ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
19 novembre 1998 (1)
«Droits antidumping Procédure administrative Information finale
Modification des droits antidumping Droits de la défense»
Dans l'affaire T-147/97,
Champion Stationery Mfg Co. Ltd, société établie à Hong-kong (Chine),
Sun Kwong Metal Manufactuter Co. Ltd, société établie à Hong-kong (Chine),
US Ring Binder Corporation, société établie à New Bedford, Massachusetts (États-Unis),
représentées par Me Richard Luff, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu
domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,
contre
Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Antonio Tanca et Mme Eva
Karlsson, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de MM. Hans-Jürgen Rabe et Georg M. Berrisch, avocats à Hambourg et à Bruxelles, ayant élu
domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la
direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100,
boulevard Konrad Adenauer,
soutenu par
Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Viktor
Kreuschitz et Nicholas Khan, membres du service juridique, en qualité d'agents,
ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre
du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
Koloman Handler GesmbH, société de droit autrichien, établie à Vienne
(Autriche),
et
Robert Krause GmbH & Co. KG, association de droit allemand, établie à
Espelkamp (Allemagne),
représentées par Me Rainer M. Bierwagen, avocat à Berlin et à Bruxelles,
ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n° 119/97 du
Conseil, du 20 janvier 1997, instituant un droit antidumping définitif sur les
importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux originaires de Malaysia
et de République populaire de Chine et portant perception définitive des droits
provisoires (JO L 22, p. 1), dans la mesure où il concerne les requérantes,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),
composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, K. Lenaerts,
J. D. Cooke et M. Jaeger, juges,
greffier: M. J. Palacio González, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 1er juillet 1998,
rend le présent
Arrêt
Faits à l'origine du litige
- 1.
- Champion Stationery Mfg Co. Ltd (ci-après «Champion Stationery») et Sun Kwong
Metal Manufacturer Co. Ltd (ci-après «Sun Kwong») produisent des mécanismes
pour reliure à anneaux en République populaire de Chine (ci-après «RPC»). Ces
deux sociétés vendent les mécanismes pour reliure à anneaux qu'elles produisent
à une société qui leur est liée, à savoir US Ring Binder Corporation (ci-après «US
Ring Binder»), laquelle les revend dans la Communauté.
- 2.
- A la suite d'une plainte déposée le 18 septembre 1995 par Robert Krause GmbH
& Co. KG (ci-après «Robert Krause») et Koloman Handler GesmbH (ci-après
«Koloman Handler»), sociétés dont la production cumulée est présumée
représenter 90 % de la production communautaire de mécanismes pour reliure à
anneaux, la Commission a, le 28 octobre 1995, ouvert une procédure antidumping
concernant les importations de certains mécanismes pour reliure à anneaux
originaires de Malaysia et de RPC (JO 1995, C 284, p. 16).
- 3.
- La Commission a envoyé un questionnaire à toutes les parties notoirement
concernées. Les requérantes ont répondu au questionnaire et ont fait l'objet de
vérifications sur place.
- 4.
- Le 11 juillet 1996, les requérantes ont été informées des faits et considérations
essentiels sur la base desquels la Commission envisageait d'instituer des mesures
provisoires.
- 5.
- Le 25 juillet 1996, la Commission a adopté le règlement (CE) n° 1465/96 instituant
un droit antidumping provisoire sur les importations de certains mécanismes pour
reliure à anneaux originaires de Malaysia et de République populaire de Chine
(JO L 187, p. 47, ci-après «règlement provisoire»). Après avoir constaté l'existence
d'une marge moyenne de dumping s'élevant à 112,8 % pour la RPC (point 41 des
considérants du règlement provisoire), la Commission a calculé le montant du droit
nécessaire pour éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire par ces
pratiques de dumping (points 82 à 86 des considérants du règlement provisoire).
Pour la RPC, ce calcul a abouti à une marge d'élimination du préjudice de 35,4 %.
Comme ce chiffre était inférieur à la marge de dumping provisoirement établie, le
droit a été provisoirement fixé à ce niveau pour toutes les importations de
mécanismes pour reliure à anneaux originaires de la RPC.
- 6.
- Le 12 août 1996, les requérantes ont transmis à la Commission leurs observations
écrites sur le document d'information du 11 juillet 1996.
- 7.
- Le 29 octobre 1996, la Commission a adressé aux requérantes, par télécopie et par
courrier, le document d'information finale (ci-après «document d'information»),
dans lequel elle exposait les faits et considérations essentiels sur la base desquels
elle envisageait de recommander l'institution de droits définitifs.
- 8.
- La lettre de couverture accompagnant le document d'information accordait aux
requérantes un délai jusqu'au 8 novembre 1996 pour présenter leurs observations.
Les requérantes n'ont pas déféré à cette invitation.
- 9.
- Dans le document d'information, il était expliqué, au point A.3.1, que la
Commission était parvenue à la conclusion que l'un des exportateurs de la RPC,
World Wide Stationery (ci-après «WWS»), pouvait se voir accorder le traitement
individuel qu'il avait demandé. Le point A.3.2 dudit document indique que «la
marge de dumping individuelle de WWS s'élève à 96,6 %. A la suite de la décision
d'accorder à WWS le traitement individuel demandé et abstraction faite, par
conséquent, des transactions correspondantes dans le calcul de la moyenne
concernant les exportations chinoises, la marge de dumping pour la RPC dans son
ensemble s'élève à 129,22 %». Au point D du même document, intitulé «Mesures
définitives», qui débute par des «Considérations relatives à l'établissement du
niveau d'élimination du préjudice», il est expliqué (point D.1.1): «Dans ces
conditions, la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice exposée aux
considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être confirmée.» Au point
D.2, intitulé «Niveau d'élimination du préjudice», il est expliqué, en ce qui
concerne la RPC (point D.2.2): «L'octroi d'un traitement individuel à WWS affecte
les conclusions provisoires. La méthode décrite ci-dessus a été appliquée pour
calculer le niveau individuel d'élimination du préjudice de cette société, pour
laquelle une marge de sous-cotation de 32,5 % a été établie.»
- 10.
- La lettre de couverture accompagnant le document d'information indiquait que
l'envoi comprenait neuf pages au total («neuf pages total»). Les requérantes
affirment avoir reçu neuf pages, lettre de couverture incluse. Toutefois, le Conseil
a expliqué que, par erreur, les requérantes n'avaient pas reçu la dernière page du
document d'information. Dans cette dernière page, produite par le Conseil en
annexe D.3 à son mémoire en défense, la Commission expliquait que «la marge de
sous-cotation réduite pour WWS [avait] pour effet une augmentation de la marge
pour tous les autres exportateurs de la RPC à 39,4 % (auparavant 35,4 %)». Elle
a, en outre, annoncé son intention de proposer au Conseil l'institution d'un droit
de 32,5 % pour WWS et d'un droit résiduel de 39,4 % pour les autres entreprises
chinoises ainsi que la perception définitive des montants garantis par le règlement
provisoire dans la mesure où le droit provisoire n'excède pas le droit définitif.
- 11.
- Le conseil des requérantes a eu une conversation téléphonique, le 29 novembre
1996, avec M. Knoche, l'un des fonctionnaires de la direction générale Relations
économiques extérieures (DG I) en charge du dossier.
- 12.
