144 et suivants ci-dessus. Partant, il convient de rejeter cet argument conformément à la jurisprudence constante, selon laquelle la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle [voir, par analogie, arrêts du 30 septembre 2003, Eurocoton e.a./Conseil, C‑76/01 P, EU:C:2003:511, point 88, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 129 (non publié)].

153    Dès lors, le grief tiré de l’existence d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté.

154    L’ensemble des griefs présentés dans le cadre du quatrième moyen ayant été rejetés, ce moyen doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dans la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important

155    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 8, du règlement de base, dès lors qu’elle a conclu à l’existence d’une menace de préjudice important sans examiner certains facteurs énoncés à l’article 8, paragraphe 8, du règlement de base et sans prendre en compte l’ensemble des éléments de preuve produits.

156    En l’espèce, la Commission a conclu, aux considérants 319 et 320 du règlement attaqué, que l’industrie de l’Union n’avait pas subi de préjudice important au cours de la période d’enquête, même si ladite industrie n’était pas solide. Elle a toutefois considéré qu’il existait, en l’espèce, une menace de préjudice important pour ladite industrie.

157    À titre liminaire, il convient de rappeler, à cet égard, que l’article 2, sous d), du règlement de base définit le terme « préjudice » comme s’entendant, sauf indication contraire, notamment, d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union ou d’une menace de préjudice important pour une telle industrie, et qu’il renvoie aux dispositions de l’article 8 pour l’interprétation de cette notion.

158    L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement régit la détermination de l’existence d’un préjudice. Celle-ci doit comporter un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

159    L’article 8, paragraphe 8, du règlement de base régit la « détermination de l’existence d’une menace de préjudice important ». Il est précisé que cette détermination doit se fonder sur des faits et non seulement sur des allégations, des conjectures ou de lointaines possibilités, et que le changement de circonstances qui créerait une situation où la subvention causerait un préjudice doit être clairement prévisible et imminent. Il en résulte que la constatation d’une menace de préjudice doit ressortir nettement des faits de l’espèce. Il en résulte également que le préjudice qui fait l’objet d’une menace doit se produire à brève échéance (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 54).

160    Cette disposition énumère de manière non limitative les facteurs qu’il convient de prendre en considération pour la détermination de l’existence d’une menace de préjudice important (voir, par analogie, conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Conseil et Conseil/Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2015:767, point 44), à savoir des facteurs tels que :

« a) la nature des subventions en question et les effets commerciaux qu’elles sont susceptibles d’entraîner ;

b) un taux d’accroissement notable des importations faisant l’objet de subventions sur le marché de l’Union dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des importations ;

c) la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur ou l’augmentation imminente et substantielle de cette capacité dénotant la probabilité d’une augmentation substantielle des exportations faisant l’objet de subventions vers l’Union, compte tenu de l’existence d’autres marchés d’exportation pouvant absorber des exportations additionnelles ;

d) l’arrivée d’importations à des prix qui pourraient déprimer sensiblement les prix intérieurs ou empêcher dans une mesure notable des hausses de prix et accroîtraient probablement la demande de nouvelles importations ;

e) les stocks du produit faisant l’objet de l’enquête. »

161    L’article 8, paragraphe 8, du règlement de base précise également qu’aucun de ces facteurs ne constitue une base de jugement déterminante, mais que la totalité des facteurs considérés doit amener à conclure que d’autres exportations faisant l’objet de subventions sont imminentes et qu’un préjudice important se produira si des mesures de protection ne sont pas prises.

162    En outre, la Cour a déjà précisé que l’existence d’une menace de préjudice, tout comme celle d’un préjudice, devait être établie à la date d’adoption de la mesure antisubventions, eu égard à la situation de l’industrie de l’Union à cette date. En effet, ce n’est qu’au regard de cette situation que les institutions de l’Union peuvent déterminer si l’augmentation imminente des importations futures faisant l’objet d’une subvention causera un préjudice important pour cette industrie, dans l’hypothèse où aucune mesure de défense commerciale ne serait prise. Toutefois, les institutions de l’Union sont habilitées à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, points 40 et 41).

