Language of document : ECLI:EU:T:2015:675

Affaire T‑245/11

ClientEarth
et

The International Chemical Secretariat

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents détenus par l’ECHA – Documents émanant d’un tiers – Délai imparti pour répondre à une demande d’accès – Refus d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Exception relative à la protection du processus décisionnel – Intérêt public supérieur – Informations environnementales – Émissions dans l’environnement »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (deuxième chambre) du 23 septembre 2015

1.      Procédure juridictionnelle – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Signature manuscrite d’un avocat – Dépôt d’une requête au nom de deux requérants – Signature précédée de la mention d’un seul des requérants – Recevabilité – Conditions

[Règlement de procédure du Tribunal (1991), art. 43, § 1, al. 1, et 44, § 1]

2.      Recours en annulation – Conditions de recevabilité – Personnes physiques ou morales – Recours introduit par plusieurs requérants à l’encontre de la même décision – Qualité pour agir de l’un d’entre eux – Recevabilité du recours dans son ensemble

(Art. 263, al. 4, TFUE)

3.      Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Actes produisant des effets juridiques obligatoires – Appréciation de ces effets d’après la substance de l’acte

(Art. 263 TFUE)

4.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Refus d’accès à un document au motif de son inexistence ou de sa non-détention par l’institution concernée – Circonstance non susceptible d’entraîner l’inapplicabilité du règlement

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4 et 8, § 1 et 3)

5.      Recours en annulation – Actes susceptibles de recours – Notion – Décision de refus d’accès à des documents d’une institution à la suite d’une demande confirmative – Inclusion – Conditions

(Art. 263 TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 8, § 1)

6.      Recours en annulation – Intérêt à agir – Notion – Recours susceptible de procurer un bénéfice au requérant – Intérêt devant perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle

(Art. 263, al. 4, TFUE)

7.      Recours en annulation – Personnes physiques ou morales – Intérêt à agir – Recours dirigé contre une décision d’une agence de l’Union refusant l’accès à des documents – Publication en cours d’instance des informations demandées sur le site Internet de l’agence – Disparition de l’intérêt à agir

(Art. 263, al. 4, TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 8, § 1)

8.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Délai imparti pour répondre à une demande d’accès – Dépassement – Décision implicite de rejet – Maintien de la compétence de l’institution concernée pour répondre hors délai à la demande d’accès – Décision de prorogation – Conséquences du dépassement du délai

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 8, § 1 et 2)

9.      Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Interprétation et application strictes

(Art. 15, § 3, TFUE ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, 4e et 11e considérants et art. 1er et 4)

10.    Rapprochement des législations – Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques – Règlement REACH – Diffusion sur Internet de certaines informations relatives aux substances enregistrées – Noms et coordonnées des déclarants – Possibilité pour l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de ne pas communiquer des informations en l’absence d’une demande de confidentialité par les personnes concernées – Absence

[Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, 1er tiret, et no 1907/2006, art. 10, a), xi), 118, § 2, d), et 119, § 2, d)]

11.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Protection du processus décisionnel – Conditions – Atteinte concrète, effective et grave audit processus – Portée

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 3, al. 1, et no 1907/2006, art. 119, § 2)

12.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Protection du processus décisionnel – Portée – Ampleur de la charge de travail nécessitée par la demande d’accès – Exclusion

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 3)

13.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Refus d’accès – Obligation pour l’institution de procéder à un examen concret et individuel des documents – Possibilité de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents – Limites

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2)

14.    Rapprochement des législations – Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques – Règlement REACH – Accès aux documents détenus par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) – Présomption en faveur de la non-divulgation des informations concernant la quantité exacte d’une substance fabriquée ou mise sur le marché – Obligation pour l’ECHA de démontrer l’existence d’une atteinte aux intérêts commerciaux des personnes concernées en cas de divulgation – Absence

[Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, et no 1907/2006, art. 118, § 2, c)]