- Le 12 décembre 1996, M. Knoche a établi une note pour le dossier sur cette
conversation téléphonique, qui se lit comme suit:
«M. Luff, conseiller juridique de US Ring Binder dans cette affaire, a appelé le 29
novembre, prétendant que sa cliente pouvait légitimement penser que le droit
applicable à ses exportations resterait inchangé (35,4 %) en raison du point D.D.1
du document d'information, qui confirme les considérants 83 à 86 du règlement
instituant un droit provisoire.
Il lui a été répondu que le point en question ne confirmait que la méthode définie
dans le règlement provisoire, et que la dernière page du document d'information
était très claire en ce qui concerne le droit proposé applicable à US Ring Binder
(39,4 %).
M. Luff a alors soutenu ne pas avoir reçu cette dernière page et a laissé entendre
qu'il lui était dès lors possible de demander un autre document d'information.
Il lui a été répondu que l'avis de réception du document d'information transmis par
fax indiquait le bon nombre de pages, et que son bureau pourrait vérifier si l'envoi
recommandé reçu entre-temps était aussi complet (dans la négative, il devrait
introduire rapidement une réclamation).
Les demandes de M. Luff n'ont pas été réitérées ultérieurement.»
- 13.
- Les requérantes estiment que ce résumé de la conversation téléphonique est
incomplet et inexact. Ainsi, dans leur réplique [p. 14, point 3, sous ii) et sous iii)],
elles résument la conversation téléphonique comme suit: «Au cours de la
conversation téléphonique qu'il a eue avec M. Luff, M. Knoche a précisé que
différentes versions du document d'information ont été préparées. Il a ajouté que,
bien que le document d'information aurait normalement dû être envoyé par la
DG I, direction E (compétente en matière de préjudice), ce travail a été effectué
dans le cas d'espèce par ses collègues de la DG I, direction C (compétente en
matière de dumping). [...] M. Knoche a commencé par confirmer que le taux du
droit applicable aux requérantes avait augmenté en raison du traitement individuel
accordé à WWS. Toutefois, lorsque M. Luff a demandé comment il était possible
que cette information ne figure pas dans le document d'information qu'il avait reçu,
M. Knoche a ajouté que, en toute hypothèse, le document d'information
mentionnait le nombre total de pages [...] et a invité M. Luff à vérifier s'il avait
reçu toutes les pages. M. Luff a immédiatement répondu que le document
d'information indiquait sur la première page qu'il contenait neuf pages au total et
qu'il avait effectivement reçu l'ensemble des neuf pages. [M. Luff a ensuite ...]
invité M. Knoche à contacter ses collègues de la DG I, direction C, afin de
confirmer quelle était la bonne version et de leur demander de vérifier si la version
du document d'information qui avait été envoyée à M. Luff était effectivement la
bonne. [...] Lorsque M. Knoche a demandé à M. Luff si le document d'information
qu'il avait reçu confirmait le taux du droit original institué à l'encontre de ses
clients, M. Luff a répondu que c'était le cas si l'on considérait le dernier
paragraphe du point D.1.1 M. Knoche a affirmé de manière très claire que, dans
la version qu'il avait reçue, le dernier paragraphe ne se référait pas aux [points] 83
à 86 [des considérants du règlement provisoire] et que les [points] 85 et 86 [des
considérants dudit règlement] étaient expressément omis.»
- 14.
- Le 20 janvier 1997, le Conseil a adopté le règlement (CE) n° 119/97 instituant un
droit antidumping définitif sur les importations de certains mécanismes pour reliure
à anneaux originaires de Malaysia et de République populaire de Chine et portant
perception définitive des droits provisoires (JO L 22, p. 1, ci-après «règlement
attaqué»). Le règlement attaqué a fixé le droit antidumping définitif pour les
importations originaires de RPC à 39,4 %, à l'exception des importations effectuées
par WWS, pour lesquelles a été institué un droit définitif de 32,5 %.
Procédure et conclusions des parties
- 15.
- C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 30
avril 1997, les requérantes ont introduit le présent recours.
- 16.
- Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 août 1997, la Commission a demandé
à intervenir au soutien des conclusions du Conseil. Par décision du Tribunal du 10
novembre 1997, la Commission a été admise à intervenir. La Commission, qui n'a
pas déposé de mémoire en intervention dans la présente affaire, a fait valoir ses
arguments à l'audience.
- 17.
- Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 septembre 1997, Koloman Handler et
Robert Krause ont également demandé à intervenir au soutien des conclusions du
Conseil. Par décision du Tribunal du 10 novembre 1997, ils ont été admis à
intervenir. Ils ont déposé leur mémoire en intervention dans le délai fixé par le
greffe du Tribunal.
- 18.
- Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
annuler le règlement attaqué dans la mesure où il les concerne;
condamner le Conseil aux dépens.
- 19.
- Dans leurs observations sur le mémoire en intervention de Koloman Handler et de
Robert Krause, les requérantes demandent également que les parties intervenantes
soient condamnées à supporter leurs propres dépens.
- 20.
- Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours de US Ring Binder en le déclarant irrecevable;
rejeter, en tout état de cause, le recours en le déclarant non fondé;
condamner les requérantes aux dépens.
- 21.
- La Commission soutient les conclusions du Conseil.
- 22.
- Koloman Handler et Robert Krause concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:
rejeter le recours au motif qu'il est irrecevable et/ou non fondé;
condamner les requérantes aux dépens des intervenantes.
- 23.
- Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé
d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.
Toutefois, il a invité le Conseil à répondre à une question écrite avant l'audience.
Le Conseil a déféré à cette invitation dans les délais.
- 24.
- Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux
questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 1er juillet 1998.
Sur la recevabilité
Arguments des parties
- 25.
- Le Conseil, se référant à l'arrêt de la Cour du 7 juillet 1994, Gao Yao/Conseil
(C-75/92, Rec. p. I-3141, points 28 à 30), doute que le recours, pour autant qu'il a
été introduit par les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong, soit
recevable. Il relève, à cet égard, que l'enquête diligentée dans la présente affaire
était dirigée contre les producteurs/exportateurs de la RPC et de la Malaysia, et
non contre les producteurs/exportateurs de Hong-kong. Pour cette raison, les
questionnaires n'auraient pas été envoyés aux requérantes Champion Stationery et
Sun Kwong qui sont établies à Hong-kong. Le Conseil fait en outre observer que
ces deux requérantes ne sont pas citées dans le règlement provisoire, pas plus que
dans le règlement attaqué, comme producteurs/exportateurs mais comme des
sociétés de Hong-kong liées aux producteurs/exportateurs de la RPC. Le fait que
la Commission ait accepté leurs réponses aux questionnaires, qu'elle ait échangé
avec elles une correspondance et qu'elle ait entendu leurs représentants
n'impliquerait pas qu'elles soient concernées directement et individuellement par
le règlement attaqué (arrêt Gao Yao/Conseil, précité, point 30).
- 26.
- Le Conseil estime, par ailleurs, que le recours est manifestement irrecevable pour
autant qu'il a été introduit par US Ring Binder. Il fait observer qu'il n'y a pas de
lien direct entre cette requérante et les producteurs/exportateurs de la RPC. Il
n'existerait même pas de lien direct entre US Ring Binder, d'une part, et
Champion Stationery et Sun Kwong, d'autre part. Le fait que ces sociétés
appartiennent au même groupe ne permettrait pas à lui seul de conclure que US
Ring Binder est concernée directement et individuellement par le règlement
attaqué. Le Conseil ajoute que l'enquête n'a pas concerné les exportations en
provenance des États-Unis. US Ring Binder n'aurait pas non plus été accusée de
pratiques de dumping. Le simple fait que cette société ait transmis une réponse aux
questionnaires de la Commission ne ferait pas d'elle une société concernée
directement et individuellement par le règlement attaqué.