163    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Dans ce contexte, il y a lieu de considérer que l’examen d’une menace de préjudice suppose l’évaluation de questions économiques complexes et que le contrôle juridictionnel de cette appréciation doit, dès lors, être limité à la vérification du respect des règles de droit et de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreurs manifestes dans l’appréciation des faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Ce contrôle juridictionnel limité n’implique pas que le juge de l’Union s’abstienne de contrôler l’interprétation, par les institutions, de données de nature économique (voir, par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53 et, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 149). En particulier, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, par analogie, arrêt du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64).

164    En outre, la conclusion de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union, établie dans le cadre de l’analyse d’un préjudice important causé à une industrie de l’Union, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base, reste, en principe, pertinente dans le cadre de l’analyse de la menace de préjudice important pour cette industrie, au sens de l’article 8, paragraphe 8, de ce règlement (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, point 42).

165    C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 8, lorsqu’elle a conclu, au considérant 405 du règlement attaqué, que, pendant la période d’enquête, les importations en provenance d’Indonésie avaient constitué une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.

 Sur la situation de l’industrie de l’Union

166    Pour parvenir à la conclusion que l’industrie de l’Union n’était pas solide au cours de la période d’enquête, la Commission a pris en considération plusieurs indicateurs microéconomiques et macroéconomiques aux considérants 309 à 340 du règlement provisoire et a confirmé cette analyse aux considérants 279 à 317 du règlement attaqué, dans lequel elle a également examiné, aux considérants 321 à 341, des indicateurs économiques postérieurs à la période d’enquête.

167    La requérante, sans remettre en cause la véracité des données utilisées par la Commission, fait valoir que, à la lumière des indicateurs microéconomiques et macroéconomiques témoignant de certaines tendances positives, c’est à tort que la Commission soutient que l’industrie de l’Union était dans une situation délicate.

168    En premier lieu, quant aux indicateurs macroéconomiques, premièrement, la requérante avance que la production de l’Union, la capacité de production et l’utilisation des capacités ont augmenté au cours de la période d’enquête.

169    À cet égard, il convient d’observer qu’il ressort du tableau 3 repris au considérant 268 du règlement provisoire que, après une augmentation entre 2015 et 2017, la production de l’Union est restée quasiment stable entre 2017 et la période d’enquête (une augmentation de 13 071 053 à 13 140 582 tonnes pour un indice stable de 111), tandis que la consommation de l’Union a augmenté considérablement, ainsi qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 271 du règlement provisoire (de 14 202 128 à 15 634 102 tonnes, une augmentation de 10,08 %). Il en ressort que la production de l’Union n’a pas suivi l’augmentation de la consommation de l’Union, donc de la demande. De plus, il ressort du tableau 8 repris au considérant 309 du règlement provisoire que la capacité de production de l’Union a augmenté légèrement entre 2017 et la période d’enquête (de 16 594 853 tonnes à 17 031 230 tonnes), tandis que l’utilisation de ces capacités, après avoir augmenté en 2015, 2016 et 2017, a légèrement baissé entre 2017 et la période d’enquête.

170    Sur la base de ces données, la Commission a estimé, au considérant 310 du règlement provisoire, que l’augmentation des capacités de production de l’industrie de l’Union était nettement inférieure à celle de la demande étant donné que ladite industrie n’avait pu tirer parti de la croissance du marché que dans une très faible mesure en raison de la forte hausse des importations faisant l’objet de subventions, en particulier pendant la période d’enquête.

171    Cette constatation correspondant aux données analysées et étant de nature à étayer la conclusion que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation délicate, le premier argument de la requérante doit être rejeté.

172    Deuxièmement, la requérante fait valoir que le volume des ventes a augmenté.

173    Toutefois, il ressort clairement du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que, si le volume des ventes sur le marché de l’Union a augmenté entre 2015 et 2017, ces ventes ont diminué entre 2017 et la période d’enquête, période qui correspond, comme l’observe la Commission au considérant 317 du règlement provisoire, à la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie. Dès lors, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

174    Troisièmement, la requérante soutient que l’industrie de l’Union a conservé une part de marché élevée, entre 81 % et 95 %.