15.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Demande d’accès visant des informations environnementales – Application du règlement no 1367/2006 en tant que lex specialis par rapport au règlement no 1049/2001 – Incidence – Exceptions au droit d’accès aux documents – Portée – Protection des intérêts commerciaux – Exclusion

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 1, 2, 1er à 3e tirets, 3 et 5, et nº 1367/2006, art. 6, § 1)

16.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Demande d’accès visant des informations environnementales – Règlement no 1367/2006 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Intérêt public justifiant la divulgation de documents – Notion

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, et no 1367/2006, art. 6, § 1)

17.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Demande d’accès visant des informations environnementales – Règlement no 1367/2006 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Intérêt public justifiant la divulgation de documents – Invocation du principe de transparence – Nécessité de faire valoir des considérations particulières en rapport avec l’espèce

(Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, et no 1367/2006, art. 6, § 1)

18.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Demande d’accès visant des informations environnementales – Règlement no 1367/2006 – Informations ayant trait à des émissions dans l’environnement – Notion – Information sur la quantité fabriquée ou mise sur le marché de substances chimiques – Exclusion

[Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1367/2006, art. 2, § 1, d), ii), et no 1907/2006, art. 3, § 15]

19.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Documents émanant de tiers – Obligation de consultation préalable des tiers concernés – Portée

(Règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 1, 2 et 4)

20.    Institutions de l’Union européenne – Droit d’accès du public aux documents – Règlement no 1049/2001 – Exceptions au droit d’accès aux documents – Protection des intérêts commerciaux d’une personne déterminée – Obligation pour l’institution de procéder à un examen concret et individuel des documents – Portée – Exclusion de l’obligation – Informations concernant la quantité exacte d’une substance chimique fabriquée ou mise sur le marché en vertu du règlement no 1907/2006 – Conditions

[Règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 2, 1er tiret, et § 6, et no 1907/2006, art. 118, § 2, c)]

21.    Procédure juridictionnelle – Production de moyens nouveaux en cours d’instance – Conditions – Ampliation d’un moyen existant – Recevabilité – Solution analogue pour les griefs invoqués au soutien d’un moyen – Grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité soulevé au soutien d’un moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 – Recevabilité

[Règlement de procédure du Tribunal (1991), art. 44, § 1, c), et 48, § 2 ; règlement du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 4, § 6]

22.    Rapprochement des législations – Enregistrement, évaluation et autorisation des substances chimiques – Règlement REACH – Diffusion sur Internet de certaines informations relatives aux substances enregistrées – Fourchettes totales de quantité des substances – Possibilité pour un tiers d’obliger l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) à communiquer des fourchettes non encore établies en présentant une demande d’accès au titre du règlement no 1049/2001 – Absence

[Convention d’Aarhus, art. 4, § 3, a) ; règlements du Parlement européen et du Conseil no 1049/2001, art. 2, § 1, et 4, § 4, no 1367/2006, art. 3, al. 1, et no 1907/2006, art. 118, § 1, et 119, § 2, b)]

23.    Procédure juridictionnelle – Requête introductive d’instance – Exigences de forme – Exposé sommaire des moyens invoqués – Énonciation abstraite – Irrecevabilité

[Règlement de procédure du Tribunal (1991), art. 44, § 1, c)]

1.      En vertu de l’article 43, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, l’original de tout acte de procédure doit être signé par l’agent ou l’avocat des parties. S’agissant d’un recours rédigé et introduit par un avocat au nom de deux requérantes, le fait que la dernière page de la requête comporte les mentions « soumis respectivement par » et « pour le compte de » en faisant référence à l’une seule des requérantes ne saurait infirmer la conclusion que ladite requête est conforme tant à ladite disposition qu’à l’article 44, paragraphe 1, dudit règlement. En effet, d’une part, il ne ressort d’aucune disposition du droit de l’Union que de telles mentions soient obligatoires et que l’avocat doive spécifier en dernière page de la requête, à la suite de l’apposition de sa signature, les parties requérantes concernées. D’autre part, il ne saurait être raisonnablement soutenu, eu égard au fait que chacune des requérantes a dûment confié un pouvoir de représentation au nom de l’avocat ayant signé la requête, que la mention d’une seule partie requérante avant et après la signature de l’avocat est constitutive d’une limitation de la représentation de celui-ci auprès du juge de l’Union à cette seule requérante.