- 27.
- Les parties intervenantes se rangent aux arguments développés par le Conseil
concernant la recevabilité du présent recours.
- 28.
- Les requérantes rétorquent que le recours est recevable. Elles font tout d'abord
valoir que les sociétés Champion Stationery et Sun Kwong sont des
producteurs/exportateurs de la RPC. En effet, les installations de production que
les deux compagnies possèdent en RPC ne constitueraient pas des entités juridiques
distinctes. Dans la présente affaire, les réponses au questionnaire n'auraient pu être
transmises que par les deux requérantes concernées, étant donné qu'elles opéraient
en tant que producteurs de la RPC et exportateurs vers l'Union européenne. De
même, les recours introduits au titre de l'article 173 du traité ne pouvant être
formés que par des personnes physiques ou morales, les départements de
production des requérantes Champion Stationery et Sun Kwong situés en RPC
n'auraient pas pu valablement introduire le présent recours.
- 29.
- Les requérantes, se référant à l'arrêt de la Cour du 21 février 1984, Allied
Corporation e.a./Commission (239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, point 12), et à l'arrêt
du Tribunal du 28 septembre 1995, Ferchimex/Conseil (T-164/94, Rec. p. II-2681,
points 34 à 36), font ensuite valoir que le recours, pour autant qu'il est introduit
par US Ring Binder, est également recevable. Elles relèvent, à cet égard, que US
Ring Binder est l'exportateur exclusif vers la Communauté des produits fabriqués
par Champion Stationery et de Sun Kwong. En outre, US Ring Binder aurait été
identifiée dans le règlement provisoire et aurait été concernée par les enquêtes
préparatoires (arrêt Allied Corporation e.a./Commission, précité, point 12). Par
ailleurs, il ressortirait de la jurisprudence que les règlements instituant des mesures
antidumping concernent directement et individuellement les requérantes dont les
prix de revente des produits en cause ont servi à calculer le prix à l'exportation
(arrêt Ferchimex/Commission, précité, points 34 à 36). En l'espèce, le prix à
l'exportation utilisé pour calculer les marges de dumping de Champion Stationery
et de Sun Kwong aurait été obtenu sur la base du prix facturé par US Ring Binder
à ses clients indépendants établis dans l'Union européenne.
Appréciation du Tribunal
- 30.
- Aux termes de l'article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil,
du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet
d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO
1996, L 56, p. 1, ci-après «règlement de base»), «les droits antidumping, provisoires
ou définitifs, sont imposés par voie de règlement». S'il est vrai que, au regard des
critères de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, ces mesures ont effectivement,
de par leur nature et leur portée, un caractère normatif, en ce qu'elles s'appliquent
à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant
que leurs dispositions concernent directement et individuellement certains
opérateurs économiques (arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission,
précité, point 11, du 23 mai 1985, Allied Corporation e.a./Conseil, 53/83, Rec.
p. 1621, point 4, Gao Yao/Conseil, précité, point 26; arrêts du Tribunal du 11 juillet
1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T-161/94, Rec. p. II-695, point 45, et du 25
septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T-170/94, Rec. p. II-1383, point 35).
- 31.
- Il convient de constater, en premier lieu, que les trois requérantes sont directement
concernées par le règlement attaqué. En effet, ledit règlement institue un droit
antidumping définitif que les autorités douanières des États membres sont obligées
de percevoir sans leur laisser une quelconque marge d'appréciation.
- 32.
- Le Tribunal estime par ailleurs que, pour déterminer si les requérantes sont
également individuellement concernées, il y a lieu d'examiner séparément la
situation de Champion Stationery et de Sun Kwong, d'une part, et de US Ring
Binder, d'autre part.
- 33.
- Les requérantes ont fait valoir, sans être contredites sur ce point par le Conseil ou
les parties intervenantes, que les entités de Champion Stationery et de Sun Kwong
situées en RPC, auxquelles les questionnaires de la Commission ont été envoyés
et qui, selon le Conseil, auraient dû introduire le recours en annulation, sont des
sites de production des deux requérantes établies à Hong-kong. Il s'agit de
départements à l'intérieur des sociétés requérantes concernées. En outre, il n'est
pas non plus contesté que les entités de Champion Stationery et de Sun Kwong
situées en RPC ne sont pas dotées d'une personnalité juridique distincte.
- 34.
- Dans ces conditions, les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong doivent
être considérées comme des producteurs/exportateurs de la RPC. La situation de
la présente espèce est donc clairement distincte de celle en cause dans l'affaire
ayant donné lieu à l'arrêt Gao Yao/Conseil, précité. En effet, dans cette dernière
affaire, le recours de la requérante a été déclaré irrecevable par la Cour parce
qu'elle n'était intervenue au cours de la procédure administrative que comme
«simple organe de transmission établi à Hong-kong pour faciliter la correspondance
entre les services de la Commission et Gao Yao Chine» (arrêt Gao Yao/Conseil,
précité, point 29).
- 35.
- Il ressort d'une jurisprudence constante que les actes portant institution de droits
antidumping sont de nature à concerner individuellement celles des entreprises
productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées
dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes
préparatoires (arrêts de la Cour Allied Corporation e.a./Commission, précité, point
12, du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133/87 et
C-150/87, Rec. p. I-719, point 14, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission,
C-156/87, Rec. p. I-781, point 17, du 16 mai 1991, Extramet industrie/Conseil,
C-358/89, Rec. p. I-2501, point 15, Gao Yao/Conseil, précité, point 27; arrêts
Sinochem Heilongjiang/Conseil, précité, point 46, et Shanghai Bicycle/Conseil,
précité, point 36).
- 36.
- Or, les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong ont été nommément
identifiées dans le règlement provisoire au point 5, sous b), 2, des considérants,
intitulé «Exportateurs/producteurs» de la RPC. Par ailleurs, ces sociétés ont fait
l'objet de vérifications sur place [ point 5, sous b), 2, des considérants du règlementprovisoire]. Ces requérantes ont aussi été identifiées dans le règlement attaqué
(point 26 des considérants).
- 37.
- Il s'ensuit que les requérantes Champion Stationery et Sun Kwong sont
individuellement concernées par le règlement attaqué et qu'elles sont recevables
en leur recours.
- 38.
- Il convient de constater, par ailleurs, que le point 5, sous b), 2, in fine, des
considérants du règlement provisoire dispose que les «sociétés Champion
Stationery Manufacturers Co. Ltd et Sun Kwong Metal Manufacturer Co. Ltd
appartiennent toutes deux au même groupe et vendent leurs mécanismes pour
reliure à anneaux d'origine chinoise à une entreprise liée établie aux États-Unis
d'Amérique (US Ring Binder)». Pour cette raison, US Ring Binder figure parmi
les entreprises mentionnées dans le règlement provisoire sous le titre
«Exportateurs/producteurs» de la RPC et a fait l'objet d'une vérification sur place
[point 5, sous b), 2, des considérants du règlement provisoire]. US Ring Binder a
donc été identifiée dans les actes de la Commission et concernée par les enquêtes
préparatoires au sens de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus. Par ailleurs,
dans sa réponse à une question écrite posée par le Tribunal, le Conseil a reconnu
que le prix à l'exportation de Champion Stationery et de Sun Kwong a été calculé
sur la base du prix facturé par US Ring Binder à des acheteurs indépendants
établis dans la Communauté. Cette circonstance est également de nature à
caractériser cette requérante, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout
autre opérateur économique (voir, par analogie, arrêts Gao Yao/Conseil, précité,
point 27, et Ferchimex/Conseil, précité, point 34).