175    Toutefois, force est de constater qu’il ressort du tableau 9 repris au considérant 314 du règlement provisoire que la part de marché de l’industrie de l’Union a beaucoup diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 91,6 % à 81,5 %). La Commission explique, au considérant 317 dudit règlement, et la requérante ne remet pas en cause ce point, que cette diminution s’explique par la suppression des droits sur les importations en provenance d’Indonésie qui a modifié la situation du marché en mars 2018, pendant la période d’enquête. Au vu de ces données, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

176    Quatrièmement, la requérante avance que l’emploi et la productivité affichent des tendances positives.

177    En effet, il ressort du tableau 10 repris au considérant 319 du règlement provisoire que le nombre des salariés de l’industrie de l’Union a légèrement augmenté entre 2015 et la période d’enquête (de 78 salariés). Toutefois, la productivité a diminué entre 2017 et la période d’enquête (de 4 782 tonnes par salarié à 4 625 tonnes par salarié). Il en résulte que la légère augmentation du nombre de salariés ne suffit pas, à elle seule, à invalider les conclusions de la Commission tirées de l’ensemble des indicateurs macroéconomiques. En effet, selon la jurisprudence, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que la menace de préjudice est importante, il n’est pas exigé que tous les facteurs et les indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 93 et jurisprudence citée).

178    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter ces arguments de la requérante.

179    En second lieu, quant aux indicateurs microéconomiques, premièrement, la requérante soutient que les prix de vente dans l’Union ont augmenté.

180    Or, force est de constater qu’il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que, après avoir augmenté entre 2015 et 2017, période pendant laquelle il existait des droits sur les importations en provenance d’Indonésie, les prix ont chuté de 832 euros par tonne à 794 euros entre 2017 et la période d’enquête. Dès lors, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

181    Deuxièmement, la requérante avance que les coûts de production ont baissé depuis 2017.

182    En effet, il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire que les coûts de production ont baissé de 827 euros par tonne à 791 euros par tonne entre 2017 et la période d’enquête. Toutefois, il résulte de l’ensemble des données de ce tableau, en particulier de la baisse du prix de vente, que l’industrie de l’Union n’a pas pu bénéficier de cette baisse des coûts, car elle a dû répercuter intégralement cette baisse sur ses clients, comme l’observe à juste titre la Commission au considérant 328 du règlement provisoire. Dès lors, il convient de rejeter cet argument de la requérante.

183    Troisièmement, la requérante soutient que les flux de liquidités, la rentabilité des ventes et le rendement des investissements ont évolué positivement.

184    À cet égard, force est de constater qu’il ressort du tableau 14 repris au considérant 334 du règlement provisoire que les flux des liquidités ont augmenté entre 2015 et 2017 (avec une forte augmentation entre 2016 et 2017) pour ensuite retomber aux niveaux de 2016. Il n’est donc pas possible de déduire une évolution positive, contrairement à ce qu’allègue la requérante.

185    En ce qui concerne le rendement des investissements, il a considérablement augmenté entre 2015 et 2016 pour ensuite rester relativement stable (18 % en 2016, 16 % en 2017 et 17 % pendant la période d’enquête). Or, cette stabilisation du rendement des investissements ainsi que la stabilisation de la rentabilité des ventes dans l’Union à des clients indépendants à 0,8 % en 2017 et pendant la période d’enquête, un taux qui reste faible, ne remettent pas en cause les conclusions de la Commission quant à la situation de l’industrie de l’Union fondées sur l’ensemble des éléments pertinents à cet égard.

186    Quant aux données postérieures à l’enquête, la requérante fait valoir qu’elles ne sont pas représentatives et ne sauraient être invoquées pour en tirer des conclusions valables.

187    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’habilitation à prendre en considération, dans certaines circonstances, les données postérieures à une période d’enquête se justifie dans le cadre d’enquêtes ayant pour objet non pas la constatation d’un préjudice, mais la détermination d’une menace de préjudice qui, par nature, implique une analyse prospective. Ces données peuvent ainsi être utilisées pour confirmer ou infirmer les prévisions figurant dans le règlement de la Commission instituant un droit compensateur provisoire et permettre, dans la première hypothèse, d’instaurer un droit compensateur définitif. Toutefois, l’utilisation, par les institutions de l’Union, des données postérieures à la période d’enquête ne saurait échapper au contrôle du juge de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2021, eurocylinder systems, C‑324/19, EU:C:2021:94, point 41).