(cf. points 84, 88-92)

2.      S’agissant d’un seul et même recours, dès lors qu’une des parties requérantes dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes, sauf à se fonder sur des considérations d’économie de procédure.

(cf. point 97)

3.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 101-104)

4.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 105, 106)

5.      Ainsi que le prévoit l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, le rejet d’une demande confirmative est, en principe, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. À cet égard, si, certes, toute réponse à une demande d’informations générale ne constitue pas nécessairement une décision ouvrant la voie du recours en annulation, il en va toutefois différemment dans le cas d’une demande d’informations bien définies, en réponse à laquelle une agence de l’Union ne s’est pas limitée à communiquer de simples informations générales, mais a adopté une décision rejetant la demande d’informations. Indépendamment de la question de savoir si ladite agence était tenue ou non de donner accès auxdites informations, notamment en vertu du règlement no 1049/2001, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une décision négative destinée à produire des effets juridiques et donc susceptible de recours.

(cf. points 107, 109, 110)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 114, 115)

7.      S’agissant d’un recours dirigé contre le refus d’une agence de l’Union de divulguer des informations dont l’accès avait été demandé au titre du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, lorsque, à la suite de l’introduction du recours, les informations sollicitées sont divulguées sur le site Internet de l’agence, il y a lieu de constater que le litige a perdu son objet et la requérante son intérêt à agir, en sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer. Dans cette perspective, pour ce qui est de ces informations, la demande de la requérante peut donc être considérée comme étant satisfaite. L’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle refuse l’accès auxdites informations, ne lui procurerait, partant, aucun bénéfice.

(cf. points 119, 120)

8.      L’expiration des délais prévus à l’article 8 du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, n’a pas pour effet de priver l’institution du pouvoir d’adopter une décision explicite. À cet égard, le législateur a prévu les conséquences d’un dépassement du délai prévu à l’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, en disposant, à l’article 8, paragraphe 3, du même règlement que sa méconnaissance par l’institution ouvre le droit à l’introduction d’un recours juridictionnel. Le dépassement du délai de réponse n’est cependant pas susceptible d’entacher la décision statuant sur la demande confirmative d’une illégalité justifiant son annulation. Il en va de même lorsque la légalité ou la validité d’une décision de prorogation sont remises en cause. En effet, même l’invalidité de la décision de prorogation ne permettrait que de considérer, tout au plus, que le délai pour répondre à la demande confirmative n’a pas été prorogé et que, par conséquent, la décision attaquée a été adoptée hors délai, ce qui n’affecterait pourtant pas sa légalité.

(cf. points 130-132, 136)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 145, 146, 202)

10.    S’agissant d’une demande d’accès à des noms et coordonnées des fabricants et importateurs de substances chimiques enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), cette dernière ne saurait fonder une décision de refus d’accès sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, lu conjointement avec l’article 118, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, dès lors que lesdits noms et coordonnées sont des informations qui relèvent de l’article 119, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006. Or, ledit article 119, paragraphe 2, prévoit la diffusion sur Internet de toutes les informations figurant sur la fiche de données de sécurité, sauf demande de confidentialité en vertu de l’article 10, sous a), xi), du règlement no 1907/2006.