- 39.
- Il résulte de tout ce qui précède que les trois requérantes sont recevables en leur
recours.
Sur le fond
- 40.
- Les requérantes soulèvent un moyen unique tiré d'une violation de leurs droits de
la défense.
Arguments des parties
- 41.
- Les requérantes font valoir que, en violation des principes dégagés par la
jurisprudence, les institutions communautaires ne leur ont pas transmis, au cours
de la procédure administrative, toute l'information qui leur aurait permis de
défendre utilement leurs intérêts (arrêts de la Cour du 20 mars 1985, Timex/Conseil
et Commission, 264/82, Rec. p. 849, point 30, et du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer
et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, C-49/88, Rec. p. I-3187, point 18). Elles
soutiennent, à cet égard, que le document d'information n'indiquait pas que le droit
antidumping qui leur serait applicable passerait de 35,4 à 39,4 % au dernier stade
de la procédure. Au contraire, le point D.1.1 du document d'information, en
confirmant les points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire, aurait
confirmé le niveau d'élimination du préjudice de 35,4 % pour tous les
exportateurs/producteurs chinois autres que WWS. Le règlement attaqué aurait, en
outre et de manière frappante, indiqué (point 64 des considérants) que les points
82 à 84 des considérants du règlement provisoire seraient confirmés et omis
expressément les points 85 et 86 des mêmes considérants. Cette discordance entre
le document d'information et le règlement attaqué démontrerait que, loin d'être
incomplet, le document d'information avait, en réalité, un contenu différent de celui
concernant le règlement attaqué.
- 42.
- Les requérantes relèvent ensuite que le document d'information n'indiquait pas que
l'octroi à WWS d'un traitement individuel entraînerait l'exclusion des ventes de
cette dernière du calcul du préjudice moyen imputable aux autres exportations
chinoises. En tout état de cause, l'octroi d'un traitement individuel à WWS n'aurait
pas nécessairement dû conduire à l'institution d'un taux de droit différent de celui
prévu dans le règlement provisoire pour les requérantes. En effet, le traitement
individuel d'un exportateur déterminé n'affecte pas nécessairement le niveau
d'élimination du préjudice des autres exportateurs. Les requérantes se réfèrent, à
cet égard, à l'affaire des photocopieurs à papier ordinaire originaires du Japon
[règlement (CEE) n° 535/87 du Conseil, du 23 février 1987, instituant un droit
antidumping définitif sur les importations de photocopieurs à papier ordinaire
originaires du Japon (JO L 54, p. 12)] et à l'affaire des microcircuits électroniques
dits «DRAM» originaires de la République de Corée [règlement (CEE) n° 611/93
du Conseil, du 15 mars 1993, instituant un droit antidumping définitif sur les
importations dans la Communauté de certains microcircuits électroniques dits
«DRAM» originaires de la République de Corée et exportés par les sociétés non
exemptées de ce droit, et portant perception définitive du droit antidumping
provisoire (JO L 66, p. 1)]. Même si elles avaient dû savoir que le niveau de leur
droit augmenterait en raison du traitement individuel accordé à WWS, il leur aurait
été totalement impossible de calculer le taux exact du droit définitif.
- 43.
- Il ressort, selon les requérantes, de la comparaison entre le règlement provisoire
et le règlement attaqué que la méthodologie utilisée pour calculer le niveau
d'élimination du préjudice a changé au cours de la procédure. Le simple fait que
le règlement provisoire a fixé un seul niveau d'élimination du préjudice sur la base
des exportations effectuées par tous les exportateurs chinois concernés, alors que
le règlement attaqué a fixé des niveaux d'élimination du préjudice distincts pour ces
exportateurs, constituerait un changement manifeste de méthodologie. Le
règlement attaqué aurait, ainsi, uniquement confirmé la méthodologie exposée dans
les points 82 à 84 des considérants du règlement provisoire et non pas celle décrite
dans les points 85 et 86 desdits considérants, fixant une même marge d'élimination
du préjudice pour tous les exportateurs chinois.
- 44.
- Les requérantes soulignent qu'elles auraient présenté une nouvelle argumentation
si elles avaient appris, au cours de la procédure administrative, que le taux du droit
qui leur serait applicable serait augmenté de manière non négligeable. Elles attirent
l'attention sur le fait que, en l'espèce, la méthodologie adoptée par les institutions
est critiquable, dans la mesure où il serait illogique d'évaluer un préjudice, en
particulier une sous-cotation de prix, sur une base globale pour l'ensemble des
exportateurs, alors que les niveaux d'élimination du préjudice sont calculés sur une
base individuelle. En effet, si la Commission avait établi, à un stade provisoire, que
la sous-cotation des prix dont les exportations en provenance de la RPC faisaient
l'objet était de 11,5 % (point 54 des considérants du règlement provisoire) et qu'un
droit de 35,4 % était suffisant pour éliminer le préjudice pour l'ensemble des
exportateurs concernés (point 85 des considérants du règlement provisoire), il n'y
aurait eu aucune raison pour exiger, au stade définitif, un droit supérieur pour
éliminer le préjudice alors que, lors du calcul définitif, la sous-cotation de prix dont
les exportations originaires de la RPC faisaient l'objet a été calculée sur une base
globale et maintenue au même niveau (point B.5 du document d'information et
point 34 des considérants du règlement attaqué).
- 45.
- Les requérantes font ensuite valoir qu'elles n'avaient, au cours de la procédure
administrative, aucune raison de soupçonner que le document d'information était
incomplet, étant donné qu'elles avaient reçu exactement la même version par
télécopie et par courrier, que la première page des deux versions indiquait
clairement que le document d'information contenait neuf pages et que le texte
figurant sur la dernière page du document d'information (c'est-à-dire, la page 9)
se terminait au milieu de la page. En tout état de cause, la Commission aurait violé
l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base qui dispose que l'«information
finale doit être donnée par écrit». Une conversation téléphonique ne saurait
remplacer une information écrite, en particulier lorsque le droit définitivement
institué s'avère différent du droit provisoire.
- 46.
- Les requérantes ont, toutefois, reconnu à l'audience, en réponse à l'argument que
le Conseil tire de l'article 20, paragraphe 3, du règlement de base, qu'elles n'ont
jamais demandé une information finale par écrit. Elles font cependant valoir que,
dès lors que la Commission donne une information finale à une partie déterminée,
cette information doit être complète.
- 47.