188    En l’espèce, la Commission a étudié, aux considérants 321 à 341 du règlement attaqué, les données relatives à la période allant du mois d’octobre 2018 au mois de juin 2019 (ci-après la « période postérieure à l’enquête ») et a conclu que, au cours de la période postérieure à l’enquête, la situation économique de l’industrie de l’Union s’était encore détériorée.

189    La requérante reproche à la Commission d’avoir utilisé des données non représentatives, car, premièrement, il est mentionné dans le règlement attaqué que, pour quatre des neuf mois de la période postérieure à l’enquête, les données étaient faussées en raison des circonstances exceptionnelles rencontrées par un producteur et, deuxièmement, il est constaté, au considérant 322 du règlement attaqué, que « les chiffres relatifs à la période d’enquête ne sont pas directement comparables aux chiffres concernant la période postérieure à l’enquête ».

190    Ces allégations de la requérante ne sont pas fondées. En effet, la Commission a pris soin de préciser les circonstances permettant de relativiser la représentativité des données de la période postérieure à l’enquête ou d’en justifier la pertinence. Premièrement, elle a expliqué, au considérant 331 du règlement attaqué, que les bénéfices plus élevés de l’hiver 2018-2019 ont été exceptionnels, car ils ont été enregistrés par une société retenue dans l’échantillon qui a pu profiter de difficultés temporaires d’approvisionnement dans sa région qui lui ont permis d’augmenter ses prix et, partant, ses bénéfices au cours de cette période. Deuxièmement, la Commission a souligné, au considérant 322 dudit règlement, que les chiffres relatifs à la période d’enquête n’étaient pas directement comparables aux chiffres concernant la période postérieure à l’enquête. Ainsi, elle a relevé que, d’une part, compte tenu des délais impartis pour l’enquête, certains indicateurs macroéconomiques n’avaient pu être analysés que pour les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. D’autre part, elle a comparé les douze mois de la période d’enquête aux neuf mois de la période postérieure à l’enquête, car les données relatives à la période postérieure à l’enquête sur douze mois n’étaient pas encore disponibles.

191    Il en résulte que ces données peuvent être utilisées pour confirmer ou infirmer les prévisions figurant dans le règlement de la Commission instituant un droit compensateur provisoire afin de permettre d’instituer un droit compensateur définitif, conformément à la jurisprudence citée au point 187 ci-dessus.

192    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter les arguments de la requérante, sans qu’il soit besoin de statuer sur la question de leur recevabilité, abordée implicitement par la Commission, selon laquelle ces arguments ont été soulevés pour la première fois au stade de la réplique (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, France/Commission, T‑344/15, EU:T:2017:250, point 92).

 Sur la nature des subventions en cause et les effets commerciaux qu’elles sont susceptibles d’entraîner

193    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas tenu compte des éléments de preuve qu’elle-même et d’autres parties ont fournis concernant la nature et les effets des subventions en cause. Ces éléments auraient démontré, d’une part, que la prétendue livraison d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ne produisait plus d’effets commerciaux, car la taxe et le prélèvement à l’exportation avaient cessé de s’appliquer au mois de décembre 2018, et, d’autre part, que les paiements effectués en vertu du programme du Fonds de plantation des palmiers à huile étaient devenus nuls entre le mois de septembre et le mois de décembre 2018, avant de reprendre à des niveaux inférieurs à partir du mois de janvier 2019, et ne produisaient pas non plus d’effets commerciaux sur les activités d’exportation des producteurs de biodiesel indonésiens. En outre, tout avantage obtenu par le Fonds de plantation des palmiers à huile devrait être réparti uniquement sur les ventes de biodiesel sur le marché intérieur.