En effet, à supposer, d’une part, que le régime de diffusion sur Internet établi par l’article 119 du règlement no 1907/2006 soit exhaustif, l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, lu en combinaison avec l’article 118, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006, ne serait pas applicable aux informations visées par l’article 119 dudit règlement et, par conséquent, ne saurait justifier le refus d’un accès aux informations sur les noms et coordonnées des déclarants. À supposer, d’autre part, que le régime prévu audit article 119 n’exclue, en principe, pas totalement le régime d’accès aux documents prévu par l’article 118 du règlement no 1907/2006 et le règlement no 1049/2001, il n’en demeure pas moins que l’article 119, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006 prévoit que les informations telles que les noms et coordonnées des déclarants doivent être divulguées sur Internet, sauf si l’ECHA fait droit à une demande de confidentialité. Par conséquent, l’ECHA ne saurait, en l’absence d’une telle demande, motiver le refus de toute divulgation des informations sollicitées par la présomption légale prévue à l’article 118, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006, en estimant que la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la personne concernée. En effet, la présomption légale de l’article 118 du règlement no 1907/2006 ne serait pas susceptible de justifier qu’une information ne soit, en principe, pas divulguée, alors qu’une disposition plus spécifique, à savoir l’article 119, paragraphe 2, sous d), du règlement no 1907/2006, exige que cette information soit, en principe, divulguée.

(cf. points 151-153)

11.    L’application de l’exception au droit d’accès aux documents concernant la protection du processus décisionnel prévue par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, exige de démontrer que l’accès en cause est susceptible de porter concrètement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception et que le risque d’atteinte à cet intérêt est raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. De surcroît, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation des documents visés a un impact substantiel sur le processus décisionnel. Or, l’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs sur le processus décisionnel, invoqués par l’institution, quant à la divulgation des documents visés.

S’agissant d’une demande d’accès à des noms et coordonnées des fabricants et importateurs de substances chimiques enregistrées auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), les noms des déclarants ne sont pas des informations sur le processus décisionnel de l’ECHA, mais constituent plutôt des informations concernées par la décision résultant dudit processus. L’accès aux informations sollicitées n’est pas susceptible d’empêcher l’ECHA de décider des mesures à prendre pour mettre en œuvre les obligations de divulguer des informations sur Internet, résultant de l’article 119, paragraphe 2, du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques. De même, un prétendu risque de contournement des procédures prévues par le règlement no 1907/2006 ne concerne pas le processus décisionnel, mais plutôt les conséquences d’une éventuelle divulgation des informations demandées. Or, ce n’est que le processus décisionnel qui est visé par le motif de refus prévu à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001.

(cf. points 156, 157, 160, 162)

12.    L’exception au droit d’accès aux documents prévue par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, vise uniquement à protéger le processus décisionnel et non à éviter une charge de travail excessive aux institutions concernées.

(cf. point 161)

13.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 168-172, 231)

14.    L’article 118, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, comporte une présomption générale selon laquelle l’information sur la quantité exacte des substances fabriquées ou mises sur le marché porte en principe atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la personne concernée. Lorsque la présomption légale de cette disposition s’applique, l’autorité concernée peut considérer que la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux de la personne concernée sans être tenue d’effectuer une appréciation concrète du contenu de chacun des documents dont la divulgation est demandée. En raison de cette présomption légale et en l’absence d’éléments concrets qui pourraient la mettre en cause, l’Agence européenne des produits chimiques n’est pas tenue de démontrer en quoi la divulgation de la quantité exacte aurait porté atteinte aux intérêts commerciaux des personnes concernées.

Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit, en principe, revêtir un caractère concret et individuel. Ce principe connaît en effet des exceptions, notamment en présence de l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation du document en cause porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Il en est d’autant plus ainsi lorsqu’une telle présomption est explicitement prévue par une disposition légale, à savoir l’article 118, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1907/2006.