- Le Conseil et les parties intervenantes soulignent, tout d'abord, que les requérantes
avaient connaissance de la modification du taux du droit antidumping qui leur
serait applicable. Il ressortirait, en effet, de la note pour le dossier concernant la
conversation téléphonique du 29 novembre 1996 (voir ci-dessus point 12) que les
requérantes ont, à cette occasion, été informées que le droit définitif dont la
Commission recommandait l'institution au Conseil serait supérieur au droit institué
par le règlement provisoire. Elles auraient aussi été informées du taux exact du
droit. Ils attirent également l'attention sur le fait que les requérantes ont confirmé
dans leur mémoire en réplique que M. Knoche avait informé leur conseil, au cours
de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996, que le droit définitif
proposé par la Commission était supérieur au droit provisoire et qu'il avait expliqué
les motifs de cette augmentation (voir ci-dessus point 13). Les requérantes
n'auraient pas non plus contesté qu'elles avaient été informées du taux du droit
définitif que la Commission envisageait de proposer. Le Conseil et les parties
intervenantes en concluent que les requérantes auraient dû savoir qu'elles n'avaient
pas reçu la version complète du document d'information. En réponse à l'argument
des requérantes, selon lequel le document d'information ne serait pas incomplet
mais différent, le Conseil fait valoir que le document que les requérantes devaient
recevoir est celui qu'elles ont effectivement reçu, plus la dernière page qui
manquait. Le Conseil affirme avoir produit cette page manquante en annexe D.3
à son mémoire en défense. Les seules différences entre le document d'information
envoyé aux requérantes et le document d'information envoyé aux autres
exportateurs concerneraient des réponses à certains arguments spécifiques relatifs
au dumping et/ou des secrets d'affaires. Du fait de leurs légères différences, les
documents d'information individualisés auraient présenté des longueurs et des sauts
de page différents.
- 48.
- Le Conseil et les parties intervenantes soutiennent ensuite que l'augmentation du
taux des droits ressortait, en outre, de la teneur du document d'information reçu
par les requérantes. Ils se réfèrent, à cet égard, au point D.1.1 du document
d'information, qui énonce que «la méthode de calcul du niveau d'élimination du
préjudice exposée aux considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être
confirmée». Ils soulignent encore que, au point D.2.2 du document d'information,
la Commission a indiqué, à propos du «niveau d'élimination du préjudice»:
«L'octroi d'un traitement individuel à WWS affecte les conclusions provisoires.»
Selon le Conseil et les parties intervenantes, l'augmentation du montant du droit
applicable aux requérantes dans le règlement définitif a été le résultat logique de
la confirmation explicite de la méthode utilisée pour calculer le chiffre d'élimination
du préjudice et de l'octroi d'un traitement individuel à WWS, dont le niveau
individuel d'élimination du préjudice était inférieur à la moyenne. Les requérantes
n'auraient donc pas pu douter, si elles avaient lu attentivement le document
d'information, que le droit définitif que la Commission envisageait de proposer au
Conseil serait supérieur au droit provisoire. Le Conseil reconnaît toutefois, dans
son mémoire en duplique, que les requérantes ne pouvaient pas, sur la base des
informations contenues dans le document d'information, calculer le taux exact du
droit que la Commission envisageait de proposer. Il n'en resterait pas moins vrai
que le document d'information indiquait clairement que le droit que la Commission
envisageait de proposer serait supérieur au droit provisoire.
- 49.
- Le Conseil oppose, par ailleurs, à l'argument des requérantes tiré d'une
modification de la méthodologie au cours de la procédure administrative que la
méthode utilisée pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice, et par
conséquent, pour le calcul du droit antidumping, n'a jamais changé, ni entre
l'institution des droits provisoires et l'information finale, ni entre l'information
finale et l'institution des mesures définitives.
- 50.
- Ensuite, le Conseil et les parties intervenantes soutiennent que le document
d'information était visiblement incomplet et que, dans ces conditions, les
requérantes auraient dû contacter la Commission pour demander si des parties du
document ne manquaient pas. Ils font valoir, à cet égard, que le document
d'information que les requérantes ont reçu ne mentionne pas le niveau du droit
que la Commission envisageait de proposer au Conseil, ni pour les exportations de
WWS, ni pour les exportations de la RPC dans son ensemble, ni pour les
exportations de reliures à anneaux originaires de Malaysia. Il serait en outre
frappant que le document d'information que les requérantes ont reçu mentionne
le niveau d'élimination du préjudice pour la Malaysia et pour WWS et non pour
les autres producteurs/exportateurs chinois. Enfin, le document d'information
indique que les «conclusions provisoires» étaient affectées par l'octroi d'un
traitement individuel à WWS. Les requérantes auraient donc pu s'attendre à ce que
le document d'information contienne une explication sur la manière dont les
conclusions concernant les exportateurs de la RPC autres que WWS étaient
affectées. A l'audience, le Conseil et les parties intervenantes ont encore fait valoir
que le caractère incomplet du document d'information ressort aussi du fait qu'il ne
contient aucune indication sur la perception des droits provisoires.
- 51.
- A titre subsidiaire, le Conseil fait valoir que, même si le Tribunal concluait que les
institutions communautaires ont omis d'informer les requérantes de ce que les
droits définitifs proposés par la Commission au Conseil seraient supérieurs aux
droits provisoires institués, leurs droits de la défense n'auraient pas pour autant été
violés. Il soutient que, conformément à l'article 20, paragraphes 2 à 4, du règlement
de base, la Commission a informé les requérantes des faits et considérations
essentiels pour le calcul des droits définitifs, notamment de la méthode appliquée
pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice. Le Conseil rappelle que le
niveau d'élimination du préjudice établi dans le règlement attaqué en ce qui
concerne les requérantes est supérieur au niveau d'élimination du préjudice
mentionné dans le règlement provisoire par suite d'une simple opération
arithmétique. Par conséquent, le montant du niveau définitif d'élimination du
préjudice ne ferait pas partie des «faits et considérations essentiels» visés à l'article
20, paragraphe 2, du règlement de base.
- 52.
- En outre, le Conseil et les parties intervenantes soutiennent que les requérantes
n'auraient pu faire valoir aucun argument supplémentaire, même si elles avaient
été explicitement informées du niveau du droit proposé et du fait qu'il était
supérieur au droit provisoire (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian
Fertilizer/Conseil, précité, point 18). La procédure administrative n'aurait donc pu
aboutir à un résultat différent.
- 53.
- A titre encore plus subsidiaire, le Conseil fait valoir que les requérantes n'ont pas
présenté de demande écrite d'information dans le délai fixé par l'article 20,
paragraphe 3, du règlement de base. Par conséquent, elles n'auraient pas droit à
une information finale et les institutions communautaires n'auraient pas l'obligation
de la leur fournir. Il en résulterait que, si les institutions communautaires avaient
fourni une information insuffisante et si cette insuffisance avait empêché les
requérantes de défendre utilement leurs intérêts, elle ne pourrait pas conduire à
l'annulation du règlement attaqué.
- 54.
- Dans son mémoire en duplique, le Conseil soutient encore, en réponse à
l'argument des requérantes, selon lequel l'information finale doit être donnée par
écrit en vertu de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base, que le non-respect d'une obligation d'information ne peut entraîner l'annulation d'une mesure
antidumping que si ce manquement a empêché la partie concernée de défendre
utilement ses intérêts, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce.
Appréciation du Tribunal
- 55.