194    À cet égard, il convient de rappeler que les arguments de la requérante visant à invalider les conclusions de la Commission concernant la sous-cotation des prix et l’existence d’une subvention sous la forme d’un transfert direct de fonds de la part du Fonds de plantation des palmiers à huile ont été rejetés dans le cadre des premier et troisième moyens, respectivement. Les arguments concernant la répartition du montant de la subvention sur le chiffre d’affaires total du biodiesel ont été rejetés dans le cadre du quatrième moyen. En ce qui concerne l’argument tiré de ce que la prétendue livraison d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate ne produirait plus d’effets commerciaux, étant donné que la taxe et le prélèvement à l’exportation avaient cessé de s’appliquer en décembre 2018, il suffit de relever, d’une part, que la requérante n’a pas remis en cause dans la présente affaire l’analyse de la Commission concernant la fourniture d’HPB moyennant une rémunération moins qu’adéquate et, d’autre part, que cet argument n’est pas suffisamment étayé. Les interrogations de la requérante quant aux effets commerciaux restants de ces mesures ne sont pas de nature à remettre en cause l’analyse de la Commission de l’existence d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union.

195    Dans ces conditions, les faits avancés par la requérante, relatifs à la fixation à zéro de la taxe à l’exportation, la suspension du prélèvement à l’exportation depuis le mois de décembre 2018 et la fluctuation des paiements effectués en vertu du programme du Fonds de plantation des palmiers à huile, qui sont tous relatifs à la période postérieure à l’enquête, ne sauraient invalider la conclusion de la Commission que les pouvoirs publics indonésiens ont, par une série de mesures, faussé le marché intérieur de l’HPB en Indonésie et ont maintenu le prix de ce produit à un niveau artificiellement bas au profit de l’industrie du biodiesel en aval (voir considérants 80, 162, 172, 190, 203 du règlement provisoire).

196    Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a constaté, au considérant 343 du règlement attaqué, comme elle l’avait relevé au considérant 349 du règlement provisoire, que les subventions en question étaient de nature à maintenir les exportations de biodiesel indonésien à un niveau de prix affectant encore plus négativement l’industrie de l’Union, confirmant ainsi (considérant 351 du règlement attaqué) l’appréciation figurant, au considérant 350 du règlement provisoire, selon laquelle les mesures prises par les pouvoirs publics indonésiens affectaient la situation économique de l’industrie de l’Union.

 Sur le taux d’accroissement des importations faisant l’objet de subventions

197    La requérante allègue que les données relatives à la période postérieure à l’enquête ne révèlent pas d’augmentation des importations de biodiesel indonésien sur le marché de l’Union et que, par conséquent, il serait peu probable qu’une telle augmentation se produise à l’avenir.

198    Toutefois, force est de constater, et la requérante ne remet pas en cause l’exactitude de ces données, qu’il ressort du tableau 4 repris au considérant 353 du règlement attaqué que les importations en provenance d’Indonésie étaient plus importantes pendant les trois trimestres de la période postérieure à l’enquête (581 078 tonnes) que pendant les quatre trimestres de la période d’enquête (516 068 tonnes). L’argument de la requérante selon lequel le volume trimestriel des importations de la période postérieure à l’enquête était inférieur au volume des importations du troisième trimestre 2018 ne saurait invalider les conclusions de la Commission quant au taux d’accroissement des importations. En effet, comme le souligne à juste titre la Commission au considérant 355 du règlement attaqué, les trois premiers trimestres suivant la période d’enquête ne sont pas directement comparables aux trois derniers trimestres de la période d’enquête compte tenu des variations saisonnières et le pic atteint en 2018, soit 263 678 tonnes au troisième trimestre, ne saurait être comparé au résultat du troisième trimestre 2019, étant donné que les importations réalisées au cours de ce dernier ont été affectées par l’institution de droits provisoires.

199    Partant, il convient de rejeter les allégations de la requérante selon lesquelles les données relatives à la période postérieure à l’enquête ne révèlent aucune augmentation des importations.

200    La requérante fait également valoir que l’adoption de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (JO 2018, L 328, p. 82), restreint les importations d’EMP.