(cf. points 174, 176, 177)

15.    La première phrase de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, établit une règle concernant les exceptions figurant à l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. La seconde phrase du même paragraphe 1 mentionne non pas simplement les autres exceptions, mais les autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001. Sont donc visées par cette disposition les exceptions figurant à cet article 4, paragraphe 1, paragraphe 2, deuxième tiret, et paragraphes 3 et 5. Étant donné que la protection des intérêts commerciaux relève de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, qui est visé par la première phrase de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, elle n’est pas comprise dans la notion d’autres exceptions figurant dans la seconde phrase de cet article 6, paragraphe 1.

(cf. point 187)

16.    L’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ne se réfère qu’à un intérêt public à la divulgation et non à un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, in fine, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Il ne découle donc pas de l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 que la divulgation des informations environnementales présente toujours un intérêt public supérieur.

(cf. point 189)

17.    S’il est vrai que l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit pas nécessairement être distinct des principes qui sous-tendent le règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, des considérations générales seules ne sauraient toutefois être de nature à établir que le principe de transparence présente une acuité particulière qui pourrait primer les raisons justifiant le refus de divulgation de documents et il incombe au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés.

Il s’ensuit qu’un intérêt public supérieur à la divulgation ne découle pas du seul fait que les informations en cause constituent des informations environnementales. Ainsi, s’agissant d’une demande d’informations environnementales concernant la quantité exacte de certaines substances dangereuses fabriquées ou mises sur le marché, le demandeur ne saurait invoquer, de façon générique, des principes sous-tendant le règlement no 1367/2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, lu en combinaison avec le règlement no 1049/2001, sans faire valoir aucun argument de nature à démontrer que, en ce qui concerne la quantité exacte des substances, l’invocation du principe de transparence permettant une meilleure participation du citoyen au processus décisionnel présente, au vu des circonstances particulières de l’espèce, une acuité particulière.

(cf. points 193, 194, 196)

18.    Si le règlement no 1367/2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ne contient pas de définition explicite de la notion d’émissions dans l’environnement, il est permis, au vu du libellé de l’article 2, paragraphe 1, sous d), ii), de ce règlement, de conclure que peuvent constituer des émissions uniquement les rejets dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement. Ainsi, la seule fabrication ou mise sur le marché d’une substance ne saurait être considérée comme le rejet de cette substance dans l’environnement, en sorte que l’information sur la quantité fabriquée ou mise sur le marché ne peut davantage constituer une information ayant trait à une émission dans l’environnement.

Cette conclusion ne saurait être mise en cause par une argumentation selon laquelle une substance qui est mise sur le marché interagit nécessairement avec l’environnement et avec les êtres humains, en sorte que la mise sur le marché constitue déjà l’émission dans l’environnement. Tout d’abord, l’interaction avec la santé ou la sécurité humaines ne suffit pas pour conclure à l’existence d’une émission dans l’environnement qui a ou est susceptible d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement. À cet égard, s’il est vrai que le risque abstrait de l’émission d’une substance existe à partir de sa production et qu’il n’est certes pas exclu que ce risque soit augmenté par la mise sur le marché de la substance, le seul risque qu’une substance puisse être émise dans l’environnement ne justifie toutefois pas de qualifier la quantité de la substance fabriquée ou mise sur le marché d’information sur des émissions dans l’environnement.

Ensuite, il existe des substances, à savoir notamment les intermédiaires au sens de l’article 3, paragraphe 15, du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, qui, s’il en est fait l’usage auquel elles sont destinées, ne sont pas émises dans l’environnement. Si toutes les substances, autres que les intermédiaires, sont susceptibles d’être rejetées dans l’environnement à un moment de leur cycle de vie, cela ne signifie toutefois pas que, pour ces substances, la quantité fabriquée ou mise sur le marché pourrait être considérée comme une information ayant trait à des rejets dans l’environnement qui ont ou sont susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments de l’environnement.