- Le principe du respect des droits de la défense est un principe fondamental du
droit communautaire dont le juge communautaire assure le respect (arrêt Al-Jubail
Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 15; arrêt du Tribunal
du 18 décembre 1997, Ajinomoto et Nutrasweet/Conseil, T-159/94 et T-160/94, Rec.
p. II-2461, point 81). En vertu de ce principe, les entreprises concernées par une
procédure d'enquête précédant l'adoption d'un règlement antidumping doivent être
mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître
utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances
allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l'appui de son
allégation de l'existence d'une pratique de dumping et du préjudice qui en
résulterait (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian Fertilizer/Conseil, précité,
point 17; arrêts du Tribunal du 17 décembre 1997, EFMA/Conseil, T-121/95, Rec.
p. II-2391, point 84, et Ajinomoto et Nutrasweet/Conseil, précité, point 83). Ces
exigences ont encore été précisées à l'article 20 du règlement de base. Ainsi,
l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement dispose que les plaignants, importateurs
et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et représentants du pays
exportateur «peuvent demander une information finale sur les faits et
considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander
l'institution de mesures définitives [...], une attention particulière devant être
accordée à l'information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés
pour les mesures provisoires». L'article 20, paragraphe 5, du règlement de base
accorde, par ailleurs, aux entreprises ayant reçu une telle information finale le droit
de déposer d'éventuelles observations, dans un délai fixé par la Commission, qui
ne peut être inférieur à dix jours.
- 56.
- Il convient donc d'examiner, à la lumière de ces principes, si les droits de la
défense des parties requérantes ont été violés au cours de la procédure
administrative.
- 57.
- Il est constant entre les parties que le document d'information que les requérantes
ont reçu, le 29 octobre 1996, était incomplet. Les institutions communautaires
expliquent, à cet égard, que le document d'information que les requérantes auraient
dû recevoir est celui qu'elles ont effectivement reçu, le 29 octobre 1996, plus la
dernière page qui manquait (voir ci-dessus point 10).
- 58.
- Les requérantes estiment que le caractère incomplet du document d'information
a affecté l'exercice utile de leurs droits de la défense au cours de la procédure
administrative. A cet égard, elles prétendent, en premier lieu, qu'elles n'ont pas été
informées, entre la date de réception du document d'information et l'institution des
mesures définitives, des modifications qui seraient intervenues dans la méthode
utilisée pour le calcul du droit définitif. En deuxième lieu, leurs droits de la défense
auraient été violés dès lors que le document d'information qu'elles ont reçu
confirmait la marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour la RPC alors que
le règlement attaqué mentionne une marge de 39,4 %. En troisième lieu, les
requérantes estiment que leurs droits de la défense ont été violés parce que le
document d'information qu'elles ont reçu ne mentionnait ni le fait que la
Commission envisageait de proposer au Conseil l'adoption d'un droit définitif plus
élevé que le droit provisoire, en raison du traitement individuel qui avait été
accordé à WWS, ni le taux exact du droit définitif. Enfin, en quatrième lieu, les
requérantes soutiennent que le règlement attaqué doit être annulé pour violation
de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base. Il convient d'examiner
séparément ces différents griefs.
Sur la modification qui serait intervenue dans la méthode utilisée pour le calcul du
droit définitif
- 59.
- Il convient de rappeler que, en vertu des articles 7, paragraphe 2, et 9, paragraphe
4, du règlement de base, les droits antidumping provisoires et définitifs doivent être
inférieurs à la marge de dumping établie, si ces droits moindres suffisent à éliminer
le préjudice causé à l'industrie communautaire. Conformément à ce principe, les
institutions communautaires ont fixé le niveau du droit antidumping, tant dans le
règlement provisoire (points 85 et 86 des considérants) que dans le règlement
attaqué (point 66 des considérants), au niveau des marges d'élimination du
préjudice établies.
- 60.
- Force est de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la
méthode appliquée pour le calcul du niveau d'élimination du préjudice et du droit
antidumping n'a pas changé postérieurement à l'adoption du règlement provisoire.
Le règlement attaqué indique même explicitement que «la méthode du niveau
d'élimination du préjudice exposée aux considérants 82 à 84 du règlement
provisoire est confirmée» (point 64 des considérants). Cette méthode est la
suivante. Les institutions communautaires ont examiné le montant du droit
nécessaire pour éliminer le préjudice causé à l'industrie communautaire par les
pratiques de dumping incriminées (points 82 à 84 des considérants du règlement
provisoire et points 62 à 69 des considérants du règlement attaqué). Dans ce but,
il a été considéré qu'il convenait de calculer un prix sur la base des coûts de
production des producteurs communautaires, augmentés d'une marge bénéficiaire
raisonnable. Les institutions communautaires ont ainsi établi un «prix non
préjudiciable» (point 83 des considérants du règlement provisoire et point 64 des
considérants du règlement attaqué) et ont ensuite indiqué qu'il fallait calculer la
différence entre ce «prix non préjudiciable» et les prix de vente effectivement
pratiqués par les exportateurs dans la Communauté. Cette différence constituait la
marge d'élimination du préjudice, à savoir l'augmentation de prix nécessaire pour
porter le prix de vente des exportateurs au niveau du «prix non préjudiciable»
(point 84 des considérants du règlement provisoire et point 64 des considérants du
règlement attaqué).
- 61.
- Les requérantes ne sauraient prétendre, comme elles le font dans leur mémoire en
réplique, que le simple fait que le règlement provisoire ait fixé un seul niveau
d'élimination du préjudice sur la base des exportations effectuées par tous les
exportateurs chinois concernés, alors que le règlement attaqué a fixé des niveaux
d'élimination du préjudice distincts pour WWS, d'une part, et pour les autres
exportateurs chinois, d'autre part, constitue un changement manifeste de
méthodologie. En effet, la méthode appliquée, aussi bien dans le règlement
provisoire que dans le règlement attaqué, impliquait le calcul par les institutions de
la marge d'élimination du préjudice en fixant un «prix non préjudiciable» et en
comparant ce prix aux prix de vente effectivement pratiqués par les exportateurs
dans la Communauté. L'application de cette méthode de calcul du niveau
d'élimination du préjudice, combinée avec l'octroi d'un traitement individuel à
WWS fait dont les requérantes ont été informées par le document d'information
(points A.3.1 et D.2.2 dudit document) , a conduit à la fixation d'un droit définitif
pour les requérantes de 39,4 %.
- 62.
- Il résulte de ce qui précède que le premier grief formulé par les requérantes
manque en fait et doit donc être rejeté.
Sur la prétendue confirmation, par le document d'information, de l'établissement
d'une marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour les
producteurs/exportateurs chinois autres que WWS
- 63.
- Les requérantes soutiennent que, en renvoyant aux points 85 et 86 des considérants
du règlement provisoire, le point D.1.1 du document d'information a confirmé la
marge d'élimination du préjudice de 35,4 % pour les producteurs/exportateurs
chinois autres que WWS. Elles en déduisent qu'elles n'ont pas reçu une version
incomplète du document d'information mais la version complète d'un documentd'information différent. En effet, contrairement au document d'information qu'ont
reçu les requérantes, le règlement attaqué (point 64 des considérants) et le
prétendu document d'information officiel ne contiendraient aucune référence
expresse aux points 85 et 86 des considérants du règlement provisoire.
- 64.
- Il convient de relever que, au point D.1.1 du document d'information, il est exposé
que «la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice exposée aux
considérants 83 à 86 du règlement provisoire devrait être confirmée».
- 65.