201    À cet égard, force est de constater que cette directive a été adoptée après la période d’enquête et que son délai de transposition n’expirait que le 30 juin 2021, conformément à son article 36, paragraphe 1. En outre, en vertu de l’article 26, paragraphe 2, de ladite directive, la pleine limitation de l’importation des « biocarburants, bioliquides et combustibles issus de la biomasse produits à partir de cultures destinées à l’alimentation humaine et animale, présentant un risque élevé d’induire des changements indirects dans l’affectation des sols et dont la zone de production gagne nettement sur les terres présentant un important stock de carbone » sera progressive, à partir du 31 décembre 2023, conformément à l’article 26, paragraphe 2, de ladite directive. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a estimé, au considérant 360 du règlement attaqué, que l’effet de cette directive n’était pas prévisible et qu’elle « n’a[vait] pas d’incidence sur l’analyse en cours de la menace de préjudice que les importations indonésiennes font peser sur l’industrie de l’Union dans un avenir proche ».

202    Dès lors, il convient de rejeter les arguments de la requérante.

 Sur la capacité suffisante et librement disponible de l’exportateur

203    S’agissant de la capacité de production librement disponible des exportateurs indonésiens, la requérante soutient que la Commission a reçu des informations contradictoires des pouvoirs publics indonésiens et d’EBB et qu’elle a choisi de s’appuyer sur les informations reçues par EBB et le rapport « US Gain de Jakarta » de 2019 relatif aux biocarburants indonésiens. Dans ces conditions, la Commission aurait dû conclure que les éléments de preuve disponibles à ce sujet étaient peu probants.

204    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 163 ci-dessus, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

205    Dans ce cadre, il y a lieu de considérer que, lorsque les institutions évaluent un risque de menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union, compte tenu des capacités de production et d’exportation dans le pays exportateur, elles doivent tenir compte non seulement de l’existence d’autres marchés d’exportation, mais aussi d’une éventuelle évolution de la consommation intérieure dans le pays exportateur (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 81).

206    En l’espèce, la requérante ne remet pas en cause les constatations de la Commission faites aux considérants 353 et 354 du règlement provisoire, fondées sur des informations fournies par les pouvoirs publics indonésiens, selon lesquelles les capacités de production des producteurs indonésiens de biodiesel dépassent largement la demande intérieure d’environ 300 % et que les capacités inutilisées des producteurs indonésiens au cours de la période d’enquête sont estimées à environ 40 % de la consommation de l’Union. Elle ne conteste pas non plus la constatation de la Commission réalisée au considérant 373 du règlement attaqué selon laquelle, selon le rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019, la capacité indonésienne de production de biodiesel devrait passer de 11,5 milliards de litres à 13 milliards de litres entre 2019 et 2021.

207    La requérante fait valoir que les pouvoirs publics indonésiens ont fourni des informations révélant une utilisation attendue des capacités de 85 % pour 2019. Or, il apparaît à la lecture des arguments des pouvoirs publics indonésiens du 6 septembre 2019 auxquels renvoie la requérante que l’utilisation des capacités de 85 % pour 2019 résulte d’une extrapolation des données disponibles pour la période de janvier à mai 2019 et concerne la partie de la production utilisée par la demande interne et externe. La requérante n’explique pas précisément comment ces données remettent en cause les conclusions de la Commission. En outre, même dans le cas de figure soumis par la requérante, il demeurait, en 2019, 15 % des capacités de production non utilisées.

208    La requérante soutient également que les pouvoirs publics indonésiens ont fourni des informations tendant à démontrer que l’Indonésie passerait en 2020 d’un mélange obligatoire dit « B20 », c’est-à-dire d’un mélange de biodiesel et de diesel minéral contenant 20 % de biodiesel, à un mélange obligatoire « B30 », contenant 30 % de biodiesel, ce qui absorberait la totalité de la capacité librement disponible des producteurs indonésiens. La Commission aurait donc, à tort, pris le parti d’EBB qui soutenait que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B20 » avait posé des problèmes et que le passage de l’obligation de mélange « B20 » à un mélange « B30 » pourrait poser des problèmes similaires.