(cf. points 205, 206, 208-213)

19.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 222, 223)

20.    Il résulte des termes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, que, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions au droit d’accès, les autres parties du document sont divulguées. Par ailleurs, le principe de proportionnalité exige que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. À cet égard, l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement implique un examen concret et individuel du contenu de chaque document. En effet, seul un tel examen de chaque document peut permettre à l’institution d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel au demandeur. Une appréciation de documents réalisée par catégories plutôt que par rapport aux éléments d’information concrets contenus dans ces documents s’avère insuffisante, dès lors que l’examen requis de la part de l’institution doit lui permettre d’apprécier concrètement si une exception invoquée s’applique réellement à l’ensemble des informations contenues dans lesdits documents.

S’agissant d’une demande d’informations concernant la quantité exacte de certaines substances fabriquées ou mises sur le marché, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) n’est pas obligée de procéder à un examen au cas par cas, dans la mesure où la présomption légale prévue à l’article 118, paragraphe 2, sous c), du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, selon laquelle la divulgation de la quantité exacte porte atteinte à la protection des intérêts commerciaux des personnes concernées, couvre toutes les substances en cause. En outre, le demandeur n’a pas avancé, ni pour l’ensemble des substances visées ni pour des substances spécifiques, d’éléments susceptibles de remettre en cause cette présomption légale, et il n’a pas non plus démontré l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant, tout au moins pour une partie des substances, la divulgation des informations sollicitées. Dès lors, l’ECHA peut considérer que les informations sur la quantité exacte de l’ensemble des substances sont couvertes par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Par ailleurs, ledit article 118, paragraphe 2, sous c), ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, à savoir protéger les intérêts commerciaux.

(cf. points 229, 230, 232, 239)

21.    Aux termes des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la requête introductive d’instance doit indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen.

Est, dès lors, recevable un grief tiré d’une violation du principe de proportionnalité soulevé dans le cadre d’un recours contre une décision de refus d’accès à des documents, au soutien d’un moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. En effet, ladite disposition vise à contribuer au respect de ce principe en permettant une divulgation partielle si une partie seulement du document demandé est concernée par une exception au droit d’accès, afin de ne pas dépasser les limites de ce qui approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché. Dans ce contexte, la référence faite par la requérante au principe de proportionnalité ne constitue pas un moyen nouveau, mais un grief qui précise le moyen tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001.

(cf. points 235-237)

22.    S’agissant de l’obligation de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) de publier, conformément à l’article 119, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1907/2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, la fourchette totale de quantité dans laquelle une substance a été enregistrée, ledit règlement ne met pas cette obligation en relation avec le droit d’accès aux documents prévu à son article 118, paragraphe 1, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. Il n’est donc pas possible d’imposer le respect de l’obligation de diffusion sur Internet par la voie d’une demande d’accès à des documents. Dans cette perspective, une demande d’accès à des documents n’est pas susceptible d’obliger l’ECHA à créer certaines données qui n’existent pas, même si la diffusion de ces données est prévue par l’article 119 du règlement no 1907/2006. Partant, l’ECHA est en droit de rejeter une demande d’accès à la fourchette totale de quantité de certaines substances au motif qu’elle ne détient pas les informations sollicitées. N’étant pas obligée de consulter des tiers concernant des informations qui ne sont pas en sa possession, il ne saurait être reproché à l’ECHA d’avoir violé l’article 4, paragraphe 4, du règlement no 1049/2001.

Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la convention d’Aarhus prévoit explicitement qu’une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée si l’autorité publique à laquelle la demande est adressée n’est pas en possession des informations demandées. Aux termes de l’article 3, premier alinéa, du règlement no 1367/2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, le règlement no 1049/2001 s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou organes communautaires, ce qui permet de conclure que ce renvoi ne concerne que les documents existants et en possession de l’institution concernée. Partant, même à supposer que les fourchettes totales de quantité constituent des informations environnementales, cette circonstance ne saurait mettre en cause la légalité du rejet d’une demande d’accès à ces informations.

(cf. points 252, 253, 259)

23.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 256)