- Il convient de faire observer que la méthode de calcul du niveau d'élimination du
préjudice est expliquée aux points 83 et 84 des considérants du règlement
provisoire et que les marges d'élimination du préjudice ont respectivement été
établies, sur la base de cette méthode, aux points 85 et 86 des considérants dudit
règlement pour la RPC (35,4 %) et pour la Malaysia (10,5 %). Il s'ensuit que, au
point D.1.1 du document d'information, la Commission n'a pas confirmé la marge
d'élimination du préjudice de 35,4 % établie au point 85 des considérants du
règlement provisoire pour les exportations chinoises. Elle a uniquement confirmé
la méthode de calcul de la marge d'élimination du préjudice, méthode qui est
restée inchangée entre l'adoption du règlement provisoire et le règlement attaqué
(voir ci-dessus point 60). Même s'il avait existé une autre version du document
d'information qui ne contenait aucune référence aux points 85 et 86 des
considérants du règlement provisoire, les droits de la défense des requérantes
n'auraient pas pu être affectés par la non-communication de cette version, dès lors
que le point D.1.1 du document d'information qui leur a été communiqué, tout
comme la prétendue version non transmise du document d'information, ne
confirment que la méthode de calcul du niveau d'élimination du préjudice et non
le niveau d'élimination du préjudice de 35,4 % établie au point 85 des considérants
du règlement provisoire pour les exportations chinoises.
- 66.
- Il s'ensuit que le deuxième grief formulé par les requérantes manque également en
fait et doit donc être rejeté.
Sur l'absence, dans le document d'information, d'indications relatives à
l'augmentation du droit applicable aux requérantes, en raison du traitement
individuel accordé à WWS, et au taux exact du droit définitif
- 67.
- Les requérantes soutiennent que leurs droits de la défense ont été violés au cours
de la procédure administrative parce que le document d'information qu'elles ont
reçu ne mentionnait ni le fait que la Commission envisageait de proposer au
Conseil l'adoption d'un droit définitif plus élevé que le droit provisoire, en raison
du traitement individuel qui avait été accordé à WWS, ni le taux exact du droit
définitif.
- 68.
- Il convient de rappeler que le règlement provisoire (point 85 des considérants)
avait établi une marge d'élimination du préjudice de 35,4 % et un droit
antidumping provisoire du même niveau, pour tous les producteurs/exportateurs
chinois du produit concerné. En revanche, le règlement attaqué (point 68 des
considérants) dispose que «le niveau réduit d'élimination du préjudice pour WWS
a entraîné un relèvement de 35,4 % à 39,4 % du niveau d'élimination du préjudice
pour tous les autres exportateurs de la RPC». Sur cette base, le droit résiduel pour
les producteurs/exportateurs chinois autres que WWS a été porté à 39,4 % (point
69 des considérants).
- 69.
- Il s'ensuit que le droit antidumping définitif applicable aux importations des
requérantes dans l'Union européenne diffère fondamentalement du droit
provisoirement institué, par l'effet de l'octroi du traitement individuel à WWS.
Comme il ressort de la jurisprudence de la Cour que le montant du droit définitif
est une information essentielle (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi Arabian
Fertilizer/Conseil, précité, point 23), il importe d'examiner si les requérantes ont
été utilement informées de ce changement au cours de la procédure administrative.
- 70.
- A cet égard, force est d'abord de constater que, par le biais du document
d'information, les requérantes ont été informées qu'un traitement individuel serait
accordé à WWS. En outre, le document mentionnait que le traitement individuel
affecterait les conclusions provisoires. Ainsi, au point D.2.2 de ce document, il est
indiqué: «L'octroi d'un traitement individuel à [WWS] affecte les conclusions
provisoires. La méthode décrite ci-dessus a été appliquée pour calculer le niveau
individuel d'élimination du préjudice de cette société, pour laquelle une marge de
sous-cotation de 32,5 % a été établie.» En revanche, aucun passage dudit
document d'information ne mentionnait explicitement que, à la suite de l'octroi
d'un traitement individuel à WWS, le taux du droit antidumping applicable aux
requérantes serait augmenté. Le document en question n'indiquait pas non plus le
taux exact du droit définitif applicable aux exportations des requérantes. En effet,
ces deux éléments d'information étaient mentionnés à la dernière page du
document d'information dont les requérantes n'ont pas reçu communication au
cours de la procédure administrative (voir ci-dessus point 10).
- 71.
- Les requérantes ont cependant elles-mêmes reconnu dans leur mémoire en
réplique que, au cours de la conversation téléphonique que leur conseil a eue avec
M. Knoche le 29 novembre 1996, ce dernier «a commencé par confirmer que le
taux du droit applicable aux requérantes avait augmenté en raison du traitement
individuel accordé à WWS». En réponse à une question du Tribunal posée lors de
l'audience, il a, en outre, indiqué que, au cours de la même conversation
téléphonique, il a été informé du taux précis (39,4 %) du droit définitif qui serait
applicable aux importations des produits des requérantes dans l'Union européenne.
- 72.
- Même si c'est le conseil des requérantes qui a eu cette conversation téléphonique
du 29 novembre 1996 avec le fonctionnaire de la Commission, il convient de
considérer que ce sont les requérantes elles-mêmes qui ont eu connaissance des
informations communiquées au cours de cette conversation. Il est, en effet, constant
que ledit conseil représentait également les intérêts des requérantes au cours de
la procédure administrative.
- 73.
- Il y a donc lieu de conclure que, bien que le document d'information ne
mentionnât ni le fait que le taux du droit antidumping applicable à leurs produits
serait augmenté dans le règlement définitif, en raison du traitement individuel
accordé à WWS, ni le taux exact de ce droit, ces dernières ont néanmoins pris
connaissance, au cours de la procédure administrative, de ces éléments.
- 74.
- Toutefois, il convient encore de vérifier si les requérantes ont été informées de ces
«faits et considérations» en temps utile, au cours de la procédure administrative,
pour la préparation de leur défense.
- 75.
- Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l'article 20, paragraphe 5, du règlement de
base dispose: «Les observations faites après que l'information finale a été donnée
ne peuvent être prises en considération que si elles sont reçues dans un délai que
la Commission fixe dans chaque cas en tenant dûment compte de l'urgence de
l'affaire, mais qui ne sera pas inférieur à dix jours.»
- 76.
- Dans la présente affaire, la Commission a envoyé, le 29 octobre 1996, par télécopie
et par courrier, le document d'information aux requérantes. Ces dernières
disposaient du délai minimal de dix jours prévu à l'article 20, paragraphe 5, du
règlement de base pour déposer leurs éventuelles observations. Ce délai est venu
à échéance le 8 novembre 1996.
- 77.
- Ce n'est que le 29 novembre 1996 que les requérantes ont appris que l'octroi du
traitement individuel à WWS entraînerait une augmentation du droit antidumping
qui serait applicable aux importations de leurs produits dans l'Union européenne,
ainsi que le taux précis de ce droit antidumping (39,4 %). Ces informations
essentielles ne figurant pas dans le document d'information, il s'ensuit que les
requérantes n'ont pas reçu une information suffisante leur permettant d'assurer la
défense de leurs droits avant l'échéance du délai fixé par la Commission pour le
dépôt de leurs éventuelles observations.
- 78.
- En outre, le Tribunal considère que la Commission a dû constater, à la suite de la
conversation téléphonique du 29 novembre 1996 entre le conseil des requérantes
et M. Knoche, que le document d'information était incomplet. La Commission n'a
toutefois pas communiqué aux requérantes une version complète du document
d'information à la suite de cette conversation téléphonique et ne leur a pas non
plus imparti, au titre de l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base, un délai
pour le dépôt de leurs éventuelles observations.