209    Plus précisément, la requérante fait valoir qu’il ressort du rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019 que l’obligation de mélange « B20 » n’a été étendue au secteur des transports ne relevant pas des obligations de service public qu’au mois de septembre 2018, ce qui a conduit à une augmentation de la consommation locale de biodiesel de 54 % en 2019 et que le taux de mélange a subi une augmentation exponentielle depuis 2017 (passant de 8,2 % en 2017 à 12,7 % en 2018, pour atteindre 19,9 % en 2019). Des déclarations reprises dans ledit rapport affirmeraient que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B30 » est prévue pour 2020.

210    Il ressort des considérants 374 à 376 du règlement attaqué que la Commission a pris acte des observations des pouvoirs publics indonésiens concernant le passage de l’obligation de mélange « B20 » à une obligation de mélange « B30 ».

211    Or, la Commission a relevé, au considérant 382 du règlement attaqué, que, selon le rapport « US GAIN de Jakarta » de 2019, l’obligation de mélange « B20 », qui était un objectif obligatoire dès 2016, ne pourrait être satisfaite pour la première fois qu’en 2019, soit trois ans après la date limite fixée. La requérante accepte, dans ses écritures, l’exactitude de cette information.

212    Il ressort également du considérant 376 du règlement attaqué que la Commission a étudié les données fournies par les pouvoirs publics indonésiens en relation avec des informations fournies par EBB dans ses observations du 29 avril 2019, montrant que les opérateurs indonésiens rencontraient des difficultés en matière de distribution, de disponibilité des infrastructures de stockage et de mélange dans la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B20 » et que cette obligation avait pour objectif de réduire les importations de diesel minéral, plutôt que de réduire les exportations de biodiesel vers d’autres marchés. Elle a aussi pris en considération, au considérant 377 du règlement attaqué, des informations fournies par EBB démontrant que la mise en œuvre de l’obligation de mélange « B30 » devrait prendre du temps.

213    Concernant la possibilité d’augmentation des taux de mélange à 30 % en une seule année, la Commission a considéré, au point 383 du règlement attaqué, que, en tenant compte de l’augmentation des taux de mélange depuis 2011, une augmentation de 19,9 % à 30 % semblait extrêmement ambitieuse.

214    À cet égard, force est de constater que, comme le fait valoir la requérante (voir point 209 ci-dessus), l’augmentation la plus importante du taux de mélange a eu lieu de 2018 à 2019, le taux de mélange passant de 12,7 % à 19,9 %. Or, cette augmentation, de 7,2 points de pourcentage, était nettement inférieure aux 10 points de pourcentage nécessaires pour atteindre l’obligation de mélange « B30 » en une année.

215    Au vu des observations qui précèdent, la Commission s’est conformée à son obligation d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 53), et c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’elle a conclu, au considérant 384 du règlement attaqué, qu’il était peu probable qu’une obligation de mélange « B30 » soit respectée dans un avenir proche et ait une incidence significative sur les capacités inutilisées en Indonésie à court terme.

216    Il y a lieu de constater que la requérante reste en défaut d’apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement attaqué concernant l’obligation de mélange. Or, une telle preuve étant requise afin d’établir qu’une institution de l’Union a commis une erreur manifeste d’appréciation de nature à justifier l’annulation d’un acte (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, point 62), ces circonstances suffisent pour rejeter ces arguments de la requérante.

 Sur le niveau de prix des importations faisant l’objet des subventions

217    La requérante soutient que, concernant le niveau de prix des importations faisant l’objet des subventions, la Commission s’est contentée de renvoyer à ses conclusions en matière de sous-cotation, qui, comme il aurait été démontré dans le cadre du premier moyen, ne satisfont pas aux exigences de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base. De plus, les importations en provenance d’Indonésie n’exerceraient pas de pression sur les prix de l’Union.

218    À cet égard, il convient de rappeler que les arguments avancés par la requérante dans le cadre de son premier moyen visant à démontrer que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, lors de la détermination de la sous-cotation des prix, et que la Commission a retenu à tort que les importations de biodiesel en provenance d’Indonésie avaient exercé une pression sur les prix de l’Union ont été rejetés dans leur intégralité. En outre, il ressort du tableau 7 repris au considérant 283 du règlement provisoire et il n’a pas été contesté par la requérante que le prix à l’importation du biodiesel en provenance d’Indonésie était de 671 euros par tonne pendant la période d’enquête, tandis que, comme il ressort du tableau 11 repris au considérant 325 du règlement provisoire, le prix de vente unitaire moyen dans l’Union a chuté de 832 euros par tonne à 794 euros par tonne entre 2017 et la période d’enquête.