- 79.
- Les constatations qui précèdent ne permettent cependant pas, en tant que telles,
de conclure à l'existence d'une violation des droits de la défense des requérantes
au cours de la procédure administrative. Il ne saurait en effet être question d'une
telle violation s'il était établi que, en dépit de l'attitude passive des services de la
Commission, les requérantes ont été en mesure, au cours de la procédure
administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur les informations
dont elles ont pris connaissance à l'occasion de la conversation téléphonique du 29
novembre 1996.
- 80.
- Il convient de souligner, à cet égard, que l'article 20, paragraphe 5, du règlement
de base, qui fixe un délai minimal pour le dépôt d'éventuelles observations, est une
disposition claire et précise qui ne laisse aux institutions communautaires aucune
marge d'appréciation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 19 novembre 1991,
Francovich e.a., C-6/90 et C-9/90, Rec. p. I-5357, point 19). Il est donc permis de
considérer qu'une entreprise qui reçoit communication, au cours de la procédure
administrative, de faits et considérations essentiels au sens de l'article 20,
paragraphe 2, du règlement de base, dispose, en l'absence de toute indication par
les institutions communautaires du délai qui lui est imparti pour déposer ses
éventuelles observations, d'un délai minimal de dix jours en vertu de l'effet direct
de la disposition de l'article 20, paragraphe 5, du règlement de base.
- 81.
- Il s'ensuit que, en l'espèce, les requérantes disposaient d'un délai de dix jours pour
le dépôt d'éventuelles observations concernant les éléments d'informations
essentielles qui ne figuraient pas dans le document d'information qui leur a été
transmis le 29 octobre 1996, et dont elles ont pris connaissance le 29 novembre
1996. Ce délai venait à échéance le 9 décembre 1996.
- 82.
- Les requérantes ne sauraient prétendre, comme elles l'ont fait lors de l'audience,
que la communication de certaines informations essentielles au cours de la
conversation téléphonique du 29 novembre 1996 est intervenue tardivement. Il est
en effet constant que la Commission a arrêté la proposition d'adoption du
règlement attaqué le 16 décembre 1996, et qu'elle l'a transmise au Conseil le même
jour (JO 1997, C 13, p. 2). Dès lors, si les requérantes avaient déposé des
observations avant le 9 décembre 1996, la Commission aurait encore pu en tenir
compte pour la rédaction de sa proposition.
- 83.
- Il s'ensuit que l'absence de mention, dans le document d'information, de
l'augmentation du taux du droit antidumping applicable à leurs produits en raison
du traitement individuel accordé à WWS, et du taux exact du droit définitif
(39,4 %), ne constitue pas une violation des droits de la défense des requérantes,
dès lors qu'il est établi qu'elles ont pris connaissance de ces éléments à l'occasion
d'un entretien téléphonique avec un fonctionnaire de la Commission, à une date
leur permettant encore de faire connaître utilement leur point de vue à cet égard
avant l'adoption par la Commission de sa proposition en vue de l'adoption durèglement attaqué.
- 84.
- Le troisième grief formulé par les requérantes à l'appui de leur moyen doit donc
également être rejeté.
Sur la prétendue violation de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base
- 85.
- Les requérantes soutiennent qu'une conversation téléphonique ne dispense pas la
Commission de fournir une information précise par écrit, comme le prévoit l'article
20, paragraphe 4, du règlement de base. Le non-respect de cette disposition du
règlement de base justifierait l'annulation du règlement attaqué.
- 86.
- S'il est certes exact que l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base prévoit que
«l'information finale doit être donnée par écrit», il convient toutefois de souligner
que l'article 20, paragraphe 3, dudit règlement dispose également que les demandes
d'information «doivent être adressées par écrit à la Commission». Or, lors de
l'audience, le conseil des requérantes a reconnu que, en l'espèce, celles-ci n'ont
jamais introduit une demande écrite en ce sens. Les requérantes, qui reconnaissent
ne pas avoir respecté les dispositions de l'article 20, paragraphe 3, du règlement de
base, ne sauraient, dès lors, faire grief aux institutions communautaires de ne pas
avoir confirmé par écrit les informations qui leur ont été communiquées au cours
de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996.
- 87.
- Il convient, en outre, de souligner que les dispositions de l'article 20 du règlement
de base visent à protéger les droits de la défense des parties intéressées au cours
de la procédure administrative. Il s'ensuit que, en l'espèce, le non-respect du
prescrit de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base ne pourrait conduire
à l'annulation du règlement attaqué que s'il était établi que cette circonstance a
affecté la défense des requérantes. Même si, dans les hypothèses où les institutions
communautaires communiquent oralement un élément d'information, celles-ci
pouvaient éprouver des difficultés à «réunir les éléments permettant de prouver
[...] la certitude d'une telle communication» (arrêt Al-Jubail Fertilizer et Saudi
Arabian Fertilizer/Conseil, précité, point 20), en l'espèce, les requérantes elles-mêmes ont admis que les services de la Commission les avaient informées par
téléphone, le 29 novembre 1996, de l'augmentation du taux du droit antidumping
définitif applicable à leurs produits, en raison du traitement individuel accordé à
WWS, ainsi que du taux exact du droit définitif. Comme, en outre, il a été constaté
que les requérantes ont été en mesure de faire valoir utilement leur point de vue
sur ces éléments au cours de la procédure administrative, il y a lieu de conclure
que le non-respect du prescrit de l'article 20, paragraphe 4, du règlement de base
pour ce qui concerne les faits et considérations dont les requérantes ont pris
connaissance au cours de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 n'a
pas affecté leur défense.
- 88.
- Le quatrième grief formulé par les requérantes à l'appui de leur moyen doit donc
également être rejeté.
- 89.
- Il résulte de tout ce qui précède que les requérantes ne sont pas parvenues à
démontrer que le caractère incomplet du document d'information les avait
empêchées d'exercer utilement leurs droits de la défense au cours de la procédure
administrative. Dans ces conditions, il convient de rejeter le moyen tiré d'une
violation des droits de la défense et, par voie de conséquence, le recours dans son
intégralité.
Sur les dépens
- 90.
- Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal,
toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Toutefois, en vertu de
l'article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le Tribunal peut décider
que chaque partie supporte ses propres dépens pour des motifs exceptionnels. En
vertu de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les
institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. En
outre, l'article 87, paragraphe 4, second alinéa, du même règlement énonce que le
Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante, autre qu'un État membre ou
une institution, supportera ses propres dépens.
- 91.
- Même si, en l'espèce, le recours doit être rejeté, le Tribunal estime qu'il y a lieu
de faire application des articles 87, paragraphe 3, premier alinéa, et 87, paragraphe
4, premier et second alinéas, du règlement de procédure et d'ordonner que
chacune des parties supportera ses propres dépens. Le Tribunal considère, en effet,
que, à la suite de la conversation téléphonique du 29 novembre 1996 entre le
conseil des requérantes et un fonctionnaire de la Commission, cette dernière aurait
dû leur communiquer, sans tarder, une version complète du document
d'information et leur impartir un délai pour la présentation de leurs éventuelles
observations. Le Tribunal estime que, si la Commission avait agi de la sorte, le
présent litige aurait pu être évité.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.
LindhGarcía-Valdecasas
Lenaerts
Cooke Jaeger
|
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 1998.
Le greffier
Le président
H. Jung
P. Lindh