219    En conséquence, il convient de rejeter ces arguments de la requérante et, partant, le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation des droits de la défense de la requérante

220    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante fait valoir que certaines informations ne lui ont été divulguées que dans le règlement attaqué, la privant ainsi de la possibilité de formuler des observations à ce sujet. Selon la requérante, il ne saurait être exclu que si elle avait pu présenter ses observations sur ces points, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

221    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (voir arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83 et jurisprudence citée).

222    En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de subventions et du préjudice qui en résulterait (voir, par analogie, arrêts du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, point 289 et jurisprudence citée).

223    Si, certes, le respect des droits de la défense revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antisubventions (voir, par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée), l’existence d’une irrégularité en ce qui concerne le respect de ces droits ne saurait conduire à l’annulation d’un règlement instaurant un droit compensateur que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie concernée (voir arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 77 et jurisprudence citée).

224    Selon la jurisprudence, il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision des institutions aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale affectant ainsi concrètement les droits de la défense (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 78 et 79).

225    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si les droits de la défense de la requérante ont été violés au cours de la procédure d’enquête.

226    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir effectué, aux considérants 230 à 233 du règlement attaqué, de nouvelles constatations relatives à la faible sensibilité de la demande de biodiesel aux variations de prix sur le marché du biodiesel de l’Union, affirmant qu’un prix peu élevé du biodiesel n’entraînait pas une augmentation de la consommation et que la concurrence par les prix était donc un jeu à somme nulle quelles que soient les matières premières utilisées.

227    Cet argument doit être rejeté. Par les constatations figurant aux considérants 230 à 233 du règlement attaqué, la Commission a précisé la portée des explications fournies, d’abord, au considérant 289 du règlement provisoire, à savoir que, « dans la plupart des cas, le client final qui achète du biodiesel ne connaît pas la matière première utilisée pour le produire et ne cherche pas particulièrement à la connaître mais qu’il demande un produit qui ne dépasse pas un niveau maximal de TLF », ensuite, au considérant 299 dudit règlement, à savoir que « les importations d’EMP d’Indonésie à des prix subventionnés auraient pour effet de faire baisser le prix de la plupart des mélanges vendus sur le marché de l’Union », et, enfin, au considérant 328 du même règlement, à savoir qu’« une sous-cotation des prix d’environ 10 % exerce une forte pression à la baisse sur les prix ». La requérante ne saurait donc prétendre que les considérants 230 à 233 du règlement attaqué comportaient des éléments nouveaux modifiant l’analyse jusqu’alors tenue par la Commission et sur lesquels elle aurait dû pouvoir présenter des observations.

228    En second lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir introduit, aux considérants 251 à 254 du règlement attaqué, de nouveaux constats relatifs aux changements survenus sur le marché de l’Union depuis l’enquête précédente et au fait que les importations d’EMP étaient en concurrence avec d’autres types de biodiesel.

229    Cet argument doit être rejeté. La requérante ne saurait ignorer que l’industrie de l’Union produisait désormais de l’EMP. Ce constat était, en effet, exposé aux considérants 292 à 294 du règlement provisoire. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense de la requérante en ne portant pas à sa connaissance le fait que l’industrie de l’Union produisait de l’EMP.

230    Dès lors, la Commission a exposé dans le règlement provisoire, au cours de la procédure administrative qui s’achève avec l’adoption du règlement définitif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil, T‑88/98, EU:T:2002:280, point 131), sa position concernant les éléments invoquées par la requérante exposés aux points 226 et 228 ci-dessus. Il en résulte que la requérante avait dès le stade de la communication du règlement provisoire la possibilité de faire valoir son point de vue sur ces points.

231    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’écarter le sixième moyen et, par conséquent, de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

232    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par EBB, conformément aux conclusions de la Commission et d’EBB.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PT Ciliandra Perkasa est condamnée aux dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Frendo

 

      Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.